Dans les trois premiers siècles de son histoire, l’Eglise était nettement distincte du monde dans lequel elle vivait. Ses frontières étaient spirituelles. Après le IVe siècle, elle a eu tendance à s’identifier avec l’ensemble des pays christianisés, séparée du monde païen par des limites géographiques. Cet état de choses a subsisté dans le Moyen Age et n’a pas été modifié à la Réforme. A partir de la fin du XVIIIe siècle, la situation va, peu à peu, devenir très différente.
1. Rupture avec le monde christianisé. Nous verrons comment les liens entre l'Eglise et les Etats nominalement chrétiens, liens très forts jusqu’alors, se sont relâchés et parfois rompus de nos jours. Dès 1787, la Constitution des Etats-Unis excluait l’existence d’une Eglise d’Etat.
De plus, des courants de pensée non chrétiens se manifestent. Pen-sons à la théorie de l’évolution, émise par Darwin (1809-1882) dans son ouvrage L’Origine des Espèces (1859), au positivisme du philosophe français Auguste Comte (1798-1857), qui, sans nier l’existence de Dieu, prétend que nous ne devons pas nous occuper de Lui, mais borner notre activité à étudier les phénomènes matériels.
Le socialisme marxiste, qui doit son origine à l’Israélite Karl Marx (1818-1883) est franchement matérialiste et athée. Son but est de répartir également entre tous les hommes le même bien-être matériel, au besoin par la violence. Dans son ouvrage Le Capital, il est hostile à la religion chrétienne, d’abord parce qu’il l’accuse de favoriser les riches, mais surtout parce qu’elle est « l’opium du peuple », par son mépris des biens terrestres et son espoir de l’Au-Delà.
Nietzche (1844-1900) est non moins hostile à l’Evangile. Dans sa haine pour tout ce qui est juif, il combat la doctrine de la chute et de la rédemption, ainsi que les vertus chrétiennes, en particulier la douceur et l’humilité. Il attend les « surhommes ».
Le psychiatre Sigmund Freud (1856-1939) a porté des coups sérieux à la religion en la présentant comme une aliénation de l’homme en proie à un complexe infantile.
Tout près de nous, l'existentialisme de Heidegger (1889-1976) et de Sartre (1905-1980) veut donner à l’homme une autonomie totale où la loi de Dieu n’a plus rien à faire.
Si, en plus de ces mouvements, nous songeons au succès remporté dans nos pays par des doctrines issues du paganisme hindou, comme le spiritisme et la théosophie, nous nous rendrons compte que, même nominalement, on ne peut plus identifier l’Eglise visible avec les pays christianisés.
2. Progrès des missions. D’autre part, en 1792, Carey fonda la Société missionnaire des Indes, et dès lors, au lieu de quelques efforts isolés comme aux siècles précédents, nous voyons à peu près toutes les Eglises rivaliser de zèle pour l’évangélisation du monde païen, et y créer des communautés indigènes nombreuses et florissantes.1
1 Dans le cadre de ce manuel, il ne nous est pas possible de raconter en détail cette épopée, et un bref résumé manquerait d’intérêt.
A l’heure actuelle, la chrétienté perd de plus en plus ses frontières géographiques. Presque tous les pays ont des chrétiens, et dans tous, il y a des païens déclarés. Nous ignorons ce que l’avenir nous réserve, ce que nous pouvons constater, c’est que l’Eglise d’aujourd’hui est plus près de la situation qu’elle occupait aux premiers siècles, société distincte du monde environnant, qu’elle ne l’a jamais été depuis le règne de Constantin.
LE PROTESTANTISME DE LANGUE FRANÇAISE
1. LE RÉVEIL DU DÉBUT DU XIXe SIÈCLE
1. Les Eglises avant le réveil. La fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe ont été marqués par le rationalisme et l’indifférence. Il y avait bien quelques pasteurs fidèles et quelques cercles moraves. Mais dans l’ensemble, les idées de Rousseau prévalaient, et ceux qui les combattaient s’exposaient à une violente opposition.
Ainsi à Genève, la Compagnie des pasteurs interdit en 1817 de prêcher sur la divinité de Christ, sur le péché originel, sur l’opération de la grâce et sur la prédestination. Parmi ceux qui étaient restés fidèles à la foi, mentionnons le professeur Daniel Encontre (1762-1818) de Montauban.
2. Haldane et ses disciples. C’est alors qu’un chrétien écossais, Robert Haldane (1764-1842), 1817 vint à Genève et réunit dans sa chambre d’hôtel quelques jeunes pasteurs et étudiants en théologie. Plusieurs se convertirent, d’autres qui étaient déjà nés de nouveau furent affermis dans leur foi. Les uns et les autres devinrent les instruments d’un réveil qui secoua presque toutes les Eglises de Suisse et de France.
César Malan (1787-1864), destitué de sa charge de pasteur à cause de ses idées évangéliques, fonda une Eglise libre à Genève, et effectua dans le Jura bernois des voyages dont l’influence se fait sentir encore aujourd’hui. Ses cantiques, les Chants de Sion, dont il composa les paroles et la musique, sont parmi les plus populaires de nos recueils.
Louis Gaussen (1790-1863) se distingua comme théologien. Son ouvrage sur la Théopneustie des Ecritures est devenu classique.1830 Destitué parce qu’il voulait instruire les enfants d’après la Bible et non d’après le catéchisme libéral en usage, il fonda la faculté de théologie de l'Oratoire, à Genève. Son collègue Merle d’Aubigné (1794-1872) composa une Histoire de la Réformation qui, malgré une documentation insuffisante, marque une date dans l’étude de l’histoire, ouvrant la voie aux historiens postérieurs. Pyt (1796-1835) a parçouru comme évangéliste diverses régions de la France, en prêchant le réveil.
Citons encore parmi les hommes de cette génération, Empeytaz (1790-1853) qui déjà avant l’arrivée de Haldane s’était converti dans des réunions moraves, Ami Bost (1790-1874) compositeur et évangéliste.
3. Félix Neff. Félix Neff (1798-1829), sans être disciple de Haldane, est venu à la foi grâce au réveil de Genève. Il a exercé son ministère dans les Hautes-Alpes, parmi les anciens Vaudois. Toujours en route, il prêchait, exhortait, conseillait. Il améliora les conditions matérielles de ces vallées reculées. Surtout, il fut l’instrument d’un merveilleux renouveau spirituel dans un milieu grossier et corrompu. Il mourut épuisé à 31 ans.
4. Alexandre Vinet. Au canton de Vaud, le rationalisme était moins avancé. Le Doyen Curtat réunissait les étudiants chez lui pour les stimuler à une piété vivante. Cependant, lorsque certains croyants voulurent se réunir en dehors des lieux de culte, le gouvernement prit des mesures contre eux.
Alexandre Vinet (1797-1847), né à Ouchy, puis professeur de français à Bâle, n’avait d’abord que peu de sympathie pour ces dissidents. Mais il se convertit dans les réunions organisées par la Mission de Bâle, et dans son Essai sur la manifestation des convictions religieuses, il intervint pour la liberté de prêcher l’Evangile, sans la tutelle de l’Etat. A la fin de sa vie, il fut nommé professeur de théologie et de littérature à Lausanne. Il donna sa démission, parce qu’on avait supprimé la Confession de foi et que l’Etat s’ingérait d’une manière abusive dans la vie de l’Eglise. Malgré sa santé précaire, il a beaucoup écrit. Citons son Homilétique et sa Théologie pastorale. Ses sermons, intitulés Discours et Etudes Evangéliques, sont particulièrement profonds.
Il a été l’un des champions de la liberté de conscience et de culte, souvent au milieu de beaucoup d’opposition. Il était en pleine sympathie avec l’esprit de réveil qui soufflait sur la Suisse. Il tenait cependant à mettre ses contemporains en garde contre les croyances faciles et superficielles. La foi, pour lui, doit se traduire par les œuvres et la doctrine reste inséparable de la morale.
Les libéraux se réclament souvent de lui. En réalité, il était très attaché à la Bible, comme étant la Parole de Dieu, et à toutes les doctrines qui s’y trouvent enseignées.
5. Le réveil méthodiste. Charles Cook (1787-1858) propagea en France le réveil méthodiste. Là où son message était accepté, il collaborait avec les Eglises réformées. Là où les pasteurs manifestaient de l’hostilité au réveil, il fonda des Eglises méthodistes dont quelques-unes subsistent encore aujourd’hui.
Le réveil à Genève.
... Le réveil continuait à fermenter. Seulement la théologie de ce réveil était faible ; nous avions de la foi, du zèle, quelque amour pour le Sauveur et pour les Frères ; mais il nous manquait la précision dans les vues, une base nettement scripturaire ; voilà ce que Haldane vint apporter à Genève. Il y arriva en janvier 1817...
Mais, après tout, l'influence de M. Haldane sur Genève fut capitale ; d’abord parce que M. Haldane était un homme de poids, mais sans doute aussi parce que son influence tombait sur un terrain parfaitement préparé, et qu'elle avait l'avantage du contraste avec un état de chose incroyablement déchu. La preuve que ces circonstances entrèrent pour beaucoup dans le succès de M. Haldane à Genève, c’est qu'il n’eut, plus tard, aucun succès comparable à Montauban. Mais quant à Genève, je le répète, l'effet fut capital : c’est par M. Haldane que M. Gaussen fut affermi et conduit plus avant dans la foi évangélique ; c'est par lui que M. Malan y fut amené. Il en fut de même, je crois, de l’excellent Charles Rieu, mort peu après en Danemark. Mes amis Pyt, Gonthier, Guers, puis MM. Frédéric Monod, James de Breda et autres, trouvèrent de même une abondante lumière dans ses enseignements rigoureusement scripturaires.
Une vingtaine d'étudiants ou de jeunes ministres allaient l’entendre deux fois par semaine, puis employaient leurs autres soirées à faire, dans de petites réunions, l'apprentissage de leur futures fonctions de pasteurs ou de missionnaires. Cela dura du 6 février au 20 juin.
Au bout de peu de semaines tout Genève était en émoi. Pour ou contre, bon gré mal gré, tout le monde s’occupait de questions religieuses ; et les chaires même retentirent bientôt de prédications opposées.
Mémoires d’A. Bost.
Tome I, pp. 81, 82.
L’Evangile éternel.
N'allez pas croire que le christianisme complaisant éliminera quelque idée pour se mettre d’accord avec le siècle ; non, c’est de son inflexibilité qu’il est fort ; il n'a pas besoin de rien céder pour être en harmonie avec tout ce qui est beau, légitime et vrai ; car il en est lui-même le type accompli. Il est le même aujourd’hui qu’au temps des réformateurs, qu’au temps des Pères de l'Eglise, qu’au temps des apôtres et de Jésus-Christ. Ce n’est pourtant pas une religion qui flatte l’homme naturel ; et les mondains, en s'en éloignant, rendent assez témoignage que le christianisme est une doctrine étrange. Ceux qui n'osent le rejeter s’efforcent de l’adoucir. On le dépouille de ses rudesses, de ses mythes, comme on se plaît à les nommer ; on le rend presque raisonnable ; mais, chose singulière ! quand il est raisonnable, il n’a plus de force ; et, semblable en ceci à l’une des plus merveilleuses créatures du monde animé, s’il perd son aiguillon, il est mort. Le zèle, la ferveur, la sainteté, l’amour, disparaissent avec ces dogmes étranges ; le sel de la terre a perdu sa saveur, et l'on ne sait avec quoi la lui rendre. Au contraire, apprenez-vous d’une manière générale que quelque part il y a un réveil, que le christianisme se ranime, que la foi devient vivante, que le zèle abonde ? Ne demandez pas sur quel terrain, ne demandez pas dans quel système croissent ces précieuses plantes; Vous pouvez répondre d'avance que c’est dans le sol rude et raboteux de l’orthodoxie, à l’ombre de ces mystères qui confondent la raison humaine, et qu'elle aimerait tant à écarter d’elle.
VINET
Discours.
Ed. 1845, p. 53.
2. ÉVANGÉLISATION ET PRÉDICATION DANS LA SUITE DU XIXe ET AU XXe SIÈCLE
1. Sociétés d’évangélisation. Nous parlerons plus tard de diverses œuvres qui sont le fruit du réveil. Mentionnons ici la Société Centrale évangélique, qui a contribué à la création d’un bon nombre d’Eglises nouvelles, et la Mission populaire fondée par McAll (mort 1893).
2. Prédicateurs orthodoxes. Adolphe Monod (1802-1856) se convertit à Naples alors qu’il était déjà pasteur. Il fonda une Eglise Libre à Lyon, après avoir été destitué par le Consistoire parce qu’il ne voulait pas donner la communion aux inconvertis. Plus tard, il rentra dans l’Eglise officielle : comme professeur à Montauban, puis comme pasteur à l'Oratoire de Paris, où des foules immenses venaient l’entendre. Sa prédication fidèle, nourrie de citations bibliques, nous paraît aujourd’hui parfois un peu pompeuse, mais elle se signale par ses appels directs à la conversion. Ses Adieux, composés sur son lit de mort, sont particulièrement touchants.
Ruben Saillens (1855-1942), originaire de Saint-Jean du Gard, a commencé son activité comme agent de la Mission McAll ; il a fondé une Eglise baptiste à Paris ; puis, après le réveil du Pays de Galles, il a entrepris un ministère itinérant dans les pays de langue française. Avec Théodore Monod et Budry, il est le plus populaire des auteurs de cantiques de notre temps. Il a été l’initiateur du mouvement aujourd’hui grandissant des Conventions chrétiennes.
On peut mentionner encore Aug. Decoppet (1836-1906) pasteur à l'Oratoire, Théodore Monod (1836-1921) qui prit une part importante au réveil d'Oxford, et composa plusieurs beaux cantiques. Eugène Bersier (1831-1889) fondateur du temple de l'Etoile, Chs Babut (1835-1916), pasteur à Nîmes. Le professeur Lecerf (1872-1943) est à l’origine d’un renouveau calviniste.
En Suisse romande, Frank Thomas (1862-1928) a travaillé avec succès à Genève et présidé de multiples séries d’évangélisation en divers lieux.
1923 Le réveil qui prit naissance dans les Eglises Réformées de la Drôme a exercé une influence bienfaisante sur toute une génération de pasteurs. Constitués en Brigade, les principaux instruments de ce réveil ont secoué les Eglises de France par des Missions et des Conventions pendant plusieurs années.
3. Prédicateurs et théologiens libéraux. Samuel Vincent (1787-1837), pasteur à Nîmes, répandit en France les idées de son contemporain allemand Schleiermacher. Il désirait d’autre part qu’on n’entrave pas l’activité des méthodistes.
Le professeur Ménégoz (1838-1921) a été le théoricien du symbolo-fidéisme qui proclame la foi indépendante des croyances.
Une grande figure du libéralisme contemporain est le Docteur Schweitzer (1875-1965), théologien, médecin, musicien et missionnaire.
Signalons encore, au XIXe siècle, les pasteurs de l'Oratoire Athanase Coquerel père (1795-1868) et fils (1820-1875) ; les professeurs de Strasbourg Reuss (1804-1891) et Colani (1824-1888), ce dernier fondateur avec Schérer (mort 1889) de la Revue de Théologie ; le professeur Aug. Sabatier (1839-1901), auteur d’un ouvrage intitulé Les Religions d’autorité et la Religion de l'Esprit ; au XXe siècle, les pasteurs Chs. Wagner (1852-1918) et Wilfred Monod (1867-1943).
Il y a deux manières de prier.
