Un éclectisme fondé uniquement sur des considérations internes est inacceptable pour plusieurs raisons. C’est déraisonnable. Il ignore les plus de 5 000 manuscrits grecs qui existent aujourd’hui, pour ne rien dire des preuves patristiques et des versions, sauf pour en extraire des variantes de lecture. Pour reprendre les mots d’Elliott, il « tente d’arriver à la véritable lecture sans être entravé par une discussion sur le poids du manuscrit ». Il s’ensuit qu’elle n’a aucun fondement de principe pour rejeter les corrections conjecturales. Il n’a pas d’historique de la transmission du texte. Par conséquent, le choix entre les variantes dépend en fin de compte de conjectures. Cela a été reconnu par Colwell.
Au cours de la dernière génération, nous avons déprécié les preuves externes des documents et apprécié les preuves internes des lectures, mais nous avons allègrement supposé que nous rejetions la « correction conjecturale » si nos conjectures étaient soutenues par certains manuscrits. Nous devons reconnaître que l’édition d’un texte éclectique repose sur des conjectures. 1
1 Colwell, « Scribal Habits in Early Papyri : A Study in the Corruption of the Text », The Bible in Modem Scholarship, éd. J.P. Hyatt (New York : Abingdon Press, 1965), pp. 371-72.
F.G. Kenyon2 a qualifié la correction conjecturale de « processus extrêmement précaire et permettant rarement à quiconque, sauf au devineur, d’avoir confiance dans la véracité de ses résultats ». 3 Bien que des enthousiastes comme Elliott pensent pouvoir restaurer la formulation originale du texte de cette manière, il est clair que le résultat ne peut pas avoir plus d’autorité que celui du ou des chercheurs impliqués. La critique textuelle cesse d’être une science et l’on se demande ce que l’on entend par « principes sains » dans la préface de la NIV.
2 Frederick G. Kenyon était un éminent érudit britannique de la première moitié de ce siècle. Il a été directeur et bibliothécaire principal du British Museum et son Handbook to the Textual Criticism of the New Testament est toujours un manuel de référence.
3 F.G. Kenyon, Manuel de critique textuelle du Nouveau Testament, 2e éd., 1926, p. 3.
Clark et Epp ont raison de dire que l’éclectisme est une méthode secondaire, provisoire et temporaire. 4 Comme le dit A.F.J. Klijn : « Cette méthode aboutit à des résultats si variés que nous nous demandons si les éditeurs de textes et de traductions grecs peuvent suivre cette voie en toute sécurité. » 5 Cette procédure semble si insatisfaisante, en fait, qu’on peut raisonnablement se demander ce qui l’a provoquée.
4 Epp, p. 403-4. Cf. K.W. Clark, « L’effet de la critique textuelle récente sur les études du Nouveau Testament », The Background of the New Testament and its Eschatology, éd. W.D. Davies et D. Daube (Cambridge : The Cambridge University Press, 1956), p. 37. Dans un article présenté à la quarante-sixième réunion annuelle de la Société théologique évangélique (novembre 1994), Maurice A. Robinson souligne la grave lacune selon laquelle « ni l’éclectisme « raisonné » ni l’éclectisme « rigoureux » n’offrent une histoire cohérente de la transmission textuelle... » (p. 30). La gravité de cette carence peut être vue à partir des résultats. UBS3, un texte ouvertement éclectique, sert à plusieurs reprises une courtepointe de rapiècement. Par exemple, dans Matthieu, il y a au moins 34 endroits où sa traduction précise ne se trouve pas, en tant que telle, dans un seul manuscrit grec existant (cf. R.J. Swanson, The Horizontal Line Synopsis of the Gospels, Greek Edition, Volume !. L’Évangile de Matthieu [Dillsboro, NC : Western North Carolina Press, 1982]).
5 A.F.J. Klijn, Enquête sur les recherches sur le texte occidental des Évangiles et des Actes ; deuxième partie 1949-1969 (Leiden : E.J. Brill, 1969), p. 65.