PARTIE III, suite.
XVIE SIÈCLE A CONTINUÉ.
CHAPITRE VII.
XVIE SIÈCLE A CONTINUÉ.
Édition romaine de la Septante. — Éditeurs de la Septante. — Versions italiennes. — Léon de Modène. — Livres talmudiques interdits. — Version espagnole. — Polyglotte espagnole ou anversoise. — Bible du Vatablus. — Index Expurgatorius. — Versions sud-américaines. — Inde. — Synode de Diamper. — Akbar, empereur des Moghols. — Version persane. — Geronimo Xavier. — Version éthiopienne. — Version romaine.
À PEU PRÈS à l’époque où l’édition sixtine de la Vulgate a été publiée, un autre travail biblique important a été entrepris et exécuté sous le patronage et l’autorité papale. Il s’agissait d’une édition révisée et magnifique de la traduction grecque ou de la Septante. Le dessein émana de Sixte V, avant son avancement au pontificat, qui, alors qu’il était cardinal, sollicita vivement Pie V et Grégoire XIII. pour rendre ce service à l’Église. Le premier de ces pontifes confia le soin de l’œuvre aux cardinaux W. Sirlet et Anton. Caraffa, et leur associa plusieurs savants, tels que Latinus Latinius, Marianus Victorius, Paulinus Dominicanus, Emanuel Sa, Petrus Parra et Ant. Agellius. Le pape Pie V étant mort avant que les travaux fussent achevés, Grégoire XIII, qui lui succéda, continua le dessein, et en délégua la direction au cardinal Ant. Caraffa, qui appela à son aide Lælius, son théologien, Franciscus Turrianus, Petrus Ciaconius, Joannes Maldonatus, Fulvius Ursinus, Paulus Comitolus, Joannes Livinejus, Petrus Morinus, Barth. Valverda, Robertus Bellarminus, Franciscus Toletus et Flaminius Nobilius. Ce comité se réunissait plusieurs jours par semaine au palais du cardinal Caraffa, pour examiner les différents manuscrits recueillis dans le but d’être collationnés avec le célèbre Codex Vaticanus, ancien et précieux manuscrit autrefois conservé dans la bibliothèque du Vatican, supposé par ces Les critiques ont été écrites au IVe siècle, mais par d’autres au Ve ou VIe siècle. Quelques parties de ce manuscrit étant décolorées, ou endommagées par l’âge, les défauts ont été suppléés à deux anciens manuscrits ; l’une appartenant au cardinal Bessarion, et l’autre en la possession du cardinal Caraffa, rapportée d’une bibliothèque de Calabre. Le manuscrit du Vatican est écrit en caractères onciaux, sans distinction de chapitres, de versets ou de mots, et sans accents ni esprits. Après neuf ans de travail, de 1578 à 1587, cette édition fut publiée sous les auspices de Sixte V, qui avait obtenu pendant cette époque la tiare, et à qui l’ouvrage fut redevable d’un patronage incessant depuis son commencement, pendant son cardinalat, jusqu’à sa fin heureuse. Il a été imprimé à Rome, en 1587, in-folio, par Francis Zanetti. Le texte grec a d’abord été publié seul, mais en 1588 il a été suivi d’une traduction latine par Flaminius Nobilius, principalement tirée de l’Itala, ou ancienne version latine. Le texte du Vatican a été réimprimé par l’évêque Walton, dans le Polyglott de Londres, en 1657, et forme la base de la célèbre édition commencée par le révérend Dr Holmes, doyen de Winchester, et continuée, et maintenant en cours de publication, par le révérend J. Parsons, M. A., d’Oxford.♦
♦Clément, Bibliothèque Curieuse, t. IV, p. 15-17. Introduction de Home à l’étude critique de la Bible, vol. I, p. 279. Le Long, édit. Masch, t. II, t. II, sec. 1, $ 57, p. 275-283.
Plusieurs des savants critiques engagés dans la publication de cette édition de la Septante ont également été employés dans l’édition papale de la Vulgate, et de quelques-uns des autres dont nous connaissons seulement les noms, comme Paulinus Dominicanus et Petrus Parra ; Pour le reste, certaines informations ont été conservées.
GUILLAUME SIRLET, OU SIRLETTI, natif de Squilaci, en Calabre (Erythræus dit de Stili), fut élevé au cardinalat par le pape Pie IV, qui le nomma aussi bibliothécaire du Vatican, à la sollicitation de saint Charles Borromée. C’était un homme d’une grande érudition et d’un excellent caractère. Il mourut en 1585, à l’âge de soixante et onze ans, laissant derrière lui une grande collection de livres curieux. Ceux-ci furent offerts au cardinal Montalto, neveu du pape Sixte V, pour six mille pistoles, mais le pape en empêcha l’achat, disant : « Ses instructions lui serviraient au lieu de livres tant qu’il serait vivant, et après sa mort, il aurait autre chose à faire que de lire. »+
+ Nouv. Diète. Hist., tom. VIII, p. 478. Vie de Sixte V par Leti, p. 177, 317.
Latino Latini, en latin Latinius, était le dernier survivant de la famille des Latini de Viterbe, où il est né, vers 1513. Il acquit une connaissance approfondie des belles-lettres et des sciences, et fut choisi, avec d’autres savants, en 1573, pour corriger la Décrétale de Gratien, travail auquel il s’appliqua beaucoup. Il passa de nombreuses années à corriger les œuvres des pères, en particulier celles de Tertullien. Ses observations ont été données au public sous le titre de Bibliotheca sacra et profana, sive observationes, correctiones, conjecturce et varice lectiones. Il mourut le 21 janvier 1593 à Rome.++
++ Dupin, Nouvelle Bibliothèque des Auteurs Ecclesiastiques, tom. xvi, p. 157. Utrecht, 1730, 4to.
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MARIANUS VICTORIES, OU VICTORINUS, originaire d’Amérique, ou Amélie, ville d’Italie, connu par sa connaissance de la langue éthiopienne, qu’il avait acquise en 1552, grâce à l’aide d’un moine éthiopien, nommé Pierre. Le pape Pie V l’éleva au siège d’Amélie, en 1571, et l’année suivante, il le transféra à Rieti, peu après la mort de Victorius. Il a écrit : 1. Emendationes, et Notæ ad Hieronymi Opera, Anvers, 1579 ; 2. Æthiopica lingua Institutiones, Romæ, 1552, faussement indiqué par Le Long, tome II, comme étant 1652 ; 3. Liber de Origine Italia ; 4. Commentarius de Antiquis Panitentiis ; 5 . De sacramentis Confessionis Liber, Romæ, 1566.♦
♦Ughelli Italia Sacra, t. I, p. 124, 342. Romæ, 1644, fol. Colomesii Italia On-entalis, p. 107, 108.
EMANUEL SAA, OU DE SA, savant portugais, naquit en 1530, à Condé, dans la province du Douro, et entra dans la société des Jésuites en 1545. Après avoir enseigné à Coïmbre et à Rome, il se consacra à la chaire et prêcha avec succès dans les principales villes d’Italie. Il mourut le 30 décembre 1596 à Arona, dans le diocèse de Milan, où il s’était retiré faute de santé. Ses principaux ouvrages sont : 1 . Scholia in IV. Evangelia, Anvers, 1596, Lyon, 1610, Cologne, 1628 ; 2 . Notationes in totam sacram Scripturam, Anvers, 1598, Cologne, 1628. Ces annotations sont hautement recommandées pour leur concision, leur sens littéral et leur utilité. 3 . Aphorismi Confessionarum, imprimé pour la première fois à Venise, 1595, in-12, et qu’on dit l’avoir employé pendant quarante ans. Il semble qu’il s’agisse d’un ensemble de règles pour les confesseurs, dans les cas de conscience. Comme il était censé contenir certaines positions dangereuses, il subit tant de corrections et de corrections avant que le pape ne l’autorise, qu’il ne parut que l’année précédant la mort de l’auteur. Les traductions françaises de celui-ci comportent de nombreuses castrations.+
+ Nouv. Diète. Hist., tom. VIII, p. 234. Chalmers’s (en anglais seulement) Gen. Biographical Diet., t. XXVII, p. 1.
FRANCISCUS TURRIANUS, OU TORRENSIS, de Herrera, dans le diocèse de Valence, en Espagne, d’après Thuanus, ou de Léon, d’après Alegambe, ou de Torrès, selon d’autres, employa la plus grande partie de sa vie à chercher dans les bibliothèques d’Italie les ouvrages inédits des pères grecs, afin de les donner au public. accompagné d’une traduction. Après avoir assisté au concile de Trente, il entra dans la société des Jésuites, à un âge avancé, en 1566, et changea son nom de Torrensis en Turrianus. Après être devenu jésuite, il se retira à Ingolstadt, en Allemagne, et y continua ses travaux littéraires, jusqu’à ce qu’il fût rappelé à Rome, où il mourut, le 21 novembre 1584, âgé de près de quatre-vingts ans. Ses ouvrages sont nombreux, mais peu estimés, à cause du manque qu’ils découvrent de goût critique et de jugement.♦
♦Dupin, Nouvelle Bibliothèque des Auteurs Ecclesiastiques, tom. xvi, pp. 131, 132. Nie. Antonio, Biblioth. Hisp., tom. i, pp. 371, 372. Monumenta Litteraria, ex Hist. Thuani., p. 232. Lond., 1640, 4to.
PETRUS CIACONIUS, OU CHACO, naquit à Tolède, en Espagne, en 1525. Être naturellement studieux il s’appliqua à l’étude avec une diligence infatigable, et, Malgré les obstacles que présentait l’indigence de ses parents, il s’éleva éminent personnage littéraire, et a été considéré comme l’un des premiers critiques de l’époque. Pendant ses études à l’université de Salamanque, il s’est distingué par ses progrès dans l’étude de la théologie et de la philosophie, sa connaissance de la mathématiques, et sa connaissance de la langue grecque. Sous le pontificat de Grégoire XIII. Il fut chargé de réviser et de corriger les La Bible, les Décrétales de Gratien, et les œuvres des pères, et d’autres auteurs anciens imprimés aux presses du Vatican. Il a également été employé par le même pontife dans la réforme du calendrier, avec Clavius et d’autres. En récompense de ses travaux savants, il fut fait chanoine de Séville. Il mourut à Rome en 1581, à l’âge de cinquante-six ans. Sa profonde érudition n’avait d’égale que sa modestie et son humilité. Il aimait la retraite et avait l’habitude d’appeler ses livres ses « fidèles compagnons ». Il écrivit de savantes notes sur Arnobius, Tertullien, Cassien, César, Pline, Térence, etc. Il fut aussi l’auteur de quelques petits traités séparés, dont un en particulier , De Triclinia Romano, qui, avec ceux de Fulvius Ursinus et de Mercurialis, sur le même sujet, fut publié à Amsterdam, en 1689, in-12, avec des figures pour illustrer les descriptions.+
+ Dupin, Nouv. Biblioth. des Auteurs Ecclesiastiques, tom. xvi, p. 123. Chai-rners’s Gen. Biog. Diet., vol. ix, p. 345
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JOANNES MALDONATUS, Espagnol de famille noble, naquit à Fuente del Maestro, village de la province d’Estrémadure, en 1534. Il fit ses études à l’université de Salamanque, sous la direction de Dominic Soto et Francis Tolet. et ensuite il enseigna la philosophie, la théologie et la langue grecque dans cette langue. séminaire. Entré dans la société des Jésuites, il fut appelé à Rome, où il enseigna la théologie dans leur collège, et prit l’habit de l’ordre. Lorsque le collège des Jésuites fut établi à Paris, en 1563, il y fut envoyé par ses supérieurs pour y enseigner la philosophie, et y devint l’adversaire acharné de Calvin.
Ses conférences étaient si populaires qu’il était souvent obligé, à cause de la foule qui y assistait, de les prononcer à la cour ou dans la rue. En 1570, il fut envoyé avec neuf autres jésuites à Poitiers, où il lut des conférences en latin et prêcha en français. Il retourna ensuite à Paris ; mais ayant été accusé d’hérésie et d’avoir obtenu un testament frauduleux en faveur de son ordre, quoiqu’honorablement acquitté, il se retira à Bourges, où les Jésuites avaient un collège, et y demeura environ un an et demi. Il fut ensuite appelé à Rome pour aider à la publication de la Septante, et après avoir terminé son Commentaire sur les Évangiles, en 1582, il fut, au début de 1583, retrouvé mort dans son lit. Son œuvre la plus célèbre est le Commentaire mentionné ci-dessus, qui a reçu de grands éloges de la part des papistes et des protestants, comme un exposé judicieux et excellent.♦
♦ Alegambe, Biblioth. Scriptor. Soc. Jesu., p. 255-257, Chalmers’s Gen. Biog. Diet., vol. xxi, pp. 176-178.
FULVIUS URSINUS était le fils illégitime d’un commandeur de l’ordre de Malte, de la famille Ursin, et naquit à Rome, le 2 décembre 1529. Sa mère et lui-même furent chassés par le père dénaturé, et réduits à une grande pauvreté ; mais l’apparition précoce de talents recommanda Fulvius à l’attention de Gentilio Delfini, chanoine de Latran, qui le prit sous sa protection, l’instruisit dans la littérature classique, et obtint enfin pour lui une promotion considérable dans l’église de Saint-Jean de Latran. Il entra ensuite au service des cardinaux Ranutius et Alexandre Farnèse, qui le récompensèrent généreusement, et lui donnèrent ainsi l’occasion de rassembler un grand nombre de livres et d’anciens manuscrits, et de les employer au profit de la littérature. Il correspondit avec les personnages littéraires les plus éminents de l’Italie, et apporta une aide précieuse aux auteurs de cette époque.
Son habileté à découvrir l’antiquité et la valeur des manuscrits était peu commune, et semble avoir été considérée par lui comme un secret important. Il mourut à Rome, le 18 janvier 1600, à l’âge de soixante-dix ans. Dans son testament, qui est annexé à sa vie par Castalio, Rome, 1657, in-8°, il lègue deux mille écus à Delfini, évêque de Camerino, probablement un proche parent de son premier protecteur. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages savants, comme De Familiis Romanis ; un appendice au traité de Ciaconius, De Triclinio ; Notes sur la plupart des historiens romains, etc. Il fit aussi graver une grande collection de statues, de bustes, etc., et les publia sous le titre d’Imagines et Elogia Virorum illustrium, et M. Pinkerton, cependant, dit qu’il ne faut pas compter sur cet ouvrage, et qu’il préfère celui de Canini, comme meilleur, quoique loin d’être parfait.♦
♦ Chalmers’s Gen. Biog. Diet., vol. xxx, pp. 158, 159.
PAULUS COMITOLUS était un jésuite, né à Perusium, en Italie, où il mourut le 18 février 1626, âgé de quatre-vingts ans. Il était considéré comme l’un des meilleurs casuistes de son ordre. Il a laissé plusieurs ouvrages considérés comme précieux, comme Consilia Moralia, etc.+
+ Nouv. Diète. Hist., t. III, p. 31.
JOANNES LIVINEJUS, OU LIVINEIUS, était originaire de Termond, dans les Pays-Bas autrichiens. Levinus Torrentius, évêque d’Anvers, son oncle maternel, lui inspira le goût de la littérature sacrée. De passage à Rome, il est employé par les cardinaux Sirlet et Caraffa pour traduire et publier les œuvres des pères grecs. Il fut ensuite chanoine et théologal d’Anvers. Il mourut en 1599, à l’âge de cinquante ans. C’était un bon critique, mais son style était dur. Il travailla avec William Canterus, éminent linguiste et philologued’Utrecht, à l’examen et à la collation de plusieurs manuscrits de la LXX. Leurs observations ont été incorporées dans le livre de Plantin. Polyglotte. Il est également l’auteur de diverses traductions des Pères.++
++ Ibid., tom. v, p. 100. 295.
