PARTIE III.
DEPUIS L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE.
CHAPITRE III.
XVIe SIÈCLE.
Encouragement de la littérature en Italie. — Georges d’Ambasie. — Léon X. — Prodigalité de la cour pontificale. — Polyglottes. — Justinien. — Polyglotte complutensien. — Cardinal Ximenes. — Liturgie mozarabe. — Éditeurs de la Polyglotte. — Sanctes Pagninus. — Italiens savants. — Conciles espagnols, — Littérature hébraïque. — État de la littérature biblique en France et en Angleterre. — Persécutions en Angleterre. — Biblistes. — Faible état des connaissances bibliques en Allemagne. — Ignorance étonnante d’une grande partie du clergé. — Érudits allemands. — Érasme.
Le commencement du XVIE siècle fut marqué par une ardeur croissante pour les recherches classiques, et par la publication de divers ouvrages bibliques importants et magnifiques, qui montraient à la fois l’érudition et la munificence de ceux qui les projetaient et les exécutaient. EnITALIE, la cour de Rome, avec une singulière inconséquence, prodiguait ses faveurs aux hommes d’érudition et d’acquisition scientifique, sans tenir compte de la turpitude morale de leur caractère et de la débauche infidèle de leurs opinions et de leurs habitudes. On s’efforçait de recueillir des livres de toutes parts, à grands frais ; et les tonnerres pontificaux étaient dirigés contre toute personne qui volerait ou disperserait les volumes appartenant aux bibliothèques attachées aux diverses institutions monastiques. Une preuve curieuse de ce fait est fournie par une épître, adressée par le cardinal légat, Georges d’Ambasia, aux chanoines de Bruges, à qui il avait emprunté Hilaire sur les Psaumes :
« GEORGES D’AMBASIE, prêtre de Saint-Sixte, cardinal de Rouen, légat du siège apostolique, à ses chers amis les vénérables les pères, les chanoines et le chapitre de la sainte chapelle de Bruges, souhaite la paix. »
« AYANT été informé qu’il y avait dans la bibliothèque de votre sainte chapelle un ancien exemplaire d’Hilaire de Poitiers sur les Psaumes ; et prendre grand plaisir aux activités littéraires, surtout celles qui regardent notre sainte religion, autant que nos faibles capacités le permettent ; Nous avons demandé à votre bienveillance paternelle le prêt de ce livre pour quelques jours, ce à quoi vous avez gracieusement consenti, nonobstant la bulle pontificale, qui défendait qu’aucun livre ne fût retiré de la bibliothèque sous peine d’excommunication.
« C’est pourquoi, après avoir lu le livre avec beaucoup de plaisir, nous avons résolu de le faire copier ; À cet effet, il sera nécessaire de l’avoir en notre possession pendant quelques mois, bien que nous ayons l’intention, après qu’il aura été transcrit, de le rendre sain et sauf à vos soins paternels. Nous vous absolvons donc de toutes les censures ou punitions que vous pourriez encourir en prêtant le livre ; et, par l’autorité dont nous sommes investis, nous vous prononçons et vous déclarons absous, nonobstant toute disposition contraire contenue dans la susdite bulle, ou dans toute autre.
« Donné à Bruges, le troisième jour de mars MDVII.
« Georges, cardinal-légat de Rouen. »♦
♦Voyages Littéraires de deux Religieux Benedictins, tom. i, p. 29.
L’élection du jeune cardinal Jean de Médicis à la chaire pontificale en 1513 s’avéra favorable aux intérêts généraux de la littérature, mais augmenta le libertinage de la cour pontificale et répandit une influence néfaste sur l’ensemble de la hiérarchie romaine. La célébrité de ce pontife, qui prit le titre de Léon X, et le lien intime de son pontificat avec la Réforme de LUTHER, peuvent nous autoriser à détailler assez longuement les traits les plus saillants de sa vie et de son caractère.
JEAN, OU JEAN DE MÉDICIS, était natif de Florence, second fils de Laurent le Magnifique, et petit-fils de Cosme le Grand. Dès son enfance, il se destina à l’Église, et reçut une éducation adaptée au rang élevé et aux vues ambitieuses de son père, ce qui produisit une gravité correspondante de conduite à un âge si précoce, que son biographe dit : « Il semble n’avoir jamais été un enfant. »
À l’âge de sept ans, il fut admis dans les ordres sacrés, et environ un an plus tard, il fut nommé abbé de Fonte Dolce par Louis XL de France, qui lui conféra également l’abbaye du riche monastère de Pasignans. Cependant, on nous assure qu’à cette époque, il « ne se distinguait pas plus de ses jeunes associés par les hautes promotions dont il bénéficiait, que par l’attention qu’il portait à ses études, l’accomplissement rigoureux des devoirs qui lui étaient prescrits et son respect inviolable de la vérité ». Cependant, il portait sur lui « ses honneurs rougissants », car alors qu’il n’avait que treize ans, il reçut la dignité de cardinal des papes Innocent VIII et Jules II. l’employa comme légat. Le 11 mars 1513, n’ayant alors que trente-sept ans, il fut élu chef suprême de l’Église, à la mort de Jules, et prit le nom de Léon X.
Le commencement de son pontificat parut réaliser les grandes espérances qu’on en avait formées, particulièrement par une amnistie générale publiée à Florence, sa ville natale, à l’égard de ceux qui avaient été l’occasion des violentes émeutes civiles qui s’y étaient passées, et par le rappel des citoyens bannis dans leur pays. Avec beaucoup d’adresse et de persévérance, il surmonta les difficultés qui avaient empêché la jouissance de la paix entre l’Italie et la France ; et composa les troubles qu’avaient occasionnés l’ambition des souverains environnants, ou la mauvaise conduite de ses prédécesseurs. Malheureusement, les espérances qu’on nourrissait à son égard et l’excellence de son gouvernement pontifical ne se réalisèrent jamais ; ses projets ambitieux s’étant accomplis par son avancement à la tiare, il devint indolent et voluptueux ; sa gravité assumée a fait place à la plus basse bouffonnerie ; sa munificence dégénéra en prodigalité ; et son attachement à la vérité se perdait dans l’intimité de ses engagements politiques : même dans ses occupations littéraires, le profane était généralement préféré à la littérature sacrée ; et la disposition des dignités ecclésiastiques était souvent réglée par l’aide accordée à ses plaisirs. Il conféra l’archevêché de Bari à Gabriel Merino, Espagnol, dont le principal mérite consistait dans l’excellence de sa voix et sa connaissance de la musique d’église ; et promut un autre nommé Francesco Paoloso, pour des qualifications similaires, au rang d’archidiacre. « Il semble qu’il ait eu l’intention, dit un de ses biographes, de passer son temps gaiement, et de se prémunir contre les ennuis et les inquiétudes par tous les moyens en son pouvoir. Il recherchait donc toutes les occasions de plaisir et d’hilarité, et s’adonnait à ses loisirs à l’amusement, aux plaisanteries ; et en chantant. *
* Rooeoe, Vie de Léon X, t. IV, p. 486 ; et Vie de Laurent de Médicis, t. II, p. 178-196, 379-383. Lond., 1806, 8 vol., et Lond., 1800.
Un écrivain élégant caractérise ainsi la cour de Léon : « Tandis que Léon, avec autant de splendeur que de profusion, soutenait le caractère d’un prince souverain, il était trop enclin à oublier la gravité du pontife. Il se plaisait à exposer au ridicule public les infirmités caractéristiques de quelques-uns de ses courtisans, que sa propre pénétration découvrait aisément. Mais c’étaient là des aberrations vénielles de la bienséance, en comparaison de ces excès que l’exemple de Léon sanctionnait, ou dont son indifférence était complice. Le petit nombre de ceux qui, au milieu de cette fascination plus que syne, conservaient encore quelque sentiment de décence, étaient contraints de rougir en voyant les ecclésiastiques se mêler, sans réserve, à toutes les espèces de dissipations agréables. Les plus jeunes Les cardinaux surtout, dont beaucoup étaient des branches cadettes de maisons royales ou illustres, se réjouissaient de la libre participation aux indulgences, auxquelles les caractères les plus sacrés n’étaient pas entravés. Rome voyait souvent sa cour, avec une multitude de serviteurs et un immense appareil, accompagner le souverain pontife pour prendre part aux jeux du champ. Sous la direction de l’ingénieux cardinal Bibiena, dont les talents polyvalents semblaient également avantageux dans les occasions sérieuses, festives ou ridicules, les spacieux appartements du Vatican se métamorphosèrent en théâtres. Les tables pontificales fourmillaient de mets luxueux, qui réalisaient les raffinements d’Apicius : et les saisons particulières donnaient une sanction aux libertés et aux bouffonneries des anciennes Saturnales. Jovius reconnaît qu’Adrien, homme d’un caractère frugal, ne pouvait examiner sans frémir les détails de ces énormes dépenses qui marquèrent l’établissement domestique de son prédécesseur. *
* Greswell’s Mem.of Angelus Politianus, &c., pp. 141-145. Manchester, 1801, in-8°.
Léon a été accusé de traiter la révélation avec mépris et de promouvoir des principes de tendance athée. Le vieil évêque Bale, dans son Pageant of Popes (p. 179), imprimé en 1574, raconte cette anecdote : « Un jour que le cardinal Bembus retirait une question de l’Évangile, le pape lui fit une réponse très méprisante, en disant : « Tous les âges peuvent témoigner assez combien cette fable du Christ nous a été profitable, à nous et à notre compagnie. » + L’authenticité de cette anecdote a été niée par un biographe tardif de ce pontife, qui l’appelle « une histoire qui, comme on l’a justement remarqué, a été répétée par trois ou quatre cents écrivains différents, sans aucune autorité, si ce n’est celle de l’auteur ci-dessus mentionné. » Mais que cette assertion soit inexacte, c’est ce qui ressort d’une citation, contenant la même anecdote, faite d’un vieil écrivain espagnol, par Greswell, dans ses Mémoires de l’Angélus Politianus, d’Actius Sincerus Sannazarius, de Petrus Bembus, etc., p. 135, où, après avoir observé que plusieurs circonstances sont rapportées par les premiers écrivains réformés, « qui reflètent beaucoup sur le caractère de Bembo et sur celui de Léon X. son maître », il ajoute, dans une note : « Ce qui suit est le langage hardi d’un vieil écrivain espagnol, à l’égard de Léon X.
+ Roscoe, Vie de Léon X, t. IV, ch. xxiv, p. 479.
++ Ibid., p. 480.
C’était un homme athée, qui ne pensait ni au ciel ni à l’enfer après cette vie : et il mourut sans avoir reçu les sacrements. Sanazaro dit qu’il n’a pas pu les recevoir parce qu’il les avait vendus.
§ Voici l’épigramme à laquelle il est fait allusion ci-dessus :
« Dans Leonein X. Pont. Max.
Sacra sub extreme si forte requiritis hora Cur Leo non potuit sumere, — vendiderat.
[Greswell, ut sup., p. 104.
Son athéisme se manifeste aussi clairement par la réponse qu’il fit au cardinal Bembo, qui lui avait fait valoir un certain passage de l’Évangile : Léon répondit dissoluquement au quai en ces termes : « Tout le monde sait combien de profit nous a déjà été apporté, et à notre compassion cette fable du Christ, etc. »
« Deux traités : la prima appartient au pape et à son autorité ; et la seconde est de la messe. 2e éd. 8vo. 1599. La préface datée de 1588, et souscrite C. D. V.♦
♦Mémoires de Greswell sur l’Angelus Politianus, etc., p. 135.
Le premier jour d’août de chaque année, Léon avait coutume d’inviter ceux des cardinaux qui étaient parmi ses amis les plus intimes à jouer aux cartes avec lui, lorsqu’il distribuait des pièces d’or à la foule des spectateurs qui avaient la permission d’assister à ce spectacle. Il était également très compétent dans le jeu d’échecs, bien qu’on dise qu’il a toujours réprimandé le jeu de dés.+
+ Roscoe’s Life of Leo Xth, vol. iv, ch. 24, pp. 486, 487.
D’autres satisfactions auxquelles Léon se livrait étaient de la nature la plus basse et la plus répugnante ; comme le fait qu’il recevait dans son palais un frère mendiant, appelé le père Martin, dont le principal mérite consistait à manger quarante œufs, ou vingt chapons, à un repas, et d’autres exploits semblables d’une gloutonnerie vorace ; et le plaisir qu’il prenait à tromper ses hôtes en préparant des plats de corbeaux et de singes, et d’autres animaux semblables, et voyant l’avidité avec laquelle la nourriture assaisonnée était dévorée. Cependant, si brutales que fussent ces sources de distraction, elles ont trouvé un apologiste dans un écrivain célèbre, qui les considère, lorsqu’elles sont associées aux plaisirs littéraires de Léon, comme servant « à marquer cette diversité et cette étendue d’intelligence qui distinguaient non seulement Léon X, mais aussi d’autres individus de cette famille extraordinaire ! »++ Il faut cependant reconnaître que ses propres repas étaient généralement de la nature la plus frugale.
++ Roscoe, Vie de Léon X, vol. IV, p. 491.
Les dépenses abondantes de Léon l’entraînèrent dans des embarras, qui amenèrent l’adoption d’expédients pour suppléer à l’insuffisance de ses revenus, qui pour un temps atteignirent leur but, mais devinrent à la fin le moyen de limiter l’autorité pontificale et de produire une révolution ecclésiastique, infiniment utile aux intérêts de la religion et de la vérité. Parmi les projets qu’il adopta pour épuiser les richesses de la multitude crédule, il y avait la vente ouverte de dispenses et d’indulgences pour les crimes les plus énormes et les plus honteux, sous prétexte d’aider à l’achèvement de la magnifique et coûteuse église de Saint-Pierre, à Rome. En Allemagne, le droit de promulguer ces indulgences fut accordé à Albert, électeur de Metz et archevêque de Magdebourg, qui employa un frère dominicain nommé Tetzel, comme principal agent pour les vendre en Saxe ; qui, s’acquittant de sa mission avec l’effronterie la plus éhontée, excita l’indignation de Luther contre des abus aussi flagrants de l’autorité papale, et créa un tel sentiment contre l’infâme mesure, qu’elle se termina, par le gracieux contrôle de la divine Providence, dans la glorieuse RÉFORME du papisme.♦
♦Vie de Laurent de Médicis par Roscoe, t. II, ch. x, p. 383, 384. Robertson’s Hist, of Charles V., vol. II, b. ii, pp. 91-95.
Le trait le plus illustre du caractère de Léon était son généreux patronage de l’érudition et des beaux-arts. Il était lui-même très versé dans la langue latine, et possédait une connaissance compétente du grec, accompagnée d’une maîtrise singulière de la littérature polie et d’une connaissance approfondie de l’histoire en général. Dans l’attention qu’il portait à la collecte et à la conservation des anciens manuscrits et autres monuments historiques, il imita l’exemple de son père, et, par sa persévérance et sa libéralité, il parvint enfin à rendre à son ancienne splendeur la célèbre bibliothèque laurentienne, commencée par Côme de Médicis, mais dispersée ensuite par les troupes de Charles VIII. de France, sur l’expulsion de l’orgueilleux Pierre de Médicis de Florence. Il fut transporté par Léon à Rome, d’où il fut transféré à Florence, par son cousin et successeur Clément VIII ; qui, par une bulle du 15 décembre 1532, pourvoit à sa sécurité future. Parmi les savants qui ont été patronnés par Léon, on peut citer Teseo Ambrogio ; Sante Pagnini ; Agostino Giustiniani ; Agacio Guidacerio ; et particulièrement Érasme, entre qui et le pontife subsistait de temps en temps une correspondance épistolaire, et qui dédia à Léon son édition du Nouveau Testament grec et latin. Mais son patronage des érudits orientaux et bibliques était certainement très inférieur dans ses rémunérations à celui qui était accordé aux cultivateurs des beaux-arts et de la littérature plus moderne. + Les deux célèbres historiens du concile de Trente sont d’accord sur sa préférence pour la littérature profane à la littérature sacrée ; Fra. Paolo (Cone, di Trent., lib. i, p. 5) pense qu’il aurait pu être considéré comme « un parfait pontife », s’il avait joint à ses autres « réalisations une certaine connaissance de la religion et une plus grande inclination à la piété ; Ni l’un ni l’autre, dit l’historien, il ne parut prêter une grande attention et Pallavacini, l’adversaire de Fra. Paolo reconnaît (Cone, di Trent., lib. i, cap. iii, p. 51) que ce défaut « fut plus apparent, lorsque, institué à l’âge de trente-sept ans président et chef de la religion chrétienne, non seulement il continua à s’adonner à la curiosité des études profanes, mais appela même dans le sanctuaire de la religion elle-même ceux qui connaissaient mieux les fables de la Grèce, et les délices de la poésie, qu’avec l’histoire de l’Église, et les doctrines des Pères.♦ Son indifférence à l’égard de la religion et des devoirs religieux est encore confirmée par sa conduite à l’égard des discours prononcés en sa présence. En l’an 1514, il ordonna à son maître du palais, sous peine d’excommunication, de veiller à ce que le sermon prononcé devant lui n’excédât pas une demi-heure ; et au mois de novembre 1517, fatigué d’un long discours, il pria son maître des cérémonies de rappeler au maître du palais, que le conseil du Latran avait décidé qu’un sermon n’excéderait pas un quart d’heure au plus. le maître du palais craignant que le prédicateur ne dépasse les limites prescrites.♦♦
+ Vie de Laurent de Médicis de Roscoe, vol. II, ch. x, pp. 387-390. Roscoe’s Life of Leo Xth, vol. iv, ch. xxiv, pp. 474r-476 ; et vol. II, ch. xi, pp. 396-404.
♦Roscoe’s Life of Leo Xth, vol. IV, pp. 468, 469. Voir aussi Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 237, 261. Londres, 1808, in-8°.
♦♦ Roscoe’s Life of Leo Xth, vol. IV, ch. xxiv, p. 489, note.
Vol. I.—35
Ce pontife célèbre, mais irréligieux, mourut après une courte maladie, le 1er décembre 1521 ; non sans soupçon d’avoir été empoisonné ; mais très probablement d’une fièvre, provoquée par l’excès de joie du succès inattendu des armées pontificales contre la France.
L’impression et la publication du Psautier polyglotte de Giustiniani, ou Justinien, et de la Bible polyglotte complutensienne du cardinal Ximenes, respectivement dédiées à Léon, distinguèrent éminemment son pontificat. À ce sujet, le savant auteur du « Récit succinct des Bibles polyglottes » fait les remarques suivantes : « Le goût qui prévalait au début du XVIe siècle pour la culture de la littérature était en partie la cause et en partie due à la publication des écrits sacrés en différentes langues. Certains hommes, chez qui s’unissait providentiellement le goût d’une saine science, l’influence ecclésiastique et l’opulence séculière, résolurent de publier d’abord des parties, puis la totalité DES écrits sacrés, dans les langues qu’on regardait comme les langues savantes de l’univers. Il s’agissait principalement du latin, du grec, de l’hébréio, de l’arabe, du chaldéen et du syriaque ; d’autres de moindre importance s’y ajoutèrent. De telles publications ont attiré l’attention générale et ont fait l’objet d’études approfondies. C’est ainsi que le goût, non seulement pour la littérature sacrée, mais pour la science universelle, s’est largement répandu ; et les différentes nations de l’Europe semblaient rivaliser entre elles dans la publication de ces ouvrages qui ont depuis obtenu la dénomination de Polyglottes, c’est-à-dire de livres en plusieurs langues. « *
* Dr. A. Clarke' » Exposé succinct des Bibles polyglottes, Introd. Liverpool, 1803, in-8°.
Le premier dans l’ordre de publication fut le Psautier polyglotte de Giustiniani, ou Justinien, évêque de Nebbio, ou Nebio, dans l’île de Corse. Le titre de son ouvrage était : Psalterium, Hebraicum, Græcum, Arabicum, et Chaldeum, cum tribus Latinis Interprétationibus et Glossis ; et nous apprenons par le colophon qu’il a été imprimé à Gênes, en 1516, par Pierre Paul Porrus, dans la maison de Nicolas Justinien Paul. C’est in-folio. Une préface est préfixée, datée de Gênes, vers le mois d’août 1516, adressée par Justinien à Léon X. Il est divisé en huit colonnes, dont, la première, contient l’hébreu ; la seconde, la traduction latine de Justinien, répondant mot pour mot à l’hébreu ; la troisième, la Vulgate latine ; le quatrième, le grec ; le cinquième, l’arabe ; le sixième, la paraphrase chaldéenne en caractères hébraïques ; le septième, la traduction latine de Justinien de la Paraphrase chaldéenne ; la huitième, scholie latine, ou notes.+
+ Le Long, Biblioth. Sacra, ed. Masch, pt. i, cap. iii, sec. 25, p. 400.
Sur le psaume dix-neuvième, verset 4 : « Leurs paroles sont allées jusqu’à la fin du monde », Justinien a inséré, en guise de commentaire, une curieuse esquisse de la vie de Colomb, et un récit de sa découverte de l’Amérique, avec une description très singulière des habitants, particulièrement des femmes amérindiennes ; et dans lequel il affirme, que Colomb s’est souvent vanté d’être la personne désignée par Dieu pour accomplir cette exclamation prophétique de Dayid. Mais le récit de Colomb, par Justinien, semble avoir déplu à la famille de ce grand navigateur, car dans la Vie de Colomb, écrite par son fils, (voir Churchill’s Coll, of Voyages, etc., vol. II, p. 560), il est accusé de mensonge et de contradiction ; et il est même ajouté : « Considérant les nombreuses erreurs et mensonges trouvés dans son Histoire et dans son Psautier, le sénat de Gênes a mis une peine contre toute personne qui le lira ou le gardera++, et l’a fait rechercher avec soin dans tous les lieux où il a été envoyé, afin qu’il puisse être détruit par décret public, et complètement éteinte*. Après tout, les erreurs de Justinien sont très probablement survenues, non pas d’un dessein, mais d’informations incorrectes.
