Du latin coena =souper, dîner, et peut-être surtout dîner encommun (cf. l'origine grec de coena: koïnos =qui est en commun).Ce mot désigne le dernier repas pris par Jésus avec ses apôtres, laveille de sa mort, et plus particulièrement le sacrement qu'il ainstitué au cours de ce repas. Mais il désigne aussi le repascommémoratif, réduit à ses éléments essentiels, que des chrétiensprennent ensemble en souvenir du repas d'adieux de Jésus et de samort, et pendant lequel ils célèbrent le sacrement institué par leMaître. La Cène est encore appelée (1Co 11:20) «le repas duSeigneur». (cf. 1Co 10:21, «la table du Seigneur») Il se peutque l'action de «rompre le pain» dont il est parlé dans Ac2:42,46 et Ac 20:7 soit une allusion à la célébration de laCène, mais ce n'est pas absolument sûr. Le nom d' «eucharistie»,également donné à la sainte Cène et qui veut dire «action de grâces»,est emprunté aux textes: 1Co 11:24,Mt 26:26 et suivant, Mr14:22 ,Lu 22:19. La désignation moderne de «communion», devenuesynonyme de sainte Cène, est dérivée de 1Co 10:16. Le sens deces diverses appellations se précisera davantage par les observationsfaites au cours de cet article. Le N.T. contient quatre récits de l'institution de la Cène: lepremier dans 1Co 11:23-25 et les trois autres dans les évangilessynoptiques (Mr 14:22-25,Mt 26:26-29,Lu 22:15-20). Jeanmentionne, il est vrai, le repas d'adieux (Jn 13:2 et suivants),mais ne dit rien de l'institution du sacrement. On a cherché à rendrecompte de ce silence, étonnant de prime abord de la part del'évangéliste qui insiste le plus sur la nécessité et sur le prixd'une intime communion de l'âme du croyant avec le Sauveur. D'aucunsont tiré argument de ce silence pour dire que Jean n'a rien su del'institution de la Cène, et que par conséquent elle n'a dûapparaître que plus tard dans la pratique de l'Église. Mais cetteinterprétation est formellement contredite par le texte de la 1 reaux Cor. qui montre que la célébration de la Cène était un usageconstant au temps de saint Paul, antérieurement donc à la rédactiondu 4 e évangile. D'autres ont pensé que Jean n'avait pas jugé àpropos de relater l'institution de la Cène parce que le récit s'entrouvait déjà dans la narration synoptique. Cette réponse ne paraîtpas suffisante, car dans d'autres cas Jean n'hésite pas à redire cequ'on trouve déjà dans les évangiles antérieurs. (Voir, par ex., larelation de la multiplication des pains: Jn 6:1-13, cf. Mt14:1-21,Mr 6:34,44. Voir aussi la mention du reniement de Pierre,Jn 18:15-18,25-27; cf. Mt 26:69-75,Mr 14:66-72) Dira-t-onque le spiritualisme de Jean s'accommodait mal d'un acte que laplupart, de son temps déjà, considéraient comme essentiellementrituel, et qu'il a voulu désavouer implicitement cet acte en lepassant sous silence? Mais à supposer que ce fût là l'intention deJean--et ce n'est qu'une pure conjecture--, il paraît bien peuvraisemblable qu'il se soit résolu à se mettre ainsi en contradictionavec un usage aussi fortement établi dans la vie de l'Église. Cedésaveu, même implicite, de ce que l'Église tenait pour un sacrementinstitué par le Seigneur et pour un mémorial de son sacrifice, n'eûtservi qu'à scandaliser les croyants et qu'à rendre suspect letémoignage de l'évangéliste. Non, l'auteur du 4 e évangile n'a pasvoulu désavouer l'institution de la Cène, mais, dans sa préoccupationdominante de mettre surtout en relief le côté spirituel de touteschoses et le prix d'une communion permanente de l'âme avec Celuiqui est devenu le principe même de sa vie (voy. dans Jn 6 lediscours sur le pain de vie et dans Jn 15:4-6 l'allégorie du cep etdes sarments), il n'a vu, semble-t-il, dans la communioneucharistique, qu'un moment particulier d'un état d'âme qui doit êtrehabituel chez le croyant, et sa pensée ne s'est pas arrêtée auxcirconstances extérieures et occasionnelles de cette communion. A propos de la relation du dernier souper de Jésus avec sesdisciples, tel qu'il est rapporté par le 4 e évangile, il se poseencore une question: la question de date. Nous ne l'abordons pas ici;on la trouvera traitée dans l'article Chronologie du N.T., I, parg. 4. Venons-en maintenant aux quatre récits que le N.T. nous aconservés de l'institution de la Cène. On peut relever entre eux desvariantes d'importance inégale. Nous ne pouvons nous attarder iciqu'à la plus considérable. Elle ressort de la comparaison desrelations de Matthieu et de Marc d'une part, et de Luc et de Pauld'autre part. Les mots: «Faites ceci en mémoire de moi», prononcéspar Jésus, ne se trouvent en effet que dans Lu 22:19 et dans1Co 11:24 et suivant. On saisit sans peine toute la portée decette différence: dans le premier cas (Mt et Mc) la Cène apparaîtcomme un repas solennel qui a eu lieu une fois pour toutes, qui n'apas à être renouvelé. Dans le second cas, au contraire, la Cène estun acte rituel dont la répétition indéfinie a fait l'objet d'un ordreformel du Seigneur. La question se pose donc de savoir lequel de cesdeux groupes de récits reflète le mieux la réalité, exprime le plusexactement la pensée de Jésus. Nous ne pouvons entrer ici dans ledétail des controverses auxquelles ce problème a donné lieu, et desexplications plus ou moins ingénieuses qu'on a parfois hasardées pourharmoniser les différents récits. Une considération tirée de la chronologie nous paraît de la plusgrande importance: la 1 re aux Cor. est très certainement antérieure,peut-être d'une trentaine d'années, au plus ancien de nos récitssynoptiques: n'est-ce pas une raison suffisante pour donner lapréférence à la relation paulinienne de l'institution de la Cène, quele récit des deux premiers synoptiques ne contredit d'ailleurs pas,mais qu'il nous offre sous une forme plus ramassée, plus concise, eny omettant ce qui n'était pas directement en rapport avec le butparticulier visé par les deux premiers évangélistes. Au reste, onconçoit difficilement que saint Paul ait osé donner, dans son récitde la Cène, comme venant de Jésus lui-même, l'ordre formel de répétercet acte «en mémoire de lui», si Jésus n'avait rien dit de pareil.Comment Paul aurait-il pu ajouter qu'il tenait son récit «duSeigneur»? Cela ne signifie d'ailleurs pas nécessairement que cequ'il rapporte au sujet du repas eucharistique lui a été révélédirectement, sans aucun intermédiaire, à la faveur d'une interventionspéciale et personnelle du Christ glorifié, par exemple dans unevision. On ne voit pas bien, en effet, la nécessité d'une telleintervention à un moment où le récit de la Cène était déjà connu detous, dans l'Église. Le fait que l'apôtre semble insister sur le caractère personnelde la révélation qu'il a reçue, en disant: «Pour moi (ego) j'aiappris du Seigneur» (1Co 11:23), ne semble pas décisif. On peuttrès bien admettre, avec la plupart des commentateurs d'aujourd'hui,que l'apôtre a reçu du Seigneur ce qu'il dit de la Cène, mais par lemoyen des autres apôtres qui, à Jérusalem, avaient pleinementapprouvé son évangile et son ministère, et lui avaient donné la maind'association (Ga 1:18 2:9). D'autre part, cette conformité, au moins pour tout l'essentiel,de l'évangile de Paul avec celui des apôtres qui avaient accompagnéJésus pendant son ministère terrestre, nous paraît suffisante pourréduire à néant la thèse très en vogue dans certains milieux pour quil'évangile du salut et, dans l'évangile, le récit de l'institutionseraient une pure invention de Paul ou une adaptation à la religionchrétienne d'une certaine idée païenne de la rédemption (par lesacrifice d'un dieu), idée qu'il aurait empruntée au culte desMystères (cela n'exclut d'ailleurs pas la possibilité d'un empruntfait par l'apôtre à la langue des Mystères, de certains termes qu'ilaurait christianisés en quelque sorte et incorporés dans sonvocabulaire théologique, pour mieux se faire comprendre de telsanciens païens à qui s'adressaient ses épîtres;voir Mystère). Abordons maintenant la narration même de l'institution de laCène, et demandons-nous quelle fut, dans cette circonstance, lavéritable pensée, l'intention