Burgon a reconnu la « probabilité antécédente » en ces termes :
Le témoignage le plus ancien est probablement le meilleur. Qu’il n’en soit pas toujours ainsi, loin de là, c’est un fait bien connu... Mais il n’en demeure pas moins vrai que, jusqu’à preuve contraire dans un cas particulier, on peut raisonnablement présumer que le plus ancien des deux témoins est le mieux informé. 1
1 Burgon, Le texte traditionnel, p. 40. Je ne suis pas d’accord. Un grand âge dans un manuscrit devrait éveiller nos soupçons : comment a-t-il pu survivre plus de 1 500 ans ? Pourquoi n’a-t-il pas été utilisé et usé ?
Cette attente a priori semble avoir été élevée au rang de quasi-certitude dans l’esprit de nombreux critiques textuels du siècle dernier. L’ingrédient de base dans le travail d’hommes comme Tregelles, Tischendorf et Hort était une déférence pour les manuscrits les plus anciens, et en cela ils ont suivi Lachmann.
La « meilleure » attestation, selon Lachmann, est donnée par les témoins les plus anciens. Prenant rigoureusement position avec les plus anciens, et ne tenant pas compte de l’ensemble des preuves récentes, il tira les conséquences des observations de Bengel. Le matériel dont Lachmann s’est servi aurait pu être augmenté avec avantage ; mais le principe que le texte du Nouveau Testament, comme celui de toute autre édition critique, doit être basé sur les meilleures preuves disponibles, a été établi une fois pour toutes par lui. 2
2 Zuntz, Le texte, p. 6-7.
Notez que Zuntz assimile ici clairement « le plus ancien » au « meilleur ». Il illustre de toute évidence ce qu’Oliver a appelé « la croyance croissante que les manuscrits les plus anciens contiennent le texte le plus proche de l’original ». Oliver poursuit :
Certains critiques récents sont revenus au modèle antérieur de Tischendorf et Westcott et Hort : chercher le texte original dans les manuscrits les plus anciens. Les critiques du début du XXe siècle étaient très critiques à l’égard de cette pratique du XIXe siècle. Ce retour a été motivé en grande partie par la découverte de papyrus séparés des autographes par moins de deux siècles.*
* Olivier, p. 312-313.
Mais, la « preuve contraire » est en main. Nous avons déjà vu que la plupart des variantes significatives étaient apparues en l’an 200, avant l’époque des premiers manuscrits existants. La présomption a priori en faveur de l’âge est annulée par l’existence connue d’une variété de textes délibérément modifiés au IIe siècle. Chaque témoin doit être évalué séparément. Comme Colwell l’a si bien dit, « la question cruciale pour les témoins anciens comme pour les témoins tardifs est toujours : « OÙ S’INTÈGRENT-ILS DANS UNE RECONSTRUCTION PLAUSIBLE DE L’HISTOIRE DE LA TRADITION MANUSCRITE ? » 3
3 Colwell, « Hort Redivivus », p. 157.
Il est généralement admis que tous les manuscrits les plus anciens, ceux sur lesquels se basent nos textes critiques/éclectiques, proviennent d’Égypte.
Lorsque le critique textuel examine de plus près ses manuscrits les plus anciens, il se rend compte de la rareté de ses ressources. Tous les premiers témoins, papyrus ou parchemin, proviennent d’Égypte seule. Les manuscrits produits en Égypte, entre le IIIe et le Ve siècle, ne fournissent qu’une demi-douzaine de témoins étendus (les papyrus de Beatty et les onciales bien connues, Vaticanus, Sinaiticus, Alexandrinus, Ephraem Syrus et Freer Washington). 4 [Il faut maintenant y ajouter les papyrus Bodmer.]
4 Clark, « Les manuscrits du Nouveau Testament grec », p. 3.
Mais quels sont les droits de l’Égypte sur notre confiance ? Et dans quelle mesure est-il sage de suivre le témoignage d’un seul lieu ? Quiconque trouve l’histoire du texte présenté ici convaincante n’accordera que peu de confiance aux manuscrits les plus anciens.
