PARTIE III.

DEPUIS L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE.

CHAPITRE I.

SUITE DU XVE SIÈCLE.

Invention de l’imprimerie. — Les premiers imprimeurs. — Les premières Bibles imprimées. — Les censeurs de livres. — Les indices expurgatorii. — Les détenteurs de licences de presse.

Le RINÇAGE semble devoir son origine à l’art de la gravure sur bois, qui a probablement été emprunté aux Chinois, chez qui il était en usage depuis les périodes les plus reculées. Les premiers essais d’impression au bloc en Europe ont été faits vers le commencement du XVe siècle, par les fabricants de cartes à jouer, qui, après avoir employé des blocs ou des gravures sur bois pour leurs cartes, ont commencé à graver sur bois les images des saints, que le clergé distribuait en certaines occasions au peuple. Des estampes de cette description, de la même taille que les cartes à jouer, représentant différents sujets d’histoire sacrée et de dévotion, avec un texte analogue au sujet, opposé à la figure, sont conservées dans la bibliothèque de Wolfenbuttle. Mais qu’ils aient aussi gravé des images d’un plus grand format, c’est ce que prouve la très curieuse gravure sur bois de saint Christophe, trouvée par le baron Heinecken, dans le couvent des Chartreux, à Buxheim, près de Memmingen, et aujourd’hui dans la superbe collection du comte Spencer ; dont un fac-similé est donné dans la splendide Bibliotheca Spenceriana de Dibdin. D’après l’inscription gravée et imprimée au bas de l’estampe, il est prouvé qu’elle a été exécutée en 1423.* Aux images des saints succédèrent des sujets historiques, principalement bibliques ou dévotionnels, généralement appelés Livres d’images, avec un texte ou une explication gravés sur la même tablette, dont le compte rendu le plus complet est donné par le baron Heinecken, dans son Idée Générale d’une Collection complète d’Estampes, avec une dissertation sur l’origine de la Gravure, et sur les premiers Livres des Images. Leipsic et Vienne1771, 8 vol. Un abrégé judicieux de cet ouvrage, en ce qui concerne les Livres d’images, avec des corrections et des notices d’ouvrages récemment découverts de cette description, est contenu dans l’appendice de l’Introduction à l’étude de la bibliographie de Horne, et est accompagné d’un fac-similé de la première planche du Speculum Huma-næ Salvationist supposé avoir été exécuté entre les années 1440 et 1457 ; et une autre de la Biblia Pauperum, censée avoir été exécutée entre 1420 et 1425. Plusieurs fac-similés d’ouvrages de cette nature sont gravés d’après des exemplaires rares en possession du comte Spencer, dans la Bibliolheca Spenceriana, avec des descriptions bibliographiques par l’ingénieux éditeur.

*Heinecken, Idée Generale d’Estampes, pp. 246, 248-251.

De tous les ouvrages de xylographie, c’est-à-dire ceux qui sont imprimés sur des tablettes de bois, la Biblia Pauperum et le Speculum Salva-tionis sont les plus célèbres. La BIBLIA PAUPERUM, qui se compose de quarante planches de sujets bibliques, avec des extraits et des phrases analogues, est incontestablement un livre très rare et très ancien. Les quelques exemplaires qui en existent aujourd’hui sont, pour la plupart, soit imparfaits, soit en très mauvais état ; ce qui ne doit pas exciter de surprise, quand on considère que cet ouvrage a été exécuté à l’usage des jeunes gens et des gens du peuple (d’où son nom, la Bible des pauvres), qui ont ainsi pu acquérir à bas prix la connaissance de quelques-uns des événements rapportés dans les Écritures. Cela expliquera la destruction de presque tous les exemplaires, par un usage répété ; car, dans ce temps-là, où l’art actuel de l’imprimerie était inconnu, il n’y avait que peu de personnes qui pussent se permettre de donner cent louis d’or pour le manuscrit d’une Bible complète. Une édition un peu plus tardive compte cinquante planches au lieu de quarante.

Le Speculum Humanæ Salvationis, ou, comme on l’appelle fréquemment, le SPECULUM SALUTIS , est de son propre aveu, tant dans sa conception que dans son exécution, le plus parfait de tous les anciens livres d’images qui ont précédé l’invention de l’imprimerie. Cette compilation, qui est en petit in-folio, est un recueil de passages historiques des Écritures, avec quelques-uns de l’histoire profane, qui y font allusion ; et est attribuée par Heinecken (et après lui par Lambinet) à un moine bénédictin, nommé frère Jean, au XIIIe ou XIVe siècle. Ce Miroir du Salut était si populaire qu’il fut traduit en allemand, en flamand et dans d’autres langues, et très fréquemment imprimé.+ La préface est imprimée avec des caractères fusilés.

+Horne’s Introduction to Bibliography, vol. ii, App., pp. ii, x.

Ces livres d’images, exécutés principalement en Hollande, quoique généralement considérés comme les premiers essais d’imprimerie, n’en étaient pas moins un art différent de l’imprimerie moderne, qui consiste à employer des caractères mobiles séparés, qui furent d’abord taillés dans le bois, puis dans le métal, et l’art enfin complété par l’invention des caractères de fondation dans des moules ou des matrices. Pour l’invention des caractères mobiles, nous sommes redevables à John Guttenberg, de Mayence, ou Mentz, une ville célèbre d’Allemagne.

++ Il est probable que beaucoup de ces livres d’images ont été imprimés à Haerlem, et que de là est née l’opinion que Lawrens Coster de Haerlem était l’inventeur de l’imprimerie. Voir Horne’s Introduction to Bibliography, vol. i, pp. 145-154 ; et Classical Journalvol. xxi, n° 41, p. 117-137. Lond., 1820.

HENNE GOENSFLEISCH de Sulgeloch, ou Sorgenloch, communément appelé JOHN GUTENBERG, naquit à Mentz, de parents nobles et riches, vers l’an 1400. En 1424, il s’installa à Strasbourg, en tant que marchand. L’abbé Mauro Boni dit que, « stimulé par son génie de découvrir quelque chose de nouveau », il voyagea dans sa jeunesse à travers divers pays, où il apprit plusieurs arts inconnus des Allemands. En 1430, il retourna dans sa ville natale, comme en témoigne un acte d’accommodement entre lui et les nobles et bourgeois de la ville de Mentz. Un document produit par Schoepflin prouve qu’il était un homme riche en 1434. Entre cette époque et 1439, il avait conçu, et peut-être fait quelques essais de l’art de l’imprimerie avec des caractères mobiles, et probablement avec des caractères métalliques, bien que ses premiers essais soient censés avoir été avec des caractères mobiles taillés dans le bois. En 1441-2, Gutenberg vécut à Strasbourg, où il demeura jusqu’en 1443 environ, date à laquelle il retourna de nouveau à Mentz, et vers l’année 1450 semble avoir ouvert pleinement son esprit à Fust, un orfèvre du même endroit, et l’avoir persuadé d’avancer de grosses sommes d’argent, afin de faire des essais plus approfondis et plus complets de l’art. Entre les années 1450 et 1455, la célèbre Bible de six cent trente-sept feuillets, premier spécimen important d’impression avec des caractères métalliques, a été exécutée entre Gutenberg et Fust.♦♦

♦Santander observe que les caractères mobiles en bois n’ont pu être utilisés dans l’impression d’aucun ouvrage, en raison de leur nature fragile et spongieuse, qui les rendait faciles à casser, ainsi qu’à être constamment sujets à la contraction ou à la dilatation. Voir Santander, Diet. Bibliographiquet. I, p. 80, note 47.

♦♦ Dibdin’s Typographical Antiquities, vol. i, p. Ixxxvii, note. Santander, Dictionnaire Bibliographique choisi du quinzième siècle, torn, i, ch. i, pp. 10-107. Bruxelles et Paris, 1805, 8vo.