profonde et miséricordieuse duSeigneur. D'après les Synoptiques (Mt 26:17-19,Mr 14:12,36,Lu22:7-13), indirectement confirmés par ce que dit Paul quand ilappelle Christ «notre agneau pascal» (1Co 5:7), il est hors dedoute que Jésus, le soir des adieux, a voulu prendre avec ses apôtresle repas de la Pâque prescrit par la Loi (Ex 12:24 etsuivant;voir Paque), et que ce repas fut l'occasion de l'institutiondu sacrement eucharistique. Le repas pascal, en unissant les enfants d'Israël plusétroitement les uns aux autres par la communauté d'un grand souvenir,devait aussi--et surtout--les unir d'une manière plus intime au Dieuà qui ils appartenaient à un double titre, puisqu'il était en mêmetemps que leur Créateur leur Libérateur, Celui qui les avait sauvésde «la maison de servitude», et les avait appelés ainsi à l'existenceen tant que peuple indépendant et organisé. Jésus, venu non pourabolir mais pour accomplir (Mt 5:17), et qui a toujours vouluaffirmer son étroite solidarité avec son peuple, a tenu à prendreavec ses disciples le repas commémoratif de la Pâque tel qu'il vientd'être défini. Mais au sens primitif, religieux et national du repastraditionnel, il va surajouter une signification nouvelle,complémentaire et toute spirituelle, et c'est la seule qui compteraet restera après lui, substituée à la première, dans la pratique del'Église: au cours du repas il accomplit un acte symbolique destiné àgraver au plus profond de l'âme de ses disciples non seulement lesouvenir de sa mort, mais l'idée du véritable caractère de cettemort, don total de lui-même, sacrifice librement consenti pour sesdisciples et pour le monde entier (Mr 10:45,Mt 20:28,Jn10:11,16,17). Hanté par la pensée de sa fin toute proche, il prenddu pain, le rompt, comme faisait le père de famille au début du repaspascal (on rompait toujours le pain chez les Juifs) et, après avoirrendu grâces, le donne à ses disciples en leur disant (D'après lesdifférents récits combinés): «Prenez, mangez, ceci est mon corps quiest donné (ou rompu) pour vous. Faites ceci en mémoire de moi.» Puis,«quand ils eurent dîné» (Lu 22:20,1Co 11:26), prenant la coupe(la troisième du repas, appelée la «coupe de bénédiction»), il laleur donna en disant: «Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sangde la nouvelle alliance, lequel est répandu en faveur d'un grandnombre, pour la rémission des péchés» (ces cinq derniers mots d'aprèsMatthieu seul; d'après Luc et Paul: «cette coupe est la nouvelle alliance enmon sang»). Il est impossible de méconnaître le rapport qu'il y a entrel'expression employée ici par Jésus: «le sang de la nouvellealliance» (ou «la nouvelle alliance en mon sang») et celle qui estattribuée à Moïse quand, au pied du mont Sinaï, il met en quelquesorte le sceau sur l'alliance contractée par JHVH avec le peupled'Israël (Ex 24:8). D'autre part, le rapport entre la parole deJésus et la prophétie de Jérémie (Jer 31 et suivants, cf. Heb8:8 ss) n'est pas moins évident. Les paroles prononcées par Jésus au moment d'offrir la coupe auxconvives ont donné lieu à de vives controverses que nous ne pouvonsrappeler ici. Par contre, celles qu'il a dites en leur donnant lepain rompu sont admises par la très grande majorité des critiques.Remarquons aussi que les mots «pour vous» se trouvent dans les quatrerécits de la Cène. Cela nous suffit pour pouvoir affirmer sanshésitation qu'en instituant la Cène Jésus a voulu caractériser samort comme un don complet de lui-même, un sacrifice total consentipour ses disciples d'abord, mais aussi pour l'humanité tout entière. Il n'est peut-être pas de paroles de l'Écriture qui aient prêté àplus de discussions entre les critiques et entre les différentesÉglises chrétiennes, discussions passionnées, véhémentes, que lescélèbres paroles de l'institution. Convient-il de voir dansl'expression: «Ceci est mon corps», plus qu'une manière figurée deparler? Faut-il, prenant ces mots dans leur sens le plus littéral etmatériel, penser qu'à ce moment solennel entre