PARTIE III.

DEPUIS L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE.

CHAPITRE II.

SUITE DU XVE SIÈCLE.

Promotion de la littérature par le pape Nicolas V. — Janotus Manetto — Version italienne — N. de Malermi — D. N. Mirabellius — Prise de Constantinople — Versions espagnoles — Vincent Ferrer — Bonifacio Ferrer — Conciles et Inquisition — Expulsion des Maures et des Juifs d’Espagne — Paul de Burgos — Jacobus Perez — Version française — Évangile de Nicodème — État de la littérature — Bibles de Bohême, de Saxe, d’Allemagne, de Hollande et de Pologne — Mammotrectus — Biblistes — Maltheo Corvini, Roi de Hongrie — Juifs célèbres.

EN REPRENANT les événements du quinzième siècle, nous remarquons avec une satisfaction particulière les efforts littéraires du pape Nicolas V et ceux de son secrétaire, Janotus Manetto, qui, à une époque où la littérature sortait de dessous le nuage qui l’avait obscurcie pendant des siècles, n’épargnait ni travail ni dépenses pour promouvoir ses intérêts croissants parmi leurs compatriotes.

THOMAS DA Sarzana, ou, comme on l’appelle quelquefois, Tomaso Calandrino, était le fils d’un pauvre médecin de Sarzana, ville d’Italie, dans la république ligure. Son travail et son érudition étaient si extraordinaires, que, bien qu’il ne fût que dans l’ordre inférieur du clergé, il fut choisi par le célèbre Cosme de Médicis pour l’aider dans l’arrangement de la bibliothèque de Saint-Marc, à Florence. Peu à peu, il s’éleva de son humble condition à la plus haute promotion dans l’état ecclésiastique, et succéda à la chaire pontificale en 1447, lorsqu’il prit le nom de Nicolas V. Pendant les huit années où il jouit de la dignité suprême dans l’Église, il acquit une grande réputation, non pas en agrandissant son territoire ou en enrichissant ses dépendants, mais en fournissant les moyens les plus efficacespour extirper l’ignorance et acquérir la connaissance. Lorsque les fanatiques espagnols eurent publié des lois, en 1449, excluant tous les Juifs et les païens convertis, et leur postérité, de toutes les charges de rang et d’émolument ; et lorsque le doyen de la cathédrale de Tolède eut publiquement défendu les édits intolérants, Nicolas, avec une libéralité éclairée, publia une bulle contre le décret, excommuniant tous ceux qui offraient d’exclure les Juifs et les païens convertis des fonctions politiques ou ecclésiastiques du sacerdoce et du gouvernement : et lorsqu’il conçut la première bulle à négliger, en publia un second pour maintenir la politique généreuse qu’il avait adoptée. Il a également joué un rôle décisif dans la promotion de la diffusion générale de la science. Aucune dépense n’a été épargnée dans l’achat des livres ; et lorsqu’il n’a pas été possible de se procurer les originaux, il a été ordonné d’en faire des copies. Ses transcripteurs étaient partout employés ; et les hommes les plus savants s’occupaient de traduire en latin les plus précieux et les plus utiles des pères grecs, des écrivains ecclésiastiques, ainsi que des auteurs classiques les plus élégants et les plus importants. Il fit transcrire les saintes Écritures, et les orna richement d’or et d’argent. Il offrit aussi une récompense de cinq mille ducats pour la découverte d’une copie de l’original hébreu de l’Évangile de saint Matthieu ; ce qui, bien qu’infructueuse quant à son premier objet, a probablement occasionné la traduction de l’Évangile dans cette langue. La Vatican, ou bibliothèque pontificale, qui avait été presque dispersée par le changement fréquent de ses possesseurs, et son transfert de Rome à Avignon, et d’Avignon à Rome, selon que les papes fixaient leur résidence dans l’une ou l’autre de ces villes, il l’enrichit de cinq mille volumes manuscrits, qu’il se procura à grands frais. Nicolas établit aussi à Rome des récompenses publiques pour la composition dans les langues savantes, nomma des professeurs d’humanité, et devint le protecteur libéral des érudits et des savants. Il accorda à François-Philelphe une allocation pour la traduction d’Homère en latin ; et c’est grâce à son généreux appui que Cyriaque d’Anconie, qui peut être considéré comme le premier antiquaire de l’Europe, put introduire le goût des pierres précieuses, des médailles, des inscriptions et d’autres restes curieux de l’antiquité classique, qu’il recueillit avec un travail infatigable dans diverses parties de l’Italie et de la Grèce. Tandis que ce doux et généreux patron des lettres était ainsi « employé assidûment, et marquant avec satisfaction les progrès de ses travaux, la nouvelle qui étonna l’Europe arriva, que la capitale de l’empire grec était aux mains des Turcs ! On dit que ce triste événement s’est attaqué à l’esprit doux de Nicolas et qu’il a contribué à mettre fin à ses jours au printemps de l’année 1455. *

* Hist. littéraire du moyen âge de Berington, t. VI, p. 476. Vie de Laurent de Médicis de Roscoe, vol. I, ch. i, pp. 56,57. Lond., 8 vol. Hist. des Juifs de Basnage, t. VII, ch. xxi, p. 691.

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JANOTUS MANETTO, ou, plus exactement, GIANOZZO MANETTI, était un Florentin de naissance. Jel a été conçu à l’origine pour une vie commerciale ; mais le parti pris fort et précoce de son esprit l’amena à se consacrer à des recherches littéraires, et particulièrement à diriger son attention vers la théologie. « Cette étude, disait-il, comme la mieux adaptée à la condition de l’homme, ne doit aboutir qu’à la vie ; et il se reposait dans la contemplation de la nature divine et des vérités morales de la religion ! Augustin était là son auteur préféré, dont il se souvenait assez pour répéter certains livres.

À ses connaissances classiques en latin, il ajouta une connaissance intime des langues grecque et hébraïque, et de la science en général. Pour rendre le langage des annales sacrées plus familier, il prit un Juif dans sa maison, et engagea ensuite un autre maître de la même nation, avec lequel il lisait les Saintes Écritures dans l’original, et quelques commentateurs pesants, pendant cinq heures chaque jour. Et cela ne suffisait pas ; car nous le voyons ensuite faire alliance avec deux Grecs et un Hébreu pour vivre avec lui, à condition que chacun s’entretiendrait avec lui dans sa propre langue.

Ses hautes qualités morales, jointes à ses vastes connaissances, l’élevèrent aux plus hautes fonctions, et il fut employé dans plusieurs ambassades auprès des princes étrangers. Mais ses excellences ne purent l’empêcher de devenir un objet d’envie ; et après avoir été soumis à de lourdes amendes pécuniaires, il quitta Florence, et résida à Rome, où il devint secrétaire du pape Nicolas V, qui apprécia à juste titre sa valeur et l’honora de sa confiance et de son estime. Il passa les trois dernières années de sa vie à la cour d’Alphonse, roi de Naples, où il s’occupa principalement d’écrire, et gagna si complètement l’amitié d’Alphonse, qu’on l’entendit dire que, « s’il était réduit à un seul pain, il le partagerait avec Manetti ». Il mourut à Naples en 1459.

* Berington, ut sup., pp. 486-488.

Ses œuvres comprennent une variété de sujets, moraux, historiques, biographiques et oratoires, en plus des versions de l’hébreu et du grec. De l’hébreu, il traduisit les Psaumes en latin ; et le Nouveau Testament du grec.+

+ Le Long, édit. Masch, t. II, t. III, cap. III, sec. i, p■ 436 ; et sec. ii, p. 568.

Vers la même époque, une versionITALIENNE de toute la Bible fut faite à partir de la Vulgate, par Nicolas de Malermi, ou Malherbi, moine bénédictin de Venise, de l’ordre de Camaldoli, abbé de Saint-Michel de Lemo. Dans sa préface, il nous informe « que la raison pour laquelle il a entrepris sa traduction était la très grande inexactitude de ces traductions qui étaient déjà entre les mains du peuple, et dans lesquelles ont été introduites certaines choses qui ne se trouvaient pas dans le texte des Écritures », par lesquelles il se réfère probablement à des traductions faites de la version française de l’œuvre de Pierre Comestor. Il dit aussi : « Que les mutilations et les éditions de ces traductions étaient telles, qu’il devenait beaucoup plus facile d’exécuter une nouvelle traduction, que de corriger les anciennes ; et qu’il suspendit donc tout autre emploi pour se consacrer à une œuvre aussi importante, qu’il accomplit cependant en huit mois environ ! S’il en était ainsi, il a dû s’adjoindre l’aide d’autrui, ou bien sa traduction a été très hâtive et très incompétente ; mais F. Simon pense qu’après toutes ses professions, il n’a fait que corriger les versions précédentes. Il nous informe cependant que « son intention était d’être utile à ceux qui ne s’étaient pas appliqués à l’étude dans leur jeunesse, ajoutant que « les Saintes Écritures instruisent les savants dans la vraie sagesse, et les ignorants dans la vraie religion ». La traduction est accompagnée d’une épître au docteur Laurentius, professeur de théologie, dans laquelle il le prie de réviser et de corriger son ouvrage, car il se méfiait de ses propres capacités, et craignait que, dans certains endroits difficiles, il ne se fût trompé sur le sens des écrivains inspirés. La réponse du professeur est jointe à un éloge de l’élégance de la traduction. Le traducteur a également inséré, en italien, toutes les préfaces qui se trouvent en préfixe à la plupart des manuscrits latins de Jérôme. Bible 

Simon’s Crit. Hist, des versions du N. T., t. II, ch. xl, p. 336-338.

Une édition de cette Bible a été imprimée à Venise par V. de Spira, en 1471, en deux volumes, fol., et avant la fin du XVe siècle, elle avait été plusieurs fois réimprimée à Venise. Il y eut aussi une édition de la Bible italienne imprimée à Rome, en 1471, au fol., qui a été supposée par quelques-uns être une traduction différente de la première, parce qu’elle en diffère dans certaines parties de l’Ancien Testament ; tandis que d’autres supposent que les variations ne sont rien de plus que des corrections de la version de Malermi.

+ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. t. I, p. 354. Paris, 1723, fol. Walchii Biblioth. Theolog., tom. IV, cap. VIII, p. 127.

F. Simon affirme qu’à cette époque, les traductions des épîtres et des évangiles, qui sont lus à la messe pendant toute l’année, étaient communes dans la langue italienne, étant exécutées pour l’instruction du peuple ; et en remplaçant les interprètes mentionnés par saint Paul dans la première épître aux Corinthiens, chapitre xiv.++

++ Simon’s Crit. Hist, of Versions of N. T., pt. ii, ch. ii, p. 14.

Parmi les biblistes de cette époque qui ont fleuri en Italie, DOMINICUS NANUS MIRABELLIUS mérite d’être remarqué, comme l’auteur d’une Harmonie des Évangiles, intitulée Monotessaron Evangeliorumqu’il a accompagnée d’une sélection laborieuse de passages illustrant les Évangiles parmi les œuvres des philosophes, des poètes et des orateurs païens. Parmi les auteurs cités, on peut citer Sénèque, Ovide, les Oracles de Sybilline, Hermès Trismégiste, Pythagore, Anaxagore, Empédocle, Zénon, Platon, Aristote, Isocrate,

Homère, Térence, Virgile, Horace, Plaute, Juvénal, Perse, Cicéron, Claudien, Lucain, Pline, A. Gellius, Macrobe, Valerius Maximus, etc. L’ouvrage, qui paraît n’avoir jamais été imprimé, est, dit, de Sixte Senensis, conservé dans la bibliothèque des Dominicains, à Gênes. Mirabellius était archiprêtre de l’église de Savone, et florissait vers 1470.

Sixt. Senens. ,Biblioth. Sanct., lib. iv, p. 279.

Deux anecdotes, rapportées par le biographe du célèbre Laurent de Médicis, peuvent servir à jeter de la lumière sur l’histoire littéraire de l’Italie à cette époque, sujet abondamment illustré par l’élégant, mais partiel biographe des Médicis, dans ses vies de Laurent et de Léon X. La première concerne un manuscrit de Tite-Live, envoyé par Cosme de Médicis à Alphonse, ou Alphonse, roi de Naples. Car telle était la haute valeur que le roi y attachait, que, bien qu’il eût été auparavant en désaccord avec Cosme, le présent se conciliait la brèche qui les séparait ; et, malgré l’indication de son médecin que le livre était probablement empoisonné, il ne tint aucun compte de leurs soupçons, et commença avec plaisir la lecture de l’ouvrage. L’autre se rapporte à un visiteur singulier à Florence, en 1474. C’était Christian, ou Christiern, roi de Danemark et de Suède, qui voyageait dans le but, comme on l’a prétendu, d’accomplir un vœu. Après avoir inspecté la ville et fait une visite solennelle aux magistrats, qui reçurent leur visite royale avec une grande splendeur, il demanda à être favorisé par la vue de la précieuse copie des évangélistes grecs, qu’on s’était procurée quelques années auparavant à Constantinople ; et des Pandectes de Justinien, amenés d’Amalfi à Pise, et de là à Florence. Sa louable curiosité fut facilement satisfaite, et il exprima sa satisfaction en déclarant « que c’étaient là les vrais trésors des princes ». + Il est également digne de remarque que, tandis que la langue hébraïque était cultivée et que plusieurs éditions de la Bible hébraïque étaient imprimées en Italie, le savant Reuchlin se plaignait de ce qu’aucun exemplaire imprimé des Écritures hébraïques n’avait franchi les Alpes, à cause de la guerre menée par l’empereur Maximilien.++

+ Vie de Laurent de Médicis de Roscoe, t. I, ch. i, p. 34 ; et ch. iii, p. 100. 158. Londres, 1796, in-4°.

++Hody, De Bib. Texte. Orig., t. II, lib. t. III, p. 449.