L'une suppose une piété sincère ; l’autre une foi toute puissante.
L’une demande et espère ; l'autre veut et attend jusqu’à ce qu'elle ait obtenu.
L’une est exaucée tant bien que mal, l’autre reçoit tout et toujours.
L’une cherche Dieu et le trouve ; l’autre lutte avec Dieu et triomphe de Lui.
La première observe scrupuleusement le temps de ses dévotions journalières ; la seconde demeure à genoux des heures, un jour, toute une nuit.
La première s’accommode du cours ordinaire de la vie ; la seconde veille, jeûne, crie, pleure, transpire du sang.
La première est le chemin battu des fidèles, serpentant mollement dans la plaine, la seconde est la voie rude des parfaits, escaladant le rocher, sondant le précipice, rasant l’abîme.
La première est la méthode irréprochable de tel frère ou de telle sœur ; la seconde est la méthode divine de Jacob près du torrent, de Moïse au Sinaï, de Samuel à Mitspah, d’EIie au Carmel, de Jésus au désert, en Gethsémané, en Golgotha.
La première nous est connue depuis que nous avons connu le Seigneur ; la deuxième... « Seigneur enseigne-nous à prier ! » (Luc 11.1).
Ad. MONOD
Lendemain du réveil.
J’entends dire de tous côtés que le réveil religieux a décliné : j'aime à penser, quant à moi, que ce déclin est plus apparent que réel. Qu’il y ait moins de ferveur qu’autrefois, moins d'exactitude dans les pratiques, moins d’entrain dans les œuvres, moins de fermeté dans la doctrine, je devrais dire peut-être dans la conception de la doctrine : je l'accorde, et vous pouvez croire qu’il m’en coûte de l’accorder. Mais « la faim et la soif de la justice », il n’y en a pas moins, je crois même qu’il y en a davantage ; et c'est là ce qui me rassure, parce que c’est là le point capital ; n’est-il pas écrit : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés ! ».
Il arrive aujourd’hui au réveil ce qui arrive parfois au croyant. Après les heureuses années du premier amour, où la prière était fréquente, le travail doux, la vie facile, le ciel serein et la terre féconde, il survient chez plusieurs une saison d’obscurité, de langueur, de refroidissement. Déçue dans plus d’une pieuse attente, rengagée dans plus d’un combat où elle pensait avoir vaincu pour toujours, instruite par une expérience amère à se défier d’elle-même, troublée, déconcertée, abattue, l’âme fidèle se prend à demander si l’Evangile lui a bien tenu tout ce qu’il lui avait promis. Elle se plaint d’elle-même, des autres, que sais-je ? de Dieu et de sa Parole ; mais elle se plaint comme Job, sans renoncer à son espérance ; et comme lui aussi, elle recueillera le fruit de sa foi. Il se fait ainsi en elle un travail intérieur, douloureux, mais salutaire, dont vous la verrez ressortir, si vous avez la patience d'attendre, « bénie de Dieu dans sa fin plus qu’elle ne l’avait été dans son comportement », moins ardente, mais plus sérieuse ; moins assurée, mais plus humble ; moins satisfaite, mais plus sanctifiée.
Ad. MONOD
Saint Paul — 5me discours, pp. 123, 124.
3. SITUATION OFFICIELLE ET CONFLITS THÉOLOGIQUES DU PROTESTANTISME FRANÇAIS
1. Le Concordat. En 1802, par les articles organiques, Bonaparte faisait de l’Eglise réformée une Eglise d’Etat. Elle devait être dirigée par les consistoires, où siégeaient les pasteurs et des laïques choisis parmi les plus imposés. Il n’autorisait pas les synodes. On comprend cependant l’immense reconnaissance des protestants pour une autorité qui leur accordait une protection officielle.
La Restauration, malgré quelques velléités de persécution populaire connue, sous le nom de Terreur blanche, maintint cet état de chose. Sous Louis-Philippe (1830-1848), le protestant Guizot fut à la tête du gouvernement.
2. L’Assemblée de 1848 et la fondation des Eglises Libres. Sous la IIe République en 1848, les réformés furent autorisés à convoquer une assemblée générale, destinée à réorganiser leurs Eglises. La question doctrinale fut soulevée par Frédéric Monod (1794-1863), frère aîné d’Adolphe Monod, et disciple de Haldane. Les libéraux obtinrent qu’elle soit renvoyée à une session ultérieure. Là-dessus, Frédéric Monod et le comte de Gasparin fondèrent l’Union des Eglises Libres, sur une base évangélique ; et quelques Eglises indépendantes issues du réveil s’y joignirent.
3. Le Synode de 1872. Sous la IIIe République, les réformés purent convoquer un synode. Celui-ci adopta une confession de foi orthodoxe, rédigée par Charles Bois (1826-1891). Les libéraux, qui ne pouvaient y souscrire, furent autorisés par le gouvernement à rester dans l’Eglise. Le gouvernement interdit de nouveaux synodes ; les orthodoxes ne purent donc avoir pendant 30 ans que des synodes officieux, tandis que les libéraux avaient des assemblées générales.
4. La séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les deux groupes restèrent donc dans la même organisation, jusqu’à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en 1905. A ce moment, trois unions se constituèrent, celle des Eglises Réformées Evangéliques, la plus nombreuse, celle des Eglises Réformées Libérales, et celle des Eglises Réformées, désireuses de travailler au rapprochement de tous. Cette dernière union ne tarda pas à fusionner avec l’union libérale.
Quand l’Alsace-Lorraine redevint française, l’union entre l’Eglise et l’Etat y fut maintenue.
5. Négociations pour l’unité. Une nouvelle déclaration de foi, plus détaillée, mais moins rigide que celle de 1872, fut élaborée par une commission composée de délégués des deux unions, et proposée comme base d’entente ; et, en 1938, la plupart des Eglises Réformées Evangéliques, toutes les Eglises Réformées, quelques Eglises Libres et quelques Eglises Méthodistes opéraient leur fusion. Plusieurs Eglises Réformées Evangéliques, Libres et Méthodistes ont refusé de se joindre à ce mouvement, en gardant leurs anciennes confessions de foi et leurs anciens statuts.
6. Autres groupements protestants. Les Luthériens sont particulièrement nombreux en Alsace, où ils sont unis à l’Etat. Il y en a aussi dans le pays de Montbéliard et dans la région parisienne.
Les Eglises Baptistes résultent surtout d’un travail d’évangélisation poursuivi depuis le début du XIXe siècle. Elles appartiennent à diverses fédérations ou associations.
Les Eglises Evangéliques se sont développées en Alsace et en Lorraine. Elles se sont ralliées aux Méthodistes Episcopaux.
Les Assemblées Mennonites sont dues à l’immigration de fidèles venus de Suisse. Elles se trouvent dans l’est du pays.
Les Assemblées de Frères, principalement de Frères Darbystes, ont connu un développement assez considérable depuis le milieu du XIXe siècle.
L’Armée du Salut a connu des succès dans les villes.
Au XXe siècle, les Pentecôtistes ont réussi à fonder un bon nombre d’Eglises florissantes, composées d’anciens catholiques surtout.
Déclaration de 1872.
Au moment où elle reprend la suite de ses synodes interrompus depuis tant d’années, l'Eglise Réformée de France éprouve, avant toutes choses, le besoin de rendre grâces à Dieu et de témoigner son amour à Jésus-Christ, son divin Chef, qui l’a soutenue et consolée durant le cours de ses épreuves.
Elle déclare, par l’organe de ses représentants, qu’elle reste fidèle aux principes de foi et de liberté sur lesquels elle a été fondée.
Avec ses pères et ses martyrs, dans la Confession de foi de La Rochelle, avec toutes les Eglises de la Réformation dans leurs divers symboles, elle proclame l’autorité souveraine des Saintes Ecritures en matière de foi, et le salut par la foi en Jésus-Christ Fils unique de Dieu, mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification.
Elle conserve donc et elle maintient, à la base de son enseignement, de son culte et de sa discipline, les grands faits chrétiens représentés dans ses sacrements, célébrés dans ses solennités religieuses et exprimés dans ses liturgies, notamment dans la Confession des péchés, dans le symbole des Apôtres et dans la liturgie de la Sainte Cène.
Déclaration de 1936.
Au moment où elle confesse sa foi au Dieu Souverain et au Christ Sauveur, l'Eglise Réformée de France éprouve avant toutes choses le besoin de faire monter vers le Père des miséricordes, le cri de sa reconnaissance et de son adoration.
Fidèle aux principes de foi et de liberté sur lesquels elle est fondée, dans la communion de l’Eglise universelle, elle affirme la perpétuité de la foi chrétienne à travers ses expressions successives, dans le symbole des Apôtres, les symboles œcuméniques et les confessions de foi de la Réforme, notamment la Confession de La Rochelle ; elle en trouve sa source dans la révélation centrale de l’Evangile : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.
Avec ses pères et ses martyrs, avec toutes les Eglises issues de la Réforme, elle affirme l’autorité souveraine des Saintes Ecritures, telle que la fonde le témoignage intérieur du Saint-Esprit, et reconnaît en elles la règle de la foi et de la vie. Elle proclame, devant la déchéance de l’homme, le salut par grâce, par le moyen de la foi en Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, qui a été livré pour nos offenses et qui est ressuscité pour notre justification.
Elle met à la base de son enseignement les grands faits chrétiens affirmés dans l’Evangile, représentés dans ses sacrements, célébrés dans ses solennités religieuses et exprimés dans sa liturgie.
Pour obéir à sa divine vocation, elle annonce au monde pécheur l’Evangile de la repentance et du pardon, de la nouvelle naissance, de la sainteté et de la vie éternelle.
Sous l'action du Saint-Esprit, elle montre sa foi par ses œuvres : elle travaille dans la prière au réveil des âmes, à la manifestation de l’unité du corps de Christ et à la paix entre les hommes. Par l'évangélisation, par l’œuvre missionnaire, par la lutte contre les fléaux sociaux, elle prépare les chemins du Seigneur, jusqu’à ce que viennent, par le triomphe de son chef, le Royaume de Dieu et sa justice.
A Celui qui peut, par la puissance qui agit en nous, faire infiniment au-delà de ce que nous demandons et pensons, à Lui soit la gloire, dans l'Eglise et en Jésus-Christ, de génération en génération, aux siècles des siècles ! Amen !
4. CONFLITS ECCLESIASTIQUES EN SUISSE ROMANDE
1. Genève. A côté de l’Eglise nationale, séparée de l’Etat, il y a divers groupements dissidents, issus du réveil pour la plupart.
Les Eglises Libres remontent à Gaussen et Merle d'Aubigné, en 1830. L’Assemblée du Bourg-de-Four constituée dès 1817 n’existe plus. Mais la Pélisserie subsiste toujours. L’Eglise du Pré-l’Evêque, fondée par César Malan, a disparu après la mort de ce dernier. L’Association chrétienne évangélique fut fondée en 1898 par Frank Thomas à la suite d’un conflit entre l’Etat et la fraction orthodoxe de l'Eglise Nationale.
2. Vaud. Divers groupements dissidents ont vu le jour dès le premier tiers du XIXe siècle. Ils se sont maintenus malgré les mesures hostiles prises contre eux par le gouvernement. La plupart se sont joints dans la suite aux Assemblées de Frères.
Parmi les dissidents de la première heure, mentionnons le pasteur Olivier, destitué parce qu'il avait dans une lettre mis en question certains usages de l'Eglise établie, et le professeur Rochat de Vevey. La loi du 20 mai 1824 interdisait les réunions en dehors des cultes officiels. Elle ne fut abrogée qu'en 1834.
1839 Une loi ultérieure abolissait la confession de foi de l’Eglise nationale et proclamait la pleine autorité de l’Etat. Lorsqu’un peu plus tard une majorité radicale,1845 hostile à la piété, vint au pouvoir, le gouvernement voulut obliger les pasteurs à recommander du haut de la chaire la nouvelle constitution. Ceux qui refusèrent furent condamnés à des suspensions de traitement. Là-dessus, un grand nombre donnèrent leur démission et fondèrent l’Eglise Libre,1847 avec l’appui d’Alexandre Vinet. Pendant quelques années, les libristes furent persécutés, puis ils purent se réunir en paix.1966 Ils ont opéré récemment leur fusion avec l’Eglise nationale.
3. Neuchâtel. Dès le début du siècle, les Eglises Libres se constituèrent. Elles sont de type congrégationaliste et rejettent le baptême des enfants.
Lorsqu’au milieu du XIXe siècle le libéralisme s’introduisit dans l’Eglise nationale et que l’Etat promulgua une loi selon laquelle les pasteurs ne pouvaient être liés par aucun crédo,1873 une Union des Eglises Indépendantes se constitua. Son principal représentant était le professeur Frédéric Godet (1812-1900). Lorsque les oppositions doctrinales se furent estompées, ces Eglises s’unirent à nouveau à l’Eglise nationale.1944
LE PROTESTANTISME BRITANNIQUE
A la suite du réveil méthodiste du XVIIIe siècle, le protestantisme anglais connaît un rayonnement considérable dans le monde, aux XIXe et XXe siècles.
1. MOUVEMENTS DE RÉVEIL
1. Spurgeon. Parmi les nombreux prédicateurs anglais, Charles Spurgeon (1834-1892) mérite une mention spéciale. Il s’est converti en entendant un prédicateur laïque dans une chapelle méthodiste. Il devint pasteur baptiste à Londres, où il ne tardera pas à grouper de si grands auditoires, qu’il fallut construire un édifice spécial, le Tabernacle, contenant 6000 places, pour son Eglise. Il avait une voix merveilleuse, un style simple, populaire, imagé, une pensée claire et originale ; il excellait surtout par sa chaleur de cœur, sa fidélité intransigeante à l'Ecriture et son habitude de montrer la voie du salut dans chaque sermon. A la fin de sa vie, il ne se passait pas de jour sans qu’il apprît que quelqu’un s’était converti en écoutant ou en lisant une de ses prédications.
Henry Drummond est célèbre par son sermon sur 1 Cor. 13 : La plus grande chose du monde. Le tzigane « Gipsy » Smith s’est distingué comme évangéliste en Angleterre et ailleurs. Campbell Morgan est remarquable par ses sermons d'une grande puissance exégétique.
1874 2. Le réveil d’Oxford. Ce mouvement a surtout insisté sur la possibilité, pour le croyant, d’avoir la victoire sur le péché. De grandes réunions, groupant des pasteurs et des laïques, eurent lieu à Oxford, 1875 puis à Brighton. La Convention de Keswick, fondée à la suite de ces réunions, en perpétue le message.
Les promoteurs de ce réveil furent les Américains Pearsall Smith et Boardmann. Parmi les premiers collaborateurs se trouvaient Asa Mahan, Lord Radstock, Théodore Monod. Les plus connus des orateurs de Keswick au XXe siècle furent F.B. Meyer et Graham Scroggie. Un écrivain de la même tendance est A. Murray d’Afrique du Sud.
3. Le réveil du Pays de Galles. Au début du XXe siècle, le Pays de Galles a été secoué par un beau réveil, qui a pris naissance dans la paroisse d’Evan Roberts (1878-1933). Les réunions avaient un caractère très laïque : les chants, les prières, les témoignages s’y succédaient, ou même s’y entremêlaient. Des villes entières ont été transformées. Le mouvement de Pentecôte doit son origine indirectement à ce réveil. Il se distingue par l’importance qu’il attache à la guérison par la foi et au parler en langues. Il a fait de nombreuses conquêtes dans le monde.
