DE LA NAISSANCE DU CHRIST À L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE.
CHAPITRE IX.
XIe SIÈCLE
Sombre état de l’Angleterre. — Mananus Scot. — Manuscrits saxons. — Lanfranc. — Anselme. — Ingulphe. — Promotion de la littérature. — France. — Théodoric. — Ivo. — Correction de la Vulgate. — Traductions vernaculaires. — Versions latines des psaumes, appelés gallicans, romains et hébraïques. — Allemagne. — Willeram. — Reimbold. — Manuscrits. — Grégoire VII. — Croisades.
LE ONZIÈME SIÈCLE, auquel nous sommes maintenant avancés, présente une scène encore sombre et lugubre. L’anecdote suivante servira à marquer son caractère : — Une partie considérable de l’or et des joyaux appartenant à l’église de Laon, en France, avait été volée. Le voleur ne put être découvert ; Une assemblée générale des chanoines et des principaux citoyens fut donc convoquée. Ne sachant que faire, ils acceptèrent à l’unanimité de prendre l’avis d’Anselme, l’évêque de la ville, qui était universellement considéré comme un oracle. Anselme tourna l’affaire dans son esprit, et, se rappelant le passage du livre de Josué, où il est raconté de quelle manière un vol secret avait été découvert par le tirage au sort ; « C’est mon conseil, dit-il, après avoir pesé la question avec le plus grand soin, que vous essayiez de découvrir l’auteur de cet horrible crime par l’épreuve de l’eau. Qu’on prenne un enfant dans chaque paroisse, et qu’on le jette dans un vase d’eau bénite : c’est à l’enfant qui coule qu’on reconnaîtra la paroisse coupable. Puis, de chaque maison de cette paroisse, prenez un autre enfant : qui vous montrera la maison coupable. Vous ne pouvez plus être désemparé : jetez tous les hommes et toutes les femmes de la maison dans des baquets d’eau bénite, et la culpabilité ne sera plus cachée. On suppose que l’expérience a réussi, et l’on dit que le voleur a été une personne à qui les riches ornements de l’église avaient été confiés. — Aussi un savant écrivain remarque-t-il avec raison : dans ce siècle, l’état de L’ANGLETERRE était superlativement misérable. À la suite de l’invasion victorieuse des féroces Danois, le meurtre et la rapine marchèrent main dans la main à travers le royaume, avec un triomphe inutile. Cette scène d’horreur et de désolation fut bientôt abandonnée par les muses, et, faute de science, la religion, corrompue par des abus répétés, dégénéra bientôt en superstition. En ces temps calamiteux, et pendant quelques siècles après, ceux qui ont présidé à cette source sacrée d’eaux vives, les Écritures, ont permis qu’elles ne coulent qu’avec un ruisseau mesquin, et cela a pollué.+
* Berrington’s Lives of Abélard and Heloisa, b. ii, p. 59. . Birmingham, 1788, in-4°.
+ Le Nouveau Testament de Baber’s Wicliff, p. Ixiii.
En 1017, Canut le Danois obtient le trône d’Angleterre. Parmi les lois ecclésiastiques qu’il a promulguées, il y en a une qui enjoint la connaissance du Notre Père et du Credo : « Nous demandons à tout chrétien d’apprendre à connaître, au moins, la bonne foi, et d’être expert dans le Pater Noster et le Credo. Car avec l’un d’eux le chrétien doit prier Dieu, et avec l’autre déclarer sa juste foi. Le Christ lui-même a d’abord chanté le Pater Noster, et a enseigné cette prière à ses disciples, et dans cette prière divine il y a sept demandes. Celui qui chante cela intérieurement, fait son propre message à Dieu pour tous les besoins nécessaires, soit par rapport à celle-ci, soit par rapport à la vie future. Mais comment un homme peut-il prier Dieu intérieurement, s’il n’a pas une foi intérieure en lui ? Par conséquent, il n’a pas de communion chrétienne dans les lieux de repos consacrés, après la mort ; Il n’est pas non plus capable de la maison (ou eucharistie) dans cette vie, et il n’est pas non plus un bon chrétien qui ne l’apprendra pas : il ne peut pas non plus être garant d’un autre au baptême, à plus forte raison des mains de l’évêque (c’est-à-dire de la confirmation), jusqu’à ce qu’il ait d’abord bien appris à le répéter.♦
♦ Lois ecclésiastiques de Johnson, A. D. mxvii.