tous, Jésus a voulucommuniquer la substance même de son corps à ses apôtres, à la faveurd'une transformation soudaine, miraculeuse, encore que mystérieuse etimperceptible aux sens, des «éléments» de la Cène--le pain et levin--, si bien que les apôtres auraient vraiment absorbé quelquechose de sa chair et de son sang, tandis que les éléments (ou, commedisent les théologiens, les «espèces») seraient apparemment restésles mêmes? Ou bien faut-il croire, sans admettre cette transmutationmiraculeuse, que les «espèces» restant ce qu'elles étaient enréalité, le corps spirituel et mystique du Christ est venu s'ysurajouter en quelque sorte, dans l'invisible, au moment de laconsécration des éléments et qu'il fut absorbé et assimilé en mêmetemps qu'eux? L'examen approfondi de ces questions relève de ladogmatique et ne peut trouver place ici. Nous dirons seulement que letexte des paroles de l'institution ne nous paraît rien impliquer dece que nous venons de voir. Il est reconnu aujourd'hui qu'on ne peuttirer argument du mot «est» dans l'expression: «Ceci est mon corps»,car dans un cas semblable l'araméen, que parlait Jésus, n'employaitgénéralement pas le verbe auxiliaire, en sorte que Jésus a dû dire:«Ceci, mon corps.» Cela pourrait tout aussi bien se traduire par:«Ceci représente (symbolise) mon corps.» D'ailleurs l'emploi du verbe«être» lui-même ne serait pas encore décisif. Il est hors de douteque ce verbe est parfois employé pour indiquer une simplecomparaison, quand, par exemple, voyant le portrait de quelqu'un, ondit: «C'est bien lui», ou quand, regardant un enfant, on dit: «C'esttout à fait son père.» On pourrait citer, du reste, un bon nombre depassages bibliques où le verbe «être» est employé dans le cas d'unesimple comparaison et non point d'une identité substantielle. (cf.Ge 17:10 41:26,Mt 13:37,Jn 15:1,5 etc.) Cette façon des'exprimer était très répandue en Israël. C'est ainsi que Moïse diten instituant la Pâque: «Ceci (=l'agneau pascal) est la Pâque(=le passage) de l'Éternel» (Ex 12:11), ce qui veut dire quel'agneau pascal devait rappeler aux enfants d'Israël le passagede l'ange de l'Éternel sur l'Egypte et la façon dont il les avaitépargnés. Que cette explication n'ait qu'un sens figuré, purementsymbolique, c'est l'évidence même (cf. l'expression: «Cette coupeest la nouvelle alliance en mon sang»; une coupe [ou son contenu] n'est pas une alliance, elle ne peut que la symboliser). Jésus adû hésiter d'autant moins à parler comme il l'a fait que justementMoïse avait employé une expression analogue et que l'usage del'allégorie était plus répandu dans la langue de son peuple, et toutparticulièrement dans la prédication des prophètes, dont il s'étaitnourri. On comprend très bien que Celui qui aimait parler enparaboles pour rendre plus concrète et plus impressive la véritéreligieuse et pour la graver plus profondément dans les coeurs, aitlégué à ses apôtres, au moment de les quitter, sa suprême pensée dansun acte symbolique qu'on a pu appeler une parabole en action. Quant à prétendre que Jésus a voulu distribuer aux apôtres soncorps mystique, spirituel (qu'il ne devait revêtir, par ailleurs,qu'après sa glorification), c'est une explication que les paroles del'institution ne justifient en aucune façon, pas plus qu'aucun destextes pauliniens qui font allusion au «repas du Seigneur». Onpourrait bien plutôt objecter le passage de 1Co 15:50, oùl'apôtre déclare expressément que ni la chair ni le sang ne peuventhériter du royaume de Dieu et, par conséquent, ne peuvent êtreattribués à l'organisme spirituel du Ressuscité glorifié dont ilserait ici question. Toute théorie qui affirme la manducation du corps même de Jésusaboutit d'ailleurs logiquement à cette extraordinaire et choquanteconclusion, que le Maître a lui-même mangé son propre corps et buson propre sang. (cf. Lu 22:15) Enfin, l'argument qu'on a crupouvoir tirer des conséquences de communions indignes, (voir 1Co11:27-32, où il est question d'infirmités, de maladies et même decas