Sixte V, dont on dit qu’il est « né pour de grandes choses », ne borna pas, si l’on en croit son biographe, ses travaux bibliques à la publication de la Vulgate et de la Septante, mais il y ajouta une édition de la Bible en langue vernaculaire italienne. Le curieux récit suivant de cette histoire et de l’événement de sa publication est donné par Gregorio Leti, un Italien d’une famille considérable, qui florissait au XVIIe siècle, dans sa Vie du pape Sixte V, écrite à l’origine en italien, et traduite en anglais par Ellis Farneworth, M. A.
« Il [Sixte V.] avait fait publier l’année dernière l’édition latine de la Bible par la Vulgate, ce qui avait occasionné beaucoup de clameurs dans le monde ; mais rien de semblable à ce qu’il y avait cette année, lorsqu’il en imprima une version italienne. Cela mit toute la partie catholique romaine de la chrétienté dans un tumulte. Le comte Olivarez, » (ambassadeur du roi d’Espagne.) Et quelques-uns des cardinaux se hasardèrent à s’exposer avec lui assez librement à ce sujet, et dirent que c’était une chose scandaleuse autant que dangereuse, et qu’elle touchait presque à l’hérésie. Mais il les traita avec mépris et se contenta de dire : « Nous le faisons pour le bien de vous qui ne comprenez pas le latin. » Le plus zélé des cardinaux écrivit au roi d’Espagne, le priant « de s’interposer, et de songer à quelque remède à ce mal, car il s’y intéressait plus que personne, à l’égard des royaumes de Naples et de Sicile et du duché de Milan ; car si la Bible venait à y être lue en langue vulgaire, cela pouvait faire naître des scrupules et des inquiétudes dans la conscience de ces gens-là : comme c’était, d’ailleurs, un des premiers principes des hérétiques de lire les Écritures en langue commune.
« Philippe, qui était un fanatique notoire, ordonna à son ambassadeur « d’user de ses efforts auprès du pape pour supprimer cette édition, car elle offenserait infiniment ; et il dit que, s’il ne le faisait pas, il serait obligé d’employer les moyens pour empêcher qu’elle ne fût lue dans ses royaumes, comme son zèle pour la vraie religion le suggérait, et que le Tout-Puissant lui avait mis entre les mains. Olivarez, ayant reçu ces ordres, demanda aussitôt audience au pape, et lui représenta avec beaucoup de chaleur « combien cette nouvelle version était désagréable à son maître, et quel scandale elle causait à toute sa cour ». Sixte le laissa haranguer avec une grande véhémence pendant plus d’une heure, et quand il fut arrivé au terme de sa carrière, il ne répondit rien. Sur quoi le comte dit : « Votre Sainteté ne voudrait-elle pas bien me faire savoir ce que vous en pensiez ? » « Je pense, dit Sixte, vous faire jeter par la fenêtre, pour apprendre aux autres à se conduire quand ils s’adressent au pontife ; » et il se retira aussitôt dans un autre appartement.
Le pauvre ambassadeur, qui connaissait assez l’humeur de Sixte, se hâta de sortir du Vatican, s’attendant à ce qu’il eût tenu parole ; et quand il fut rentré chez lui, et qu’il eut un peu repris ses esprits, il dit : « Dieu merci, j’ai eu une grande évasion aujourd’hui. » Le roi d’Espagne, se croyant fort offensé des mauvais traitements et du mépris qu’on montrait à son ambassadeur ; par la réticence du pape à aider la ligue ; par son appui au roi de Navarre et à son parti ; par la publication de la Bible en langue italienne, contrairement à ses remontrances ; par le peu de soin qu’il prenait à soutenir les intérêts catholiques en Angleterre ; et les desseins qu’il savait nourrir sur le royaume de Naples ; malgré son grand zèle pour la religion et le respect qu’il avait toujours professé pour le Saint-Siège, convoqua le conseil de conscience, et leur demanda « quels moyens étaient les plus convenables à prendre avec un tel pape » Ils dirent à Sa Majesté qu’il pouvait et devait en conscience convoquer un concile général dans ses États, d’abord faire connaître au pape son dessein, et (s’il s’y opposait) de le citer à comparaître devant lui, où il serait certainement déposé, et un autre élu ; comme il avait osé, de sa propre tête, faire des choses qui approchaient de l’hérésie. "
Quand ils eurent donné leur avis, le roi ordonna qu’on écrivît des lettres à son ambassadeur à Rome, pour consulter le cardinal de Tolède, qu’il regardait comme un saint, avec tous les autres cardinaux qui étaient les plus zélés pour l’honneur de la nation espagnole, et lui ordonnaient, s’ils l’approuvaient : de profiter de quelque fête solennelle (où le pape serait présent), pour lui notifier en public sa résolution d’assembler un tel concile à Séville, pour examiner ce qu’il y avait de plus convenable à faire pour le service de Dieu et la gloire de sa sainte religion, puisqu’il avait pris sur lui de faire toutes choses sans l’avis, et souvent contraire à l’opinion de son consistoire, et avait fait publier de manière absurde une Bible qui avait offensé toute la chrétienté. "
Bien qu’Olivarez eût déjà reçu des preuves suffisantes de la rudesse des dispositions du pape, et qu’il fût à peu près assuré qu’il ne souffrirait pas que son autorité fût mise en doute, cependant, obéissant aux ordres de son maître, il prépara un écrit, en guise de notification au concile, qu’il avait l’intention de remettre peu de temps après, lors d’une cavalcade solennelle que le pape avait fixée à son départ pour résider. pour la première fois, au palais récemment construit près de Saint-Jean-de-Latran.
Sixte en fut informé par ses espions, la veille de sa mise à exécution, et de l’heure et du lieu où l’écrit devait lui être présenté ; Sur quoi il envoya en toute hâte chercher le gouverneur et deux maîtres des cérémonies, et ayant appris d’eux que tout était prêt pour la cavalcade du lendemain, il leur dit qu’il avait changé d’avis sur l’ordre qui devait être observé dans la procession ; qu’il lui plaisait qu’eux-mêmes le précédaient aussitôt, le bourreau ordinaire les précédant à la main, un licol à la main, et devant lui deux cents des gardes, quatre par quatre ; et que si quelqu’un osait lui offrir un papier ou un écrit, il ordonnerait au bourreau de se jeter sur lui à l’instant même, et de l’étrangler, sans autre cérémonie, même s’il était ambassadeur, roi ou empereur. Ces ordres furent répétés ; Le lendemain matin, à la grande surprise du gouverneur, qui, bien qu’il n’en connût pas les raisons, eut soin cependant de diriger la cavalcade exactement comme on le lui avait ordonné.
« L’ambassadeur était au courant de cette disposition (comme on le supposait) par les instructions privées du pape, au moment où il sortait de chez lui pour remettre l’écrit, et il en fut si effrayé, qu’il conçut une fois de quitter la ville immédiatement et de se retirer à Naples ; mais son orgueil finit par l’emporter sur cette résolution, car il pensait qu’une telle démarche serait une tache sur son caractère : c’est pourquoi il se hasarda à rester dans son palais, et, barrant toutes les portes et toutes les portes, il jeta l’écriture dans le feu, et alla à ses prières, se recommandant à Dieu. et s’attendant à être étranglé dès que la cavalcade serait terminée ; mais nous pouvons tenir pour certain que Sixte n’avait d’autre but que de l’effrayer et de le faire renoncer à son entreprise. Et il est très probable que Sixte, par cette manière énergique de procéder, a écrasé un schisme dans l’embryon, qui aurait pu troubler longtemps la paix de la chrétienté ; car quand le roi Philippe vit combien il serait difficile de livrer l’écrit qui était nécessaire à cet effet, et quels tumultes et distractions pourraient être occasionnés par un concile, il abandonna son dessein, et pensa qu’il valait mieux se venger du pape d’une autre manière, qui ne pourrait pas être préjudiciable à l’Église.♦
♦Vie du pape Sixte V par Leti, t. x, p. 562-567.
Vol. IL—13
Leti, l’auteur de ce récit, craignant que sa déclaration ne fût contredite par les partisans zélés de Rome, en défend l’exactitude, et présente à son lecteur les preuves suivantes de son authenticité. « Quelques auteurs, dit-il, ont osé affirmer que Sixte n’a jamais publié une pareille édition ; ce qui est notoirement faux, comme il est facile de le prouver, non seulement par le témoignage authentique de beaucoup d’écrivains de ce temps-là, mais par plusieurs copies que l’on voit aujourd’hui dans la bibliothèque du grand-duc de Toscane, celle de saint Laurent, l’Ambrosien à Milan, sans parler de deux à la bibliothèque publique de Genève, et plusieurs autres. Philippe Briétius, savant jésuite, dit, à la page 347 de la seconde partie de ses Annales, imprimées à Paris en l’année 1663 : « Inter hæc mortuus est Romæ Sixtus V. editis Bibliis Sacris in linguâ Italicâ, quæ tantum negotii nobis exhibuerunt ; quibus et præfixerat Bullam non fuisse, postea compertum est, nec adhibitos in consilium penitos viros, ut perperam in eâ ipse profitebatur, &c. Sed turn huic contradicere audebat nemo, et fertur Hispanico Legato constantius résistent ! perniciem parasse.' Et outre le bruit commun qui était dans toutes les bouches à Rome, je me souviens d’avoir vu, dans un manuscrit rendant compte des opérations de ce temps-là, que le cardinal de Tolède, qui s’opposa le plus violemment à cette mesure, lorsqu’il vit le pape résolu à s’y obstiner, contrairement à l’avis des cardinaux les plus sages et les plus savants, ainsi que les instances répétées du comte Olivarez, a dit : « Comment Dieu a-t-il abandonné son église ! Qu’il lui plaise de nous délivrer bientôt de ce méchant pape ! " ♦
♦Vie de Sixte V par Leti, t. x, p. 564.
Comme les preuves en faveur de l’existence de cette édition italienne des Écritures reposent principalement sur le crédit de Leti, les témoignages suivants sont produits pour aider le lecteur à former son estimation de la dépendance qu’il faut mettre sur le récit qu’il nous a donné. Gibbon, le célèbre historien de Rome, caractérise ainsi notre auteur et son œuvre : « Un Italien errant, Gregorio Leti, a donné à la Vita di Sixto Quinto (Amstel., 1721, 3 vol., in-12 mois) un ouvrage copieux et amusant, mais qui ne commande pas notre confiance absolue. Cependant le caractère de l’homme et les faits principaux sont confirmés par les Annales de Spondanus et de Muratori, et par l’histoire contemporaine du grand Thuanus. — Déclin et chute de l’empire romain, t. XII, ch. Ixx, p. 392, in-8°. Prosper Marchand, dans son Histoire de la Bible de Sixte Quint, le qualifie d'« Historien assez exact de Sixte V ». Voyez Schelhornii Amcenitates Literaria, t. IV, p. 438. Mosheim, cependant, n’est pas également favorable dans son jugement de la Vie de Sixte de Leti, mais dit que « les relations qu’elle contient sont en de nombreux endroits inexactes et douteuses ». — Eccles. Hist, par Maclaine, t. IV, p. 195, in-8°.
Gregorio Leti est né à Milan en 1630. En 1657, il fait profession publique de la religion protestante à Lausanne. Il s’établit ensuite à Genève, où il résida une vingtaine d’années, et reçut, en 1674, le droit de cité, honneur jamais accordé jusqu’alors à un étranger. Il passa ensuite quelque temps en France et en Angleterre, puis se rendit à Amsterdam, où il exerça la charge d’historiographe. Il mourut subitement, le 9 juin 1701, à l’âge de soixante et onze ans. Un panégyrique de son gendre, le très savant Jean Le Clerc, est inséré dans le Dictionnaire de Moreri, imprimé à Amsterdam. Paris, 1727, t. II, p. 361-381, in-12.
Toute cette histoire est cependant vivement démentie par les écrivains catholiques romains, et particulièrement par Le Long (dans sa Bibliotheca Sacra, t. I, p. 357, Paris, 1723), qui affirme qu’aucun exemplaire de l’édition ne se trouve dans aucune des bibliothèques spécifiées par le Leti, et considère la relation comme absolument fausse.
Il est néanmoins digne de remarque que Le Long ne nie pas l’exactitude de sa citation des Annales de Brièce ; et, autant que j’ai pu le découvrir, aucun écrivain contemporain n’a contesté cette affirmation, bien qu’il ait affirmé le fait de la publication de la Bible italienne par Sixte, dans un dialogue satirique : publié anonymement en 1677, sous le titre II Vaticano Languente. La première édition de la Vita di Sixto V. a été imprimé à Lausanne, 1669, deux tom. 12mo.
Plusieurs écrivains protestants ont considéré le récit du Leti comme digne de foi, et se sont efforcés d’expliquer l’extrême rareté, ou plutôt l’inexistence d’exemplaires de la Bible italienne, en supposant que l’opposition du roi d’Espagne et des cardinaux avait causé la suppression et la destruction de tout ce qui n’avait pas été distribué. ou qui pourraient éventuellement être obtenus. Parmi ceux-ci, on peut compter Bayle, J. F. Mayer, Wagenseil, Vogt, etc.
La discordance des opinions sur ce sujet, et l’absence de preuves décisives, laissent encore douteux que Sixte ait publié une édition de la Bible italienne, et le lecteur doit être laissé à la formation de son propre jugement, selon ses vues sur les preuves présentées. Il est cependant certain que, que Sixte ait patronné ou non les Écritures italiennes, plusieurs éditions de l’ensemble, ou de parties de celles-ci, ont été imprimées vers cette époque, tant par les catholiques que par ceux qui avaient embrassé la religion réformée. La traduction de Brucioli a été réimprimée en 1548, 8 vol., 1551, 4to., et de nouveau en 4579, 4to. La version de Malermi a également été réimprimée à Venise, par Bendoni, en 1553 et 1558, in-folio ; par And. Muschius, en 1566, in-4°. ; et enfin par Jerome Scot, avec la version de la Vulgate, en 1567, in-folio. On dit que cette édition est « purgée de toute erreur et publiée avec la permission de la congrégation de l’inquisition ». Le Long mentionne aussi plusieurs éditions des Psaumes, des Proverbes, etc.♦
♦ Le Long, Biblioth. Sacra, tome I, op. 355-358. Paris, 1723. Walchii Biblioth. Theolog., t. IV, p. 128.
La persécution qui faisait rage contre ceux qui embrassaient les doctrines de la Réforme obligea de nombreux indigènes des États italiens à fuir pour se réfugier à Genève, où ils fondèrent une église, en 1551. Maximilien de Martinengo, proche parent des comtes de Martinengo, illustre famille d’Italie, fut leur premier pasteur. Il était naturel qu’il veuille mettre entre les mains de ses ouailles la Bible, la traduction de Brucioli, la seule qu’ils possédaient, ayant besoin d’être révisée, pour la rendre plus intelligible et conforme à l’original. Massimo Theophilo da Fiorenza, Italien, qui avait embrassé les doctrines de Calvin, avait corrigé le Nouveau Testament, et l’avait publié à Lyon, en 1551, en in-16, et Jean de Tournes l’avait réimprimé, en 1556, en in-16. Les réformés de Genève, d’accord avec le désir de leur ministre, en publièrent une nouvelle édition en 1555, in-8°, avec la version française dans une colonne parallèle. Guillaume Rouillé suivit l’exemple et, en 1558, publia à Lyon un Nouveau Testament, in-16, dans lequel une colonne contenait la version latine d’Érasme, et l’autre, une traduction italienne d’après cette version. À son édition étaient préfixés les mêmes résumés des chapitres que dans celle de 1555, et dans lesquels les doctrines des réformateurs étaient explicitement énoncées ; ainsi, le résumé du troisième chapitre de l’épître aux Romains déclare que l’apôtre prouve que les Juifs et les Gentils sont également pécheurs ; montre les offices respectifs de la loi et de la foi ; et conclut que toute notre justice vient de la grâce divine, par la foi au sang de Christ, et non par la loi, ni par les œuvres. Le résumé du quatrième chapitre de la même épître se termine en disant que la conclusion de l’apôtre est : « que la foi seule de Christ justifie ». Nicolas des Gallars collationna de nouveau cette traduction avec le grec ; Théodore de Bèze l’a révisé ; et Fabius Tudeschi l’imprima en 1560, in-8°. Les protestants italiens de Genève, désireux aussi d’une nouvelle édition de toute la Bible, entreprirent la correction et la révision de la version de l’Ancien Testament de Brucioli ; et, après avoir passé trois ans à le rendre plus perspicace et plus conforme à l’hébreu, il y ajouta le Nouveau Testament de Gallars et de Bèze, et publia le tout, en 1562, in-folio (ou, selon Le Long et Walch, in-4°) des presses de Francisco Durone, de Genève.♦
♦Clement, Bibliothèque Curieuse, tom. iv, pp. 57-59.