Cette loi suffit, à elle seule, pour prouver le très faible état des connaissances religieuses à cette époque, et les renseignements que l’on peut glaner auprès de différents auteurs, sur l’attention portée aux Saintes Écritures, sous le règne de Canut, sont extrêmement rares. Warton mentionne une Harmonie dano-saxonne des quatre évangiles, qui appartenait autrefois à ce roi, et qui se trouve encore dans la bibliothèque Cotton. Elle est ornée de peintures, et porte le titre d’Evangelia IV. sermone Danico, écrit par une main postérieure à l’Harmonie elle-même. Le nom de Jésus, ou Christ, n’y est presque jamais utilisé, mais à la place le terme de Gloire, le Fils de Dieu.* Au British Museum est conservé un exemplaire des Évangiles latins, « remarquable par la signature du roi Canut : avec une charte, en saxon, confirmant les privilèges de l’église. Il manque la dernière feuille de l’Évangile de saint Jean.+ Et dans la bibliothèque Cotton, il y a aussi un Psautier latin, accompagné des chants de l’Ancien et du Nouveau Testament, du Notre Père et des Symboles d’Athanase et des Apôtres, auxquels s’ajoute une version saxonne interlinéaire d’une main anonyme. D’après un calcul à la fin du livre, il semble avoir été écrit en l’an 1049.++
* Wartoni Auctarium, p. 388, 389.
+ Classical Journal, n° 15, septembre 1813, p. 150.
++ Usseri, Hist. Dogmat., p. 132
Vers le milieu de ce siècle, Marianus Scot, ayant quitté le monastère de Dunkeld dans le nord de la Bretagne, se rendit en Allemagne, et s’établit à Ratisbonne, où, avec plusieurs de ses compatriotes, il enseigna à la fois la science sacrée et profane, et où il fonda un monastère pour les Écossais, en 1074 ; lui et ses compagnons ayant acquis une grande réputation par leur piété, le zèle et la connaissance. D’après le journal de l’infatigable et érudit Humphrey Wanley, il semble que la bibliothèque de ces missionnaires existait au siècle dernier. Voici ce qu’il dit : « Le 10 août 1720, M. O’Sullivan m’a également informé que la bibliothèque de ces savants, qui sont venus d’Irlande avec Marianus Sco-tus, A. D. 1058, est encore restée dans quelque église à Ratisbonne, et qu’on l’y a vue dernièrement. »
§ Butler’s Lives, vol. ix, 5 septembre, p. 61, note.
|| Anecdotes littéraires du XVIIIe siècle de Nichols, vol. I, p. 87. Lond. 1812, 8 vol.
L’état troublé de l’Angleterre, par les luttes sanglantes des Saxons, des Danois et des Normands, et par les fréquents changements de gouvernement, fut, pendant de nombreuses années, très préjudiciable aux intérêts de la religion et de la littérature ; mais après la conquête par Guillaume de Normandie, les lettres furent plus cultivées, et l’érudition commença à s’étendre à notre île, bien qu’il se passât longtemps avant que sa lumière bienveillante ne rayonnât sur la science de la théologie. Dans le catalogue des manuscrits saxons compilé par H. Wanley, et formant le second volume du Thesaurus Linguarum Septentrionalium de Hickes, nous rencontrons quelques manuscrits du Psautier, parfois accompagnés des chants sacrés des Écritures et des hymnes de l’Église, apparemment écrits vers l’époque de la conquête. Des Évangiles en dialecte normano-saxon, il n’y a que trois manuscrits découverts jusqu’à présent ; l’une est censée avoir été écrite sous le règne de Guillaume le Conquérant, et les deux autres vers le temps de Henri II. Le premier est déposé à la bibliothèque publique de Cambridge ; de ce dernier, l’un se trouve dans les manuscrits Hatton de la Bodleian library, l’autre au British Museum ; et d’après l’accord général qui subsiste entre les textes de ces mss., il est très évident qu’ils sont tous des transcriptions de la même version.La littérature saxonne, en effet, était depuis longtemps en déclin, et nous pouvons dater sa chute d’environ cent ans après la conquête, alors que la langue avait été tellement changée qu’elle avait pris la forme qui lui donne droit à l’appellation d’anglais. Ceux du clergé qui s’occupaient de la littérature la cherchaient plutôt dans les voies où ils étaient dirigés par l’intérêt et l’ambition que par la piété. Même parmi le petit nombre de ceux qui, dûment pénétrés de l’importance et de la sainteté de leur vocation, s’appliquaient à s’informer eux-mêmes, afin d’être mieux qualifiés pour instruire les autres, on ne pouvait pas attendre grand-chose de leurs études qui éclairât leur propre esprit, ou ceux qui se consacraient à leur charge solennelle ; car, comme leur lecture s’étendait rarement au-delà des bribes de l’histoire de l’Écriture, affreusement défigurées, et des légendes incroyables, qui étaient également en désaccord avec la raison et la vérité, ils ne produisaient que des exposés faibles et erronés des oracles de Dieu, et prononçaient des homélies peu édifiantes.+
* Baber’s Wicliff’s New Testament, p. Ixiv.