++ Qu. L’Histoire ou le Psautier ?
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* Baloe’s Anecdotes of Literature and Scarce Books, vol. I, pp. 109-111 ; et vol. III, p. 69, 76, 77.
L’arabe de ce psautier fut le premier qui ait jamais été imprimé, et le psautier lui-même la première partie de la Bible qui parût jamais en tant de langues.
Justinien entreprit ce travail dans l’espoir d’un gain considérable, espérant ainsi aider ses parents indigents, mais il fut misérablement déçu. Son intention première, nous apprend-il, dans le récit qu’il a de lui-même préfixé à ses Annales de Gênes, était de donner au public une édition polyglotte semblable de toute la Bible. « J’avais toujours imaginé, dit-il, que mon ouvrage serait recherché avec empressement, et que les riches prélats et princes m’auraient volontiers donné tous les secours nécessaires pour imprimer le reste de la Bible, dans une telle diversité de langues. Mais je me trompais ; tout le monde applaudissait à l’ouvrage, mais le laissait se reposer et dormir ; car à peine un quart des deux mille exemplaires que j’avais imprimés ne s’en vendit qu’un quart, sans compter cinquante autres exemplaires imprimés sur vélin, que j’avais présentés à tous les rois du monde, chrétiens ou païens. Il n’en acheva pas moins le manuscrit du Nouveau Testament, dont il écrivit une grande partie de sa propre main ; Sixte Senensis dit qu’il avait vu le manuscrit polyglotte des quatre Évangiles ainsi écrit, et aussi décoré par lui-même. Après avoir achevé le manuscrit de l’ensemble du Nouveau Testament, il se lança dans une compilation similaire du texte et des versions de l’Ancien Testament ; pensant, comme il le disait, « que son temps ne pouvait être mieux employé qu’à l’étude des Saintes Écritures ».+
+ Simon, Lettres Choisies, tom. iii, pp. 109, 111. Amsterd., 1730,12mo. Fabricy, Titres Primitifs, tom. i, p. 194. Sixt. Senens. Biblioth. Sanct.,lib. iv, p. 251.
AUGUSTIN JUSTINIEN, ou, selon son nom italien, AGOSTINO GIUSTINIANI, naquit à Gênes en 1470. Il entra de bonne heure dans l’ordre de Saint-Dominique, et jouit des avantages de bons maîtres et d’une excellente bibliothèque. Pendant de nombreuses années, il se consacra entièrement à l’étude, excepté le temps qu’il consacra aux devoirs de l’instruction, dont il obtint la permission de se retirer, en 1514, afin de ne pouvoir s’appliquer qu’à la préparation de la Bible du Pentaglotte pour l’imprimerie, et aux études nécessairement liées à un dessein aussi important. Il publia son Psautier pentaglott, comme spécimen de l’œuvre, en 1516, mais déçu par le patronage qu’il avait trop ardemment attendu, il renonça au projet d’imprimer le reste de la Bible. Léon X lui promit une promotion plus grande que l’évêché de Nebbio, auquel il avait été élevé auparavant, mais il ne remplit jamais cet engagement. Heureusement, vers le même temps, François Ier, roi de France, à qui l’évêque de Paris avait recommandé Justinien, comme un homme d’érudition et de mérite, l’invita à Paris, et lui accorda une pension de trois cents écus, avec les titres de conseiller et d’aumônier. Il demeura cinq ans à la cour de François, et pendant cette période publia divers ouvrages ; et visita l’Angleterre et la Flandre, revenant par la Lorraine, où il fut reçu et généreusement reçu par le duc régnant Antoine et son frère le cardinal.
Pendant son séjour à Paris, il enseigna la langue hébraïque, en tant que professeur, et publia également une traduction latine du Moreh Nebochim de Maïmonide, qu’il dédia à son ami et mécène Étienne Poncher, évêque de Paris. Un exemplaire de cet ouvrage est en possession de l’auteur du présent ouvrage. Il s’agit d’un bel in-folio fin, imprimé par Jodocus Badius Ascensius. La page de titre est enfermée dans une curieuse bordure ornée, et décorée de la vignette de l’imprimerie d’Ascensius. Le titre courant est exécuté avec un beau caractère gothique ; le texte est en caractères romains ; et les majuscules par lesquelles commencent les chapitres sont de beaux spécimens des lettres initiales en pointillés, en particulier le grand R et D par lesquels commencent respectivement la dédicace de Justinien et la préface de Maïmonide. La dédicace et le colophon portent tous deux la date de 1520. Cette traduction a généralement été considérée comme l’œuvre de Justinien lui-même ; mais F. Simon dit qu’il n’a fait qu’éditer une ancienne version qui existait depuis longtemps, et à laquelle Thomas d’Aquin et Bradwardin ont fait allusion, et dont il avait lui-même vu une copie, écrite d’une main soignée.
De Paris, Justinien retourna en Italie, pour visiter son diocèse, mais avec l’intention de revenir en France, le roi lui ayant promis un riche bénéfice. Ces espoirs ont cependant été anéantis par la guerre qui a éclaté entre Léon et François. Après son retour en Italie, il rédigea en italien ses Annuli di Genova, ou Histoire de Gênes, auxquelles il fit précéder le récit de sa vie, en particulier de sa publication de l’Annui di Genova. Psautier pentaglotte. De même, avec la permission du pape, il offrit sa précieuse bibliothèque à la république de sa ville natale. Cette collection contenait environ mille volumes des ouvrages les plus précieux et les plus rares, obtenus des parties étrangères les plus éloignées, formant, à cette époque, comme il nous l’assure, une bibliothèque presque sans pareille en Europe. Dans l’accumulation de ces trésors littéraires, il avait été grandement aidé par les facilités commerciales offertes par la ville maritime de Gênes. Parmi les ouvrages ainsi présentés à la république, se trouvait le manuscrit de son Nouveau Testament polyglotte, écrit de sa propre main. Une lettre adressée par l’abbé Poch à Gabriel Fabricy nous apprend que le manuscrit est probablement encore conservé.
Ce très savant dominicain périt dans une tempête en mer, avec le vaisseau qui le transportait de Gênes au Nebbio, en l’an 1536.*
*Simon, Lettres Choisies, tom. iii, pp. 107-111. Sixt. Scnens. Biblioth. Sanct., lib. iv, p. 251. Fabricy, Titres Primitifs, tom. ii, p. 294.
Le célèbre POLYGLOTTE COMPLUTENSIEN, publié plus tard dans le Psautier de Justinien, fut commencé en 1502, sous les auspices du cardinal Ximenes, archevêque de Tolède, qui n’épargna aucune dépense, soit pour se procurer des manuscrits, soit pour dédommager les éditeurs de leur peine. Mgr Esprit Flechier, évêque de Nismes, dans son Histoire du cardinal Ximenes, donne le récit suivant de cette importante édition des Saintes Écritures :
L’archevêque, voyant la grande corruption de mœurs qui régnait même parmi les principaux ministres de l’Église, redoutait les tentatives des ennemis de répandre de fausses doctrines par des interprétations captieuses de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui, tout en éblouissant les simples, pouvaient sembler irréfutables aux savants. C’est pourquoi il entreprit une nouvelle édition de la Bible, qui contenait, pour l’Ancien Testament, le texte hébreu, la Vulgate latine, la version grecque de la Septante, avec une traduction latine, et la Paraphrase chaldéenne, avec une interprétation latine semblable ; pour le Nouveau Testament, le texte grec et la Vulgate. À ceux-ci s’ajouta un volume, expliquant la signification des mots et des idiomes hébreux, très estimés par ceux qui connaissent intimement la langue.
Cette entreprise des plus difficiles exigeait l’influence et la persévérance d’un mécène comme le cardinal. Il s’assura aussitôt l’assistance des savants les plus éminents, Démétrius de Crète, Grec de naissance, Antoine de Nebrissa, Lopez Stunica et Ferdinand Pintien, professeurs de langues grecque et latine ; Alphonse, médecin d’Alcala, Paul Coronel et Alphonse Zamora, renommés par leur habileté dans la langue hébraïque, l’ayant autrefois enseignée aux Juifs, mais qui, ayant renoncé au judaïsme et embrassé le christianisme, avaient donné des preuves d’une érudition extraordinaire et d’une véritable piété. Il leur expliqua son dessein, promit d’en supporter toute la dépense, et leur accorda de généreuses pensions. Il leur insista sur la nécessité de la diligence ; « Hâtez-vous, mes amis, dit-il, de peur que je ne vous déçoive, ou que vous ne me manquiez, car vous avez besoin d’une protection comme la mienne, et j’ai besoin d’une assistance comme la vôtre. » Par ces exhortations et d’autres semblables, et par l’encouragement généreux qu’on leur donna, ils devinrent assidus dans leur travail, et s’appliquèrent sans cesse à l’œuvre, jusqu’à ce que le tout fût achevé.
Il fit faire une enquête diligente sur les copies manuscrites de l’Ancien Testament, afin que les défauts des éditions précédentes puissent être corrigés, que les passages corrompus soient restaurés et que les expressions obscures et douteuses soient expliquées. Le pape Léon X l’a favorisé avec des manuscrits de la bibliothèque vaticane, a souvent loué sa magnificence et sa générosité, et l’a même consulté dans les événements les plus importants de son pontificat. Pendant quinze ans, les travaux se poursuivirent sans interruption ; et il est également étonnant que ni la longue et fastidieuse application n’ait fatigué la constance des savants éditeurs, ni que les soins oppressifs qui incombaient à Ximenès n’aient relâché ni son zèle ni son affection pour cette entreprise.
Il obtint sept manuscrits hébreux qui lui coûtèrent quatre mille écus d’or, indépendants des manuscrits grecs qui lui avaient été envoyés de Rome ; ou les latines en caractères gothiques, apportées de pays étrangers, ou achetées dans les principales bibliothèques d’Espagne, dont chacune avait au moins huit cents ans. La charge totale de l’ouvrage, y compris les pensions des éditeurs, les salaires des transcripteurs, le prix des livres, les frais des voyages et le coût de l’impression, s’élevait, d’après les calculs qui ont été faits, à plus de cinquante mille écus d’or.
Ce grand ouvrage, qui avait occasionné tant de soins et de dépenses, étant enfin achevé, Ximène le dédia à Léon X, soit pour témoigner sa reconnaissance, soit parce que tous les ouvrages qui regardent l’explication de l’Écriture sont convenablement dédicacés au souverain pontife. .... Quand on lui apporta le dernier volume, il s’empressa de le recevoir, et, levant soudain les mains et les yeux au ciel, il s’écria : « Je te remercie, mon Sauveur Jésus-Christ, de ce qu’avant de mourir, je vois l’achèvement de ce que je désirais le plus ardemment. » Puis, se tournant vers quelques-uns de ses amis qui étaient présents, il leur dit : « Dieu m’a favorisé de succès dans des choses qui vous ont paru grandes, et qui ont probablement contribué au bien public ; mais il n’y a rien dont vous devez me féliciter autant que cette édition de la Bible, qui ouvre ces sources sacrées où l’on peut puiser une théologie plus pure, que de ces ruisseaux d’où, en général, on la cherche. " ♦
♦Flechier, Histoire du Cardinal Ximenes, tom. i, liv. i, pp. 175-179. Amsterdam, 1693, 12mo.
Cette Bible est divisée en six parties et comprend quatre volumes in-folio. Le Nouveau Testament a été imprimé en 1514, ainsi qu’il ressort de la souscription suivante à la fin de l’Apocalypse, transcrite d’après un exemplaire conservé à la bibliothèque collégiale de Manchester : « Ad perpetuam laudem et gloriam dei et domini nostri iesu christi hoc sacrosanctum opus novi testamenti et libri vite grecis latinisq ; Characteribus noviter impressum ATQ ; studiosissime emendatum : felici fine absolutü est in hac præclarissime Côplutensi vniversitate : demandato et sumptibus Reuerendissimi in christo patris et illustrissimi dni fratris Francisci Ximenez de Cisneros tituli sancte Balbine sancte Romane ecclie presbyteri cardinalis hispanie Archiepi toletani et Hispaniar, primatis ac regnor. castelle archicancellarii : industria et solertia honorabilis viri Arnaldi gulielmi de Brocario artis irnpressorie magistri. Anno domini Millesimo quingeniesimo decimo quarto. Mensis ianuarii die decimo.
Au mois de mai de la même année, succédèrent un Vocabulaire hébreu et chaldéen, et d’autres traités destinés à aider l’étudiant dans les langues orientales. L’Ancien Testament fut imprimé en quatre parties et achevé en 1517, mais le cardinal étant mort peu de temps après la fin de l’ouvrage, et l’Église de Rome ayant commencé à douter de l’intérêt de le mettre en circulation générale, il ne reçut la permission de Léon X pour sa publication que le 22 mars. 1520 ; et les copies n’ont pas été distribuées au monde entier avant l’année 1522.+
+ Le Long, Biblioth. Sacra, édit. Masch, t. i, cap. III, p. 337 et 338. Marsh’s Michaelis, vol. ii, pt. i, ch. xii, sec. i, p. 432.
Un petit nombre d’entre eux (on pense qu’il n’y en a pas plus de quatre) ont été imprimés sur vélin. L’un d’eux se trouverait dans la bibliothèque du Vatican ; un autre à l’Escurial ; et un troisième a été récemment acheté à la vente de la bibliothèque Mac Carthy, par M. G. Hibbert, pour 640 £.++ Le reste des exemplaires, dont seulement six cents ont été imprimés, était sur papier. Le prix fixé à l’ouvrage par l’évêque d’Avila, par ordre du pape, était de deux ducats d’or et demi ; soit une quarantaine de livres d’argent français ; une somme considérable à l’époque.§
++ Décaméron bibliographique de Dibdin, vol. III, p. 169.
§ Calmet, Diet, de la Bible, p. iv. Paris, 1722, fol.
FRANÇOIS XIMENES DE CISNEROS, le généreux patron de l’édition complutentienne de la Bible, et l’homme d’État le plus célèbre de son temps, naquit à Torrelaguna, ville obscure d’Espagne, en 1437. Lors de son baptême, il reçut le nom de Gonsalez, mais en entrant dans l’ordre de Saint-François, il l’échangea contre celui du fondateur de l’ordre. Il reçut les premiers rudiments de son éducation à Alcala, puis étudia le droit civil et le droit canonique à Salamanque, et en devint si compétent, qu’en peu de temps il put subvenir à ses besoins en l’enseignant à d’autres. Cependant, il ne souffrit pas que ses occupations juridiques interrompissent son cours d’études générales, mais continua à s’appliquer à la science, et surtout à la littérature sacrée, jusqu’à ce qu’il eût acquis les connaissances habituelles des étudiants de cette époque. Il retourna ensuite auprès de son père ; mais pour éviter d’être à la charge de ses parents, résolut de visiter Rome, et de tâcher d’obtenir une promotion ecclésiastique, il fut deux fois volé en chemin ; et fut retenu par ses malheurs à Aix, en Provence, où il exerça la charge d’avocat consistorial, ce qui lui permit de connaître en partie ses grandes capacités, et d’éclaircir ses perspectives. Cependant, apprenant la mort de son père et la détresse de sa mère et de sa famille, il résolut de retourner en Espagne. Après s’être assuré de la bulle pontificale pour prendre possession du premier bénéfice vacant, il rentra chez lui, et à peine était-il arrivé, que l’archiprêtre d’Uceda mourut et qu’il entra dans la vie. Mais son droit au bénéfice fut contesté par l’archevêque de Tolède, qui, le dessinant pour l’un de ses aumôniers, jeta Ximenès en prison. Enfin il fut libéré, à la demande de la comtesse de Basse-Mère, et autorisé à jouir de son avancement ecclésiastique ; mais, ne voulant pas être sous l’influence d’un prélat qui l’avait traité avec tant de sévérité, il échangea sa situation actuelle contre une situation dans le diocèse de Siguenza. L’évêque Gonzales de Mendoza le nomma grand-vicaire et le distingua par la confiance qu’il lui témoignait. Pendant son séjour à Siguenza, il gagna l’approbation et le respect universels ; et par son influence auprès de Jean López de Medina, archidiacre d’Almazan, il le persuada de fonder une université à Siguenza. Tout le temps qu’il pouvait consacrer aux exigences des engagements officiels, il le consacrait à des occupations littéraires : il apprenait les langues hébraïque et chaldéenne ; et il se consacra diligemment à l’étude des Écritures. C’est à cette époque qu’il semble avoir jeté les bases de cette connaissance biblique pour laquelle il s’est distingué par la suite ; et l’impression que lui fit la lecture de l’ouvrage inspiré fut si profonde, qu’il perdit tout goût pour l’acquisition d’autres sciences, à tel point qu’il avait coutume de dire à ses amis qu’il échangerait volontiers toute sa science de la loi contre l’explication d’un seul passage de l’Écriture.
Les inquiétudes de la charge et les embarras des affaires séculières devenant insupportables, il résolut de prendre l’habit monastique. C’est ce qu’il fit en entrant chez les franciscains à Tolède. Après avoir suivi le cours habituel des exercices, il fit profession en 1483, dans sa quarante-sixième année, et fut admis membre de l’ordre. Avec la permission de ses supérieurs, il se retira dans un petit couvent des environs de Tolède, appelé Castagnar, situé au milieu d’un bosquet de châtaigniers. Là, il pratiquait des austérités extraordinaires, et passait généralement une partie du jour dans les bois, étudiant les Écritures, tantôt à genoux, tantôt prosterné sur le sol ; D’autres fois, il passait plusieurs jours ensemble dans une cabane, élevée de sa propre main, au sommet d’une montagne couverte d’arbres. Son dévouement et ses talents attirèrent l’attention des personnages les plus illustres de son pays, et, sur la recommandation du cardinal de Mendoza, la reine Isabelle le choisit pour confesseur, en l’an 1492, et le cinquante-cinquième de son âge, auquel il céda à contrecœur, à condition de ne jamais se retirer avec la cour. D’un commun accord, le chapitre de son ordre l’élut provincial ; et après avoir refusé pendant six mois, il occupa, par ordre du pape, l’archevêché de Tolède. En s’élevant à cette dignité, au lieu d’afficher l’amour du faste et de la grandeur, il continua les habitudes austères et simples de l’économie monastique, tout en découvrant une telle connaissance des affaires publiques, et en faisant preuve d’une telle prudence et d’une telle décision dans le règlement de son vaste gouvernement archiépiscopal, que la renommée de sa sagesse était égale à celle de sa sainteté. Il pourvoyait aux besoins des pauvres ; visité les églises et les hôpitaux ; établi des registres paroissiaux, dans lesquels étaient inscrits les noms de tous les enfants baptisés, de leurs pères et parrains, de ceux qui étaient présents au baptême, avec l’année, le mois et le jour où la cérémonie avait été célébrée ; réformé les abus ; dégradaient les juges corrompus, et mettaient dans leur chambre des personnes distinguées par leur probité et leur désintéressement. Il ordonna que, tous les dimanches et tous les jours de fête, chaque vicaire devait, après la grand’messe, expliquer l’Évangile d’une manière claire et instructive, et dans le· le soir, après Complin, enseignez les principaux articles de la doctrine chrétienne, en leur fournissant, à cet effet, des catéchismes et d’autres aides à l’instruction.
Dans le dessein de promouvoir l’éducation religieuse de la jeunesse, et d’introduire dans l’Église des caractères pieux et bien disciplinés, il fonda le collège de Saint-Ildefonsus, à Alcalá de Henarez (anciennement appelé Complutum). Cette académie, ou université, érigée vers 1500 apr. J.-C., devint bientôt célèbre ; et la célèbre Bible polyglotte de Complutens, qui en est sortie, sous le patronage et aux frais du fondateur, a rendu sa renommée perpétuelle.
L’expulsion des Maures d’Espagne, et l’effort de convertir les habitants mahométans qui restaient, appelèrent les talents vigoureux de l’archevêque, qui travailla avec succès à les soumettre en profession à l’Église de Rome ; mais son refus d’autoriser les traductions vernaculaires des Écritures était sans aucun doute un préjudice à la sincérité de leur conversion.
Pendant son séjour à Tolède, il visita à plusieurs reprises la bibliothèque de sa cathédrale, dans laquelle étaient déposés de nombreux manuscrits, vénérables par leur antiquité et précieux par leur contenu. Parmi le nombre qu’il examina, afin d’obtenir des secours dans ses desseins, il rencontra plusieurs volumes anciens, écrits en lettres gothiques, qui le firent rétablir les offices gothiques ou mozarabes, ou liturgie, qui avaient été autrefois tenus en grande vénération dans le royaume de Castille.
Il employa le docteur Ortiz, chanoine de l’église de Tolède, et deux autres de la même ville, à publier une édition des bréviaires et des missels mozarabes, et distribua parmi les ecclésiastiques et les églises un grand nombre d’exemplaires, et fonda même une magnifique chapelle dans la cathédrale de Tolède, afin que la liturgie mozarabe pût être constamment utilisée.