Les inquiétudes de Spurgeon avant sa conversion.
Au temps où je cherchais le salut je résolus d’aller à tous les lieux de culte de notre ville afin de ne pas perdre une seule occasion d'entendre la bonne parole attendue. J’exécutai mon projet, mais pendant longtemps sans aucun résultat...
Les braves pasteurs prêchaient tous des vérités adaptées aux membres spirituels de leur congrégation : mais ce que je désirais savoir, c’était corn-ment mes péchés pouvaient être pardonnés, et cela ils ne me le disaient jamais. Je voulais entendre comment un pauvre pécheur, convaincu de péché, pouvait trouver la paix avec Dieu. Mais j'entendais un sermon sur : « Ne vous y trompez pas, on ne se moque pas de Dieu », qui m’accablait encore davantage... Je me rendais au culte un autre jour pour entendre un sermon sur les gloires des justifiés. Mais rien pour moi, misérable ! J’étais comme un chien sous la table, qui n’avait pas la permission de toucher à la nourriture des enfants...
J’estime depuis lors, que je ne dois jamais prononcer un sermon sans parler aux inconvertis. Je crois fermement qu’un pasteur qui peut prêcher sans s’adresser aussi aux inconvertis, ne sait pas prêcher.
E. SAILLENS
Vie de Ch. Spurgeon
pp. 25, 28.
SPURGEON
Autobiographie — Tome 1, p. 105.
2. ŒUVRES D’ÉVANGÉLISATION
Plusieurs œuvres virent le jour en Angleterre et se développèrent ensuite ailleurs.
1. Société biblique. Au début du XIXe siècle, la Bible était peu répandue, très chère, et traduite en peu de langues. Le désir ardent d’une jeune Galloise, Mary Jones, de posséder une Bible émut un pasteur qui, avec quelques collègues, fonda la Société biblique britannique et étrangère 1804. Cette société travaille à traduire les Ecritures dans de nouvelles langues, à l’imprimer à bon marché, et à la répandre par le colportage. D’autres sociétés analogues ont été fondées dans d’autres pays. Elles se sont unies récemment pour former l'Alliance biblique universelle. Aujourd’hui, des portions de la Parole de Dieu sont traduites en plus de 1700 langues, et vendues à des centaines de millions d’exemplaires chaque année. L’association Wycliffe des traducteurs de la Bible a mis au point des procédés modernes pour la transcription exacte et rapide de nouvelles langues.
2. Ecoles du dimanche. Un journaliste anglais, Robert Raikes (1735-1811), déçu par l’insuccès qu’il rencontrait dans son travail d’évangélisation parmi les prisonniers, résolut de faire son possible pour prévenir le crime et groupa le dimanche les enfants de la rue pour leur apprendre à lire,1780 et surtout à connaître l’Evangile. Ce travail rencontra au début beaucoup d’opposition même de la part du clergé. Mais il eut un tel succès que l’exemple de Raikes fut suivi partout, et qu’aujourd’hui il n’y a plus guère d’église qui n’ait son école du dimanche pour les enfants.
3. Unions de jeunesse. La plus importante, l'Union Chrétienne de Jeunes Gens 1844, fut fondée par Georges Williams (1821-1905). Employé de magasin, il fut attristé de la vie immorale de ses camarades et, avec un autre chrétien, il commença des réunions de prières dans sa chambre. Plusieurs se convertirent. Le mouvement se propagea en Angleterre, puis dans d’autres pays. La première conférence universelle se réunit à Paris. Williams lui avait donné une impulsion missionnaire et orthodoxe très nette, qui malheureusement n’a pas empêché certaines déviations. Des Unions Chrétiennes de Jeunes Filles ont été fondées sur le même principe. Le lieutenant-général Baden-Powell a lancé le mouvement des Eclaireurs qui s’est développé bien au-delà du protestantisme.
4. Armée du Salut. Cette société, la plus importante des œuvres d’évangélisation, doit son origine à William Booth, méthodiste, pénétré de l’esprit de Wesley.1865 Il quitta l’Eglise méthodiste, parce qu’on ne voulait pas le laisser faire de l’évangélisation selon sa conscience.1870 Il fonda dans les quartiers déshérités de Londres une « Mission chrétienne », que, tout à fait accidentellement, dans un article de journal, il définit comme étant une Armée du Salut, nom qui lui est resté. Il y introduisit une hiérarchie fortement centralisée et une discipline toute militaire. Au début, cette œuvre fut tournée en ridicule et parfois persécutée. Aujourd’hui, elle jouit du respect que méritent le dévouement et le zèle évangélique de ses membres. Elle s’est répandue dans le monde entier. Comme l'Armée du Salut n’est pas une Eglise, on n’y célèbre ni le baptême, ni la Sainte Cène. La doctrine salutiste est très nettement wesleyenne. On appelle avec insistance les pécheurs à venir se convertir au banc des pénitents. Les œuvres sociales sont très développées.
Résolutions de W. Booth.
Je promets, avec l'aide de Dieu :
1° Je me lèverai chaque matin assez tôt (au moins à sept heures moins vingt) pour faire ma toilette et consacrer quelques minutes, cinq au minimum, à la prière.
2° J’éviterai le plus possible les conversations oiseuses et le bavardage auxquels je me suis coupablement abandonné ces derniers temps.
3° Je m'efforcerai, par ma conduite et mon maintien devant le monde, et particulièrement devant mes compagnons de travail, de vivre comme un humble, doux et fervent disciple de l'Agneau. Par mes conseils et mes conversations sérieuses, je tâcherai de les amener à penser à leur âme et à son sort éternel.
4° Je lirai au moins quatre chapitres de la Bible quotidiennement.
5° Je travaillerai à resserrer ma communion avec Dieu ; je rechercherai la sainteté et m'abandonnerai, pour tous les événements de ma vie. à la Providence divine.
6° Je lirai ces résolutions chaque jour ou, pour le moins, deux fois par semaine.
Que Dieu m'aide à cultiver en moi l'esprit d'abnégation et à prendre, esclave volontaire, le joug du Rédempteur du monde.
Amen, Amen. 6 décembre 1844.
Cité dans BRABANT
William Booth — pp. 40, 41.
3. L’EGLISE ANGLICANE
La question de la succession apostolique a provoqué divers mouvements au sein de cette Eglise, dans la première moitié du XIXe siècle.
1. Frères de Plymouth. Pour Darby (1800-1882), cette succession s’est perdue dès les temps apostoliques. Depuis le Ier siècle, il n’y a plus d’Eglise visible. Dieu ne rétablissant jamais ce qui est ruiné, toute organisation ecclésiastique est contraire à la pensée de Dieu. Les chrétiens doivent donc sortir de leurs diverses Eglises et se réunir, sans s’organiser, autour de la table du Seigneur, en attendant son retour. Une assemblée importante, à Plymouth, adopta ces idées. Les membres s’appelaient frères. Tous peuvent prendre part au culte, qui n’est présidé par personne ; mais les femmes ne peuvent y prendre la parole. Darby pratiquant un système d’excommunication très rigide, selon lequel toutes les assemblées devaient être solidaires dans leur discipline, quelques frères, entre autres Georges Muller, de Bristol, 1848 se séparèrent de lui, prenant le nom de Frères Larges.
La séparation se produisit lorsque l'Assemblée de Bristol reçut à la communion deux membres qui avaient été excommuniés par Darby, parce qu’ils avaient gardé des relations avec un certain Newton qui, à ce moment, propageait des idées confuses sur l’œuvre expiatoire de Jésus. Plus tard, Newton fit mine de revenir de ses erreurs ; mais les questions de principe relatives à la discipline qui avaient été soulevées eurent pour résultat de maintenir la séparation entre « Frères Larges » et « Frères Darbystes ».
2. Irvingiens. Irving (1792-1834) pensait que la succession apostolique pouvait être retrouvée, si une nouvelle descente du Saint-Esprit, accompagnée de dons miraculeux, se produisait. Des cas de glossolalie et de guérisons furent signalés, et à la. suite de cela, une Eglise « Apostolique » fut organisée,1830 pourvue d’une hiérarchie compliquée, et adonnée à un culte catholicisant. Douze apôtres furent nommés par prophétie, mais sans avoir de successeurs, car les Irvingiens attendaient un retour imminent du Christ. Le mouvement se répandit en dehors de l’Angleterre. En Allemagne, il prit une allure spéciale ; l’Eglise Néo-apostolique estime qu’il faut toujours des apôtres vivants et leur voue un culte quasi idolâtre.
3. Tractarianisme. Newman (1801-1890) et Pusey (1800-1882), professeurs à Oxford, préconisèrent dans une série de traités Tracts for the Time (qui parurent de 1833 à 1841) un rapprochement avec le catholicisme romain. Le 90e traité interprétait les 39 Articles dans un sens catholicisant. L’évêque d’Oxford interdit alors la publication de tout nouveau traité. Newman se fit catholique et mourut cardinal. Pusey resta dans l’Eglise anglicane, mais continua dans la voie de l’anglo-catholicisme.
4. Tendances actuelles. Aujourd’hui, trois tendances existent au sein de l’anglicanisme. La « Haute Eglise » est catholique par sa doctrine et son ritualisme.1927 Seule l’autorité du Parlement a empêché ce parti de changer le Book of Common Prayer. La « Basse Eglise » se rapproche des protestants dissidents évangéliques. Enfin, « l’Eglise Large » est moderniste. Le récent ouvrage Dieu sans Dieu de l’évêque Robinson montre à quelles extrémités redoutables cette tendance peut aboutir. Les trois partis coexistent dans la même organisation ecclésiastique.
4. L’ECOSSE
1. La rupture. Le réveil évangélique a touché l’Eglise d’Ecosse comme les autres au XIXe siècle. Le régime qui voulait que les pasteurs soient nommés par le patron de chaque paroisse aboutit à des abus regrettables. Comme le gouvernement donna raison aux patrons contre les autorités de l’Eglise, le tiers des pasteurs, en particulier le modérateur Th. Chalmers (1780-1847),1843 sortirent de l’Eglise officielle et formèrent l’Eglise Libre.
2. Les fusions. La tendance dominante en Ecosse restait le calvinisme. Cela permit aux unions d’Eglises de fusionner sans grandes difficultés. D’abord l'Eglise Libre, à l’exception d’une petite minorité, 1900 se joignit à d’autres groupements dissidents, puis l’Eglise Libre Unie ainsi constituée fusionna avec l’Eglise presbytérienne officielle.1929
LE PROTESTANTISME AMÉRICAIN
1. LA SITUATION OFFICIELLE
1. La Constitution de 1787. Très normalement, en raison de la variété des Eglises installées en Amérique, la Constitution des Etats-Unis ne pouvait prévoir d’Eglise d’Etat. Ainsi toutes les Eglises, grandes ou petites, se trouvent sur le même pied. Cela n’empêche pas une proportion grandissante de la population d’appartenir à l’une ou à l’autre. Par l’augmentation du nombre de ses habitants, comme aussi par le dynamisme et les ressources de ses fidèles, les Etats-Unis sont devenus au cours des derniers siècles, la première puissance protestante, avant l’Allemagne et l’Angleterre.
2. La question de l’esclavage. Jusqu’après le milieu du XIXe siècle, l’esclavage était pratiqué dans les Etats du sud, avec l’approbation des Eglises. Dans le nord, des protestations de plus en plus énergiques se firent entendre, en particulier dans La Case de l’oncle Tom de Harriet Beecher Stowe. Une guerre civile s’ensuivit, où les nordistes, sous la direction d’Abraham Lincoln, eurent le dessus.1865 N’empêche que la plupart des Eglises furent coupées en deux pour cette question. Les rapports entre Blancs et Noirs continuent à poser des problèmes. Le pasteur baptiste Martin Luther King qui a tenté de les résoudre en prêchant la non-violence, accompagnée parfois de désobéissance civile, est mort martyr, assassiné par ses adversaires.
3. Conflits doctrinaux. Le protestantisme américain a subi, corn-me celui des autres pays, certaines infiltrations libérales. Il en est résulté des schismes dans diverses dénominations. Au XXe siècle, de vigoureuses réactions orthodoxes se sont fait entendre contre la théorie de l’évolution et son enseignement dans les écoles, et pour le maintien des fondements de la foi. Le nom de « fondamentaliste » est parfois associé à tel schéma prophétique ou à l’interprétation dispensationaliste de la Bible ; c’est pourquoi plusieurs qui sont très évangéliques préfèrent ne pas être désignés de la sorte.
Parmi les théologiens orthodoxes, mentionnons au siècle dernier le presbytérien Ch. Hodge, et au XXe siècle C.I. Scofield qui distingue sept dispensations dans la Révélation biblique.
Les théologiens libéraux les plus connus sont R. Niebuhr, grand théoricien de l’Evangile social, et P. Tillich, philosophe allemand émigré en Amérique et qui a rejeté la transcendance de Dieu pour ne voir en lui que le fondement de notre être.
4. Ces principales dénominations. Le groupe le plus important est constitué par les Eglises Baptistes avec plus de 25 millions de communiants.
Les principales divisions sont : la Convention Baptiste du Sud ; la Convention Baptiste Nationale (églises noires) ; la Convention Baptiste du Nord ; les Baptistes Conservateurs, détachés de la Convention du Nord pour des raisons doctrinales.
Les méthodistes groupent douze millions de fidèles. La majorité appartient à l’Eglise Méthodiste Episcopale. Un Allemand immigré, Jakob Albrecht, se convertit dans leur sein et voulut ensuite évangéliser ses compatriotes dans leur langue. Comme les autorités ecclésiastiques s’y opposèrent,1816 il fonda une Eglise de langue allemande, Evangelische Gemeinschaft, qui ensuite essaima en Europe et qui a opéré sa fusion avec les autres Méthodistes Episcopaux.
Les luthériens, qui occupent le troisième rang, se distinguent par leur fidélité doctrinale.
Les principales divisions sont l'Eglise Unie Luthérienne ; l'Eglise Luthérienne, synode du Missouri, particulièrement attachée à l’orthodoxie ; d’autres divisions proviennent des pays d'origine : Danemark, Suède, Norvège.
Les presbytériens sont pour la plupart d’origine écossaise et anglaise ; tandis que les réformés sont venus de Hollande et d’Allemagne.
Les épiscopaux sont en communion avec l’Eglise anglicane, mais n’ont pas connu un développement considérable.
L’Eglise Unie résulte de la fusion d’Eglises Congrégationalistes et Réformées. Les premières étaient le groupement le plus important de Nouvelle-Angleterre, mais ne s’étaient guère répandues ailleurs.
Les Disciples du Christ veulent rejeter toute formule théologique qui ne soit pas dans la Bible. Ils croient à la nécessité du baptême pour le salut. L’Eglise du Christ s’est détachée d’eux par hostilité contre l’usage des instruments de musique.
En outre, on peut mentionner les Quakers, les Mennonites, les Moraves, divers Pentecôtistes.
2. MOUVEMENTS DE RÉVEIL
1. Remarques générales. Après le réveil du XVIIIe siècle, les Eglises connurent une période de langueur. Vers 1800, il y eut un mouvement général de réveil.1856 Un autre mouvement se produisit au milieu du siècle par l’organisation de réunions de prières à midi dans la région de New York.
Le pasteur Lyman Beecher (1775-1863), pasteur à Boston fut un champion de la bonne cause. Ses sept fils devinrent pasteurs. Le plus connu est Henry Ward Beecher. Sa fille, Harriet Beecher Stowe, devint encore plus célèbre.