+ Ibid..
La tentative du Conquérant d’introduire l’usage de la langue française dans ses domaines nouvellement acquis, et la nomination d’ecclésiastiques normands, ignorants de la langue vernaculaire, dans les meilleurs évêchés et abbayes du royaume, arrêtèrent la diffusion des connaissances parmi les laïcs anglais et plongeèrent les ordres inférieurs dans des ténèbres superstitieuses. tandis qu’ils servaient à restreindre l’information scientifique au clergé, et à hâter la décadence du dialecte saxon. Les lois furent ordonnées d’être administrées en français ; et même les enfants de l’école n’avaient pas le droit de lire dans leur langue maternelle, et on leur ordonnait de n’apprendre que le normand. En l’an 1095, Wolstan, évêque de Worcester, fut déposé par les Normands arbitraires, qui lui objectèrent qu’il était « un idiot anglais à la retraite, qui ne savait pas parler français », bien qu’il semble avoir été un érudit pieux et diligent ; car il avait l’habitude de faire lire régulièrement les Écritures latines à sa table, lorsqu’il les expliquait en anglais aux illettrés, et qu’il y tenait des conférences avec les plus savants. Il est vrai que dans quelques-uns des monastères, particulièrement à Croyland et à Tavistock, fondés par des princes saxons, il y avait des précepteurs réguliers en langue saxonne ; mais cette institution ne subsista, après la conquête, que par intérêt et par nécessité, puisque les religieux n’auraient pu comprendre autrement leurs chartes originelles. Sous le règne d’Henri II. les nobles envoyaient constamment leurs enfants en France, de peur qu’ils ne contractassent dans leur langage des habitudes de barbarie, qui n’auraient pu être évitées dans une éducation anglaise. Même les transcripteurs de livres saxons ont changé l’orthographe saxonne pour l’orthographe normande, et à la place de l’original saxon ont substitué des mots et des phrases normands, dont un exemple remarquable apparaît dans une volumineuse collection d’homélies saxonnes, conservée dans la bibliothèque de la Bodleian, et écrite à l’époque d’Henri II. Il fut ensuite ordonné, par divers statuts, que les étudiants de nos universités converseraient soit en français, soit en latin. Mais par suite du déclin du pouvoir des barons et de la prédominance des communes, dont la plupart étaient d’ascendance anglaise, la langue maternelle de l’Angleterre gagna peu à peu du terrain ; jusqu’à ce que, sous le règne d’Édouard, III, un acte du parlement a été adopté, nommant tous les plaidoyers et procédures de la loi à poursuivre. Anglais.*
* Histoire de la poésie anglaise de Warton, vol. I, pp. 3-7. Whartoni Auctarium Hist. Dogmat. Uss., p. 393, 394.