La prise de Constantinople et la conquête de l’empire d’Orient par les Turcs, avec son funeste effet sur le pape Nicolas V, ont déjà été remarquées de vive voix ; mais cet événement, si tragique pour les habitants de la ville impériale, se révéla finalement si avantageux aux intérêts de la littérature, en Occident, par la retraite des savants grecs en Italie. qu’il réclame notre considération particulière. Le cardinal Isidore, qui avait été institué patriarche titulaire de Constantinople par Nicolas V, et qui fut témoin de l’horrible scène qui s’ensuivit lors de la prise de la ville, en a laissé une description des plus pathétiques dans une épître latine, qui se trouve dans l’appendice du troisième volume des Voyages du Dr E. D. Clarke. , p. 383. On nous apprend par là que les Turcs, sous Mohammed IL, n’épargnèrent ni leur rang, ni leur âge, ni leur sexe ; les vieillards et les vieillards furent tués, les vierges furent violées jusque dans le sanctuaire lui-même ; les nobles furent dégradés en esclaves ; les temples de Dieu furent souillés, les images du Sauveur, de la Vierge Marie et des saints, furent traitées avec mépris et mises en pièces ; « les saints Évangiles, les missels, et le reste des livres appartenant aux églises, furent mis en pièces, souillés et brûlés, les vêtements et autres ornements des prêtres, furent déchirés ou appropriés pour l’habillement et l’ornementation des vainqueurs ; les vases sacrés furent fondus, ou tournés à des usages profanes ; En un mot, les conquérants, poussés par la cruauté, la luxure, la vengeance et l’amour du butin, n’épargnèrent ni lieu ni personne. Trithème , dans Chron. Sponheim., tome II, App., p. 368, ajoute que l’empereur turc, résolu, s’il était possible, d’extirper la chrétienté de ses nouveaux États, ordonna que toutes les copies des Écritures et des ouvrages des pères orthodoxes qu’on put trouver fussent mises dans des vases perforés et jetées à la mer.+

 Voyages du Dr E. D. Clarke, t. ii, sec. i, vol. iii, ch. i, p. 2 ; et Appendice, p. 383.

+Franci Disquisitio de Papist. Indicibus, art. 180, p. 195.

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Pendant le carnage général et la confusion qui suivirent l’entrée des Turcs à Constantinople, et pendant que les cruels conquérants étaient occupés à piller la ville, beaucoup d’habitants, parmi lesquels se trouvaient plusieurs hommes d’une érudition diverse et étendue, s’enfuirent sur les navires du port et arrivèrent sains et saufs en Italie, où ils favorisèrent l’étude de la langue grecque. et donna plus d’énergie à ces recherches scientifiques et littéraires qui avaient déjà commencé à attirer l’attention de nombreux personnages intelligents et littéraires de l’empire d’Occident, et qui furent si bien aidées par l’invention récente de l’imprimerie. Le savant Humphrey Hody a écrit un récit sur le chef de ces illustres exilés, qui a été publié après sa mort par le docteur Jebb, et intitulé Dissertationes de græcis illustribus lingua grace litterarumque humanarum instauratoribus. Londres, 1742, in-8°.

Constantinople fut prise, et l’empereur Constantin tué, le 29 mai de l’année 1453. Le jour de la prise, le sultan entra dans la ville en triomphe ; contemplé les monuments qui subsistent encore ; et procéda à l’établissement des formes d’un nouveau gouvernement et des rites du culte musulman. *

* Berington’s Lit. Hist, of the Middle Ages, Append., t. I, p. 638.

Après avoir rapporté la chute de Byzance et l’asile offert en Italie aux savants Grecs qui fuyaient la fureur des conquérants mahométans, nous allons examiner l’état de la littérature biblique en ESPAGNE.

Au début de ce siècle, une traduction des Écritures a été faite en ESPAGNOL, dans le dialecte de Valence. Cette version, qui reçut l’autorisation des inquisiteurs, fut faite par Boniface Ferrer, frère de saint Vincent, par lequel, probablement, il fut assisté. Une édition en a été imprimée à Valence, en 1478, dont un fragment est encore conservé dans la chartreuse de Portaceli.+ Le meilleur compte rendu de cette version est donné par Santander, qui observe : « Cette version de la Bible, en langue limousine ou valencienne, est si rare, qu’il n’en existe aucune copie complète. Le seul fragment certain que nous ayons de cette version consiste dans les quatre derniers feuillets, qui ont été découverts en 1645, parmi les archives de l’église de Valence, et qui ont la souscription. Le père Jean Bapt. Civera, moine de la • Chartreuse de Portaceli, ayant obtenu ces quatre feuilles, il les inséra dans son ouvrage, intitulé Var ones illustres del Monasterio de Porta-Cœli. Voici l’abonnement :

 +Esquisse historique de Thomson et Orme, etc., p. 40.

« ' termine la Bible très vera e catholica, tirée d’une bible du noble Mossèn Berenguer vives de boil cavalier : qui a été ronde-manzada dans 10 monastère de Portaceli de Lengua Latina dans notre valencien pour 10 Très Révérend Micher Boniface Ferrer Docteur à Cascun droit e à la Faculté de Théologie de la Sacra : e Don de toutes les Cartoxa : Frère du bienheureux saint Vicente Ferrer de l’Ordre des Prêcheurs, dans lequel il était d’autres hommes de science singuliers. Èr ara derreramente este estada diligently corrected seen e regoneguda por 10 reverend mestre jaume borréll mestre en sacra theologia del ordre et preachers : e inquisitor en reino de valencia. Il est emprempté dans la ville de Valence aux frais du magnifichen philip vizlant marchand de la ville de jsne de la Haute-Allemagne : par maître Alfonso Fernández de Córdoba du royaume de Castille, e par maître lambert palomar Alamany maître en arts : commencé le 10 février de l’an mil quatre soixante-dix-sept : e terminé le 10 mois de mars de l’année mil CCCCLXXVHI. *

* Santander, Dictionnaire Bibliographique, pt. ii, pp. 197-199. Bruxelles, 1806, 8vo.

Cette souscription nous apprend que la traduction a été faite du latin, par Boniface Ferrer, assisté d’autres savants, dans le monastère de Portaceli, et dans le dialecte valencien ; qu’elle a été corrigée et révisée par Jean Borrell, dominicain et inquisiteur ; qu’il a été imprimé aux frais de Philippe Vizlant, marchand de Jesi, dans la marche d’Ancône, par Alfonso Fernandez, de Cordoue, et Lambert Palmar, ou Pelmart, Allemand ; et que l’impression en fut commencée en février 1477 et terminée en mars 1478.

Don Rodríguez de Castro, bibliothécaire du roi d’Espagne, corrobore le récit précédent de cette rare version, au sujet de laquelle les notices les plus discordantes ont été données par différents bibliographes, dans sa Biblioteca Españolat. I, p. 444, accompagnée d’un extrait de l’ouvrage lui-même, tiré de l’Apocalypse, dont il ne reste aujourd’hui qu’un fragment. Ses paroles sont : « La mas antigua », etc. « La plus ancienne [version espagnole] est celle de tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament que le Révérend Père Bonifacio Ferrer, (frère de saint Vincent Ferrer), docteur en théologie sacrée, et en droit sacré et civil, et général des Chartreux, a fait en valencien et imprimé à Valence. en 1478, comme on le voit dans la dernière page, qui est conservée dans la chartreuse de Portaceli, dans le royaume de Valence, d’où le Dr Francisco Asensio a fait une copie fidèle, insérée ici [dans la ' Biblioteca Espanola'] mot pour mot, et qui établit l’antiquité de cette traduction.++

++ Pour cet extrait et cette traduction de la Biblioteca Espanola, imprimée à l’imprimerie royale de Madrid, en deux volumes in-folio, je suis redevable au révérend W. A. Thomson, l’un des auteurs de l’Esquisse historique de la traduction et de la circulation des Écritures.

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VINCENT FERRER naquit à Valence, en Espagne, selon Antonio, en 1352, mais selon Butler, en 1357. Il se distingua de bonne heure par son érudition et sa charité ; dans sa dix-huitième année, il embrassa volontairement la vie monastique et, en 1374, entra dans un couvent de l’ordre de Saint-Dominique, dans sa ville natale. Peu de temps après sa profession, il fut délégué pour donner des leçons de philosophie ; et, s’étant retiré à Barcelone, non seulement il continua ses exercices scolastiques, mais devint un prédicateur zélé de la parole de Dieu. De Barcelone, il fut envoyé à Lérida, l’université la plus célèbre de Catalogne, où il reçut le grade de docteur du cardinal Pierre de Luna, en 1384. À la demande de l’évêque, du clergé et du peuple de Valence, il fut rappelé dans son pays et poursuivit ses conférences et sa prédication avec une réputation et un succès extraordinaires. L’un de ses biographes remarque : « Son cœur était toujours fixé sur Dieu, et il faisait de ses études, de son travail et de toutes ses autres actions, une prière continuelle. » Le conseil qu’il donne aux étudiants, dans son Traité de la vie spirituelle, est conforme à sa propre pratique, et mérite bien qu’on s’y attarde : « Désirez-vous étudier avec avantage ? Que la dévotion accompagne toutes vos études. Consultez Dieu plus que vos livres, et demandez-lui, avec humilité, de vous faire comprendre ce que vous lisez. L’étude fatigue et épuise l’esprit et le cœur. Allez, de temps en temps, les rafraîchir aux pieds de Jésus. Interrompez votre application par des prières courtes, mais ferventes et éjaculatoires. Ne commencez ni ne terminez votre étude que par la prière. La science est un don du Père des lumières ; Ne le considérez donc pas simplement comme l’œuvre de votre propre esprit ou de votre propre industrie.

Vincent demeurait depuis six ans à Valence, poursuivant assidûment ses pieux travaux, lorsque le cardinal Pierre de Luna, nommé légat de Clément VII auprès de Charles-Quint, roi de France, l’obligea à l’accompagner. En 1394, à la mort de Clément, le cardinal est élu pape par les Français et les Espagnols et prend le nom de Benoît XIII. Vincent reçut alors ordre de se rendre à Avignon, où il fut élevé à la dignité de maître du palais sacré ; mais, sur sa demande pressante et souvent réitérée, il fut nommé missionnaire apostolique et entra dans cette charge avant la fin de l’année 1398, et pendant une vingtaine d’années travailla avec un zèle infatigable dans diverses parties de l’Europe. Il visita l’Espagne, la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie. Henri IV. l’invita en Angleterre, envoya un de ses vaisseaux le chercher sur les côtes de France, et le reçut avec les plus grands honneurs. Après avoir prêché dans les principales villes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, il revint et poursuivit ses travaux missionnaires dans les différentes parties de la France, de l’Italie et de l’Espagne. Les sujets ordinaires de ses sermons, qui étaient prononcés avec une énergie inhabituelle, étaient le péché, la mort, le jugement, l’enfer et l’éternité. On dit que de nombreux Juifs et mahométans ont été convertis par son ministère, et que des multitudes de personnages immoraux ont été réclamés. Il passa les deux dernières années de sa vie en Bretagne et en Normandie, où il s’était rendu à la demande d’Henri V. Il mourut dans la ville de Vannes, en 1419, à l’âge de soixante-deux ans, ou, selon d’autres, à soixante-sept ans. Il a été canonisé par le pape Calixte III. en 1455.

 Butler’s Lives of the Saints, vol. v, p. 44. Antonii Bibliotheca Hispana Vetus, tom. t. II, p. 136. Romæ, 1696, in-folio.

Dans la liste de ses écrits, Nic. Antonio mentionne l’ouvrage biblique suivant : « BIBLIA, SEU PROMPTUARIUM, sc. locorum sacræ Scripturæ singulis diebus, sive de tempore, sive de sanctis usur-pandorum. » Au début de l’exemplaire auquel Antonio fait référence, une note est préfixée, laissant entendre qu’il avait été légué en legs par l’auteur : « Hanc Bibliam inspirante Domino mihi Fr. Antonio de aurea mihi reliquit beatissimus Fr. Vincentius ». + Les principaux de ses autres ouvrages sont : Traité d’une vie spirituelle ; Commentary, ou Sermons, sur le Notre Père, imprimé à Lyon, 1523, in-4°, et de nouveau 1573, in-8° ; et les épîtres.++

+ Antonii Bibl. Hisp. Vétérinaire., tom. t. II, p. 137.

++ Butler, ubi sup. Le Long, Biblioth. Sacra, tom. ii, p. 723 ; edit. Paris, 1723.

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BONIFACIO, ou BONIFACE FERRER, était le frère de Vincent. Ayant l’intention de s’engager dans des préoccupations séculières, il épousa ; mais, après la mort de sa femme, il fut persuadé par son frère d’entrer à la chartreuse de Portaceli, près de Valence. Son travail et l’attention qu’il portait à toutes les parties de la sévère discipline de son ordre lui valurent l’approbation universelle, de sorte qu’en peu de temps de quatre ans, il devint prieur général, charge qu’il exerça avec la plus grande fidélité. Mais ayant été élu pendant le schisme de la papauté et le concile de Pise, tenu en 1409, après avoir déposé les papes schismatiques, et choisi le cardinal Pierre Philargi comme pape, qui s’appelait Alexandre V, il demanda et obtint la permission de renoncer à sa dignité ; et Étienne de Sævis lui succéda. Butler (Lives of the Saints, vol. IV) dit cependant qu’il était général des chartreux au moment de sa mort.

En l’an 1412, les États d’Arragon, de Catalogne et de Valence étant divisés sur un successeur à la couronne d’Arragon, ils convinrent de choisir neuf commissaires, trois pour chaque royaume ; lorsque Boniface, son frère Vincent et don Pierre Bertrand furent choisis pour le royaume de Valence. Ils se sont rencontrés au château de Caspé, en Arragon. Ferdinand de Castille fut unanimement déshonoré pour être l’héritier légitime ; et Vincent Ferrer, haranguant les ambassadeurs étrangers et les personnes présentes, la décision fut accueillie par acclamation. Boniface mourut le 29 avril 1419.