* L’histoire de cette liturgie est curieuse. Au VIe siècle, les Wisigoths occupèrent presque toute l’Espagne, sous l’empire d’Honorius. Comme ils étaient ariens, ils ont créé la confusion dans le culte public du royaume, associant le nouveau aux pratiques et aux formes anciennes. Mais cette nation ayant abjuré ses opinions hérétiques, et embrassé la foi orthodoxe, par les instructions de Léandre, archevêque de Séville, il fut ordonné par le quatrième concile de Tolède, que toutes les églises adopteraient les mêmes formes de prière, de missels et de psautiers publics ; et saint Isidore, successeur de Léandre, fut chargé de faire exécuter le décret du concile. Cette pratique dura environ cent vingt ans, jusqu’à ce que les Maures, après avoir ravagé le pays et vaincu l’armée espagnole, devinrent maîtres du royaume. Dans cette calamité générale, la ville royale tomba entre les mains des barbares, qui permirent aux chrétiens de conserver leur profession, et leur permirent six églises pour l’entretien de leur culte public. Beaucoup de catholiques s’enfuirent de leur patrie, plutôt que de se soumettre au joug de l’autorité étrangère ; mais d’autres d’entre eux sont restés, et ont été nommés, parce qu’ils étaient mélangés avec les Arabes ou les Maures, les Mistarabes, ou Mozarabes, de Moza, le nom du général maure. Ceux-ci continuèrent à utiliser les offices de saint Isidore pendant près de quatre cents ans, non seulement dans la ville royale elle-même, mais dans d’autres villes des royaumes de Tolède, de Castille et de León.
Alphonse VI, après un long siège, ayant chassé les Maures de Tolède, ordonna qu’on adoptât le Missel romain, au lieu de l’ancien Missel de Saint-Isidore, dans toutes les églises où celui-ci avait été en usage. Le clergé, la noblesse et le peuple s’y opposèrent, qui insistaient sur l’ancienneté de leur liturgie et sur l’autorité par laquelle elle avait été établie. La dispute devint si vive qu’il fut enfin convenu, selon le génie de l’époque, de terminer la lutte par un combat singulier ! Le roi choisit un chevalier pour le champion de la charge romaine, et le peuple et le clergé un autre, pour le défenseur du Toletar. Missel : les combattants se rencontrèrent, et ceux-ci remportèrent la victoire. Mais Alphonse refusa de se soumettre à la décision, et une autre façon de deviner l’intention du ciel fut suggérée. On fit des jeûnes et des processions publiques, on alluma un grand feu, et pendant que le roi et le peuple répétaient leurs prières, on jeta aux flammes un exemplaire de chacun des missels ; le Toletan s’est échappé, et le Romain a été brûlé ! Le roi accorda alors la permission d’utiliser le Missel tolétain dans les anciennes paroisses du royaume de Tolède où les habitants avaient conservé leur attachement au christianisme sous le gouvernement des infidèles, mais l’interdisait dans toutes les autres. Voyez Flechier, Histoire du Card. Ximenes, t. I, liv. i, p. 182, 186.
En 1506, il est nommé régent du royaume de Castille ; en 1507, le pape Jules II. Il le créa cardinal d’Espagne, et reçut peu après la charge d’inquisiteur général, l’inquisition ayant été établie dans le royaume, en 1477, par le P. Thomas de Torquemada, de l’ordre de Saint-Dominique, et prieur du couvent de Sainte-Croix, à Ségovie. Un excellent historien a ainsi dessiné le caractère de Ximenès, en tant que régent de Castille : « Sa conduite politique, remarquable par la hardiesse et l’originalité de tous ses projets, découlait de son caractère réel, et participait à la fois de ses vertus et de ses défauts. Son vaste génie lui suggérait des projets vastes et magnifiques. Conscient de l’intégrité de ses intentions, il les poursuivit avec une fermeté inlassable et inébranlable. Accoutumé dès sa première jeunesse à mortifier ses propres passions, il montrait peu d’indulgence pour celles des autres hommes. Enseigné par son système religieux à réprimer même ses désirs les plus innocents, il était l’ennemi de tout ce à quoi il pouvait apposer le nom d’élégance ou de plaisir. Quoique exempt de tout soupçon de cruauté, il découvrit, dans tout son commerce avec le monde, une sévère inflexibilité d’esprit et une austérité de caractère, particulières à la profession monastique, et qu’on ne peut guère concevoir dans un pays où cela est inconnu. *
* Robertson, Histoire de Charles-Quint, t. II, t. I, p. 30.
Ses engagements politiques ne le détournèrent cependant pas de ce qui lui tenait à cœur, la prospérité de l’université d’Alcala. Il invita les hommes les plus savants des différentes parties de l’Europe ; les nommèrent professeurs de différentes sciences ; richement doté de tout l’établissement ; a amplement pourvu à sa prospérité future ; pourvu à l’éducation des savants pauvres ; réparé l’église d’Alcalá ; et fonda un vaste hôpital et une infirmerie ; en un mot, il n’omettait rien de ce qui pouvait contribuer au bien-être des étudiants, ni promouvoir les intérêts de la religion et de la littérature sacrée.
Après avoir exercé la haute charge de régent, avec une vigueur et une capacité rarement ou jamais égalées, pendant une vingtaine de mois, laissant douter si sa sagacité dans le conseil, sa prudence dans la conduite ou sa hardiesse dans l’exécution, méritaient les plus grands éloges, il mourut, après une courte et violente maladie, à Bos Equillos, alors qu’il se hâtait de rencontrer le roi Charles nouvellement proclamé. à Valladolid. Il mourut le dimanche 8 novembre 1517, dans la quatre-vingt-unième année de son âge ; mais on discute si c’est le poison ou l’ingratitude du jeune roi. Ses dernières paroles furent : « En toi, Seigneur, ai-je mis ma confiance, que je ne sois jamais confondu. » *
* Flechier, Hist, du Card. Ximenes, passim. Barrett’s Life of Cardinal Ximenes, passim. Lond., 1813, 8 vol.
Après cette esquisse de la vie du généreux patron de la Polyglotte de Complutum ou Alcala, le lecteur peut à juste titre s’attendre à une certaine attention des savants éditeurs de l’ouvrage.
D’origine grecque,DUCAS était originaire de Crète et professeur à l’université d’Alcala. Il publia une édition des « Liturgies grecques de Chrysostome, de Basile le Grand, etc. ». Rome, 1526.♦
♦ Le Long, Biblioth. Sacra, Index, tom. i. Dictionnaire bibliographique de Clarke, vol. IV, p. 276.
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ANTOINE de Nebrissa, (ou Lebrixa), ville d’Espagne, naquit en 1444. Après avoir jeté les bases de l’apprentissage par la connaissance de la grammaire et de la dialectique, il étudia les mathématiques, la physique et la morale, à Salamanque, où il resta cinq ans ; d’où il passa en Italie, et acquit la connaissance des langues grecque, latine et hébraïque. En 1473, il retourna en Espagne et fut patronné par Alphonse Fonseca, évêque de Séville, sous les auspices duquel il ouvrit une école pour la restauration de la pureté de la langue latine, qui depuis près de mille ans avait été obscurcie, ou corrompue, par les conquêtes des Vandales et des Maures. Il résida dans la famille de son patron pendant les trois années où il gouverna l’école. À la mort de l’évêque, il s’installa à Salamanque et obtint une double bourse de professeur de grammaire et de poésie, étant le premier à introduire les règles de l’art dans la composition de la poésie vernaculaire d’Espagne. Tandis qu’il s’efforçait ainsi d’élever le niveau des connaissances littéraires de ses compatriotes, il rencontra une violente opposition de la part des adeptes des subtilités scolastiques et des modes d’instruction barbares ; il quitta donc Salamanque en 1488, irrité par le manque de respect, et fatigué des fatigues d’une profession laborieuse, et accepta la proposition de Jean Stunica, préfet militaire d’Alcantara, de venir résider dans sa famille. On lui accorda un beau salaire ; et, pendant le temps qu’il habitait chez le préfet, il employa ses loisirs à composer un dictionnaire espagnol et latin, et divers ouvrages grammaticaux. Entre-temps, l’un des professeurs de l’université de Salamanque étant décédé, Antoine a été choisi pour lui succéder, presque sans concurrent. Il resta dans cette situation jusqu’en 1504, époque à laquelle le roi Ferdinand, qui l’estimait beaucoup, l’envoya chercher à la cour et l’employa comme historiographe de son règne. Il fut ensuite employé par le cardinal Ximenes à la correction et à l’arrangement de sa Bible polyglotte ; et il fut choisi comme premier professeur de l’université d’Alcala, où il résida jusqu’à sa mort, qui arriva subitement, par apoplexie, le 2 juillet 1522, dans la soixante-dix-huitième année de son âge.
Outre le Dictionnaire espagnol, imprimé à Alcala (ou Complutum) en 1532, et fréquemment depuis, et les Mémoires du règne de Ferdinand et d’Isabelle, imprimés à Grenade en 1545, il est l’auteur de plusieurs ouvrages théologiques, critiques et grammaticaux, dont la plupart ont été imprimés.
* Antonii Biblioth. Hispan., tom. t. I, p. 104 à 109. Cavéi Hist. Lit., sæc. xv., App., p. 174, 175.
JAMES LOPEZ STUNICA était un Espagnol érudit, éminemment compétent dans les langues hébraïque, grecque et latine. Lors de la publication de l’édition du Testament grec d’Érasme, accompagnée d’une traduction latine et de notes, Stunica écrivit violemment contre eux, et défendit vigoureusement la Vulgate, même ses corruptions et ses barbaries. Comme il commençait à écrire contre Érasme du vivant du cardinal Ximenes, le cardinal lui conseilla sagement d’envoyer d’abord ses remarques, en manuscrit, à Érasme, afin qu’il puisse les supprimer si Érasme lui donnait des réponses satisfaisantes. Mais Stunica était trop vaniteux et trop hautain pour écouter les conseils conciliants de son patron ; et trouvant un jour quelqu’un lisant le Nouveau Testament d’Érasme, il lui dit, en présence du cardinal, qu’il se demandait comment il pouvait perdre son temps à pareille ordure, et que le livre était plein de fautes monstrueuses. Le cardinal répondit aussitôt : « Plût à Dieu que tous les auteurs écrivissent de telles ordures ! Ou bien produisez quelque chose de meilleur par vous-même, ou bien cessez de vous plaindre du travail des autres. Cette réponse rude, et probablement inattendue, fit que Stunica supprima son travail jusqu’après la mort du cardinal ; lorsqu’il publia un livre contre les Annotations d’Érasme, qui y répondit. Plus tard, il rédigea un autre ouvrage, plus sévère et plus virulent que le premier, qu’il intitula : Les Blasphèmes et les Impiétés d’Érasme. Léon X, à qui Érasme avait dédié son Nouveau Testament, défendit à Stunica de publier quoi que ce soit de diffamatoire et de calomnieux contre son antagoniste ; et après la mort de Léon, des cardinaux et d’Adrien VI. lui imposa les mêmes ordres. Pourtant, le livre a été imprimé secrètement, puis publié. Erasmus a également répondu à cette question. Quelque temps après, Stunica l’attaqua de nouveau, et Érasme lui répondit en 1529 ; et en 1530 Stunica mourut.
Il écrivit également contre Jacques le Fèvre, généralement appelé Faber Stapulensis, qui avait publié une version latine des Épîtres de saint Paul, l’accusant de mauvaises traductions et défendant la Vulgate contre ses remarques et ses corrections.
En plus de ces ouvrages, il publia un Itinerarium, ou récit de son voyage d’Alcala à Rome. Il mourut à Naples.♦
♦ Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 246. 247. Biographie universelle de Lempriere, art. « Stunica. »
FERDINAND NONNIUS, ou NONNES DE GUSMAN PINTIAN, savant Espagnol, connu pour son habileté dans les langues orientales, fut professeur de grec et de latin à l’université d’Alcala, et chevalier de l’ordre militaire de Saint-Jacques de Compostelle. Il meurt en 1552.+
+ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, p. 11 ; et Index Auctor., p. 573.
Tout ce que l’on sait d’Alphonse, médecinD’ALCALA, c’est qu’il était un Juif converti, possédant une connaissance exacte et étendue de la langue hébraïque.++
++ Le Long, ut sup.
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PAUL CORONEL était un Juif converti de Ségovie en Espagne. Avant d’embrasser le christianisme, il avait enseigné l’hébreu à ceux de sa propre nation, et il avait appris non seulement l’oriental, mais aussi le grec et le latin. Son savoir et ses capacités, unis à sa connaissance de la théologie chrétienne, le recommandèrent à l’attention du cardinal Ximenes, qui l’employa à son célèbre ouvrage biblique, et dont il aurait écrit le lexique hébreu qui l’accompagne. Il est également réputé pour avoir écrit des additions au livre de Nic. de Lyra , De differentiis translationem, mais qui n’ont jamais été imprimées. Avant son séjour à l’université d’Alcala, il avait occupé l’important poste de professeur des Saintes Écritures à l’université de Salamanque. Il mourut à Ségovie, le 30 septembre 1534.
* Antonii Biblioth. Hispan., tom. t. II, p. 127. Coloinesii Italia et Hispania Orientalis, p. 218. Hambourg, 1730, in-4°. Wolfii Biblioth. Héb., tom. i et iii, n° 1813. Hatnb. et Lips., 1715, 1727, 4to.
ALPHONSE ZAMORA naquit à Zamora, de parents juifs, et fut instruit dans la connaissance de toutes sortes d’enseignements hébraïques et rabbiniques. Avant l’expulsion des Juifs d’Espagne par Ferdinand et Isabelle, en 1492, il dirigeait leurs écoles publiques. Après avoir embrassé le système catholique romain du christianisme, il a été choisi par le cardinal Ximenes comme une personne appropriée pour être employé à l’édition de sa célèbre Bible, qui à cette fin lui a accordé une belle allocation. Il travailla pendant quinze ans. Dans le catalogue des œuvres écrites par Alphonse, Nic. Antonio mentionne ce qui suit :
Vocabularium Hebraicum atque Chaldaicum veteris Testamenti ; auxquelles sont annexés les Interpretationes Hebraicorum, Chaldeorum, Grecorumque nominum veteris ac novi Testamenti.
Catalogus eorum, quæ in utroque Testamento aliter scripta sunt vitio scriptorum, quàm in Hebrœo et Grœco in quibusdam Bibliis antiquis.
Introductiones Artis Grammatical· Hébraïques
Ceux-ci forment l’un des volumes de la Polyglotte Complutensienne, et ont été le deuxième volume qui a été imprimé. Mais Colomesius (Ital. et Hispan. Orient., p. 218) cite un ouvrage de Stunica contre Érasme (au cap. VII, Ep. ad Hebræos), dans lequel il attribue le Vocabulaire, ou Lexique, à Paul Coronel.
Alphonse est également l’auteur de plusieurs autres ouvrages grammaticaux et philologiques érudits, en particulier une grammaire hébraïque plus courte, plus facile et plus claire que celle annexée à la Polyglotte, commencée sous le cardinal Ximenes, et achevée sous Alphonsus Fonseca, successeur du cardinal au siège archiépiscopal de Tolède. Il a été imprimé à Alcala, par Michel de Eguia, 1526, in-4°, sous le titre : Artis Grammatical· Introductions d’hébraïque.
Il traduisit en latin les Paraphrases chaldéennes d’Onkelos sur le Pentateuque ; Jonathan sur Josué, les Juges, les Rois, Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel et les douze prophètes mineurs ; et R. Joseph, l’aveugle, et d’autres, sur Job, les Proverbes, le Cantique des Cantiques, l’Ecclésiaste et les Lamentations.
Le Long le mentionne aussi comme l’auteur d’une version hébraïque de l’Épître aux Hébreux, accompagnée d’une traduction latine ; mais Marsh remarque que ce n’était qu’une épître écrite par lui-même aux Juifs, en hébreu et en latin, pour réfuter leurs sentiments, et les convaincre de la vérité du christianisme ; ce qui s’accorde avec la liste des ouvrages écrits par Alphonse, donnée par Nic. Antonio dans la Bibliotheca Hispana, où nous ne trouvons aucune mention d’une traduction de l’épître de saint Paul aux Hébreux, mais seulement d’une épître hébraïque et latine aux Juifs résidant à Rome : « Epistola, quam misit ex Regno Hispaniæ ad Hebræos, qui sunt in Urbe Romana ad reprehendum eos in sua pertinacia, hebraicè olim scripta, hic tamen Hebraicis Latinâ interpretatione interlineari adjuncta. » Il mourut en 1530.
* Antonii Biblioth. Hisp., tom. t. I, p. 45. Rom., 1672, in-folio. Le Long, Biblioth. Sacra, tom. t. I, p. 83 et 303. 304, 462, 465. Paris, in-folio, 1723. Ibid., édit. Masch, pt. ii, déchiré, i, sec. 1, p. 13.
Outre les éditeurs déjà nommés, Alvarez Gomez, qui écrivit la vie de Ximenes en 1560, dit que JEAN DE VARGARA, savant Espagnol, docteur en théologie et professeur de philosophie à l’université d’Alcala, était occupé à préparer pour l’imprimerie les livres intitulés Libri Sapientiales, n’yz., Les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, la Sagesse et l’Ecclésiastique. Vargara mourut en 1557.+
+ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. ii, pp. 11, 310, et Index Auctor.
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Tel était le patron et tels étaient les éditeurs de la célèbre édition complutensienne des Écritures ; Un ouvrage qui, s’il est défectueux, à cause de l’imperfection de la critique sacrée à cette époque, mérite néanmoins les plus grands éloges, comme une noble tentative de créer l’attention sur les textes originaux des oracles divins, et peut à juste titre être considéré comme le parent de ces compilations plus parfaites et plus immenses qui ont été faites depuis des textes originaux et des versions les plus importantes.
Une autre grande et importante œuvre, sanctionnée et patronnée par le pape Léon X, fut la traduction latine de la Bible, par Sanctes Pagninus. Il s’agit de la première version des Écritures à partir des textes originaux, après le renouveau de la littérature en Occident. Pagninus, dans la préface de sa Bible, nous apprend que Léon, ayant été mis au courant de son dessein de traduire l’Ancien et le Nouveau Testament à partir des originaux hébreux et grecs, lui envoya et lui demanda la permission d’examiner son ouvrage. Après avoir examiné plusieurs feuilles, il en fut si satisfait, qu’il ordonna immédiatement que le tout fût transcrit à ses frais, et donna des instructions pour qu’on lui fournisse les matériaux nécessaires à l’impression. Une partie en fut exécutée, mais la mort inattendue du pontife en retarda l’achèvement. Après la mort de Léon, il se retira d’abord à Avignon, puis à Lyon, où l’ouvrage fut imprimé pour la première fois en 1528, en 4to., par Antoine du Ry, aux frais de ses parents, Franciscus Tyrchus et Dominicus Bertus, citoyens de Lucques, et Jacobus de Giuntis, libraire de Florence. Cette version a été l’œuvre de vingt-cinq ans, et a été grandement vantée à la fois par les Juifs et les Chrétiens, en particulier par l’Ancien Testament, comme la meilleure version latine qui ait jamais été faite à partir de l’hébreu, celle de Jérôme n’étant pas exceptée, mais certains critiques ont considéré la traduction comme trop littérale, et surtout utile comme glossaire grammatical. et illustrant l’idiome hébreu. Dans la traduction du Nouveau Testament, il eut moins de succès que dans l’Ancien, et il a trop généralement adopté les modes d’expression juifs. Bien qu’il fût achevé en 1518, il ne fut imprimé, comme nous l’avons vu, qu’en 1528, date à laquelle il fut publié avec l’approbation du pape et avec les bulles d’Adrien VI. et Clément VII. préfixé à celui-ci. À la traduction de la Bible, il ajouta un tableau des noms hébreux, syriaques et grecs contenus dans les Écritures, avec leurs dérivations et leurs significations. C’était la première Bible latine dans laquelle les versets de chaque chapitre étaient distingués et numérotés.♦
♦Hody, De Bibl. Text. Orig., lib. iii, pt. ii, pp. 473-480. Fabricy, Titres Primitifs, tom. » ii, pp. 152-1Ώ6. Prospectus de Geddes, p. 74, 75. L’enquête historique et critique de Whittaker sur l’interprétation de l’Heb. Écritures, p. 19. Camb., 1819, 8 vol.
Vol. I. — 36
SANCTES PAGNINUS, ou, selon l’italien, SANTE PAGNINI, naquit à Lucques, en 1466, et devint ensuite ecclésiastique de l’ordre de Saint-Dominique. Il était parfaitement habile dans les langues latine, grecque, arabe, hébraïque et chaldéenne, mais était censé exceller particulièrement dans l’hébreu. Il s’appliqua diligemment à comparer la Bible de la Vulgate avec les textes originaux, et, croyant que ce n’était pas la traduction de Jérôme, ou qu’elle était très corrompue, il entreprit d’en former une nouvelle version, ce qu’il fit avec beaucoup d’honneur, produisant une traduction qui a été, dans une large mesure, le modèle de toutes les versions latines ultérieures.
Outre la traduction de la Bible, Pagninus est l’auteur de plusieurs autres ouvrages précieux : les suivants méritent particulièrement d’être signalés :
Thesaurus Linguæ Sanctæ, seu Lexicon Hebraicum, imprimé à Lyon, 1529, in-folio. Institutiones Linguæ Hebraicae ; Lyon, 1526, in-8°. Isagoge ad mysticos S. Scripturæ sensus ; Lyon, in-folio, 1536. Dans cet ouvrage, il explique cabalistiquement la partie principale de Job et du Cantique des Cantiques, et tout le septième chapitre de la première épître aux Corinthiens. Catenae Argenteae ; ou des commentaires compilés à partir des Pères et d’autres, sur le Pentateuque et les Psaumes.
Il mourut à Lyon en 1541 (ou, selon Le Long, en 1536) et y fut enterré. Un monument de marbre fut élevé à sa mémoire dans le chœur de l’église des Dominicains.
* Sixt. Senens. Biblioth. Sanct., lib. iv, p. 375. Le Long, Biblioth. Sacra, tom. ii, pp. 890, 1178, 1188. Paris, 1723.