Parmi les ecclésiastiques érudits invités en Angleterre par le Normand Guillaume, LANFRANC occupe la première place. Il était natif de Pavie, en Lombardie, né vers l’an 1005, d’une famille noble ; étudia l’éloquence et les lois à Bologne, et fut professeur de droit dans sa ville natale. Il se démit de cette charge pour se rendre en Normandie, où il fit sa profession monastique au Bec ou Béa, vers l’an 1042. Trois ans après, il fut nommé prieur, et commença une grande école dans ce monastère, qui, par sa réputation extraordinaire, devint bientôt le plus célèbre de l’Europe à cette époque. On raconte de lui qu’un jour qu’un employé pédant, entouré d’un magnifique cortège de serviteurs, le servait, Lanfranc, en causant avec lui, s’aperçut de l’extrême faiblesse de ses connaissances, et, pour ridiculiser l’ignorance du pédant, lui présenta une rangée de croix ou d’alphabet ; ce qui, cependant, était si mal perçu qu’il exposait l’instituteur à de graves dangers. En 1063, il est nommé premier abbé du monastère de Saint-Étienne, à Caen, par Guillaume, le fondateur, alors duc de Normandie. Quatre ans après que son protecteur eut obtenu la couronne d’Angleterre, il fut appelé au siège épiscopal de Cantorbéry et fut nommé par le pape son légat en Angleterre. Dans cette haute situation, il s’efforça de réformer le clergé et les monastères, et de promouvoir l’étude des sciences sacrées, de l’éloquence et de la grammaire.* Par ses constitutions, en 1072, le bibliothécaire est chargé de remettre un livre à chacun des religieux au commencement du carême : une année entière est allouée à la lecture du livre ; et au retour du carême, les moines qui avaient négligé de lire les livres qu’ils avaient respectivement reçus reçoivent l’ordre de se prosterner devant l’abbé et d’implorer son indulgence. + Il est l’auteur d’un Commentaire sur les épîtres de saint Paul, qui n’a jamais été imprimé. En outre, il est généralement considéré comme l’auteur principal d’un Correctorium Ecclesiasticum, ou correction critique de l’Ancien et du Nouveau Testament, et d’écrivains ecclésiastiques. Car, ayant observé que diverses erreurs s’étaient glissées dans le texte sacré et dans les œuvres des Pères, principalement par la négligence des transcripteurs, il examina, avec l’aide de ses moines, soigneusement et nota les corruptions qui avaient eu lieu dans les saintes Écritures et les Pères, et même dans les livres de service de l’Église. On dit que ce travail a été tenu en haute estime tant en Angleterre qu’en France. Sa mort survint le 28 mai 1089. Il est enterré à Christ Church, à Canterbury.++
* Butler’s Lives, vol. IV, p. 211, note. Berington’s Literary History of the Middle Vges, p. 241.
+ Warton’s History of English Poetry, vol. I, dissert. 2.
++ Majordome, ubi sup. Millii Proleg., p. civ.
Anselme, qui succéda à Lanfranc dans l’archevêché de Cantorbéry, naquit à Aoust, dans le Piémont. En 1060, il commença moine, à l’âge de vingt-sept ans, à Bec, ou Béa, en Normandie, sous Lanfranc. Par la suite, il devint prieur du monastère. Ses progrès dans la connaissance religieuse furent grands ; mais la douceur et la charité semblent avoir prédominé dans toutes ses vues sur la piété. Le livre communément appelé Méditations d’Augustin était principalement extrait des écrits d’Anselme. À l’âge de quarante-cinq ans, il devint abbé du Bec. Son vieil ami Lanfranc étant mort en 1089, Guillaume le Roux usurpa les revenus du siège épiscopal de Cantorbéry, et traita les moines de l’endroit de la manière la plus barbare. Pendant plusieurs années, le tyran profane déclara que personne n’aurait le siège tant qu’il vivrait ; mais sa conscience s’étant alarmée dans un accès de maladie, il nomma Anselme pour succéder à Lanfranc, qui fut à grand’peine convaincu d’accepter cette charge pénible. Le roi, rétabli, reprenant ses mesures tyranniques, l’archevêque se retira en Calabre avec deux moines ; l’un d’eux, nommé Eadmer, a écrit sa vie. À la mort de son royal persécuteur, il retourna en Angleterre, sur l’invitation de Henri Ier ; Et bien qu’il soit devenu le défenseur acharné de l’autorité pontificale, il semble avoir été influencé plus par les préjugés populaires de son temps que par un esprit d’ambition, qui ne faisait certainement pas partie de son caractère. Lors d’un synode national, tenu à Saint-Pierre de Westminster, il interdit que les hommes soient vendus comme bétail, ce qui avait été pratiqué jusque-là. Un autre exemple de son caractère humain et pieux donné par ses biographes, c’est qu’un jour qu’il se rendait à cheval au manoir de Herse , un lièvre, poursuivi par les chiens, courut se réfugier sous son cheval ; il s’arrêta, et, se tournant vers les chasseurs, il dit : « Ce lièvre me fait penser à un pécheur sur le point de quitter cette vie, entourés de· démons, attendant leur proie. Le lièvre s’élança, il défendit qu’on la poursuivisse, et on lui obéit. Il mourut dans la seizième année de son archevêché, et dans la soixante-seizième de son âge, le 21 avril de l’an 1109.
