Burgon a donné la réponse suffisante à cette invention.
Mis à part cependant l’improbabilité intrinsèque grossière de la prétendue Recension, l’absence totale d’une seule particule de preuve, traditionnelle ou autre, qu’elle ait jamais eu lieu, doit être considérée comme fatale à l’hypothèse qu’elle a eu lieu. Il est tout simplement incroyable qu’un incident d’une telle ampleur et d’un tel intérêt ne laisse aucune trace de lui-même dans l’histoire.1
1 Burgon, La révision révisée, p. 293.
Il ne convient pas à quelqu’un de dire que l’argument du silence ne prouve rien. Dans une affaire de cette « ampleur et de cet intérêt », elle est concluante. Kenyon, lui aussi, trouvait que cette partie de la théorie de Hort était gratuite.
L’absence de preuves indique le contraire, car il serait très étrange, si Lucian avait réellement édité les deux Testaments, que seul son travail sur l’Ancien Testament soit mentionné dans les temps ultérieurs. Le même argument s’oppose à toute théorie d’une révision délibérée à un moment donné. Nous connaissons les noms de plusieurs réviseurs de la Septante et de la Vulgate, et il serait étrange que les historiens et les écrivains de l’Église aient tous omis d’enregistrer ou de mentionner un événement tel que la révision délibérée du Nouveau Testament dans son grec original. 2
2 Kenyon, Manuel, p. 324-325.
Colwell est direct : « La Vulgate grecque – le type de texte byzantin ou alphabétique – n’avait pas à l’origine un point de mire aussi unique que le latin en Jérôme. »3 F.C. Grant est prêt à chercher dans le IIe siècle l’origine du type de texte « byzantin ». 4 Jacob Geerlings, qui a beaucoup travaillé sur certaines branches du type de texte « byzantin », affirme à son sujet : « Ses origines ainsi que celles de d’autres soi-disant types de texte remontent probablement aux autographes ». 5
3 Colwell, « L’origine des types de texte », p. 137.
4 F.C. Grant, « La citation des preuves manuscrites grecques dans un appareil critique », New Testament Manuscript Studies, éd. M.M. Parvis et A.P. Wikgren (Chicago : The University of Chicago Press, 1950), pp. 90-91.
5 J. Geerlings, Family E and Its Allies in Mark, Salt Lake City, University of Utah Press, 1967, p. 1.
Dans un effort pour sauver les conclusions de Hort, Kenyon chercha, semble-t-il, à attribuer le texte « byzantin » à une « tendance ».
Il semble donc probable que la révision syrienne ait été plutôt le résultat d’une tendance étalée sur une période de temps considérable que d’une révision ou de révisions définitives et faisant autorité, telles que celles qui ont produit nos versions anglaises autorisées et révisées. Nous n’avons qu’à supposer le principe établi dans les cercles chrétiens d’Antioche et des environs, qu’en cas de lectures divergentes dans les textes copiés, il valait mieux combiner les deux que d’omettre l’un ou l’autre, et que les obscurités et les aspérités de la diction devaient être aplanies autant que possible. 6
6 Kenyon, Manuel, p. 325.
Mais que se passe-t-il si nous choisissons de ne pas « supposer » quoi que ce soit, mais plutôt d’insister sur l’évidence ? Nous avons déjà vu, dans l’Atlas de Hutton , que pour chaque fois que le texte « syrien » combine éventuellement des lectures divergentes, il y en a une centaine où ce n’est pas le cas. De quelle sorte de « tendance » s’agit-il ? Insister sur le fait qu’une variété de scribes séparés par le temps et l’espace et travaillant indépendamment, mais se sentant tous responsables d’appliquer leurs facultés critiques au texte, devrait produire une uniformité de texte telle qu’elle est exposée dans le texte « byzantin » semble être un peu demander, à la fois à eux et à nous. Hodges est d’accord.