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Cette Bible, la première jamais imprimée, est une édition de laVULGATE DE LATIN. Il forme deux volumes, in-folio, est imprimé en gros caractères gothiques ou allemands, et est dit être « justement loué pour la force et la beauté du papier, l’exactitude du registre, l’éclat de l’encre, et la beauté générale et la magnificence des volumes. Il est sans date, circonstance qui a donné lieu à de nombreuses controverses quant à sa priorité par rapport à d’autres éditions non datées exécutées à peu près à la même époque. On a remarqué qu’elle contenait six cent trente-sept feuillets, pour mieux la distinguer des autres éditions sans date. C. G. Schwarz, éminent bibliographe, dit, dans sa Primaria quædam Documenta de Orig. Altorfii1740, in-4°, t. II, p. 4, qu'« en l’an 1728, dans une chartreuse, un peu au-delà des murs de Mentz, il vit un exemplaire d’une vieille Bible latine, qui était imprimée en gros caractères, semblable à ce qu’on appelle le type du Missel ; et que, bien qu’un feuillet de fin ait été découpé, de sorte que la date, le lieu et le nom de l’imprimeur n’ont pas pu être déterminés, cependant, dans un ancien catalogue manuscrit de la même bibliothèque, une inscription, ou mémorandum, a été faite, que cette Bible, avec quelques autres livres, (dont il avait oublié les noms), a été donnée au monastère par Gutenberg.+ Des exemplaires de cette superbe œuvre de Gutenberg se trouvent dans la bibliothèque de Sa Majesté, dans la bibliothèque Bodléienne, et dans celles du comte Spencer et de Sir Μ. M. Sykes, bart.

+Voir Dibdin sur la Bible de la Vulgate de 1450-1455 ; inséré dans Classical Journal, n° 8, pp. 471-484

Il y a aussi un magnifique exemplaire de cette Bible à la bibliothèque royale de Berlin, imprimé sur vélin, et enrichi d’une profusion d’ornements anciens et élégants ; et dans la bibliothèque du roi à Paris, il y a deux autres exemplaires de cette édition des plus précieuses, l’un sur vélin, en quatre volumes, et l’autre sur papier, en deux volumes. Ce dernier exemplaire fait l’objet d’un abonnement à l’encre rouge à la fin de chaque volume. Qu’à la fin du premier volume, dont un fac-similé est donné dans le Classical Journal, n° 8, p. 481, se trouve

TRADUCTION.

Ici se termine la première partie de la Bible ou de l’Ancien Testament. Enluminé, ou rubriqué, et relié, par Henry Albch ou Cremer, le jour de la Saint-Barthélemy, avril 1456. Grâces soient rendues à Dieu. Alléluia.

À la fin du deuxième volume, l’abonnement est

TRADUCTION.

Ce livre, enluminé et relié par Henry Cremer, vicaire de la collégiale Saint-Étienne, à Mentz, a été achevé le jour de la fête de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, A.I). 1456. Grâces soient rendues à Dieu. Alléluia. *

- ↑ Anecdotes de littérature de Beloe, t. V, p. 83.

Les dépenses occasionnées par cette publication furent si considérables, que Fust intenta un procès à Gutenberg, qui fut obligé de payer les intérêts, ainsi qu’une partie du capital avancé. À la suite de ce procès, la société fut dissoute ; et tout l’appareil d’impression de Gutenberg tomba entre les mains de Fust. Mais Gutenberg ne se laissa pas décourager de poursuivre ses activités : il fonda une nouvelle presse et continua d’exercer son art jusqu’en 1465, quand, admis par l’électeur Adolphe de Nassau, dans sa bande de gentilshommes pensionnaires, avec un beau salaire, il renonça à un art qui lui avait causé tant de peines et de contrariétés.Gutenberg est mort en 1468.

+ Horne’s Introduction to Bibliography, vol. I, p. 159. Voir aussi Dibdin’s Biblio graphical Decameron, vol. i, Quatrième Jour, où les divers points de différend concernant les prétentions de Gutenberg sont examinés dans leur ensemble.

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Après la séparation entre Gutenberg et Fust, qui eut lieu en 1455, Fust commença à imprimer pour son propre compte, avec l’aide de PETER SCHOEFFER, calligraphe de Gernsheim ; un jeune homme industrieux, aux talents inventifs, à qui l’on attribue l’art de fonder des caractères dans des moules ou des matrices ; ou, ce qui est plus probable, l’invention des poinçons pour frapper les matrices ; Fust le récompensa en lui donnant en mariage sa fille unique, Christina.

La première publication que l’on connaisse qui soit sortie des presses de FUST et SCHOEFFER fut une belle édition des Psaumes, en latin, terminée le 14 août 1457, qui, d’après le lieu où elle a été imprimée, est généralement appelée le Psautier de Mentz. C’est le premier livre connu qui porte le nom du lieu où il a été imprimé, et celui des imprimeurs*, ainsi que la date de l’année où il a été exécuté. La copie la plus parfaite connue est celle de la bibliothèque impériale de Vienne. Il fut découvert en l’an 1665, près d’Inspruck, dans le château d’Ambras, où l’archiduc François Sigismond avait recueilli une quantité prodigieuse de manuscrits et de livres imprimés ; pris, pour la plupart, de la célèbre bibliothèque de Matthias Çorvinus, roi de Hongrie, d’où il a été transporté à Vienne. Le livre est imprimé in-folio, sur vélin, et d’une rareté si extrême, qu’il n’en existe pas plus de six ou sept exemplaires, qui cependant diffèrent tous les uns des autres sous un rapport ou sous un autre. Le Psautier occupe cent trente-cinq feuillets, et le recto le cent trente-sixième ; les quarante et un feuillets restants sont affectés aux litanies, aux prières, aux réponses, aux veilles, etc. Les psaumes sont exécutés en caractères plus grands que les hymnes ; Les lettres majuscules sont taillées sur bois, avec une délicatesse et une hardiesse vraiment surprenantes : les plus grandes d’entre elles, les lettres initiales des psaumes, qui sont noires, rouges et bleues, ont dû passer trois fois par la presse. Un fac-similé de la première lettre de ce noble psautier est donné dans l’Introduction à l’étude de la bibliographie de Horne, vol. I, p. 251. Il est aussi donné, avec quelques phrases du premier psaume, dans la Bibliotheca Spenceriana vol. I, p. 107, colorié exactement d’après l’original. Une autre édition de ce Psautier a été imprimée en 1459 par les mêmes imprimeurs, contenant, probablement, le premier texte imprimé du Credo d’Athanase. On dit qu’elle n’est pas aussi belle que l’édition précédente, bien qu’elle soit exécutée avec les mêmes caractères et les mêmes lettres majuscules, et aussi sur vélin. Les moines bénédictins et de Saint-Alban sont censés avoir été aux dépens de ces éditions du Psautier.

En 1462, Fust et Schoeffer publièrent une Bible latine, en deux volumes, in-folio. Il s’agit de la première édition avec date et, comme toutes les autres productions typographiques anciennes, elle est d’une rareté et d’une valeur extrêmes. Les exemplaires de cette Bible sur papier sont encore plus rares que ceux sur vélin, dont les derniers, plus probablement, ont été imprimés, afin qu’ils aient la plus grande ressemblance avec les manuscrits, que les premiers imprimeurs se sont efforcés d’imiter autant que possible. M. Lambinet , dans ses Recherches sur l’origine de l’imprimeriep. 155, dit : « Il est certain que, dès l’année 1463, Fust, Schoeffer et leurs associés, vendirent ou échangeèrent, en Allemagne, en Italie, en France et dans les universités les plus célèbres, le grand nombre de livres qu’ils avaient imprimés ; et, chaque fois qu’ils le pouvaient, ils les vendaient sous le nom de MSS. Comme preuves de quoi, on peut le remarquer, 1er. Que nous ne connaissons aucun ouvrage sorti de leur presse, entre la Bible de 1462 et la première édition de Cicéron de Officiis, en 1465. 2d. Gabriel Naudè nous informe que Fust apporta à Paris un nombre considérable d’exemplaires de la Bible de 1462. Comme elles étaient sur parchemin, et que les lettres majuscules étaient enluminées de bleu, de pourpre et d’or, à la manière des anciens manuscrits, il les vendit comme telles à soixante écus Mais ceux qui en achetèrent d’abord des copies, les comparant entre elles, trouvèrent bientôt qu’elles se ressemblaient exactement : plus tard, ils apprirent que Fust en avait vendu un grand nombre d’exemplaires. et il en avait baissé le prix, d’abord à quarante, puis à vingt écus. La supercherie étant ainsi découverte, il fut poursuivi par les officiers de justice, et forcé de s’enfuir de Paris, et de retourner à Mentz ; mais, ne se trouvant pas en sûreté, il quitta de nouveau Mentz, et se retira à Strasbourg, où il enseigna l’art à Mentelin. On dit que la facilité avec laquelle Fust fournissait ainsi des Bibles à vendre lui valut d’être considéré comme un nécromancien et qu’il donna lieu à l’histoire bien connue du diable et du docteur Faustus. D’autres ont mis en doute la véracité de ces paroles, et ont remarqué qu’il y avait un Faustus vivant à la même époque, qui a écrit un poème De influentia Syderumqui, avec un certain nombre d’autres tracts, a été imprimé à Paris, « per Guidonum Mercatorem, 1496 ». Son nom propre était Publius Faustus Andrelinus Foroliviencis, mais il s’appelait lui-même, et ses amis dans les lettres qu’ils lui adressaient l’appelaient, Faustus  Un curieux acte de vente, de cette édition de la Bible, nous apprend qu’Herman de Stratten, agent de Fust et Schoefler, en vendit une copie à Guillaume Tourneville, évêque d’Angers, pour quarante écus d’or, en 1470. Le manuscrit mémorandum, en latin, a été trouvé dans un des vélins de cette Bible : en voici le sens : « Moi, Herman, Allemand, ouvrier de l’honnête et discret Jean Guymier, libraire assermenté de l’université de Paris, je reconnais avoir vendu à l’illustre et savant maître Guillaume, de Tourneville, archevêque et chanoine d’Angiers, mon très respectable seigneur et maître, une Bible À MENTZ, imprimée sur vélin, en deux volumes, pour le prix et la somme de quarante écus, que j’ai absolument reçue, que je ratifie aussi par ces présentes, promettant de m’y conformer, et garantissant monseigneur, acheteur de ladite Bible, contre quiconque voudrait le déposséder. En ratification de laquelle j’ai apposé mon sceau, ce cinquième jour du mois d’avril de l’an de grâce MCCCCLXX. Herman.+