De même, les Juifs qui étaient originaires d’Italie désiraient posséder une traduction italienne de l’Ancien Testament, et surtout ceux d’entre eux qui, pour diverses raisons de commerce ou de conscience, résidaient en Orient ou dans d’autres pays éloignés de l’Italie. R. David de Pomis, médecin juif de Spolète, auteur d’un livre hébreu, Lexique latin et italien, intitulé Tzemach David, Venise, 1587, in-folio, traduit de l’Ecclésiaste ; qui a été imprimé avec des notes, et l’original hébreu, à Venise, par Jordan Ziletti, en 1578, 8 vol., sous le titre : Discorso intorno I’humana miseria, et sopra al' modo di fugirla, &c. Dans la préface de ce lexique, il dit qu’il avait également écrit des exposés des livres de Job et de Daniel, semblables à ceux de l’Ecclésiaste, ce qui rend probable qu’il ait également traduit ces livres. Une traduction italienne des Proverbes de Salomon, en caractères hébraïques, accompagnait une édition du texte hébreu, imprimée à Venise, sans date. Léon de Modène, de son vrai nom R. Juda Arieh, méditait une version entière de l’Ancien Testament, mais en fut empêché par l’injonction de l’inquisition. Frustré dans ce dessein, il s’occupa de la formation d’un Lexique hébreu et italien de la Bible, qui fut publié à Venise, sous le titre de Golath Jehuda, en 1612, 4to., et à Padoue en 1640. Dans la préface de cet ouvrage, il parle ainsi de la version qu’il se propose de l’Ancien Testament : « Les Espagnols, les Grecs, les Germains et les autres Juifs, qui résident en Orient, ont chacun d’eux, à l’exception de l’Italien, la Bible dans leur propre langue ; c’est pour cette raison que j’ai eu l’idée de publier une nouvelle traduction, etc. Il a cependant fourni toute l’aide qu’il pouvait par son Lexique, dans lequel il a expliqué ce qu’il considère comme les passages les plus difficiles, et les a donnés en italien pur.♦ Ce rabbin naquit à Modène vers 1574, et fut pendant longtemps chef de la synagogue, et estimé comme un bon poète tant en hébreu qu’en italien. Il est l’auteur d’un ouvrage sur la Pâque, illustré de planches, écrit en italien, et imprimé en caractères hébreux, Venise, 1609, in-folio ; et aussi d’un précieux ouvrage sur les cérémonies et les coutumes des Juifs, intitulé Istoria de Riti Hebraïci vita et Osservanze de gli Hebreï di questi Tempi ; dont la meilleure édition est, dit-on, celle de Venise, 1638, in-8°. Il a été traduit en néerlandais, en latin, en français et en anglais. La traduction française est de Richard Simon, qui a ajouté des suppléments relatifs aux sectes des Karaïtes et des Samaritains. Une traduction anglaise, dont j’ai sous les yeux, est d’Edmund Chilmead, maître ès arts et aumônier de Christ Church, Oxon. Lond., 1650, 16mo. Léon mourut à Venise en 1654.+
♦ Le Long, t. I, p. 360 ; et tom. ii, p. 1186, 1187. Paris, 1723.
+ Le Long, tom. t. II, p. 806. Paris, 1723. Chalmers’s Diet., vol. xx, p. 181.
L’interdiction de la Bible en langue vernaculaire n’a pas été le seul cas de persécution que les Juifs ont subi de la part de l’autorité pontificale. Jules III, en 1554, avait publié une bulle, datée du 29 mai, adressée aux patriarches, archevêques et évêques du siège romain, contre tous les Juifs qui conservaient les livres talmudiques ou autres dans lesquels le nom de JÉSUS était blasphémé ou ignominieusement nommé ; et ordonnant qu’après quatre mois à compter de la date de la bulle, les synagogues et les maisons des Juifs seraient fouillées, et que si de tels livres étaient trouvés, ceux qui les avaient en leur possession seraient punis et leurs biens confisqués ; et s’il est contumace ou s’il le mérite d’une autre manière, il sera mis à mort. Pie IV, qui fut élevé à la chaire pontificale en 1555, publia une autre bulle inhibitrice contre les livres juifs, dans laquelle il distinguait ceux qui n’expliquaient que la religion juive, et permettait qu’ils fussent conservés, mais ordonnait que les autres fussent brûlés.§ Clément VIII, en 1593, imita ses prédécesseurs, en publiant une bulle par laquelle tous les écrits talmudiques et autres écrits juifs qui contenaient quelque chose de dérogatoire aux Écritures, les doctrines de l’Église, ou de la hiérarchie romaine, étaient « interdites de traduction, d’impression, d’édition ou de transcription ; ou sous quelque prétexte que ce soit pour être lu, ou entendu, possédé, acheté, ou vendu, donné ou troqué, sous peine de punition, à la discrétion du diocésain, et de confiscation des biens, s’ils sont Juifs ; ou de la grande excommunication, s’il s’agit de chrétiens ; toutes les autorisations antérieures étant révoquées. Les livres doivent être livrés dans les dix jours, s’ils sont à Rome ; ou, s’il est au-delà des limites de la ville, dans les deux mois à compter du 28 février, date de la bulle. Paulus Piasecius, évêque de Przmysl, dans sa Chronique. Gestorum in Europa singularium, f. 112, dit qu’en conséquence de ce mandat, « près de dix mille exemplaires de ce genre de livres ont été rassemblés et brûlés dans la seule ville de Bergame ».♦
++ Cherubini Magnum Bullarium, tom. i, p· 804. Lugduni, en 1673, in-folio.
§ Histoire des Juifs de Basnage, t. VII, p. 723.
♦ Cherubini Magnum Bullarium, tom. iii, p. 24, 25. Schelhornii Amœnit. Litte taria, tcm. VII, p. 87, note.
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Au lieu de permettre aux Juifs le libre usage des Écritures en langue vernaculaire, l’Église de Rome adopta des mesures de contrainte et tenta de les convertir au christianisme par des moyens qui ne firent qu’accroître leur répugnance pour la religion du Christ. Grégoire XIII, par une bulle datée du 1er septembre 1584, ordonna « que partout où un nombre suffisant de Juifs résidaient pour constituer une synagogue, tous, des deux sexes, âgés de plus de douze ans, s’assembleraient une fois par semaine, dans un lieu désigné, mais non pas là où le service divin était habituellement célébré, lorsqu’un maître en théologie, ou quelqu’un d’autre, qui recevrait un traitement convenable, prononcerait un sermon ou une conférence, si possible, en langue hébraïque, pour prouver par les écrits de l’Ancien Testament, et surtout par les leçons lues dans les synagogues, la vérité de la foi chrétienne ; l’accomplissement des prophéties dans la personne, les actions, les miracles et la mort du Christ ; l’abolition de la loi ; la diffusion universelle de l’Évangile et le règne spirituel du Messie ; la vanité d’attendre une restauration de la ville et du temple de Jérusalem ; et la corruption des Saintes Écritures par les fables et les mensonges rabbiniques. Que dans ces sermons, le prédicateur traite les sujets qu’il traite avec prudence, modestie et charité. Il fut également décidé par le même mandat, « qu’afin d’éviter des plaidoyers inutiles d’infirmité, ou de détention légale, au moins un tiers de tous les Juifs résidant ou se trouvant occasionnellement dans la ville ou le village où le sermon était prêché, devaient assister régulièrement à cette occasion, sous peine d’être interdits de commerce avec les chrétiens. et tel autre châtiment que l’ordinaire jugerait nécessaire pour les contraindre à y assister : et si un chrétien les empêchait d’y assister, ou les incitait à s’absenter, il encourrait par là même l’excommunication, et serait soumis à tel autre châtiment que le cas méritait.♦
♦ Cherubini Magnum Bullarium, t. II, p. 477, 478.
En ESPAGNE, les Juifs ont eu plus de succès dans leurs tentatives d’obtenir une traduction vernaculaire des livres de l’Ancien Testament. Protégés par le duc de Ferrare, ils publièrent une traduction espagnole des Écritures hébraïques. Le titre que porte cette édition très rare et célèbre est : Biblia en lengua espanola traduzida palabra por palabra delà verdad hebrayca por muy excellentes letrados vista y examinada por el Officio dela Inquisición. Cum privilegio del Yllustrissimo senor Duque de Ferrara. La page de titre est ornée d’une gravure sur bois, ou vignette, représentant un navire naufragé par une tempête, emblème de l’état persécuté des Juifs. Le texte de cette édition est imprimé en caractères gothiques, alors que toutes les éditions ultérieures ont été imprimées avec la lettre ronde ou romaine. La traduction est extrêmement littérale et formée à partir de l’ancien espagnol, rarement utilisé sauf dans le service de la synagogue. Le traducteur prétend s’en être tenu, autant que possible, à la version latine et au dictionnaire de Pagninus, mais il semble plutôt avoir adopté les anciennes transitions, ou gloses des Juifs espagnols ; il a aussi marqué d’un astérisque, ou d’une étoile, les mots qui, en hébreu, sont équivoques, ou susceptibles de sens différents. Les copies de cette traduction sont divisées en deux classes, l’une étant appropriée à l’usage des Juifs, l’autre étant adaptée aux desseins des chrétiens. Celles destinées aux Juifs sont dédiées à Donna Gracia Naiç, une dame juive portugaise, duchesse de Naxia, ou Naxus ; et dans le colophon suivant on dit qu’il a été achevé par Abraham Usque, et imprimé à Ferrare, en 1553, aux frais de Yom Tob Athias : A gloria y loor de nuestro senor se acabo la presente Biblia en lengua espanola traduzida dela verdadera Origen hebrayca por muy excellentes letrados, con yndustria y deligencia de Abraam Usque Portugues ; estampada en Ferrara a costa y despesa de Jom Tob Athias hijo de Levi Athias español ; en 14 de Adar de 5313. Les copies destinées aux chrétiens sont dédiées à Don Hercule d’Este IL, quatrième duc de Ferrare. La conclusion du colophon diffère de l’autre, en déclarant que ces copies ont été achevées par Duarte Pinel, et imprimées à Ferrare, aux frais de Jérôme de Vargas, le 1er mars 1553 : Con yndustria y deligencia de Duarte Pinel Português ; estampada en Ferra a costa y despesa de Jeronimo de Vargas espanol ; en primera de Marco de 1553. Ces derniers exemplaires ont aussi quelques corrections et altérations dans la traduction, ce qui la rend plus conforme aux vues des chrétiens. Cette édition est accompagnée de certains tableaux et résumés, qui ne se trouvent cependant que dans certains exemplaires.♦ Abraham Usque et Duarte Pinel, les deux personnes qui paraissent avoir été engagées dans la traduction, ou qui en ont eu la direction, employèrent probablement d’autres hommes instruits pour les aider dans cette importante entreprise, comme semblent l’indiquer les termes : por muy excellents letrados, inséré dans le titre. De Rossi ajoute que certains exemplaires ont été imprimés sur du « papier bleu » (cærulea charta).
♦ B. De Rossi, De Typographia Hebræo-Ferrariensi Comment. Histor., cap. vi, pp. 86—123. Erlangæ, 1781, 8vo. Clement, Bibliothèque Curieuse, tom. iii, pp. 446452. Le Long, tom. i, pp. 364-366. Paris, 1723. Simon, Hist. Cfit. du Vetus Testamentum, liv. ii, ch. xix, pp. 317-349.
UnBRAHAM USQUE, parfois appelé à tort OSKI, OU USKI, appartenait à une famille juive réputée, qui s’enfuit du Portugal à Ferrare pendant les sévères persécutions qui faisaient rage contre les Juifs de ce royaume. Il a été éduqué dans les principes du Talmud par ses parents ; Il devint par la suite un imprimeur célèbre dans la ville où il résidait, et imprima de nombreux ouvrages, non seulement en hébreu, mais aussi en espagnol et en portugais. Il y avait à Ferrare deux autres personnages célèbres, de la même famille, Samuel et Salomon, contemporains d’Abraham. Samuel est l’auteur de Consolacam as Tribulacoens de Ysraël, dans lequel il s’efforce de consoler les Juifs, dans leurs diverses souffrances, et menace la vengeance de Dieu contre leurs persécuteurs ; et écrit particulièrement contre Vincent Ferrer, et les auteurs des édits de l’inquisition en Espagne et en Portugal. Salomon édita une traduction espagnole des Sonnets de Pétrarque, de la tragédie biblique d’Esther, et d’autres ouvrages : c’est probablement le même qui établit une imprimerie à Constantinople ; et par qui le livre de Ruth a été imprimé, en hébreu, avec le commentaire de R. Salomon Alkabetz, en 1561, 4 to. Outre la version espagnole de l’Ancien Testament, imprimée en 1553, Abraham publia la même année une édition séparée des Psaumes, en in-16 ; et en 1555, en 4to., le Pentateuque, Megilloth, ou Cantique des Cantiques, Ruth, l’Ecclésiaste, les Lamentations et Esther ; et Haphtaroth, ou sections des prophètes lues dans les synagogues au cours de l’année. Il est également l’auteur de Orden de los Ritas de la Fiesta del ano Nuevo, y Expiación. Ferrare, 1554, in-4°. L’époque de la mort de ce savant imprimeur n’est pas connue.+
+ D. Barbosa Machado, Biblioth. Lusitan., tom. i, p. 4: Lisboa Occident, 1741, foL De Rossi, De Typog. Hebræo-Ferrar., pp. xxix, 8, 9, 52, 81.
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DUARTE PINEL, OU PINHEL, était originaire du Portugal, éminent par sa connaissance des langues latine et hébraïque, et par son habileté dans la chronologie. Il est l’auteur d’un Compendium de grammaire latine (Latinæ Grammatices Compendium ;) et d’un traité De Calendis. Ulyssipone apud Lodovicum Rhoterigium, 1543♦
♦ D. B. Machado, Biblioth. Lusitan., tom. i, p. 742.
Environ seize ans après la publication de la Bible de Ferrare par les Juifs, une version espagnole anonyme, de l’Ancien et du Nouveau Testament, a été publiée sans le nom de l’imprimeur, ni celui du lieu où elle a été imprimée, sous le titre : « La Biblia, que es, 10s Sacros Libros del Vieio y Nueuo Testamento. Transladada en Espannol. M.D.LXIX, » dans 4to. Après le titre, suivez les troisième et quatrième règles de l’Index, selon le décret du concile de Trente, en latin et en espagnol ; à ceux-ci succèdent une préface latine, adressée aux rois, électeurs, princes, comtes, barons, chevaliers et magistrats de toute l’Europe, et une « annonce au lecteur », en espagnol, dans laquelle le traducteur expose les raisons de son entreprise. Les « Diverses Lectures » de l’hébreu et du grec sont insérées dans le texte, enfermées dans des noires ; et de brèves scholiæ, ou termes explicatifs, sont placés dans la marge. L’appareil de l’imprimeur sur la page de titre représente un grand arbre, dans lequel une ouverture dans le tronc sert à une ruche d’abeilles, et l’on voit un ours s’efforcer d’atteindre l’ouverture, afin de sucer le miel qui distille de la ruche. Un marteau, supposé avoir été utilisé pour former l’ouverture dans l’arbre, est suspendu à une branche. L’ensemble est entouré de fleurs, et parmi elles un livre ouvert, avec le nom de 'הוהי dessus. D’après l’ours représenté dans cet appareil, certains ont supposé à tort que l’œuvre avait été imprimée à Berne, qui a un ours dans les armoiries de la ville.