mortels) conséquences attribuées à une mystérieuse influence ducorps mystique de Jésus absorbé par le communiant, n'a rien deprobant. Le fait de ne pas savoir «discerner (ou reconnaître) lecorps du Seigneur» (1Co 11:29), c'est-à-dire de ne pas accepterpar la foi le don que le Christ a fait de lui-même pour sauver lespécheurs et que symbolisent le pain rompu et le vin répandu, n'attirepas sur le pécheur, comme le croient bien des chrétiens, lacondamnation éternelle, mais un châtiment temporaire et temporelinfligé par Dieu dans une intention pédagogique pour sonamendement (1Co 11:32). Toutefois ce serait singulièrement amoindrir la signification dela Cène que d'y voir, sans plus, la préfiguration ou le mémorial dela mort de Jésus sur la croix. Il ne faut jamais séparer du souvenirde cette mort la pensée de l'immense bienfait qui en est résulté pourles croyants de tous les temps. D'après tout le N.T., le sacrifice duFils de Dieu a été la condition et restera à tout jamais le gage dela rémission des péchés et du salut apporté au pécheur, comme le sangrépandu au moment de la Pâque et au pied du Sinaï était pour Israëlle gage du bon vouloir de l'Éternel à son égard, la garantie del'alliance qu'il avait conclue avec son peuple. «Se souvenir du Christ, a dit très justement Mélanchton..., c'estse rappeler les bienfaits du Christ et les accepter par la foi, afind'être vivifié par eux» (Apol. de la Confess. d'Augsbourg, XII,parag. 72). Comme le corps ne vit qu'en assimilant de la nourriture, ainsile chrétien qui communie s'assimile par un acte de foi tout lebienfait de la rédemption, le pardon complet de Dieu, le salut que lesacrifice du Christ lui a procuré, et dont la certitude devient leprincipe même de sa vie renouvelée. Réconcilié avec Dieu, il se saitentré dans l'alliance de grâce, l'alliance nouvelle annoncée par lesprophètes. En communiant, il affirme chaque fois à nouveau la valeurrédemptrice et la vertu vivifiante de la mort du Sauveur, il se faiten quelque sorte à la face du monde le héraut de la bonne nouvelle del'amour de Dieu manifesté au Calvaire (tel est le sens del'expression: «Vous annoncez la mort du Seigneur», 1Co 11:26).«Jusqu'à ce qu'il vienne», ajoute l'apôtre, car la Cène est aussi legage de la rédemption finale des enfants de Dieu, «sauvés enespérance» (Ro 8:24; voir tout le passage; v. 18, 25). Il vasans dire qu'elle doit être aussi l'occasion d'une consécrationnouvelle, d'un don total du croyant, corps et âme, à Celui qui s'estsi complètement donné à lui, au Dieu Sauveur qui l'a racheté à un sigrand prix (1Pi 1:18,20). Le chrétien doit souffrir et mouriravec Lui pour revivre aussi déjà ici-bas, avec Lui par son Esprit(Ro 8:16 et suivant, Col 3:11,Ga 2:20). Il doit vivre enparticulier, comme son Maître, d'une vie d'amour fraternel (1Jn4:,19 et suivant). La Cène, communion avec le Dieu d'amour, estaussi un repas de communion fraternelle (cf. le mot «agape» quidésignait le repas fraternel pris en commun par les premierschrétiens et pendant lequel était célébrée la sainte Cène: agapê veut dire «amour»). Par là la Cène devient le signe caractéristique,le signe de ralliement en quelque sorte de l'Église, communauté desrachetés du Crucifié Ressuscité (1Co 10:17, cf. Jn 13:35).Et enfin, si la Cène est essentiellement le gage sensible de l'AmourRédempteur, si le croyant doit la prendre non pour être sauvé, mais parce que, se sachant sauvé, il veut se fortifier ainsi danscette bienheureuse conviction, comment pourrait-il communierautrement qu'avec un coeur débordant de gratitude et de joie? Lerepas pascal avait déjà ce caractère, et nous savons que le chant yavait sa place. Jésus et les apôtres ont aussi chanté, lors du repasd'adieux dans la chambre haute (Mt 26:30,Mr 14:26). Autant queson nom de «communion», la sainte Cène mérite donc celui d'«eucharistie», c'est-à-dire d' «action de grâces», que l'Église lui adonné dès la plus haute antiquité, déjà dans saint Ignace et dans laDidachè. Voir Agape, Communion, Chair. M. M.