En 1462, Fust imprima également une édition de la Bible allemande, en deux volumes in-folio, qui est la première BIBLE ALLEMANDE avec une date ; mais la priorité doit être accordée à une édition sans date, sans lieu et sans nom d’imprimeur, dont un exemplaire se trouve dans la bibliothèque de lord Spencer. Il en existe aussi un exemplaire à la bibliothèque électorale de Munich, avec deux observations manuscrites, celle de la date de 1467, étant celle de l’enlumineur, à la fin du prophète Jérémie ; l’autre est à la fin de l’Apocalypse, et contient une notice sur la respectabilité généalogique d’un certain Hector Mulich, et un mémoire à cet effet : « 1466, 27 juin, ce livre a été acheté non relié pour douze florins. » La même année, Hector Mülich reçut un brevet de noblesse de l’empereur Ferdinand. L’auteur de cette traduction est inconnu ; et Walchius remarque qu'« il y avait plusieurs versions anciennes, toutes faites du latin, mais si obscures et barbares qu’elles étaient presque inintelligibles. » *

La même année (1462), Mentz fut prise d’assaut par Adolphe, comte de Nassau. Dans la confusion qui s’ensuivit, Fust et Schoeffer souffrirent matériellement, comme leurs concitoyens ; et, étant obligés de suspendre leurs travaux typographiques jusqu’à ce que la tranquillité fût rétablie, leurs ouvriers se dispersèrent, et établirent l’imprimerie dans plusieurs autres parties de l’Europe. La mort de Fust arriva à Paris, en 1466 ; après quoi Schoeffer continua seul l’entreprise jusqu’à sa mort, en 1502 ou 1503. Il laissa trois fils, imprimeurs, dont l’aîné succéda à l’entreprise de son père, et exerça son art jusqu’en 1533. Pendant la période où Schoeffer dirigea seul l’entreprise, il publia une édition de la Bible latine et deux éditions du Psautier latin. La Bible a été imprimée en 1471, en deux volumes in-folio, et le Psautier en 1490 et 1502, en in-folio.+ De nombreuses éditions de la Bible latine furent, à peu près à la même époque, exécutées par d’autres imprimeurs dans différents endroits, dont la plupart ou tous avaient appris l’art des inventeurs originaux ; et ces premiers imprimeurs étaient si infatigables, que près de cent éditions de la Bible latine ont été imprimées avant la fin du XVe siècle, seize d’entre elles étaient accompagnées de la Postilia ou Commentaire du De Lyra. En outre, il y avait plus de trente éditions du Psautier latin, dont beaucoup étaient commentées ; trois éditions du Nouveau Testament latin, avec les Notes de Lyre ; et plusieurs éditions des Prophètes, des Évangiles, ou d’autres parties du livre sacré.++

+ Home’s Introduction to Bibliography, vol. ii, App., n° vii.

++ Voir Le Long, Biblioth. Sacra, édit. Masch, t. ii, tom. III, cap. II, passim.

Vol. I. — 31

L’un des imprimeurs les plus étendus et les plus éminents de ce siècle fut ANTONY KOBURGER, OU COBURGER. Il exerça ses fonctions à Nuremberg, où il mourut en 1513. On l’appelait le prince des libraires et des imprimeurs, et l’on dit qu’il employait vingt-quatre presses et cent hommes, outre qu’il fournissait du travail aux imprimeurs de Basile, de Bâle, de Lyon et d’autres endroits. Il avait des entrepôts à Nuremberg, Paris et Lyon. Presque tous ses livres se rapportent au droit canonique et à la théologie, et se distinguent par l’éclat et la magnificence de leur exécution. Sur trente-sept éditions imprimées par lui, treize sont de la Bible, savoir douze en latin et une en allemand, toutes in-folio. La plupart des éditions latines étaient accompagnées des postillons du De Lyra. Mais son œuvre la plus superbe fut l’édition de la Bible allemande, qu’il imprima en 1483, in-folio. On dit que c’est la première Bible allemande imprimée à Nuremberg ; et Lichtenberger la considère comme la plus splendide de toutes les anciennes Bibles allemandes. Il est orné d’épreuves provenant des très curieuses gravures sur bois qui avaient déjà été utilisées pour l’édition de Cologne de la Bible, imprimée par Quentel, en 1480, et qui furent aussi employés dans la Bible imprimée à Halberstadt, en dialecte bas-saxon, en 1522 : et il est digne de remarque que dans l’une des grandes gravures sur bois employées par Koburger, le pape est présenté comme étant l’un des principaux anges déchus ! Le papier, les caractères, l’imprimerie, tout concourt à prouver que cette Bible est un chef-d’œuvre d’excellence typographique.

GUNTHER ZAINER est considéré comme ayant introduit l’imprimerie à Augsbourg ; à moins que cet honneur ne soit concédé à John Bemler, qui est censé avoir été l’imprimeur d’une Bible latine en deux volumes in-folio, en 1466. De Murr nous apprend que, dans un vieux livre d’entrées de bienfaiteurs de la chartreuse de Buxheim, il y en a une de la date de 1474, dans laquelle apparaît le nom de « dns Gunther' impsor ciuis auguste », comme imprimeur et donateur de certains ouvrages, et entre autres de « la Bible en langue vulgaire, [Allemand,] sous une forme super-royale. Une autre entrée nous informe de la mort de Gunther Zainer en 1478 : « impressor librorum, ciuis Augustensis benefactor huius domus », « imprimeur de livres, citoyen d’Augsbourg, bienfaiteur de cette maison ».+