Le récit le plus certain que nous ayons du traducteur et de l’imprimeur de cette version provient d’inscriptions écrites par l’auteur, dans des exemplaires qu’il a présentés aux bibliothèques de Bâle et de Francfort-sur-le-Main. Dans l’exemplaire présenté à la bibliothèque de Bâle, il écrit ce qui suit : « Cassiodorus Reinius, Hispanus, Hispalensis, inclyta hujus academiæ alumnus, hujus sacrorum librorum versionis Hispanicæ auctor, quam per integrum decennium elaboravit, et auxilio pientissimorum ministrorum hujus ecclesiæ Basileensis ex decreto prudentissimi senatus typis ab honesto viro Thoma Guarino cive Basiliensi excusam demum emisit in lucem, in perpetuum gratitudinis, et observantiæ monumentum hunc librum inclytæ huic academiæ supplex dicabat. A. 1570. mense Junio. Et dans celle présentée à la bibliothèque de Francfort-sur-le-Main, il reconnaît ainsi avec reconnaissance la bonté que lui a témoignée le sénat : « CASSIODORUS REINIUS, HISPANUS versionis hujus hispanica lingua Sacrorum Librorum Autor. Optimi senatus bénéficia municeps Francfortanus. In cujus beneficii, atque adeo, gratitudinis ipsius memoriam sempiternam Bibliothecæ publicæ, hune librum dicat. Calendis Januariis, 1573. Ces inscriptions nous apprennent que l’auteur de cette version était Cassiodore de Reyna, Espagnol, né à Séville, qui avait étudié à l’université de Bâle, où il fut aidé dans cette traduction par plusieurs pieux ministres de cette ville, et où l’ouvrage fut imprimé, par un digne imprimeur, nommé Thomas Guarin. Le sénat de Francfort lui conféra les privilèges d’un citoyen de leur ville. Nic. Antonio, dans sa Bibliotheca Hispanica, ne le rend pas compte, mais il est probable qu’il avait embrassé les principes de la Réforme, bien que certaines expressions de sa préface, et le préfixe des Règles de l’Index à sa version, aient l’apparence d’un attachement à l’Église de Rome. Cassiodore fut engagé dix ans dans la traduction ; et le nombre d’exemplaires imprimés fut de vingt-six cents. Dans la préface, qu’il a signée avec C. R., les initiales de son nom, il défend les traductions vernaculaires de la Bible, et soutient « que les Saintes Écritures ayant été publiées pour l’instruction de tous, tant savants qu’ignorants, leur lecture ne peut être interdite sans offrir un affront manifeste à Dieu lui-même, et entraver le salut des hommes ». À l’objection habituelle que les livres sacrés contiennent des mystères qui ne doivent pas être divulgués à tout le monde, il répond « que les mystères de la vraie religion doivent être vus et compris par tous les hommes, parce qu’ils sont lumière et vérité, et puisqu’ils sont ordonnés pour le salut de tous, le premier pas vers l’obtention de celui-ci. « Nécessairement, c’est de les connaître. » C’est peut-être de l’une de ces éditions que parle le Dr Geddes, mais dont il donne une date erronée, lorsqu’il dit : « Ce qui a été imprimé en 1516 a été si complètement détruit qu’on n’en trouve presque aucun exemplaire, car il n’y a pas de version de cette période.♦
♦ Clément, Bibliothèque Curieuse, t. III, p. 449-458. Le courage de Simon. Hist, des versions de N. T., t. ii, ch. xii, p. 350, 357. Le Long, tom. t. I, p. 363. Paris, 1733. Prospectus de Geddes, p. 108.
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Une traduction du Nouveau Testament en espagnol avait été faite auparavant à partir du grec, et accompagnée de notes, par Jean Philadelphe, ou Perez, et imprimée à Venise, 1556, in-8°.
Le Long considère qu’il ne s’agit que d’une édition corrigée de la version d’Enzinas. Perez publia aussi, en 1557, in-8°, une version espagnole des Psaumes, d’après l’hébreu, dédiée à Marie d’Autriche, reine de Hongrie, de Bohême, etc. Jean Valdesius, Espagnol, secrétaire du roi de Naples, traduisit aussi l’épître de saint Paul aux Romains, qui fut publiée par Jean Pérez, en 1556, à Venise, in-8°. et l’Index Librorum Prohibitorum attribue au même savant légiste une traduction de la première épître de saint Paul aux Corinthiens. Tout ce que l’on sait de Jean Pérez, l’auteur de quelques-unes et l’éditeur d’autres de ces traductions, c’est qu’il était Espagnol, auteur d’un Catéchisme et d’un Résumé de la doctrine chrétienne, tous deux insérés dans l’Index Librorum Prohibitorum.♦
♦ Le Long, t. I, p. 364. Paris, 1723. Nic. Antonio, Biblioth. Script. Hispan., tom 1, p. 580.
En 1543, FERDINAND Jarava, ou, comme l’appelle Antonio, JOANNES DE JARAVA, célèbre médecin espagnol, traducteur de plusieurs ouvrages de Cicéron, publia une traduction des Sept Psaumes pénitentiels, des Cantiques des degrés, de quelques chapitres de Job et des Lamentations de Jérémie ; imprimé à Anvers, en in-8°. Sebastian Gryphius, un savant imprimeur, de Lyon, publia, en 1550, des traductions espagnoles anonymes des Psaumes, des Proverbes et du livre de Jésus, fils de Sirach, toutes en in-8°. En 1555, Joannes Steelsius, d’Anvers, publia une traduction espagnole des Psaumes, du latin, par Snous Goudanus, avec une paraphrase du traducteur. En 1563, Jérôme de Marnef publia une traduction portugaise des Psaumes, contenus dans les Offices de la Sainte Vierge et des Morts, avec les Sept Psaumes pénitentiels et la Passion de Notre-Seigneur, Paris, in-8°. Une version espagnole de Job, de plusieurs psaumes et du Cantique des Cantiques, a été faite vers la fin de ce siècle, par Louis de León (Aloysius Legionensis), né à Grenade, frère augustin, et interprète de l’Écriture dans l’université de Salamanque. Sa traduction du Cantique des Cantiques ayant été montrée à l’un de ses amis les plus intimes, qui le trahit, lui valut d’être emprisonné pendant cinq ans, « dans les cachots infidèles et inaccessibles de l’inquisition », pendant lesquels il manifesta l’esprit le plus héroïque et la plus grande magnanimité d’esprit. Après sa libération, il fut réintégré dans la chaire théologique de l’université et rétabli dans toutes ses autres dignités. Sa traduction de Job, dont le Dr Geddes parle en termes élogieux, resta dans le manuscrit jusqu’en 1779, date à laquelle elle fut imprimée à Madrid, avec tous les privilèges nécessaires, ainsi que son savant commentaire et une autre version poétique d’une grande excellence. Son commentaire sur le Cantique des Cantiques, en latin, a été imprimé à Venise en 1604, in-8°. Il y a une traduction espagnole assez passable de Pindare, par le même auteur ; il écrivit aussi un savant traité en latin, intitulé : De utriusque Agni typici et veri, immolationis legitimo tempore, dont F. Daniel donna une traduction française, avec réflexions, 1695, in-12. Louis de Léon mourut à Salamanque, vicaire provincial et général de son ordre, en 1591, âgé de soixante-quatre ans. À ces versions peut s’ajouter une seconde édition de la traduction espagnole du Nouveau Testament, par Cassiodore de Reyna, publiée en 1596, in-1596, par Richard del Campo, révisée par Cyprien de Valera.♦
♦Le Long, pp. 363, 364. Paris, 1723. Geddes’s Prospectus, p. 87. Nouv. Diet. Hist., tom. v, p. 240. Bouterwek, Histoire de la Literature Espagnole, pp. 305-316. Paris, 1812, 8vo.
En plus de ce qui a été dit, dans une partie antérieure de cet ouvrage, relative aux éditions du XVe siècle, la liste suivante de publications bibliques, tirées de l’œuvre rare et précieuse de CABALLERO, aidera le lecteur à former son jugement sur l’état de la littérature sacrée en Espagne et au Portugal pendant la période qu’elle embrasse.
BIBLIA SACRA, sermon Valentino reddita interprète Bonifacio Ferrer. Valentiæ, 1478, fol.
Épîtres et Évangiles qui sont chantés dans le discorso de l’année. Ex Lat. a Gundisalvo Garzia de S. Maria, 1479, fol.
Expositio brevis, et utilis super toto Psalterio : auctore Johanne de Turrecremata. Burgis Pictav., 1480. Cæsaraugiïstæ, 1482, fol.
Expositio 150 Psalmorum David : auctore Jacobo Perez de Valentia. Valentiæ 1484, fol.
Épîtres, et Evangelios traduits en langue portugaise, par Gonzalo Garcia de S. Maria Cæsaraugustæ, 1485, fol.
Expositio in Cantica Canticorum : auctore Jacobo Perez de Valentia. Valentiæ, 1486, fol. ; 1494, fol.
Expositio Canticorum, quæ in diebus fcrialibus cantantur ad laudes, &c., &c. Ejusdem Jacobi. Valentiæ, 1486, fol.
Commentarius in Legem ; auteur R. Flies Na’hmanide : Ulyssipone, 1489.
Pentateuchus Hebraicus absque punctis, &c. 1490.
Les Évangiles de l’Avent à la Dominique en Passion ; traduit en espagnol par le P. Juan Lopez : Zamoræ, 1490, Fol.
Bible latine : Hispali, 1491, fol.
Pentateuchus Hebraicus ; Ulyssipone, 1491.
Isaïe, ac Jérémie, cum Comment. R. David Kimchi. Ulyssipone, 1492, fol.
Proverbia cum Targum, &c. Ulyssipone, 1492, fol.
Postillæ in Epistolas, et Evangelia totius anni. Hispali, 1492.
Bible Parva, opus Petri Paschasii super Libris sacris ; Barcinone. 1492.
Istoriade la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; Valentiæ, 1493.Prophetæ Priores, voir Josué, Juifs, Libri Samuelis, ac Regum, Chald. Paraph. Leiriæ, 1494, fol.
Proverbes avec glose ; auctore I. L. de Mendoza, 1494, 4to.
Vita Christi ; Lusitanice, interprète Bernardo de Alcobazaex exemple Latino Ludolphi de Saxe : Ulyssopone, 1495.
Expositio Canticorum, &c. Valentiæ, 1495.
De Vita Domini Nostri Jesu Christi. Valentiæ, 1496.
------------------------Granatæ, 1496, fol.
Expositio Canticorum, &c. Valentiæ, 1496, fol.
Isaias, et Jeremias, Hebraice cum Comment. Kimchi. Ulyssipone, 1497, fol.
Vita Christi, de la Rev. Abadessa de la Trinitat. Valentiæ, 1497, fol. ------------; in Coenobio Montis Serrati, 1499, vel 1500.
Psalterium ; Litaniis Sanctorum, année incertaine.
Bible hébraïque ; au fol. l’année dernière. incertaine.
Evangelia, etc. an. incert.
L’Exposition du Pater-noster, par l’évêque de Salamanque (sc. Didacus Deza.) An. Incert.
(Raymund Diosdad Caballero, De Piima Typogiaphiæ Hispanica so specimen. Romæ, 1793, in-4°. passim.)
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La célèbre Polyglotte espagnole, appelée aussi la Polyglotte d’Anvers, du lieu où elle a été imprimée, et la POLYGLOTTE royale, parce qu’elle a été publiée sous le patronage du roi d’Espagne, a été exécutée à différentes époques, entre 1568 et 1573, par Christophe Plantin, d’Anvers, sous la direction d’Arias Montanus, en huit vol. fol. Les quatre premiers volumes contiennent l’Ancien Testament et les livres apocryphes ; et le suivant, le Nouveau Testament. Dans ce volume, le syriaque est imprimé deux fois ; dans la première colonne, avec des lettres et des points syriaques ; et d’autre part, sous les autres textes, avec des lettres hébraïques et des points chaldéens : ces derniers étant faits en vue de rendre le Nouveau Testament intelligible aux Juifs, et de les convertir à la religion chrétienne, comme nous l’apprend Guido Frabricius Boderianus, qui a écrit à cet effet le texte syriaque en lettres hébraïques.
Ce Polyglotte, imprimé en hébreu, en grec et en latin, comprend, outre toute l’édition complutensienne, une paraphrase chaldéenne d’une partie de l’Ancien Testament, que le cardinal Ximenès avait déposée dans la bibliothèque théologique de Complutum. Le Nouveau Testament a la version syriaque, et la traduction latine de Santes Pagninus, telle que réformée par Arias Montanus. Le premier volume de l’Appareil (ou sixième de l’ouvrage) est occupé par les textes hébreux et grecs, dans un caractère plus restreint que ceux des volumes précédents, avec une version latine interlinéaire. Le second volume de l’Appareil, ou septième de l’ouvrage, contient, 1. Une grammaire hébraïque, et un résumé du " Thesaurus " de Santes Pagninus, par Franciscus Raphalengius. 2. Une grammaire syriaque et un lexique syro-chaldaïque de Guidonus Fabricius Boderianus ; 3. Une grammaire et un lexique syriaques, intitulés Pecu liuin Syrorum, par And. Masius ; et enfin, 4. Une grammaire et un lexique grecs, compilés par l’industrie, et aux dépens du Christ. Plantin. Le troisième volume de l’Appareil (ou dernier volume de l’ouvrage) comprend diverses dissertations sur la géographie, la chronologie et l’architecture des Écritures, et sur les poids, mesures, vêtements, etc., qui y sont mentionnés, par Arias Montanus ; un Index Biblicus, ou brève Concordance par J. Harlem ; un Index des noms propres hébreux, grecs, chaldéens et latins ; les diverses lectures des Écritures hébraïques, chaldéennes et latines, par J. Harlem, W. Canterus, etc., avec d’autres tables semblables. L’honneur de projeter ce Polyglotte revient, dit-on, à Christophe Plantin, qui, se trouvant insuffisant pour soutenir les dépenses d’une si immense entreprise, présenta une requête à Philippe Il, roi d’Espagne, qui promit d’avancer l’argent nécessaire à l’exécution de l’ouvrage, et d’envoyer d’Espagne des savants pour se charger de l’arrangement et de la direction de l’impression. Plantin fut considérablement redevable de ce succès au cardinal Spinosa, conseiller de Philippe Il, et général de l’inquisition, qui approuva le plan et persuada au souverain de le sanctionner. De cette Polyglotte, qui reçut l’approbation du pape Grégoire XIIL, on ne tira que cinq cents exemplaires, dont une grande partie fut perdue par le naufrage du vaisseau qui les transportait en Espagne. Les copies de cet ouvrage sont donc rares, et rarement complètes, le plus souvent manquant le deuxième volume de l'« Appareil », qui contient l’édition de Montanus des Écritures hébraïques et grecques, avec la version latine interlinéaire. Un exemplaire de ce précieux Polyglott, à l’exception du second volume de l’Appareil, se trouve à la bibliothèque de la Collegiate ou Cheetham, à Manchester. Le prix des copies, d’après Scaliger, était de quarante pistoles chacune. Un magnifique exemplaire sur vélin, dans la reliure originale, en dix volumes, mais manquant des trois derniers volumes, (aujourd’hui à la bibliothèque royale de Paris), qui contient l’appendice philologique et lexicographique, a été apporté en Angleterre en mai 1816 par M. Wurtz, et mis en vente à mille guinées. L’impression de cet ouvrage est censée avoir beaucoup embarrassé la situation de Plantin, soit à cause des intendants des finances du roi d’Espagne réclamant l’argent avancé par le roi, soit à cause de la perte subie par la destruction des exemplaires transmis à l’Espagne. On peut à juste titre contester s’il en fut ainsi, car il est certain qu’il s’éleva par la suite à l’aisance et qu’à sa mort il était en possession de biens considérables.♦
♦Clément, Bibliothèque Curieuse, t. IV, p. 176-184. Le Long, édit. Masch, t. i, cap. III, p. 340 à 350. Décaméron bibliographique de Dibdin, vol. II, p. 154. Marsh’s Michaelis, vol. ii, pt. i, ch. vii, pp. 10, 13, 14. Ariæ Montant, [B] Bib. Sacr. Polyglotte Anvers, 1569, &c., passim.