§Antonii Bibl. Hisp. Vet., tom. ii, lib. x, cap. iii, p. 140. Butler, vol. v, ubi sup.

L’époque exacte à laquelle Boniface a fait la traduction de la Bible par Boniface ne peut peut-être pas être déterminée ; mais comme Vincent fut rappelé à Valence par le roi Jean II en 1410, sur l’ordre duquel la version aurait été faite, et qu’il y demeura environ deux ans, elle fut probablement commencée, sinon achevée, à cette époque.

Vers l’an 1450, Alphonse V, roi d’Arragon, aurait traduit les Proverbes de Salomon dans sa langue maternelle. On dit aussi qu’il a lu quatorze fois toute la Bible, avec des gloses et des commentaires ; et d’être devenu si expert dans les Écritures, que non seulement il en rapporte la substance, mais qu’il en répète correctement beaucoup de parties, de mémoire.

Usseria Hist. Dogmat., p. 172.

Il est cependant à déplorer que l’étude des Écritures ait été loin d’être générale ; et que l’ignorance la plus profonde régnait dans la plupart des membres du clergé. Peu d’entre eux, en comparaison, connaissaient le latin, quoiqu’il fût constamment employé dans les offices de l’Église ; tandis que les festins et la débauche sont déclarés avoir été leurs occupations ordinaires. C’est ce qui occasionna les conciles de Madrid et d’Arenda, en 1473 ; et l’on y rendit divers décrets, destinés à remédier aux désordres et à l’ignorance des ecclésiastiques de tous les rangs. Il était défendu aux évêques d’ordonner ou de promouvoir ceux qui ignoraient le latin ; les Écritures devaient être lues chaque jour à la table des prélats eux-mêmes ; Le clergé, en général, n’avait pas le droit de porter des vêtements gais, d’être vêtu de soie, de marcher en sandales blanches, ou en basques rouges ou vertes, ou de porter le deuil ; Il leur fut aussi ordonné de ne pas jouer aux dés, ni de se battre en duel ; et ceux qui mourraient des blessures reçues en duel furent privés de sépulture ecclésiastique. D’autres canons étaient formulés contre la simonie, les mariages clandestins, le concubinage ecclésiastique, les démonstrations dramatiques dans les églises, etc.+

+ D’Aguirre, Collectio Maxima Concil. Hisp., tom. iii, pp. 672-677. Roma1693 ,־-94, folio. Dictionnaire Portatif des Conciles, pp. 39, 302, 479

Mais à ces injonctions ne succéda pas la réforme si nécessaire au bien-être religieux de l’Église ; car en 1499 le pape Alexandre VI. juga nécessaire d’envoyer aux évêques espagnols une épître sur l’ignorance du clergé ; les exhortant à adopter des mesures pour promouvoir l’étude et la discipline parmi eux.++

++ D’Aguirreut sup., t. III, p. 689.

Cependant, on essaya, malgré la dépravation et l’ignorance presque universelles qui régnaient, de communiquer la connaissance des saintes écritures à ceux qui ne connaissaient que leur langue maternelle. Le Long mentionne une version de la Bible, en dialecte de Catalogne, écrite en l’an 1407, dont une copie imparfaite a été conservée dans la bibliothèque colbertine ; il remarque aussi une édition du Psautier, en dialecte de Castille, imprimée, comme il le supposait, avant l’an 1500. Fred. Furius, qui a écrit un traité sur les Saintes Écritures, imprimé en 1556, dit qu’à la fin du XVe siècle, les Écritures n’avaient pas seulement été traduites dans son dialecte natal de Valence, mais dans presque tous les autres dialectes de l’Espagne. Ces traductions ont été empêchées d’être diffusées, par l’établissement et l’influence de l’inquisition, et l’édit de Ferdinand et d’Isabelle, (appelé aussi Élisabeth), qui a décrété que « personne ne traduirait les Écritures en langue vulgaire, ou ne les aurait en sa possession, sous peine du châtiment le plus sévère ».++ Frédéric. Furius ajoute que « cette interdiction ne s’appliquait qu’à ceux qui étaient à l’origine juifs, et non aux autres ». Il remarque encore que les leçons des Évangiles lus dans les églises pendant toute l’année ont été fidèlement et élégamment traduites, et qu’il a été permis d’imprimer ; et qu’il avait vu et lu les épîtres de saint Paul, traduites en vers espagnols, dans les dialectes de Castille et de Valence. § Conrad Gesner, un autre auteur qui florissait au XVIe siècle, remarque ces versions vernaculaires, mais remarque qu’à son époque presque toutes les copies en avaient été brûlées. En janvier 1492, les Espagnols prirent Grenade et éteignirent l’empire des Maures en Espagne, où ils étaient établis depuis plus de sept cents ans. Ferdinand de Talavéra, homme d’une grande érudition et d’une piété exemplaire, fut nommé archevêque de Grenade. Son tempérament était doux, patient et charitable, sans ambition et sans jalousie. Il consentit donc à ce que l’archevêque de Tolède, le célèbre Ximenès, eût une autorité égale à la sienne dans son diocèse. Les deux archevêques concertèrent donc des mesures pour la conversion des mahométans. placés sous leur garde ; et ils convinrent mutuellement que le plan le plus sûr et le plus heureux serait de gagner sur les Alfaquis, ou prêtres et docteurs de cette secte. Dans ce dessein, ils convoquèrent une assemblée d’entre eux dans le palais, leur parlèrent familièrement, et, après les avoir exhortés à renoncer à leurs erreurs et à recevoir le baptême, ils présentèrent aux uns des pièces de soie, aux autres des bonnets écarlates, qu’ils tenaient en grande estime ; et il les renvoya, content de la condescendance des prélats et des présents qu’ils avaient reçus. Par ces moyens, beaucoup de prêtres furent amenés à professer le christianisme et à persuader le peuple à une profession semblable ; et le succès de ces mesures fut si grand, que le 18 décembre 1499, quatre mille Maures reçurent le baptême. Les Maures réfractaires Ximenes s’efforçaient de conquérir, tantôt par un traitement inquisitoire, tantôt par un usage plus doux et plus doux. Après avoir enfin dompté les plus intraitables de ses adversaires, particulièrement Zegri, noble et vaillant Maure, et s’être concilié les docteurs mahométans, il ordonna qu’on lui apportât tous les exemplaires du Coran et tous les livres qui en contenaient les doctrines, et livra publiquement aux flammes cinq mille volumes. Ni les enluminures, ni les riches reliures, ni les autres ornements d’or et d’argent, n’ont été tolérés comme un plaidoyer pour leur conservation. Les seuls ouvrages exempts de la flamme commune furent quelques traités de médecine, pour lesquels les Maures avaient été célèbres, et qui furent transmis à la bibliothèque du collège d’Alcala.

Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, pp. 362, 369, edit. 1723.

+ Ibid., tom. t. I, p. 362.

++ Le Long, ut sup., p. 361. Usserii Hist. Dogmat., p. 175.

§ Le courage de Simon. Hist, des versions du Nouveau Testament, partie II, ch. ii, p. 18 ; et ch. xli, p. 344. Usscrius, ut sup.          

|| Le Long, t. I, p. 362.

* Flechier, Histoire du Cardinal Ximenes, tom. i, |iv. i, pp. 136-143. Amsterdam, 1693, 12mo.

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Les Maures ayant professé le christianisme, les archevêques devinrent un sujet de discussion sur la meilleure méthode d’instruire leurs nouveaux convertis dans la religion qu’ils avaient embrassée. Les dispositions de ces prélats se découvraient dans la différence de leurs vues. Ferdinand de Talavéra, pour attirer leur attention sur les offices divins, avait ordonné que les leçons quotidiennes de l’Ancien et du Nouveau Testament fussent récitées en langue vulgaire ; et permit que les livres de la messe, et surtout les épîtres et les évangiles, fussent traduits en arabe et imprimés. Ximenès désapprouva entièrement ce procédé, et insista sur l’inconvenance de mettre les oracles sacrés entre les mains de ces demi-convertis, affirmant que les esprits faibles révéraient toujours le plus ce qui était caché et mystérieux ; et soutenant que, puisque l’Ancien et le Nouveau Testament contenaient beaucoup de passages qui exigeaient beaucoup d’intelligence et d’attention pour les comprendre, il valait mieux les laisser en hébreu, en grec et en latin, les trois langues consacrées par l’inscription placée au-dessus de la tête du Sauveur mourant. Mais, tout en luttant vigoureusement contre la traduction des Écritures en langue vulgaire, il admettait qu’il convenait de distribuer, dans la langue communément parlée, des catéchismes, des prières, des récits édifiants et d’autres livres d’instruction religieuse. L’archevêque de Grenade se soumit à contrecœur à l’humeur inflexible de Ximenès, et le livre de Dieu fut caché au peuple.

* Flechier, Hist, du Card. Ximenes, tom. I, Liv. I, pp. 154, 155.

L’expulsion des Juifs suivit rapidement la conquête des Maures, car, au mois de mars de la même année (1492), Ferdinand et Isabelle bannirent les Juifs d’Espagne, ce qui força huit cent mille personnes à quitter le royaume et à chercher asile dans des régions plus favorisées. Parmi ceux qui furent exilés, il y avait plusieurs rabbins éminents, en particulier R. Isaac Abrabanel, l’auteur de précieux commentaires sur plusieurs parties de l’Ancien Testament, et d’autres ouvrages estimés ; R. Meir, auteur d’un commentaire sur Job ; et R. Abraham, le compilateur de l’ouvrage chronologique appelé Juchassin.+

+ Hist. des Juifs de Basnage, b. vii, ch. xxi, pp. 692, 693.

Grâce aux instructions de Vincent Ferrer, aux terreurs de l’inquisition et à la crainte de la pauvreté et de l’exil, de nombreux Juifs espagnols furent amenés à faire profession de religion catholique, quelques-uns sincèrement, mais la plupart d’entre eux trompeur. Parmi les convertis sincères du judaïsme, au cours de ce siècle, en Espagne, SALOMON DE LÉVI tient la première place. Il était originaire de Burgos et a embrassé le christianisme en lisant les œuvres de Thomas d’Aquin, ou Aquino. À son baptême, il prit le nom de Paulus de Sancta Maria, ou Paul de Burgos. Après la mort de sa femme, il embrassa l’état ecclésiastique, et obtint par ses mérites des places de confiance et d’honneur. Il fut précepteur de Jean II, roi de Castille ; et fut successivement archidiacre de Trevigno, évêque de Carthagène, puis de Burgos, où il mourut le 29 août 1445, âgé de quatre-vingt-deux ans. Certains auteurs racontent qu’il fut patriarche d’Aquilée. Il a écrit, 1. Scrutinium Scripturarumimprimé à Mantoue, 1474, in-folio ; Mentz, 1478 ; Paris, 1520 ; Burgos, 1591. 2. Additiones ad Postillam Magistri Nicolai de Lyra super Biblias ; généralement imprimé avec les Postils de De Lyra. Dans cet ouvrage, l’auteur blâme et corrige librement les notes du De Lyra, en particulier lorsqu’il diffère de Thomas d’Aquin, dont Paul assume universellement la défense. Dans ses corrections de De’Lyra, il réussit souvent dans ce qui se rapporte à la philosophie et aux antiquités hébraïques ; mais dans ses critiques du grec, il échoue le plus souvent. Il est également considéré comme faisant preuve d’une déférence trop implicite envers les pères et les écrivains scolastiques. 3 Quæstiones XII. de Nomine Tetragrammato ; publié avec des notes, par J. Drusius, Franeker, 1604, 8 vol.

Ses trois fils furent baptisés en même temps que lui, lorsqu’il se convertit au christianisme ; et tous se distinguèrent par leur mérite. L’aîné, Alphonse, qui succéda à son père comme évêque de Burgos, écrivit un abrégé de l’histoire d’Espagne ; le second, Gonsalve, devint évêque de Plaisance ; et le troisième, Alvarez, qui s’était marié dans une famille illustre, publia une histoire de Jean II, roi de Castille.

Un autre Espagnol érudit de cette époque était JACOBUS PEREZ, évêque de Christopolitanus. Il était natif de Valence ; et devint ermite de l’ordre d’Augustin. Il meurt en 1491. Il est l’auteur de divers ouvrages, notamment d’un commentaire sur les Psaumes ; et un traité contre les Juifs, imprimé à Lyon, 1512. Il est surtout connu pour ses opinions singulières concernant l’invention des voyelles hébraïques et la compilation du Talmud. Il dit : « Que les rabbins, voyant qu’après la conversion de Constantin le Grand, des multitudes de Gentils et de Juifs embrassèrent le christianisme, et que leur influence et leurs revenus en furent diminués, ils convoquèrent une assemblée générale au Caire, en Égypte ; où, avec le plus de secret possible, ils ont falsifié et corrompu les Écritures ; inventa cinq ou sept points pour servir à la place des voyelles ; et a forgé le Talmud. (Prolog, dans Psalmos Tract. 6. Le+)

On peut aussi juger intéressant d’observer que l’imprimerie a été introduite en Espagne très tôt après son invention. On conjecture que Valence est la ville où l’imprimerie s’exerça pour la première fois dans ce royaume ; et où un pressoir fut établi en 1474. Le premier ouvrage qui y a été imprimé, et dont la date a été déterminée, est Obres, 0 Probes les quales tracten de las hors de la Sacratissima Verge Maria&c., 1478,4to . Le nombre des livres imprimés en Espagne, au XVe siècle, était de trois cent dix. Ceux-ci parurent principalement à Barcelone, à Burgos, à Salamanque, à Saragosse, à Séville, à Tolède et à Valence ; et ont été principalement exécutés par des Allemands.++

++ Introduction à la bibliographie de Home, vol. I, p. 475. Clarke’s Bibliographical Miscellany, vol. II, p. 127.