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CONRAD SWEYNHEIM et ARNOLD PANNARTZ, deux Allemands, introduisirent l’art de l’imprimerie à Rome, en 1466, dans la seconde année du pontificat de Paul II, sous le patronage de Jean Andréas, évêque d’Aleria, qui était le bibliothécaire du pape, et justement célèbre pour son érudition et sa générosité. Ils avaient auparavant exercé l’art dans le monastère de Subbiaco, dans le royaume de Naples, où ils avaient été invités par les moines ; et où ils avaient imprimé, en 1465, une édition des œuvres de Lactance, dans laquelle les citations des auteurs grecs sont imprimées en une lettre grecque soignée, mais lourde, dont un spécimen est donné dans l’Introduction à l’étude de la bibliographie de Horne, vol. I, p. 245. Ils ont également été les premiers à introduire ce que l’on a appelé depuis le caractère romain, au lieu du gothique ou de la lettre noire. Le papier et les caractères utilisés par ces imprimeurs étaient tous deux excellents, et leur encre, observe-t-on, « peut rivaliser dans la noirceur avec les meilleures de nos jours ». Ils étaient encouragés par tous les gens de lettres et de fortune de Rome, et même par le pape lui-même, qui visitait souvent leur imprimerie, et examinait avec admiration toutes les branches de ce nouvel art. L’évêque d’Aleria, en particulier, non seulement leur a fourni les manuscrits les plus précieux du Vatican et d’autres bibliothèques, mais il en a aussi préparé la copie, corrigé leurs épreuves, et fait précéder leurs ouvrages de dédicaces et de préfaces, afin de les recommander davantage au monde savant, et a suivi cette tâche laborieuse avec une telle application. qu’il s’accordait à peine le temps de se délasser nécessairement. Ces imprimeurs s’installèrent dans la maison des Maximis, frères et chevaliers romains, d’où datent leurs ouvrages. En 1471, ils publièrent une Bible latine en deux volumes in-folio, avec une épître de l’évêque d’Aleria au pape Paul III, l’Histoire du Sep-tuagint d’Aristéas et les Préfaces de Jérôme aux différents livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Comme cette édition diffère en plusieurs endroits des éditions précédentes, il est probable que l’évêque d’Aleria a fourni aux imprimeurs un manuscrit plus correct provenant de la bibliothèque du pape, ou de quelque autre source, ou du moins corrigé l’édition de Mentz par ce manuscrit. De cette édition, ils ont tiré cinq cent cinquante exemplaires. La même année, ils commencèrent une édition des Postills du De Lyra, en cinq volumes in-folio, qu’ils terminèrent l’année suivante. Ce lourd travail semble avoir ruiné ces artistes infatigables, car dans une pétition latine des imprimeurs au pape Sixte IV, écrite par l’évêque d’Aleria, et préfixée au cinquième volume des Postills, ou Commentaire du De Lyra, ils se disent réduits à la pauvreté par la pression du temps et par l’énorme dépense des ouvrages qu’ils ont fait imprimer. dont un grand nombre sont restés invendus. En sept ans, ils avaient publié vingt-huit ouvrages différents, quelques-uns très volumineux ; dont les épreuves s’élevaient à douze mille quatre cent soixante-quinze volumes, chiffre immense à cette époque ! Il est évident, cependant, qu’il a fallu prendre quelque moyen pour les tirer de leur détresse ; car, bien que Sweynheim n’ait rien publié après l’année 1473, et que pour cette raison certains supposent qu’il est mort à peu près à cette époque, son associé, Pannartz, continua à imprimer jusqu’en 1476 environ, en utilisant un caractère plus petit que celui dont il s’était servi pendant l’ancienne association. Un extrait de la pétition latine des imprimeurs au pape est donné, avec une liste de leurs œuvres, dans les Anecdotes de littérature et de livres rares de Beloe, t. III, p. 266. Il y en a aussi un court extrait dans la Bibliotheca Sacra de Le Long. ♦

♦Antiquités typographiques de Lemoine, p. 21-23. Le Long, édit. Masch, t. ii, tom. III, cap. II, sec. 1, p. 103, et sec. 3, p. 360.

ULRIC GERING, Allemand, natif de Constance, avec M.ARTIN CRANTZ et MICHEL FRIBURGER, ses associés, commença à imprimer à Paris en 1470 ; et en 1476, ou, selon Chevillier, en 1475, imprima une Bible latine, en deux volumes in-folio. Cette célèbre édition a suscité beaucoup de curiosité et de discussions, vers le milieu du siècle dernier, à la suite d’une fraude pratiquée sur un exemplaire de celle-ci, aujourd’hui dans la bibliothèque publique de Cambridge. Par une altération et un effacement dans le colophon, il est attribué à l’année 1463 ou 1464 ; les mots tribus undecimus lustris, dans la première ligne, se référant au règne de Louis XL, étant modifiés en semi undecimus lustrum, et les deux dernières lignes étant effacées. On trouvera un compte rendu complet de la découverte de cette fraude, qui pendant de nombreuses années attira l’attention des bibliographes, dans deux lettres écrites par le Dr Taylor, conservées dans les Anecdotes littéraires de Nichols, vol. I, pp. 542-548.

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Chevillier observe que « c’était la première fois que la Sainte Bible était imprimée à Paris, ou dans tout le royaume de France. »+

+ Chevillier, L’Origine de l’imprimerie de Paris, p. 74. Nichols’s Lit. Anec. XVIIIe siècle, t. I, p. 542, 548, n° vi. Annales de Greswell Typographie parisienne, p. 5. Londres, 1818, in-8°.

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Albert Pfister, de Bamberg, paraît avoir été le premier imprimeur en Allemagne qui introduisit dans ses publications des gravures sur boisafin d’illustrer le texte sacré, mais d’un caractère et d’une exécution inférieurs aux livres d’images exécutés dans les Pays-Bas. Les Histoires de Joseph, Daniel, Judith et Esther, imprimées par Pfister, en 1462, en langue allemandesont dites être « le plus ancien livre imprimé contenant du texte et des gravures illustrant des sujets bibliques ; » et il est probable que cette impression partielle du texte sacré, ainsi décorée, a donné l’idée de publier le texte entier de la Bible. avec des embellissements semblables, et dans la même langue, à Augsbourg, vers l’an 1473, et un semblable par Fyner, d’Eslingen, entre les années 1474 et 1477 : pratique fréquemment adoptée par la suite, tant dans les éditions des traductions allemandes et d’autres traductions vernaculaires, que dans diverses éditions de la Bible latine. On suppose aussi qu’il a publié une Bible vers 1460, décrite dans la Bibliotheca Spencerianat. I, p. 7.

* Décaméron bibliographique de Dibdin, t. I, p. 160, 373.

Outre qu’elle était établie dans beaucoup d’autres endroits du continent, outre ceux déjà remarqués, l’imprimerie fut, vers la même époque, introduite en Angleterre par WILLIAM CAXTON, marchand de Londres, qui, après avoir résidé de nombreuses années à l’étranger, fut nommé en 1464 par Édouard IV, comme son ambassadeur (conjointement avec Richard Whetenhall) pour négocier un traité de commerce avec le duc de Bourgogne. Beau-frère d’Edward. Pendant son séjour dans ces pays, il acquit la connaissance de l’imprimerie ; Il fit la connaissance de Raoul Le Fèvre, chapelain du duc, dont il commença à traduire le Recueil des Histoires de Troyes en 1468, puis publia sa version anglaise en 1471, à la demande de sa protectrice Marguerite, duchesse de Bourgogne. L’original de cet ouvrage est le premier livre imprimé par Caxton, en 1464-1467. Nous n’avons pas d’informations exactes sur l’époque exacte où il retourna en Angleterre et introduisit l’art de l’imprimerie dans la métropole. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’avant l’année 1477, il avait quitté les Pays-Bas, où il avait résidé principalement, et qu’il vivait dans le voisinage de l’abbaye de Westminster. C’est à l’érection du pressoir de Caxton, près d’une des chapelles attenantes aux bas-côtés de l’abbaye, que l’on doit l’application technique du terme chapelle au règlement intérieur d’une imprimerie :

« C’est pourquoi chaque imprimeur, sans bénir ses murs,

Aujourd’hui encore, sa maison est une chapelle.

Il n’est pas improbable non plus que son imprimerie puisse supplanter l’usage du Scriptorium de l’abbaye.

Le premier spécimen de typographie anglaise est généralement admis comme ayant été le Jeu d’échecs, en 1474 ; mais M. Dibdin soupçonne que cet ouvrage a été imprimé à l’étranger, et pense qu’il est plus probable que le Roman de Jason a été la première production de sa presse après son établissement dans l’abbaye. Le dernier ouvrage qu’il imprima fut son édition de la Vitas Patrum, ou Vies des Pères, en 1495. D’après le colophon, il apparaît que ces Vies ont été traduites par lui du français vers l’anglais, et qu’il les a terminées au dernier jour de sa vie. Il aurait pu choisir cet ouvrage comme son dernier effort littéraire, observe l’un de ses biographes, en considérant que, « d’après les exemples de retraite tranquille et solennelle qui y sont présentés, il pourrait encore servir à sevrer son esprit de tous les attachements mondains, à l’élever au-dessus des sollicitudes de cette vie, et à l’amener au repos et à la tranquillité avec lesquels il semble l’avoir conçue. » Il est cependant à regretter que, tandis que la plupart des imprimeurs continentaux ont publié une ou plusieurs éditions de la Bible latine, ou d’une version vernaculaire, Caxton n’a imprimé aucune partie du volume sacré ; pour lequel la meilleure, et peut-être la seule véritable excuse, est le danger qui aurait accompagné une telle tentative.+

Antiquités typographiques de Dibdin, vol. i. Vie de Caxton, et, Compte 0J Livres imprimés par W. Caxton, passim. Horne’s Introduction to Bibliography, vol. i, pp. 187-192.

+ Voir la citation des Dyaloges de More, p. 440 de ce volume.

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Caxton, bien qu’il fût le plus ancien, ne fut pas le seul imprimeur en Angleterre à l’époque où il prospéra. Jean Lettou, Guillaume de Machlinia. Wynkyn de Worde, et d’autres, imprimés à Westminster et à Londres, avant et après sa mort ; comme l’ont fait plusieurs aussi à Oxford, Cambridge et St. Albans.