On notera dans cette discussion qu’au lieu de l’ancienne idée d’une révision spécifique comme point de départ du texte majoritaire, certains critiques souhaitent maintenant poser l’idée d’un « processus » s’étalant sur une longue période de temps. On peut cependant prédire avec certitude que cette explication du texte de la majorité finira par s’effondrer. Il faut se rappeler que le texte de la majorité est relativement uniforme dans son caractère général, avec des variations relativement faibles entre ses principaux représentants. Personne n’a encore expliqué comment un processus long et lent, s’étendant sur plusieurs siècles et sur une vaste zone géographique, et impliquant une multitude de copistes, qui souvent ne connaissaient rien de l’état du texte en dehors de leurs propres monastères ou scriptoria (salles destinées à faciliter la copie fidèle des manuscrits), a pu atteindre cette uniformité généralisée à partir de la diversité présentée par les formes antérieures du texte. Même une édition officielle du Nouveau Testament – promue avec la sanction ecclésiastique dans tout le monde connu – aurait eu beaucoup de mal à atteindre ce résultat, comme l’histoire de la Vulgate de Jérôme le démontre amplement. Mais un processus non guidé qui parvient à une stabilité et à une uniformité relatives dans les circonstances textuelles, historiques et culturelles diversifiées dans lesquelles le Nouveau Testament a été copié, impose des contraintes impossibles à notre imagination. 7
7 Hodges, « Une défense du texte majoritaire », p. 42. Pour une analyse plus approfondie des problèmes auxquels se heurte le point de vue du « processus », voir la section intitulée « Objections » de l’annexe C.
Un processus ordinaire de transmission textuelle aboutit à une divergence, et non à une convergence. L’uniformité du texte est généralement plus grande près de la source et diminue lors de la transmission.
L’accumulation de preuves ne semblait pas déranger Metzger. Il affirmait encore en 1968 que le texte « byzantin » est basé sur une recension préparée par Lucian. 8 Ce point de vue pose un autre problème.
8 Metzger, The Text, (2e éd., 1968), p. 212. En 1972, il a écrit « Si c’était vraiment Lucian... », il a donc peut-être reculé de cette position. Les preuves patristiques et la critique textuelle du Nouveau Testament », New Testament Studies, XVIII (1972), p. 385.
Lucian était un arien, très vocal. Metzger nous invite-t-il sérieusement à croire que les Athanasiens victorieux ont adopté une révision arienne du Nouveau Testament grec ?
En ce qui concerne la Peshitta syriaque, Burgon protesta de nouveau contre l’absence totale de preuves à l’appui des affirmations de Hort. 9 A. Vddbus dit à propos de l’effort de Burkitt :
9 Burgon, La révision révisée, pp. 276-77.
Burkitt a essayé de décrire la vie de l’évêque Rabbula comme une période décisive dans le développement du texte du Nouveau Testament dans l’Église syrienne.
Indépendamment de l’acceptation générale de l’axiome, établi par lui, selon lequel « l’autorité de Rabbula a assuré un succès instantané à la nouvelle version révisée... et que « les copies de la Peshitta se sont rapidement multipliées, elle est rapidement devenue le seul texte d’usage ecclésiastique » – ce genre de reconstruction de l’histoire textuelle est une pure fiction sans la moindre preuve à l’appui. 10
10 A. Vööbus, Premières versions du Nouveau Testament, Stockholm, Société théologique estonienne en exil, 1954, p. 100.
Vööbus constate que Rabbula lui-même utilisait le vieux syriaque de type texte. Ses recherches montrent clairement que la Peshitta remonte au moins au milieu du IVe siècle et qu’elle n’a pas été le résultat d’une révision faisant autorité. 11
11 Ibid., p. 100 à 102. Carson me reproche d’avoir omis de mentionner « la critique décisive de Vööbus par Matthew Black » (p. 112). Eh bien, Metzger ne l’a évidemment pas considéré comme « décisif ». La question de savoir qui a produit la version Peshitta du Nouveau Testament ne trouvera peut-être jamais de réponse. Que ce ne fût pas Rabbula a été prouvé par les recherches de Vööbus » (Early Versions of the New Testament, Oxford, Clarendon Press, 1977, pp. 57-61).
Là encore, il y a une difficulté historique supplémentaire.
La Peshitta est considérée comme une Écriture faisant autorité à la fois par les nestoriens et les monophysites. Il est difficile de voir comment cela a pu se produire sur l’hypothèse que Rabbula était l’auteur et le principal promoteur de la Peshitta. Car Rabbula était un monophysite résolu et un adversaire résolu des nestoriens. Il est donc presque contraire à la raison de supposer que les chrétiens nestoriens adopteraient si rapidement et si unanimement l’œuvre de leur plus grand adversaire. 12
12 Burgon, Les douze derniers versets, p. 56. Metzger reconnaît la force de cette circonstance (Loc. cit.).
Il est difficile de comprendre comment des hommes comme F.F. Bruce, E.C. Colwell, F.G. Kenyon, etc. ont pu se permettre d’affirmer dogmatiquement que Rabbula a produit la Peshitta.