2. Charles Finney (1792-1875), était un avocat qui, après une jeunesse irréligieuse, passa par une conversion radicale. Il fit des études de théologie et, dès le début de son ministère, il se signala par une prédication efficace. Il commençait par présenter les exigences de Dieu, pour amener ses auditeurs à la conviction de péché, puis il les invitait à manifester par un geste visible qu’ils étaient disposés à accepter la grâce. Il alliait dans ses sermons la chaleur du cœur à la clarté juridique. Pendant tout le milieu du XIXe siècle, il prêcha le réveil dans diverses localités où on l’appelait, et dans le collège qu’il dirigeait à Oberlin. Ses Mémoires et ses Discours gardent toute leur valeur.
3. Dwight L. Moody (1837-1899), originaire d’une famille très pauvre, se convertit tout jeune. Il ouvrit une école du dimanche, puis fonda une Eglise à Chicago. Des séries faites en Angleterre consacrèrent sa réputation de revivaliste. Son langage était simple, parfois incorrect, mais il avait reçu la puissance du Saint-Esprit, il était pleinement consacré à 1a volonté de Dieu et rempli d’amour pour les âmes. Il était très bien secondé par le compositeur Sankey (mort 1908). Il fonda l’institut Biblique de Chicago. D’autres écoles furent fondées sur ce modèle.
4. « Billy » Sunday (1863-1936), ancien champion sportif, était souvent trivial dans ses paroles, et dans ses gestes ; mais son message vibrant et original groupait des dizaines de milliers d’auditeurs dont beaucoup se convertissaient.
5. Billy Graham (né en 1919). Depuis quelques années, cet évangéliste groupe des auditoires plus vastes que jamais dans les réunions qu’il préside avec son équipe et avec la collaboration des principales Eglises d’une localité. Il se distingue par la manière dont il met le message chrétien à la portée de l’homme de la rue, dans ses prédications et dans ses livres, et par la manière dont il associe les laïcs en vue d’un témoignage actif dans ses campagnes.
Parmi les revivalistes américains, on peut encore citer Torrey ( 1856-1928) et le musicien qui l'accompagnait, Charles Alexander ; Simpson (1843-1919) fondateur de l'Alliance Chrétienne Missionnaire ; plus près de nous le pasteur Oswald Smith de Toronto, qui a su donner un élan missionnaire remarquable à son Eglise.
Un réveil du temps de Finney.
Le troisième dimanche, comme je montais en chaire, un homme âgé s’approcha de moi et me demanda si je voulais prêcher dans l’école de son village, à cinq kilomètres d’Antwerp...
J’arrivai ; et je trouvai le bâtiment de l’école tout plein de monde ; c’est à peine si je trouvai place pour me tenir debout près de la porte ouverte de la salle...
Je n’avais pas pensé à un texte ; j’avais attendu de voir l'auditoire. Je leur dépeignis Abraham, Lot, leurs relations, le choix que fit ce dernier de la vallée de Sodome, laissant la montagne à Abraham. Je leur dis la méchanceté et la corruption épouvantable des habitants de Sodome ; la résolution de Dieu de les détruire et l’entretien qu’il eut à ce sujet avec Abraham... Je leur dis que Dieu avait promis d'épargner la ville, s’il y trouvait seulement dix justes ; mais qu’il ne s’y en était trouvé qu’un seul, Lot...
Pendant que je rapportais ces faits, j’observais que mes auditeurs me regardaient avec colère ; et beaucoup d’hommes, en manches de chemise, se regardaient les uns les autres comme pour dire : Ne le châtierons-nous pas séance tenante ? Je ne pouvais comprendre cette attitude. Cependant leur colère allait grandissant.
Quand j’eus fini mon récit, je m'adressai plus directement à eux et je leur dis que j'avais appris qu’il n’y avait jamais eu de culte public dans leur village, que j’étais donc autorisé à les tenir pour un peuple impie ; et je leur parlai avec une grande énergie à ce sujet, le cœur plein presque à éclater.
Je n’avais pas parlé un quart d’heure de cette façon, qu’une impression d’une solennité effrayante s'empara de l’assemblée ; à peu près tous tombèrent de leurs sièges dans toutes les directions, implorant la miséricorde divine ; les uns étaient à genoux, les autres étaient prosternés la face contre terre. Avec une épée dans chaque main, je n'aurais pas pu les abattre aussi vite qu'ils tombèrent ; ils furent tous sur le sol en moins de deux minutes et chacun priait de toute son âme... Je me mis alors à crier aussi fort que je pouvais : « Vous n’êtes pas encore en enfer ; laissez-moi vous conduire à Jésus-Christ» ; et j’essayai de leur présenter la Bonne Nouvelle de l’Evangile, mais c’est à peine si quelqu’un fit attention à mes paroles. J’étais si joyeux, j’avais un tel besoin de pousser des cris de joie et de donner gloire à Dieu, que j’eus beaucoup de peine à me contenir...
J'appris ensuite que le nom de la localité était Sodome, ce que j’avais jusque-là totalement ignoré, et qu’il ne s’y était jusqu’alors trouvé qu'un seul homme pieux qu'on avait surnommé Lot et qui était le vieillard qui m’avait fait venir.
Mémoires de Finney — chap. 8.
3. GROUPEMENTS HÉRÉTIQUES
1. Les Unitaires. Au début du XIXe siècle, une scission se produisit au sein des Eglises congrégationalistes, certaines paroisses (comprenant les amis, non-membres de l’Eglise) étant devenues en majorité antitrinitaires. Les paroisses unitaires nommèrent des pasteurs qui partageaient leurs idées, ne laissant aux membres actifs de l’Eglise, en général orthodoxes, d’autre solution que de se retirer en abandonnant toutes les propriétés ecclésiastiques.
Le principal représentant du mouvement unitaire fut Channing (1780-1842) qui voulait rester sur le terrain de la foi à la Bible. Ses successeurs, en particulier Parker (1810-1860) se lancèrent dans la critique biblique.
2. Les Mormons. Ce mouvement bizarre doit son origine à un un certain Joseph Smith (1805-1844),1827 qui prétendit avoir retrouvé une histoire sainte de l’Amérique, rédigée par un prophète Mormon qui aurait vécu au IVe siècle après J.-C. Jésus-Christ, après sa résurrection, serait apparu en Amérique pour y établir une Eglise, et c’est en Amérique que se trouverait la nouvelle Jérusalem. Les Mormons ont leur centre dans l’Utah. Une hiérarchie compliquée, des doctrines blasphématoires et la pratique de la polygamie, d’abord secrète, puis publique, aujourd’hui officiellement suspendue, sont les fâcheuses caractéristiques de ce mouvement, dont les adeptes se signalent cependant par un zèle remarquable pour propager leurs idées.
3. Les Adventistes. Un certain William Miller (1782-1849) prédit d’après des textes bibliques, que Jésus reviendrait en 1844. il reconnut ensuite son erreur. Mais quelques-uns de ses partisans persévérèrent dans cette voie, disant que cette date correspondait à la purification, par Jésus, du sanctuaire céleste. De plus, ils replacent les chrétiens sous le joug de la loi juive, en particulier pour l’observation du sabbat. Ils croient au sommeil des morts et à l’anéantissement des inpénitents. Le paiement de la dîme leur assure des ressources considérables. Les écrits de leur prophétesse, Ellen White (1827-1915) font toujours autorité parmi eux.
4. Les Témoins de Jéhovah. Russel (1852-1916), étudiant les prophéties, déclara que Jésus devait revenir graduellement. Pour ses adhérents, nous sommes depuis 1914 dans le Millénium, au cours duquel les nations doivent être jugées, et où les morts doivent ressusciter et pourront se convertir. L’hérésie russeliste, qui nie la Trinité et l’enfer avec une grande insistance, est propagée par d’actifs colporteurs qui ont répandu partout les livres de Russel et de ses successeurs, le juge Rutherford (mort 1942) et Knorr.
5. La Science chrétienne. Madame Baker Eddy (1821-1910) a fondé,1879 dans la seconde moitié du XIX° siècle, la première Eglise du Christ scientiste, à Boston. C’est l’Eglise mère de toutes les Eglises scientistes. D’après Mme Eddy, le bien, l’esprit sont seuls réels ; la matière, le mal, sont des illusions. Aussi nie-t-elle le péché, l’enfer, l’incarnation, la rédemption. Elle cherche la guérison en niant la maladie. Son livre Science et Santé avec clef des Ecritures, considéré comme inspiré, est un assemblage de phrases empruntées au langage des philosophes, mais bien souvent inintelligibles.
LE PROTESTANTISME DE LANGUE ALLEMANDE
1. SITUATION OFFICIELLE
1. L’union entre luthériens et réformés. Le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III (1797-1840) voulut joindre dans une même organisation les luthériens et les réformés de son royaume. Au point de vue doctrinal, les uns et les autres restaient sur leurs positions, mais il y avait des cultes en commun et les mêmes autorités ecclésiastiques. Cet exemple fut suivi dans plusieurs Etats allemands, mais pas dans tous. Aussi jusqu’à nos jours les protestants allemands se répartissent-ils en trois groupes, luthériens, réformés et unis. En Prusse même, certains luthériens irréductibles s’organisèrent en Eglises indépendantes.
2. Eglises dissidentes. Outre les Eglises unies à l’Etat, divers groupements dissidents, pour la plupart de tendance piétiste, se constituèrent au cours de cette période : Eglises Libres, Baptistes, Méthodistes, Evangelische Gemeinschaft, Armée du Salut, Frères. Un mouvement typiquement piétiste est celui de Chrischona, dont le centre est à Bâle, et qui groupe, pour des réunions spéciales, des fidèles qui n’ont pas rompu avec l’Eglise nationale.
3. Conflit avec l'Etat national-socialiste. Sous le régime impérial (1871-1918) et sous celui dit de Weimar (1918-1933), les rapports entre l’Eglise protestante et l’Etat furent cordiaux. Sous le Troisième Reich d’Hitler (1933-1945), les difficultés surgirent entre « chrétiens allemands » favorables à toutes les outrances du national-socialisme, y compris l’antisémitisme, et « l’Eglise confessante » qui entendait maintenir la pureté de l’Evangile. Le professeur Karl Barth fut destitué, le pasteur Martin Niemoller (né en 1892) emprisonné pendant plusieurs années. D. Bonhoeffer, avant d’être exécuté (mort 1945), a jeté sur le papier dans ses Lettres de Captivité des pensées profondes, parfois paradoxales, sur l’allure que devrait avoir la prédication dans un monde déchristianisé.
4. Situation depuis la fin des hostilités. Un conflit analogue met aux prises les protestants d’Allemagne orientale avec le gouvernement de la République démocratique qui cherche à embrigader la jeunesse dans des organisations communistes hostiles à la foi chrétienne. L’évêque Dibelius (mort 1967) s’est trouvé à la tête de ce combat. Dans la République fédérale de Bonn, les Eglises ont retrouvé toute leur liberté et la manifestent par les grandioses rencontres annuelles de « Kirchentag ». Beaucoup de protestants réfugiés venus des provinces de l’Est se sont établis dans des régions autrefois toutes catholiques, ce qui a modifié la carte, ecclésiastique de l’Allemagne.
2. COURANTS THÉOLOGIQUES ALLEMANDS
Ces courants méritent une étude particulière, parce qu’ils ont donné le ton aux mouvements théologiques des autres pays.
1. Schleiermacher (1768-1834) : Issu d’un milieu morave, ce théologien avait de fortes sympathies pour le rationalisme. Il fut nommé professeur à Berlin et enseigna presque toutes les disciplines théologiques. Pour lui, les idées théologiques et la piété sont indépendantes. La pensée humaine peut donc sans inconvénient exercer sa critique sur les dogmes et sur la Bible, accepter ce qui lui paraît raisonnable et rejeter le reste. Jésus se distingue des hommes par l’intensité de sa conscience religieuse. L’essentiel du christianisme, c’est un sentiment de dépendance vis-à-vis de l’infini. Cette conception romantique de la foi a déformé le réveil en Allemagne, au début du XIXe siècle, et a eu une influence considérable dans les autres pays.
L’ouvrage le plus important de Schleiermacher a pour titre Discours sur la Religion (1799).
2. Théologiens hegeliens. Hegel (1770-1831) était un philosophe panthéiste qui voyait la loi de tout développement dans une succession de thèses, d’antithèses et de synthèses. Certains théologiens ont entrepris d’appliquer cette loi à la religion chrétienne, niant ainsi la révélation, et ne voyant dans le christianisme qu'un produit naturel de l'évolution de la pensée humaine, une synthèse du judaïsme et de l’hellénisme. Ils découvraient dans le Nouveau Testament des courants contradictoires. La Vie de Jésus de Strauss (1808-1874) présentait la vie du Christ comme un mythe dont il était impassible de découvrir le noyau historique. Baur (1792-1860), professeur à Tubingue, et les théologiens de son école, disséquaient le Nouveau Testa-ment à grand renfort d’érudition. Ils y découvraient des documents pauliniens (certaines épîtres, un proto-Luc), puis par antithèse des écrits judéo-chrétiens (Jacques, Apocalypse, un proto-Matthieu), la synthèse étant constituée par des écrits à leurs yeux très tardifs (Marc, Jean, Actes).
3. Les théologiens orthodoxes. Le plus important est Hengstenberg (1802-1869), professeur à Berlin. Dans sa Gazette évangélique, il combattit énergiquement tout ce qui portait atteinte à la foi. Il contribua ainsi à un renouveau orthodoxe vers le milieu du XIXe siècle, malheureusement parfois un peu trop appuyé sur une politique réactionnaire.
Tholuck (1799-1877) exerça un ministère béni auprès des étudiants. Il était de tendance piétiste. On peut en dire autant du pasteur Blumhardt (1805-1880) qui fit des expériences remarquables dans le domaine de l’expulsion des démons. Il organisa à Boll au Wurtemberg un centre de piété très vivant.
4. Ritschl (1822-1889). D’abord disciple de Baur, Ritschl en vint à rejeter la conception hégélienne de l’histoire qui caractérise l’école de Tubingue. Il veut se baser sur les faits objectifs, c’est-à-dire sur le texte de l'Ecriture et sur l'expérience chrétienne. Il accepte cependant la critique biblique. Les dogmes ne l’intéressent que dans la mesure où ils concernent ce qui se passe dans l’homme. Ceux qui touchent à la nature de Dieu ne lui paraissent pas devoir être abordés. Il est un peu, en théologie, ce que Comte est en philosophie.
5. Karl Barth. De nationalité suisse, Karl Barth (1886-1968) a commencé par être moderniste, mais dans sa paroisse de campagne, il a senti la nécessité d’apporter aux hommes la parole de Dieu. Il est arrivé à la conclusion que l’homme ne peut s’élever jusqu’à Dieu, ni par sa raison, ni par sa piété. Il faut donc une révélation d’en haut, que Dieu nous a donnée en Jésus-Christ, Dieu fait homme, et dont la seule relation authentique nous est donnée par la Bible.
Seulement, même en se révélant, Dieu reste celui qui est « tout autre ». La vérité nous apparaît comme tiraillée entre deux affirmations contradictoires. La théologie doit donc être dialectique, c’est-à-dire qu’elle doit maintenir l’équilibre entre ces contradictions apparentes.
Au début, Karl Barth entendait simplement mettre en question les systèmes théologiques existants, placer en marge d’eux quelques points d’interrogation. Puis, professeur à Bonn et à Bâle, il en est arrivé à donner dans sa volumineuse Dogmatique Ecclésiastique, encore inachevée, toujours plus de place aux affirmations positives dont, selon lui, les âmes doivent vivre.