En jetant un coup d’œil sur l’extension rapide de l’art inestimable de l’imprimerie, il ne faut pas oublier que les Juifsaussi bien que les chrétiens, ont été de bonne heure convaincus de son importance et s’y sont engagés avec ardeur. Les Psaumes en hébreu, avec le Commentaire de Kimchi, ont été imprimés en 1477, en 4to., par Joseph et son fils Chaïm Mardochée, et Ézéchias Monro, qui a imprimé trois cents exemplaires de theni. Le Pentateuque, avec le Targoum et le Commentaire de R. Jarchi, a été imprimé à Bologne en Italie, en 1482, fol. Ruth, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques et les Lamentations, avec le Commentaire de Jarchi ; et Esther avec le Commentaire de R. Abenezra, ont été imprimés aussi à Bologne, au fol., la même année. Le premier et le dernier Prophète ont été imprimés pour la première fois en hébreu, à Soncino, en 1486, fol., avec le Commentaire de R. Kimchi. Les Hagiographes ont été imprimés à Naples, 1487, en petit fol., accompagnés de plusieurs Commentaires. La première édition de l’ensemble de la Bible hébraïque a été exécutée par Abraham ben 'Haïm, à Soncino, en 1488, fol., avec des points. Une édition, in-octavo, a été imprimée à Brescia, en 1494, par Gerson Moses ben Moses Menzeln. Cette dernière édition est celle dont Luther s’est servi dans sa traduction allemande ; et sa propre copie en est encore conservée à la bibliothèque royale de Berlin. En outre, il a été publié à Soncino, en 1494, une édition in-folio et in-quarto, sans pointes, et une édition in-octavo, avec de petits caractères et des pointes.

Dans les premiers temps de la typographie, le nom de l’imprimeur, son lieu de résidence et la date de son exécution étaient généralement insérés à la fin de chaque livre, et souvent accompagnés de quelque doxologie pieuse ou d’une éjaculation, en prose ou en vers. Depuis l’invention de l’art, jusqu’à l’année 1480, ou même 1485, les livres imprimés étaient, en général, sans page de titre ; et lorsqu’il fut introduit pour la première fois, une simple ligne, ou une ligne et demie, ou tout au plus trois ou quatre lignes, vers le haut de la page, constituait l’ensemble de la décoration, jusque vers 1490, date à laquelle les pages de titre ornementales furent en usage, dont la plus courante était la représentation de l’auteur ou de l’écrivain à son bureau ; Mais dans la suite, d’autres appareils ont été inventés, les uns ayant le caractère de vignettes, les autres affichant le monogramme, etc., de l’imprimeur. Les feuillets n’avaient pas de titre courant, de mot d’orientation, de nombre de pages ou de divisions en paragraphes. Les mots n’étaient pas divisés à la fin des lignes par des traits d’union, mais afin de comprimer le plus possible à l’intérieur d’un compas donné, les imprimeurs utilisaient des voyelles avec une marque d’abréviation, comme par exemple, dno pour domino ; c’pour cum ; quib' pour quibus ; argëtoq ; pour argentoque, &c. Les voyelles et les consonnes u et v, i et / sont confondues ensemble, et utilisées l’une pour l’autre ; les diphtongues ce et œ étaient généralement fournies par le e simple : c était souvent utilisé pour t, comme naçio pour natio ; / pour ph comme fantasma pour phantasma ; mihi était parfois orthographié michi ; somnum . sompnum ; quotidiana, cotidiana ; L’orthographe était donc variée, et souvent arbitraire. Les majuscules n’étaient pas employées pour commencer une phrase, ni pour les noms propres d’hommes, ni pour les lieux : des espaces blancs étaient laissés pour les emplacements des titres, des lettres initiales et autres ornements, qui devaient être fournis par la main ingénieuse de l’enlumineur. Les points par lesquels ils distinguaient leurs phrases étaient le deux-points et le peiiod, et un trait oblique ( / ) pour la virgule. Le premier caractère employé fut un vieux gothique grossier mêlé de secrétaire, destiné à imiter l’écriture de l’époque ; par la suite, le Romain fut adopté par Sweynheim et Pannartz ; et en 1502 l’italique a été inventé par Aldus. Ed. Rowe Mores, dans sa Dissertation sur les fondeurs typographiques anglais et les fonderies, ajoute que « les caractères métalliques ont été utilisés pour la première fois pour le grec par les moines de Subiaco » (Sweynheim et Pannartz) en 1465 ; pour l’arabe, par Porrus de Gênes, en 1516 ; pour l’Éthiopien, par Potken, en 1513 ; et que la Congrégation de la Propagation de la Foi à Rome en l’an 1636 avait, outre celles que nous venons de mentionner, des types pour le Samaritain, pour le syriaque, à la fois Fshito et Estrangelo, pour le copte, pour l’arménien, pour l’hébreu rabbinique, et pour l’héracéen, ou ancienne langue des Chaldéens. *

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Les premiers imprimeurs exécutaient leurs différents ouvrages à leurs frais, et les vendaient eux-mêmes, ou par l’intermédiaire de leurs agents, à leurs risques et périls. Il fallait donc employer de grands capitaux ; le papier et les autres matériaux, ainsi que la main-d’œuvre, étant excessivement chers, et les acheteurs étant peu nombreux ; en partie à cause du prix élevé des livres eux-mêmes, et en partie à cause de l’analphabétisme qui régnait si généralement. Ces causes réduisirent à la misère un grand nombre des premiers imprimeurs ; jusqu’à ce que les imprimeurs se soulagent en se bornant à l’imprimerie, et en laissant à d’autres le soin de vendre des livres. Cela a créé une profession distincte de librairesqui ont souvent fait imprimer les livres vendus à leurs propres frais, et sont ainsi devenus également des éditeurs. Quelquefois des gens riches de toutes conditions, et particulièrement des marchands éminents, se livraient à cette branche de la profession, et employaient les imprimeurs à imprimer les manuscrits qu’ils avaient achetés des auteurs ou des possesseurs. C’est ainsi que le savant Henri Stephen, à Paris, était imprimeur d’Ulric Fugger, à Augsbourg, de qui il recevait un salaire pour l’impression des nombreux manuscrits qu’il achetait. Dans certaines éditions, de l’année 1558 à 1567, il s’abonne lui-même Henricus Stephanas, illustris viri Hulderici Fuggeri typographus. De même, au commencement du XVIIe siècle, une société de citoyens instruits et riches d’Augsbourg, à la tête de laquelle se trouvait Marx Weiser, l’intendant de la ville, imprima un grand nombre de livres, qui portaient ordinairement à la fin ces mots : Ad insigne pinus. En Allemagne, cette branche de commerce s’établit d’abord principalement à Francfort-sur-le-Mayn, puis à Leipzig, où, à l’époque des foires, s’ouvraient plusieurs grandes boutiques de libraires pour l’écoulement de leurs objets littéraires. Ces marchés sont toujours continués ; et c’est à eux que nous devons l’origine des catalogues de vente des libraires, dont le plus ancien a été imprimé à Francfort, en 1554.

Beckmann’s Hist, of Inventions, vol. III, pp. 118-120.

