1. La notion philosophique de cause, c-à-d. le principe de la causalitéqui se trouve à l'origine de tout fait et de toute existence, étaitétrangère à la pensée israélite, qui répugnait à l'abstraction etignorait l'idée moderne de loi générale du monde. L'argument appelécosmologique depuis Kant, D'après lequel ce monde est un effetcontingent qui suppose une cause première nécessaire, est indiquésous forme populaire par saint Paul (Ro 1:19 et suivant) et parson disciple l'anonyme auteur de l'épître aux Heb: «II n'y a pas demaison qui n'ait été construite par quelqu'un; or, celui qui aconstruit toutes choses, c'est Dieu.» (Heb 3:4). Cettepersonnification de la cause première en Dieu, Dieu vivant etagissant, le Dieu de toutes les initiatives, domine toute laRévélation biblique des deux alliances, mais comme une convictionintuitive des croyants inspirés, et non comme la conclusion d'unraisonnement métaphysique (voir Dieu). Pour l'ancien Israël, Dieuétait la «cause suprême et absolue de tout» (Oehler); il l'étaitdirectement, car on ne distinguait pas entre cause première et causessecondes, entre volonté providentielle et lois naturelles: letonnerre était sa voix (Ps 29:3), la glace provenait de sonsouffle (Job 37:10), etc. Il était même la cause des souffranceset du mal: qu'on lise les affirmations intrépides des prophètes:Am 3:6,La 3:37 et suivant, Esa 45:7. Ce dernier point devue souleva d'ailleurs, avec les malheurs du Royaume et le désastrede l'exil, le troublant problème du mal, sujet du poème de Job et decertains Psaumes (Ps 37,Ps 73). La pensée religieuse israélite nevoulut jamais admettre, en tout cas, que Dieu pût être cause dupéché, ni comme auteur, ni comme instigateur (Jas 1:13 etsuivants), et le récit de la chute l'attribue à une puissanceadverse (Ge 3), comme la parabole de l'ivraie affirme l'oeuvred'un ennemi (Mt 13:23). Voir Cosmogonie et Chute.--Tout problèmedes origines demeure enveloppé d'un certain mystère; mais lesprophètes et l'Évangile projettent la pleine lumière sur le problèmedes destinées ; pour employer le langage philosophique, en Dieu la«cause première», voilée, a pour contrepartie la «cause finale»,révélée: car son but suprême, son dessein permanent, est lasuppression de la souffrance, la défaite du péché et le salut dupécheur pour l'établissement du Royaume. (cf. Jn 9:1-5,Ro11:32,1Co 15:24-28, etc) C'est le plan de sarédemption: l'iniquité des pécheurs est cause des meurtrissuresde son serviteur, mais il veut faire de ces meurtrissures la cause deleur guérison (Esa 53:5); l'Éternel agit ainsi, non à caused'eux, mais à cause de son saint nom, à sanctifier dans lemonde (Eze 36:22 et suivant). Cet «à cause de...» marque sondessein final de Dieu Sauveur et Roi. Calvin, appliquant à notresalut l'analyse des modes de la causalité, en distinguait quatrecauses: l'efficiente, savoir la miséricorde de Dieu; la matérielle,le Christ obéissant; l'instrumentale, notre foi; la finale, ladémonstration de sa justice et la glorification de son amour(Instit., III, 14:17, 21). C'est ainsi que les fidèles du SauveurJésus, «en perdant leur vie à cause de lui, laretrouveront» (Mt 10:39). L'humanité, comme l'individu, estappelée à pouvoir célébrer en Dieu «l'auteur, la source et la causede son éternel bonheur». Ici et là apparaît le terme de cause au sens restreint, personneresponsable (1Sa 22:22, 2Ma 13:4) ou circonstancesdéterminantes (Job 19:23, Sag 17:13): «l'idolâtrie, principe,cause et fin de tout mal» (Sag 14:27), la vocation de saint Paul quiest «la cause des maux qu'il endure» (2Ti 1:12). Mais l'idée estévidemment bien plus fréquente que le terme, tout le long desÉcritures. Les expressions courantes «à cause de vous» (Ro11:28), «à cause de mon espérance» (Ac 23:6), etc.,représentent de simples prépositions grecques équivalentes à «pour»,«en faveur de», etc. Dans Jn 15:25, «ils m'ont haï sans motif»serait d'un meilleur style que «sans cause», d'autant que c'est latrad. de la Vers. Syn. dans Ps 35:19 69:5, textes cités icipar Jésus; comp. Esa 52:4, etc., et dans le n° 25 du Psautier:«Qui nuit au juste sans cause.» (Voir Encycl., art. Cause.) 