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La littérature sacrée renaît avec la culture générale des sciences et des lettres ; les langues orientales étaient plus largement connues et étudiées ; et les Saintes Écritures commencèrent à être considérées comme la source la plus pure de la théologie et de l’éthique ; et bien qu’une profonde ignorance et une dépravation des mœurs régnaient encore généralement dans l’Église, beaucoup de membres du clergé considéraient qu’il était de leur devoir de se familiariser avec les langues originales, et plusieurs s’élevèrent à une éminence considérable en tant que critiques et commentateurs de la Bible. Les recherches de l’érudition orientale et sacrée s’étendaient aux laïcs, et il ne manquait pas parmi eux des érudits dont l’étendue de l’information et de la recherche critique les plaçait au premier rang des étudiants en théologie et des auteurs. Aux noms de savants ITALIENS déjà remarqués, on peut ajouter ceux du cardinal Cajetan, de Thésée Ambrosius, de Félix Pratensis et d’Alde Manuce.
Le cardinal Cajetan, de son vrai nom Thomas de Vio, naquit en 1469 à Cajeta, ville du royaume de Naples, d’où il prit le nom de CAJETAN. Entré dans l’ordre de Saint-Dominique, il s’éleva successivement pour être général de son ordre, archevêque de Palerme, et enfin cardinal et légat. Il a été employé dans diverses négociations avec des puissances étrangères, mais il se distingue surtout par son opposition à Luther, et par son ; traduction de la partie principale de la Bible. Envoyé par Léon X pour réprimer l’influence naissante de Luther et de ses amis, il déploya toute la subtilité et l’impériosité du légat romain ; de sorte qu’Érasme lui-même le décrivit comme un ecclésiastique furieux, impérieux et insolent. Nous ne sommes donc pas surpris d’apprendre que son autorité de légat s’est avérée tout à fait insuffisante pour réduire au silence leréformateur intrépide, ou pour arrêter les progrès de la Réforme. Mais tandis que nous détestons sa conduite impie en tant que légat du pape, nous le considérons avec respect lorsque, en tant que ministre du sanctuaire, nous le trouvons en train d’étudier le livre sacré et de travailler à transfuser les vérités inestimables de l’Écriture en une traduction littérale de la parole de Dieu. De cette version des Écritures en latin, le Dr Geddes donne le récit suivant : « Le célèbre cardinal de Vio Cajetan, qui, au milieu d’une multiplicité d’affaires d’État, trouvait le moyen de consacrer une partie de chaque jour à une étude sérieuse, laissa derrière lui, entre autres productions laborieuses, une traduction d’une grande partie de la Bible. Comme il ignorait totalement l’hébreu, il employa deux savants, un juif et un chrétien, comme interprètes ; et, ayant un jugement sûr et un goût perspicace, il réussit beaucoup mieux qu’on ne pouvait s’y attendre. Mais sa version a été formée sur ce principe erroné, qu’une traduction de l’Écriture ne peut pas être trop littérale, même si elle est inintelligible pour cette raison. Cette présomption lui fit juger défavorablement la Vulgate, qu’il blâme souvent sans raison ; c’est pourquoi certains zélotes l’ont injustement taxé d’hérésie. Sa traduction a à peu près les mêmes défauts que celle de Pagninus, et peut être à peu près de la même utilité pour l’étudiant hébreu. Il a été imprimé avec son commentaire, à Lyon, en l’an 1639. Les livres de l’Écriture contenus dans cette traduction étaient ceux du Pentateuque, de Josué, des Juges, des Rois, des Chroniques, d’Esdras, de Néhémieji, de Job, des Psaumes, des Proverbes et des trois premiers chapitres d’Ésaïe. Ceux-ci, avec son commentaire, forment cinq volumes in-folio. Les Psaumes ont été imprimés séparément, à Venise, en 1530, in-folio, accompagnés de la version de la Vulgate. Au début, il explique son mode de traduction.
On trouvera une liste du reste de ses œuvres dans le Thea-trum Virorum Eruditione Clarorum de Freher, pars i, pp. 27, 28, Noriberg. 1688, fol. Il mourut le 10 août 1534.
* Freheri Theatrum, t. I, p. 27, 28. Prospectus de Geddes, p. 78. Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 260. Le Long, édit. Masch, t. ii, tom. III, cap. III, sec. i, p. 490, 528.
THÉSÉE AMBROSIUS, ou, selon son nom italien, TESEO AMBROGIO, l’un des premiers savants orientaux de son temps, et chanoine régulier du Latran, était de la noble famille des Conti d’Albonese, et né à Pavie, en 1469. Il se rendit à Rome en 1512, à l’ouverture de la cinquième session du concile du Latran, qui commença sous Jules II. et continua sous Léon X jusqu’en 1517. Dans la huitième session de ce concile, un décret fut rendu contre ceux qui niaient l’immortalité de l’âme, et le quatrième canon ordonna que « tous ceux qui étaient dans les ordres sacrés, après le temps employé à la grammaire et à la logique, passeraient encore cinq ans à étudier la philosophie, sans s’appliquer à la divinité ou au droit canonique. » Dans la dixième session, il fut décrété qu'« à l’avenir, aucun livre ne serait imprimé à Rome, ni dans aucune autre ville ou diocèse, sous peine d’excommunication, sans avoir été d’abord examiné ; à Rome, par le vicaire de Sa Sainteté, et le maître du palais sacré ; et dans les autres villes, par l’évêque du diocèse, ou quelque docteur en théologie nommé par l’évêque ; et qu’ils l’aient signé comme approuvé.
Le grand nombre d’ecclésiastiques de Syrie, d’Éthiopie et d’autres parties de l’Orient, qui assistaient au concile, offrirent à Ambrogio l’occasion de poursuivre ses études avec un avantage particulier ; et, à la demande du cardinal Santa Croce, il fut employé comme la personne la plus qualifiée pour traduire du chaldéen ou du syriaque en latin, la liturgie du clergé oriental, avant que l’usage de celle-ci ne fût expressément approuvé par le pape. Après avoir été employé par Léon X, pendant deux ans, à enseigner le latin au sous-diacre Élie, légat de Syrie, que le pape voulait garder à sa cour, et de qui Ambrogio recevait, en retour, des instructions en langue syriaque, il fut nommé par le pontife à la chaire de professeur à l’université de Bologne. où il donnait des instructions en syriaque et en chaldéen, pour la première fois qu’elles avaient été enseignées publiquement en Italie. On dit qu’il comprenait au moins dix langues différentes, dont beaucoup avec l’aisance et l’aisance d’un natif.
Dans les troubles qui dévastèrent l’Italie, après la mort de Léon X, il fut dépouillé des nombreux et précieux manuscrits orientaux qu’il avait rassemblés à grands frais et par l’industrie de plusieurs années, ainsi que des types et des appareils qu’il avait préparés pour une édition du Psautier en Chaldée. qu’il avait l’intention de faire accompagner d’une dissertation sur cette langue. Cependant, cela ne le découragea pas au point de l’amener à abandonner ses études, car en 1539 il publia à Pavie une « Introduction au chaldéen, au syriaque, à l’arménien et à dix autres langues ; avec les caractères alphabétiques de quarante langues différentes, ce qui est considéré par les Italiens eux-mêmes comme la première tentative faite en Italie vers une connaissance systématique de la littérature de l’Orient. Cet ouvrage a été imprimé avec les caractères, et aux frais d’Ambroise, ainsi qu’il appert du titre de l’ouvrage : Introductio in Chaldaicam linguam, Syriacam, atque Armenicam, et decern alias linguas. Characterum differentium Alphabeta circiter quadraginta, &c. 1539, in-4°. « Excudebat Papiæ, Joan. Maria Simonetta Cremon. in Canonica Sancti Petri in Cælo aureo, sumptibus et typis authoris libri.♦
♦Roscoe’s Life of Leo Xth, vol. II, ch. xi, pp. 396, 399. Dictionnaire Portatif des Conciles, p. 275, 284. Colomesii Italia et Hispania Orientalis, p. 37, 38.
FELIX PRATENSIS, originaire de Prata, en Toscane, était d’origine juive. Après sa conversion au christianisme, il entra dans l’ordre des ermites de Saint-Augustin. Pendant de nombreuses années, il fut employé sans cesse à instruire et à prêcher aux Juifs, ce qui lui valut d’être appelé le fléau des Hébreux. En 1515, il traduisit et édita une édition du Psautier, d’après l’hébreu, publiée par le célèbre imprimeur hollandais Daniel Bomberg, imprimée à Venise, en in-4°, et dédiée au pape Léon X. La préface de ce psautier nous apprend que cet ouvrage ne formait qu’une petite partie du dessein exprimé à Léon par Félix, qui méditait une traduction de tout l’Ancien Testament. Mais le dessin ne semble pas avoir reçu l’approbation de Léon, pour l’inspection duquel et avec le consentement duquel cette partie a été imprimée ; il a donc été très probablement abandonné, bien que Wolfius dise qu’il a traduit Job et quelques autres livres de la Bible. La version des Psaumes, il l’a achevée en seulement quinze jours.
Il fut également employé par Daniel Bomberg à l’édition de la Bible rabbinique, imprimée à Venise en 1518, fol. Cette Bible contenait non seulement le texte hébreu, mais aussi les commentaires de plusieurs des rabbins juifs les plus éminents, les Paraphrases chaldéennes, le Massora, les Tables, les Sections de la Loi, etc., et des traités sur les diverses lectures, etc. Cette Bible a été dédiée à Léon X. Une édition plus complète des Commentaires rabbiniques a ensuite été donnée au public par le même imprimeur, mais par un autre éditeur, R. Jacob ben 'Haïm.
Félix mourut à Rome, le 5 novembre 1539, à l’âge de près de cent ans, et fut précipité dans l’église de Saint-Augustin.+
+ Colomesii Ital. et Hist. Orientalis, p. 19. Wolfii Biblioth. Héb., tom. i et iii, n° 1835. Hody, De Bibl. Text. Orig., p. 461. Le Long. édit. Masch, t. i, ch. i, sec. ii, p. 96-99.
Les Aldi étaient une famille d’imprimeurs éminents, qui florissait en Italie à la fin du XVe siècle et pendant la plus grande partie du XVIe siècle. ALDUS PIUS MANUTIUS, souvent appelé Aldus l’aîné (pour le distinguer de son petit-fils du même nom, qui était aussi un imprimeur célèbre), et le premier de ces illustres imprimeurs, naquit vers l’an 1447, à Bassiano, petite ville du duché de Sermonetta, dans le voisinage des marais de Pomptine. Sa jeunesse paraît s’être passée à Rome, où il étudia sous les professeurs les plus éminents ; et il acquit cette vaste connaissance qui le rendit plus tard si admiré comme critique et grammairien. Vers l’année 1488, il s’installa à Venise, dans le but d’y établir une imprimerie. C’est lui qui, remarquant les nombreux inconvénients qui résultaient du grand nombre d’abréviations qui étaient alors en usage parmi la plupart des imprimeurs, inventa d’abord un expédient par lequel ces abréviations furent entièrement supprimées, et cependant les livres n’augmentèrent que peu de volume. C’est ce qu’il fit en introduisant ce qu’on appelle aujourd’hui la lettre italique, quoiqu’autrefois l’aldine , du nom de son inventeur, et quelquefois cursive, du nom de son inventeur . Le sénat de Venise, et les papes Alexandre VI, Jules Il, Léon X, lui accordèrent pendant quinze ans l’usage exclusif de son caractère nouvellement inventé ; mais les imprimeurs lyonnais se déshonorèrent par leurs efforts pour contrefaire son invention, et par la publication d’éditions piratées des classiques qu’il avait édités. « Il a combiné les lumières de l’érudit avec le. l’industrie du mécanicien », de sorte que, tout en accordant les soins les plus assidus à son imprimerie, il entretenait une correspondance très étendue avec les lettrés de l’Europe, expliquait les classiques à un auditoire nombreux d’étudiants, et trouvait aussi le temps de composer divers ouvrages, qui se caractérisent par une profonde érudition et une habileté critique. Conscient que ses travaux isolés ne suffisaient pas à la diffusion de la littérature, il rassembla autour de lui un cercle des hommes les plus savants de l’époque, dont quelques-uns vivaient dans sa maison et étaient entièrement soutenus par lui. Parmi les autres ouvrages qu’il projeta au profit de la littérature, il y avait celui d’une Bible polyglotte en hébreu, en grec et en latin ; dont il n’a exécuté qu’un exemplaire in-folio, aujourd’hui conservé à la bibliothèque royale de Paris. La première édition imprimée d’une partie quelconque du Testament grec a été exécutée par lui à Venise, en 1504. Il contenait les six premiers chapitres de l’Évangile de saint Jean ; et a été annexé à une édition des Poèmes de Grégoire de Nazianze. Il se procura aussi des manuscrits et fit des préparatifs pour une édition de l’Ancien et du Nouveau Testament en grec, mais il fut empêché d’achever son projet par sa mort, qui arriva en l515 0rl516. Il fut ensuite imprimé en 1518, au fol ., min., par son beau-père et associé, Andrea Turresano d’Asola. Son troisième fils, Paulouk Manutius, lui succéda born.in 1512 ; , dont le fils cadet Aldus, né en 1547, poursuivit l’entreprise jusqu’à sa propre mort, en 1597 ; Lorsque la famille de ces savants imprimeurs s’éteignit, après avoir été pendant plus d’un siècle la gloire de l’imprimeur.f la littérature et la typographie. C’est à l’aîné Aldus seul que le monde est redevable des éditions principes, ou premières éditions imprimées, de vingt-huit classiques grecs ; outre cela, il y a peu d’auteurs anciens de renom, dont il n’ait publié des éditions d’une exactitude reconnue, et (autant que les moyens de l’art, alors dans son enfance, le lui permettaient) d’une grande beauté ; cependant sa modestie était telle qu’elle lui faisait dire : que, loin de considérer les flatteries de ceux qui louaient ses ouvrages, il ne pouvait affirmer lui-même qu’il avait publié ne serait-ce qu’un seul livre dont il eût à se satisfaire. C’est principalement à son zèle et à son goût pour l’édition des œuvres des meilleurs auteurs grecs qu’il faut attribuer la préférence qu’on a longtemps donnée à l’étude de la littérature grecque.
* Dictionnaire bibliographique de Clarke, vol. I, p. 48. Horne’s Introduction to Bibliography, vol. i, pp. 243-244, 249 ; et t. II, App., n° vii, p. lx-lxxx. Le Long, édit. Masch, tom. II, partie II, sec. i, p. 265 ; et App. Supp. et Emend., p. 8.
Du succès de la littérature biblique en ESPAGNE, au commencement de ce siècle, on a déjà fait remarquer, dans le récit de la Bible polyglotte du cardinal Ximenes. On peut ajouter à ce qui a été dit qu’en 1512 les épîtres et les évangiles de toute l’année, tels qu’ils étaient lus dans les églises, furent publiés en espagnol par Ambroise de Montesin, frère franciscain espagnol, évêque de Sardaigne. Ils ont été réimprimés à Anvers, en 1544, in-8°.+
+ Le Long, tom. i, p. 363 ; et Index Auctor. 571. Paris, 1723.
La même année (1512), l’archevêque de Séville, D. Didaco Deza, tint un concile provincial, ou synode, dans lequel il fut ordonné que « les curés instruiraient leurs paroissiens dans les mystères de la sainte foi catholique ; et qu’ils placent dans chacune de leurs églises, des tables contenant les articles de la croyance chrétienne et les dix commandements. Il était également enjoint de « persuader le peuple de pratiquer les sept œuvres de miséricorde ; expliquer les leçons dominicales ; admonestent leurs paroissiens 10 à la confession générale et aux prières ecclésiastiques, telles que le Pater Noster, le Credo et le Salve Regina ; et imposer la répétition de ces prières dans l’église. Et il était défendu à toutes les personnes ecclésiastiques et séculières d’instruire leurs savants en d’autres choses, ou de leur apprendre à écrire, sous peine d’excommunication, à moins qu’ils ne connaissaient d’abord les prières et le contenu des tables.++
++ Cône Collectio Maxima. Hisp , tom. iv, p. 3.
Les Constitutions du cardinal Mendoza décrétèrent aussi que le soin de la transcription des missels serait confié au sacriste, et que cinq missels seraient écrits chaque année pour les chapelles respectives, à cause de la grande insuffisance qui existait alors dans ces œuvres liturgiques, et pour lesquels une allocation annuelle serait accordée au sacriste sous la direction duquel et aux frais duquel les missels seraient copiés.♦
♦Cône Collectio Maxima. Hisp., tom. t. IV, p. 31.
L’archevêque Deza, qui convoqua le synode, était un Espagnol de naissance et un frère de l’ordre de Saint-Dominique. Il est l’auteur d’une Défense de saint Thomas d’Aquin contre les répliques de Matthias Dorinck et d’un Monotessaron, ou Harmonie des évangélistes. Il meurt en 1525.+
+ Le Long, t. II, p. 699. ++ Le Long, t. i, Index Auctor., p. 542.
En 1513, le livre de Job, avec les « Morales » de Grégoire le Grand, ont été traduits du latin en espagnol par Alphonse Alvarez, de Tolède.++
++ Le Long, tom. i, Index Auctor., p. 542.
Les terribles persécutions qui avaient été soulevées contre les Juifs, et les édits de 1492 et de 1496, par lesquels six cent mille personnes avaient été expulsées d’Espagne et de Portugal, poussèrent beaucoup de réfugiés à Constantinople, où ils établirent une imprimerie, d’où sortirent plus tard plusieurs ouvrages hébreux importants. En 1505, le Pentateuque est imprimé en hébreu et en chaldéen, accompagné de commentaires rabbiniques ; et de nouveau en 1506, in-folio ou in-quarto. Les Juifs établirent également une presse à Thessalonique, où le livre de Job en hébreu, avec un commentaire syriaque écrit en 1506, fut imprimé en 1517 ; comme le Pentateuque et le Targoum avec des commentaires rabbiniques l’avaient été l’année précédente. D’autres parties des Écritures hébraïques ont été imprimées de même, à des années différentes, en chacun de ces endroits.
§ Le Long, Biblioth. Sacra, édit. Masch, t. i, cap. t. I, sec. 2, p. 123 ; App. Supp., p. 8, 10, 11. De Rossi, De Ignotis—Editionibus, cap. x, xi, xiii, &c., App. Erlang, 1782.
Si l’on revient à l’examen de l’état de la littérature sacrée en FRANCE à cette époque, les travaux bibliques de JACOBUS FABER STAPULENSIS méritent particulièrement d’être signalés. Ce savant publia en 1509, in-folio, un psautier quintuple latin, contenant, outre les quatre versions, dites italique, romaine, gallicienne et hébraïque, || une cinquième édition, ou édition amendée du Gallican. Cette édition du Psautier paraît avoir été un travail d’attention et de travail considérable, puisque nous trouvons que pour l’ancienne version, ou version italique, il s’est servi d’un manuscrit des plus précieux . Copie écrite en lettres d’or et d’argent sur parchemin pourpre, en caractères onciaux, in-folio ; supposé avoir fait partie du butin de la ville de Tolède, obtenu par Childebert Ier, roi des Francs, vers l’an 542, et dont se servit ensuite saint Germain, évêque de Paris, qui mourut en 576.* Faber accompagna le Psautier de courtes notes qui, d’après les sentiments qu’elles exprimaient, le soumirent au soupçon d’être entaché d’une pravation hérétique ; et fit que le Psautier, qui fut plus d’une fois réimprimé, fut placé dans l’Index Expurgatorius, ou liste des livres prohibés.+ On suppose aussi qu’il est l’auteur d’une version française des Psaumes, imprimée en 1525, in-8°, à Paris, par Simon de Colines ;++ auquel ont été joints les contenus ou arguments, dans lesquels il aurait introduit ses vues particulières sur la religion, semblables à celles de la Réforme, et est en outre mentionné comme le traducteur français du Cantique des Cantiques, bien qu’avec moins de certitude. Il a également publié des Commentaires sur les quatre Évangiles et les Épîtres de saint Paul. À ce dernier était préfixée une Apologie, destinée à prouver que la traduction latine, partout lue, n’était pas celle de Jérôme. Son Commentaire sur les quatre évangiles a été imprimé à Meaux en 1522, in-folio. Sa méthode consiste à exposer d’abord le texte latin de cette édition, puis à l’expliquer, en corrigeant en même temps les passages qu’il croit mal traduits. Comme il prend principalement le grec pour guide, il a ajouté des astérisques et des obélisques pour marquer ce qui est redondant, ou ce qui manque, dans le latin, à l’exemple d’Origène dans le grec. Son Commentaire sur les épîtres de saint Paul a été écrit à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prez, et imprimé in-folio, 1512. La Vulgate étant autorisée dans toutes les églises d’Occident, il l’imprima avec ce commentaire, mais y joignit une nouvelle traduction du grec. Un Commentaire sur les épîtres générales a été publié par lui en 1527, imprimé à Basile, in-folio ; et Frisius a remarqué un commentaire de lui sur l’Ecclésiaste.
|| Voir p. 292 de ce volume.
* Le Long, tom. t. I, p. 243. Paris, 1723, fol.
+ Le Long, édit. Masch, t. ii, tom. III, cap. I, sec. 9, p. 13.
++ Les prix suivants, apposés sur les ouvrages imprimés par cet imprimeur, peuvent indiquer la valeur des livres à l’époque :
“ Vetus Testamentnm, minora formâ, 1525, 12mo.—24 sous.
Novum Testamentum, min. form., 1525, 12 mo.—6 sous.
[Bibliog. Decameron de Dibdin, t. II, p. 79.
§ Le Long, tom. I, cap. iv, p. 333, 335 ; et tom. t. II, p. 719. Paris, fol. Simon’s Critical History of the Versions of the New Testament, partie II, ch. xxi, p. 178.