Les œuvres d’Anselme sont en partie scolastiques, en partie dévotionnelles, et montrent qu’il était un homme de génie, aussi bien que de piété. Dans la liste de ceux-ci, nous en trouvons un intitulé « Le fou réfuté », Liber adversus insipientem, écrit contre ceux qui ridiculisaient et prétendaient argumenter contre l’inspiration divine des Écritures. Dans ce traité, l’ingéniosité et la perspicacité de ce grand prélat sont mises en évidence avec un bon effet. L’archevêque fut aussi le véritable inventeur de l’arguméht, attribué à tort à Descartes, qui entreprend de prouver l’existence de Dieu à partir de l’idée de perfection infinie, qui se trouve, sans exception, dans l’esprit de tout homme. *
* Milner’s History of the Church of Christ, vol. III, pp. 307-317. Butler’s Lives, vol. IV, 21 avril, p. 210-224.
INGULPH, l’abbé de Croyland, un Anglais, était un autre des savants de ce siècle. Il meurt en 1109. Il est surtout célèbre pour son Histoire de l’abbaye de Croyland, dans laquelle le lecteur s’intéresse par l’air simple et ingénu de son récit. Il fournit tous les renseignements que les plus curieux voudraient posséder sur l’abbaye, ses bâtiments, ses fortunes diverses, ses vastes possessions et immunités, ses trésors, ses moines, ses occupations et ses statuts. D’après cette histoire, cependant, il ne semble pas qu’une période distincte ait été allouée à l’étude par les moines de l’abbaye ; mais on compte d’un présent de quarante gros volumes originaux, de divers docteurs, à la bibliothèque commune, et de plus de cent exemplaires plus petits de livres sur divers sujets. Parfois, aussi, les noms sont mentionnés d’hommes dont on dit qu’ils étaient « profondément versés dans toutes les branches de la littérature ».♦ À mesure que les transcriptions des livres se multipliaient, la permission de les consulter était plus libéralement accordée qu’auparavant. L’historien nous donne un spécimen de leurs règles sur ce point : « Nous défendîmes, dit-il, sous peine d’excommunication, le prêt de nos livres, aussi bien les petits sans images que les plus grands avec images, à des écoles éloignées, sans la permission de l’abbé, et sans sa connaissance certaine dans quel temps ils seraient rétablis. Quant aux petits livres, tels que Psaltérions, Donat, Caton, et similibus poeticis ac quaternis de cantu, adaptés aux garçons, et aux parents des moines, etc., nous défendîmes d’être prêtés plus d’un jour sans la permission du prieur. + Lorsque survint en 1091 l’incendie qui consuma cette célèbre abbaye, la bibliothèque contenait sept cents volumes.
♦ L’histoire littéraire de Berington Moyen Âge, t. IV, p. 255.
+ Histoire des Anglo-Saxons de Turner, vol. I, p. 410, note.