Le « barthisme » se recommande par sa position en général orthodoxe sur la personne du Christ et par son insistance sur le caractère unique de la Bible. A ces deux égards, Karl Barth se distingue avantageusement de son collègue, le professeur Brunner, de Zurich (1889-1966), avec qui d’abord il a collaboré, mais dont il s’est séparé après une controverse retentissante.
On doit regretter d’autre part qu’il ne considère pas la Bible comme étant en elle-même la parole de Dieu, mais seulement comme susceptible de le devenir par une intervention de l’Esprit qui nous parle par elle. Par réaction contre les théologiens de l’expérience, les « barthiens », plus que Karl Barth lui-même, ont aussi tendance à ne pas donner sa place légitime à l’expérience du salut. Enfin, la notion barthienne de la prédestination, selon laquelle tous sont prédestinés d’abord à la perdition, puis au salut, penche dangereusement vers l’universalisme.
N’empêche qu’il faut se réjouir du fait que beaucoup ont été ramenés par l’influence de Karl Barth à une foi positive.
Parmi les ouvrages de K. Barth, outre sa Dogmatique, il faut mentionner son Commentaire sur l’Epitre aux Romains qui provoqua le choc initial au sein du monde théologique, son étude de la confession de foi écossaise intitulée Connaître Dieu et le servir, son Esquisse d’une Dogmatique et son Introduction à la Théologie Evangélique.
6. La Formgeschichte. Cette école a pour chef le professeur Bultmann, de Marbourg (1884-1976). D’abord associé avec Karl Barth, il s’est séparé de lui. Pour lui, les écrits bibliques doivent être étudiés en tenant compte des « formes » littéraires des siècles passés. Les Evangiles ne sont pas des comptes-rendus fidèles des événements, mais l’expression de la foi des premiers chrétiens. Le message spirituel éternel, celui du salut par la foi en Christ ou « kérugma », se trouve enveloppé dans des conceptions « mythiques » dont il convient de le dégager, afin de le rendre accessible à la pensée moderne.
Actuellement, la théologie allemande est entrée dans une phase post-bultmannienne ; les disciples du maître reprennent de l’intérêt pour le Jésus de l’histoire. Du côté orthodoxe, de vives réactions se font sentir également, en particulier dans le mouvement « Pas d’autre Evangile ».
La révélation de Dieu.
La connaissance de la Révélation peut et doit donc signifier : la connaissance du Dieu lointain, étranger, saint. Elle interdit cette vaine et dangereuse imagination que l’homme pourrait, dans cette rencontre avec Dieu, entrer en lice et collaborer comme s’il était le partenaire de Dieu, pourvu d’une capacité de Dieu, naturellement disposé à Dieu, comme s’il y avait une continuité entre ce que l’homme connaît et fait naturellement et ce que Dieu lui donne à connaître et lui commande de faire. La connaissance de la Révé-lation, c’est toujours la reconnaissance du miracle de cette rencontre, à savoir de la grâce, de la miséricorde, de l’abaissement de Dieu. Mais justement, en disant ceci, nous affirmons que cette connaissance est celle d'une relation réelle entre Dieu et l’homme, d’une relation qui se fonde là même, et là seulement, où elle peut acquérir force et stabilité, c’est-à-dire qui ne se fonde pas dans la vérité équivoque de notre nature humaine, de notre raison, et pas davantage de notre amour, mais bien dans la libre décision du Dieu éternel et immuable. Ce serait oublier cette action, cette attaque de Dieu que de considérer cette relation comme un problème. La considérer ainsi, c’est, à vrai dire, la nier. La connaissance de la Révélation n’est pas la connaissance d'un Dieu abstrait, en face d’un homme abstrait, mais la con-naissance du Dieu concret qui a cherché l’homme en même temps que la connaissance de l'homme concret qui a été trouvé par Dieu. Elle est con-naissance de Dieu et de l’homme, concrètement, dans l’événement de l’initia-tive première et absolue de Dieu. Telle est la majesté de Dieu que là où la différence qui sépare l’homme de Lui se révèle dans son infinitude, là préci-sèment se révèle que cet homme appartient à Dieu, non parce qu'il est capable de Lui, non parce qu'il L’aurait cherché et trouvé, mais uniquement parce que telle est la volonté gracieuse de Dieu.
Karl BARTH
Révélation, Eglise, Théologie.
Démythisation.
L’image du monde, dans le Nouveau Testament, est mythique. Le monde est comme un édifice à trois étages. Au milieu, la terre ; au-dessus d’elle, le ciel ; au-dessous, le monde infernal. Le ciel est la demeure de Dieu et des êtres célestes, les anges ; le monde inférieur c’est l’enfer, le lieu des tourments. Mais la terre n’est pas seulement le lieu d’un déroulement naturel, quotidien, d’une vie de prévoyance et de travail basée sur un ordre et sur une règle, elle est aussi le théâtre où agissent des forces surnaturelles, Dieu et ses anges, Satan et ses démons. Dans le déroulement normal des faits humains, dans la pensée, l’action, la volonté de l’homme, interviennent les forces surnaturelles ; le miracle n’est pas chose rare...
A cette cosmologie mythique correspond la représentation de l’événement salutaire, qui constitue le contenu propre de la prédication évangélique. En langage mythologique, le message dit : « le temps est venu », « quand les temps furent accomplis », Dieu envoya son Fils. Celui-ci, être divin, préexistant, apparaît sur la terre comme un homme ; sa mort sur la croix, celle du du pécheur, représente une expiation pour les péchés des hommes. Sa résurrection est le commencement de la catastrophe cosmique, par laquelle la mort introduite dans le monde par Adam sera annulée : les puissances démoniaques du monde seront dépouillées. Le Ressuscité est monté au Ciel, où il siège à la droite de Dieu. Il est fait Seigneur et Roi. Il reviendra sur les nuées pour consommer l'œuvre de salut ; c’est alors qu’auront lieu la résurrection des morts et le jugement ; alors seront anéantis le péché, la mort et toute douleur. Et le temps est proche : Paul pense qu’il assistera en personne à cet événement...
Dans la mesure, donc, où c’est là un discours mythologique, il est devenu inacceptable pour l’homme d'aujourd’hui... La prédication chrétienne actuelle se trouve par conséquent devant ce problème : en demandant aux hommes de croire, leur demande-t-elle aussi de reconnaître la cosmologie mythique de jadis ? Si c’est impossible, une autre question se pose : la prédication du Nouveau Testament a-t-elle une vérité qui soit indépendante de cette cosmologie mythique ? Et serait-ce alors le devoir de la théologie de démythiser le message chrétien ? »
BULTMANN
Kerygma und Mythos
Tome I, pp. 15, 16.
Cité par MIEGGE
L’Evangite et le Mythe.
PAYS NORDIQUES
1. Pays-Bas. Les Hollandais manifestent par instinct beaucoup d’intérêt pour la théologie. Le réveil y fut de tendance calviniste. Les Remontrants et même les Mennonites sont très libéraux. Dans l’Eglise officielle (Hervormde Kerk) les courants divers ont droit de cité. Pour faire pièce à l'Université libérale de Leyde, Abraham Kuyper (1837-1920) fonda l'Université libre d’Amsterdam,1880 puis une Union d’Eglises (Gereformeerde Kerken) de tendance rigidement calviniste et très florissante.1886
Parmi les théologiens appartenant à cette Eglise, il faut mentionner les dogmaticiens Bavinck et Berkouver, et le philosophe Dooyeweerd.
2. Les pays Scandinaves. L’Eglise luthérienne est restée Eglise d’Etat dans ces pays, et 95-98 % de la population continue à s’y rattacher. Elle n’a pas connu de conflit avec l’autorité, sauf en Norvège pendant l’occupation hitlérienne, où l’évêque Berggrav (mort 1959) fut le champion d’une noble résistance.
Un beau réveil dont l’artisan fut un paysan, Hans Nielsen Hauge (1771-1824) secoua la Norvège au début du XIXe siècle. La Suède connut un réveil analogue à la fin du siècle. Les convertis restèrent en partie dans l’Eglise officielle en y formant des cellules de Mission intérieure ; en partie ils constituèrent des Eglises libres.
Au point de vue théologique, il faut mentionner l’écrivain danois Soeren Kierkegaard (1813-1855) qui attaque vivement le formalisme de l’Eglise et réclame de la part du croyant un engagement total en face de Dieu. Assez méconnu de son temps, Kierkegaard a exercé une influence très grande sur les existentialistes et sur Karl Barth. Au XXe siècle, les théologiens de Lund, en Suède, ont avancé une théorie originale de la rédemption conçue non pas comme une expiation offerte à Dieu, mais comme une victoire remportée par Jésus sur le diable.
Les deux principaux théologiens de Lund sont Aulén (né en 1879), auteur d'un ouvrage Christus Victor où il expose cette théorie, et Nygren (né en 1890) qui dans son ouvrage Eros et Agapé cherche à définir l'essence du christianisme.
Au Danemark, le pasteur Grundtvig (mort 1872) abandonnait l’autorité de la Bible pour se baser uniquement sur le symbole des apôtres. Il était optimiste sur la nature humaine et préconisait un Evangile social.
Le culte luthérien Scandinave se distingue par sa somptuosité. On peut admirer à la cathédrale de Copenhague les belles sculptures de Thorwaldsen (1779-1844).
ÉVANGÉLISATION DES CATHOLIQUES ET DES ORTHODOXES GRECS
1837 1. L'Europe latine. En Belgique, une Eglise nationale protestante s’est créée peu après la proclamation de l’indépendance belge, et plusieurs dénominations ont travaillé dans cette population accessible aux choses de Dieu.1919 Citons l’Eglise Chrétienne Missionnaire Belge, active depuis plus d’un siècle, et la Mission Evangélique Belge, fondée par Norton (1869-1934) au lendemain de la guerre mondiale.
Le protestantisme s’est développé en Italie pendant le conflit de ce pays avec la papauté. Aujourd’hui, la propagande protestante est entravée, mais les progrès continuent.
Des efforts ont été tentés en Espagne pendant les courts intervalles où un régime non clérical était au pouvoir. Mais le protestantisme est resté dans ce pays, comme au Portugal, une minorité infime. Des difficultés constantes ont été suscitées par les autorités : fermeture de lieux de culte, obstacle au mariage civil, etc. Quelques conversions remarquables sont à signaler, comme celle du père jésuite Padrosa.
2. L’Europe centrale. Un mouvement assez fort, intitulé « Los von Rom » (détachons-nous de Rome) a pris naissance et s’est maintenu en Autriche-Hongrie, malgré les difficultés administratives suscitées par le gouvernement clérical. Ce mouvement s’est accentué en Tchécoslovaquie, pendant l’entre-deux guerres.
3. Le Canada. Diverses sociétés ont travaillé au Canada français, resté très catholique. Un prêtre remarquable, le Père Chiniquy (1809-1899), après avoir cherché à répandre la Bible au sein du catholicisme, finit par embrasser la Réforme. Par la parole et par la plume, il a entraîné des milliers de personnes avec lui. Aujourd’hui les communautés évangéliques connaissent un essor réjouissant.
4. L’Amérique latine. C’est là que l’évangélisation protestante a porté ses plus beaux fruits depuis une centaine d’années. Quelques communautés doivent leur origine à l’immigration allemande, anglaise ou suisse. Mais ce sont surtout les missions américaines qui ont donné naissance à de belles Eglises, où de plus en plus les éléments nationaux prennent la direction. Les fidèles ont supporté avec héroïsme des persécutions violentes, comme en Colombie. La plus grande station de radio évangélique se trouve à Quito, en Equateur. Le nombre des protestants, qui était insignifiant au début du XIXe siècle, atteint aujourd’hui plus de 10 millions et ne cesse de croître avec les années.
5. Les pays grecs-orthodoxes. L’évangélisation de la Russie a porté de beaux fruits. Le tsar Alexandre Ier (1801-1825), qui subissait l’influence piétiste de Mme de Krudener, favorisait la diffusion de la Bible. Plus tard, les autorités tsaristes s’opposèrent violemment à l’évangélisation, surtout à celle des moujiks. L’exil frappait les aristocrates, la déportation en Sibérie les gens du peuple.
1917 La révolution communiste a mis les protestants sur le même pied que les orthodoxes, mais elle entrave grandement toute propagande. Les Mennonites par milliers se réfugièrent en Amérique et au Canada. Cependant, les Eglises baptistes connurent un essor remarquable. A côté de l’Eglise reconnue, étroitement surveillée par l’Etat, il existe un grand nombre de groupements clandestins, toujours exposés à la persécution.
Dans les pays balkaniques, l’Eglise orthodoxe s’oppose à tout effort d’évangélisation. Le protestantisme ne s’est guère développé qu’en Roumanie. Dans ce pays, sa situation s’est aggravée depuis l’avènement du communisme.1945
LES TRAVAUX D’ÉRUDITION
En marge des mouvements théologiques allemands, tout un travail d’érudition s’accomplit dans les diverses disciplines. Des savants de tous les pays y prennent part.
1. Etudes sur l'Ancien Testament. Les hypothèses contradictoires de la critique négative sont assez dépourvues d’intérêt.
Après Richard Simon, qui ne croyait pas que le Pentateuque fut de Moïse, l’initiateur de cette critique fut le Français Astruc (1684-1766). Il publia en 1753 ses Conjectures sur les mémoires originaux dont il paraît que Moïse s’est servi pour composer le Livre de la Genèse. Il se basait sur le fait que Dieu est appelé tantôt Elohim, tantôt Yahweh. En Allemagne Eichhom (1752-1827) et de Wette (1780-1849), en Hollande Kuenen (1828-1891), prof, à Leyde, en France Reuss (1804-1891), prof, à Strasbourg élaborèrent toujours plus cette hypothèse.
Graf (1815-1869) et Wellhausen (1844-1918) donnèrent à l’hypothèse des sources du Pentateuque sa forme classique. Us admettent un auteur Elohiste (E), un Jahwiste (J), un Deutéronomiste (D) contemporain de Josias, un auteur sacerdotal (P) postérieur à l’exil, enfin un rédacteur (R). Ils datent tous les autres livres de l’Ancien Testament de façon à les faire cadrer avec ce schéma.
L. Gauthier et Alex Westphal ont popularisé ces théories en langue française. Il ne manquait pas de théologiens pour s’opposer à cette construction, Oehler (1812-1872), auteur d’un ouvrage remarquable sur la Théologie de l'Ancien Testament, en Amérique le grand érudit Dick Wilson, en Hollande le prof. Aalders. Le Norvégien Mowinckel a exposé des théories très originales, en particulier sur les Psaumes.
Les découvertes archéologiques ont prouvé que bien des détails mis en doute par les critiques sont rigoureusement exacts. Les trouvailles faites depuis 1947 à Qumran près de la Mer Morte ont très fortement ébranlé les positions des théologiens qui acceptent encore les idées de Graf et de Wellhausen. Elles montrent combien le texte que nous possédons est bien conservé.
Parmi les archéologues bibliques, citons le Genevois Ed. Naville (1844-1926) et André Parrot, sans parler des catholiques.
Plusieurs savants de tendances théologiques diverses ont fait progresser la connaissance de l’hébreu, en particulier Gesenius (1736-1842). Kittel a rendu de grands services par ses bonnes éditions de l'Ancien Testament.
2. Etudes sur le Nouveau Testament. La critique s’est attaquée au Nouveau Testament comme à l'Ancien. Nous avons déjà parlé des deux principaux mouvements négateurs, l’école de Tubingue au XIXe siècle, la Formgeschichte au XXe.