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Mais son œuvre la plus grande et la plus importante est sans doute la traduction en français de tout le Nouveau Testament, imprimée à Paris en 1523, in-8°, par Simon de Colines ; les Évangiles en juin ; les Épîtres de Paul, les Épîtres catholiques, ou Épîtres générales, et les Actes des Apôtres, en octobre ; et l’Apocalypse en novembre. L’ouvrage a été publié sans le nom du traducteur ; mais avec une épître préliminaire, défendant la traduction. Une autre édition a été imprimée en deux volumes in-8 par Simon de Colines, en 1524 ; un troisième a été publié la même année, mais sans le nom de l’imprimeur, ni le lieu où il avait été imprimé ; un quatrième en 1529, etc.
♦Le Long, t. I, p. 335, 336. Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 90.
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La publication du Psautier, et surtout du Nouveau Testament, provoqua une violente persécution contre Faber par les docteurs de la Sorbonne, de sorte qu’après avoir été expulsé de la faculté de théologie de Paris, il fut obligé de s’enfuir de France ; et résida quelque temps à Strasbourg, sous un nom fictif. F. Simon dit qu’il fut encouragé dans la publication de son ouvrage par quelques amis puissants de la cour de François Ier.
L’épître préliminaire était préfixée au second volume, ou partie du Nouveau Testament, sous le titre d’Epistre exhortatoire à tous les Chrestiens et Chrestiennes. Dans cette épître, il fait l’éloge de Jean de Rely, doyen de Saint-Martin de Tours, et évêque d’Angers, pour sa révision de la traduction par Guiars des Moulins de l’Historique de Comestor, Scholastica, en 1487 ; mais il se plaint que les Bibles françaises qui avaient précédé sa version du Nouveau Testament étaient pleines de fautes et corrompues par des additions et des retranchements. Voici un spécimen de son raisonnement en faveur de sa traduction :
Qui donc n’estimera pas convenable et propice au salut d’avoir le Nouveau Testament en langue vulgaire ? Qu’y a-t-il de plus nécessaire à la vie, qu’elle soit temporelle ou spirituelle ? Si, dans les différents ordres religieux, on ordonne que si quelqu’un ignore le latin, il aura les règles de son ordre en langue vulgaire, qu’il le portera sur lui et qu’il le mémorisera ; et dans leurs chapitres respectifs leur expliquent fréquemment leurs règles ; À combien plus forte raison les ignorants parmi les chrétiens devraient-ils posséder la parole de Dieu, l’Écriture pleine de grâce et de miséricorde , qui est leur règle, et qui seule est nécessaire, car une seule chose est nécessaire ? Cette Sainte Écriture est le Testament (dernière volonté) de Jésus-Christ, le Testament de notre Père confirmé par sa mort, et par le sang de notre Rédempteur ; Et qui est celui qui défendra aux enfants d’avoir, de voir et de lire le testament de leur père ? Il est donc très opportun de la posséder, de la lire et de l’entendre, non seulement une fois, mais souvent, dans les chapitres de Jésus-Christ, qui sont les églises, où tout le peuple, ignorant et instruit, doit s’assembler, pour entendre et honorer la parole de Dieu. Et telle est l’intention de notre gracieux roi, qui est très chrétien de cœur et de nom, entre les mains duquel Dieu a placé un royaume si noble et si excellent, à la gloire du Père de miséricorde et de Jésus-Christ son Fils, dessein qui doit inspirer à tous les habitants du royaume le courage d’avancer dans le vrai christianisme. en suivant, en comprenant et en croyant la parole vivifiante de Dieu. Et bénie soit l’heure où elle s’accomplira ; et bénis soient tous ceux, hommes et femmes, qui feront en sorte qu’elle soit mise en œuvre, non seulement dans ce royaume, mais dans le monde entier.♦
♦Simon, Lettres Choisies, tom. iv, let. xv, p. 95.
La grande objection contre la traduction de Faber était qu’elle favorisait la réforme en France, qui avait été commencée par Luther en Allemagne, et qui était caractérisée par les partisans du papisme avec l’épithète de « nouveautés ». « Ces nouveautés, dit F. Simon, étaient agréables au goût de quelques seigneurs et dames de la cour. J. le Fevre, qui a édifié le monde par sa vie exemplaire, a donné une grande influence à ces nouveautés. Son érudition était très grande pour l’époque où il vivait ; et ses manières aimables lui valurent l’estime et l’amour de tout le monde. Presque les seuls ennemis qu’il avait étaient sa propre confrérie, les médecins de Paris. Le célèbre Noël Beda, ennemi juré des belles-lettres, se déclara ouvertement contre lui et contre Érasme ; et la faculté de théologie de Paris était alors si opposée aux traductions vernaculaires de la Bible, qu’elle censura la même année (1523) cette proposition : « Omnes Christiani, et maxime clerici sunt inducendi ad studium Scripturæ sanctæ, quia aliæ doctrinæ sunt humanæ, et parum fructuosæ » — « Tous les chrétiens, mais surtout le clergé, doivent être persuadés d’étudier les Saintes Écritures, parce que les autres connaissances sont humaines et ne produisent que peu de bien. Cette permission, disait cette faculté, renouvellerait les erreurs des pauvres Lyonnais qui avaient déjà été condamnées. Voici les termes exprès de la censure, tirés des registres de la Sorbonne : « Hæc propositio secundum primam partem, laicos quoscumque ad studium sacræ Scripturæ et difficultatum ejusdem esse inducendos sicut et clericos, ex errore pauperum Lugdunensium deducetur. » Ce décret fut ensuite autorisé par un édit du parlement en 1525, confirmant une censure de ces théologiens, contre une version française de l’Office de la Sainte Vierge. Dans cet édit, il est expressément affirmé qu’il n’est ni opportun ni utile pour le public chrétien qu’il soit permis d’imprimer des traductions de la Bible, mais qu’elles doivent plutôt être supprimées comme nuisibles, compte tenu des temps. La faculté de théologie exprimait la censure en ces termes : « Post maturam omnium magistrorum deliberationem, fuit unanimi consensu dictum et conclusum, quod in sequendo conclusiones dudum per ipsara factas, neque expediens est neque utile reipublicæ Christianæ, imo visa hujus temporis conditione potius perniciosum, non solum translationem Horarum, sed etiam alias translationes Biblicæ, aut partium ejus, prdut jam passim fieri videntur, admitti, et quod illæ quæ jam emissæ sunt supprimi magis deberent. » Ces docteurs ont conçu cette censure pour qu’elle soit rétrospective et qu’elle s’étende aux versions des Écritures qui avaient été publiées antérieurement ; et comme aucune version française n’avait encore été publiée par les calvinistes français, ces différents édits, lorsqu’ils parlent du malheur des temps, ne peuvent se rapporter qu’à ce qui était considéré comme l’hérésie de Luther. C’est précisément pour cette raison que le parlement de Paris, dans un décret contre la doctrine de Luther, rendu en 1525, y joint ces mots : « La dite cour a ordonné et ordonne qu’il sera enjoint par l’autorité du roi, que toutes les personnes qui ont en leur possession les livres du Cantique des Cantiques, les Psaumes, l’Apocalypse, les Évangiles, les Épîtres de saint Paul, et d’autres livres de l’Ancien et du NDe plus, il n’y a pas d’autre moyen d’obtenir un testament contenu dans la Sainte Bible, qui a été récemment traduit du latin en français, et imprimé ; et aussi un livre imprimé, contenant les Évangiles et les Épîtres pour les dimanches, et autres solennités pour toute l’année, avec quelques Exhortations en français ; les apportera et les livrera dans les huit jours de la publication du présent décret. Cette dernière œuvre était censée être l’œuvre de Faber et de ses disciples ; et les exhortations étaient partout remplies de déclamations contre tout ce qui était prêché au peuple, excepté l’Évangile. L’œuvre a été conçue pour l’usage des églises de Meaux.♦
♦Simon, Lettres Choisies, tom. iv, let. xv, p. 95-107.
L’exil de Faber, occasionné par la persécution des docteurs de la Sorbonne, ne dura pas longtemps ; car, quoique François Ier fût captif en Espagne, il fut informé par sa sœur Marguerite du traitement que Faber avait reçu, et écrivit en sa faveur au parlement de Paris, ce qui lui permit de retourner peu de temps après en France.♦
♦Sleidan’s Hist, of the Reformation, t. V, p. 98. Londres, 1689, fol.
Ce grand homme, qu’on appelle D’ORDINAIRE JACOBUS FABER STAPULENSIS, latinisant son nom et son lieu de naissance, Jacques le Fèvre d’Estaples, naquit vers 1435. Il a voyagé dans des pays étrangers à la recherche de connaissances, et on dit qu’il a « vu non seulement l’Europe, mais aussi l’Asie, et à part l’Afrique ». Nommé professeur de belles-lettres et de philosophie à l’université de Paris, il s’efforça, avec quelque succès, d’introduire dans les écoles quelque chose de plus solide que les études insignifiantes des docteurs scolastiques, surtout la connaissance des langues savantes. En 1517, il eut un différend avec Érasme, au sujet de la citation du second psaume, dans Hébreux II, 7, qu’Érasme avait traduite : « Tu l’as fait pour un peu de temps plus bas que les anges, mais que Le Fèvre prétendait devoir être traduit, selon l’hébreu : « Tu l’as fait un peu plus bas que Dieu. » Comme ils étaient amis, le débat se poursuivit avec une certaine civilité, et s’arrêta bientôt, laissant leur amitié intacte. En 1523, il quitta Paris et se rendit à Meaux, où l’évêque Guillaume Briçonet, patron de l’érudition et des savants, le choisit pour grand vicaire. Ce prélat étant soupçonné de favoriser le luthéranisme, et persécuté à ce titre, Le Fèvre fut obligé de quitter son service, de peur d’être mêlé à la même calamité. Après avoir passé quelque temps en Allemagne, il retourna à Paris, et devint précepteur de Charles, duc d’Orléans, troisième fils de François Ier. Marguerite, reine de Navarre, sœur de François Ier, l’honora de sa protection, et l’invita à Nérac en 1530, où il mourut en 1537.
Comme Érasme et quelques autres, il resta en communion avec l’Église de Rome, tout en désapprouvant sérieusement ses doctrines et ses pratiques. On dit même qu’il se rendit à Strasbourg par l’ordre de la reine de Navarre, pour conférer avec Bucer et Capito sur les doctrines des réformateurs. Certaines circonstances remarquables relatives à sa mort, qui ont été racontées par des historiens catholiques et d’autres, ne doivent pas être omises. Le jour de sa mort, se portant apparemment aussi bien qu’à l’ordinaire, en dînant avec la reine et quelques savants que cette princesse invitait souvent à passer la journée avec elle, Le Fèvre parut pensif et mélancolique, et on le vit verser des larmes. La reine voulut savoir quelle était la cause de sa tristesse ; il répondit : « Je suis affligé de l’énormité de mes crimes. J’ai maintenant cent et un ans ; et quoique j’aie vécu une vie chaste, et que j’aie été préservé de ces excès où beaucoup sont précipités par la violence de leurs passions, cependant je me suis rendu coupable de ce crime odieux : j’ai connu la vérité, et je l’ai enseignée à beaucoup de ceux qui l’ont scellée de leur sang, et cependant j’ai eu la faiblesse de me cacher dans les lieux où les couronnes des martyrs ne sont jamais distribuées. Ayant dit cela, il dicta son testament de vive voix, alla se coucher sur son lit, et mourut en quelques heures !
* Clarke’s Bibliog. Diet., vol. III, pp. 226-228. Vie d’Érasme de Jorton, t. I, p. 90, 391 ; et vol. II, p. 240.
La traduction du Nouveau Testament en français, par Le Fe-vre, (Faber,) a été faite à partir du latin, et a été la première traduction française catholique dans laquelle le texte sacré était purement donné, les précédentes étant généralement faites, non pas du texte, même de la Vulgate, mais de la légendaire Historia Scholastica de Comestor. La traduction de Le Fevre fut plusieurs fois réimprimée, et, à cause de l’opposition des docteurs catholiques, elle fut quelquefois imprimée sans le nom de l’auteur ou de l’imprimeur. Le Long suppose que les traductions anonymes placées dans l’Index Librorum prohibitorum de 1551 sont de Le Fevre. Les titres sont ainsi donnés sous la rubrique des livres français, ab incertis aiictoribus :
“ Les saintes Evangiles de Jesus Christ ;—et au commencement une Epistre exhortatoire qui sent la doctrine de Luther.
“Les saintes Evangiles de Jesus Christ;—au commencement il y a une Epistre Lutherienne.”
Son Psautier français et son Nouveau Testament furent interdits dès 1528, par le synode provincial de Béziers, en France, dans les termes suivants :
De plus, ce synode décrète qu’aucun livre de l’hérésie luthérienne, ni des sectaires, ni aucun des livres de l’Écriture qui ont été traduits du latin en langue vernaculaire, soit depuis ces derniers temps, soit il y a huit (ou plutôt cinq) ans, ne sera vendu ou acheté, à moins qu’ils n’aient été examinés par l’ordinaire du lieu. sous peine d’être punis comme des délinquants. Tels furent les efforts du clergé gallicain pour empêcher la circulation de la parole de Dieu, dans la langue de ses compatriotes ; et telle a été la politique générale de la hiérarchie romaine et telle est encore sa pratique, A cette époque sombre et mélancolique, l’Angleterre présente un tableau aussi morne que celui de la France. Dans un catalogue des livres appartenant à l’abbaye de Leicester en 1492, et qui comprenait ce qui était, pour l’époque, une vaste bibliothèque, voici les seuls exemplaires de l’Écriture qui soient remarqués :
« Bible, defect' et usit ».
Chaque livre de l’Ancien Testament est glosé.
Evangelia glossata.
Historiæ de Bibliâ in Gallico.
5 Psalteria abbreviata.
Psalterium.
+ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, cap. iv, p. 335. Paris, 1723.
Tandis que les vérités dont dépendent les choses éternelles, ne trouvent pas, ou à peine, un seul ami.
Sur cette maigre liste, le savant et infatigable historien de Leicester remarque excellemment que « d’après ce catalogue, il semble assez douteux qu’il puisse y avoir dans la bibliothèque de cette maison religieuse une collection complète de toutes les Saintes Écritures. En supposant que Biblie, dans le premier article, ait inclus à la fois l’Ancien et le Nouveau Testament, c’était un volume défectueux et usé. Le second se composait de chaque livre de l’Ancien Testament seulement ; et le troisième des Évangiles, sans aucune mention des Actes des Apôtres, des Épîtres ou de l’Apocalypse. Il y a, cependant, une mention séparée de l’Actus Aplor brille, de la glose d’Apocalyps, de la glose d’Eple Pauli, de l’Eple Canonice, et parmi ces dernières figure le Canticus Canticorum. Peut-être y aurait-il quelqu’un de ces moines angustins, à qui les oracles divins dans les langues savantes eussent été de peu d’utilité ; et pourtant on ne s’est pas livré à une traduction, car il y avait dans les actes consistoriaux de Rochester les procès-verbaux d’un procès rigide contre le chantre du prieuré de cette cathédrale, pour avoir conservé un testament anglais, en désobéissance à l’injonction générale du cardinal Wolsey, de remettre ces livres prohibés aux évêques des diocèses respectifs.
Il n’y a pas d’autres Enistles du Nouveau Testament, à l’exception de ceux de saint Paul.
« A. 1528, 15 janvier. In palatio Roffens', coram ipso reverendo patre, comparuit personaliter Dr. Will. Mafelde, monachiis et precentor in eccles' Castr' Roffens' notatus, quod, post publicationem factam in civitate predictâ quod unusquisque sancta Dei Evangelia in idioma nostrum translata apud se servand' eidem reverendo patri inferrent, et traderent, sub pœnis in literis reverend ! patris cardinalis prétend, idem Willüs hujusmodi libros post terapus per eundë rev' patrë limitât' apud se servavit et retinuit, &c. »+
+ Nichols' Hist. & Ant. of the County of the County of Leicester, vol. i, App., n° xvii, p. 101-108.
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Dans les diocèses de Londres et de Lincoln, beaucoup de personnes ont souffert à cause de leur attachement aux Écritures et à la cause de la vérité. À Amersham, dans le Buckinghamshire, en l’an 1606, trente personnes furent brûlées à la joue droite, et on leur fit porter des fagots en guise de pénitence. « La cause était qu’ils parleraient contre la superstition et l’idolâtrie ; et désiraient entendre et lire les Saintes Écritures.♦ Le registre du diocèse de Londres, sous l’épiscopat de Richard Fitzjames, fournit beaucoup d’autres exemples de persécution contre ceux qu’on appelait Lollards, ou disciples de Wiclif. En 1511, Thomas Austy, Joan Austy sa femme, Thomas Grant, John Carter, Christopher Ravius, Dionysia sa sœur, et Thomas Vincent, Lewis John, Joan John sa femme, et John Web, furent amenés devant l’évêque et accusés d’avoir « lu et utilisé certains livres anglais, répugnant à la foi de l’Église romaine ; comme les quatre évangélistes ; Guichet de Wiclif ; un livre des Dix Commandements de Dieu Tout-Puissant ; l’Apocalypse de saint Jean ; les épîtres de Paul et de Jacques, avec d’autres semblables. Les personnes ainsi accusées furent emprisonnées, et par la crainte furent amenées à abjurer ce qu’elles considéraient comme leurs erreurs. La même année, et par le même évêque, William Sweeting et James Brewster furent brûlés à Smithfield, dans un incendie, comme hérétiques relaps, ayant été précédemment accusés et abjurés : la première accusation dans l’interrogatoire de William Sweeting fut qu’il avait eu « beaucoup de conférences avec un certain William Man, de Boxted, dans un livre qui s’appelait Matthieu ; » et James Brewster fut accusé d’avoir « un certain petit livre de l’Écriture, en anglais, d’une vieille écriture presque usée par l’âge, dont le nom n’y est pas exprimé ; » et aussi d’avoir « été cinq fois avec William Sweeting, dans les champs, gardant des bêtes, l’entendant. Lisez beaucoup de bonnes choses dans un certain livre. À laquelle lecture étaient également présents, à un moment donné, Woodroofe, ou Woodbinde, un fabricant de filets, avec sa femme, ainsi qu’un beau-frère de William Sweeting, et une autre fois Thomas Goodred, qui entendit, de même, ledit William Sweeting lire. Comme James Brewster « ne savait ni lire ni écrire », le fait qu’il possédait un livre de l’Écriture, pour que d’autres puissent le lui lire, n’était pas une petite preuve de son amour pour la parole de Dieu, alors qu’elle était interdite sous peine d’un si terrible châtiment.+
♦ Fox’s Actes and Monumentes, t. I, p. 91 ?.
+ Ibid., vol. II, p. 10, 30. Lond., 1641, fol.
Un acte encore plus atroce de cruauté infâme fut exercé contre Richard Hume, un marchand-tailleur, de Londres, en 1514.
Amené devant l’évêque Fitzjames, il fut interrogé sous l’accusation d’hérésie, lorsque, entre autres articles d’accusation, on allégua contre lui qu’il avait « en sa possession divers livres anglais, prohibés et damnés par la loi ; comme l’Apocalypse, en anglais ; Épîtres et Évangiles, en anglais ; les œuvres damnables de Wiclif ; et d’autres livres contenant des erreurs infinies, dans lesquels il a été longtemps accoutumé à lire, à enseigner et à étudier quotidiennement. Après son interrogatoire, il fut renvoyé à la prison appelée la tour du Lollard ; où, deux jours après, on le trouva pendu, ayant été assassiné par le chancelier, le sompner, ou invocateur, et le sonneur de cloches, comme cela fut pleinement prouvé devant le coroner. Mais, pour empêcher, s’il était possible, la découverte du meurtre, et pour noircir le caractère du défunt, certains articles furent choisis dans le Prologue de sa Bible, et ordonnés par l’évêque pour être lus à la croix de Paul ; le dernier était que, dans le Prologue, « il défend la traduction de la Bible et de l’Écriture Sainte en langue anglaise, ce qui est interdit par les lois de notre très sainte Église ». Après quoi un procès fut intenté contre lui, quoique déjà mort, devant le tribunal de l’évêque ; et une sentence définitive d’hérésie prononcée seize jours après sa mort, par laquelle son corps fut ordonné d’être brûlé, ce qui fut fait en conséquence, à Smithfield, le 20e jour de décembre de la même année.♦
♦Fox, vol. II, p. 13-25.
La persécution continuant à faire rage contre ceux qui lisaient les Écritures en anglais, et s’opposaient aux superstitions de l’Église de Rome, plusieurs furent brûlés sur le bûcher ; d’autres enfermés dans des monastères, et condamnés à vivre de pain et d’eau ; et beaucoup condamnés à porter un fagot à la croix du marché, pour être brûlés à la joue. de répéter tous les dimanches et vendredis ce qu’on appelait « le Psautier de Notre-Dame », et « chacun d’eux de jeûner, de manger du pain et de la bière seulement tous les vendredis, pendant sa vie ; et tous les Fêtes-Dieu, chacun d’eux à jeûner, au pain et à boire pendant sa vie, à moins que la maladie ne le permette sans feinte. L’honnête martyrologue Fox, qui était infatigable dans ses efforts pour obtenir des renseignements authentiques sur ces malades pour l’amour de l’Évangile, a donné une longue liste des noms des personnes accusées devant John Longland, évêque de Lincoln, en 1521, avec les accusations portées contre elles, extraites du registre de l’évêque. L’énumération de quelques-uns des chefs d’accusation montrera leur nature.
