En quoi consiste l’éclectisme ? Metzger explique qu’un éditeur éclectique « suit tantôt un et tantôt un autre ensemble de témoins, en accord avec ce qu’il considère comme le style de l’auteur ou les exigences des aléas de la transcription ». 1
1 Metzger, Le texte, p. 175-176.
E. C. Colwell2 l’explique clairement :
2 Le regretté Ernest Cadman Colwell aurait pu être décrit comme le doyen de la critique textuelle du Nouveau Testament en Amérique du Nord dans les années 1950 et 1960. Il a été associé à l’Université de Chicago pendant de nombreuses années en tant que professeur et président. Certains de ses articles importants ont été rassemblés et réimprimés dans Studies in Methodology in Textual Criticism of the New Testament.
Aujourd’hui, la critique textuelle se tourne, pour sa validation finale, vers l’évaluation des lectures individuelles, d’une manière qui implique un jugement subjectif. La tendance a été de mettre l’accent sur de moins en moins de canons de critique.
Beaucoup de modernes n’en mettent que deux. Il s’agit : 1) de préférer la lecture qui convient le mieux au contexte, et 2) de préférer la lecture qui explique le mieux l’origine de toutes les autres.
Ces deux règles ne sont rien de moins que des formules concentrées de tout ce que le critique textuel doit savoir et mettre en œuvre pour résoudre son problème. La première règle sur le choix de ce qui convient au contexte exhorte l’étudiant à connaître le document sur lequel il travaille si bien que ses idiomes sont ses idiomes, ses idées aussi bien connues qu’une pièce familière. La deuxième règle concernant le choix de ce qui aurait pu causer les autres lectures exige que l’étudiant sache tout ce qui concerne l’histoire chrétienne, ce qui pourrait conduire à la création d’une variante de lecture. Cela implique la connaissance des institutions, des doctrines et des événements... Il s’agit de la connaissance de forces et de mouvements complexes et souvent conflictuels. 3
3 Colwell, « Critique biblique », pp. 4-5. Pour des mots allant dans le même sens, voir aussi K. Lake, The Text of the New Testament, sixième édition révisée par Silva New (Londres : Rivingtons, 1959), p. 10 et Metzger, The Text, pp. 216-217.
(Quelle personne vivante possède vraiment ces qualifications ? Et comment de telles règles peuvent-elles être appliquées alors que ni l’identité ni les circonstances de l’auteur d’un variant donné ne sont connues ?)
Plus récemment, Colwell a semblé moins enchanté par la méthode.
Les érudits qui professent suivre « la méthode éclectique » définissent souvent le terme de manière à restreindre l’évidence à l’évidence interne des lectures. Par « éclectique », ils entendent en fait le libre choix entre les lectures. Dans de nombreux cas, ce choix est fait uniquement sur la base de la probabilité intrinsèque. L’éditeur choisit la lecture qui lui convient le mieux, que ce soit dans le style, l’idée ou la référence contextuelle. Un tel éditeur relègue les manuscrits au rôle de fournisseur de lectures. Le poids du manuscrit est ignoré. Sa place dans la tradition manuscrite n’est pas prise en compte. Ainsi, Kilpatrick soutient que certaines lectures que l’on ne trouve que dans un manuscrit tardif de la Vulgate devraient être prises très au sérieux parce qu’elles sont bonnes. 4
4 Colwell, « Hort Redivivus », p. 154. Cf. pp. 149-154.
J.K. Elliott, un éclectiste consciencieux comme Kilpatrick, dit à propos des probabilités transcriptionnelles :
En utilisant des critères tels que ceux ci-dessus, le critique peut arriver à une conclusion en discutant des variantes textuelles et être en mesure de dire quelle variante est la lecture originale. Cependant, il est légitime de se demander : une lecture peut-elle être acceptée comme authentique si elle n’est soutenue que par un seul manuscrit ? Il n’y a aucune raison pour qu’une lecture originale n’ait pas été conservée dans un seul manuscrit mais il est évident qu’une lecture peut être acceptée avec plus de confiance, lorsqu’elle a un support plus fort...
Même Aland, avec sa réserve sur l’éclectisme, dit : « Théoriquement, les lectures originales peuvent être cachées dans un seul manuscrit, ce qui les sépare du reste de la tradition », et Tasker a un commentaire similaire : « La possibilité doit être laissée ouverte que, dans certains cas, la véritable lecture n’ait pu être préservée que chez quelques témoins ou même chez un seul témoin relativement tardif. » 5
5 J.K. Elliott, Le texte grec des épîtres à Timothée et à Tite, éd., Jacob Geerlings, Studies and Documents, XXXVI (Salt Lake City : University of Utah Press, 1968), pp. 10-11. Cf. K. Aland, « L’importance des papyrus pour le progrès de la recherche sur le Nouveau Testament », La Bible dans l’érudition moderne, J.P. Hyatt, édit., New York, Abingdon Press, 1965, p. 340, et Tasker, p. viii.
Parmi ce qu’Elliott appelle « les avantages positifs de la méthode éclectique », il y a les suivants :
Une tentative est faite pour atteindre le texte vrai ou original. C’est, bien sûr, le but ultime de tout critique textuel, mais la méthode éclectique, en utilisant des critères différents et en travaillant d’un point de vue différent, essaie d’arriver à la vraie lecture, sans être entravée par la discussion sur le poids du manuscrit. Soutien... 6
6 Elliott, p. 11.
Pas étonnant qu’Epp se plaigne :
Ce genre d'« éclectisme » devient le grand niveleur – toutes les variantes sont égales et également candidates pour le texte original, indépendamment de la date, de la résidence, de la lignée ou du contexte textuel. Dans ce cas, ne serait-il pas approprié de suggérer, en outre, d’ajouter quelques lectures conjecturales supplémentaires à l’offre disponible de variantes, en supposant qu’elles aient dû exister mais qu’elles aient été perdues à un moment donné de l’histoire de la transmission textuelle ? 7
7 Epp, p. 404.
Que dirons-nous d’une telle méthode ? Est-ce une bonne chose ?