Vol. L—33

Si, de l’Espagne, nous nous tournons vers la France, nous ne trouvons que peu de choses qui réclament notre attention, relativement à LA littérature biblique. L’établissement de l’art nouvellement inventé de l’imprimerie dans plusieurs villes de France a déjà été remarqué ; et les éditions des Écritures qui furent imprimées furent principalement celles de Comestor, ou Guiars des Mou-lins. En voici les principales :

Version française de l’Ancien et du Nouveau Testament, imprimée à Lyon, sans date, mais supposée, avec une grande probabilité, avoir été publiée en 1477. Les rédacteurs en chef étaient Julian Macho et Peter Farget. Santander dit que c’était la première version française ; mais Le Long n’en parle que comme d’une édition révisée de la traduction de Guiars des Moulins. Ce qui suit est le compte rendu bibliographique de Santander de cette édition et d’une autre édition rare des Écritures. « L’Ancien Testament, traduit en français. Lyon, imprimé par Barth. Acheteur, (vers l’an 1477,) au fol.

« L’exacte conformité des caractères de cette édition des plus rares, avec ceux employés par Barth. Buyer, dans l’impression du Nouveau Testament, remarquée dans l’article suivant, prouve, je pense, qu’ils ont été imprimés sur la même presse, et que Julian Macho et Peter Farget en étaient aussi les éditeurs et les correcteurs.

« L’ouvrage est imprimé sur deux colonnes, en lettres gothiques, et sans signatures. Cinq feuillets, qui contiennent la table des rubriques portant ce titre , Cy commencent les rubriches de ce présent livre, précèdent le texte, à la fin duquel, au verso du dernier feuillet, se trouvent ces mots : « Cy finit ce présent livre. » Un exemplaire fut vendu à la vente de Gaignat, en 1769, pour quatre-vingts livres, un sol ; et à la vente de La Vallière, en 1783, pour quatre-vingt-neuf livres dix-neuf sols.

Le NouveauTestament révisé et corrigé par Julian Macho et Peter Farget. Lyon, Barthélemy Acheteursans date, (vers l’an 1477,) au fol.

Une édition extrêmement rare, et la première traduction du Nouveau Testament en français. Il est imprimé en mêmes caractères gothiques que l’Ancien Testament mentionné dans l’article précédent, et qu’il a probablement été conçu pour accompagner. Les pages de ce volume sont en deux colonnes, sans figures ni signatures. Il commence par un tableau qui occupe vingt feuillets, qui se termine ainsi : « Cy finist la table du nouueau testament ensemble la déclaration diceluy faicte et compassée p uenerable persône frere iulliâ docteur en théologie de l’ordre saint Augustï demeurant au couuêtde lyô sus le rosne. loue soit dieu Amen.

“ Then follows the text, at the end of which, on the recto of the last leaf, is this subscription : ‘ Cy finist l’apocalypse et sem-blablementle nouueau ueu et corrige p uenerables persônes freres iullien macho et pierre farget docteurs en théologie de l’ordre des Augustins de lyô sus le rosne Imprime en la dicte uille de lyon par Bartholomieu Buyer citoien du dit lion.”

« Il y a aussi une autre épreuve de ce livre, par le même imprimeur, en mêmes caractères, avec le même nombre de feuillets, et le même abonnement, qui ne diffère que de ce qu’il est imprimé en longues lignes, et que les feuilles ont des signatures ; elle est cependant considérée comme étant également ancienne, et est également estimée.

« À la vente de Gaignat, la première édition se vendait quatre-vingt-dix livres, et celle avec de longues lignes pour deux cent onze livres : et chez La Vallière, l’ancienne édition se vendait quatre-vingt-dix-neuf livres, dix-neuf sols ; l’édition avec de longues lignes pour quatre-vingt-dix livres.

JULIEN MACHO était un moine augustin et docteur en théologie du couvent de Lyon. Outre le Nouveau Testament français, mentionné plus haut, il fut co-éditeur, avec Jean Bathalier, d’un supplément français à la Légende doréeimprimé à Lyon, par Barth. Acheteur, 1477, fol.

PETER (PIERRE) FARGET, parfois appelé à tort Falget, Ferget et Sarget, était aussi un moine de l’ordre des Augustins et un docteur en théologie, résidant au couvent de l’ordre, à Lyon. Outre la révision du Nouveau Testament, Farget publia, en 1482, une traduction française du Speculum Humana Vita, sous le titre de Miroir de la vie humaine ; imprimé à Strasbourg, avec des caractères gothiques, en petit in-folio. Il traduisit aussi du latin en français un ouvrage intitulé « La consolation des pauvres pécheurs », sous la forme d’un dialogue entre Bélial et Jésus-Christ ; en plus d’autres travaux d’importance mineure.

♦ Santander, Diet. Bibliographique, 2de partie, pp. 197-199. De Juvigny, Biblio-theques Françoise», tom. ii, pp. 277- 278.

Le Long mentionne une édition in-quarto, en caractères gothiques, exécutée à Paris, vers l’année 1478, qu’il conjecture avoir été corrigée d’après l’Historia Scholastica de Pierre Comestor, par Guillaume Le Menand ; et ou celle-ci, ou celle que l’on remarquera plus tard, est probablement la traduction dont parle Jean Lambert : dans sa réponse aux articles de l’évêque, A. D. 1538. Les paroles de Lambert sont : « Vous [les évêques] me demandez si je crois que les chefs, ou les chefs, par nécessité du salut, sont tenus de donner au peuple l’Écriture Sainte, dans leur langue maternelle ? Je dis que je pense qu’ils sont tenus de veiller à ce que le peuple connaisse vraiment l’Écriture Sainte, et je ne sais pas comment cela peut être fait si bien, qu’en la leur donnant vraiment traduite dans la langue maternelle, afin qu’ils puissent l’avoir par eux en tout temps, pour passer le temps pieusement. toutes les fois qu’ils en ont le loisir ; comme ils l’ont en France, sous le privilège du roi de France, et aussi sous le privilège de l’empereur, et ainsi je sais qu’ils l’ont eu pendant cinquante-quatre ans en France, au moins, et qu’il a été traduit à la demande d’un roi, appelé, je trow, Louis, comme il appert par le privilège mis au commencement du livre. Le roi dont il est question ici était Louis XI.

* Le Long, Biblioth. Sacra, tom. t. I, p. 325. Fox’s Actes and Monumentes, tom. t. II, p. 415. Lond., 1641, fol.

Une autre version française de la Bible a été attribuée à Jean de Rely, faite par ordre de Charles VIII. M. de la Monnoye dit : « Cette prétendue traduction de Jean de Rely n’est rien d’autre que celle qui a été faite par Guiars des Moulins, en 1294, de l’Historia Scholastica de Pierre Comestor, et que Jean de Rely, chanoine de Notre-Dame, et fut fait évêque d’Angers en 1491, révisé par ordre de Charles VIII. Il a été imprimé en 1495, puis en 1538, par Antoine Bonnemère. A cela l’éditeur des Bibliothèques Françaises joint comme une correction de ce qui précède : « La plus ancienne édition de la traduction française, par Jean de Rely, paraît être celle citée dans le Catalogue des Livres imprimés de la Bibliothèque du Roi, tom. i, n° 156. ' La Bible Historiale, où sont les Histoires Scholastiques, ou les Livres Hystoriaulx de la Bible, tralatés de Latin en François, en la maniéré que les maîtres ont traduit ez Histoires Scholastiques de Pierre le Mangeur, par Guyart des Moulins, revue par Jean de Rely, Pretre et Chanoine de S. Pierre d’Aire, de !' Archevêché de Tresves, par le commandement de Charles VIH., roi de France ; Paris, pour Antoine Ve-rard, in-fol., 2 vol., vers l’an 1487.' Il a ensuite été réimprimé en in-4to. en 1515 et 1535 ; et de nouveau in-folio en 1538. D’après le même catalogue, dans l’édition de 1538, l’éditeur, Antoine Bonnemère, dit « que la première édition a été imprimée en 1495, après avoir été corrigée ». "+

+ De Juvigny, Bibliothèques Françoises, tom. iii, Du Verdier. Art. “ Bibles,” pp. 267-270.

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L’ANGLETERRE réclame ensuite notre considération. Wiclif et ses disciples avaient découvert beaucoup d’erreurs et exposé beaucoup de pratiques superstitieuses de l’Église de Rome à cette époque ; mais le clergé refusa obstinément d’abandonner ses erreurs ou ses superstitions, et persécuta avec la cruauté la plus implacable tous ceux qui tentaient la moindre réforme. « En un mot, dit un historien exact, « L’ignorance, le vice et la superstition semblaient avoir gagné du terrain ; quoique le renouveau de l’érudition et la réforme de la religion ne fussent pas très éloignés.* Un cas singulier d’incompétence chez un ecclésiastique est rapporté par Warton, dans son Histoire de la poésie anglaise. En 1448, Waynflete, évêque de Winchester, sur présentation du prieuré de Merton, dans le Surrey, institua un recteur à la paroisse de Sherfield, dans le Hampshire. Cependant le recteur prêta serment devant l’évêque qu’à cause de son insuffisance dans les lettres, et de son manque de connaissances dans la surveillance des âmes, il apprendrait le latin pendant les deux années suivantes ; et qu’à la fin de la première année il se soumettrait à l’examen de l’évêque sur ses progrès en grammaire ; et que si, après un second examen, il était trouvé insuffisant, il démissionnerait du bénéfice. + L’introduction d’hommes dans la fonction sacrée, par l’influence du rang, qui étaient dépourvus de capacités compétentes, est encore illustrée par une anecdote rapportée d’Érasme : « À cette époque, (1496 ap. J.-C.), je suppose, dit son biographe, qu’il refusa une forte pension et de plus grandes promesses d’un jeune Anglais illettré, qui devait être fait évêque, et qui voulaient l’avoir pour précepteur. Ce jeune homme semble avoir été James Stanley, fils du comte de Derby, gendre de Marguerite, mère du roi, et qui fut ensuite nommé évêque d’Ely par son intérêt. Cependant, il semble que le jeune homme, bien qu’ignorant, avait le désir d’apprendre quelque chose et de se qualifier, dans une certaine mesure, pour le poste dans lequel il devait être placé.++

Le clergé en général était si loin d’essayer de faire circuler les Écritures, ou d’instruire le peuple dans la connaissance de leur contenu, que, à l’exception des parties qui étaient récitées dans les offices de l’église, il n’y avait guère de Testament latin dans aucune église cathédrale d’Angleterre, jusqu’à l’époque du savant Jean Colet. doyen de Saint-Paul, à Londres, bien que le latin fût la seule langue autorisée pour les Écritures et les livres de service. Au lieu de l’Évangile du Christ, le faux Évangile de Nicodème a été apposé sur une colonne dans la nef de l’église ; qu’Érasme dit avoir vu lui-même avec étonnement dans l’église métropolitaine de Cantorbéry.§ Il est remarquable que Théodoret, (Hæret. Fab., lib. i, cap. xx,) au Ve siècle, se plaignait d’une pratique semblable existant de son temps. Tatien, dit-il, « composa un évangile qui s’appelle Dia Tessaron[Des Quatre,] en laissant de côté les généalogies, et tout ce qui montre que le Seigneur est né de la postérité de David selon la chair : qui a été utilisé non seulement par ceux de sa secte, mais aussi par ceux qui suivent la doctrine apostolique ; ils ne s’aperçoivent pas de la supercherie de la composition, mais s’en servent simplement comme d’un livre abrégé. J’ai aussi rencontré plus de deux cents de ces livres, qui étaient estimés dans nos églises : j’ai tous pris et mis de côté dans un paquet, et j’ai placé dans leur chambre les Évangiles des quatre évangélistes. *