Indépendamment de l’histoire de la transmission du texte, les premiers manuscrits portent leur propre condamnation sur leurs visages. P66 est largement considéré comme le plus ancien manuscrit complet. Qu’en est-il de sa qualité ? Encore une fois, j’emprunte à l’étude de Colwell sur les P45,66 et75. Parlant du sérieux de l’intention du scribe et des particularités de sa propre méthode de base de copie, il poursuit :
Sur ces dernières questions, et sur les plus importantes, nos trois scribes sont très divisés. P75 et P45 ont sérieusement l’intention de produire une bonne copie, mais il est difficile de croire que c’était l’intention de P66. Les près de 200 lectures absurdes et les 400 orthographes itacistiques de P66 sont la preuve de quelque chose qui n’est pas une attention disciplinée à la tâche de base. À cette preuve d’insouciance, il faut ajouter ces lectures singulières dont l’origine déconcerte les spéculations, lectures auxquelles on ne peut donner une étiquette plus exacte que l’insouciance conduisant à des lectures variées assorties. Un décompte hâtif montre P45 avec 20, P75 avec 57 et P66 avec 216 lectures purement négligentes. Comme nous l’avons vu, P66 a, en outre, plus de deux fois plus de « sauts » du même au même que l’un ou l’autre des autres. 5
5 Colwell, « Habitudes des scribes », pp. 378-79.
L’étude de Colwell n’a pris en compte que des lectures singulières, c’est-à-dire des lectures des lectures sans autre support manuscrit. Il a trouvé que P66 avait 400 itacismes plus 482 autres lectures singulières, dont 40 pour cent sont absurdes. 6 « P66 éditorialise comme il fait tout le reste, d’une manière bâclée. » 7 Bref, P66 est une très mauvaise copie et pourtant c’est l’une des plus anciennes !
6 Ibid., p. 374 à 376.
7 Ibid., p. 387.
P75 est placé près de P66 en date. Bien qu’il ne soit pas aussi mauvais que P66, ce n’est guère une bonne copie. Colwell a trouvé que P75avait environ 145 itacismes plus 257 autres lectures singulières, dont 25 pour cent sont absurdes. 8 Bien que Colwell attribue au scribe de la page75 le mérite d’avoir essayé de produire une bonne copie, la P75 ne semble bonne qu’en comparaison de la P66 (Si l’on vous demandait d’écrire l’Évangile de Jean à la main, feriez-vous plus de 400 erreurs ?9 Essayez-le et voyez !) Il convient de garder à l’esprit que les chiffres proposés par Colwell ne traitent que des erreurs qui sont la propriété exclusive des manuscrits respectifs. Ils contiennent sans doute beaucoup d’autres erreurs qui se trouvent également chez d’autres témoins. En d’autres termes, ils sont en fait pires que ce que les chiffres de Colwell indiquent.
8 Ibid., p. 374 à 376.
9 Je suis probablement injuste envers le scribe qui a produit P75 – certaines ou beaucoup de ces erreurs peuvent avoir été dans son exemple. Il n’en reste pas moins que, quelle que soit leur origine, P75 contient plus de 400 erreurs évidentes, et j’essaie, par l’expérience proposée, d’aider le lecteur à visualiser à quel point ces premières copies sont vraiment médiocres. Carson a un point de vue différent. « Si P75, un papyrus du IIe siècle [ ?], n’est pas recensionnel, alors il doit être soit extrêmement proche de l’original, soit extrêmement corrompu. Cette dernière possibilité semble être écartée par le témoignage de B » (p. 117). Comment ça? Si P75 est « extrêmement corrompu » et que B a été copié à partir de celui-ci, ou quelque chose de similaire, alors B doit également être extrêmement corrompu. (Hoskier fournit des preuves objectives à cet effet dans Codex B et ses alliés.)