La multiplication des livres, et la diffusion des connaissances qui en résulta, par l’invention de l’imprimerie, rencontrèrent bientôt une violente opposition de la part des transcripteurs et des enlumineurs, qui n’étaient qu’à Paris et à Orléans plus de dix mille ; qui, s’apercevant que l’art nouvellement découvert était susceptible de supplanter leurs emplois respectifs, tentèrent de le supprimer en appelant à l’aide les autorités civiles. Aussi, lorsque l’imprimerie fut-elle établie à Paris, les copistes présentèrent au parlement un mémoire de plainte, qui fit saisir et confisquer leurs livres. Louis XL, qui, malgré toutes ses mauvaises qualités, était l’ami et le protecteur des lettres, défendit au parlement de s’occuper davantage de l’affaire, et restitua leurs biens aux imprimeurs. Mais un obstacle beaucoup plus redoutable se présentait à la diffusion générale de la littérature, par les restrictions imposées aux auteurs et aux vendeurs de livres, par les pouvoirs ecclésiastiques et civils. Déjà du temps de notre roi Henri II, près de deux siècles avant l’invention de l’imprimerie, la manière de publier les ouvrages de leurs auteurs, était de les faire lire pendant trois jours successifs devant l’université, ou d’autres juges nommés par le public ; et s’ils rencontraient l’approbation, il était permis d’en prendre des copies, ce qui était généralement fait par des moines, des scribes, des enlumineurs et des lecteurs, amenés ou formés à cet effet pour leur entretien ; méthode adoptée, probablement, par toutes les autres universités de l’Europe, à cette époque. En l’an 1272, l’université de Paris institua un plan, non seulement pour approuver les livres, mais pour en déterminer le prix ; et, en 1323, il nomma quatre officiers, appelés Taxatores Librorum, pour régler le prix de tous les livres manuscrits. Chevillier nous apprend que la plus grande partie des manuscrits légués à la bibliothèque de la Sorbonne, peu de temps après sa fondation, ont un prix marqué sur chacun d’eux ; et que, d’après un catalogue fait d’eux en l’année 1292, cette bibliothèque contenait plus d’un millier de volumes de prix, qui, sur la somme totale spécifiée à la fin de l’inventaire, s’élevaient en tout à 3892 livres 10 shillings. 8d. ! Une pratique semblable s’est répandue par la suite dans les universités de notre propre pays ; et il est digne de remarque que l’acte du vingt-cinquième de Henri VIII, ch. xv, sec. 4, accordant au lord chancelier, au lord trésorier et aux deux juges en chef, le pouvoir de régler le prix des livres, lorsqu’ils sont trop exorbitants, n’a été abrogée que le douzième jour de George II. Les prix fixés aux livres par les taxatores, ou autres officiers, furent, après l’invention de l’imprimerie, fréquemment exprimés dans le colophon des ouvrages respectifs. Chevillier, dans son " Origine de l’Imprimerie de Paris, p. 368-375, a donné une variété de colophons sur les sommes auxquelles les imprimeurs prétendaient vendre leurs publications ; c’est ainsi que Colin-Æus fut obligé de vendre son testament grec pour une somme n’excédant pas douze sous ; et un psautier hébreu de Robert Stephens était au prix de sept sous. En Angleterre, le prix fixé par l’autorité du roi au Nouveau Testament avec des billets, imprimé par Richard Jugg, en 1553, in-quarto, était de vingt-deux pence par exemplaire, en feuilles.

+ Horne’s Introduction to Bibliography, vol. I, p. 164, note. Bibliographi-car Decameron de Dibdin, t. I, p. cxxvii.

* Dibdin’s Typographical Antiquities, vol. i, pp. 8-11, ·note.

Peu de temps après la découverte de l’imprimerie, des lois furent promulguées pour soumettre les livres à l’examen, et l’établissement de censeurs de livres et de licences de presse fut vigoureusement soutenu par le clergé romain, qui craignait la circulation de publications hostiles à ses vues religieuses ou à sa domination ecclésiastique. Le premier exemple d’un livre imprimé avec une permission du gouvernement est généralement supposé se produire en l’an 1480 ; mais le professeur Beckmann mentionne deux livres imprimés presque un an avant 1479, avec l’approbation de la censure publique. Le premier est Wilhelmi episcopi Lugdunensis Summa de Virtutibus : l’autre est une Bible, avec la conclusion suivante : « En l’an de l’incarnation de notre Seigneur 1479, la veille de l’apôtre Matthieu ; lorsque cet ouvrage remarquable, de l’Ancien et du Nouveau Testament, avec les canons des Évangiles et leurs harmonies, à la louange et à la gloire de la sainte et indivisible Trinité, et de la Vierge Marie immaculée, fut imprimé dans la ville de Cologne, par Conrad de Homborch ; autorisé et approuvé par l’université de Cologne.++

++ Histoire des inventions de Beckmann, vol. III, pp. 105, 107.

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Le plus ancien mandat de nomination d’un censeur de livres, que nous connaissions, est celui donné par Berthold, archevêque de Mentz, en l’an 1486, que le lecteur curieux ne sera pas fâché de voir en détail, avec les instructions données aux censeurs :

Mandat pénal, interdisant la traduction en langue vulgaire, etc., des livres grecs, latins et autres, sans l’approbation préalable des médecins, etc.

« BERTHOLD, par la grâce de Dieu, archevêque du Saint-Siège de Mentz, archichancelier d’Allemagne et prince électoral du saint empire romain germanique. »

« BIEN QUE, par un certain art divin de l’imprimerie, on obtienne un accès abondant et facile à des livres sur toutes les sciences nécessaires à la réalisation de la science humaine ; Cependant nous avons vu que certains hommes, conduits par le désir de la vaine gloire ou de l’argent, abusent de cet art ; et que ce qui a été donné pour l’instruction de la vie humaine est perverti à des fins de malice et de calomnie. Car, pour déshonorer la religion, nous avons vu entre les mains du vulgaire certains livres des offices divins et des écrits de notre religion, traduits du latin en langue allemande. Et que dirons-nous des lois sacrées et des canons, qui, bien qu’ils aient été écrits de la manière la plus appropriée et la plus soignée par des hommes familiarisés avec la loi, et doués de la plus grande habileté et de la plus grande éloquence, cependant la science elle-même est si compliquée, que la plus grande étendue de la vie de l’homme le plus sage et le plus éloquent est à peine égale à elle ? Quelques volumes sur ce sujet que certains naïfs téméraires et ignorants ont osé traduire en langue vulgaire, dont la traduction, beaucoup de personnes qui l’ont vue, et ceux-là aussi des savants, ont déclaré inintelligible, par suite de la très grande mauvaise application et de l’aljuse des mots. Ou que dire des ouvrages sur les autres sciences, auxquels ils mêlent même quelquefois des choses fausses ; et que, pour leur trouver plus facilement des acheteurs, ils les inscrivent de faux titres, et attribuent à des auteurs notables ce qui n’est que leurs propres productions ?

Il est probable que par les termes « libros de divinis officiis et apicibus religionis nostre », l’archevêque se référait aux traductions vernaculaires, non seulement des livres de service de l’Église romaine, appelés les offices divins, mais aussi des Saintes Écritures ; le mot apices étant généralement utilisé, au moyen âge, pour les écrits, les épîtres, etc. Voir Du Cange, sub voce.

Que ces traducteurs, qu’ils le fassent avec une bonne ou une mauvaise intention, qu’ils disent, s’ils ont quelque égard à la vérité, si la langue allemande est capable d’exprimer ce que d’excellents écrivains, mais grecs trouvent latins, ont écrit avec le plus d’exactitude et d’argumentation sur les sublimes spéculations de la religion chrétienne et sur la connaissance des choses. Il faut qu’ils reconnaissent que la pauvreté de notre idiome le rend insuffisant ; et qu’il leur sera nécessaire d’inventer, de leur propre esprit, de nouveaux termes pour les choses ; ou que, en supposant qu’ils ne se servent que des anciens, ils doivent corrompre le sentiment de la vérité, que, par la grandeur du danger qui l’accompagne, dans les écrits sacrés, nous redoutons beaucoup ; car ne laisserait-on pas aux hommes ignorants et ignorants, et au sexe féminin, entre les mains duquel des exemplaires des Saintes Écritures sont tombés, le soin d’en découvrir le vrai sens ? Par exemple, que l’on examine le texte des saints Évangiles ou des épîtres de saint Paul, et personne de quelque connaissance ne niera qu’il est nécessaire que beaucoup de choses soient fournies ou comprises par d’autres écrits.

Ces choses nous sont venues à l’esprit, parce qu’elles sont les plus communes. Mais que penserons-nous de ceux qui sont en suspens dans des disputes très vives entre les écrivains de l’Église catholique ? Beaucoup d’autres exemples pourraient être cités, mais il est suffisant pour notre propos d’en avoir nommé quelques-uns.