L’ÉVANGILE DE NICODÈME, ou Actes de Pilatementionné ci-dessus, est un ouvrage que l’on suppose avoir été forgé, vers la fin du troisième siècle, par Leucius Charinus. Il traite principalement de la crucifixion et de la résurrection de notre Seigneur, et de sa descente aux enfers. Il contient beaucoup de relations insignifiantes, stupides et ridicules, telles que les étendards ou les drapeaux qui s’inclinent devant le Christ lorsqu’il passe ; Jésus apparaissant à Joseph d’Arimathie, après sa résurrection, essuyant son visage de la rosée, l’embrassant, et lui ordonnant de rester dans sa maison pendant quarante jours ; et un récit supposé des événements qui accompagnèrent la descente du Christ aux enfers, par Lentius et Charinus, deux saints ressuscités d’entre les morts à la résurrection du Sauveur. Les extraits suivants de cette falsification impudente permettront au lecteur de juger du genre d’instruction que fournissent ces substituts de l’Évangile du Christ. La relation de la descente du Christ aux enfers est introduite par Joseph d’Arimathie s’adressant à Anne et Caïphe, qui furent étonnés d’apprendre que Jésus était ressuscité d’entre les morts, et que d’autres étaient ressuscités avec lui : « Nous avons tous, dit-il, connu le bienheureux Siméon, le souverain sacrificateur, qui prit Jésus dans ses bras, enfant, dans le temple. Ce même Siméon avait deux fils, et nous étions tous présents à leur mort et à leurs funérailles. Allez donc voir leurs tombeaux, car ils sont ouverts, et ils sont ressuscités ; et voici, ils sont dans la ville d’Arimathie, passant leur temps ensemble dans des offices de dévotion. Quelques-uns, en effet, ont entendu le son de leurs voix, mais ils ne veulent parler à personne. mais ils continuent comme des morts muets. Mais venez, allons vers eux, et conduisons-nous envers eux avec tout le respect et la prudence qui leur sont dus. Et si nous pouvons les amener à jurer, peut-être nous raconteront-ils quelques-uns des mystères de leur résurrection. Annas, Caïphe, Nicodème et Gamaliel se rendent à Arimathie ; ils trouvent Charinus et Lentius à leurs dévotions, et, les adjurant par la loi de raconter ce qu’ils ont vu, ils tremblent, lèvent les yeux au ciel, font le signe de la croix sur leur langue, puis demandent du papier, écrivent le récit de ce qu’ils prétendent avoir vu. « Quand nous fûmes placés avec nos pères dans l’enfer, disent-ils, dans l’obscurité des ténèbres, tout à coup apparut la couleur du soleil comme de l’or, et une grande lumière de couleur pourpre éclaira (le lieu). À ces mots, Adam, le père de toute l’humanité, avec tous les patriarches et les prophètes, se réjouit et dit : « Cette lumière est l’Auteur de la lumière éternelle, qui a promis de nous traduire en lumière éternelle. » Et comme nous étions tous dans l’allégresse, notre père Siméon vint au milieu de nous, et, félicitant toute la compagnie, il dit : « Glorifiez le Seigneur Jésus-Christ... ? « Ensuite il en sortit un comme un petit ermite, et tout le monde lui demanda : « Qui es-tu ? » Ce à quoi il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Jean-Baptiste. » Mais le premier homme, notre père, Adam, ayant appris ces choses, que Jésus avait été baptisé dans le Jourdain, appela son fils Seth, et lui dit : « Annonce à tes fils, les patriarches et les prophètes, tout ce que tu as entendu de l’archange Michel, lorsque je t’ai envoyé aux portes du paradis, pour implorer Dieu qu’il oindrait ma tête quand j’étais malade. Alors Seth dit : . . . Moi, Seth, quand je priais Dieu aux portes du paradis, voici ! l’ange du Seigneur, Micaël, m’apparut, et me dit : ... « Je te le dis, Seth, ne prie pas Dieu en pleurant, et ne le supplie pas de t’accorder l’huile de l’arbre de miséricorde, avec laquelle tu oindras ton père Adam pour son mal de tête, car tu ne peux en aucun cas l’obtenir jusqu’au dernier jour et jusqu’aux derniers temps. » Un dialogue s’engage alors entre Satan, le prince et le capitaine de la mort, et Béelzébul, le prince de l’enfer, dans lequel ils sont interrompus par l’entendement soudain d’une voix, « comme celle du tonnerre et de la fureur des vents, disant : « Levez la tête, ô princes ; et élevez-vous, 0 portes éternelles, et le Roi de gloire entrera.' »

À cela succède l’apparition du Roi de gloire qui illumine les régions des ténèbres et jette les démons dans la confusion. « Alors le Roi de gloire, foulant aux pieds la mort, saisit le prince de l’enfer, le dépouilla de tout son pouvoir, et emmena avec lui notre père terrestre Adam dans sa gloire. » Une querelle s’engage entre Satan et Belzébuth, dans laquelle le prince de l’enfer reproche au prince de la mort d’être l’occasion de la ruine de son royaume, en poussant les Juifs à la crucifixion du Christ.

Jésus place alors Satan sous la puissance de Béelzébul, et délivre les saints de l’enfer. À l’entrée des saints au paradis, ils rencontrent Hénoch et Élie, et après une conversation entre les saints libérés et eux, le récit continue : « Voici qu’un autre homme vint dans une figure misérable, portant le signe de la croix sur ses épaules. Et quand tous les saints le virent, ils lui dirent : « Qui es-tu ? Car ton visage est comme celui d’un voleur ; Et pourquoi portes-tu une croix sur tes épaules ? À quoi il répondit : « Vous avez raison, car j’ai été un voleur, qui ai commis toutes sortes de méchancetés sur la terre. Et les Juifs m’ont crucifié avec Jésus ; et j’ai observé les choses surprenantes qui se sont produites dans la création lors de la crucifixion du Seigneur Jésus, et j’ai cru qu’il était le Créateur de toutes choses, et le Roi Tout-Puissant, et je l’ai prié, en disant : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume. » Il considéra bientôt ma supplication, et me dit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » Et il me fit ce soupir de croix, en disant : « Porte ceci, et va au paradis ; et si l’ange qui est le gardien du paradis ne veut pas t’admettre, montre-lui le signe de la croix, et dis-lui : Jésus-Christ, qui est maintenant crucifié, m’a envoyé ici vers toi. Quand j’eus fait cela, et que j’en parlai à l’ange, il ouvrit les portes, me présenta et me plaça à droite dans le paradis, en disant : « Reste ici un peu de temps, jusqu’à ce qu’Adam, le père de toute l’humanité, entre avec tous ses fils, qui sont les saints et justes [serviteurs] de Jésus-Christ, qui est crucifié. » La relation se termine par les actions de grâces des patriarches ; et Charinus et Lenthius, après avoir prétendu avoir révélé tout ce qui leur était permis, livrent chacun un compte rendu séparé, écrit sur des « morceaux de papier distincts », qui, après examen, « s’accordent parfaitement, l’un ne contenant pas une lettre de plus ou de moins que l’autre. » Charinus et Lenthius se transforment immédiatement en formes excessivement blanches, et on ne les voit plus. Joseph et Nicodème rapportent ensuite le récit à Pilate, qui l’inscrit dans les archives publiques, et se rendant au temple, convoque tous les chefs, les scribes et les docteurs de la loi, et leur dit : « J’ai entendu dire que vous avez un certain grand livre dans ce temple ; Je désire donc que vous me l’ameniez. Et quand le grand livre, porté par quatre ministres, et orné d’or et de pierres précieuses, est apporté, Pilate les adjure de déclarer si les Écritures rendent témoignage de Christ. Anne et Caïphe rejettent le reste, puis avouent leur conviction que « Jésus-Christ est le Fils de Dieu, et le vrai Dieu tout-puissant ». Telle est la nature d’un ouvrage qui a été jugé d’un mérite et d’une importance suffisants pour être traduit en diverses langues, pour être l’un des premiers spécimens de typographie, et pour être placé dans les églises pour l’édification du peuple !

* Jones’s New and Full Method of settlement the Canonical Authority of the New Testament, vol. II, partie III, ch. xxviii, p. 262, etc. Oxford, 1798, 8 vol.

Dans les universités et les églises cathédrales, c’était, à cette époque, une coutume générale pour les conférenciers publics de lire sur n’importe quel livre plutôt que sur les Écritures. « Leurs lectures, dit le docteur Knight (Vie de Colet), furent introduites par un texte, ou plutôt une phrase, de Scot et de Thomas d’Aquin ; et l’explication était, non pas d’essayer par la parole de Dieu, mais par la voix des interprètes scolastiques, et les termes compliqués de ce qu’ils appellent la logique ; qui n’était alors rien d’autre que l’art de corrompre la raison humaine et la foi chrétienne. Il est vrai que des conférences de théologie avaient été lues en latin dans beaucoup d’églises cathédrales, au profit des prêtres et des clercs qui en faisaient partie. Mais le sujet de ces sermons (comme de tous les sermons ad clerum dans les deux universités, et dans toutes les visites ordinaires du clergé rural) était communément une question de théologie scolastique, se heurtant à des doutes frivoles et à des résolutions élaborées tirées des oracles de Scot et de ses interprètes déroutants ; non pas à l’édification, mais à la confusion des pensées de Dieu et de la religion. Un jour, le savant Grocyn donna un exemple singulier de candeur et d’ingénuité. Il lut dans la cathédrale Saint-Paul une conférence sur le livre de Denys l’Aréopagite, communément appelé Hierarchia Ecclesiastica. Dans la préface de sa conférence, il s’éleva avec beaucoup de chaleur contre ceux qui niaient ou doutaient de l’autorité du livre qu’il lisait. Mais après avoir continué à lire ce livre pendant quelques semaines, et en avoir examiné plus à fond l’authenticité, il changea entièrement d’opinion sur ce livre, et déclara ouvertement qu’il s’était trompé ; et que ledit livre, à son avis, était faux, et n’a jamais été écrit par cet auteur qui est, dans les Actes des Apôtres, appelé Denys l’Aréopagite.+

+ Biographie britannique, vol. I, p. 328, 372, 377.

Occupés comme le clergé à des disputes scolastiques, et la noblesse à la recherche des plaisirs et des honneurs martiaux, ils étaient généralement inattentifs aux intérêts de la littérature et de la science. La langue latine a décliné dans sa pureté classique ; et le grec était presque inconnu. Les sciences mathématiques, quoique non entièrement négligées, étaient principalement étudiées par les prétendants à l’astrologie ; et quand nous trouvons l’instruction à un si bas niveau parmi les personnes de haut rang et de la profession ecclésiastique, nous pouvons conclure avec raison que le peuple serait presque entièrement illettré. En conséquence, nous apprenons que « ce ne fut que sous le règne de Henri IV. que les vilainsles fermiers et les mécaniciens étaient autorisés par la loi à mettre leurs enfants à l’école ; et longtemps après,  ils n’osèrent pas éduquer un fils pour l’Église sans une licence de leur Seigneur.+

Les vilains étaient ceux, sous le régime féodal, qui étaient susceptibles d’être vendus avec les terres qu’ils occupaient ; mais différaient des esclaves, en payant une rente fixe pour la ferme à laquelle ils étaient attachés.

+ Hist. de la Grande-Bretagne, t. X, t. V, p. 128.

CORNELIUS VITELLIUS, Italien, fut le premier qui enseigna le grec à l’université d’Oxford ; et c’est de lui que le célèbre Grocyn en apprit les premiers éléments, qu’il perfectionna ensuite en Italie sous la direction de Démétrius Chaicondylès, savant grec, et de Politien, Italien, professeur de grec et de latin à Florence. À Cambridge, Érasme fut le premier à enseigner publiquement la grammaire grecque ; mais Érasme lui-même, lorsqu’il vint pour la première fois en Angleterre en 1497, avait une connaissance si incompétente de cette langue, que notre compatriote Linacre, qui venait de rentrer d’Italie, le perfectionna dans sa connaissance.

Le Dr THOMAS LINACRE, ou LYNACER, ci-dessus nommé, était un éminent et très savant médecin anglais, grâce aux efforts duquel le Collège des médecins a été fondé et incorporé, dont il a occupé le poste de président. Au déclin de sa vie, il résolut de changer sa profession pour celle de théologie, entra dans les ordres sacrés, et fut collationné le 23 octobre 1509 au presbytère de Mersham ; et obtint par la suite plusieurs faveurs. On raconte de lui une anecdote qui prouve que, si exacte et étendue que fût sa connaissance grammaticale du latin et du grec, son ignorance des Écritures était si grande qu’elle le rendait totalement inapte aux fonctions sacrées qu’il assumait. Ordonné prêtre, à un âge où sa constitution était brisée par l’étude et l’infirmité, il prit pour la première fois le Nouveau Testament dans sa main, et après avoir lu les cinquième et sixième chapitres de l’Évangile de saint Matthieu, il jeta le livre en jurant : « Ou bien ce n’est pas l’Évangile, ou bien nous ne sommes pas chrétiens ! »Cecicependant, paraîtra d’autant moins extraordinaire, quand on remarquera que l’étude et l’usage des Écritures étaient à cette époque si bas, même dans l’université d’Oxford, « que le fait d’être admis bachelier en théologie ne donnait que la liberté de lire le maître des Sentences, (Peter Lombard ;) et le plus haut degré, celui de docteur en théologie, n’admettait pas un homme à la lecture des Écritures. *

++ Biographie britannique, vol. I, p. 326, 330, 332. Sir E. Brydge’s Restitute, n° 3, p. 159.

* Biographie britannique, t. I Vie de Colet, p. 372, note.

L’art nouvellement inventé de l’imprimerie, qui, vers la fin de ce siècle, a été établi dans ce royaume par Caxton et d’autres, a été principalement employé à imprimer des traductions du français, faites par le comte Rivers et Caxton, et à multiplier les légendes et les ouvrages de dévotion d’une nature légendaire. Deux d’entre elles méritent une attention particulière, à savoir, le Liber Festwalis, ou Instructions pour l’observance des fêtes dans toute l’année ; et les Quatuor Sermones ; tous deux imprimés in-folio, par William Caxton, et fréquemment reliés ensemble. De la première, Hearne observe qu'« elle consiste en une série d’homélies, dans lesquelles se trouvent beaucoup d’histoires bizarres ; qu’il ne porte pas d’autre nom que celui de Festivaleparmi les curieux, qui en sont très curieux de copies. (Robert Gloc. Chron., t. II, p. 739.) Oldys ajoute « que certaines de ces « histoires bizarres » sont telles, que les papistes en ont maintenant honte. » (Biog. Brit., t. III, p. 369, note O.) « Le fait est, dit M. Dibdin, que, quelle que soit la nature de ces histoires, tous les théologiens « curieux » peuvent être bien curieux après le Liber Festivalis, car c’est l’origine ou le substratum du livre de prières commun anglais. » Le prologue nous dit que « pour l’aide de ces clercs, ce livre a été fait pour les excuser de l’absence de livres, et de la simplicité de la ruse, et pour montrer au peuple ce que les saints saints ont souffert et fait pour l’amour de Dieu et pour son amour ; afin qu’ils aient d’autant plus de dévotion pour les saints de Dieu, et qu’avec les meilleurs ils viennent à l’église pour servir Dieu, et prier les saints de leur secours. Qu’elle ait été principalement tirée de la Legenda Aurea, ou Légende dorée, c’est ce que prouve le prologue d’une ancienne édition, dans laquelle l’auteur déclare : « Ce traité est tiré de la Legenda Aurea, afin que celui qui y trouvera la liste à étudier, il y trouvera toute prête de toutes les principales fêtes de l’année, sur chacune un court sermon. qu’il soit nécessaire qu’il enseigne, et qu’ils apprennent ; et c’est pour cela que ce traité parle de toutes les fêtes de l’année, je le veux et je prie pour qu’il s’appelle FÊTE.