P45, bien qu’un peu plus tardif, sera considéré ensuite parce qu’il s’agit du troisième membre de l’étude de Colwell. Il a trouvé que P45 avait environ 90 itacismes plus 275 autres lectures singulières, dont 10 pour cent sont absurdes. 10 Cependant, P45 est plus court que P66 (P75 est plus long) et n’est donc pas comparativement meilleur que les chiffres pourraient le suggérer à première vue. Colwell commente la page45 comme suit :
10 Colwell, « Habitudes des scribes », pp. 374-76.
Une autre façon de le dire est que lorsque le scribe de P45 crée une lecture singulière, cela a presque toujours un sens ; lorsque les scribes de P66 et P75 créent des lectures singulières, elles n’ont souvent pas de sens et sont des erreurs évidentes. Ainsi, il faut attribuer à P45 une densité beaucoup plus grande de changements intentionnels que les deux autres. 11
11 Ibid., p. 376.
En tant qu’éditeur, le scribe de P45 maniait une hache tranchante. L’aspect le plus frappant de son style est sa concision. On se passe du mot dispensable. Il omet les adverbes, les adjectifs, les noms, les participes, les verbes, les pronoms personnels, sans aucune habitude compensatoire d’addition. Il omet fréquemment des phrases et des clauses. Il préfère le mot simple au mot composé. Bref, il privilégie la brièveté. Il abrége le texte en au moins cinquante endroits dans des lectures singulières seulement. Mais il ne lâche pas de syllabes ou de lettres. Son texte abrégé est lisible. 12
12 Ibid., p. 383.
D’une importance particulière est la possibilité d’affirmer avec certitude que le scribe de P45 a délibérément et largement abrégé le texte. Colwell lui attribue le mérite d’avoir essayé d’en produire une bonne copie. Si par « bon » il veut dire « lisible », très bien, mais si par « bon » nous entendons une reproduction fidèle de l’original, alors P45 est mauvais. Étant donné que le document P45 contient de nombreuses modifications délibérées, il ne peut être qualifié de « copie » qu’avec certaines réserves.
P46 est considéré par certains comme étant aussi ancien que P66 L’étude de ce manuscrit par Zuntz est bien connue. « En dépit de son apparence soignée (il a été écrit par un scribe professionnel et corrigé – mais très imparfaitement – par un expert), P46 n’est en aucun cas un bon manuscrit. Le scribe a commis de très nombreuses bévues... J’ai l’impression qu’il était sujet à des crises d’épuisement.13
13 Zuntz, Le texte, p. 18.
Il convient de noter en passant que le Codex B est également réputé pour son « apparence soignée », mais il ne faut pas supposer qu’il doit donc s’agir d’une bonne copie. Zuntz dit plus loin : « P46 abonde en erreurs de scribes, en omissions et aussi en ajouts ».14
14 Ibid., p. 212.
... Le scribe qui a écrit le papyrus a très mal fait son travail. De ses innombrables fautes, seule une fraction (moins d’une sur dix) a été corrigée et même cette fraction – comme cela arrive souvent dans les manuscrits – devient de plus en plus petite vers la fin du livre. Des pages entières ont été laissées sans aucune correction, même si elles en avaient grandement besoin. 15
15 Ibid., p. 252.
Hoskier, lui aussi, a discuté du « grand nombre d’omissions » qui défigurent P46.16 Encore une fois, Zuntz dit : « Nous avons observé que, par exemple, le scribe de P46 était négligent et ennuyeux et produisait une piètre représentation d’une excellente tradition. Nous ne pouvons pas non plus attribuer l’excellence fondamentale de cette tradition au manuscrit d’où P46 a été copié (nous verrons qu’il était également défectueux). 17
16 H.C. Hoskier, « Une étude du Codex Chester-Beatty des épîtres pauliniennes », The Journal of Theological Studies, XXXVIII (1937), 162.
17 Zuntz, Le texte, p. 157.
Il est intéressant de noter que Zuntz se sent en mesure de déclarer que le parent de P46 est également défectueux. Mais le fait que P46 représente une « excellente tradition » est une affirmation gratuite, basée sur la théorie de Hort. Ce qui est incontestable, c’est que la P46, telle qu’elle est, est une très mauvaise copie, comme Zuntz lui-même l’a déclaré avec emphase.