Les principaux rédacteurs de la Bible polyglotte espagnole étaient Arias Montanus, qui avait l’inspection générale de l’ensemble, et qui a révisé toutes les traductions latines, à l’exception de celle faite à partir du syriaque ; et Guido Fabricius Boderianus, qui a fait la traduction latine du Nouveau Testament à partir du syriaque. Leurs principaux coadjuteurs étaient Nicolas Fabricius, John Harlem, Francis Rapheleng, Francis Lucas, de Bruges, Andrew Masius, John Livinejus et William Canterus.
BENOÎT ARIAS MONTANUS naquit, selon quelques biographes, à Séville, mais selon d’autres, à Frexenell, en Estrémadure, en Espagne, en l’an 1527, et était fils d’un notaire. Il a étudié à l’université d’Alcala, où il a acquis une grande maîtrise des langues apprises. Ayant pris l’habit des bénédictins, il accompagna l’évêque de Ségovie au concile de Trente, en 1562, et acquit une célébrité peu commune. À son retour en Espagne, il embrassa une vie de retraite, et choisit pour résidence un ermitage situé sur le sommet d’un rocher près d’Aracena ; Mais Philippe II. l’ayant choisi pour devenir l’éditeur de la Bible polyglotte, destinée à être publiée sous le patronage royal, il se laissa persuader de quitter sa retraite et de s’engager dans cette entreprise laborieuse. Mais à peine l’ouvrage était-il achevé, et Montanus commençait à jouir de sa réputation bien méritée, que Léon de Castro, professeur de langues orientales à Salamanque, l’accusa aux inquisiteurs de Rome et d’Espagne d’avoir altéré le texte des Saintes Écritures, et confirmé les préjugés des Juifs par la publication des paraphrases chaldéennes. Montanus, à la suite de cette accusation, fut obligé de faire plusieurs voyages à Rome, afin de se justifier, ce qu’il fit de la manière la plus satisfaisante, Philippe II. lui offrit un évêché en récompense de ses services. Il accepta cette offre, et n’accepta que deux mille ducats et la charge d’aumônier du roi, préférant sa retraite antérieure à l’ermitage d’Aracena. Il y construisit une habitation d’hiver et une habitation d’été, et aménagea un jardin agréable, espérant finir ses jours dans sa retraite bien-aimée, mais sur les instances de son souverain, il fut amené à accepter la charge de bibliothécaire de l’Escurial et à enseigner les langues orientales. Enfin, il fut autorisé à se retirer à Séville, où il termina sa vie laborieuse en 1598, à l’âge de soixante et onze ans. L’un de ses biographes observe : « Il maîtrisait l’hébreu, le chaldéen, le syriaque, l’arabe, le grec et le latin, et parlait couramment l’allemand, le français et le portugais. Il était sobre, modeste, pieux et infatigable. Sa compagnie était recherchée par les savants, les grands et les pieux ; et sa conversation était toujours édifiante. Il est l’auteur de commentaires sur plusieurs parties des Écritures ; et publié par ordre de Philippe II. un Index correctorius librorum Theologicorum, Anvers, 1571, in-4°, étant une liste de livres interdits à la lecture par les membres de l’Église catholique, jusqu’à ce qu’ils aient été corrigés, selon cet Index.♦
♦Chalmers’s (en anglais seulement) Gen. Biog. Diet., t. XXII, p. 286. Aikin’s Gen. Biog., vol. i, p. 362.
GUIDO FABRICIUS BODERIANUS, OU GUY LE FEVRE DE LA BODERIE, naquit d’une famille noble, sur le territoire de Boderie, en Basse-Normandie, en 1541. Ayant acquis une connaissance approfondie des langues orientales, il se rendit à Anvers, avec son frère Nicolas, où ils jouèrent un rôle principal dans la publication de la grande Bible polyglotte d’Anvers ou d’Espagne. Après l’achèvement de cette célèbre entreprise, Le Fèvre retourna en France, ne récoltant comme fruit de ses travaux qu’une grande réputation d’érudition. Le duc d’Alençon, frère du roi Henri HI, l’employa comme secrétaire, mais ne le récompensa pas mieux qu’il ne l’avait été de ses travaux à Anvers. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages en français, en vers et en prose, aujourd’hui presque oubliés. Il mourut à Boderie, en 1598, âgé de cinquante-sept ans. Nicolas, son frère, dont on dit qu’il était un homme d’une grande érudition et d’une grande ingéniosité, mourut en 1605.+
+Nouv. Diète. Hist., tom. t. III, p. 619. Chalmers’s Gen. Biog. Diet., vol. xiv, p. 256.
John Harlem, OU WILHELM, l’ancien nom étant dérivé du lieu de sa naissance, était natif de Harlem, ville de Hollande, l’une des provinces belges. Il fut d’abord licencié en théologie au collège de Louvain ; et, étant entré dans la société des Jésuites, il fut nommé professeur des saintes Écritures et de l’hébreu dans le même collège. Il fut ensuite recteur du collège et vice-provincial de Belgique. Son érudition était profonde, et sa connaissance des langues étendue, ayant acquis une connaissance intime du latin, du grec, de l’hébreu, du chaldéen, du syriaque et de l’arabe ; tandis que la pureté et la douceur de ses manières ajoutaient à l’excellence de son caractère. Il mourut à Louvain, tandis que les frères de son ordre répétaient les litanies en sa présence, le 24 septembre 1570. Selon Alegambe, on l’entendit dire, alors qu’il était mourant, que son « ange gardien l’avait appelé », et le moment de sa mort fut marqué par l’apparition d’une lumière qui brillait autour de lui. Il était âgé d’environ quarante ans au moment de son décès.♦
♦ Alegambe, Biblioth. Script. Société. Jésus, p. 248, 249.
FRANÇOIS RAPHELENGIUS, OU RAPHELENG, est né le 27 février 1539 à Lanoy, dans la Flandre française. Il commença ses études à Gand, qu’il reprit à Nuremberg et à Paris, après quelques interruptions par suite de la mort de son père, et les poursuivit avec une grande assiduité, jusqu’à ce que la guerre civile l’obligeât à quitter le pays. Il visita ensuite l’Angleterre et enseigna le grec à Cambridge. Quelque temps après, il retourna aux Pays-Bas et devint l’un des correcteurs de la presse de Christophe Plantin, le savant imprimeur d’Anvers, dont il épousa la fille en 1565. En 1585, il s’installa à Leyde, où Plantin avait une imprimerie, et fut choisi pour être professeur d’hébreu et d’arabe dans cette université. Il mourut le 20 juillet 1597, à l’âge de cinquante-huit ans. Il est l’auteur d’un Lexique arabe, d’une Grammaire hébraïque et d’autres ouvrages savants.+
+ Chalmers’s Gen. Biog. Diet, vol. xxvi, p. 44.
FRANCIS LUCAS, de Bruges, a déjà été remarqué dans une partie antérieure de cet ouvrage ; comme l’un des savants rédacteurs de l’édition papale de la Vulgate.
ANDRÉ MASIUS, OU DUMAS, était l’un des hommes les plus savants du XVIe siècle. Il naquit à Linnich, près de Bruxelles, en 1516. Il devint secrétaire de Jean de Weze, évêque de Constance, et après sa mort, il fut envoyé comme agent à Rome. Il se maria à Clèves, en 1558, et fut nommé conseiller de Guillaume, duc de Clèves. Son habileté dans les langues anciennes et orientales était si grande, que Sébastien Munster disait qu’il semblait avoir été élevé dans l’ancienne Rome ou dans l’ancienne Jérusalem. Il était en possession d’un célèbre manuscrit syriaque écrit au VIIe siècle, dont il publia le livre de JOSUÉ, accompagné d’un Commentaire, Anvers, 1574, in-folio. Ce manuscrit est, dit-on, le seul qui conserve les lectures données par Origène. Masius mourut à Zuenera, ville du duché de Clèves, en avril 1573, et fut enterré au même endroit, où son épitaphe rapporte sa connaissance des langues dans les deux vers suivants :
“ Eloquio Hebræus, Syrus, et Chaldæus, Iberus, Et Latius, Graius, Gallus, et Ausonius:”
le sens est qu’il comprenait le latin, le grec, L’hébreu, le syriaque, le chaldéen, l’espagnol, le français et l’italien, » auxquels on ajoute l’allemand, son dialecte natal, on verra qu’il était maître de neuf langues. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages savants, en particulier relatifs à la langue syriaque, qu’il avait appris de Moïse de Mardin, un savant maronite.♦
♦Chalmers’s Gen. Biog. Diet., vol. xxi, p. 415. Sixt. Senensi, Biblioth. Sanct., lib. t. IV, p. 263.
JEAN LIVINEJUS était l’un des savants employés dans l’édition papale de la Septante.
Guillaume Canterus, fils de Lambert CANTERUS, OU CANTER, éminent avocat, naquit à Utrecht, en 1542, et fut élevé sous l’inspection de ses parents jusqu’à l’âge de douze ans. Il fut ensuite envoyé à Louvain, où il resta quatre ans, et donna des preuves singulières de ses progrès dans la littérature grecque et latine. En 1559, il quitta Louvain pour Paris, afin de se perfectionner dans la connaissance du grec sous la direction des savants professeurs de cette ville. Les guerres civiles l’obligeant à quitter la France, il entreprit un voyage littéraire à travers l’Allemagne et l’Italie ; mais la délicatesse de sa constitution le rendit inapte à la fatigue du voyage, et il rentra à Louvain avant d’avoir achevé son dessein. Il mourut en 1575 d’une consomption provoquée par un excès d’étude. Outre sa langue maternelle, il comprenait six langues, à savoir : le latin, le grec, l’hébreu, le français, l’italien et l’allemand. Thuanus dit qu’il méritait d’être compté parmi les hommes les plus savants de son siècle. Il a publié tant d’ouvrages philologiques et critiques, qu’ils ont créé l’étonnement, qu’ils aient pu être produits par un homme d’une constitution si faible et d’une vie si courte, et qu’on ne peut les attribuer qu’à son assiduité constante et à la distribution régulière de son temps, puisqu’il n’avait pas seulement ses heures particulières pour étudier, mais il les sépara par un sablier, dont il mit une partie à part pour la lecture, et d’autres pour l’écriture, sans jamais s’écarter en aucune façon de sa méthode établie.+
+ Chalmers’s Gen. Biog. Diet., vol. VIII, pp. 184-186. Aikin’s Gen. Biog., vol. II, p. 459.
CHRISTOPHE PLANTIN, le savant et ingénieux imprimeur de la Polyglotte d’Anvers, était un Français, né à Mont-Louis, près de Tours, en 1514. Il a été formé à l’art typographique par Robert Macè, de Caen ; de là, il se rendit à Anvers, où il forma peu à peu l’un des plus grands établissements d’imprimerie de l’Europe. Lorsque Thuanus lui rendit visite en 1576, il avait encore dix-sept pressoirs en activité, et le salaire de ses ouvriers s’élevait à deux cents florins par jour, bien que sa situation fût alors considérablement réduite. Les correcteurs de sa presse étaient des hommes de premier talent et de toute érudition, qu’il récompensait par une grande libéralité. Parmi ceux-ci se trouvaient Victor Giselin, Theodore Pulman, Antony Gesdal, Francis Hardouin, Cornelius Kilien et Francis Rapheleng, qui devint son gendre. Cornélius Kilien, l’un des plus savants et des plus exacts d’entre eux, passa cinquante ans dans cette imprimerie. L’exactitude des éditions de Plantin est bien connue ; et l’on dit qu’il était si méticuleusement attentif à éviter les erreurs, qu’il avait l’habitude d’accrocher les épreuves, après avoir été révisées, dans un endroit bien en vue, promettant des récompenses pour la découverte des erreurs. Le roi d’Espagne lui donna le titre d’architypographe, et l’accompagna d’un salaire et d’une sorte de brevet pour l’impression de certains ouvrages, particulièrement religieux, avec lesquels, nous assure-t-on, il servit presque exclusivement l’Europe et les Indes. Outre son imprimerie d’Anvers, il en ouvrit une autre à Leyde et une troisième à Paris. Il s’associa à Anvers à John Moret, qui avait épousé sa seconde fille, et céda les imprimeries de Leyde et de Paria à ses autres gendres, Francis Rapheleng et Giles Beys. Il mourut en 1589, à l’âge de soixante-quinze ans, et fut enterré dans la grande église d’Anvers, où un monument fut érigé à sa mémoire. Son appareil était une paire de boussoles, avec la devise « Labore et Constantia ».♦
♦ Chalmers’s Gen. Biog. Diet., vol. xxv, pp. 35-37.
Plusieurs autres personnages éminents et savants, outre ceux que nous avons déjà cités, ont prêté main-forte à la perfection de la Polyglotte imprimée par Plantin ; Le cardinal Granvell fit collationner le texte grec avec la copie du Vatican, à ses frais ; Le cardinal Sirlet a recueilli diverses lectures ; Clément, catholique anglais, docteur en philosophie et en médecine, qui avait quitté l’Angleterre à cause de son attachement à l’Église de Rome, se procura un exemplaire élégant du Pentateuque grec, dans la bibliothèque de sir Thomas More ; Daniel Bomberg, fils du savant imprimeur, a fourni un ancien exemplaire du Nouveau Testament syriaque ; Arias Montanus reconnaît aussi ses obligations envers Joannes Regia, hiéronymite espagnol, confesseur de Charles-Quint ; et aussi à Augustin Hunnæus et à Cornelius Goudan, docteurs et professeurs de théologie de l’université de Louvain, qui, avec John Harlem, furent chargés par cette université d’examiner l’ouvrage, sur l’ordre de Philippe II.+ Peu de temps après l’achèvement de la Bible polyglotte d’Arias Montanus, un événement singulier s’est produit, qui a suffisamment démontré la connaissance très limitée des théologiens espagnols avec la bibliographie sacrée. Il s’agit de la réimpression de la Bible latine zurichoise par Léon Judæ, avec les notes de Vatablus telles qu’elles ont été publiées par Robert Stephens, en 1545, par Gaspar de Portonariis, aux frais de lui-même et de Guliermo Robilio et Benito Boyer, en 1584, à Salamanque. Il portait le titre suivant : Biblia Sacra cum duplici Translatione et Scholiis Francisci Vatabli, nunc denuò à plurimis quibus scatebant, erroribus repurgatis, doctissimorum Theologorum, tarn almæ Universitatis Salmanticensis, quam Complutensis iudicio : ac Sanctce et generalis Inquisitionis iussu. Quid præterea in hac editione præstitum sit, animadversiones indicabunt. Cum priuelegio Hispaniarum Regis. Salmanticæ, apud Gasparem à Portonariis suis et Gulielmi Rouillii, Benedictq ; Boierii expensis. M.D.LXXXIIII. 2 tom. au fol. Gaspar de Portonariis fut occupé douze ans à cette impression de la Bible, à cause de la difficulté d’obtenir la permission de la publier. Cela provenait principalement de la répugnance des médecins et des inquisiteurs à permettre la réimpression de tout ce qui avait été publié par Robert Stephens, et en particulier d’une traduction de la Bible accompagnée de notes. S’il s’agissait à l’origine d’une traduction faite par les réformateurs helvétiques, ils l’ignoraient certainement, sans quoi la publication aurait sans doute été complètement supprimée. Les différents documents qui précèdent cette édition prouvent pleinement les obstacles que Gaspar de Portonariis a dû surmonter dans l’accomplissement de son projet. La première contient le privilège royal, en date du 16 février 1586, par lequel le droit exclusif d’imprimer cette Bible, pendant vingt ans à compter de la date de ce privilège, est accordé à Gaspar de Portonariis ; le second fixe l’impôt, ou prix de l’ouvrage ; le troisième est un décret du roi, daté de Madrid, le 21 avril 1573, par lequel il autorise Gaspar de Portonariis à imprimer la Bible de Vatablus, d’après la copie corrigée par ordre de l’inquisition ; le quatrième contient un acte de Pedro de Tapia, secrétaire du conseil de l’inquisition, par lequel nous apprenons que Gaspar de Portonariis pria le concile, le 26 janvier 1569, de faire corriger la Bible de Vatablus, qui avait été insérée dans l’Index, afin qu’elle pût être imprimée ; que ledit concile ordonna à François Sanche, chanoine de l’église de Salamanque, et commissaire de l’inquisition, de réviser la Bible de Vatablus, assisté des docteurs et des maîtres de la faculté de théologie de l’université de Salamanque. L’ordre de l’inquisition ayant été exécuté, Gaspar de Portonariis, le 20 mars 1571, présenta une autre requête au concile, pour obtenir l’approbation des censeurs de l’université de Salamanque, et désirait avoir la « censure » et un décret de ladite « approbation », pour préfixer à la Bible : la censure est le cinquième document qui accompagne l’ouvrage. et est suivi du « décret ». En conséquence de ce décret, un « témoignage » est imprimé à la fin du volume, daté « monastère de Saint-Barthélemy à Tolède, le 13 juin 1586 », signé par Roman de Valezillo, moine de l’ordre de Saint-Benoît, commissaire de l’inquisition, sous Gaspar de Quiroga, cardinal et archevêque de Tolède, primat d’Espagne et apostolique général de l’inquisition.