Vol. L—37
Parties accusées. |
Des crimes leur ont été reprochés. |
— Agnès : Eh bien, elle a été détectée par son frère. |
— Pour avoir appris l’épître de saint Jacques, en anglais, de Thurstan Little-page. |
J. Jennings, domestique de James Morden ; Georges, serviteur de T. Tochel ; Thomas Grey, serviteur de Roger Bennet. |
« Ceux-ci ont été détectés pour avoir transporté certains livres, en anglais. »
|
Agnes Ashford, de Chesham, a détecté James Morden.
|
" La cause en était qu’Agnès en était la suivante, car en lui enseignant les paroles suivantes : : « Nous sommes le sel de la terre ; s’il est putréfié et disparu, il est rien qui vaut. Une ville située sur une colline ne peut pas être cachée. Vous n’allumez pas une bougie et Mettez-le sous une coquille, mais placez-le sur un chandelier, afin qu’il puisse donner de la lumière à le tout dans la maison. Fais donc briller ta lumière devant les hommes, afin qu’ils voient tes œuvres, et glorifiez le Père qui est dans les cieux. N0 ni lettre de la loi ne doit Passez de l’autre côté jusqu’à ce que toutes choses soient faites. Et cinq fois il alla à l’endroit susdit Agnès, pour apprendre cette leçon : Item, que ladite Agnès lui a appris à dire cette leçon : « Jésus, voyant son peuple, comme il montait sur une colline, s’est assis, et ses disciples sont venus à lui ; il ouvrit la bouche, et les enseigna, en disant : Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. Bénis soient les hommes doux, car ils souderont la terre.♦ Et deux fois il est venu la voir pour apprendre cette leçon. |
« Henry Milner. » |
« Considéré comme un grand hérétique, et instruit dans l’Écriture. » |
♦ Ces citations sont évidemment tirées de la traduction de WicliP, nonobstant quelques variations insignifiantes, Voir l’édition de Baber du Nouveau Testament de Wiclif, ch. v.
1 37*
Parties accusées. |
Des crimes leur ont été reprochés. |
« La femme de Bennet Ward et sa fille. » |
« Pour avoir dit que Thos Pope était l’homme le plus pieux qui ait jamais travaillé dans leur maison, car il restait assis à lire dans son livre jusqu’à minuit, plusieurs fois. » |
John Phip. |
« Il était très mûr dans les Écritures. » |
« John Phip. » |
« Il était un lecteur, ou un répétiteur, pour l’autre. » |
John Butler (mis en accusation par son propre frère.) |
« Pour lui avoir lu un certain livre de l’Écriture, et pour l’avoir persuadé de l’écouter. » |
« John Barret, orfèvre de Londres, Joan Barret sa femme, Jeanne sa servante. » |
« Parce qu’on l’entendit dans sa propre maison, devant sa femme et sa servante, qui étaient présentes, réciter l’épître de saint Jacques : laquelle épître, avec beaucoup d’autres choses, il l’avait parfaitement sans livre. » « Aussi parce que Jeanne, sa femme, avait prêté à John Scrivener l’Évangile de saint Matthieu et de Marc : livre qu’il (Scrivener) a donné à l’évêque Smith. » |
Durdant, par Stanes ; Vieux Durdant ; Isabel, épouse de T. Harding ; Harrop, de Windsor ; Joan Barret, épouse de John Barret, de Londres ; Henry Miller, Stilman, tailleur. |
" Tous ceux-là furent accusés, parce qu’au mariage de la fille de Durdant, ils rassemblés dans une grange, et j’entendis lire une certaine épître de saint Paul : lecture qu’ils aimaient bien, mais surtout Durdant, et qu’ils louaient de même.
|
John Littlepage, Alice, épouse de Thurstan Little-page. |
" Parce qu’on disait qu’il avait appris les Dix Commandements en anglais, d’Alice, La femme de Tlmrstah, dans la maison de son père. |
Parties accusées. |
Des crimes leur ont été reprochés. |
« Robert Collins et sa femme ; John Collins et sa femme. |
« Pour avoir acheté une Bible, de Stacey, pour vingt shillings ! » * |
« Le père de Robert Collins. » |
« Ce père Collins était de cette doctrine depuis l’an de grâce 1480. » |
— Alice Collins, femme de Richard Collins. |
« Cette Alice, de même, était une femme célèbre parmi eux, et avait une bonne mémoire, et pouvait réciter beaucoup des Écritures, et d’autres bons livres : et c’est pourquoi, quand un conventicule de ces hommes se réunissait à Burford, on l’envoyait généralement pour leur réciter la déclaration des Dix Commandements et les épîtres de Pierre et de Jacques. » (Aussi,) « Pour avoir enseigné à Joan Steventon, pendant le Carême, les Dix Commandements. » — Item, pour lui avoir enseigné le premier chapitre de l’Évangile de saint Jean. |
« John Heron. » |
« Pour avoir un livre de l’Exposition des Évangiles, écrit en anglais. »+ |
Nous pouvons nous faire une idée du prix de cette Bible, en observant qu’en 1514 le salaire journalier d’un maître charpentier, d’un maçon, d’un maçon, d’un tyler ou d’un plombier était de 6 deniers par jour, sans régime, de Pâques à la Saint-Michel ; les autres ouvriers de 4 deniers par jour. En 1513, l’avoine valait 2 shillings 4 pence le quarter. En 1533, le bœuf était id. la livre ; mouton < d. la livre ; les bœufs gras se vendaient 26 s. 8 d. chacun ; un agneau gras pour Is. — Chronic Precios., p. 116, 117, 162, 164.
+ Renard, vol. II, pp. 33-51.
1
Ce ne sont là que des quelques-uns des nombreux exemples cités par Fox, tirés du registre de l’évêque Longland, de personnes accusées et souffrantes, d’une manière ou d’une autre, pour avoir possédé, lu ou entendu le livre de Dieu ; et pour l’accusation de laquelle les maris avaient été subornés contre leurs femmes, les femmes contre leurs maris ; les enfants contre leurs parents, et les parents contre leurs enfants ; frères contre sœurs, et sœurs contre frères. « Mais le zèle fervent de ces jours chrétiens, remarque l’honnête écrivain,
« semblaient bien supérieurs à nos jours et à nos temps, comme on peut le voir en restant assis toute la nuit, à lire et à entendre ; aussi par leurs dépenses et frais d’achat de livres en anglais, dont les uns donnaient cinq marks♦, les uns de plus, les autres moins, pour un livre ; et d’autres donnaient une charge de foin pour quelques chapitres de saint Jacques, ou de saint Paul, en anglais.
♦ Le mark est une vieille pièce anglaise évaluée à 13 shillings 4 deniers sterling, soit un peu plus de trois dollars de notre monnaie.
Outre ces dignitaires, qui embrassaient les sentiments de Wiclif, il y avait beaucoup d’hommes instruits qui demeuraient en étroite communion avec l’Église de Rome, qui, par leurs efforts acharnés pour la cause de la littérature, et par leur préférence pour les écrits inspirés aux œuvres des écrivains scolastiques, jetèrent les bases de la diffusion ultérieure de la vérité sacrée. parmi les classes les plus élevées et les plus érudites de la société. Trois d’entre eux, William Grocyn, William Latimer et surtout John Colet, méritent une attention particulière.
WilliamGROCYN naquit à Bristol en 1442. Il fit ses études de grammaire à Winchester et fut nommé membre perpétuel du New College en 1467. En 1479, il fut présenté par le directeur et les boursiers de ce collège au presbytère de Newton-Longville, dans le Buckinghamshire. Mais comme il résidait encore principalement à Oxford, la société de Magdalen College en fit son lecteur de théologie. En 1485, il fut nommé prébendier de Lincoln ; et, en 1488, il quitta sa place de lecteur au Magdalen College, afin de voyager à l’étranger. Il y fut stimulé par le faible niveau d’instruction dans ce royaume et par un ardent désir d’atteindre des sommets plus élevés. Dans ce dessein, il visita l’Italie, où il se perfectionna dans les langues grecque et latine, sous la direction de Démétrius Chaicondylès, natif d’Athènes, et d’Angelo Politien, professeur de langues grecque et latine, à Florence.
Grocyn, ayant terminé ses études à l’étranger, retourna en Angleterre et s’installa à Exeter College, à Oxford, en 1491, où il obtint le grade de bachelier en théologie. Il était professeur de grec à Oxford, à peu près à l’époque où Érasme y était. Peu de temps après, il partit pour Londres, puis pour le collège de Maidstone, dans le Kent, où il fut maître. Érasme a de grandes obligations envers cet homme, qui, par sa générosité envers ses amis, s’est réduit à l’étroit, et a été forcé de mettre son assiette en gage chez le docteur Young, maître des rôles ; mais le docteur le lui rendit de nouveau, par son testament, sans prendre ni capital ni intérêt. Érasme le représente comme l’un des meilleurs théologiens et savants de la nation anglaise ; et dans plusieurs de ses épîtres, il parle de lui d’une manière qui prouve qu’il avait pour lui l’estime la plus sincère et qu’il avait la plus haute opinion de ses capacités, de son savoir et de son intégrité.
Nous avons donné un exemple, dans un chapitre précédent, de sa candeur et de son ingénuité dans l’aveu de la Hierarchia Ecclesiastica, attribuée à Denys, l’Aréopagite. Plus tard, lorsque le doyen Colet eut introduit dans sa cathédrale la coutume de lire des conférences sur une partie ou une autre des Écritures, il engagea Grocyn, comme l’un des hommes les plus savants et les plus capables qu’il pût rencontrer, pour mettre son projet à exécution.
Il mourut à Maidstone au commencement de l’année 1522, à l’âge de quatre-vingts ans, d’une attaque de paralysie. Il fut enterré dans le chœur de l’église de Maidstone. Le docteur Linacre était l’exécuteur testamentaire et le légataire universel ; et son filleul, William Lily, le grammairien, avait légué par elle un legs de Jive shillings !*
* Biographie britannique, vol. I, pp. 326-329. Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 6, etc.
William Latimer devint fellow du All Soul’s College, à Oxford, en 1489. Par la suite, il voyagea en Italie et s’installa pendant un certain temps à Padoue, où il s’améliora beaucoup, particulièrement dans la langue grecque. De retour en Angleterre, il fut incorporé maître ès arts à Oxford en 1513 ; et eut peu après pour élève Reginald Pole, qui devint cardinal et archevêque ; et par l’intérêt duquel il obtient, dit-on, les presbytères de Saintbury et de Weston-under-edge, dans le Gloucestershire, et un prébendier de Salisbury.
Quand Érasme était à Oxford, Latimer lui était utile dans l’étude de la langue grecque ; et lorsqu’il préparait la seconde édition de son Testament grec pour la presse, il le supplia de l’aider, sachant qu’il était exact dans la langue.
Nous n’avons rien de ce savant, qui était, comme nous l’avons fait par Érasme, un homme d’une modestie plus que virginale, sous laquelle était voilée la plus grande valeur. Il mourut très âgé et fut enterré dans le chœur de l’église de Saintbury. Il était considéré comme l’un des plus grands hommes de ce temps ; un maître de toutes les connaissances sacrées et profanes. Leland célèbre aussi son éloquence, son jugement, sa piété et sa générosité.+
+ Biographie britannique, vol. i, pp. 328, 329. Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 100. 6 et 9.
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JEAN COLET, le grand et excellent doyen de Saint-Paul, et dont l’histoire est intimement liée à celle de la littérature sacrée, naquit à Londres, en l’an 1466. Il était le fils aîné de messire Henry Colet, chevalier, qui fut deux fois lord-maire. Sa mère était une femme d’une grande valeur et d’une piété exemplaire. « J’ai connu en Angleterre, dit Érasme, la mère de Jean Colet, matrone d’une piété singulière. Elle eut du même mari onze fils et onze filles ; tous lui furent arrachés par la mort, à l’exception de son fils aîné ; et elle perdit son mari fort avancé en âge. Elle-même, quoiqu’arrivée à sa quatre-vingt-dixième année, avait l’air si lisse et si gaie, qu’on eût dit qu’elle n’avait jamais versé une larme, ni mis au monde un enfant ; et, si je ne me trompe, elle survécut à son fils, le doyen Colet. Or, ce qui donnait à une femme un tel degré de force, ce n’était pas l’instruction, mais la jouissance envers Dieu. C’est probablement à ses instructions et à son exemple que son fils fut redevable de ces impressions religieuses qui donnèrent de bonne heure à son esprit un penchant en faveur d’une vie pieuse et sainte.
En 1483, notre étudiant fut envoyé à l’université d’Oxford, où il passa sept ans dans l’étude de la logique et de la philosophie, puis obtint ses diplômes en arts. Il connaissait bien les écrits de Cicéron et lisait avec beaucoup d’assiduité les traductions latines des œuvres de Platon et de Plotin, le grec n’étant alors enseigné dans aucune de nos écoles de grammaire ; Il a également fait des progrès considérables dans les mathématiques.
Ayant résolu d’entrer dans l’église, il fut présenté, alors qu’il n’avait que dix-neuf ans, et seulement dans l’ordre d’un acolythe, au presbytère de Denington, dans le Suffolk, par Sir William Knevit, chevalier, et sa dame. Il fut aussi institué au presbytère de Thyrning, dans le Huntingdonshire, sur la présentation de son père, en 1490 ; qu’il démissionna avant la fin de l’année 1493.
Afin d’acquérir la connaissance de la langue grecque, d’approfondir et d’étendre ses connaissances avec les langues et les sciences qu’il avait déjà étudiées, ainsi que d’élargir le cercle de ses amis littéraires, il visita la France et l’Italie. À Paris, il fréquenta le célèbre Budée, Deloine et l’historien Robert Gaguinus. En Italie, il contracta une liaison avec plusieurs étrangers instruits et plusieurs de ses compatriotes, en particulier Grocyn, Linacre, William Latimer et William Lily. Il fut aussi, pendant le temps de ses voyages, présenté à la prébende de Botevant, dans l’église cathédrale d’York ; à cela s’ajoutaient un canonicat dans l’église Saint-Martin-le-Grand, à Londres, et la prébende de la Bonne Pâque, dans la même église.
Il semble qu’il soit revenu de ses voyages en 1497, et le 17 décembre de la même année, il fut ordonné diacre et prêtre peu de temps après. Il ne resta pas longtemps avec ses amis de Londres, avant de se retirer à Oxford, afin de poursuivre ses études avec plus de succès. Dans cette situation, cependant, il n’était ni inactif ni inutile. Il lisait gratuitement des conférences publiques à l’université, en guise d’exposé sur les épîtres de saint Paul : et quoiqu’il n’eût pris aucun grade en théologie, il n’y avait pourtant, nous dit-on, ni docteur en théologie ni en droit, ni abbé, ni aucun autre dignitaire dans l’église, qui ne vinsse volontiers l’entendre. et ils ont apporté leurs livres avec eux. D’autres ont suivi l’exemple ; et le Dr Knight nous assure qu’à peu près à cette époque, il devint « presque une coutume pour les hommes de cette université de mettre en place des conférences volontaires, en guise d’exposition et de commentaire sur quelque écrivain célèbre : auxquelles les étudiants se rattachaient, plus ou moins, selon l’opinion qu’ils avaient des hommes et de leurs performances. Entre autres, nous sommes certains que M. Thomas More a lu le livre de saint Austin, De Civitate Dei, alors qu’il était très jeune, à un très grand auditoire. Cet exercice a également été réalisé à pied à Cambridge. Un savant auteur nous dit que le Dr Warner, plus tard recteur de Winterton, dans le Norfolk, et qui assista Bilney sur le bûcher, y lut publiquement. George Stafford lut aussi au même endroit une conférence sur l’épître de saint Paul aux Romains ; probablement induit à cela par l’exemple plus particulièrement du docteur Colet.
Vers cette époque, Érasme visita l’Angleterre, avec laquelle Colet se lia bientôt d’une amitié intime, qu’il s’efforça d’améliorer jusqu’à une connaissance plus exacte et plus critique des Écritures. Dans ce dessein, il proposa à Érasme quelques doutes et quelques interrogations relatives à certains passages obscurs et difficiles des épîtres de saint Paul ; mais Érasme, avec cette prudence timide qui marquait si fortement son caractère, répondit : « Puisqu’il est dangereux de discuter ouvertement de ces choses, j’aimerais mieux les réserver à notre conversation particulière, comme plus propres à la bouche à oreille qu’à l’écriture. » Colet apprit aussi à Érasme qu’il était résolu à bannir, s’il était possible, les querelles des théologiens scolastiques, et à rétablir les études théologiques fondées sur les Écritures et les Pères primitifs ; et qu’à cette fin il avait exposé publiquement à Oxford les épîtres de saint Paul ; et le pressa instamment d’entreprendre une exposition publique semblable d’une partie de l’Ancien Testament, tandis qu’il était lui-même employé au Nouveau. Érasme, cependant, refusa l’entreprise, mais exhorta Colet à persévérer dans son louable dessein, l’assurant que, lorsqu’il aurait conscience d’un degré suffisant de force et d’habileté, il lui prêterait volontiers son concours. Cette amitié se maintint jusqu’à la fin de leur vie, et la correspondance de ces deux grands hommes servit à les animer dans la poursuite de la science biblique, dans laquelle ils rencontrèrent une opposition fréquente et violente, surtout de la part des docteurs scolastiques, qui étaient si furieux de toute tentative de promouvoir l’étude de la langue grecque. qu’ils ne pouvaient s’empêcher de proférer des invectives contre elle du haut de la chaire ; et s’efforça de l’étouffer par le cri d’hérésie. D’où le proverbe : Cave a Greeds, ne fias Heereticus ; Fuge literas Hebræas, ne fias Judæorum similis. — « Prends soin du grec, de peur que tu ne deviennes hérétique ; évite l’hébreu, de peur que tu ne devennes juifs. » Standish, évêque de Saint-Asaph et provincial des franciscains, dans une déclamation contre Érasme, l’appela GRÆCULUS ISTE ; qui devint longtemps après l’expression pour un hérétique, ou soupçonné de « pravation hérétique ».
Cette aversion pour l’étude de tout ce qui tendait à diminuer l’autorité des scolastiques, ou à répandre la connaissance des Écritures originales, s’est acquise pendant tout le règne de Henri VII et le commencement du règne de Henri VIII. Vers cette dernière époque, un prédicateur d’Oxford se déclara ouvertement, à Sainte-Marie, contre l’innovation pernicieuse de la langue grecque ; et il souleva une telle effervescence parmi les étudiants, que le roi, qui était alors à Woodstock, ayant été correctement informé par M. Thomas More et le savant Richard Pace, de la véritable cause de l’agitation, envoya ses lettres royales à l’université, pour permettre et encourager cette étude parmi les jeunes gens. Peu de temps après, un théologien, qui prêchait à la cour, déclama et s’insurgea violemment contre l’étude du grec et les nouvelles interprétations de l’Écriture. Richard Pace (qui succéda plus tard à Colet comme doyen de Saint-Paul) était alors présent, et jeta les yeux sur le roi, pour voir combien il était affecté par le discours ; et le roi sourit à Pace, au mépris des invectives du prédicateur. Après le sermon, Henri envoya chercher le divin qui avait prêché, et convoqua une discussion solennelle, à laquelle il se proposa lui-même d’assister, dans le but de débattre la question entre le prédicateur qui s’opposait à l’usage de la langue grecque et M. Thomas More qui le défendait. Quand le moment fixé fut venu, More commença par des excuses éloquentes en faveur de cette langue abondante et ancienne. Mais le divin, au lieu de répondre aux arguments de More, tomba à genoux et implora le pardon du roi pour l’offense qu’il avait faite en chaire, s’efforçant de s’excuser en disant que « ce qu’il avait fait était sous l’impulsion de l’Esprit. » — Non pas de l’esprit du Christ, répliqua Henri, mais de l’esprit d’engouement. Le roi lui demanda alors s’il avait lu les écrits d’Érasme, contre lesquels il avait déclamé. À cela, il répondit par la négative. « Eh bien, dit le roi, vous êtes bien sot de censurer ce que vous n’avez jamais lu ? » « J’ai lu, dit-il, quelque chose qu’on appelle la Moria » (Moriæ Encomium, l’Éloge de la folie). — Oui, répondit Pace, s’il plaît à Votre Altesse, un tel sujet convient à un tel lecteur. À la fin, le prédicateur, pour se décourager, déclara qu’il était maintenant mieux réconcilié avec la langue grecque, parce qu’elle était dérivée de l’hébreu. Sur quoi le roi, qui s’étonnait de l’ignorance de l’homme, le congédia ; mais avec l’ordre exprès qu’il ne prêcherait plus jamais à la cour.
En 1502, Colet fut nommé prébendier de Durnesford, dans l’église de Sarum ; et le 20 janvier 1503-4, il se démit de sa prébende de Pâques. En 1504, il reçut le grade de docteur en théologie. Le 5 mai 1505, il fut institué à la prébende de Mora, dans l’église cathédrale de Saint-Paul ; et, la même année et le même mois, sans la moindre sollicitation de sa part, il fut élevé à la dignité de doyen de Saint-Paul, ce qui lui permit de démissionner du presbytère de Stepney.
Le docteur Colet ne tarda pas à se distinguer dans l’importante station à laquelle il était maintenant destiné. Il rétablit et réforma la discipline délabrée de son église cathédrale, et commença ce qui était là une pratique nouvelle, en prêchant lui-même les dimanches et les fêtes solennelles. Dans cette prédication, il ne se limita pas à des textes isolés de l’Évangile ou de l’Épître pour la journée, mais choisit des sujets plus généraux, tels que l’Évangile de saint Matthieu, le Notre Père, le Credo des Apôtres, et continua une série de discours sur eux jusqu’à ce qu’il eût terminé la discussion des doctrines qu’ils soutenaient. Son auditoire était généralement bondé, et parmi ses auditeurs se trouvaient les principaux courtisans et citoyens. Il appela aussi à son aide d’autres théologiens instruits et talentueux, parmi lesquels William Grocyn et John Sowle, un frère carmélite d’une vie irréprochable, et un grand admirateur et prédicateur des écrits de saint Paul.