Viennent ensuite, dit Lewis, des sermons les dix-neuf dimanches et fériaux, commençant par le premier dimanche de l’Avent et se terminant par le jour de la Fête-Dieu. Viennent ensuite les discours ou sermons sur les quarante-trois jours de fête. S’ensuit un sermon De dedicatione Ecclesiœ, ou sur les fêtes de l’église. Les extraits suivants donneront une idée du style et de la nature de l’ouvrage :

Le Notre Père.

« Père qui es dans les cieux, que ton nom soit sanctifié : que ton règne vienne à nous : que ta volonté soit faite sur la terre comme dans les cieux : que notre pain de chaque jour nous donne aujourd’hui ; et pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous de tout péché mauvais, Amen.

Le spécimen suivant provient de la « Fête de Saint-Michel ».

« De Festo sçti Michaelis. »

« Bons amis, un tel jour vous aurez le jour de saint Michel l’archange : ce jour-là, toute la sainte église fait attention et mentionne tous les anges pour le grand secours, le réconfort et l’aide que l’humanité a eu des anges, et particulièrement de saint Michel. Et pour iij prérogatives il soit eu : car il est merveilleux en paraissant ; car, comme le dit saint Grégoire, quand le Dieu tout-puissant veut faire quelque merveille, alors il envoie pour Michel son serviteur, comme pour son banneret, car il porte un bouclier ou un signe de ses armes, c’est pourquoi il a été envoyé avec Moïse et Aaron en Égypte pour faire des merveilles : car bien que le signe fût en Moïse, l’opération a été faite par Michel ; car il quitta la mer Rouge, et garda les eaux en deux parties, tandis que le peuple d’Israël passait et passait ainsi ; et il les fit sortir du Jourdain, et garda l’eau comme une colline de chaque côté d’eux, tandis qu’ils passaient sains et saufs au pays de l’ordre. Michaël est aussi le gardien du paradis, et il y prend les âmes qui y sont envoyées.

♦Antiquités typographiques de Dibdin, vol. I, pp, 161-167.

Le Quatuor Sermones, qui était une traduction du latin, était très probablement le formulaire catholique romain de l’époque, en ce qui concerne les sujets religieux dont il traite, à savoir, « Le Notre Père », « La Croyance », « Les Dix Commandements » et « Articles de Foi ». Dans la traduction du credo, que nous avons dans le premier sermon, le quatrième article est ainsi exprimé : « Je crois qu’il a souffert sous Ponce Pilate, etc. », le traducteur comprenant que Ponce est le nom d’un lieu où Pilate est né, ou a vécu, ou a gouverné. En conséquence, le livre contient cette histoire stupide : « L’empereur, sur le conseil des Romains, envoya Pilate dans un pays appelé Pounce, où les habitants de ce pays étaient tellement maudits, qu’ils tuaient tous ceux qui venaient devenir leur maître sur eux. Aussi, quand ce Pilate y fut venu, il l’appliqua à ses manières ; c’est pourquoi il les vainquit par la ruse et la ruse, et qu’il eut la maîtrise, et qu’il donna son nom, et qu’il fut appelé Pilate de Bond, et qu’il eut une grande domination et un grand pouvoir. C’est d’après cette manière d’écrire, à l’exception parfois de Ponce pour Pounce, que cet article du credo a été exprimé en anglais, depuis le quatorzième siècle jusqu’en 1532, date à laquelle, dans l’usage de l’Abécédaire de Salisbury, il a été modifié en Ponce Pilate, qui a été suivi par l’archevêque Cranmer, dans ses notes sur le Livre du Roi, 1538.

* Dibdin’s Typographical Antiquities, vol. I, pp. 170-172.

Une autre production célèbre de la presse de Caxton fut sa traduction, du français, de la Legenda Aurea. De ce travail, il a déjà été fait allusion. La traduction de Caxton, sous le titre de « Légende dorée », fut imprimée à Westminster, en 1483, fol. Une histoire de la traduction anglaise peut divertir le lecteur. Il y avait un homme qui avait emprunté à un Juif une somme d’argent, et juré sur l’autel de saint Nicolas, qu’il la rendrait et la paierait de nouveau dès qu’il le pourrait, et ne donna aucun autre gage. Et cet homme a gardé cet argent si longtemps que le Juif a exigé et demandé son argent. Et il a dit qu’il l’avait payé. Alors le Juif le fit comparaître devant la loi en jugement, et le serment fut prêté au débiteur, et il apporta avec lui un bâton creux, dans lequel il avait mis l’argent en or, et il s’appuya sur le bâton. Et quand il eut prêté serment et prêté, il remit son bâton au Juif pour qu’il le garde et le garde pendant qu’il jurait, puis jurait qu’il lui avait donné plus qu’il ne lui devait. Et quand il eut fait le serment, il demanda de nouveau son bâton au Juif, et celui-ci, ne sachant pas sa malice, le lui remit. Alors ce séducteur s’en alla, et le mit sur le chemin, et une charrette à quatre roues vint avec une grande force et le tua, et brisa le bâton avec de l’or, qu’il répandit au loin. Et quand le Juif entendit cela, il s’y rendit tout ému, et vit la supercherie. Et beaucoup lui dirent qu’il devait lui apporter l’or. Et il refusa, disant que si celui qui était mort n’était pas ressuscité par les mérites de saint Nicolas, il ne le recevrait pas. Et s’il revenait à la vie, il recevrait le baptême et deviendrait chrétien. Alors celui qui était mort ressuscita, et le Juif fut baptisé.♦♦

 Voir pages 316 et 353 de ce volume.

Caxton lègue treize exemplaires de cet ouvrage à l’église Sainte-Marguerite de Westminster ; d’où il paraît probable que certaines parties, comme celles de la Fête, ont été lues comme des homélies dans les églises ; et la multiplicité des éditions par les imprimeurs postérieurs semble renforcer cette conjecture. Herbert suppose que, s’ils n’étaient pas utilisés de cette manière, « ils ne pourraient être placés que dans une partie commode de l’église, comme l’était le Livre des Martyrs de Fox au début de la Réforme. » *

Aucun de nos imprimeurs anglais, au cours de ce siècle, n’a essayé d’imprimer la Bible, ni en latin, ni en langue vernaculaire. Dans l’application de l’imprimerie aux fins de la littérature sacrée, la palme doit être cédée à l’Allemagne, qui, comme elle a eu l’honneur de l’invention de l’imprimerie, a été la première à l’appliquer à la diffusion de la connaissance biblique. En effet, non seulement de nombreuses éditions de la Bible latine et plusieurs versions allemandes y ont été imprimées, mais des éditions ont également été publiées dans les dialectes saxons et bohémiens.

La Bible DE BOHÊME a été imprimée à Prague, en 1488, fol., et de nouveau à Kuttenberg, en 1489, fol.+ Æneas Sylvius, plus tard pape Pie II, a rendu un noble témoignage de la connaissance scripturaire des Bohémiens, dans un de ses ouvrages sur les « Actes et paroles de Alphonse, roi d’Espagne », dans lequel il déclarait « que c’était une honte pour les prêtres italiens, que beaucoup d’entre eux n’eussent jamais lu tout le Nouveau Testament, tandis qu’à peine pouvait-on trouver une femme parmi les Bohémiens (ou Taborites) qui ne pût répondre à aucune questions concernant l’Ancien ou le Nouveau Testament.++ Il meurt en 1464. Un exemplaire de la Bible de Bohême, imprimé en 1488, est conservé à la bibliothèque publique de Dresde.

++ Usseria Hist. Dogmat., p. 170.

1

Lambecius, dans son Commentaire de Biblioth. Cæs. Vindob., remarque un magnifique manuscrit de l’Ancien Testament allemand, conservé à la bibliothèque impériale de Vienne. Il a été exécuté vers J.-C. 1400, pour Venceslas, empereur d’Occident et roi de Bohême. Il est en grand in-folio, orné de nombreux tableaux, richement enluminés, dont Lambecius a donné des gravures. Le plus fréquent des tableaux marginaux est un W orné, dans lequel Venceslas est représenté en prison, et quelquefois accompagné d’une femme, censée représenter Suzanne, la maîtresse du bain, qui l’aida à s’évader dans une barque de la prison où il avait été enfermé par ses barons, et qui devint plus tard sa concubine préférée. Sa seconde femme, qui possédait des pouvoirs bien supérieurs à ceux de l’empereur, était Sophie, fille de Jean, duc de Bavière ; le célèbre John Huss était son confesseur. Dibdin a copié plusieurs des peintures de la Bible de Venceslas d’après les fac-similés de Lambecius, dans son splendide Décaméron bibliographique, vol. I.

♦Lambecii Comment, par Bibl. Cæs. Vindob., lib. II, chap. VIII, p. 749 à 756. Vin-dob., 1669, fol.

Une Bible a été imprimée dans le dialecte de la BASSE-SAXE, d’après Walch, à Cologne, en 1490, fol.+ Une autre édition a été publiée à Lübeck en 1494, en deux volumes in-folio. Il est accompagné de notes, que l’on dit être celles de De Lyra, mais plus probablement composées, au moins en partie, par Hugo de Saint-Victor et d’autres commentateurs anciens. De Seelen’s Selecto. Literaria, p. 241, 242, dit M. Dibdin, « il semblerait que la valeur intrinsèque de cette impression soit très considérable. Autrefois, le bas-allemand était le véhicule habituel d’une version vernaculaire des Écritures ; de sorte que le présent texte n’est pas d’une aide négligeable pour l’intelligence de quelques-unes des éditions antérieures de la Bible de Luther ; et bien que certaines parties du commentaire ne résistent pas à l’épreuve d’une enquête critique sévère, il y en a cependant d’autres qui ne sont pas dépourvues de bienséance et de bon sens ; et si l’on considère l’époque à laquelle il a probablement été composé, il respire un esprit de libéralité qui n’est pas habituel dans les anciens temps de la papauté.++ La pureté de son texte est dite égale à la rareté et à la beauté de l’œuvre.

+ Walchii Biblioth. Theolog., tom. t. IV, p. 96.

++ Biblioth. de Dibdin. Spencer., tom. , p. 57.

Cette édition, dit Vogt, est très estimée, tant à cause de sa rareté que de sa glose ou de son commentaire fantaisiste. Ce qui suit est donné comme un exemple de sa singularité. Dans le troisième chapitre de la Genèse, verset 16, où il est dit à Ève qu’elle sera désormais sous la puissance de son mari, le commentateur remarque : « non seulement sous son contrôle, mais sous sa discipline sévère : sujette à être battue et meurtrie par lui ! » Une interprétation trop absurde pour être réfutée.

§ Ibid., soupe d’igname-

Vers l’année 1475 parut la première édition séparée du Nouveau Testament en latin, sous une forme in-quarto, pour la commodité du grand public. À l’épître de saint Jérôme, qui précède le texte sacré, est précédée d’une notice en latin, par l’imprimeur, expliquant la cause de la publication, dont voici la substance : « C’est le cri général, que tout croyant qui professe avoir quelque connaissance des lettres, est tenu d’avoir une connaissance des Saintes Écritures, et plus particulièrement avec cette partie de la Bible appelée le Nouveau Testament. Il est certain, cependant, que peu de personnes ont les moyens de se procurer toute la Bible, et que beaucoup, même parmi les riches, préfèrent les volumes portables. Induit par ces considérations, ainsi que par l’influence de mes supérieurs, professeurs de théologie sacrée ; et, vaincu par le zèle de certains moines et du clergé séculier, j’ai essayé, je l’espère, sous des auspices favorables, d’imprimer le présent volume commode, contenant tout le Nouveau Testament, en vue de la gloire de Dieu ; et sera satisfait, s’il est avantageux pour quelqu’un. Il est imprimé en doubles colonnes, avec un caractère gothique délicat. À l. Le Nouveau Testament est sous-titré : « Liber haymo de christianarum rerum memoria prolog ».* Haymo, l’auteur, fut disciple d’Alcuin, au IXe siècle, moine de Fulda, puis évêque de Halberstadt. L’ouvrage lui-même est un abrégé de l’histoire ecclésiastique.+

* Dibdin’s Bibl. Spencer., tom. i, pp. 31, 32, note.

+ Cavei Hist. Litt., sæc. IX, p. 530.

En 1475, une édition de la Bible hollandaise fut imprimée à Cologne, en deux volumes in-folio ; à Delft, en 1477, deux volumes in-folio, et aussi en in-4to. Un autre à Goudo, en 1479. On dit que ces traductions ont été mêlées à de nombreux récits fabuleux, et qu’elles ont probablement été faites à une époque antérieure à celle de leur impression. Ils sont censés avoir été précédés d’une édition des quatre Évangiles, imprimée en 1472.++

++ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. I, p. 409, in-folio, 1723. Gentleman’s Magazine, janvier 1814, p. 30.

Le Long mentionne également une version POLONAISE des Écritures, qui, d’après le colophon d’un manuscrit sur vélin, semble avoir été faite vers le milieu de ce siècle : « Cette Bible a été exécutée sur l’ordre et le désir de la très sérénissime reine Sophie ; traduit par Andrew de Jassowitz ; et transcrit par Pierre de Casdoszitz, le 18 août 1455, pendant le veuvage de la reine Sophie, et le règne de son fils Casimir Jagellon. Cette Sophie était reine d’Uladislas IV. André de Jassowitz prospéra vers l’an 1410.

§ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, p. 439, et Index Auctorum, p. 563.