+Le Long, édit. Masch, t. i, cap. III, p. 345 et 346.
Cette Bible est imprimée en deux colonnes, dont la première contient la version de la Vulgate en caractères romains, et la seconde la version zurichoise en caractères italiques. Les versets sont marqués entre les colonnes. Les différentes lectures et passages parallèles sont placés dans la marge, et les scholiae à la fin de chaque chapitre. À la fin du Nouveau Testament, on trouve un tableau des « noms hébreux, chaldéens et grecs », ainsi qu’un « Index des épîtres et des évangiles », tels qu’ils sont lus dans les églises le dimanche et les autres jours fériés, tiré de l’édition de Robert Stephens. À ceux-ci s’ajoute un « Index Biblicus », de John Harlem, avec une « publicité » au lecteur par l’auteur ; et le « privilège » du roi, daté de Madrid, le 20 décembre 1574 : suivi d’un « Catalogue des livres canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament », tiré du chap. 47 du troisième concile de Carthage, célébré vers 417 après J.-C. La dernière page contient une « approbation » pour l’impression de l’Index Biblicus, signée par Augustin Hunnæus, professeur de théologie à l’université de Louvain, le 1er janvier 1571, le tout étant résilié par la souscription suivante : Salmanticæ, ex Officina Ildefonsi à Terranuoua et Neyla, M.D.LXXXV. Les corrections apportées à l’édition de cette Bible par Stephens, faites par les censeurs de l’université deSalamanca, furent très nombreuses, comme on peut le voir en se référant aux Index Expurgatorii publiés vers cette époque, ou pendant le siècle suivant : mais toutes leurs précautions n’empêchèrent pas qu’elle ne fût ensuite placée dans l’Index expurgatoire, car dans le Index librorum prohibitorum, publié en 1612 par ordre de Bernard de Sandoval, archevêque de Tolède et inquisiteur général, il est placé dans la seconde classe des livres prohibés, en ces termes : Biblia Sacra cum duplici translations, et scholiis Francisci Vatabli, Salmanticæ, an. 1584, nisi corrigantur. ♦
♦ Clement, Bibliothèque Curieuse, tom. iv, pp. 149-154. Le Long, edit. Masch, pt. ii, tom. iii, cap. iii, sec. 1, pp. 446-448.
Cette réédition de ce qu’on appelait. La Bible de Vatablus n’était cependant pas destinée à la lecture générale, car elle et le magnifique Polyglotte d’Anvers étaient trop chers et trop savants pour être achetés ou lus par la masse du peuple, ou la majeure partie des membres des fraternités monastiques ; ni l’attachement zélé de Philippe II. aux pratiques inhibitrices de la hiérarchie catholique ont permis qu’elles circulent sans discernement. Les vues de Philippe, relatives à la liberté d’investigation, furent fortement marquées, en ordonnant l’impression d’une liste de livres prohibés, à l’usage des inquisiteurs et des censeurs de livres dans ses domaines belges, sous le titre : Index Expvrgatorivs Librorum qui hoc sœculo prodiervnt, vel doctrinœ non sanæ erroribus inspersis, vel inutilis et offensivæ maledicentiæ fellibus permiætis, iuæta sacri Concilii Tridentini decretum : Philippes II. Regis Catholici iussu et auctoritate, atq ; Albani Ducis consilio ac ministerio in Belgia concinnatus ; anno MDLXXI. Imprimé à Anvers, par Christophe Plantin. Cet ouvrage a été édité par Arias Montanus, qui y a préfixé une préface, qu’il conclut pieusement en suppliant tous ses lecteurs « de prier avec ferveur pour que le très saint et le plus simple maître, l’Esprit de vérité, soit envoyé dans le monde, afin que tous goûtent et éprouvent la même chose ». Les sélections suivantes parmi les ratures que l’on a ordonné de faire dans l’Index des œuvres de saint Chrysostome, imprimé par Frobenius, serviront de spécimen de l’ouvrage et de la nature des doctrines qu’il censure :
Apostolorum doctrina facilis omnibusq ; pervia. Tom. 4. — « La doctrine des apôtres est facile et intelligible pour tous. »
Fide sola justificari. Tom. 4. — « Nous sommes justifiés par la foi seule. »
Hœreticos Christus vetat occidi. Tom. 2. — « Le Christ défend que les hérétiques soient mis à mort. »
Salus nostra non ex merito nostro, sed ex voluntate Dei pendet. Tom. 4. — « Notre salut dépend de la volonté de Dieu, et non de notre mérite. »
Salutem ex sola gratia, non ex operibus, neq ; ex lege esse. Tom. Le salut vient de la grâce seule, et non des œuvres, ni de la loi.
Scripturarum lectio omnibus necessaria. Tom. 2. — « La lecture des Écritures est nécessaire à tous. »
Scripturas legere omnibus etiam mundanispraeceptum. Tom. 4. — « Il est ordonné que les Écritures soient lues par tous les hommes, même par les laïcs. »
Verbis Dei adder e aut detrahere inde qui audet, quantum incur-rat arrogantiœ malum. Tom. 2. — « Celui qui ajoute ou retranche à la parole de Dieu, encourt jusqu’ici le péché d’arrogance. »
Post vitam hanc juvare aut liberare poterit nihil. Tom. 5. — « Rien ne peut lier ou délier après cette vie. »
Cet Index Expurgatorius n’était pas destiné à être publié en général, mais simplement à être distribué à ceux qui étaient chargés de surveiller la censure et la correction des livres, et il était accompagné d’une stricte obligation de secret pour ceux qui en recevaient des exemplaires, qui ne devaient en aucun cas les communiquer à d’autres personnes. Un exemplaire de cet ouvrage étant tombé entre les mains de quelques amis de la Réforme, il fut réimprimé par Lazare Zetznerus, 1599, in-12, avec des préfaces du docteur Jean Pappus, théologien de Strasbourg, et de François Junius ; à laquelle le Dr Pappus ajouta une « Collation » des « Censures » sur les « Gloses du Droit Canonique », par le Pape Pie V en 1572, et le Pape Grégoire XIII. en 1580.♦
♦Index Expurg., p. 23-28, édit. Lazar. Zetzner., 1599.
La répugnance des souverains et des autorités ecclésiastiques d’Espagne à permettre la diffusion des Écritures produisit une indifférence correspondante à la lecture de la Bible, tant parmi les ordres monastiques que parmi le clergé régulier, et empêcha la suppression de ces représentations théâtrales dans les églises qui avaient si longtemps déshonoré la profession cléricale et profané les temples de Dieu. Par un canon du concile de Valentia, tenu en 1565, nous trouvons que la lecture publique des Écritures était tombée dans une négligence si générale, qu’il a été jugé nécessaire de nommer des lecteurs dans deux églises collégiales et six des principaux monastères de cette province, afin qu’ils ne fussent pas entièrement abandonnés ; mais aucune injonction n’est donnée quant aux nombreuses églises et couvents de moindre importance. Cependant le même concile défendit à quiconque d’imprimer, de vendre ou de posséder des livres prohibés, sous peine d’excommunication et de perte des livres (qui devaient être brûlés publiquement) pour la première infraction ; et pour le second, d’être traité comme suspect d’hérésie. Il interdisait également l’impression de tous ouvrages, en particulier ceux sur des sujets sacrés, sans l’examen et l’approbation préalables de l’Ordinaire ou de son délégué, dont l’approbation ou la licence devait être placée en tête de l’ouvrage. Le concile de Tolède, tenu la même année (1565), ordonna « que les évêques se feraient lire à table les Saintes Écritures, ou quelque autre livre ecclésiastique ; et que leur table soit frugalement et non somptueusement garnie. Il enjoignait aussi « que les prébendes ou autres dans les églises cathédrales ou collégiales, à qui l’interprétation de l’Écriture était confiée ; doivent adapter leurs instructions aux capacités de leurs auditeurs. Le même concile interdit « l’élection annuelle de l’évêque factice ou de l’évêque enfant, mais permit que des spectacles théâtraux soient présentés dans les églises, sauf pendant l’heure du service divin ou des processions solennelles », enjoignant aux évêques de ne souffrir « que des pièces de théâtre ou d’autres exhibitions, mais celles qui pourraient conduire à la piété et dissuader de l’immoralité ». « Decernit etenim sancta Synodus, non alias ludos, non alia spectacula, permittenda ab Episcopos fore, quam quæ ad pietatem spectantium animos movere, et a pravis moribus deterrere possint. »♦
♦Collectio Max. Concil. Hispan., t. IV, p. 40-45, 61.
Le Nouveau Testament dans l’ancienne langue espagnole, qui continuait à être parlée dans certaines provinces de l’Espagne, et qu’on appelle ordinairement le Cantabrique ou le Basque, a été publié par Jean de Licarrague, ministre de l’Église réformée, et natif de la province de Béarn, aux frais et par l’autorité de Jeanne d’Albret. reine de Navarre, à qui elle est dédiée en français. Il a été imprimé à la Rochelle, par Peter Haultin, 1571, en in-8°. Nic. Antonio dit qu’il avait vu une traduction cantabrique anonyme du Nouveau Testament, publiée en 1572, sous le titre : Jésus-Christ gure Jaunaren Testamentu berria, conservée dans la bibliothèque du cardinal Barberini, à Rome ; mais comme le titre est le même, il s’agit probablement de la traduction exécutée par Jean de Licarrague.+
+ Le Long, tom. t. I, p. 446. Nic. Antonio, Biblioth. Hisp., tom. t. II, p. 374. Adleri, Biblioth. Biblica Lorek., t. iv, p. 151.
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L’histoire des possessions étrangères de l’Espagne et du Portugal nous présente quelques faits relatifs aux Écritures qui méritent d’être remarqués, bien que quelques-uns d’entre eux regardent plutôt la restriction que la circulation de la parole de Dieu. La conquête du Mexique par les Espagnols, sous le barbare Ferdinando Cortes, au commencement du XVIe siècle, fut suivie d’efforts zélés pour favoriser l’acceptation de la religion catholique par les Mexicains ; mais les cruautés exercées par les conquérants, et si pathétiquement détaillées par le bienveillant Bartolomeo de las Casas, dans sa Relacion de la destruyción de las Indias, Séville, 1552, n’étaient que peu propres à donner aux habitants conquis de l’empire de Montézuma une idée favorable de la religion professée par les Espagnols hautains et cruels. Vers la fin du siècle, certains ecclésiastiques et missionnaires catholiques adoptèrent un plan plus sage que celui de leurs prédécesseurs, en traduisant certaines parties des Écritures dans la langue du pays. Benoît-Ferdinand, ou Fernandez, Espagnol de l’ordre de Saint-Dominique, et vicaire de Mixtèque, dans la Nouvelle-Espagne, traduisit les Épîtres et les Évangiles dans le dialecte de cette province : il publia aussi un ouvrage sur la doctrine chrétienne, en langue mixticane, imprimé dans la ville de Mexico, 1568, in-4°.♦
♦Nic. Antonio Biblioth. Hisp., tom. t. I, p. 164. Le Long, tom. t. I, p. 448.
Le titre de ce dernier ouvrage est ainsi donné par Antonio : Doctrina Christiana en . lengua Mixteca. Mexici, 1568, in-4°. Thomas, dans son Histoire de l’imprimerie en Amérique, déclare que la première production connue de la presse américaine est un dictionnaire espagnol et mexicain, compilé par Alonso de Molina, un frère franciscain, et imprimé dans la ville de Mexico, par Anton. Spinosa, 1571, in-folio, après avoir été deux ans sous presse. La « Doctrina Christiana » de Bened. Fernández était cependant un ancien pro· Il semble donc être le premier spécimen d’imprimerie mexicaine que nous connaissions. Voir Horne’s Introduction to Bibliography , vol. I, pp. 206, 207.
Didacus de S. Maria, autre dominicain, vicaire de la province de Mexico, mort en 1579, fut l’auteur d’une traduction des épîtres et des évangiles dans la langue mexicaine, ou langue générale du pays. Les Proverbes de Salomon et d’autres fragments des Saintes Écritures ont été traduits en langue mexicaine par Louis Rodriguez, un frère franciscain espagnol ; et les épîtres et les évangiles, tels qu’ils devaient être lus pour toute l’année, furent traduits dans l’idiome des Indiens de l’Ouest, par Arnold a Basaccio, un frère franciscain français ; mais les dates de ces dernières traductions n’ont pas été déterminées.+
+ Le Long, tom. i, p. 448, et Index Auctor.
En AMÉRIQUE DU SUD, les missionnaires catholiques espagnols ont tenté de répandre le christianisme par des expositions théâtrales. Garcilasso de la Veyga, qui était lui-même de la race royale des Incas (sa mère était originaire du Pérou) et dont le père accompagna les premiers aventuriers au Pérou, rapporte ainsi le fait, dans ses Commentaires royaux du Pérou, traduits de l’espagnol par Sir Paul Rycaut, knt. Cette ingéniosité et cette aptitude [des Indiens du Pérou] à atteindre les sciences étaient attestées par le génie qu’ils avaient pour personnifier et jouer des comédies, que les Jésuites, quelques frères et d’autres religieux avaient composées pour eux. Je me souviens de l’argument de l’un d’eux qui était le mystère de la rédemption de l’homme, et représenté par les Indiens avec une action gracieuse et appropriée ; ils n’étaient pas non plus tout à fait étrangers à ce divertissement, parce qu’au temps des Incas ils représentaient ordinairement leurs propres histoires dans des dialogues, et par conséquent plus facilement perfectionnés dans cet art auquel ils étaient autrefois enclins par une aptitude naturelle.