La prédication fréquente du doyen Colet, dans sa propre cathédrale, incita quelques autres à suivre son exemple, en particulier le Dr Collingwood, à Litchfield, qui introduisit la pratique de prêcher tous les dimanches, étant le premier et le seul prédicateur parmi tous les doyens de cette cathédrale. Avant que le docteur Colet ne réformât la pratique , il avait été d’usage, tant dans les universités que dans les églises cathédrales, que les conférenciers publics lisaient sur un autre livre que les Écritures ; mais après qu’il eut lui-même lu des conférences sur les épîtres de saint Paul, tant à l’université d’Oxford qu’à la cathédrale de Saint-Paul, et qu’il eut retenu les services de plusieurs savants, Successivement, pour lire ces conférences théologiques dans son église, pour lesquelles il leur accordait une généreuse allocation, il finit par se procurer un établissement à Saint-Paul pour qu’une conférence semblable y fût constamment lue, trois jours par semaine.
Ces conférences sur la théologie, et le Dr. La méthode d’explication des Écritures de Colet, qui souleva parmi le peuple une enquête sur les écrits sacrés, fut négligée par les contestataires métaphysiques et par le clergé superstitieux et ignorant. Ceci, joint au mépris que le doyen exprimait pour les maisons religieuses ou les monastères, et à l’étalage qu’il faisait de leurs abus, contribua sans doute à préparer l’esprit du peuple à la Réforme, qui, par la gracieuse providence de Dieu, eut lieu peu de temps après. Il n’est donc pas étonnant que les fanatiques du papisme l’aient considéré comme un ennemi et aient tenté d’exciter la persécution contre lui. Les ecclésiastiques furent piqués au vif pour se venger, et un procès fut engagé contre lui pour hérésie, dans lequel le docteur Fitzjames, évêque de Londres, était le principal agent. Les principaux chefs d’accusation retenus contre lui à l’archevêque Warham étaient au nombre de trois ; la première était qu’il avait enseigné qu’il ne fallait pas adorer les images ; la seconde, qu’il avait prêché contre les possessions temporelles des évêques ; et la troisième, qu’il avait prêché contre la manière froide et sans affectation dont certains hommes lisaient leurs sermons, ce qui était compris comme rejaillissant sur l’évêque lui-même. Mais l’archevêque, qui connaissait et estimait l’intégrité et la valeur de Colet, devint son avocat et son protecteur, et le congédia sans lui donner la peine d’une réponse formelle. Tyndal, dans sa réponse à More, ajoute que l’évêque de Londres aurait fait de Colet un hérétique, pour avoir traduit le Pater Noster en anglais, si l’archevêque de Cantorbéry ne l’avait défendu : et l’évêque Latimer, qui était alors un jeune étudiant à Cambridge, se souvint du bruit occasionné par la poursuite de Colet pour hérésie. et il dit expressément que « non seulement il était dans la détresse, mais qu’il aurait été brûlé, si Dieu n’avait pas tourné le cœur du roi vers le contraire. »
Les ennemis du doyen ne furent pas facilement repoussés. Déçus dans leur accusation d’hérésie, ils essayèrent de fixer sur lui un soupçon de sédition ou de trahison. En cela, ils ont également été déjoués ; pour le jeune roi (Henri VIII.) l’envoya chercher, et lui conseilla en particulier d’aller de l’avant, de réprimander et de réformer un siècle corrompu et dissolu, et de ne pas souffrir que sa lumière s’éteignît dans des temps si sombres ; l’assurant qu’il était sensible au bon effet de son excellente prédication et de sa vie, et lui promettant que personne ne lui ferait impunément de mal. Le doyen remercia le roi de sa protection royale, mais le pria de ne souffrir pour personne à cause de lui, car il préférait, disait-il, renoncer à son doyenné et vivre dans l’intimité. Une autre attaque fut faite contre le doyen, de même nature, mais qui fut également infructueuse ; le roi le congédia avec des marques d’affection et des promesses de faveur. Après cela, le doyen continua sa malédiction constante de prêcher, bien qu’il semble n’avoir jamais retrouvé son caractère d’orthodoxie avec les bigots de son église.
Sur ces entrefaites, son père, messire Henry Colet, étant mort en 1510, il hérita d’un domaine très considérable. Il remit donc à son intendant les revenus de son église, pour qu’ils soient dépensés en ménage et en hospitalité ; et employa le produit annuel de son domaine paternel à des actes de piété, de bienfaisance et de générosité. N’ayant pas de parents très proches ou très pauvres, il fonda la Grammar School de Saint-Paul, à Londres, qu’il dota de terres et d’immeubles pour l’entretien d’un directeur, d’un second maître ou huissier et d’un aumônier, pour l’instruction de cent cinquante-trois garçons dans les langues grecque et latine, et la plaça sous la garde d’une compagnie de merciers. Le doyen nomma également WILLIAM LILY au poste de premier directeur de son école.♦
♦Le célèbre grammairien, William Lily, ou Lilye, naquit à Oldham, dans le Hampshire, vers 1466. À l’âge de dix-huit ans, il fut admis au Magdalen College d’Oxford. Après avoir obtenu le diplôme de bachelier ès arts, il quitta l’université et se rendit à Jérusalem. À son retour, il résida un temps considérable dans l’île de Rhodes, où il étudia le grec sous la direction des savants qui s’y étaient réfugiés après la prise de Constantinople. De là, il se rendit à Rome, où il se perfectionna encore dans le La״n et le grec À son arrivée en Angleterre, en 1509, il s’installa à Londres, et enseigna la grammaire, la poésie et la rhétorique, avec un bon succès, et on dit qu’il fut le premier à enseigner le grec dans cette ville. Lorsque le Dr Colet a fondé l’école Saint-Paul, il a été nommé directeur. Il y avait douze ans qu’il était dans cette situation laborieuse et utile, lorsqu’il fut saisi de la peste et mourut en 1522. Il était marié au moment de sa nomination à l’école. Ses deux fils, George et Peter, étaient tous deux des hommes instruits. L’aîné d’entre eux a publié la première carte exacte qui ait jamais été dessinée de cette île. M. Lily avait aussi une fille nommée Dionysia, qui fut mariée à John Ritwyse, huissier, et qui lui succéda plus tard à la direction de l’école Saint-Paul.
Lily avait le caractère d’une excellente grammairienne et d’une excellente enseignante des langues apprises. Il publia plusieurs petites pièces latines, principalement des poèmes et des discours. Son principal ouvrage, ou du moins celui par lequel il est le plus connu, est Brevissima Institutio, seu ratio grammatices cognoscendce ; Londres, 1513 ; communément appelé « Grammaire latine de Lily ». C’était un très excellent travail pour l’époque. La grammaire de l’évêque Wettenhall, la grammaire d’Eton, et une multitude d’autres, n’en sont que des abrégés. Les rudiments anglais en ont été écrits par le Dr Colet ; la préface du cardinal Wolsey ; la syntaxe principalement d’Érasme ; et les autres parties par d’autres mains ; de sorte que, bien qu’il porte le nom de Lily, il n’eut probablement pas la plus grande part à l’ouvrage, et c’est pourquoi, de son vivant, il refusa modestement l’honneur de le lui faire attribuer. Il a depuis été grandement amélioré et a connu d’innombrables éditions. Voir Brit. Biog., vol. i, p. 384, 385 ; et Clarke’s Bibliog. Diet., vol. IV, p. 19.
En 1511, à l’ouverture de la convocation de la province de Cantorbéry, l’archevêque Warham nomma le doyen Colet pour prêcher le sermon latin à cette occasion. Dans ce sermon, qui existe encore, il attaqua les corruptions de l’Église et du clergé de la manière la plus chaleureuse et la plus fougueuse. Son texte est tiré de l’épître de saint Paul aux Romains, ch. xii, verset 2 : « Ne vous conformez pas à ce monde, mais soyez transformés, » etc. En traitant de la conformité au monde, il expliqua ce qu’il entendait sous quatre chefs : l’orgueil diabolique, les convoitises charnelles, la convoitise mondaine et les affaires séculières. « Ceux-là, dit le doyen, sont dans le monde, comme en témoigne saint Jean, qui dit que tout ce qui est dans le monde est ou la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, ou l’orgueil de la vie. » Et ces mêmes choses règnent maintenant si bien dans l’Église et parmi les personnes ecclésiastiques, que nous pouvons, d’une certaine manière, dire en vérité que tout ce qui est dans l’Église est soit la convoitise de la chair, soit la convoitise des yeux, soit l’orgueil de la vie. Il se mit ensuite à discuter, de la manière la plus hardie et la plus vive, les différents sujets qu’il s’était proposés ; et il termina par une adresse précise aux évêques, insistant sur la nécessité d’une réforme et d’un exercice immédiat et ferme de la discipline, conforme aux canons de l’Église, qu’il proposait de lire dans cette convocation.
Son honnêteté et son zèle contre les corruptions du clergé augmentèrent le nombre de ses ennemis, mais, protégé par le roi, il échappa à l’avilissement et au martyre qu’il eût probablement souffert, avec un protecteur moins puissant ; et, sous la sanction de la royauté, succéda à d’autres avantages que ceux dont nous avons déjà parlé. Il fut recteur de la confrérie ou gilde de JÉSUS, dans l’église Saint-Paul, pour laquelle il obtint de nouveaux statuts, et aussi chapelain et prédicateur ordinaire du roi Henri, et, si Érasme ne se trompait, membre de son conseil privé. Vers sa cinquantième année, il prit la résolution de se retirer de la vie active et de passer le reste de ses jours dans la retraite ; mais il en fut empêché par la mort : car, étant pris de la maladie de la sueur, « il se retira dans le logement qu’il avait construit dans le monastère des Chartreux à Sheen, près de Richmond, dans le Surry ; quand, après avoir passé le peu de temps qui lui restait dans la dévotion, il rendit son dernier soupir à Celui qui l’avait donné le premier, le 16 septembre 1519. Son corps fut ensuite transporté à Londres, et enterré dans l’église cathédrale de Saint-Paul, avec un humble monument qu’il avait plusieurs années auparavant fait établir et préparer, avec seulement cette inscription : Joannes Coletus.
Le doyen, quant à sa personne, était grand et avenant, et son air et son port gracieux. Son savoir était considérable et sa piété exemplaire. En tant que prédicateur, il était éloquent et nerveux. Dans ses biens, ses meubles, ses divertissements, ses vêtements et ses livres, il était propre et soigné, mais méprisait tout état et toute magnificence : et tandis que le haut clergé était généralement vêtu de pourpre, son costume était toujours noir et uni. Frugal à ses repas, il avait l’habitude pendant de nombreuses années de ne manger qu’un seul repas, celui du dîner. Dès qu’on avait dit la grâce avant la viande, un garçon, d’une belle voix, lisait distinctement un chapitre d’une des épîtres de saint Paul, ou des Proverbes de Salomon ; De là, le doyen saisit l’occasion d’introduire une conversation sérieuse et enrichissante, par laquelle ses hôtes furent rafraîchis d’esprit aussi bien que de corps. D’autres fois, alors qu’il n’avait pas de compagnon agréable, l’un de ses serviteurs lisait une partie des Saintes Écritures. « Dans ses voyages, il me faisait quelquefois, dit Érasme, son compagnon, quand personne ne pouvait être plus aimable ; mais il avait toujours un livre sur lui, et sa conversation tournait entièrement autour DU CHRIST. Il aimait les petits enfants, et les comparait, comme Jésus, à des anges, pour l’innocence et la simplicité. Glorifier Dieu, et être utile aux hommes, semblait être le grand but de sa vie ; ce qui fit dire à Érasme, lorsqu’il apprit sa mort : « Je sais que son état est heureux ; Il est maintenant délivré d’un monde troublé et méchant, et jouit-il ? la présence de son Rédempteur Jésus, qu’il a aimé si affectueusement dans sa vie. *
* Biographie britannique, vol. I, pp. 361-402. Jortin’s Life of Erasmus, vol. III, App., No. II, p. 14 à 25.
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Tel était le doyen Colet, un homme qui, au milieu des ténèbres du siècle, brillait comme une lumière dans un pays obscur ; et qui mérite d’être rangé parmi ceux qui ont été essentiellement utiles à la diffusion de la connaissance de l’Écriture ; un honneur pour son pays, une bénédiction pour la postérité.
On commença alors à accorder une attention croissante à la langue grecque, comme langue originelle du Nouveau Testament ; et telle était la vénération de certaines personnes pour cette raison, que, bien qu’ils ne comprenassent pas la langue elle-même, cependant, parce que c’était le texte original, ils la firent interligner dans leurs copies de la Vulgate. Le Dr Hody mentionne un manuscrit de ce genre, conservé à la bibliothèque du Corpus Christi College, à Oxford, exécuté de la plus belle manière, sur parchemin, en deux volumes in-folio. Le latin s’écrivait en noir et le grec à l’encre rouge.♦
♦Hody, De Bibl. Text. Orig., lib. iii, pt. ii, cap. xii, p. 458.
C’est ainsi que la divine Providence préparait la voie à la réforme de son Église et à la renaissance de la littérature sacrée de cet état de profonde ignorance dans lequel elle avait été plongée pendant des siècles. De nombreux exemples de cette désuétude générale des Saintes Écritures parmi le clergé et les membres de l’Église de Rome qui précéda l’âge de Luther, et de la nécessité d’une intervention puissante pour briser les chaînes de la superstition la plus servile, et pour sauver le livre sacré de l’esclavage dans lequel il était retenu, ont déjà été présentées ; et si nous passons de nouveau sur le CONTINENT, et que nous examinions l’état des pays où la grande délivrance a été opérée pour la première fois, cela doit ajouter à notre gratitude, pour l’intervention gracieuse et énergique de ce Dieu dont la parole est LA VÉRITÉ.
Plusieurs monastères allemands n’avaient pas de bibliothèque publique à l’usage des moines, et dans certains d’entre eux on ne trouva pas un seul exemplaire des Écritures. Avant la publication du Testament grec par Érasme, on ne pouvait pas se procurer un exemplaire dans toute l’Allemagne ; de sorte que Conrad Pellican fut obligé d’en obtenir un d’Italie. Dans certaines églises, on lisait l’Éthique d’Aristote et d’autres ouvrages semblables à la place des sermons, pratique qui, en certains endroits, avait subsisté depuis l’époque de Charlemagne ; dans d’autres, les œuvres de Thomas d’Aquin ont été expliquées ; et dans quelques-uns, des conférences sur les poètes païens ont été prononcées, là où la parole de Dieu aurait dû être prêchée. Les langues originales des Écritures étaient non seulement généralement négligées, mais leur étude était méprisée. Conrad Heresbachius raconte qu’il entendit un moine déclamer dans une église, qui affirmait : « Une nouvelle langue est découverte, appelée grec, et elle est la mère de toute hérésie. Un livre écrit dans cette langue est partout entre les mains des personnes, et s’appelle le Nouveau Testament. C’est un livre plein de poignards et de poison. Une autre langue a également vu le jour, appelée l’hébreu, et ceux qui l’apprennent deviennent juifs. Même le latin, langue commune de leurs offices religieux, était si peu compris par le clergé monastique, qu’ils commettaient les fautes les plus ridicules, tant dans l’exercice de leurs fonctions que dans leurs écrits : on rapporte l’exemple de l’un d’eux, qui, au lieu de la forme habituelle dans le baptême, avait coutume de dire : « Baptizo te in nomine Patria, et Filia, et Spiritus Sancti d’un autre, qui, après avoir reçu des lettres de recommandation pour des ordres, formulait en ces termes : « Otto Dei gratia, rogat vestram clementiam, ut velitis istum clericum conducere ad vestrum Diaconum et reçut l’ordre de lire l’épître, qui était considérablement abrégée dans l’écriture, était si complètement ignorant du latin qu’il a formé les abréviations en ces mots sans signification : « Otto Dei gram, rogat vestram clam, ut velit istum clincum clancum, convertere in vivum Diabolum et d’un troisième, qui pour famulus Dei, répétait constamment « mulus Dei ».♦
♦ Lomeier, De Bibliothecis, cap. viii, p. 155, 180. Hody, De Bibl. Text. Orig., t. II, lib. III, p. 464 et 465. Hottingeri Analecta Historico-Theologica : diss, i, De Necessitate Reformations, pp. 12, 52. Tigurin, 1652, 12mo.
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L’ignorance la plus grossière des Écritures régnait, non seulement parmi les laïcs, mais aussi parmi beaucoup de membres du clergé. Des grades en théologie étaient conférés à ceux qui n’avaient presque jamais lu la Bible ; et un grand nombre de divins étaient bien avancés dans la vie avant même d’en avoir vu un seul ! En l’an 1510, l’université de Witemberg inscrivit dans ses actes André Carolostad, qui devint plus tard l’un des réformateurs, comme étant suffisantissime, pleinement qualifié pour le grade de docteur, qu’il reçut alors, bien qu’il reconnut plus tard qu’il ne commença à lire la Bible que huit ans après avoir reçu ses honneurs académiques. Albert, archevêque et électeur de Mentz, ayant trouvé par hasard une Bible sur une table, en 1530, l’ouvrit, et après en avoir lu quelques pages, s’écria : « En vérité, je ne sais pas ce que c’est que ce livre ; mais ce que je vois, c’est que tout est contre nous. Gérard Listrius, dans sa note sur le Moriœ Encomium d’Érasme, dit : « J’ai connu beaucoup de docteurs en théologie, comme on les appelait, qui ont candidement reconnu qu’ils avaient cinquante ans avant d’avoir lu les épîtres de saint Paul, et Musculus affirme qu’avant la Réforme, « beaucoup de prêtres et de pasteurs n’avaient pas même vu une Bible. Ceux qui s’adonnaient à l’étude des Écritures étaient des objets de dérision et traités comme hérétiques ; tandis que les défenseurs de la philosophie aristotélicienne étaient considérés comme les oracles de la sagesse et les seuls vrais théologiens.
Les théologiens de Cologne publièrent un ouvrage, intitulé De Salute Aristotelis, « Aristote sur le salut » et un autre, illustré de notes théologiques, portant le titre de De vita et morte Aristotelis , « Aristote sur la vie et la mort » et se terminant par cette phrase : « Aristote était le précurseur du Christ dans le royaume de la nature, comme Jean-Baptiste l’était dans le royaume de la nature. le royaume de la grâce. Même la Bible elle-même a été ignorée, ou remarquée avec mépris. Jean Faber, chanoine de Leutkirch, et suffragant de Constance, et plus tard évêque de Vienne, déclara impieusement que les hommes « pouvaient vivre paisiblement et amicalement ensemble, sans l’Évangile et le cardinal Hosius affirma hardiment qu'« il aurait été préférable pour l’Église (de Rome) que l’Évangile n’eût jamais été écrit ».♦
♦Hotingeri Analecta, diss. 1, pp. 1-82. Lomeier, De Bibliothecis, cap. viii, pp. 166, 167. Hody, ut sup.
Cette opinion sur l’état dégradé de la littérature sacrée, avant la Réforme, est encore confirmée par l’extrait suivant du savant historien de la Confédération helvétique :
La généralité du sacerdoce ne se faisait pas scrupule de reconnaître son insuffisance dans les parties les plus élémentaires de l’instruction. Les chanoines de la collégiale de Zuric ayant à notifier une élection à l’évêque de Constance, confessèrent qu’ils la transmettaient de la main de leur notaire, parce que plusieurs d’entre eux ne savaient pas écrire !■ Dans l’examen pour les ordres sacrés, il fut jugé amplement suffisant que le candidat sût lire et comprendre passablement ce qu’il lisait : ♦♦ même après que la Réforme eut fait quelques progrès, le peuple croyait fermement, et les prêtres le confirmèrent dans la persuasion, que les cloches se rendaient chaque semaine de la passion à Rome pour recevoir un nouveau baptême ; et que les exorcismes des prêtres pouvaient dissiper efficacement les essaims de sauterelles et toutes sortes d’insectes. Lorsque, dans une assemblée du clergé valaisan, il fut question de la Bible, un seul des prêtres avait jamais entendu parler d’un tel livre : et plusieurs, en d’autres occasions, ne se firent pas scrupule de déclarer que ce serait un avantage pour la religion s’il n’existait pas d’Évangile ; et que l’étude des langues grecque et hébraïque sentait beaucoup l’hérésie.
♦♦ Le rapport de l’examen de Léonard Brun pour les ordres sacerdotaux, peu de temps avant la Réforme, était : « Bene legit, competenter exponit et sententiat, computum ignorât, male cantat – Fiat admissio. » "
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« Cependant, si le clergé, dans cet état d’ignorance impardonnable, continue l’auteur, avait maintenu un décorum dans sa conversation et dans ses manières, il aurait pu conserver encore un certain degré de respect et d’influence, qui aurait probablement quelque peu retardé les progrès de la Réforme. Mais la prodigalité même des têtes de l’église était arrivé à un point qu’il n’était plus possible de tolérer ou de pallier. Sans s’appesantir sur les nombreux exemples flagrants de dépravation, qui ne sont pas déguisés même par les écrivains ecclésiastiques de l’Église romaine, tous les hommes doivent éprouver une conviction douloureuse lorsqu’ils apprennent, par les accusations portées par les citoyens de Lausanne, contre leur clergé, que les prêtres usaient souvent, même dans les églises et au milieu du service divin : de frapper les personnes à qui ils portaient de la rancune, et dont quelques-unes étaient mortes de leurs blessures ; qu’ils se promenaient dans les rues la nuit, déguisés en habits militaires, brandissant des épées nues et insultant les habitants paisibles ; et que les viols, les violences et les insultes fréquents qu’ils ont commis n’ont jamais été punis, ni même retenus. Voici les termes de l’article dix-huitième : « Nous avons aussi à nous plaindre des chanoines, de ce qu’ils diminuent les profits de notre bordel de ville, plusieurs d’entre eux se livrant au trafic de la prostitution dans leurs propres maisons, qu’ils ouvrent à de nouveaux venus de toute espèce. »♦♦ Ce n’est pas une petite corroboration des clameurs méritées qui s’élevèrent contre le clergé, que leur propre avocat et protecteur zélé, Charles-Quint, leur déclara publiquement que, si leur vie avait été moins répréhensible, ils n’auraient jamais eu à lutter contre un Martin Luther.♦
♦♦ Ces accusations se composent de vingt-trois articles, et sont données en détail dans l’Hist, de la Reform, de la Suisse, tom. t. I, p. xxxii. Ils sont de l’année 1533.