Mais, puisque le commencement de cet art s’est élevé divinement (pour lui donner son propre nom) dans notre ville dorée de Mentz, et qu’il continue à s’y tenir jusqu’à ce jour dans son état le plus perfectionné et le plus parfait, c’est avec la plus grande justice que nous défendons la gloire de l’art, et il devient de notre devoir de conserver la pureté sans tache des écritures divines. C’est pourquoi, en vue de rencontrer et de réprimer, comme avec une bride, les erreurs susmentionnées et les tentatives audacieuses d’hommes impudiques ou méchants, autant que nous le pouvons par la volonté de Dieu, dont la cause est en question, nous ordonnons, en imposant strictement l’observance de ces présentes, à toutes les personnes ecclésiastiques et séculières soumises à notre juridiction, ou de faire des affaires dans ses limites, de quelque degré, ordre, profession, dignité ou condition qu’ils soient, qu’ils ne traduisent aucun ouvrage sur aucune science, art ou connaissance quelconque, du grec, du latin ou d’une autre langue, en l’allemand vulgaire ; ni, lorsqu’ils sont traduits, ni n’en disposent ou n’en obtiennent des copies, publiquement ou en privé, directement ou indirectement, par aucune sorte de troc, à moins qu’avant leur impression ils n’aient été admis, par brevet, pour être vendus, par le très noble et honorable nos bien-aimés docteurs et maîtres de l’université de notre ville de Mentz, John Bertram de Nuremberg, en théologie ; Alexander Diethrich, en droit ; Théodoric de Meschede, en médecine ; et Alexandre Eler, en arts, les docteurs et maîtres délégués à cet effet dans l’université de notre ville d’Erfurt ; ou, si dans la ville de Francfort, les livres exposés à la vente auront été vus et approuvés par un maître de théologie honorable, dévot et aimé, appartenant à l’endroit, et par un ou deux docteurs et licenciés, payés annuellement à cet effet par le gouverneur de ladite ville. Et quiconque traitera avec mépris cette disposition, ou prêtera ses conseils, son assistance ou sa faveur, de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, en opposition à ce que nous avons ordonné, qu’il sache qu’il a ainsi encouru la sentence d’excommunication ; et, outre la perte des livres exposés à la vente, une amende de cent florins d’or, à verser dans notre trésor ; de laquelle sentence nul ne peut l’absoudre sans autorisation spéciale.

« Donné à la chancellerie de Saint-Martin, dans la ville de Mentz, sous notre sceau, le quatrième jour du mois de janvier, M C C C C LXXXVI. »

Voici les instructions données aux censeurs et accompagnant le mandat ci-dessus :

« BERTHOLD, etc., à l’honorable, le plus savant et le plus aimé dans le Christ, Jo. BERTRAM, docteur en théologie ; Al. DIETHRICH, docteur en droit ; Th. DE MESCHEDE, docteur en médecine ; et AL. ELER, maître ès arts, santé et attention aux choses souscrites.

« Ayant découvert plusieurs scandales et fraudes, commis par certains traducteurs d’ouvrages littéraires et imprimeurs de livres, et voulant les contrecarrer, et selon notre pouvoir de leur barrer le chemin, nous ordonnons que personne dans notre diocèse, ou sous notre juridiction, ne traduise aucun livre en langue allemande, ou ne les imprime, ou ne les vende lorsqu’ils sont imprimés, à moins que, dans notre ville de Mentz, ces ouvrages ou livres n’aient d’abord, selon la forme du mandat ci-dessus publié, été par vous vus, et quant à leur matière, approuvés, tant pour la traduction que pour la vente.

« Nous vous chargeons donc, par la teneur de ces présentes, (ayant une grande confiance en votre prudence et votre circonspection), que si, à un moment quelconque, on vous apporte des ouvrages ou des livres destinés à être traduits, imprimés ou vendus, vous en peserez la matière, Rnd, s’ils ne peuvent pas être facilement traduits selon le vrai sens, mais plutôt engendrer des erreurs et des offenses, ou être injurieux à la pudeur, vous les rejetterez ; et quels que soient les livres que vous jugerez dignes d’être autorisés, deux d’entre vous, au moins, les signeront, à la fin, de votre propre main, afin qu’il apparaisse plus facilement quels livres ont été vus et autorisés par vous. Ce faisant, vous remplirez un office agréable à notre Dieu et utile à l’État.

« Donné à la chancellerie de Saint-Martin, sous notre sceau privé, le 10 janvier MCCCCLXXXVI. » *

En l’an 1501, l’infâme pape Alexandre VI publia une bulle relative à la censure des livres, qui constitue un excellent compagnon du mandat de l’archevêque de Mentz ci-dessus. Après avoir déploré que Satan sème de l’ivraie parmi le blé de l’Église du Christ, le pontife pontife du pape poursuit ainsi : « Ayant été informé que, par le moyen dudit art, [de l’imprimerie,] beaucoup de livres et de traités, contenant diverses erreurs et doctrines pernicieuses, même hostiles à la sainte religion chrétienne, ont été imprimés, et sont encore imprimés, dans diverses parties du monde, particulièrement dans les provinces de Cologne, de Mentz, de Trèves et de Magdebourg ; et voulant, sans plus tarder, mettre un terme à ce détestable mal, — nous, par ces présentes, et par l’autorité de la Chambre apostolique, interdisons formellement à tous les imprimeurs, à leurs serviteurs, et à ceux qui exercent l’art d’imprimer sous leurs ordres, de quelque manière que ce soit, dans les dites provinces, sous peine d’excommunication et d’amende pécuniaire, d’être imposé et exigé par nos vénérables frères, les archevêques de Cologne, de Mentz, de Trèves et de Magdebourg, et leurs vicaires généraux, ou fonctionnaires en spirituels, selon le bon plaisir de chacun, dans sa province, d’imprimer ci-après tous livres, traités ou écrits, jusqu’à ce qu’ils aient consulté à ce sujet les archevêques, vicaires ou fonctionnaires, ci-dessus mentionnés, et ont obtenu leur licence spéciale et expresse, à accorder gratuitement ; dont nous chargeons la conscience, qu’avant d’accorder une licence de ce genre, ils examineront soigneusement, ou feront examiner, par des personnes capables et catholiques, les ouvrages à imprimer ; et qu’ils prendront le plus grand soin que rien ne soit imprimé méchant et scandaleux, ou contraire à la foi orthodoxe. Le reste de la bulle contient des règlements pour empêcher les œuvres déjà imprimées de faire des bêtises. Tous les catalogues et tous les livres imprimés avant cette époque sont ordonnés pour être examinés, et ceux qui contiennent quelque chose de préjudiciable à la religion catholique doivent être brûlés.

Dans la dixième session du concile de Latran, tenue sous Léon X en 1515, il fut décrété, sous peine d’excommunication, qu’à l’avenir aucun livre ne serait imprimé à Rome, ni dans les autres villes et diocèses ; à moins que, s’il était à Rome, il n’eût été examiné par le vicaire de Sa Sainteté et le maître du palais ou, s’il est ailleurs, par l’évêque du diocèse, ou par un médecin nommé par lui, et qu’il a reçu la signature d’approbation. + Philippe II, roi d’Espagne, aurait fait imprimer un catalogue des livres prohibés par l’Inquisition espagnole ; et Paul IV, l’année suivante, 1559, ordonna au Saint-Office de Rome de publier un catalogue semblable ; et Peignot {Livres condamnés, Tom. I, p. 256) en mentionne une imprimée à Venise dès 1543.* Mais cette pratique inquisitoriale prit sa forme la plus redoutable dans le concile de Trente. « Et d’abord, dit le Dr James, le conseil nomma quelques savants, de toutes les nations et de tous les pays assemblés, pour rassembler un catalogue ou un index qui pourrait contenir tous les livres qui devaient être justement interdits, qu’ils aient été écrits par eux ou contre eux. Ce travail, ainsi sagement réfléchi, fut exécuté avec diligence, et l’Index fait et présenté au concile ; qui a renvoyé toutes les questions à la sainteté du pape, qui était alors Pie IV. ; qui, par ses mémoires et ses bulles, a fait publier à l’étranger le même Index, ainsi que certaines règles, d’abord approuvées et ratifiées par lui, et envoyées dans tous les pays. Cette bulle porte la date du 24 mars 1564, dans la cinquième année de son pontificat. Mais (il semble) que les livres augmentent, et avec les livres certains désordres qu’on ne peut prévenir ; à la fin, le pape Sixte, le cinquième de ce nom, révisant à la fois l’Index et les règles, avec l’avis des meilleurs théologiens, y ajouta beaucoup de choses, tant en ce qui concerne les règles que les livres : et il aurait fait davantage, s’il n’avait été prématurément empêché par la mort. Ce que Clément VIII s’aperçut sagement (un pape non moins heureux d’avoir achevé et perfectionné que l’autre ne l’était d’avoir voulu et d’avoir résolu de grandes choses), il reprit l’Index, et nomma sept ou huit des cardinaux les plus graves, outre d’autres savants, pour le surveiller et pour tout ce qui lui appartenait : et à la fin, pour la plus grande promptitude et le succès plus prospère de l’inquisition sacrée, chargée du soin et de l’office de la prohibition et de l’épuration des livres, il approuve l’index ainsi révisé, et confirme les privilèges précédemment accordés, d’abord par Pie V au maître du palais sacré, puis par Grégoire XIII. et Sixte V. aux cardinaux de la congrégation, pour qu’ils puissent mieux s’acquitter de cette affaire si nécessaire et si importante, qui concerne de si près la sécurité de leur Église et de leur République.++ Le même savant bibliothécaire de la Bodléienne nous informe encore, en parlant de son temps : « Dans la bibliothèque du Vatican, il y a certains hommes qui ne sont maintenus que pour transcrire les actes des conciles, ou les copies des œuvres des Pères. Ces hommes, ajoute-t-il, nommés pour cette affaire, imitent, autant qu’il est possible de l’exprimer, autant qu’on peut l’exprimer en transcrivant des livres, la lettre des copies anciennes. Et il est à craindre que, . En recopiant des livres, il n’y a pas d’autre choix que d’utiliserIls ajoutent et retranchent, altèrent et changent les mots, selon le bon plaisir de leur seigneur, le pape : et ainsi ces transcriptions pourront, dans quelques années, à cause de leur contrefaçon des mains anciennes, être admises pour de très vieux manuscrits, trompant le monde avec un spectacle d’antiquité. Dans la seconde partie de son Traité sur la corruption de l’Écriture, des conciles et des Pères, le Dr James illustre les accusations portées contre l’Église de Rome pour avoir corrompu les anciens écrits, tant sacrés qu’ecclésiastiques.