2. La notion judiciaire de cause, c-à-d. d'affaire à régler en justice,est familière aux auteurs sacrés; l'hébreu possède plusieurs termespour l'exprimer. Dabar est la parois, exactement la «palabre»des litiges africains: il s'agit des «petites causes», de la «causedes justes», etc. (Ex 18:22 23:8,De 1:17 17:8,2Sa 15:3 etc.),quelques fois au sens plus général de «cas» (Jos 20:4). Rîb souligne l'idée de contestation: c'est le procès àplaider (Pr 18:17 25:9), la cause de l'étranger, du pauvre, del'orphelin, de la veuve (Job 29:16,Pr 22:23 23:11,Esa 1:23), deBaal (Jug 6:31). évoque l'action du juge, dans la «c. despetits», «la c. sacrée de l'orphelin» (Pr 29:7,Jer 5:28), oudans le défi que le second Ésaïe lance aux idoles au nom du vraiDieu: «Présentez votre cause, exposez vos preuves!» (Esa 41:21).Dans le N.T., le terme grec correspondant, aïtia, désigneordinairement le «chef d'accusation» ou «motif decondamnation» (Mr 15:26 etc.), ou bien le sujet ou motif toutcourt (Mt 19:3,Ac 28:30 etc.); et l'on voit aussi saint Paul,au sens pr., défendre sa cause. (Ac 24:10 26:1, etc.; grec apologeïsthaï ) Il suit de là que maintes victimes de l'injustice, les opprimés,les persécutés, les malheureux, les «pauvres d'Israël», enparticulier aux époques tourmentées de la royauté et de l'exil, setournent vers Dieu pour lui soumettre avec confiance leur «cause». Cette figure était d'autant plus naturelle que les prophètesmettaient en scène le procès de Jéhovah avec les infidèles (Os4:1,Esa 1:18,Mic 6:2,Jer 25:31). Mais la «cause» des fidèlesélargit plus ou moins les termes hébreux précités (surtout les deuxderniers), depuis le sens de «procès» jusqu'à celui de «parti» et d'«intérêt». David proscrit par Saül demande que Dieu défende sacause (1Sa 24:16); le livre de Job, poème de la souffranceinjuste, porte devant Dieu la cause du héros (Job 5:8 35:1436:17, et aussi Job 13:18 et Job 23:4, où l'hébreu est michpât =justice). Les croyants des Ps crient: «O Dieu, défendsma cause!» (Ps 35:23 43:1 119:154), ou bien lui rendent grâcesde l'avoir défendue (Ps 9:5, cf. La 3:58); notre Psautieren vers franc, employait encore cette expression dans Ps 7:8 10:1417:2. Les prophètes attendent, affirment ou annoncent que l'Éternelse charge de leur cause et de celle de son peuple (Mic 7:9,Jer11:20 20:12 30:13 50:34 51:36,Esa 51:22). Certains de cespassages sous-entendent que la cause des justes est. la même quecelle de Dieu; mais la «cause de Dieu» n'apparaît guère que dansPs 74:23: «Lève-toi, ô Dieu, défends ta cause!» et dans Ro3:4: «Tu gagneras ta cause» (citation de Ps 51:6 d'après LXX). Les Huguenots persécutés comme les Israélites, dont ilschantaient les Psaumes, éprouvèrent comme eux le sentiment d'avoir àsoutenir devant les peuples et les rois une cause qui n'était passeulement leur cause, mais où ils voyaient aussi la cause de Dieu.Calvin, dans ses Sermons sur Job, insiste sur le fait que celui-ciplaide sa bonne cause d'une mauvaise manière, alors qu'une bonnecause conforme à la vérité doit se défendre par de bons moyens,fondés dans la vérité (OEuvres, éd. Strasb., t. 33, p. 23SS).Ailleurs Calvin distingue «les causes profanes du monde», les «causesappartenant aux prêtres», et «une cause de la foi» ou «une causespirituelle» (Instit., IV, I 1:15). Il est donc tout naturel queles Protestants, parlant du mouvement de la Réforme, l'aientvolontiers appelé, à partir, semble-t-il, de 1560 environ, «cettecause», «notre cause», «la cause», «leur bonne et juste cause», «sacause» (celle de Dieu), etc. (Lettre à la Reine mère en 1560, Bèze auColloque de Poissy, Testament de Coligny, etc., etc.). En ladésignant ainsi, non par esprit de contestation, mais commedéfenseurs de l'Évangile dans l'injuste querelle et le terriblecombat qui leur étaient imposés, ils remontaient d'instinct, àtravers les martyrs de l'Église, jusqu'aux psalmistes et auxprophètes, les témoins demeurés fidèles malgré tout à la Révélationde Jéhovah, Jn L.