Aland dit à propos de la P47 : « Nous n’avons pas besoin de mentionner le fait que le manuscrit le plus ancien n’a pas nécessairement le meilleur texte. P47 est, par exemple, de loin le plus ancien des manuscrits contenant le texte intégral ou presque intégral de l’Apocalypse, mais ce n’est certainement pas le meilleur. 18
18 Aland, « La signification des papyrus », p. 333.
En ce qui concerne B et Aleph, nous avons déjà noté l’affirmation de Hoskier selon laquelle ces deux manuscrits sont en désaccord plus de 3 000 fois dans l’espace des quatre évangiles. La simple logique impose la conclusion que l’un ou l’autre doit se tromper plus de 3 000 fois, c’est-à-dire qu’ils ont plus de 3 000 erreurs entre eux. (Si vous deviez écrire les quatre évangiles à la main, pensez-vous que vous pourriez réussir à faire 3 000 erreurs, ou 1 500 ?) Aleph et B sont en désaccord, en moyenne, dans presque tous les versets des Évangiles. Une telle démonstration sape sérieusement leur crédibilité.
Burgon a personnellement rassemblé ce qu’étaient à son époque « les cinq vieilles onciales » (א, A, B, C, D). Tout au long de ses œuvres, il attire à plusieurs reprises l’attention sur les concordia discors, la confusion et le désaccord qui règnent entre les premières onciales. Luc 11 :2-4 en offre un exemple.
« Les cinq Vieilles Onciales » (אABCD) falsifient le Notre Père tel qu’il a été donné par saint Luc en pas moins de quarante-cinq mots. Mais ils s’accordent si peu entre eux, qu’ils se jettent dans six combinaisons différentes en s’écartant du texte traditionnel ; Et cependant ils ne sont jamais capables de s’entendre entre eux sur une seule lecture différente, tandis qu’une seule fois on voit plus de deux d’entre eux se tenir ensemble, et leur grand point d’union n’est rien moins qu’une omission de l’article. Leur tendance excentrique est telle qu’à l’égard de trente-deux mots sur l’ensemble des quarante-cinq, ils portent à leur tour des preuves solitaires. 19
19 Burgon, Le texte traditionnel, p. 84.
Marc 2 :1-12 offre un autre exemple.
Au cours de ces 12 versets... Il y aura 60 variantes de lecture. ... Or, dans le cas présent, les « cinq vieilles onciales » ne peuvent pas être les dépositaires d’une tradition, qu’elle soit occidentale ou orientale, parce qu’elles rendent un témoignage incohérent dans chaque verset. Il faut en outre admettre (car il ne s’agit pas là d’une question d’opinion, mais d’une simple question de fait) qu’il n’est pas raisonnable d’accorder de la confiance à de tels documents. Que penserait-on d’une cour de justice composée de cinq témoins, convoqués 47 fois pour interrogatoire, dont on observerait qu’ils portent à chaque fois des témoignages contradictoires ?20
20 Burgon, La révision révisée, p. 30-31.
Hort, lui aussi, eut l’occasion de remarquer un exemple de ce concordia discors. Commentant les quatre endroits de l’Évangile de Marc (14, 30, 68, 72a, b) où le chant du coq est mentionné, il a dit : « La confusion d’attestation introduite par ces divers courants contraires de changement est si grande que des sept principaux manuscrits א A B C D L Δ il n’y en a pas deux qui aient le même texte aux quatre endroits ».21 Il aurait pu dire aussi qu’en ces quatre endroits les sept onciales se présentent dans douze combinaisons différentes (et que seuls A et Δ s’accordent ensemble trois fois sur les quatre). Si l’on ajoute W et Θ, la confusion reste la même, sauf qu’il y a maintenant treize combinaisons. De tels témoins sont-ils dignes de foi ?