+ Dictionnaire Portatif des Conciles, p. 280. Paris, 1764, 8vo.

À Rome, les compilateurs des Catalogues, ou Index, des livres prohibés, sont encore continués, et appelés la Congrégation de l’Index. Les ouvrages signalés dans les Index sont divisés en trois classes, la première contenant une liste d’auteurs condamnés dont l’ensemble des écrits sont interdits, sauf autorisation expresse ; la seconde énumérant les ouvrages qui sont interdits, jusqu’à ce qu’ils aient été purgés de ce que les inquisiteurs jugent erroné ; la troisième comprenant les publications anonymes qui sont soit partiellement, soit partiellement, soit ou totalement interdit. La manière dont les inquisiteurs littéraires romains décidaient autrefois des ouvrages qui leur étaient présentés, était quelquefois criminellement négligente, et les résultats assez curieux. Grégoire Capucin, censeur napolitain, nous apprend qu’il avait l’habitude de brûler les Bibles dont le texte était défectueux ; et que sa manière de s’assurer de l’exactitude ou de l’inexactitude des Bibles latines était d’examiner le troisième chapitre de la Genèse, et « si je trouve, dit-il, les mots : « in sudore vultus tui, vesceris pane tuo, » au lieu de « in sudore vultus tui, vesceris pane donee », (ajoutant ainsi le mot ftzo), j’ordonne que ces copies ne soient pas corrigées, mais d’être engagé dans les flammes. Comme les « Index » se formaient dans les différents pays, les opinions étaient quelquefois diamétralement opposées les unes aux autres, et ce qu’un censeur ou un inquisiteur permettait, un autre le condamnait ; et même, dans certains cas, le censeur d’un pays fait condamner ses propres œuvres dans un autre. C’est ainsi que le savant Arias Montanus, qui fut l’un des principaux inquisiteurs des Pays-Bas, et qui s’occupa de la compilation de l’Index d’Anvers, fit inscrire ses propres ouvrages à l’Index de Rome ; tandis que l’inquisiteur de Naples était si mécontent de l’Index de l’Espagne, qu’il s’obstinait à affirmer qu’il n’avait jamais été imprimé à Madrid. Cette différence de jugement produisit une méthode de censure douteuse et incertaine, et il devint nécessaire pour les inquisiteurs d’inscrire leurs noms aux Index, de la manière suivante : « Moi, N., inquisiteur d’un tel diocèse, je dis que ce livre ci-dessus, ainsi corrigé par moi, peut être toléré et lu, jusqu’à ce qu’il soit jugé digne d’une nouvelle correction. » Mais ces index prohibitifs et expurgatoires n’étaient réservés qu’aux inquisiteurs, et lorsqu’ils étaient imprimés, ils n’étaient remis qu’entre leurs mains ou celles de leurs plus fidèles associés. Philippe II. dans ses lettres patentes, pour l’impression du premier Index espagnol, reconnaît qu’il a été imprimé par l’imprimeur du roi, et à ses frais, non pour le public, mais uniquement pour les inquisiteurs et certains ecclésiastiques qui ne devaient pas être autorisés à en communiquer le contenu, ni à en donner une copie à qui que ce soit. Et Sandoval, archevêque de Tolède, dans l’édition de 1619, défend, sous peine d’excommunication plus grande , à quiconque d’imprimer l’Index, ou de le faire imprimer, ou, une fois imprimé, de l’envoyer hors du royaume, sans une autorisation spéciale. Il fut si difficile, en effet, de les obtenir, qu’on dit que les Index espagnol et portugais ne furent jamais connus avant la prise de Cadix par les Anglais, et que l’Index d’Anvers fut découvert par hasard par Junius, qui le réimprima ensuite.

* Traité de Jacques, Publicité, &c., t. IV, p. 13, 14, 15, &c. Lomeier, De Bibliothecis, p. 382-387. Franci Disquisitio de Papistarum Indicibus lib. interdire. et expurg., sec. 182, p. 196, 197. Lips., 1684, in-4°.

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Même après la Réforme, un établissement régulier de licenciés de presse apparut en Angleterre, sous Charles Ier, sous l’impulsion de l’archevêque Laud, pour empêcher l’introduction ou la publication d’ouvrages du parti genevois, et en particulier de la Bible de Genève. Le décret est daté du 1er juillet 1637 et marque l’esprit de violence et de persécution du système en place. Il ordonne « que les maîtres imprimeurs soient désormais réduits à un certain nombre ; et que si quelqu’un d’autre se livre secrètement ou ouvertement à ce commerce, il sera mis au pilori, ou fouetté dans les rues, et subira toute autre punition que ce tribunal (c’est-à-dire la chambre étoilée) lui infligera ; qu’aucun desdits maîtres imprimeurs n’imprimera dorénavant aucun livre ou livres de théologie, de droit, de physique, de philosophie ou de poésie, jusqu’à ce que lesdits livres, ainsi que les titres, les épîtres, les préfaces, les tables ou les versets élogieux, soient légalement autorisés, soit par l’archevêque de Cantorbéry, soit par l’évêque de Londres, pour le moment, soit par quelques-uns de leurs chapelains, ou par les chanceliers, ou vice-chanceliers de l’une ou l’autre des deux universités, sous peine de perdre l’exercice de son art et d’être poursuivi respectivement devant la chambre étoilée ou la cour du haut-commissariat ; qu’aucune personne ou personnes ne réimprimera ou ne fera réimprimer à l’avenir aucun livre ou livres quels qu’ils soient, même s’ils ont été imprimés antérieurement avec licence, sans avoir été examinés et qu’une nouvelle licence n’ait été obtenue pour la réimpression de ceux-ci ; que tout marchand, libraire, ou autre personne, qui importera des livres imprimés d’au-delà des mers, en présentera un véritable catalogue audit audit archevêque ou évêque pour le moment, avant qu’ils ne soient livrés ou exposés à la vente, sous peine de subir telle peine que l’un ou l’autre desdits deux tribunaux respectivement jugera à propos ; qu’aucun desdits marchands, libraires ou autres, ne livrera, sous peine de la même peine, aucun des livres ainsi importés, jusqu’à ce que les aumôniers dudit archevêque ou évêque, pour le moment, ou quelque autre savant qu’ils n’aient nommé, ainsi que le maître et les marguilliers de la Compagnie des papetiers, ou l’un d’eux, en prendra connaissance, avec pouvoir de saisir tous les livres qu’ils trouveront schismatiques et offensants, et de les apporter audit archevêque ou évêque, ou à la haute commission ; et enfin, qu’aucun marchand, libraire, etc., n’imprimera ou ne fera imprimer au-delà des mers, tout livre ou livres, qui totalement, ou pour la plus grande partie, ont été écrits en langue anglaise, que lesdits livres aient été ici autrefois imprimés, ou non ; et n’importera pas de tels livres dans ce royaume, de gré ou de raison, sous peine d’être poursuivi par l’un ou l’autre desdits deux tribunaux, respectivement, comme il est dit ci-dessus. *

* Cyprianus Anglicus de Heylyn, pt. ii, lib. IV, p. 341. Lond., 1671, fol.

Dans bien des cas, ces prohibitifs ne servirent qu’à augmenter la recherche après les ouvrages qui avaient été défendus, et à donner de la publicité aux volumes mêmes qu’on se proposait de supprimer : c’est ainsi qu’un libraire de Paris, en faisant connaître l’interdiction des Colloques d’Érasme, vendit plus de vingt-quatre mille exemplaires d’un tirage !

 Jortin, Vie d’Érasme, t. I, p. 274. Lond., 1808, 8 vol.

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