Pour ce métier en Palestine,voir Arts et métiers. Nous nous en tenonsici à la question de la profession de Joseph et, par suite, de Jésus.D'après Mr 6:3, lorsque Jésus prêche dans la synagogue deNazareth, ses compatriotes disent: «N'est-ce pas le charpentier, lefils de Marie?» D'après le parallèle Mt 13:55: «N'est-ce pas lefils du charpentier, et sa mère ne s'appelle-t-elle pas Marie?» On aconclu de ce rapprochement que Joseph dut mourir de bonne heure, et«le fils du charpentier» devenir assez tôt «le charpentier». Cette hypothèse est extrêmement probable, et généralement admise.Toutefois il n'est nullement impossible que le rédacteur final del'évangile selon saint Matth. ait jugé plus respectueux envers leSeigneur de ne pas le désigner par un titre de travailleur manuel;cette idée a même, déjà dans de très anciens manuscrits, faitcorriger par des scribes l'expression de Marc pour la conformer à cellede Matthieu Ainsi Origène (Contre Celse, 6:36) dit que «nulle part dansles évangile employés par les Églises, Jésus lui-même n'est appelécharpentier». Au contraire, Justin Martyr (Dial. Tryph., 88)avait dit que «lorsqu'il fut parmi les hommes, il travailla commecharpentier, fabriquant jougs et charrues, enseignant par là lessignes de la justice et recommandant la vie d'activité». Et l'onraconte cette anecdote à propos de Libanius, sophiste païen,contemporain de Julien l'Apostat qu'il admirait beaucoup: comme ildemandait à un chrétien ce que faisait donc maintenant lecharpentier, la réponse fut: «Il fabrique un cercueil...» et lanouvelle de la mort de Julien serait survenue peu de temps après. Quant à la nature même de la profession désignée dans ces textespar le grec tektôn, c'est certainement une limitation tropétroite qu'en donne la traduction charpentier. Comme le latin faber qu'emploie Jérôme dans la Vulgate, et comme l'hébreu hôsêh auquel il correspond, le terme tektôn désigne unconstructeur en général (comp. architecte), métier qui dans lesvillages palestiniens comportait beaucoup plus de travaux demaçonnerie et probablement de forge que de charpente et demenuiserie; de plus, les maçons sont encore aujourd'hui nombreux aBethléhem, d'où ils vont travailler en diverses villes pendant toutela belle saison; on peut admettre que tel était le cas de Joseph,qui, originaire de Bethléhem (Lu 2:4), finit par s'établir àNazareth (Mt 2:22). On a remarqué que si les allusions de Jésusau travail du bois sont très rares (Mt 7:3,5,Lu 23:31), cellesqu'il fait au travail de la pierre sont plus nombreuses: (Mt 7:2416:18 21:33,Lu 14:28,30 20:17; et, parmi les Agrapha [v. ce mot)«Ote la pierre, et là tu me trouveras; fends le bois, et je suislà!»). Pour cette conception fort probable du «constructeur»,voirSchneller, Connais-tu..., ch. I; A. Westphal, N. d'aprèsTém., II, p. 121SS; Dalman, Itin., pp. 103-106, s'en tientplutôt à la notion traditionnelle. Un passage apocryphe curieux (Sir 38:24-34) déclare letravail manuel incompatible avec l'étude et la piété: «...Celui quin'a pas d'occupation s'instruit. Comment pourrait s'instruire celuiqui tient la charrue? Tel est le cas de tous les artisans et constructeurs, qui travaillent nuit et jour...Sans eux, on nepourrait bâtir de ville...Mais ils ne se distinguent pas dansl'assemblée, ils sont incapables d'énoncer de sages maximes...et leurprière même a pour objet les travaux de leur métier. Il en estautrement de celui qui s'adonne à la crainte de Dieu et à laméditation de la Loi du Très-Haut.» Il est à remarquer que cette pagesuit de près l'éloge du médecin (Sir 38:1,15), et qued'après Lu 4:22 c'est à la question des gens de Nazareth:«N'est-ce pas le fils de Joseph?» que Jésus répond en citant leproverbe: «Médecin, guéris-toi toi-même!» On peut donc se demanders'il n'y eut pas quelque chose de l'étrange conception du Siracidedans leur surprise, puis dans leur fureur contre le «constructeur»qui faisait preuve «dans l'assemblée» de tant de sagesse, depuissance et de foi. Jn L.