21 Westcott et Hort, p. 243.
Si l’on se souvient de l’effort de Colwell pour reconstruire un archétype « alexandrin » pour le premier chapitre de Marc, soit le Codex B est erroné 34 fois dans ce seul chapitre, soit la majorité des témoins « alexandrins » primaires restants est fausse (ce qui fait des choses désagréables aux prétentions du texte « alexandrin »), et il en va de même pour Aleph et L, etc. De plus, Kenyon a admis que B est « défiguré par de nombreuses erreurs de transcription ». 22 Scrivener a dit de B :
22 Kenyon, Manuel, p. 308.
Un trait marquant, caractéristique de cette copie, est le grand nombre de ses omissions... Le fait qu’une grande partie d’entre eux ne soient que de simples oublis du scribe semble évident par la circonstance que ce même scribe a écrit à plusieurs reprises des mots et des clauses deux fois, une classe d’erreurs que Mai et les collationnistes ont rarement jugé bon de remarquer, ... mais qui n’augmente nullement notre estimation du soin employé à copier ce vénérable récit du christianisme primitif. 23
23 Scrivener, Introduction simple, I, 120.
Même Hort a concédé que le scribe de B « n’atteignait en aucun cas un haut niveau d’exactitude ». 24 Aleph est reconnu de toutes parts comme étant pire que B à tous égards.
24 Westcott et Hort, p. 233.
Le Codex D est dans une classe à part. Scrivener a déclaré :
Le caractère interne du Codex Bezae est un thème des plus difficiles et même presque inépuisable. Aucun manuscrit connu ne contient autant d’interpolations hardies et étendues (six cents, dit-on, dans les seuls Actes). ... M. Harris, d’après de curieux témoignages internes, tels que l’existence dans le texte d’une traduction viciée d’un vers d’Homère qui porte des signes d’avoir été retraduit d’une traduction latine, en déduit que le grec a été composé à partir du latin. 25
25 Scrivener, Une simple introduction, I, 130. Cf. Rendel Harris, A Study of the Codex Bezae (1891).
Hort a parlé de « la quantité prodigieuse d’erreurs que D contient ».26 Burgon a conclu que D ressemble davantage à un Targum qu’à une transcription. 27
26 Westcott et Hort, p. 149.
27 Burgon, Le texte traditionnel, p. 185-190.
S’il s’agit de nos meilleurs manuscrits, nous pouvons tout aussi bien être d’accord avec ceux qui insistent sur le fait qu’il est impossible de récupérer la formulation originale, et nous tourner vers d’autres activités. Mais les preuves indiquent que les premiers manuscrits sont les pires. Il est clair que l’Église en général n’a pas propagé le genre de texte que l’on trouve dans les premiers manuscrits, ce qui démontre qu’ils n’étaient pas tenus en haute estime à leur époque.
Prenons l’exemple du type de texte dit « occidental ». Dans les Évangiles, il est représenté essentiellement par un manuscrit grec, Codex Bezae (D, 05), plus les versions latines (en quelque sorte). À tel point que depuis de nombreuses années, aucun texte critique n’a utilisé un symbole de couverture pour « occidental ». En fait, K. et B. Aland l’appellent maintenant simplement le texte « D » (leur désignation est objective, du moins). L’Église universelle a tout simplement refusé de copier ou de propager ce type de texte. La Vulgate latine ne peut pas non plus légitimement être revendiquée pour le texte « occidental » – elle est plus « byzantine » qu’autre chose (rappelez-vous qu’elle a été traduite au IVe siècle).
Considérons le type de texte dit « alexandrin ». Plus récemment, ni les textes de l’UBS ni ceux de Nestlé n’utilisent non plus de symbole de couverture pour ce « texte » (uniquement pour le « byzantin »). F. Wisse a rassemblé et analysé 1 386 manuscrits pour les chapitres 1, 10 et 20 de Luc. 28 Sur la base de mosaïques de lectures partagées, il a pu regrouper les manuscrits en familles, 15 groupes « majeurs » et 22 groupes plus petits. L’une des principales qu’il appelle « égyptienne » (« alexandrine ») – elle est composée précisément de quatre onciales et de quatre cursives, plus deux autres de chaque qui sont « égyptiennes » dans l’un des trois chapitres. En arrondissant à dix, cela fait dix sur 1 386, soit moins de 1 % !
28 F. Wisse, La méthode du profil pour la classification et l’évaluation des preuves manuscrites (Grand Rapids : Eerdmans, 1982).