1

En l’an 1470, un curieux ouvrage fut imprimé par Schoeffer à Mentz, et par Helyas Helye alias de Louffen, à Beraum, in-folio, sous le titre de Mammotrectus. Il contient, 1. Exposition des phrases de la Bible et des prologues de saint Jérôme. 2. Deux petits traités d’orthographe et d’accents. 3. Une courte déclaration des mois, des fêtes, etc., et des prêtres juifs. 4. Une explication des mots et des termes anciens, dans les réponses, les hymnes, les homélies, etc. 5. Une déclaration des règles des frères mineurs. L’auteur de l’ouvrage est supposé être Jean Marchesinus, prêtre de l’ordre des frères mineurs, ou de saint François, et natif de Reggio ; qui l’a composé en 1466, à l’usage des moins instruits de sa propre profession. Il a été imprimé plus de vingt fois au XVe siècle.

* Biblioth. de Dibdin. Spencer., tom. t. I, p. 154 et 157. Introduction à la bibliographie de Horne, vol. ii. App., p. Ivi.

Vol. I. — 34

Au cours de ce siècle, et surtout vers la fin de celui-ci, l’Allemagne et les États voisins ont produit plusieurs hommes éminents, qui se sont efforcés de créer une attention à la littérature en général, et ont travaillé à promouvoir la connaissance des langues originales des Saintes Écritures. Parmi ceux-ci, Matthias Doringk, ou Thoringk, Wesselus, Regiomontanus et Reuchlin, méritent particulièrement notre estime.

MATTHIAS DORINGK, ou THORINGK, le célèbre auteur des Réponses aux Additions de Paul de Burgos au Commentaire du De Lyre, naquit à Kiritz, dans la marche de Brandenbourg, et devint jeune moine de Saint-François. Après avoir étudié la philosophie et la théologie avec un succès remarquable, il s’éleva à l’éminence, non seulement comme prédicateur, mais comme conférencier sur les Écritures et professeur de théologie. Alors qu’il était professeur de théologie à Magdebourg, il entreprit la défense des Postills, ou Commentaires, du De Lyra contre les restrictions et les objections de Paul de Burgos. Sa défense se trouve généralement annexée aux éditions imprimées de l’œuvre de De Lyra, ainsi qu’aux " Additions " de Paul de Burgos. En 1431, il exerça les fonctions de ministre de son ordre dans la province de Saxe, et reçut des lettres du landgrave de Thuringe, lui demandant d’introduire quelque réforme parmi les franciscains d’Eisenac. Vers le même temps, il fut envoyé comme l’un des députés au concile de Basile (dont l’un des objets était la réforme de l’Église) par le parti de son ordre qui adhérait à ce concile. Soit à ce moment-là, soit par la suite, il fut élevé au rang de général de l’ordre. Il passa la fin de sa vie dans la retraite, au monastère de Kiritz, où il écrivit la plus grande partie de ses œuvres. L’époque de sa mort est contestée, les uns la situant en 1494, les autres, avec plus de probabilité, en 1464 Outre l’ouvrage déjà mentionné, il en est l’auteur d’autres, et parmi eux d’une Chronique, dans laquelle il traite les personnages des papes et des cardinaux avec une telle liberté, qu’on peut supposer qu’il est l’auteur de la Chronique de Nurembergce qui, cependant, semble être une erreur, car son travail reste dans le manuscrit de la bibliothèque de l’université de Leipzig.

♦ Chalmers' Gen. Biog. Diet., vol. xii, pp. 272-274. Londres, 1813.

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JEAN-HERMAN WESSELUS, de Groningue, naquit vers l’an 1419. Il étudia à Zwoll et à Cologne, puis à Paris, et fut si célèbre pour ses talents et ses réalisations qu’on l’appela « la lumière du monde ». Ses connaissances religieuses extraordinaires et son esprit vraiment chrétien étaient si indiscutables, et ses vues sur les doctrines de l’Évangile si claires, qu’on l’a appelé à juste titre « le précurseur de Luther ». Ce grand réformateur fut si étonné lorsqu’il rencontra pour la première fois des pièces écrites par Wesselus, qu’il écrivit une préface à l’édition de Leipzig de ses œuvres, imprimée en 1522, dans laquelle il dit : « Il est très clair qu’il a été enseigné de Dieu, comme Ésaïe a prophétisé que les chrétiens devraient être : (Es. Liv, 13 :) et comme dans mon propre cas, il en est de même pour lui, on ne peut pas supposer qu’il ait reçu ses doctrines des hommes. Si j’avais lu ses ouvrages auparavant, mes ennemis auraient pu croire que j’avais tout appris de Wesselus, tant il y a de coïncidence dans nos opinions.

Wesselus n’étudia pas seulement la langue grecque, avec l’aide des frères dominicains qui, vers cette époque, passèrent de Constantinople à l’Occident, après sa soumission au gouvernement mahométan, mais il obtint de certains Juifs instruits la connaissance des langues hébraïque, chaldéenne et arabe. Ayant été instruit de bonne heure dans les disputes scolastiques, et ayant acquis par son industrie une part peu commune de connaissances bibliques, il enseigna la philosophie et la philologie avec de grands applaudissements à Groningue, à Paris, à Cologne, à Heidelberg, et surtout à Basile, où il avait pour auditeur le célèbre Reuchlin. Son opposition aux erreurs romaines et les subtilités des disputes scolastiques l’exposaient à des dangers considérables, mais sa réputation d’érudition et de piété était si grande, et ses protecteurs étaient si puissants, qu’il échappa indemne à la tempête.

Lorsque le cardinal François de Rovere fut promu à la chaire pontificale, sous le nom de Sixte IV, il l’envoya chercher à Rome, et lui promit de lui accorder tout ce qu’il demanderait. Wesselus répondit : « Saint-Père et bon patron, je n’insisterai pas trop sur Votre Sainteté. Vous savez bien que je n’ai jamais visé de grandes choses. Mais comme vous soutenez maintenant le caractère du souverain pontife et du pasteur sur la terre, je vous demande de vous acquitter des devoirs de votre rang élevé, de manière à ce que votre louange corresponde à votre dignité, et que, lorsque le grand Pasteur apparaîtra, dont vous êtes le premier ministre, il puisse dire : « C’est bien, bon et fidèle serviteur, Entre dans la joie de ton Seigneur. » et de plus, afin que tu puisses dire hardiment : « Seigneur, tu m’as donné cinq talents, voici, j’en ai acquis cinq autres. » Le pape répondit : « C’est à moi de m’occuper de cela, mais demandez-vous quelque chose pour vous-même. » — Alors, reprit Wesselus, je vous prie de me donner de la bibliothèque vaticane une Bible grecque et une Bible hébraïque. — Tu les auras, dit Sixte ; « Mais, insensé, pourquoi ne demandes-tu pas un évêché, ou quelque chose de ce genre ? » — Pour les meilleures raisons, dit Wesselus ; « parce que je ne veux pas de telles choses. » La Bible hébraïque ainsi présentée fut longtemps conservée dans sa ville natale de Groningue. Il mourut en 1489, à l’âge de soixante-dix ans.

Ses œuvres ont été imprimées plusieurs fois, mais l’édition la plus complète a été publiée en 1614, in-4°, avec un court récit de sa vie par Albert Hardenberg.*

JEAN MÜLLER, communément appelé REGIOMONTANUS, de son lieu natal, Mons Regius, ou Königsberg, une ville de Franconie, naquit en 1436, et devint le plus grand astronome et mathématicien de son temps. Ayant d’abord acquis des connaissances grammaticales dans son pays, il fut admis, alors qu’il n’était encore qu’un garçon, à l’académie de Leipzig ; De là, à l’âge de quinze ans seulement, il se rendit à Vienne, pour jouir des avantages supérieurs que lui donnaient les savants professeurs de cette université. Au bout de quelques années, le cardinal Bessarion arriva à Vienne, et ne tarda pas à faire la connaissance du jeune astronome, qui, pour perfectionner sa connaissance de la langue grecque, accompagna le cardinal à Rome, où il étudia sous la direction de Théodore Gaza, un savant grec. En 1463, il se rendit à Padoue, où il devint membre de l’université. En 1464, il se rendit à Venise, pour rencontrer et assister son patron Bessarion. + Il retourna la même année avec le cardinal à Rome, où il fit quelque séjour, pour se procurer les livres les plus curieux : ceux qu’il ne pouvait acheter, il prit la peine de les transcrire, car il écrivait avec beaucoup de facilité et d’élégance ; et d’autres il les fit copier à grands frais ; car comme il était certain qu’aucun de ces livres ne pouvait être trouvé en Allemagne, Il avait l’intention, à son retour, de traduire et de publier quelques-uns des meilleurs d’entre eux. C’est probablement à cette époque qu’il transcriva, de la plus belle manière, tout le Nouveau Testament de sa propre main, travail qu’il entreprit par l’ardeur de son attachement au livre divin, et qu’il lui rendit familier, dit-on, par une lecture constante.

+ Parmi les autres curiosités de la bibliothèque de Louvain, il y a un manuscrit de la Bible, aux docteurs de l’université, par le cardinal Bessarion, en remerciement reconnaissance de l’hospitalité avec laquelle ils l’ont traité. Introd de Home, à Bibliog., t. II, p. 594.

Après s’être procuré un nombre considérable de manuscrits, il retourna à Vienne, et lut quelque temps des conférences ; après quoi il se rendit à Buda, sur l’invitation de Matthias, ou Mattheo, roi de Hongrie, le grand patron des savants. L’éclatement de la guerre l’obligea à se retirer à Nuremberg, où il fonda une imprimerie et imprima plusieurs ouvrages astronomiques. En 1474, il est convaincu par le pape Sixte IV. de retourner à Rome, pour aider à réformer le calendrier. Il arriva à Rome en 1475, mais y mourut un an plus tard, à l’âge de quarante ans seulement, non sans soupçon d’avoir été empoisonné.*

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JEAN REUCHLIN, qui prit le nom de CAPNIO, naquit à Pforzheim, ville de Souabe, dans l’électorat de Bade, en 1454. Formé parmi les choristes de l’église de sa ville natale, il fut remarqué par le margrave de Bade, qui le prit sous sa garde et lui donna l’occasion d’acquérir une éducation libérale. Il étudia ensuite à Paris et à Basile, et obtint en 1481 le grade de docteur en droit à Orléans. À son retour en Allemagne, il accompagna Eberhard, comte de Wirtemberg, à Rome ; et ensuite il fut envoyé en ambassade auprès de l’empereur Frédéric III. et la cour pontificale. Son extraordinaire attachement à la langue hébraïque se découvrit dans ces deux occasions : à Rome, il engagea un Juif à perfectionner sa connaissance de cette langue, pour laquelle il lui paya la somme énorme d’une pièce d’or par heure ; à la cour de Frédéric, au lieu de recevoir les présents habituels de chevaux richement caparaçonnés ou de coupes d’or, ou d’autres cadeaux précieux de même nature, il demanda et obtint une Bible hébraïque très ancienne.

Quoiqu’il fût éminemment instruit dans les langues latine et grecque, il semble s’être surtout occupé de l’hébreu, dont il composa une grammaire, la première qui eût été écrite de cette langue par un chrétien. Il est également l’auteur d’un lexique hébraïque et de plusieurs autres ouvrages relatifs à cette langue primitive. Il est considéré à juste titre comme le restaurateur de l’enseignement de l’hébreu et du grec en Allemagne ; mais sa singulière érudition et sa promotion active de la littérature le soumirent alors à l’opposition la plus virulente de la part des inquisiteurs et des moines superstitieux et ignorants. L’une des disputes les plus redoutables dans lesquelles il fut impliqué provenait de sa connaissance approfondie des écrits rabbiniques. Jean Pfeffercorn, un célèbre juif converti, avait depuis longtemps demandé à l’empereur Maximilien de brûler tous les livres juifs, à l’exception de la Bible, comme ne tendant qu’à encourager la superstition et l’impiété, et à empêcher la conversion des juifs au christianisme. L’empereur, cédant en partie à sa demande, envoya des ordres à Uriel, archevêque de Mentz, pour qu’il nommât une université à laquelle, avec l’inquisiteur Jacques Hochstrat et Jean Reuchlin, la décision de la question pourrait être renvoyée. Reuchlin, en réponse aux questions de l’archevêque, remarqua que les ouvrages juifs pouvaient être divisés en trois classes, historiques, médicales et talmudiques, qui, bien que mêlées de beaucoup de fictions fabuleuses et ridicules, étaient utiles pour réfuter leurs erreurs et leurs opinions antichrétiennes. Il envoya cette décision scellée à l’archevêque ; mais Pfeffercorn, apprenant la sentence, publia aussitôt un ouvrage contre Reuchlin, l’appelant le champion et le protecteur des Juifs ; elle a été suivie d’une publication similaire de Hochstrat. L’opinion de Reuchlin fut également condamnée par les universités de Paris et de Cologne, et le livre qu’il avait écrit pour la défendre fut brûlé publiquement. D’autre part, l’archevêque de Spire approuva Reuchlin, et rendit un jugement en sa faveur, dans la cause portée devant lui par Hochstrat et ses avocats. La dispute fut finalement portée à Rome, où Hochstrat resta trois ans, mais trouvant les délégués nommés par le pape Léon X favorables à Reuchlin, il retourna en Allemagne, où il devint par la suite actif dans la destruction de quelques-uns des premiers luthériens, et où il mourut, à Cologne, vers 1990. A. D. 1527.

Vers la fin de sa vie, Reuchlin se consacra à l’enseignement des langues hébraïque et grecque à l’université d’Ingolstadt, jusqu’à ce que, frappé d’incapacité par la jaunisse, il se retirât à Stutgard, où il mourut en 1521, à l’âge de soixante-sept ans.