♦ Histoire de la Confédération helvétique de Planta, vol. II, b. ii, ch. vi, pp. 358-363. Londres, 1807, in-8°.
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D’un détail aussi affreux de la dépravation, conséquence principale, de cette ignorance universelle de la parole de Dieu qui avait été studieusement induite par les mandats inhibiteurs du pouvoir papal et les mesures restrictives du clergé romain, nous nous tournons avec satisfaction vers quelques exemples d’une nature très différente et plus éclairée. Car, au milieu de l’obscurité générale, on trouva des personnages dont les poursuites et les études jetaient des rayons de lumière sacrée à travers « l’obscur palpable ». Jacobus Faber, de Daventer ; Joannes Frobenius, le célèbre imprimeur ; mais surtout Desiderius Erasmus, méritent d’être remarqués pour leur promotion de l’apprentissage biblique.
JACOBUS FABER, de Daventer, naquit en 1472. Son précepteur était Alexandre Hégée, qui était aussi l’instructeur d’Érasme. En 1499, il publie un poème héroïque. Par la suite, il devint le lecteur de la seconde classe de Daventer, et édita les œuvres de son maître ; dont il dédia une partie à Érasme, en 1503. En 1511, il édita les « Distiques de Caton », avec des ajouts. Vers la même époque, Jacobus Faber Stapulensis (Jacques Le Fevre, d’Estaples) lui offrit un exemplaire de son Quintuple Psautier, imprimé en 1509. De nombreux manuscrits de la main de Jacobus Faber de Daventer existent encore dans la bibliothèque de cette ville, parmi lesquels se trouvent des traductions latines des canons grecs et de la ménologie. Il semble avoir été un transcripteur infatigable des manuscrits bibliques, car sur la première page d’un manuscrit ayant appartenu à Faber, J. C. Wolfius, de Hambourg, a fait la note suivante : « J’ai un manuscrit hébreu de la Genèse et de l’Exode, avec le nom de Faber écrit au début et à la fin. » Le même savant possédait aussi un manuscrit du Nouveau Testament grec, transcrit par Faber, qui fut ensuite acheté par Wetstein, dans la bibliothèque de Wolfius, et collationné pour son Testament grec. Il contient les livres suivants du Nouveau Testament, dans cet ordre : Jean, Luc, Matthieu, Marc ; les Épîtres de saint Paul ; les Lois ; et les épîtres catholiques (ou générales) : l’épître de Jude est écrite deux fois, et à partir de deux copies différentes. Jacobus Faber l’a copié d’après un manuscrit écrit au Mont Athos, en 1293, par Théodore, l’auteur également d’un manuscrit grec des quatre Évangiles, conservé dans la bibliothèque de Christ Church, à Oxford. L’ancien manuscrit que Faber a copié, ou avec lequel il a collationné sa transcription, était celui qui avait été offert de la bibliothèque du Vatican à Jean Herman Wesselus, de Groningue, par le pape Sixte IV. Au début se trouve une note, dont voici le texte : « J’ai collationné plus d’une fois, avec beaucoup de soin et de travail, les quatre Évangiles, avec un ancien manuscrit sur vélin, ayant appartenu à J. Wesselus, de Groningue. Le travail que cela m’a occasionné, je ne peux pas facilement le dire, car je n’ai rencontré personne pour m’aider dans la collation. Il vivait en 1517. L’époque de sa mort est incertaine.+
* Voir page 531 de ce volume.
+ Jorton’s Life of Erasmus, vol. i, p. 104, note. Marsh’s Michaelis, vol. II, t. I, ch. viii, p. 360.
JEAN FROBENIUS, ou FROBEN, était l’un des imprimeurs les plus célèbres de son temps. Il était originaire de Hammelburg, en Franconie. Il fit ses études à Basile ; et, après avoir fait de grands progrès dans la littérature, il commença le commerce d’imprimeur dans cette ville. Il sélectionnait les œuvres des meilleurs auteurs pour les publier ; et n’a pas lésiné sur les moyens pour obtenir des manuscrits parfaits. Il employa des personnes du plus haut mérite littéraire, comme rédacteurs et correcteurs de la presse, pour prouver qu’il suffit de nommer Sigismond Gelenius, le savant auteur d’un lexique grec, latin, allemand et slavon, et Jean Œcolampadius, ou Hawksheim, l’un des principaux réformateurs, et l’auteur de plusieurs traductions latines des pères grecs.
La respectabilité du caractère de Froben, et son soin constant de ne jamais rien imprimer qui offense à la morale et à la religion, lui procurèrent à la fois la célébrité et l’opulence. Dans la publication des œuvres des pères, en particulier de Jérôme, il fut rejoint par Jean Amerbach, un imprimeur pieux et riche, qui avait instruit ses trois fils dans l’étude des langues grecque, hébraïque et latine, afin de les rendre aptes à éditer les œuvres de son auteur favori.
En 1514, il contracta une amitié intime pour Érasme, qui vint résider à Basile, principalement dans le dessein de publier les œuvres de Jérôme, pour lesquelles il avait fait des préparatifs considérables, où il trouva Froben et Amerbach engagés dans une entreprise semblable, qui lui confièrent la direction de l’œuvre.
Mais ce qui a donné la plus grande célébrité à Froben, c’est son impression du Nouveau Testament grec, qui a été édité par Érasme. Il s’agit de la première édition publiée du Testament grec après l’invention de l’imprimerie ; car, bien que l’édition complutentienne ait été imprimée pour la première fois, elle n’a été publiée qu’en 1522, alors qu’elle a été publiée en 1516. La conception de la publication de cette édition a été initiée par Froben, qui a engagé Érasme comme éditeur ; car Beatus Rhenanus, qui fut quelque temps l’un des correcteurs de l’imprimerie de Froben, dans une lettre adressée à Érasme, datée du 17 avril 1515, fait la proposition dans les termes suivants : « Petit Frobenius abs te Novum Testamentum, pro quo tantum se daturum pollicetur, quantum alias quisquam... » Froben vous prie d’entreprendre le Nouveau Testament, pour lequel il promet de vous donner autant que n’importe qui d’autre. Pendant le temps qu’il y travailla, Érasme logea dans la maison de Froben, ainsi qu’il appert de la souscription à la fin de la première édition, qui est : « Basiliæ, in ædibus Johannis Frobenii Hammelburgensis, Mense Februario, anno MDXVI. »
Froben commença aussi une édition des œuvres d’Augustin en dix volumes, et il avait formé le dessein d’imprimer les œuvres de tous les pères grecs, lorsque sa vie fut terminée par une paralysie universelle, qu’on supposait être la conséquence d’une chute affreuse, quelques années auparavant. Il mourut, universellement regretté par tous ceux qui le connaissaient, à Basile, en 1527.♦
♦ Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 58, 393. Marsh’s Michaelis, vol. II, t. I, ch. xii, p. 443 ; et t. II, p. 854.
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ÉRASME, qui prit quelquefois le titre de prénommé de Desiderius, naquit à Rotterdam, vers l’an 1467 ; et reçut la première partie de son éducation dans une école illustre, à Daventer, où Alexandre Hégius fut son maître, et Adrien Florentins, plus tard pape Adrien IV, fut son condisciple. À l’âge de treize ans, il perdit ses parents ; sa mère par la peste, et son père par le chagrin de sa mort. Les trois tuteurs à qui son père l’avait confié se montrèrent déshonorants et vils ; et, pour le dépouiller de son patrimoine, ils résolurent de le faire moine, ce qui le força à entrer dans un couvent de frères, à Balduc, en Brabant ; d’où il fut transporté dans un autre, à Sion, près de Delft, et de là dans un troisième, à Stein, près de Torgau. Son aversion pour l’état monastique l’amena à résister à leurs tentatives pendant quelques années ; mais enfin, vaincu par leurs efforts inlassables, il entra parmi les chanoines réguliers, et fit profession en 1486.
Il ne resta cependant pas longtemps au monastère, car en 1490 il fut reçu dans la famille d’Henri à Bergis, archevêque de Cambray ; Il obtint ensuite de Jules II, puis de Léon X, la permission de renoncer à l’habit de l’ordre et de quitter la profession monastique.
Depuis le moment où Érasme quitta son couvent jusqu’à l’époque où il publia son Nouveau Testament, il résida principalement en Angleterre et en France, et visita occasionnellement l’Italie. Dans tous les pays, il poursuivit infatigablement ses études, obtenant une subsistance précaire grâce à la générosité de ses amis littéraires, aux émoluments de l’instruction et à la publication de plusieurs de ses petites productions. Pendant plusieurs années, son esprit fut occupé du projet de publier les œuvres de Jérôme, mais surtout d’imprimer une édition du Testament grec, avec des notes. Au début de 1515, il reçut des propositions de Froben, le célèbre imprimeur de Basile, de résider dans cette ville et de devenir l’éditeur d’un Testament grec. La proposition conformément à son intention antérieure, il la transféra à Basile, et édita à la fois le Testament grec et les œuvres de Jérôme, qui parurent respectivement en l’an 1516.
Cette édition du TESTAMENT GREC d’Érasme accompagnée d’une version latine et de diverses lectures, choisies dans plusieurs manuscrits, des œuvres des pères et de la Vulgate. Il a été imprimé in-folio, sur deux colonnes, avec les notes à la fin ; et réimprimé en 1519, 1522, 1527 et 1535. La publication du Nouveau Testament suscita contre Érasme une foule d’ennemis, dont les uns blâmèrent sa témérité, tandis que d’autres s’efforçaient de lui apposer le stigmate de l’inexactitude et de l’hérésie ; et l’un des collèges de Cambridge défendit qu’on l’introduisît dans ses murs ! Beaucoup de ses adversaires s’efforcèrent de le faire placer parmi les ouvrages prohibés, mais la dédicace à Léon X, avec l’approbation qu’en avait exprimée ce pontife, et surtout son bref annexé aux éditions ultérieures, empêchèrent pour un temps l’accomplissement des intentions malveillantes des Espagnols et d’autres moines. Son édition de Jérôme, et plusieurs de ses autres ouvrages, connurent un sort plus sévère, et furent non seulement placés dans les Index Expurgatorii, comme des ouvrages à corriger et à purger, mais, dans certains cas, furent condamnés aux flammes.
La manière libérale et éclairée dont Érasme, dans les discours préparatoires de son Nouveau Testament, recommandait et défendait les traductions vernaculaires, et la lecture universelle du livre sacré, le plaça parmi les plus chauds défenseurs de la circulation des Écritures. Sa préface, Paraclèse et Apologie, méritent d’être lus et étudiés par tous les amoureux de la Bible, et ont probablement grandement aidé la Réforme et la diffusion ultérieure de la vérité scripturaire. Les brefs extraits suivants donneront une idée de sa manière de raisonner :
« Je diffère infiniment de ceux qui s’opposent à ce que les Écritures soient traduites en langues vernaculaires et lues par des illettrés : comme si le Christ avait enseigné si obscurément, que personne ne pouvait le comprendre, si ce n’est quelques théologiens, ou comme si la religion chrétienne dépendait d’être gardée secrète. Peut-être faudrait-il cacher les mystères des rois, mais le mystère du Christ insiste pour qu’on les publie. Je voudrais que même la plus vile des femmes lise les Évangiles et les Épîtres de saint Paul ; et je désire que les Écritures soient traduites dans toutes les langues, afin qu’elles soient connues et lues, non seulement par les Irlandais et les Écossais, mais aussi par les Sarrasins et les Turcs. Assurément, la première étape est de les faire connaître. C’est précisément dans ce but que beaucoup pourraient se moquer et que d’autres pourraient froncer les sourcils, je voudrais que le laboureur les répétât à sa charrue, que le tisserand les chantât à son métier à tisser, que le voyageur séduisît l’ennui du chemin par le divertissement de leurs histoires, et que le discours général de tous les chrétiens les concerne, puisque ce que nous sommes en nous-mêmes, C’est ce que nous sommes presque constamment dans notre conversation commune.
« Les lettres, écrites par ceux que nous aimons et estimons, sont conservées, précieuses, emportées avec nous, et lues encore et encore ; et pourtant il y a des milliers de chrétiens qui, bien qu’instruits par ailleurs, n’ont jamais lu une seule fois, de toute leur vie, les livres contenant les Évangiles et les Épîtres. Les mahométans défendent violemment leurs opinions ; et les Juifs, dès leur enfance, apprennent les préceptes de Moïse ; mais pourquoi ne sommes-nous pas également décisifs en faveur du Christ ? Ceux qui professent l’institut de Benoît, adoptent, apprennent et suivent une règle écrite par un homme presque illettré. Ceux qui sont de l’ordre d’Augustin connaissent bien la règle de son auteur. Les franciscains adorent les traditions de François, s’en emparent et les emportent avec eux dans toutes les parties du monde, et ne se croient jamais en sûreté que lorsqu’ils ont le livre dans leur sein. Et pourquoi attribueraient-ils plus aux règles écrites par les hommes, que les chrétiens en général aux RÈGLES que le Christ a données à tous, et auxquelles tous ont également été initiés par le baptême ? *
* Erasmi Nov. Test., Paraclesis. Basile, 1516, fol.
Peu de temps après la publication de son Testament grec, Érasme commença une série de paraphrases sur le Nouveau Testament, formant un complément complet aux notes accompagnant le Testament grec. Sa Paraphrase de l’épître de saint Paul aux Romains fut dédiée au cardinal Dominique Grimani, qui était lui-même un homme d’érudition, et traduisit en italien un traité de saint Chrysostome : sa bibliothèque, après celle du pape, était alors la plus considérable de Rome ; et contenait huit mille volumes. La dédicace est datée de 1517 environ. En 1519, il dédia sa Paraphrase des épîtres de saint Paul aux Corinthiens au prince cardinal de Marca. La même année, il dédia sa Paraphrase des épîtres de saint Paul aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens et aux Thessaloniciens, au cardinal Campège ; et sa Paraphrase des épîtres de saint Paul à Timothée, à Tite, et à Philémon, à Philippe de Bourgogne, archevêque d’Utrecht. Sa paraphrase des épîtres de saint Jacques et de saint Jean, et de l’épître aux Hébreux, il la dédia, en 1520, au cardinal Matthieu, qui l’avait exhorté à entreprendre la paraphrase de ces épîtres. En 1522, il dédia sa Paraphrase de saint Matthieu à Charles-Quint, et termina sa dédicace par une excellente admonestation à ce jeune empereur, dans laquelle il lui rappelle que « toutes les guerres, quelque justement entreprises ou si modérément conduites soient-elles, sont toujours suivies d’une suite de calamités et de souffrances ». Dans sa préface à cette paraphrase, il exhorte les laïcs et le peuple à lire et à étudier les Écritures, qui doivent, dit-il, être ouvertes à toutes les personnes bien disposées, et être traduites dans toutes les langues modernes.
En 1523, Érasme dédia sa Paraphrase de saint Luc à Henri VIII, roi d’Angleterre. Il dit au roi que Charles-Quint et Ferdinand, et Christiern de Danemark, et la reine Catherine, étaient lecteurs des Saintes Écritures. Il tire également un argument en faveur de la vérité du christianisme à partir de sa propagation réussie et de ses effets salutaires.
La Paraphrase de saint Jean était dédiée à Ferdinand, frère de l’empereur Charles Quint. Dans la dédicace, Érasme donne à Ferdinand un grand caractère ; et l’exhorte à persévérer dans ses bonnes dispositions, et lui donne d’excellents conseils. À la fin de la paraphrase se trouve une épître au lecteur, lui recommandant la piété et le dissuadant de la superstition. La paraphrase des Actes des Apôtres, Érasme dédié au pape Clément VII. en 1524. La Paraphrase de saint Marc, qu’il avait dédicacée en 1521 au cardinal Matthieu, il la dédia en 1533 à François Ier, roi de France. Dans sa dédicace, il exhorte les princes chrétiens à la paix et aux dispositions pacifiques ; et il constate avec plaisir la demande qu’il y avait pour le Nouveau Testament, et qu’il se vendait plusieurs milliers d’exemplaires chaque année. Il dédia au cardinal Wolsey la paraphrase des épîtres de saint Pierre et de saint Jude, et, après avoir complimenté le cardinal, il l’informa qu’il n’avait pas d’autres faveurs à solliciter que la contenance et l’approbation du cardinal. La Paraphrase des épîtres de saint Paul aux Galates semble avoir été publiée sans dédicace particulière. Érasme n’a publié aucune paraphrase de l’Apocalypse. Ces paraphrases ont ensuite été rassemblées et publiées, en même temps que ses autres œuvres. La meilleure édition est celle de Le Clerc, imprimée à Leyde, 1703, onze vol. fol. Outre la paraphrase du Nouveau Testament, il a également publié des paraphrases, ou discours, sur certains des Psaumes. Son discours sur le premier psaume fut dédié par lui, en 1515, à Beatus Rhenanus, homme savant et pacifique, l’un des correcteurs de la presse de Froben. Dans la dédicace, il exhorte tout le monde à lire les Écritures, qui (comme il l’affirma plus tard dans ses autres écrits) doivent être traduites en langues vulgaires et mises entre les mains du vulgaire ; il exhorte aussi les gens du peuple à ne pas avoir une foi implicite dans leurs maîtres, ni à se laisser conduire par le bout du nez comme des ours.
La manière audacieuse et satirique avec laquelle Érasme attaqua la corruption de l’Église et du clergé romains, non seulement dans ses œuvres bibliques, mais dans ses nombreux autres écrits, l’exposa à la haine et aux machinations malveillantes d’une foule d’ennemis, qui le considéraient comme l’un des adversaires les plus dangereux et les plus puissants de la hiérarchie et des doctrines catholiques romaines. On cria contre ses ouvrages comme répandant des opinions hérétiques, et on les plaça dans les Index expurgatorii comme dangereux à lire, et lui-même n’échappa au châtiment de la pravation hérétique que par l’influence de ses amis et la lâche dissimulation de certaines parties de sa conduite. Car, quoique doué d’un esprit éclairé, d’un jugement juste et d’une érudition peu commune, il n’avait malheureusement ni assez de piété ni de fermeté pour devenir un martyr de la vérité ; ni de répondre au zèle ardent de ses adversaires avec l’intrépidité d’un réformateur. C’est probablement cette crainte de la souffrance qui l’a amené à s’opposer à Luther, avec lequel les moines l’ont rangé, car « Érasme, disaient-ils, a pondu l’œuf, et Luther l’a fait éclore ».
Érasme continua d’écrire et de publier jusqu’à la fin de sa vie, faisant parfois la satire des moines, exposant les absurdités de nombreuses doctrines de son église et défendant les défenseurs de la réforme et de la vérité. Dans la dernière année de sa vie, il publia son discours, ou commentaire, sur le psaume quatorzième, qu’il intitula : « De la pureté de l’Église chrétienne », composé d’interprétations allégoriques et de réflexions morales sur le texte. Il republia aussi ses lettres, en y ajoutant plusieurs qu’il avait reçues de l’empereur et d’autres princes, et d’hommes des plus hautes fonctions ; et remarque qu’en les révisant, il avait constaté qu’en l’espace de dix ans beaucoup de ses meilleurs amis et anciens correspondants étaient morts, ce qui l’avait amené à méditer sur la brièveté et l’incertitude de la vie humaine. Il avait l’intention de faire réviser et imprimer les Œuvres d’Origène, en y ajoutant quelques brèves notes ; mais avant qu’elle fût achevée, il fut rappelé par la mort ; et l’ouvrage fut publié après sa mort, avec une préface, par Beatus Rhenanus.
Environ un mois avant sa mort, il fut pris d’une dysenterie que sa faible charpente, déjà affaiblie par la maladie, ne put soutenir, et qui se révéla mortelle le 12 juillet 1536. Il passa ses derniers jours à implorer sans cesse la miséricorde du Dieu tout-puissant et de Jésus-Christ, sans parler de ces cérémonies catholiques qu’il avait si souvent blâmées chez les moines. Il fut enterré dans l’église cathédrale de Basile, ou, comme on l’appelle généralement, Bâle.
Il était de petite taille, bien fait, d’un teint clair, d’une physionomie gaie, d’une voix basse et d’une élocution agréable ; soigné et décent dans ses vêtements ; et un compagnon agréable.*
* Jortin, Vie d’Érasme, passim.
La diffusion sans précédent des écrits antimonastiques d’Érasme, et les éditions répétées de son Nouveau Testament, ont créé un intérêt universel, et ont essentiellement aidé au progrès de la vérité, en exposant les vices des moines, et en faisant trembler la vaste superstructure de la superstition jusque dans ses fondements ; mais la tâche beaucoup plus difficile d’établir les doctrines de l’Évangile sur une base inébranlable était réservée à l’intrépide et illustre LUTHER, qui, avec une intrépide indépendance d’esprit, embrassait, défendait et propageait ces doctrines évangéliques et importantes qui, par la gracieuse providence de Dieu, provoquèrent et confirmèrent l’heureux événement de la RÉFORME toujours mémorable.
FIN DU PREMIER VOLUME.