Encore une fois, l’Église universelle a tout simplement refusé de copier ou de propager ce type de texte. Le Codex B n’a pas d’enfants. Le Codex Aleph n’a pas d'« enfants » – en fait, il est si mauvais qu’au cours des siècles, quelque chose comme 14 personnes différentes ont travaillé dessus, essayant de le réparer (mais personne ne l’a copié). Rappelez-vous l’étude de Colwell dans laquelle il a essayé d’arriver à l’archétype du texte « alexandrin » dans le premier chapitre de Marc sur la base des 13 manuscrits présumés représenter ce type de texte. Ils étaient si disparates qu’il a écarté les sept « pires » et a ensuite tenté son expérience en utilisant les six autres. Même à ce moment-là, les résultats étaient si mauvais – le Codex B s’écartait du texte moyen 34 fois (en un seul chapitre) – que Colwell leva les mains et déclara qu’un tel archétype n’avait jamais existé. Si Colwell a raison, alors le type de texte « alexandrin » ne peut pas représenter l’autographe. L’autographe est l’archétype ultime, et il a bel et bien existé.
Considérons un autre détail. Zuntz dit du scribe du P46 : « De ses innombrables fautes, seule une fraction (moins d’une sur dix) a été corrigée et même cette fraction – comme cela arrive souvent dans les manuscrits – devient de plus en plus petite vers la fin du livre. Des pages entières ont été laissées sans aucune correction, même si elles en avaient grandement besoin. 29
29 Zuntz, Le texte, p. 252.
Une chose similaire se produit dans P66. Pourquoi? Probablement parce que le correcteur s’est découragé, a abandonné. Peut-être a-t-il vu que la transcription était si désespérément mauvaise que personne ne voudrait l’utiliser, même s’il pouvait la rafistoler. Il convient également de noter que, bien que de nombreuses collations et discussions sur les manuscrits ignorent les fautes d’orthographe, pour une personne de l’an 250 souhaitant en utiliser une copie, pour l’étude dévotionnelle ou autre, les erreurs d’orthographe seraient tout aussi ennuyeuses et distrayantes que les plus graves. Une copie comme P66, avec environ deux fautes par verset, serait mise de côté avec dégoût.
J’ai récemment collationné la cursive 789 (Athènes : Bibliothèque nationale) pour Jean, après l’avoir déjà fait pour Luc. Bien que le copiste ait commis une erreur occasionnelle, je juge que son exemplaire était un représentant presque parfait de la famille 35. Cependant, l’année 789 manque actuellement de Jean 19 :12 jusqu’à la fin. Une main plus tardive, 789s, a 19 :26 jusqu’à la fin, mais ce copiste était un mauvais orthographe, avec une moyenne de près d’une faute par couplet, ce qui rappelle P66 (bien que P66 soit pire, avec une moyenne d’environ deux erreurs par verset). Je me suis mis en colère contre le copiste – j’étais prêt à appeler des malédictions sur sa tête ! En supposant que la cause des erreurs était l’ignorance, plutôt que la perversité, le copiste n’aurait pas dû entreprendre une tâche pour laquelle il était si pitoyablement inqualifié. Il me serait psychologiquement impossible d’utiliser 789s pour la dévotion ou l’étude. Je serais trop en colère pour continuer. 30
30 Je continue d’insister sur le fait que la plupart des premiers manuscrits ont survécu parce qu’ils étaient intolérablement mauvais ; Il était psychologiquement impossible de les utiliser, en plus d’être un gaspillage criminel de bon parchemin pour les copier (l’onciale 06 n’est-elle pas la seule à en avoir une copie ?).
De plus, comment les premiers manuscrits auraient-ils pu survivre pendant 1 500 ans s’ils avaient été utilisés ? (J’ai usé plusieurs Bibles au cours de ma courte vie.) Compte tenu de la difficulté relative d’acquérir des copies à l’époque (coûteuses, faites à la main), toute copie digne de ce nom aurait été utilisée jusqu’à ce qu’elle soit usée. Ce qui nous amène à l’objection suivante possible.