On peut encore mentionner Paulus (1761-1851) qui niait la possibilité du miracle et cherchait à expliquer ceux du Nouveau Testament comme des phénomènes naturels ; de Wette, Reuss, Wellhausen qui ne se sont pas cantonnés dans la critique de l'Ancien Testament, mais ont appliqué leurs principes au Nouveau ; Jülicher, très négatif lui aussi. En France Goguel (1880-1955) est le représentant le plus marquant de la critique du Nouveau Testament.
Du côté conservateur, outre Hengstenberg, Zahn et Schlatter maintinrent l’intégrité du Nouveau Testament. Frédéric Godet, professeur à Neuchâtel, par ses commentaires et ses introductions, défendit la bonne cause en un temps difficile.
Des travaux très utiles furent réalisés par Tischendorf (1815-1874), Soden, Nestlé et d’autres pour établir le texte du Nouveau Testament sur la base de meilleurs manuscrits. La découverte de plusieurs manuscrits et papyrus importants facilita ce travail.
3. Etudes sur la prophétie. Ce ne sont pas uniquement des mou-vements hérétiques qui ont étudié cette question. Darby a mis au point une interprétation de la prophétie assez nouvelle qui distingue deux phases dans le retour du Seigneur et qui voit dans les visions de l’Apocalypse des événements encore à venir. Cette conception s’est imposée à beaucoup même en dehors des cercles de Frères. Nous en trouvons l’exposé le plus connu dans l’ouvrage Jésus revient de Black-stone. D’autres, comme Guinness, ont maintenu l’interprétation dite historique de la prophétie. Nous assistons de toute façon à un réveil réjouissant de l’intérêt pour ces questions au sein du peuple chrétien.
4. Histoire de l’Eglise. Neander (1789-1850), israélite converti, s’est adonné à l’étude du christianisme primitif. Il a su y intéresser ses contemporains.
Harnack (1851-1930) était de tendance libérale. Il avait une érudition extraordinaire, si bien que ses ouvrages sont intéressants même pour ceux qui ne partagent pas ses idées.
Les principaux sont l'Histoire des Dogmas, l'Histoire de ta Littérature de l’Eglise Primitive, la Diffusion de l'Evangile dans tes premiers siècles.
En France, il faut retenir le nom du Doyen Doumergue (1844-1937) et son volumineux ouvrage sur Calvin et plus près de nous celui du professeur Léonard (1890-1961).
5. Psychologie religieuse. Cette discipline a été créée en quelque sorte par le professeur William James dans son ouvrage l'Expérience religieuse. Malheureusement beaucoup de ceux qui se sont occupés de cette question étaient libéraux. En langue française, heureusement, nous avons dans ce domaine les bons livres du Docteur Tournier.
6. Histoire des religions. Cette discipline, elle aussi, s’est développée au cours des cent dernières années. Plusieurs ont cherché à mettre le christianisme sur le même plan que les autres religions, ou sont partis d’un a priori évolutionniste. Cependant Lang et le P. Schmidt en sont arrivés à penser que la religion primitive de l’humanité était une sorte de monothéisme.
Le pionnier de cette discipline a été l'Allemand Max Müller. En France on peut noter Réville (mort 1906), professeur au Collège de France.
L’ACTION SOCIALE
De tout temps, l’Eglise s’est préoccupée de la situation matérielle de ses membres et a tâché d’exercer la charité au dehors. L’importance attachée aux questions sociales dans notre civilisation actuelle a posé à l’Eglise des XIXe et XXe siècles des problèmes particuliers, qu’elle a résolus de diverses manières.
1. Action sociale spontanée. Certains chrétiens ont cherché à soulager la misère autour d’eux sans créer de grandes organisations. Ils ont ainsi travaillé au bien-être matériel de leur entourage, comme par exemple Félix Neff dans les Hautes-Alpes, ou, avant lui, le pasteur Oberlin (1740-1826) du Ban-de-la-Roche en Alsace. Ce dernier, au cours d’un ministère de 60 ans, a appris à ses paroissiens, bûcherons grossiers, à cultiver un jardin, à construire des routes, il a introduit des métiers, tout cela avant tout pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
D’autres ont eu pitié de l’enfance abandonnée. Ainsi Georges Muller (1805-1898) a fondé un orphelinat à Bristol.1836 Un de ses buts essentiels était de montrer au peuple de Dieu que le Seigneur prend soin de ceux qui s’attendent à Lui pour leurs besoins matériels. Sans jamais rien demander à personne, il a toujours reçu, en réponse à la prière, tout ce qui était nécessaire à l’entretien des 2000 orphelins qu’il avait recueillis.
Le médecin Bamardo (1845-1905), à la suite d’une rencontre avec un enfant vagabond de Londres, a, lui aussi,1867 fondé des orphelinats où, de son vivant, plus de 60.000 enfants ont été formés en vue d’une situation honorable.
En France, de multiples orphelinats ont vu le jour, mais aucun n’a connu de développement bien considérable.
Au début du XIXe siècle, l’esclavage était encore pratiqué dans bien des pays christianisés.1833 L’influence de quelques chrétiens qui ont flétri ces abus a grandement contribué à le faire disparaître, par exemple celle du parlementaire anglais Wilberforce (1759-1833). L’amélioration du régime des prisons, très fâcheux au début du XIXe, est due, elle aussi, à l’action chrétienne. Elisabeth Fry (1780-1845), ministre quaker, a joué un rôle prépondérant dans ce domaine.
En Finlande on peut mentionner Mathilda Wrede (1864-1928) qui a déployé ses efforts pour le bien des prisonniers.
1845 John Bost (1817-1880), fils du revivaliste Ami Bost, a créé à Laforce des asiles variés, destinés surtout aux déficients mentaux. On pourrait faire une longue liste des œuvres que le protestantisme fran-çais a vu naître au XIXe siècle à la suite du réveil.
Il est à noter que la question de la guérison par la foi s’est posée à l'Eglise bien avant l’apparition du mouvement de Pentecôte. Nous avons déjà mentionné le pasteur Blumhardt en Allemagne. En Suisse, Dorothée Trudel a fondé une maison de cure spirituelle à Mannedorf, Sœur Fanny Ferrât une autre à Orvin.
2. Action sociale organisée. Un Allemand, Wichern (1808-1881), après avoir travaillé un certain temps parmi les enfants de Hambourg, en vint à la conclusion que pour s’attaquer aux questions sociales, l’initiative personnelle de quelques chrétiens généreux était insuffisante. L’Eglise dans son ensemble doit se rendre compte qu’il y a des multitudes qui se rattachent à elle nominalement, et qui en fait échappent à son influence. Elle doit donc aller les chercher là où ils sont, et combattre les fléaux sociaux qui entravent son action. Il réalisa ce programme en fondant la « Mission intérieure » 1848 qui, en Allemagne, s’est occupée des orphelins, des vagabonds, des criminels, a lutté contre la débauche et le taudis, tout cela en étroit contact avec l’Eglise officielle, et en coordonnant les efforts.
Sous le successeur de Wichern, Bodelschwingh (1831-1910), la Mission intérieure allemande s’est considérablement développée. La Mission intérieure évangélique française, plus récente, a concentré ses efforts sur l’évangélisation plus que sur l’action sociale.
Une des grandes organisations sociales de notre temps est l’œuvre des diaconesses,1836 fondée à Kaiserswerth par le pasteur allemand Fliedner (1800-1864). Il avait constate que le niveau moral des infirmières laissait à désirer, et il avait institué un cours pour jeunes filles chrétiennes désireuses de soigner des malade. Après quelques hésitations, il adopta pour elles un uinforme. L’exemple de Fliedner a été suivi dans presque tous les pays. Son élève la plus connue est l’Anglaise Florence Nightingale (1820-1910) dont le travail parmi les blessés de guerre a préparé la fondation de la Croix-Rouge.1859
Après des débuts très modestes, l’œuvre des diaconnesses a pris un essor remarquable sur le continent européen, surtout en Allemagne, où une mention spéciale est due à Sœur Eva Tielewinkler. Dans les pays anglo-saxons, le développement est resté faible.
En France, la communauté la plus ancienne est celle de Reuilly, fondée en 1841 par le pasteur Vermeil et Sœur Caroline Malvesin. Parmi les autres maisons de diaconesses, citons celle de Strasbourg, fondée en 1842, celle de Saint-Loup en Suisse (1842), et le diaconat de Béthesda (1892) de Strasbourg.
En ce qui concerne les soins aux malades, il faut signaler le travail considérable accompli parmi les lépreux à l’heure actuelle. Le sanatorium de Valbonne en est un exemple entre beaucoup.
Le pasteur Rochat (1849-1917) a fondé à Genève une ligue d’abstinence, la Croix-Bleue, destinée à relever les buveurs par le message de l’Evangile. Une Anglaise, Joséphine Butler (1828-1906), attristée par la mort de sa fille, s’attacha à travailler au relèvement des prostituées, et à lutter contre le maintien des maisons de tolérance. La fédération abolitionniste qu’elle a organisée a obtenu gain de cause dans plusieurs pays.
3. Déviations de l’action sociale. Tous ceux dont nous avons parlé ont envisagé l’action sociale comme un moyen, leur but étant la conquête des âmes. Certains ont exagéré le rôle de cette action : ils y ont vu un des buts essentiels de l’Eglise ; quelques-uns sont allés jusqu’à dire qu’il serait possible à l’Eglise, par cette action, d’améliorer le monde et d’établir le royaume de Dieu sur terre.
D’autres ont été entraînés à s’associer trop intimement, pour les questions sociales, avec des non chrétiens, et parfois même à préconiser, pour l’Eglise, une activité politique.
Il est frappant de constater que ceux qui se sont laissés aller à des déviations n’ont guère accompli, même au point de vue social, de travail constructif. En revanche, ils ont nui à la spiritualité de l’Eglise. Rien n’est si utile aux corps que l’amour des âmes.
De toute façon, la législation actuelle où l’Etat assume de plus en plus les responsabilités sociales qui autrefois incombaient à l’initiative privée, impose certaines limites à l’action sociale de l’Eglise.
Chez certains représentants du « Christianisme social », comme Tomy Fallot (1844-1904), auteur du Livre de l’Action bonne, malgré une piété personnelle indéniable, le danger de déviation apparaît quelque peu. Il est manifeste chez des politiciens comme Stocker (1835-1909), champion du parti socialiste chrétien, dans le «Mouvement de réconciliation », comme aussi chez les promoteurs de «l’Evangile social » en Amérique et chez les tenants des théories de « libération des peuples », aux tendances gauchistes. Parmi les croyants de convictions libérales qui ont accompli un travail social positif, citons le Japonais Kagawa (1888-1960).
Un sermon d’Oberlin.
Chers amis ! Quiconque aime le Seigneur Jésus-Christ — or, je pense, que chacun d’entre vous souhaiterait de parvenir à L’aimer — quiconque donc est dans ces sentiments se plaira donc à Lui faire plaisir.
Or, on Lui fait un plaisir singulier par les bonnes œuvres. Pour faire les bonnes œuvres, il ne faut pas justement de l’argent. Chaque œuvre pour le bien public et pour le soulagement des hommes et des bêtes, quand elle se fait surtout pour l’amour de Lui, est une bonne œuvre qui réjouit son cœur.
Telle est principalement la réparation et le bon entretien des chemins. Car, les chemins tenus en bon état tendent d'abord à l’honneur de notre pays et religion, et par conséquent à celui de notre Sauveur Jésus-Christ que nous invoquons, et dont nous invoquons vouloir être les imitateurs.
Ensuite, ils réjouissent et soulagent tous les frères et sœurs de Jésus-Christ qui y passent ; et, au dernier jour, le Seigneur dira aussi à ceux qui, pour l’amour de Lui, auront contribué aux bons chemins : « Ce que vous avez fait aux plus petits de mes frères, vous l’avez fait à moi »
Mais, 2° nous faisons par là aussi du bien à nos adversaires, à ceux qui nous méprisent, ou chicanent, ou oppriment, ou font du tort. Mais, si nous agissons ainsi envers nos adversaires, nous imitons l’exemple de Dieu, notre Père céleste, et II nous regarde pour ses enfants.
Enfin, 3° nous soulageons les bêtes. Or Dieu a beaucoup d’égard à ce que l’on fait aux bêtes ; Il nous le déclare en plusieurs endroits de sa Sainte Parole et II dit en termes exprès que : « le juste a égard au soulagement et bien-être des bêtes ».
Voyez combien de motifs doivent nous porter à nous appliquer avec joie et grand zèle à contribuer au bon entretien de tous les chemins.
Chers amis ! Vous n’y avez sûrement pas réfléchi, quand, le 28 juillet, votre maire et ancien vous a commandés à la réparation d’un chemin, et que, en grande partie, vous avez refusé d’y aller, de sorte qu’il y a manqué trente-cinq ménages.
Vous avez affligé par là (je parle à ceux qui y ont manqué), vous avez affligé par là le cœur de votre Sauveur qui souhaite que vous soyez zélés pour les bonnes œuvres, et obéissants de bon cœur aux supérieurs et préposés qu’il vous a donnés.
Demandez-en pardon à votre Sauveur, et suppliez-Le de vous animer de zèle pour tout ce qui peut Lui faire plaisir, comme ses chers rachetés, son peuple particulier et chéri, et comme le troupeau de sa pâture, et les membres de son corps.
Camille LEENHARDT
Vie de J.F. Oberlin — pp. 90, 91.
EFFORTS DE CONCENTRATION
Nous avons vu comment le protestantisme, divisé dès l’origine en plusieurs branches, s’est morcelé davantage encore au cours des siècles. C’est la rançon de la liberté et de l’individualisme. Souvent d’ailleurs, cette diversité répond aux besoins divers des cœurs et ne nuit en rien à l’unité véritable. N’empêche que dès le XIXe siècle, et surtout au XXe, un mouvement en sens contraire s’amorce.
1. Collaboration. On ne peut qu’applaudir lorsque des chrétiens appartenant à des communautés diverses, sans chercher à créer une unité factice, mais conscients d’être un en Christ, cultivent des rapports fraternels, soit entre individus, soit entre groupements, sur une base biblique. C’est ainsi que l'Alliance Evangélique, fondée à Londres au milieu du XIXe siècle,1846 groupe des individus attachés à une foi positive et organise des réunions en commun. Des entreprises inter-ecclésiastiques, conventions, écoles bibliques, campagnes d’évangélisation, sociétés missionnaires interconfessionnelles etc., ont contribué à créer des liens précieux. Sur les champs de mission, les protestants ont coordonné leur travail de façon à éviter la concurrence.
2. Fusions. Celle des luthériens et des réformés en Prusse fut imposée d’en haut. D’autres fusions eurent lieu entre Eglises assez proches doctrinalement et ecclésiastiquement, en Ecosse, en Suisse, aux Pays-Bas. D’ailleurs parfois le résultat recherché ne fut pas atteint, parce que des minorités attachées à leurs principes ne voulaient pas adhérer à la nouvelle organisation. C’est ce qui se produisit en France lors de la constitution de l’Eglise Réformée de France,1938 et au Canada lors de la jonction des méthodistes, congrégationalistes et de certains presbytériens pour former l’Eglise Unie du Canada. L’Eglise Unie de l’Inde méridionale et celle de Ceylan résultent de la fusion sous un régime épiscopal opérée entre des groupements plus éloignés par leur doctrine et leur discipline. Des Eglises de ce genre sont en voie de formation dans divers pays.