On peut remarquer qu’ils jouèrent une comédie faite par un jésuite, à la louange de la bienheureuse Vierge Marie, qu’il écrivit en langue aymara, qui est différente de la langue du Pérou ; la discussion portait sur ces paroles dans le troisième chapitre de la Genèse, où il est dit : « Je mettrai l’inimitié entre toi et la femme, et qu’elle♦ te brise la tête, etc. Tout cela a été fait par des enfants et des jeunes hommes, dans le pays appelé Sulli. Et à Potow, ils répétèrent un dialogue qui contenait tous les détails de notre foi, auquel environ douze mille Indiens assistèrent. À Cozco, on récita un autre dialogue de l’Enfant Jésus, auquel tous les nobles et les gens de la ville étaient rassemblés. On en récita une autre dans la ville, qu’on appelle la ville des rois, où se trouvaient le lord chancelier et toute la noblesse, ainsi qu’une troupe innombrable d’Indiens ; dont l’argument était le Très Saint Sacrement, composé en espagnol, et la langue générale du Pérou, qui était répété par la jeunesse indienne dans les dialogues, et prononcé avec tant de grâce et d’expression emphatique, avec tant d’air et de beaux gestes, entremêlés de chants, sur des airs agréables, que les Espagnols étaient très contents et heureux de les voir ; et quelques-uns versèrent des larmes de joie, en voyant l’ingéniosité et les bonnes inclinations de ces pauvres Indiens, qu’ils conçurent toujours une meilleure opinion d’eux, les considérant non pas comme des blocs, des grossiers et des sales, mais dociles, doux et capables de s’améliorer.+
♦ C’est ce qui ressort de la version de la Vulgate, qui, soit par désir de servir les desseins d’un parti, soit par une fausse lecture de l’hébreu, substituant הלא à הרא> a traduit le passage comme ci-dessus, Illa conteret tibi caput. Dans la Polyglotte d’Anvers de 1572, le texte hébreu porte היא au lieu de הרא> ce que Rapheleng, l’un des éditeurs, déclara avoir été fait par certains jésuites, contrairement à la lecture d’autres copies, pour le rendre conforme au latin ; mais d’autres attribuent la corruption à Guido Fabricius Boderianus. La lecture exacte est rétablie dans la version interlinéaire de 1584. Hody, De Text. Orig., p. 547. Ed.
+ Commentaires royaux du Pérou de G. de la Vega, t. i, b. ii, ch. xvi, p. 53. Londres, 1688, in-folio.
En l’an 1500, Pedro Alvares Cabral, aventurier portugais, ayant fait escale dans le port de Cranganor, dans l’Inde, fit la connaissance des chrétiens syriens de la côte, et prit à bord de son vaisseau deux frères, nommés Matthias et Joseph, et les amena en Portugal. Matthias, l’aîné, mourut peu de temps après son arrivée à Lisbonne ; Joseph se rendit d’abord à Rome, puis à Venise, où, d’après ses informations, un traité latin fut publié, donnant un compte rendu de son voyage et des chrétiens de Saint-Thomas, à Malabar. Par la suite, dit-on, il retourna à Malabar en passant par le Portugal. À l’époque de l’arrivée de l’amiral portugais, don Vasco de Gama, l’année suivante, il y avait sur cette côte plus de cent églises appartenant aux chrétiens syriens, dont il reçut une députation, demandant à être prise sous la protection de son maître, et à être défendue contre les empiétements et les oppressions des princes indigènes. L’amiral les congédia avec des promesses, mais comme la conquête était l’objet des Portugais, rien ne paraît avoir été fait pour eux pendant les quarante années suivantes, si ce n’est l’érection de quelques couvents spacieux pour les frères catholiques. En 1545, don Juan d’Albuquerque, évêque de Goa, forma le dessein d’amener ces chrétiens à la foi de Rome, et envoya à cet effet Vincent, frère franciscain, à Cranganor ; mais sans succès, malgré l’érection de deux collèges, l’un pour l’instruction de la jeunesse syrienne dans les rites et la langue latine, et l’autre pour l’instruction de ses compagnons dans la langue syriaque. Ce refus des chrétiens syriens d’adopter le rituel et les doctrines romaines, ou de reconnaître la suprématie du pape, irrita leurs envahisseurs hautains et inquisitoires, qui, lorsque leur pouvoir devint suffisant, allumèrent les feux de l’inquisition à Goa, s’emparèrent d’une partie du clergé et le consacrèrent à la mort des hérétiques. Les Portugais, trouvant le peuple toujours résolu à défendre son ancienne foi, commencèrent à essayer des mesures plus conciliantes. En 1599, Don Aleixo de Menezes, qui avait été nommé à l’archevêché de Goa, convoqua un synode à Diamper, près de Cochin, qu’il présida. À ce synode obligatoire, cent cinquante membres du clergé syrien étaient présents, qui étaient appelés à abjurer certaines pratiques et opinions, ou à souffrir la suspension de tous les bénéfices ecclésiastiques. Dans la troisième session de ce synode, il a été ordonné, par le décret II, que tous les livres apocryphes et autres, et les passages qui manquaient dans les copies syriaques de la Bible, seraient fournis par le latin de la Vulgate, « que le synode ordonne de traduire, et les passages qui manquent d’être rétablis dans leur pureté, selon les copies chaldéennes (ou syriaques) qui sont amendées, et l’édition latine vulgaire, dont la sainte mère l’Église s’est servie, afin que cette Église puisse avoir les Saintes Écritures entières, et qu’elle puisse s’en servir avec toutes ses parties, comme il a été écrit et comme il doit être utilisé dans l’Église universelle ; à cette fin, le synode désire le révérend père Francisco Roz, de la compagnie de Jésus, et professeur de langue syriaque au collège de Vaipicotta, dans cet évêché, qu’il lui plaise de se donner la peine de le faire, pour laquelle il est si bien qualifié, en raison de sa grande habileté à la fois dans la langue syriaque et dans l’Écriture.
Décret III. ordonne « que, considérant que les Saintes Écritures sont les colonnes qui soutiennent notre sainte foi, ... ce qui a fait que tous les hérétiques, dans leurs efforts pour détruire ladite foi, corrompent constamment et laborieusement le texte des divines Écritures, en partie en retranchant les passages qui contredisaient manifestement leurs erreurs, et en pervertissant d’autres endroits de manière à les faire paraître favorables, ce qui est également arrivé dans cet évêché... Tous les endroits, .... le synode ordonne d’être corrigé dans tous ses livres, et d’être rétabli selon la pureté et la vérité de l’édition de la Vulgate, utilisée par la sainte mère l’Église, priant le très illustre métropolitain de visiter immédiatement les églises de ce diocèse, soit en personne, soit par quelqu’un de bien versé dans la langue syriaque, qu’il lui plaira de députer.
Le décret XIV observe : « Le synode, sachant que cet évêché est plein de livres écrits en langue syriaque par des hérétiques nestoriens et des personnes d’autres sectes diaboliques, qui abondent en hérésies, blasphèmes et fausses doctrines, ordonne en vertu de l’obéissance et sous peine d’excommunication d’être ipso facto qu’aucune personne, de quelque qualité et condition qu’elle soit, ne prétendra dorénavant garder, traduire, lire ou faire lire à autrui aucun des livres suivants : L’enfance de notre Sauveur, ou l’Histoire de Notre-Dame ; le livre de John Barialdan ; la Procession de l’Esprit Saint ; Margarita Fidei, ou le joyau de la foi ; le livre des Pères, où il est dit que Notre-Dame n’est ni ne doit être appelée la mère de Dieu, etc. ; la Vie de l’abbé Isaïe, etc.
Décret XV. condamne et ordonne que certains bréviaires et certains livres de prières des chrétiens de Saint-Thomas soient corrigés.
Le décret XVI ordonne à tous les prêtres, vicaires et à toutes autres personnes, de quelque condition ou qualité qu’elles soient, de remettre tous les livres qu’ils ont écrits en langue syriaque, soit de leurs propres mains, soit par une autre personne, au métropolite ou au père Francisco Roz, afin qu’ils soient lus et corrigés, ou détruits, selon ce qu’ils jugeront le plus convenable ; les livres de prières communes étant exceptés, qui doivent être amendés. Et sous la même peine d’excommunication, ordonne que personne n’ait la prétention de traduire un livre en langue syriaque, sans une autorisation expresse du prélat, avec une déclaration du livre auquel elle est accordée, à l’exception seulement des livres de l’Écriture sainte et des Psaumes. Ce décret confie le pouvoir d’accorder de telles licences pour le moment au F. Francisco Roz, en raison de son habileté dans les langues chaldéenne et syriaque.
Décret XVII. permet aux vicaires de leurs propres églises de faire à leur peuple les discours qu’ils jugeront nécessaires, d’après les Saintes Écritures et d’autres livres approuvés ; mais défend à tous les autres de prêcher sans une licence de l’évêque.
À la fin du synode, l’archevêque a visité les différentes églises syriennes du Malabar. Dès qu’il entrait dans l’un d’eux, il ordonnait qu’on lui mît devant lui tous leurs livres et registres, et il livrait la plupart d’entre eux aux flammes. La Bible en général a été sauvée, mais il a été ordonné qu’elle soit modifiée et rendue partout conforme à la Vulgate ; mais beaucoup de Bibles ont été cachées, et n’ont jamais été produites du tout, et par ce moyen ont échappé à la corruption. « Si quelque chose, dit un historien moderne de ces églises, peut condamner à l’infamie perpétuelle le nom et les progrès de ce barbare, c’est certainement la destruction de tant de documents anciens et inestimables de l’église chrétienne. »
Ces mesures ne produisirent cependant qu’une soumission temporaire chez les chrétiens de Saint-Thomas, comme on les appelle ordinairement, car la plupart d’entre eux proclamèrent la guerre éternelle contre l’inquisition, cachèrent leurs livres, s’enfuirent dans les montagnes et cherchèrent la protection des princes indigènes, qui avaient toujours été fiers de leur alliance. En 1806 et 1807, le révérend Claudius Buchanan visita ces églises et trouva plusieurs milliers de ces chrétiens qui n’étaient pas soumis à la juridiction papale. « Agissant comme nos bibliothécaires, ils ont conservé les Saintes Écritures, pendant les âges obscurs, incorruptibles dans les langues sacrées syriaques ; (et) ils ont présenté à l’Église d’Angleterre une copie manuscrite ancienne et précieuse de l’Ancien et du Nouveau Testament. Celui-ci, ainsi que beaucoup d’autres manuscrits précieux, a été offert par le Dr Buchanan à la bibliothèque publique de Cambridge.♦
♦Histoire de l’Église de Malabar par Geddes, pp. 132-174. Lond., 1694, 8 vol. La Croze, Hist, du Christianisme des Indes, liv. 3, passim ; à la Haye, 1724, 8 vol. Buchanan’s Christian Researches, pp. 99-132. Dix-septième rapport de la Church Missionary Society, « Hist, of Syrian Churches », pp. 496-529.
L’illustre Akbar, empereur des Moghols, qui, depuis le voisinage de son empire jusqu’aux établissements portugais de l’Inde, semble s’être fait une haute opinion du roi de Portugal, lui écrivit une lettre en 1582, le priant de lui envoyer une traduction des Écritures en arabe ou en persan, et aussi un savant pour expliquer la religion chrétienne. Comme cette lettre, adressée par un mahométan à un souverain chrétien, peut à juste titre être considérée comme une curiosité, outre sa valeur intrinsèque, le lecteur en a une traduction de la plume de M. James Fraser, auteur de l’Histoire de Nadir Shah :
Lettre du roi des rois au souverain des Francs (ou Européens).
GLOIRE inconcevable pour le vrai Roi, dont les domaines sont à l’abri du désastre de la décadence, et son royaume à l’abri de la calamité du déplacement. L’étendue merveilleuse des cieux et de la terre n’est qu’une infime partie du monde de sa création, et l’espace infini n’est qu’un petit coin de sa production. Un gouverneur qui a réglé l’ordre de l’univers et la conduite des fils d’Adam, par l’intelligence des rois qui exercent la justice. Un Décret qui, par les liens de l’amour et les liens de l’affection, a implanté dans les divers êtres et dans plusieurs créatures la passion de l’inclination et de l’union, et les affections de la tendance mutuelle et de la société.
« Et des louanges sans bornes, une offrande aux âmes pures de la compagnie des prophètes et des apôtres, qui ont marché dans les sentiers les plus vrais, et ont dirigé les voies les plus droites, en général et en particulier. »
Il est bien connu que (chez ceux qui se sont emmagasinés dans la connaissance et ont étudié la nature) rien dans ce monde inférieur, qui est un miroir du monde spirituel, n’est préférable à l’amour, ni plus sacré que l’amitié. En cela, ils attribuent l’économie et la bonne disposition du monde à l’affection et à l’harmonie. Car quel que soit le cœur sur lequel brille le soleil de l’amour, il purifie toute l’âme des ténèbres de la condition mortelle ; Et à combien plus forte raison cela est-il nécessaire chez les princes, dont la bonne correspondance est la cause du bonheur du monde et du peuple qui s’y trouve ? C’est pourquoi je me suis efforcé avec ferveur et pour moi de promouvoir et de confirmer les liens d’amitié et les liens d’union entre les créatures de Dieu, particulièrement parmi les rois de haut rang, que Dieu, par sa faveur, a particulièrement distingués du reste de l’humanité ; particulièrement avec Sa Majesté Royale, qui est douée de connaissance intellectuelle, qui est le rénovateur des ordonnances de Jésus, ♦ et qui n’a pas besoin de louange ou de description. Notre voisinage♦♦ avec ce prince illustre rendant l’alliance et l’amitié plus indispensables, et comme une conférence personnelle est impraticable, à cause de beaucoup d’obstacles et de plusieurs raisons importantes, le manque d’amitié ne peut être suppléé que par des ambassades et une correspondance mutuelle, car il est certain que celles-ci seules peuvent compenser la perte d’un conversation personnelle et entretiens ; Nous espérons qu’ils se poursuivront mutuellement, sans aucune interruption, afin que les affaires et les désirs de chacun puissent se manifester à l’autre.
♦ Par sa majesté royale, on entend le roi du Portugal.
♦♦ Les conquêtes portugaises sur la côte de l’Inde en firent des voisins.
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« Votre Majesté sait que les savants et les théologiens de toutes les nations et de tous les temps, dans leurs opinions sur le monde de l’apparence et de l’intellect, sont d’accord sur ce point, que le premier ne doit être d’aucune considération à l’égard du second ; Cependant les sages du temps, et les grands de toutes les nations, peinent beaucoup à se perfectionner dans cet état périssable et ostentatoire, et consomment le meilleur de leur vie, et le meilleur de leur temps, à se procurer des délices apparents, étant engloutis et dissous, dans des plaisirs éphémères et des joies passagères. Le Dieu Très-Haut, par sa faveur éternelle et sa grâce perpétuelle, malgré tant d’obstacles et un tel monde d’affaires et d’emplois, a disposé mon cœur de manière à le chercher toujours : et bien qu’il m’ait soumis les domaines de tant de princes puissants, je m’efforce de les gérer et de les gouverner de manière à ce que tous mes sujets soient satisfaits et heureux ; mais Dieu soit loué, sa volonté et mon devoir envers lui, c’est la fin que je me propose, dans toutes mes actions et tous mes désirs. Et comme la plupart des gens, étant enchaînés par les liens de la contrainte et de la mode, et considérant les coutumes de leurs ancêtres, de leurs parents et de leurs connaissances, sans en examiner les arguments ou les raisons, donnent une foi implicite à la religion dans laquelle ils ont été élevés, et restent privés de l’excellence de la vérité, dont la découverte est la fin propre de la raison ; c’est pourquoi je converse quelquefois avec les savants de toutes les religions, ♦ et je profite des discours de chacune. Comme le voile d’une langue s’interpose entre nous, il serait à propos que vous m’obligez avec une personne qui pût raconter et expliquer distinctement l’affaire ci-dessus. J’ai aussi eu l’heureuse chance de me procurer dans votre pays les livres célestes, tels que le Pentateuque, les Psaumes et les Évangiles, en arabe et en persan : si l’on peut se procurer dans votre pays une traduction de ces livres, ou d’autres livres qui pourraient être d’un intérêt général, qu’on vous les envoie. Pour confirmer davantage notre amitié et assurer les bases de l’affection et de l’unité, j’ai envoyé mon fidèle ami, le savant et honorable Seyd Mazuffer, que j’ai particulièrement favorisé et distingué. Il vous communiquera personnellement plusieurs choses, dans lesquelles se confier. Gardez toujours ouvertes les portes de la correspondance et de l’ambassade ; et paix à celui qui suit le guide.