Outre les ouvrages déjà mentionnés, il en publia plusieurs autres sur la littérature hébraïque ; une traduction de l’hébreu en latin du VIIe siècle. Psaumes pénitentiels, imprimés en hébreu et en latin, à Tübingen, 1512, in-8 ; un traité De Arte Cabalisticadédié à Léon X, abrégé de l’histoire des Assyriens, des Perses, des Grecs et des Romains, etc.*

* Cavei Hist. Litt., sæc. xv. Appendice, p. 183. Histoire de la Réforme de Sleidan, par Bohun, lib. t. II, p. 29 et 30. Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 60, 61, 122, 379. Hody, De Bibl. Text. Orig., lib. III, partie II, p. 447, 448.

Le généreux patronage accordé à la littérature par Mattheo Corvini, roi de Hongrie et de Bohême, mort d’apoplexie en 1490, mérite également une attention particulière. Il succéda à son père sur le trône de Hongrie en 1457, et étendit sa réputation de soldat dans toute l’Europe, par la prise de Vienne et de Nieustadt. Mais son amour de la littérature, et son patronage pour l’érudition, ont transmis à la postérité des souvenirs plus tranquilles et plus délicieux que n’auraient pu le faire tous les exploits guerriers. Animé d’une ardente soif de connaissances, il devint un collectionneur de livres des plus assidus, et, pendant les trente dernières années de sa vie, il n’épargna aucune dépense pour acquérir une bibliothèque qui le plaça parmi les plus illustres mécènes et gardiens de la littérature. Il acheta d’innombrables volumes d’écrivains grecs et hébreux à Constantinople et dans d’autres villes grecques, à l’époque de la conquête de l’empire d’Orient par les Turcs ; et comme les opérations de l’art typographique n’étaient encore que lentes et imparfaites, et que le nombre des livres imprimés jusque-là était peu nombreux, il entretint quatre savants transcripteurs à Florence, pour multiplier les copies des classiques qu’il ne pouvait se procurer en Grèce. Il érigea trois bibliothèques dans la citadelle de Buda, dans lesquelles il plaça trente mille ou, selon d’autres, cinquante mille volumes. La principale, dans laquelle était placée la plus grande partie de sa magnifique collection, était une sorte de galerie voûtée, divisée en trois parties : une quatrième partie formant une sorte d’appendice commode pour recevoir les visiteurs. Dans cette quatrième partie, il y avait deux vitraux, et deux portes ; l’une des portes s’ouvrant immédiatement sur la bibliothèque, l’autre menant à l’appartement privé du monarque. Dans ces bibliothèques, il établit trente amanuenses, habiles à écrire, à enluminer et à peindre, qui, sous la direction de Félix Ragusinus, dalmate, parfaitement instruit dans les langues grecque, chaldéenne et arabe, et élégant dessinateur et peintre d’ornements sur vélin, s’occupaient constamment de transcription et de décoration. Le bibliothécaire était Barthélemy Fontius, savant Florentin, auteur de plusieurs ouvrages philologiques, professeur de grec et d’art oratoire à Florence. Les livres étaient placés sur des étagères selon leurs classes ; et de cette manière ils étaient couverts de rideaux de soie, ou tentures, ornés d’argent et d’or, ou brochés. Les renfoncements inférieurs, à côté du plancher, étaient affectés à quelque chose comme des armoires, qui contenaient des manuscrits trop grands pour leur place, ou d’un caractère qui n’admet pas facilement la classification. L’extérieur de cette division inférieure, ou probablement les portes des placards, ont été habilement et curieusement sculptés. Les livres étaient principalement des manuscrits en vélin, reliés en brocart, et protégés par des boutons et des fermoirs d’argent ou d’autres métaux précieux ; et étaient ornés ou marqués de l’emblème ou de l’insigne du propriétaire, qui était celui d’un corbeau noir avec un anneau dans la bouche, en allusion à l’étymon de son nom, Corvus, un corbeau, ou corbeau. La bibliothèque était également célèbre pour le magnifique globe céleste qu’elle contenait, et pour les fontaines d’argent et de marbre qui jouaient dans la galerie voisine ou la cour. Lorsque Buda fut prise par les Turcs, sous Solyman II. en 1526, le cardinal Bozmanni offrit pour cette collection inestimable deux cent mille pièces de monnaie impériale, mais sans effet, car les assiégeants barbares défigurèrent ou détruisirent la plupart des livres, à cause de leurs couvertures splendides, et des bossages et fermoirs d’argent dont ils étaient enrichis. Ceux qui échappaient à la rapacité de la solfetterie turque étaient jetés dans une sorte de voûte souterraine, pour y moisir ou périr, selon qu’il pouvait arriver. En 1666, Lambecius, le savant bibliothécaire de la bibliothèque impériale de Vienne, fut envoyé à Buda dans le but de récupérer les restes de la bibliothèque corvinienne. Il trouva là, dans une crypte de la citadelle, à peine éclairée par une fenêtre et aérée par une seule porte, environ quatre cents volumes, étendus sur un sol de terre et couverts de saleté et d’immondices. Trois copies manuscrites des « Pères » étaient tout ce qu’il lui était permis d’emporter. Mais en 1686, Buda fut prise par les armes autrichiennes, et le reste, quoique de peu de valeur, fut transporté à Vienne. Quelques-uns des volumes les plus précieux ayant appartenu autrefois à cette bibliothèque ont été découverts à la bibliothèque impériale de Vienne, à la bibliothèque de Wolfenbüttel, et dans celle de Morelli, le savant bibliothécaire de Saint-Marc, à Venise. Dans la bibliothèque publique de Bruxelles, il y a deux manuscrits d’une finition exquise qui ornaient autrefois la bibliothèque 01 Corvinus. Le premier est un Evangelistariwn latin, écrit en lettres d’or, sur le plus beau vélin, et appelé à juste titre « Le Livre d’Or ». Il était devenu la propriété de Philippe II. d’Espagne, qui le conservait à la bibliothèque de l’Escurial, sous clé ; et l’on dit qu’on l’a jadis montré aux étrangers avec une grande cérémonie, et à la lueur des torches ! L’autre est un magnifique Missel, très enluminé.

Alexandre Brassicanus, qui vit la bibliothèque de Buda avant qu’elle fût dispersée, remarqua, parmi un nombre immense d’autres ouvrages précieux, l’ensemble des écrits d’Hypéride, l’orateur grec, avec de précieuses scholies ; un grand livre des canons apostoliques : le commentaire de Théodoret sur les Psaumes ; les œuvres de Chrysostome, Cyrille, Nazianze, Basile le Grand, Grégoire de Nysse, Théophane, etc.

♦ Décaméron bibliographique de Dibdin, vol. II, pp. 455-462. Histoire de la poésie anglaise de Warton, vol. II, pp. 417, 418. Lomeier, De Bibliothecis, cap. IX, p. 204. Horne’s Introduction to Bibliography, vol. II, p. 595.

Pendant ce siècle florissait aussi R. Isaac, ou MARDOCHÉE NATHAN, un Juif célèbre, et le premier qui s’engagea dans le travail laborieux de la compilation d’une Concordance hébraïque, qu’il commença en 1438 et acheva en 1448, après dix ans de dur labeur. Son livre a été publié à Venise, en 1523, mais avec des défauts considérables, beaucoup de mots et d’endroits étant entièrement omis. Une seconde édition fut imprimée à Basile, en 1581, par Ambroise Froben, dans laquelle quelques-uns des défauts de l’édition de Venise furent corrigés, mais sans en altérer la forme, ni suppléer aux défauts. Une splendide édition, par Marius de Calasio, frère franciscain, a été publiée à Rome en 1621, en quatre volumes in-folio, auxquels ont été ajoutés, 1. Une traduction latine de l’explication de R. Nathan sur les diverses racines, avec les agrandissements de l’auteur lui-même ; 2. Les mots rabbiniques, chaldéens, syriaques et arabes, dérivés de la racine hébraïque ou s’accordant avec elle dans leur signification ; 3. Une version littérale du texte hébreu ; 4. Les variations de la Vulgate et de la Septante ; 5. Les noms propres des hommes, des rivières, des montagnes, etc. Par la suite, Jean Buxtorf, l’infatigable propagateur de la langue hébraïque, entreprit de corriger et de réformer les éditions précédentes, et réussit heureusement en lui donnant une forme entièrement nouvelle. Celui-ci fut imprimé après sa mort, par son fils, à Basile, en 1632, in-folio. Le révérend W. Romaine publia une édition améliorée de l’ouvrage de Calasio, en 1747, à Londres, en quatre volumes in-folio. « Mais au point de vue de l’utilité, c’est de beaucoup inférieur à « The Hebrew Concordance, adapté à la Bible anglaise, disposé à la manière de Buxtorf, par John Taylor, D. D. », Londres, 1754, deux volumes in-folio, qui peut être appelé à juste titre la sixième édition de la Concordance de R. Nathan, car elle a été le fondement de l’ensemble. » L’ouvrage du Dr Taylor « a été publié sous le patronage de tous les évêques anglais et irlandais, et c’est un monument à leur honneur, ainsi qu’à l’érudition et à l’industrie de l’éditeur.+ L’époque de la mort de R. Nathan est incertaine+.

+ Taylor’s Hebrew Concordance, Préface, sec. i, vol. i. Clarke’s Bibliographical Dictionary, vol. ii, p. 113.

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Outre les érudits orientaux et bibliques que nous avons déjà remarqués, il y en eut plusieurs qui, vers la fin de ce siècle, poursuivirent avec succès des études semblables ; parmi ceux-ci, on peut citer Marcus Lypomannus ; Laurentius Valla ; Baptista Mantuanus ; Jean Picus, comte de Mirandole ; Rodolphus Agricola ; et John Creston.

MARCUS LYPOMANNUS, conseiller et patricien de la république de Venise, éminemment versé dans l’hébreu, le grec et le latin, florissait dans la première partie de ce siècle.*

LAURENTIUS VALLA, patricien romain, docteur en théologie et chanoine de Saint-Jean de Latran, fut l’un des principaux restaurateurs de la beauté de la langue latine. Son ouvrage, De l’élégance de la langue latine, a été fréquemment imprimé. Il est également l’auteur d’Annotations sur le Nouveau Testament, édité par Érasme, qui les défend. Valla avait le dessein de traduire le Nouveau Testament en latin ; mais le pape l’en ayant empêché, il ne put écrire que des notes sur la Vulgate, blâmant la mauvaise latinité et l’inexactitude de cette version. F. Simon est peut-être trop sévère pour lui comme critique, et dit que, comme il n’était qu’un grammairien, ses remarques sont peu considérables. Ses « Annotations » furent favorablement accueillies par le pape Nicolas V, qui le rappela de Naples, où il s’était enfui pour échapper à la persécution de l’inquisition. Il mourut en 1457, dans la cinquante-deuxième année de son âge.+

+ Hody, ut sup. Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 20.

BAPTISTA MANTUANUS, moine de Mantoue, de l’ordre des Carmélites, après avoir été choisi six fois vicaire général, fut institué général de l’ordre. À la littérature polie, il ajouta la connaissance de l’hébreu, ainsi que des langues grecque et latine. Il écrivit un traité intitulé De Causa Diversitatis inter Interprètes S. Scripturæ, dans lequel il défendait la version de la Vulgate contre les Juifs. Ses œuvres furent imprimées à Anvers en 1607, en quatre volumes in-octavo. Il meurt en 1516.++

++ Hody, ut sup., p. 443. Le Long, Biblioth. Sacra, tom. ii, p. 624. Paris, 1723

JOHN FRANCIS PICUS, ou Pico, comte de Mirandole, est né· 24 février 1463. Il perdit son père de bonne heure, mais il trouva en sa mère une gardienne des plus attentives ; et le soin qu’elle prit de son éducation fut récompensé par les améliorations les plus étonnantes. On dit qu’à l’âge de dix-huit ans, il comprenait vingt-deux langues différentes. En 1491, il abandonna ses biens et se retira dans un de ses châteaux, afin de se consacrer entièrement aux études théologiques, et surtout à l’étude des Écritures. C’est dans cette retraite qu’il mourut, en 1494, à l’âge de trente et un ans. Il écrivit contre l’astrologie judiciaire, combattant les opinions cabalistiques des Juifs, défendit la version des Septante des Psaumes, et fut l’auteur d’un Exposé du Notre Père et de beaucoup d’autres ouvrages*. Beaucoup pensent que c’est le plus grand bonheur d’un homme dans cette vie de jouir de la dignité et du pouvoir, et de vivre dans l’abondance et le pouvoir. splendeur d’une cour ; mais de ceux-ci, vous savez, j’ai eu une part : et... Je suis persuadé que les Césars, s’ils pouvaient parler du haut de leurs sépulcres, déclareraient Picus plus heureux dans sa solitude qu’ils ne l’étaient dans le gouvernement du monde : et si les morts pouvaient revenir, ils choisiraient les douleurs d’une seconde mort plutôt que de risquer leur salut une seconde fois dans les postes publics.+

Rodolphus Agricola était un savant allemand. Vers la fin de sa vie, il se consacra entièrement à l’étude des Écritures et de la langue hébraïque, qu’il n’avait commencé à apprendre qu’à quarante ans ; mais il fit de tels progrès, qu’avec l’aide de son maître, il fit une traduction des Psaumes. Il mourut en 1485, à l’âge de quarante-trois ans.++

++ Hody, p. 446. Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 76.

JOHN CRESTON était un moine carmélite italien et médecin de Placentia. Il publia une édition des Psaumes, en grec, avec une traduction latine, ou plutôt une édition corrigée de la Vulgate, imprimée à Milan, en 1481, en petit in-folio ou in-quarto, aux frais de Bonaccursius Pisanus.

§ Hody, p. 446. Le Long, édit. Masch., iie partie, tom. II, sec. i, p. 311.

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