3. Fédérations. Dans la plupart des pays, plusieurs Eglises protestantes se sont fédérées pour avoir une représentation commune en face de l’Etat. C’est ainsi qu’il y a la Fédération Protestante de France, le Conseil Fédéral des Eglises Américaines, etc. Comme ces organisations ont dans leur sein des libéraux plus ou moins notoires à coté de croyants orthodoxes, et qu’elles n’ont pas toujours limité leur action au but primitif, certaines Eglises évangéliques ont voulu rester en dehors. Aux Etats-Unis, face au Conseil Fédéral des Eglises, deux fédérations orthodoxes ont vu le jour, l’Association Nationale des Evangéliques (NAE) et le Conseil Américain d’Eglises Chrétiennes (ACCC).
Sur le plan confessionnel également, des alliances internationales se sont constituées, comme l'Alliance Presbytérienne, l'Alliance Luthérienne Mondiale, le Synode Réformé Œcuménique, la Conférence Mondiale des Eglises Baptistes, etc.
4. Œcuménisme. Les premiers jalons de ce mouvement furent posés par la Conférence mondiale des Missions à Edimbourg.1910 Entre les deux guerres, on vit s’organiser à Stockholm et sous la présidence de l’archevêque luthérien Soederblom (1866-1931) les assises du mouvement « Vie et Action » 1925 qui n’avait pas de base doctrinale, et qui visait à l’activité commune sur le plan social ;1927 puis, à Lausanne, le mouvement « Foi et Constitution » où des représentants de 90 dénominations protestantes et grecques-orthodoxes cherchèrent les bases d’une union doctrinale et ecclésiastique. Les deux courants décidèrent de ne faire qu’un après avoir tenu leurs assises la même année,1937 « Vie et Action » à Oxford, « Foi et Constitution », à Edimbourg.
En 1948, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Conseil Œcuménique des Eglises fut fondé à Amsterdam. Il représente 190 communions différentes. Pour en faire partie, il faut croire en Jésus Dieu et Sauveur ; mais le Conseil s’interdit de vérifier comment les Eglises interprètent la base.1961 L’Eglise russe s’y est jointe tardivement. Elle empêche le Conseil Œcuménique de condamner énergiquement les mesures prises contre les chrétiens dans les pays communistes, alors que des sommes sont généreusement envoyées aux « mouvements de libération » même ceux de caractère terroriste qui ont surgi dans le Tiers-monde. Le Conseil Œcuménique a son centre à Genève, et compte plusieurs présidents qui représentent les diverses confessions qui en font partie. Il a noué des contacts de plus en plus fréquents avec Rome.
Parmi les promoteurs de l’œcuménisme signalons le Secrétaire-Général Vissert’ Hooft qui vient de prendre sa retraite, le pasteur Marc Bœgner (1881-1970) et les Frères de Taizé.
Face au Conseil Œcuménique, des croyants évangéliques qui ne désiraient pas en faire partie ont, eux aussi, mis sur pied des organisations internationales,1953 en particulier l'Union Evangélique Mondiale, patronnée par l’Association Nationale des Evangéliques d’Amérique et par l'Alliance Evangélique Britannique, et le Conseil International d’Eglises Chrétiennes (ICCC).1948
5. Syncrétisme. Certains enthousiastes visent même à une association qui engloberait à côté des Eglises chrétiennes les Musulmans, les Bouddhistes, les Confucianistes, etc. C’est ainsi qu’un « Festival de la Foi » s’est célébré à San Francisco.1954 C’est un peu cette tendance qui prévaut au Réarmement Moral de Caux sur Montreux, héritier du mouvement des groupes d’Oxford. Au début, ce mouvement, inspiré par le pasteur Buchman (1878-1961), semblait assez prometteur, malgré l’absence de base doctrinale et les abus que pouvaient entrainer l’habitude du « partage » et la recherche de « directions » divines. Les adeptes devaient soumettre leurs actions à 4 critères, c’est-à- dire vérifier si leurs mobiles étaient absolument purs, honnêtes, aimants et désintéressés. Malgré la foi personnelle du fondateur, la porte fut de plus en plus ouverte à toutes les tendances, même non chrétiennes.
Principes de l’Alliance Evangélique adoptés à la conférence de 1846.
Les membres de l'Alliance seront uniquement des personnes qui maintiennent ce qu'on appelle des vues évangéliques en ce qui concerne les points de doctrine suivants :
1. L’inspiration divine, l'autorité et la toute suffisance des Saintes Ecritures.
2. L’unité de Dieu, dans la Trinité des Personnes divines.
3. La dépravation totale de la nature humaine, conséquence de la chute.
4. L’incarnation du Fils de Dieu, son œuvre de réconciliation pour les hommes pécheurs, son intercession et son règne en tant de Médiateur.
5. La justification du pécheur par la foi seule.
6. L'œuvre du Saint-Esprit pour la conversion et la sanctification du pécheur.
7. L’immortalité de l’âme, la résurrection du corps, le jugement du monde par notre Seigneur Jésus-Christ, la félicité éternelle des justes, et le châtiment éternel des méchants.
8. Le ministère chrétien en tant qu’institution divine, le devoir permanent de célébrer le baptême et la Sainte-Cène.
9. Le droit et le devoir d’user du jugement personnel pour l’interprétation des Saintes Ecritures.
L'on n’envisage pas que l'Alliance prenne ou aspire à prendre le caractère d’une nouvelle organisation ecclésiastique, ni qu’elle prétende exercer les fonctions d'une Eglise Chrétienne. Son but simple et vaste peut être atteint sans intervention et sans modification dans l’organisation d'aucune des branches de l'Eglise Chrétienne auxquelles les membres de l'Alliance peuvent se rattacher.
La Conférence a déclaré qu’elle s'était réunie, non pour créer l’unité chrétienne, mais pour confesser l’unité que l'Eglise possède déjà en tant que corps de Christ.
La base du Conseil Œcuménique.
Le C.O.E. est une association fraternelle d’Eglises qui confessent le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Ecritures et s’efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
BODMER DE TRAZ
New Delhi — p. 36.
Définition de l’unité par le Conseil Œcuménique.
Nous croyons que l’unité, qui est à la fois le don de Dieu et Sa volonté pour son Eglise, est rendue visible lorsque, en un même lieu, tous ceux qui sont baptisés en Jésus-Christ et le confessent comme Seigneur et Sauveur, sont conduits par le Saint-Esprit à former une communauté pleinement engagée, confessant la même foi apostolique, prêchant le même Evangile, rompant le même pain, s’unissant dans une prière commune et vivant d’une vie communautaire qui rayonne dans le témoignage et le service de tous ; et lorsque, en outre, ils se trouvent en communion avec l’ensemble de la communauté chrétienne en tous lieux et dans tous les temps, en sorte que le ministère et la qualité de membre sont reconnus par tous, que tous peuvent, selon que les circonstances l’exigent, agir et parler d’un commun accord en vue des tâches auxquelles Dieu appelle son peuple.
BODMER DE TRAZ
New Delhi — p. 124.
LE CATHOLICISME ROMAIN
1. RELATIONS AVEC L’ETAT
1. Le pouvoir temporel du pape. A trois reprises, il a été aboli temporairement au cours de cette période, d’abord par la Révolution française (1798-1800) et par Napoléon (1809-1814), puis par le gouvernement italien qui voulait avoir sa capitale à Rome (1870-1929). 1929 Le pape, irrité, se constitua prisonnier au Vatican. L’accord de Latran entre Pie XI et Mussolini a restitué au pape le pouvoir temporel sur quelques kilomètres carrés appelés Cité du Vatican. Cependant, ce n’est que Paul VI (1963-1978) qui a entrepris de grands voyages hors de Rome.
2. La France. Pour mettre fin à la confusion religieuse qui régnait depuis la Révolution, Bonaparte signa avec le pape Pie VII le Concordat de 1802. L’Etat nommait les évêques qui étaient confirmés par le pape. Le clergé était salarié par l’Etat. Ce régime dura jusqu’à la fin du siècle.1882 L’adoption de la loi sur l’instruction publique laïque troubla les relations entre la France et la papauté. Sous la poussée anticléricale, plusieurs ordres religieux furent expulsés. Enfin, les relations avec le Vatican furent rompues et en 1905 la séparation entre l'Eglise et l’Etat adoptée par le Parlement. Comme le pape Pie X interdit la constitution des associations cultuelles, le gouvernement admit l’établissement d’associations diocésaines.
Depuis 1918, les relations entre la France et la papauté sont devenues meilleures. En Alsace et Lorraine, les dispositions du Concordat de 1802 sont toujours valables.
3. Autres pays catholiques. Comme en France, la papauté a tâché d’y maintenir sa domination, non sans provoquer de violentes réactions anticléricales;
En Italie, après le long conflit consécutif à l’annexion de Rome, 1929 l’accord de Latran a inauguré une période de collaboration étroite entre l'Eglise et l’Etat.
En Espagne diverses révolutions anticléricales n’ont eu que des succès passagers, mais depuis la fin de la dictature instituée par le général Franco et le rétablissement de la monarchie un régime de vraie liberté religieuse est en train de prévaloir.
La disparition de la monarchie austro-hongroise en 1918 fut un coup sensible pour l’Eglise romaine.
En Amérique latine, le catholicisme est sur la défensive. Le nombre des prêtres est très insuffisant. Mais là aussi, les manifestations d’intolérance ne sont pas rares, surtout en Colombie. Au Brésil, en Argentine, au Chili, même au Canada, la position catholique s’est affaiblie.
1829 4. Pays protestants. En Angleterre, l’Acte d’Emancipation donne aux catholiques les mêmes droits civiques qu’aux protestants. L’Irlande du Sud, catholique, obtint son indépendance totale en 1922. Dans les pays Scandinaves aussi le catholicisme gagna la tolérance, sans d’ailleurs y faire de progrès notables.
En Suisse, la suppression de quelques couvents provoqua le soulèvement des cantons catholiques (Sonderbund).1847 La rapide victoire des protestants mit fin à ce conflit, et les Jésuites furent exclus de Suisse.
En Allemagne, Bismarck voulut renforcer l’autorité de l’Etat sur l’Eglise catholique et diminuer l’influence du clergé sur les écoles. Il en résulta le conflit appelé Kulturkampf qui se termina par un compromis favorable à l’Eglise.
Bismarck voyait dans le catholicisme une force politique hostile à l’unité allemande. Il promulgua en mai 1873 des lois qui obligeaient les prêtres à faire des études universitaires et à subir des examens d’Etat.
Il exigeait aussi que le gouvernement ait un droit de regard dans la nomination des ecclésiastiques. Le pape Pie IX interdit au clergé de se soumettre, si bien que plusieurs dignitaires furent mis en prison et que de nombreuses paroisses restaient sans curés. En Allemagne même, cela provoqua tant de mécontentement, que Bismarck dut céder.
880-1883 Léon XIII était plus conciliant dans la forme, et les unes après les autres, les lois de mai furent abrogées. Le gouvernement allemand se contentait d’un droit d’inspection dans les écoles catholiques et de l’exclusion des Jésuites.
Le régime hitlérien ne provoqua pas de la part des catholiques la même résistance que de la part de l’Eglise confessante protestante. D’ailleurs Hitler avait inauguré son avènement par la signature d’un concordat avec le pape. En Allemagne fédérale, l’influence catholique est aujourd’hui très forte.
Aux Etats-Unis, les catholiques sont devenus très nombreux par l’afflux d’immigrants irlandais et italiens. Cependant il n’y a pas de relations officielles entre Washington et le Vatican.
5. Pays sous le joug communiste. La position des catholiques y est encore plus précaire que celle des autres chrétiens. Leur rattachement à un centre étranger, Rome, et l’attitude réactionnaire que la papauté a souvent prise expliquent ce fait. Parfois les autorités communistes ont tâché de créer des Eglises catholiques nationales, détachées du pape, notamment en Pologne et en Chine. Cependant des contacts ont été noués récemment entre le Vatican et certains gouvernements communistes.
On a beaucoup parlé de la courageuse résistance du primat de Pologne, Wyszynski, qui finit par avoir gain de cause, et de celle du cardinal hongrois, Mindszenty. Les Ruthènes qui vivent dans les provinces polonaises annexées par la Russie en 1939 ont des difficultés spéciales, caf ils subissent à la fois la pression du gouvernement soviétique et celle de l’Eglise grecque orthodoxe qui voudrait les détacher de Rome.
2. RENOUVEAU CATHOLIQUE AU XIXe SIÈCLE
1. La restauration. Parallèlement au réveil protestant, le catholicisme reprend son élan après les assauts du rationalisme. Châteaubriand publia son Génie du Christianisme.1802 Joseph de Maistre se fit l’avocat de l’absolutisme romain dans son ouvrage Du Pape.1819 Pie VII (1800-1823)1814 rétablit les jésuites qui redevinrent le principal ordre religieux. Même l’inquisition fut remise en vigueur dans certains pays. La Congrégation de l’index sévit contre tous les ouvrages progressistes. Les sociétés bibliques furent qualifiées d’instruments diaboliques et de pestes par les papes Pie VII et Léon XII (1823-1829).
Parmi les catholiques remarquables de cette époque citons' encore Lamennais qui fut condamné à cause des idées libérales qu’il exprimait dans ses Paroles d'un croyant, le prédicateur Lacordaire, le comte de Montalembert et J.B. Marie Vianney, le très populaire curé d’Ars.
2. L’immaculée conception de Marie. Dès le Moyen Age, la question avait été agitée de savoir si Marie avait été exempte ou non au péché originel. Les plus grands théologiens, Bernard de Clairvaux et Thomas d’Aquin avaient combattu la doctrine de l’immaculée conception. Mais Duns Scot et plus tard les jésuites l’avaient soutenue. 1854 Le pape Pie IX (1846-1878) proclama que c’était une vérité révélée par Dieu même.
Peu après, ce nouveau dogme sembla recevoir une confirmation surnaturelle par les apparitions de Lourdes, où Bernadette Soubirous crut voir la Vierge qui recommandait qu’on boive l’eau et qu’on mange l’herbe qui avoisinaient la grotte. Quelques guérisons miraculeuses se produisirent, et depuis les pèlerinages se sont multipliés.
3. Le Sacré-Cœur. Le culte du Sacré-Cœur de Jésus a fait son apparition dès le XVIIe siècle, à la suite des visions de Marguerite-Marie Alacoque.1856 Le pape Pie IX consacra ce culte un peu sensuel par une fête officielle imposée à toute l’Eglise.
1864 4. Le Syllabus. D’autre part, le même pape prit fortement position contre toutes les idées modernes. Dans son Syllabus, il condamna 80 erreurs, entre autres le socialisme, le communisme, le protestantisme, les sociétés bibliques, les sociétés secrètes, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la liberté de conscience. Il maintenait la nécessité du pouvoir temporel du pape, le droit pour l’Eglise de recourir à la force, etc.
3. LE PREMIER CONCILE DU VATICAN
1. La préparation. Le concile de Trente avait proclamé la suprématie du pape sur les conciles, même œcuméniques. Pie IX pensa que le moment était venu de mettre un point final à cette question en définissant l’infaillibilité du pape. A cet effet, après cinq ans de préparation, il convoqua un concile œcuménique au Vatican.