« Écrit au mois♦♦ de Ribbi al-avul, 99O. »§
♦ Abdallah Khan, prince de Tartarie, dans ses lettres à Akbar, (dont M. Fraser possédait des copies), lui fait un compte sévère de l’affection qu’il porte aux Bramins, ou prêtres indiens, et de son indifférence à la religion mahométane qu’il professait.
♦♦ Avril 1582. — Cet empereur, Mohammed Akbar, s’arrogea le titre de Jilal 0' din, qui signifie « l’agrandisseur de la religion ». Il mourut à Agra, le 13 octobre 1605, âgé de soixante-trois ans.
§ Fraser’s History of Nadir Shah, pp. 12-18. Lond., 1742, 8 vol.
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Il est douteux que cette lettre et l’ambassadeur soient allés plus loin que Goa. Mais qu’ils soient arrivés ou non à leur destination première, il est certain qu’au bout de quelques années, Géronimo (ou Jérôme) Xavier, jésuite, entreprit les traductions des livres demandés par l’empereur. Cet ecclésiastique, avec la meilleure occasion qu’il aurait pu désirer de présenter au souverain des Moghols une transcription fidèle des Saintes Écritures, et d’imprimer à son esprit la conviction de la pureté et de l’excellence de la révélation chrétienne, prostitua bassement ses talents à des fins de superstition et de fanatisme, et produisit un ouvrage qui ne calculait que pour induire le mépris d’un monarque si intelligent. Avec l’aide d’un érudit persan, nommé Molana Abdal Settor ben Kassum, ou, selon le Dr A. Clarke, dans son Introduction aux Évangiles et aux Actes des Apôtres, p. 21, Moulanee Aboos Sitar, originaire de Lahoor, il fit une Histoire du Christ, compilée à partir des Évangiles et du Protevangelion de Jacques, et d’autres légendes papistes, et le présenta à l’empereur en 1602, qui, comme on pouvait s’y attendre, aurait souri d’un ouvrage si déshonoré de fables. L’original du manuscrit destiné à l’usage de l’empereur a été apporté de l’Orient par M. James Fraser. Geronimo Xavier est également l’auteur d’un autre ouvrage similaire, en persan, intitulé l’Histoire de saint Pierre. Les transcriptions de ces travaux étant tombées entre les mains du savant orientaliste Lud. de Dieu, il les publia, avec des traductions et des notes latines, et une Grammaire de la langue persane, à Leyde, 1639, in-4°.
Cependant, si honteuses que fussent ces compilations pour les missionnaires catholiques, elles n’empêchèrent pas l’empereur d’agir avec une candeur très digne d’éloges. Sir Thomas Roe, ambassadeur d’Angleterre à la cour d’Akbar, décrit ainsi la conduite plus que tolérante de ce monarque, dans une lettre datée de 1616. Avant l’inondation de Tamerlan, ces pays étaient gouvernés par de petits princes païens, ne connaissant aucune religion, mais adorés selon plusieurs idolâtries, toutes sortes de créatures. Ses descendants apportèrent la connaissance de Mahomet, mais ne l’imposèrent à personne. Ils continuèrent dans cette confusion jusqu’au temps d’Ecbarsha, qui, étant un prince par nature juste et bon, curieux de nouelties, curieux de nouvelles opinions, et qui excellait en beaucoup de vertus, surtout en piété et en répuence envers ses parents, appela trois Jésuites de Goa, dont le chef était Geronimo Xavier, un Nauarrois. Après leur arrivée, il les entendit raisonner et se disputer avec beaucoup de contentement de sa part, et d’espoir de leur part, et fit écrire à Xauier un livre pour défendre sa propre profession contre les Maures et les Gentils : il finit par le lire tous les soirs, ce qui en fit discuter une partie, et finalement il leur accorda ses lettres : de bâtir, de prêcher, d’enseigner, de conuert, et d’user de tous leurs rites et cérémonies, aussi librement et amplement qu’à Rome, leur accorder des moyens d’ériger leurs églises et leurs lieux de deuotion : de sorte que dans quelques villes, ils ont obtenu plutôt Templum, puis Ecclesiam, Dans cette concession, il accorde à toutes sortes de gens de devenir chrétiens qui voudront, euen à sa cour ou à sa seigneurie ; professant que cela ne devrait pas être une cause de mécontentement de sa part. Heere était le début d’un bon printemps d’un haruest maigre et stérile.♦
♦ Pèlerinages de Purchas, 1re partie, lib. iv, ch. xvi, p. 585, 586. Lond., 1625, in-folio. Fraser, Histoire de Nadir Shah, p. 39.
Vol. II—15
La conduite de Xavier dans la corruption des Écritures, dans sa Vie du Christ, est rendue encore plus odieuse par le fait qu’à cette époque même, il avait accès à une ancienne traduction des Évangiles en persan, ou qu’il était en possession de celle-ci. Dans la bibliothèque de l’Escurial, en Espagne, il y a une copie manuscrite des Évangiles, in-folio, élégamment et soigneusement écrite, qui a été présentée à Sa Majesté Catholique, par Geronimo Xavier, et apportée par les navires qui sont venus de l’Inde au Portugal, en l’an 1610. Il est accompagné d’un certificat en espagnol et en persan, à l’effet suivant :
« Moi, père Geronimo, de la compagnie de Jésus, supérieur des pères de la même compagnie, qui résident dans la cour et les domaines du grand Moghol, je certifie que ce livre des Évangiles, en langue persane, était en possession d’un révérend père arménien, qui venait de Jérusalem dans ces régions, en l’an 1598 ; et il semble, d’après le livre lui-même, qu’il ait été écrit en l’an 828. Le papier à lettres, et sa composition, témoignent également de son ancienneté. Il nous est parvenu de la manière suivante. Ledit père arménien qui avait ce livre, ayant été envoyé comme ambassadeur par Jahbac, roi de Perse, à Djelalin Acbar, moghol en cette ville de Lahoor ; Arrivé à Manucher, il ne suivit pas, pour un motif ou pour un autre, son ambassade, mais resta en arrière, et, passant par une autre caravane, mourut en route. Quelques Arméniens qui l’accompagnaient, apportèrent ses livres et ses papiers dans cette ville de Lahoor, parmi lesquels se trouvait le livre des Évangiles susmentionné, et les remirent au révérend père Manuel Panero, de la compagnie de Jésus, qui, par l’ordre de cette compagnie sacrée, y résidait ; ce père, aujourd’hui décédé, a conservé le livre des Évangiles, et de celui-ci, comme je l’ai dit, celui-ci a été copié, sans avoir aucune altération à aucun égard, et a été fidèlement comparé avec lui. Et en témoignage de la vérité, j’ai fait cet écrit de ma propre main, je l’ai confirmé de mon numéro, et je l’ai scellé du sceau du supérieur des pères de la compagnie de Jésus, appartenant à ces parties. Signé en cette ville de Lahoor, capitale du Nourodin Jehanguir Mogul, le 21 décembre 1607.
Geronimo Xavier.
L’auteur de cette traduction des quatre Évangiles est inconnu, mais Casiri dit qu’il ne peut y avoir aucun doute qu’elle a été exécutée avant le VIIIe siècle.♦
♦ Casiri, Biblioth. Arabico-Hispana, Append., tom. t. II, p. 343.
Le Long mentionne un autre exemplaire des Évangiles persans, transmis par Xavier au collège romain, de la ville d’Agra. Il avait été transcrit en l’an 1388, d’après une copie ancienne.||
|| Le Long, tom. t. I, p. 133. Paris, 1723.
2 15*
GERONIMO Xavier était un Espagnol et un parent du célèbre saint catholique romain, François Xavier. Il naquit en Navarre en 1568, entra dans la société des Jésuites, et peu après se rendit aux Indes, et résida à Goa, dans une situation officielle, jusqu’en 1594, date à laquelle il fut envoyé comme missionnaire dans l’empire du grand moghol. C’est là qu’il découvrit un tel zèle et un tel attachement à l’Église romaine que sa vie était souvent en danger. À Lahoor, il fut lapidé et forcé de s’enfuir en Arménie, où il demeura un temps considérable, manifestant la même intrépidité et la même décision de caractère. En 1617, il retourna à Goa et mourut le 17 juin de la même année. Dans la préface de sa Vie du Christ, dédiée à l’empereur Akbar, il dit qu’il avait passé environ quarante ans à propager l’Évangile, et qu’il s’était occupé pendant sept ou huit ans de l’apprentissage de la langue persane.
Outre sa Vie du Christ et sa Vie de saint Pierre, il est l’auteur de plusieurs autres ouvrages en persan et en latin ; parmi lesquels Alegambe énumère un livre sur les mystères de la foi chrétienne, intitulé La Fontaine de la Vie, écrit contre les infidèles, et en particulier les mahométans, en 1600 : — Martyrologe ; La Vie des Apôtres ; Lettres de l’Inde, etc.♦
♦Alegambe, Biblioth. Script. Socletat. Jesu, pp. 188, 189. De Dieu, Hist. Christi, à P. Hieron. Xavier, in Præfat.
Tandis que Xavier promouvait, selon ses vues erronées, les intérêts de l’Église romaine en Orient, quelques-uns des membres érudits de la même Église dans leur pays envisageaient son extension en imprimant des éditions du Nouveau Testament, en langues arabe et éthiopienne. En 1591, les quatre Évangiles furent magnifiquement imprimés en arabe, in-fol., à l’imprimerie orientale établie à Rome, par le cardinal Ferdinand de Médicis, plus tard duc de Toscane. De cette édition, trois mille exemplaires ont été imprimés, et une partie considérable d’entre eux ont été envoyés en Orient ; mais étant ornés de gravures sur bois, ils n’ont pas été approuvés par les mahométans et d’autres, qui détestent l’usage des images. Une autre édition, avec une version interlinéaire latine, a été imprimée à la même époque, et avec les mêmes caractères, sur du bon papier, « avec une profusion de gravures sur bois décentes, un anivan, ou frontispice à chaque évangile, et une double ligne autour de la marge, à l’imitation des manuscrits orientaux ». Tous les exemplaires destinés à l’Orient, des deux éditions, sont sans titre ni préface, mais d’autres de l’édition arabe et latine ont une page de titre, avec la date de 1619, et une épître dédicatoire au cardinal Madruzzi, (dont le portrait est accompagné de l’ouvrage) par Johannes Antonius Rodolus. La vraie date, cependant, apparaît à la fin de l’ouvrage, qui montre que l’apposition de la page de titre, etc., a été un moyen d’augmenter la vente de l’ouvrage, qui, à cause de la rareté des érudits orientaux, était probablement excessivement lente.+
+ Clarke’s Bibliog. Diet., vol. VI, p. 205. Le Long, édit. Masch., t. II, t. I, sec. 5, p. 130-132. Clément, Bibliothèque Curieuse, tom. VIII, p. 132 et 133.
La première édition imprimée du Nouveau Testament éthiopien fut exécutée à Rome, en 1548, en 4to., par les frères Valerius Doricus et Ludovicus de Brescia, sous la direction de Pierre, ou Tesfa Sion Malezo, originaire d’Ethiopie, avec l’assistance de ses deux frères, Tensea Wald, ou Paul, et Zaslask, ou Bernard ; auxquels s’ajoutèrent Paulus Gualterius Aretinus, et Marianus Victorius, plus tard évêque de Rieti.
Les épîtres de saint Paul ont été publiées séparément, en 1549. On dit qu’ils sont pleins d’erreurs, principalement dues à l’inhabileté de l’imprimeur : « Ceux qui imprimaient l’ouvrage ne savaient pas lire, dit Pierre, dans sa préface latine, et nous ne savions pas imprimer ; C’est pourquoi ils nous ont aidés, et nous les avons aidés, comme l’aveugle aide l’aveugle.♦
♦Le Long, édit. Masch, t. II, t. I, sec. 6, p. 152, 153. Clarke’s Bibliog. Diet., vol. VI, p. 203. Voir aussi t. I, p. 124, 125, de cet ouvrage.
TESFA SION OU PIERRE, appelé AUSSI TEZFACIOR MALHAZOR, le rédacteur en chef du Nouveau Testament éthiopien, était un ermite éthiopien, né (selon l’inscription sur son monument à Rome) « au-delà du tropique du Capricorne », de parents nobles. Il connaissait bien de nombreuses langues et connaissait éminemment les Saintes Écritures. Après avoir résidé quelques années au saint-sépulcre de Jérusalem, il vint à Rome, et, par la faveur universelle qu’il obtint auprès des personnes de tous les rangs, il favorisa l’établissement d’une institution pour recevoir les étrangers de l’Orient. Il consacra beaucoup de travail et de dépenses à l’impression du Nouveau Testament éthiopien, de l’office du baptême tel qu’il était en usage chez les Éthiopiens, et du Missel éthiopien traduit par lui-même en latin. Tandis qu’il cherchait avec zèle des moyens de convertir ses compatriotes, il fut pris d’une grave maladie, qui l’obligea à se retirer à Tivoli, où il mourut, le 28 août 1550, dans la quarante-deuxième année de son âge ; il fut enterré à Rome, où il avait résidé douze ans, dans une petite chapelle dédiée à saint Étienne des Indiens.+
+ N. de Bralion, Les Curiositez de l’une et de 1’autre Rome, liv. 1, sec. 3, ch. iv, p. 335. Paris, 1655, 8vo.
L’état de l’Église grecque à cette époque était des plus déplorables. La perte de Constantinople, en 1543, soumit les chrétiens qui restaient à toutes les indignités que leurs conquérants barbares pouvaient leur infliger. Barthélemy Georgueviz, qui résida parmi eux treize ans, vers 1540, écrivit à son retour un ouvrage intitulé Deploratio Christianorum, imprimé à Wittemberg en 1560, dans lequel il observe : « Si quelqu’un avait connu d’avance cette calamité (de la prise de Constantinople), il aurait préféré mourir mille fois et ajoute : « Il est encore libre au Turc de prendre le plus beau des enfants chrétiens, et circoncisez-les et amenez-les dans leurs cloîtres pour qu’ils soient les séminaires de ses janissaires, ou gardes, et de ses soldats, afin qu’ils n’entendent parler ni du Christ, ni des parents ; mais beaucoup de ces janissaires portent sous leurs aisselles un Nouveau Testament en grec ou en arabe.++
++Petrie’s Abendious History of the Catholic Church, t. III, p. 401. La Haye, 1662, in-folio.
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Les Juifs de Constantinople imprimèrent le livre de Job en hébreu, avec une traduction en grec romaïque ou vulgaire, en 1576, in-4°. Le traducteur était R. Moïse ben Elias Pobian, qui, dans la préface, dit que la raison de sa tentative de traduction était l’extrême ignorance et l’indolence de beaucoup de docteurs juifs, qui étaient incapables d’instruire correctement leurs disciples ; et qu’il avait traduit non seulement le livre de Job, mais aussi le livre des Proverbes. La préface comprend également un privilège pour le droit exclusif d’imprimer l’ouvrage pendant dix ans, donné par le prince ou le chef de l’école, sous peine d’une triple excommunication. L’ouvrage a été imprimé dans la maison de Joseph Jabets, à Constantinople.♦
♦ Le Long, t. I, cap. ii, p. 79, 80.
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