2. Les séances. Le concile se réunit en décembre 1869. Un premier vote donna 371 oui, 61 oui conditionnels et 88 non. Là-dessus, la plupart des opposants quittèrent Rome, pour ne pas manifester leur désaccord avec le pape à la séance officielle. Ainsi le 18 juillet 1870, le vote fut acquis par 533 oui contre 2 non. Le pape, « en vertu de l’assistance divine qui lui a été promise, ne peut errer, lorsque dans l’exercice de ses fonctions de docteur suprême de tous les chrétiens, il définit en vertu de son autorité apostolique ce que, en matière de foi et de mœurs, l’Eglise universelle doit observer comme étant de foi, ou rejeter comme étant contraire à la foi. » Ensuite le concile s’ajourna, mais comme dans l’intervalle les troupes italiennes occupèrent Rome, ses séances ne furent pas reprises.
3. L’Eglise Vieille catholique. Les évêques, même ceux qui au début avaient été dans l’opposition, se soumirent au nouveau dogme. Mais plusieurs intellectuels, en particulier le professeur Dollinger de Munich, fondèrent une Eglise Vieille catholique 1871 qui se fondait sur la tradition des cinq premiers siècles en plus de l'Ecriture. La communion sous les deux espèces, le mariage des prêtres et l’usage de la langue du peuple y furent introduits. En Suisse, en Autriche, des mouvements analogues virent le jour. En France, le Père Hyacinthe Loyson, 1889 ancien Carme (1827-1912), essaya de grouper une Eglise gallicane, sans grand succès. Les vieux-catholiques se sont unis à d’anciens catholiques dissidents, avec un archevêque à Utrecht. Ils ont environ 250 000 fidèles.
Le décret du Vatican.
C’est pourquoi avec l'approbation du Saint Concile, nous enseignons et déclarons comme dogme de foi que le pontife Romain, à qui, en la personne du bienheureux Pierre, le Seigneur Jésus-Christ a dit entre autres : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille point, et toi quand tu seras converti, affermis tes frères », en vertu de l'assistance divine qui lui a été promise, ne peut errer, lorsque dans l’exercice de ses fonctions de docteur suprême de tous les chrétiens, il définit en vertu de son autorité apostolique ce que, en matière de foi et de mœurs, l'Eglise universelle doit observer comme étant de foi, ou rejeter comme étant contraire -à la foi ; et de tels décrets ou jugements, irréformables en eux-mêmes, doivent être acceptés et observés par tout chrétien, dès qu’il en aura connaissance avec une pleine obéissance de la foi. Or, comme c’est la même infaillibilité qu’on peut envisager comme résidant sur le pontife de Rome, en tant que chef de l'Eglise, ou comme résidant sur toute l'Eglise enseignante unie avec son chef, nous définissons de plus que cette infaillibilité s'étend à un seul et même objet. Si quelqu’un avait l’audace de contredire à cette définition que nous avons faite (plaise à Dieu que cela n’arrive pas), qu’il sache qu'il est déchu de la vérité de la foi catholique et de l'unité de l’Eglise.
MANSI Tome LU, p. 7.
4. LE CATHOLICISME CONTEMPORAIN
1. Léon XIII (1878-1903). Ce fut un pape énergique et très habile, aussi résolu dans ses visées, mais plus souple dans ses méthodes que son prédécesseur. Il se préoccupa de la mission, de la participation des laïcs à la vie de l’Eglise et des questions sociales (Bulle Rerum Novarum).
2. Le modernisme. Les chefs de ce mouvement cherchaient à concilier le dogme catholique avec les idées modernes. Ils se permettaient de grandes libertés dans le domaine de la critique biblique. Leur principal représentant était le professeur Loisy. Le pape Pie X (1903-1914) condamna le mouvement par la bulle Pascandi.1907 Loisy fut ex-communié, et la plupart des modernistes se rétractèrent. Mais la tendance subsistait en sous-main. Pie XII (1939-1958) lui lâcha la bride avec la bulle Divino afflante spiritu,1943 et depuis lors elle se manifeste librement, par exemple dans la Bible de Jérusalem. Cela n’empêche pas un renouveau biblique réjouissant de se développer de divers côtés.
3. L’Assomption. Depuis longtemps on fêtait le 15 août l’assomption de la Vierge, bien que rien dans l'Ecriture ni même dans la tradition ancienne n’y fasse allusion. Pie XII promulgua en 1950 le dogme selon lequel la Vierge après sa mort a été enlevée au ciel avec son corps. Le culte marial a marqué un nouveau progrès lorsque Paul VI a conféré à Marie le titre de Mère de l’Eglise.
4. Catholiques remarquables. Les belles figures ne manquent pas au catholicisme de la fin du XIXe et au XXe siècles. Citons Thérèse de l’Enfant Jésus (1853-1897), carmélite de Lisieux, et le Père Charles de Foucauld (1858-1916), missionnaire au Sahara et martyr.
Le cardinal Lavigerie (1825-1892) est le fondateur de l'Ordre des Pères Blancs qui se sont distingués sur le champ missionnaire. Léon Bloy (1846-1917) était un écrivain remarquable. Maurice Blondel (1861-1949) un philosophe original. Le Père jésuite Teilhard de Chardin (1881-1955 ) a cherché une conciliation hasardeuse entre un évolutionnisme outrancier et la foi chrétienne. Jacques Maritain (1883-1972) s’est fait au contraire le champion du thomisme.
5. LE SECOND CONCILE DU VATICAN
1. La convocation. Le premier concile du Vatican, interrompu par les événements politiques, n’avait pas eu le temps, après avoir fixé le dogme de l’infaillibilité papale, de préciser le pouvoir des évêques. De plus, en face du monde moderne, le pape Jean XXIII (1958-1963) désirait une mise à jour, un « aggiornamento » de l'Eglise pour la rendre plus sympathique aux gens du dehors. C’est pourquoi il lança la convocation du second concile du Vatican.1959
2. Les sessions. Elles se sont déroulées chaque automne de 1962 à 1965. Des observateurs protestants et grecs-orthodoxes purent assister aux séances et furent même, en privé, consultés. Plus de 2000 évêques participèrent aux travaux. Parmi eux se dessinèrent une minorité, qualifiée d’« intégriste », à la tête de laquelle se trouvaient les cardinaux de la Curie, hostiles à toute concession, et une majorité progressiste, elle-même assez disparate, avec des tendances favorables chez les uns au modernisme, chez d’autres à une ouverture politique vers la gauche, chez d’autres encore à un renouveau biblique. Les interventions révolutionnaires et les séances houleuses ne furent donc pas rares. Pourtant il n’était pas question de réviser les dogmes romains. Tous les participants devaient souscrire d’emblée à la profession de foi du concile de Trente, et la suprématie du pape sur le Concile fut toujours maintenue. Des schémas élaborés en commission étaient discutés en séance publique, remaniés et finalement adoptés à la majorité des voix.
3. Les résultats. Le pouvoir collégial des évêques fut précisé dans une nette subordination par rapport au pape. Le Concile adopta certains remaniements liturgiques, en donnant aux langues vulgaires une place plus importante dans le culte au détriment du latin. Il se prononça en faveur de la liberté religieuse en se basant d’ailleurs sur le droit naturel plus que sur l’Evangile. Dans les pays où l’intolérance régnait, la situation des « frères séparés » s’en trouva améliorée. Catholiques et protestants collaborent à des traductions « œcuméniques » de la Bible. L’esprit de contestation anime certains cercles catholiques qui voudraient par exemple abolir le célibat obligatoire des prêtres. L’on ne peut dire, cependant, que le visage officiel de l'Eglise ait vraiment changé. Le pape Jean-Paul II (nommé en 1978), d’origine polonaise, semble plutôt ramener l'Eglise à ses voies traditionnelles. C’est, depuis plusieurs siècles, le premier non-italien à monter sur le trône pontifical.
Parmi les catholiques qui ont travaillé au rapprochement avec les autres chrétiens, citons l’abbé Couturier et le cardinal Béa.
LES EGLISES D’ORIENT
1. Relations avec l’Islam. Au cours du XIXe siècle, les divers pays balkaniques réussirent à secouer le joug turc, grâce en particulier à l’appui russe. Ainsi des Eglises nationales plus ou moins indépendantes les unes des autres se constituèrent en Grèce, en Roumanie, en Serbie-Yougoslavie, en Bulgarie.
Le passage du Liban sous mandat français, puis son indépendance, aboutit à la création d’un Etat en majorité chrétien au Moyen-Orient. D’ailleurs, la minorité musulmane y est très forte.
Les Arméniens ont subi de la part des Turcs à la fin du XIXe et au XXe siècles les persécutions les plus sanglantes de toute l’histoire. On dit qu’un million d’entre eux furent massacrés ; les autres durent émigrer dans des conditions lamentables.
Actuellement, les coptes d’Egypte sont le seul groupement chrétien numériquement important qui se trouve en pays musulman.
2. L’Eglise russe. Pendant tout le XIXe siècle, l’Eglise russe est restée étroitement assujettie à l’Etat qui la dirigeait par le moyen du Saint-Synode et qui persécutait les dissidents. Ce n’est qu’en 1905 qu’il fut permis de quitter officiellement l’Eglise orthodoxe.
En 1917, lors de la Révolution, les évêques se hâtèrent de convoquer un concile à Moscou et de nommer un patriarche, Tikhon (1917-1925). Le pouvoir bolchévik persécuta l’Eglise. Des lieux de culte furent transformés en musées antireligieux, plusieurs ecclésiastiques furent mis à mort. Le patriarche Tikhon et son successeur Serge (1925-1944) furent temporairement emprisonnés. Le gouvernement soviétique finit par reconnaître l’Eglise patriarcale.1927 L’invasion aile-mande créa des liens plus cordiaux entre les autorités politiques et l’Eglise qui soutint le moral du peuple dans la guerre. Le patriarche Alexis (1945-1970) a joui de la considération officielle. Cette protection est assortie d’une main-mise très nette du pouvoir civil sur l’Eglise. Aussi plusieurs fidèles se sont-ils réfugiés dans la clandestinité.
3. Relations avec d’autres Eglises. Le tsar Alexandre Ier a conclu, au nom de la Trinité,1814 une Sainte Alliance avec l’empereur d’Autriche, catholique, et le roi de Prusse, protestant. Ce geste était d’ailleurs plutôt inspiré par les tendances politiques réactionnaires que par des motifs religieux.
La plupart des Eglises d’Orient se sont affiliées au Conseil œcuménique, sans d’ailleurs renoncer à la prétention d’être les seules Eglises fidèles, et sans cesser de persécuter les protestants dans leurs territoires. Le patriarche œcuménique Athénagoras de Constantinople et le pape Paul VI ont amorcé une réconciliation.
4. Vie intérieure. Pendant longtemps ces Eglises sont restées figées dans un formalisme très mystique, mais dépourvu de vie véritable. L’ignorance et la superstition caractérisaient les masses, et le clergé entretenait l’une et l’autre. Aujourd’hui, il y a un revirement dans certaines Eglises. On revient à la Bible ; on donne une place plus grande à la prédication. Les promoteurs de ces tendances se heurtent d’ailleurs à beaucoup d’opposition.
La déclaration commune du pape et du patriarche œcuménique.
Le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier, avec son synode, déclarent d’un commun accord :
a) Regretter les paroles offensantes, les reproches sans fondement et les gestes condamnables qui; de part et d’autre, ont marqué ou accompagné les tristes événements de cette époque (celle du schisme d’Orient).
b) Regretter également et enlever de la mémoire et du milieu de l’Eglise les sentences d’excommunication qui les ont suivis et dont le souvenir opère jusqu'à nos jours comme un obstacle au rapprochement dans la charité, et les vouer à l’oubli.
c) Déplorer enfin les fâcheux précédents et les événements ultérieurs qui, sous l’influence de divers facteurs, parmi lesquels l'incompréhension et la méfiance mutuelle, ont finalement conduit à la rupture effective de la communion ecclésiastique.
En accomplissant ce geste de justice et de pardon réciproque, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier espèrent qu'il sera agréé de Dieu et apprécié par le monde chrétien tout entier, mais surtout par l’ensemble de l'Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe comme l’expression d’une sincère volonté réciproque de réconciliation et comme une invitation à poursuivre, dans un esprit de confiance, d’estime et de charité mutuelles, le dialogue qui les amènera, Dieu aidant, à vivre de nouveau pour le plus grand bien des âmes et l'avènement du règne de Dieu, dans la pleine communion de foi, de concorde fraternelle et de vie sacramentelle qui exista entre elles au cours du premier millénaire de la vie de l'Eglise.
1. Résumé chronologique. Le plus simple est de distinguer six phases dans cette période.
1792-1815 Napoléon. Rationalisme sur le continent. Oberlin. Réveil en Angleterre, écoles du dimanche, sociétés bibliques. Raffermissement partiel du catholicisme. Pie VII. Châteaubriand.
1815-1830 Réveil en Europe. Haldane et ses disciples. Cook. Neff. Elisabeth Fry. Schleiermacher. Conflit unitaire en Amérique. Eglise unie en Prusse. Rétablissement des Jésuites. Sainte Alliance. Emancipation de la Grèce.
1830-1870 Seconde généralisation du Réveil. Gaussen. Merle d’Aubigné. Ad. Monod. Vinet, Finney. Débuts de Spurgeon. Sociétés d’évangélisation en France, en Belgique, au Canada. U.C.J.G. Strauss. Baur, Tischendorf, Tholuck, Hengstenberg, Kierkegaard. Eglises libres de France, de Suisse, d’Ecosse. Frères de Plymouth. Irvigiens, Tractarianisme. Mormons, Adventistes. Œuvres sociales spontanées. Mission intérieure allemande. Diaconesses. Infaillibilité papale. Comte, Darwin, Marx.
1870-1918 Réveil d’Oxford, Spurgeon, Moody. Armée du Salut. Chiniquy, Saillens, Croix-Bleue. Lutte contre la débauche. Déviations de l’action sociale. Ritschl. Confession de foi de 1872. Gereformerde Kerken. Science chrétienne, Russel, Kulturkampf. Conflit entre Italie et Papauté. Vieux catholiques. Massacres d’Arméniens. Emancipation des pays balkaniques. Séparation de l’Eglise et de l’Etat en France.
1918-1939 Mouvement de Pentecôte. Révolution russe. Tikhon, Serge. Eglise confessante d’Allemagne. Pie XL Accords de Latran. Débuts de K. Barth. Témoins de Jéhovah. Fusions d’Eglises en France et en Ecosse. Débuts de l’œcuménisme.
1939 à nos jours. B. Graham. K. Barth. Formgeschichte. Eglise unie de l’Inde. Œcuménisme. Rapprochement entre Ëvangéliques. Pie XII, Jean XXIII,Paul VI, Jean-Paul II. Assomption. Modernisme catholique. Alexis. Athénagoras.
2. Appréciation. Nous ne devons pas envisager notre époque avec trop de pessimisme. La déchristianisation grandissante sans doute est inquiétante par certains côtés ; mais au fond, elle ne fait que manifester un état de choses ancien. D’autre part, les œuvres chrétiennes, et en particulier celles de mission et d’évangélisation, sont en progrès sur les siècles précédents. Les hérésies sont nombreuses, mais elles sont le corollaire d’un intérêt religieux aigu. Les mouvements rationalistes ont été régulièrement suivis d’un retour à l’orthodoxie. La Bible est plus répandue, les vrais chrétiens probablement plus nombreux qu’ils ne l’ont jamais été ; et les milliers de martyrs contemporains mon-trent la force de résistance du christianisme actuel. En résumé, notre temps n’atteint pas l’éclat de certaines périodes de l’histoire de l’Eglise ; mais il est encore plus éloigné des jours sombres qu’elle a traversés à d’autres époques.