Les graines de la science ayant été semées, beaucoup de personnes commencèrent à contribuer au progrès général de l’érudition, en formant assidûment des BIBLIOTHÈQUES ; et l’on s’occupa davantage dans les monastères de l’art d’écrire proprement et correctement, afin que les copies des œuvres des auteurs puissent non seulement être multipliées, mais aussi exactes. Sans cette heureuse pratique, le progrès de la littérature aurait dû être borné à quelques individus, parce que le coût des livres était énorme ; et leur usage, dans les grandes bibliothèques, était très restreint à cause de leur valeur. Osmond, qui était venu avec Guillaume le Conquérant, et qui avait été créé comte de Dorset, et avait exercé les plus hautes fonctions de l’État, ayant embrassé la vie religieuse et été choisi évêque de Sherborn ou Salisbury, rassembla une noble bibliothèque ; et non seulement il recevait avec une grande libéralité tous les ecclésiastiques qui se distinguaient par leur érudition, et les persuadait de résider avec lui, mais il copiait et reliait des livres de sa propre main.* Nous avons un autre « exemple de l’effort patriotique d’un individu dans Simon de Saint-Albans, qui, selon son propre goût, entretenait généreusement deux ou trois écrivains choisis dans sa chambre, où il a préparé, dit l’autorité, une quantité inestimable des meilleurs livres. Il s’est fait une règle dans son monastère que tout futur abbé doit toujours avoir un bon écrivain.+ Parmi les autres ouvrages fournis par Simon, il y avait deux nobles volumes, contenant l’Ancien et le Nouveau Testament avec une glose. Elles étaient conservées dans une vitrine peinte, une presse ou une bibliothèque, avec les autres transcriptions de différents auteurs. C’était au XIIe siècle. Un récit assez semblable est donné d’un ancien abbé, dont on rapporte qu’il donna à cette église vingt-huit volumes notables et huit psautiers, un collecteur, un épistolaire, un livre contenant les leçons de l’Évangile pour toute l’année, et deux TEXTES, ou volumes complets des Écritures, ornés d’or, d’argent et de pierres précieuses ; outre les Ordinaux, les Consuetudinaires, les Missels, les Tropaires, les Collectarias, et d’autres livres. Les tentatives de ces ecclésiastiques érudits, aidées par les efforts d’autres également ardents dans la cause de la littérature et de la science, réussirent en partie, et les bases furent jetées pour cette diffusion des connaissances, qui, après l’écoulement de quelques siècles, produisit la Réforme.
* Turner’s Hist, of England, vol. i, pt. ii, ch. ii, p. 410. Londres, 1814, in-4°. Butler’s Lives, vol. xii, 4 décembre, pp. 73-75.
+ Turner’s Hist, of England, ut sup.
++ Whitaker’s Cathedral of Cornwall, vol. II, p. 317.
EN FRANCE, Théodoric, le savant abbé de Saint-Evroul, s’efforçait d’unir une attention assidue aux offices de la religion à l’étude de l’art graphique et à l’assiduité du scribe. Ses moines étaient poussés aux travaux de transcription par l’influence de l’exemple et la promesse d’une récompense future. Mabillon, l’inactif annaliste des bénédictins, raconte que, pour ajouter du poids à ses exhortations, Théodoric avait coutume de raconter l’histoire légendaire d’un moine défunt, qui, ayant été amené au tribunal de Dieu, fut accusé par les démons de nombreux crimes qu’il avait commis, mais dont il fut heureusement justifié par les saints anges. qui produisit un énorme volume qu’il avait transcrit, et dans lequel il y avait une seule lettre de plus que le nombre de ses crimes !
Pendant les huit années que Théodoric présida à ce monastère, il se procura une transcription de tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, et des œuvres de Grégoire le Grand. Les antiquarii, ou scribes de saint Evroul, devinrent célèbres par leur habileté et leur assiduité ; et les noms de Bérenger, plus tard évêque de Venosa, Goscelinus, Rodulfus, Bernardus, Turchetillus et Richard, sont mentionnés avec honneur, comme transcripteurs des ouvrages des pères pour la bibliothèque du monastère de Saint-Evroul. Théodoric lui-même légua un Collectaneum, ou livre des Collectes , un Graduale et un Antiphonar, écrits de sa propre main ; Rodolfus, son neveu, transcriva un Missel, et l’Heptateuch, ou cinq livres de Moïse, avec Josué et les Juges ; Hugo a copié une Exposition d’Ézéchiel, le Décalogue, et la première partie de la Morale de Grégoire ; et Roger, un prêtre, transcriva la troisième partie des Morales, les livres des Chroniques et les livres de Salomon.
On appréciera mieux la valeur de ces travaux en se rappelant la rareté des livres à cette époque, et les prix excessifs qu’en payaient le petit nombre de ceux qui purent s’en procurer. Mabillon a vu un nécrologe appartenant au monastère de Jumiège, dans lequel des prières étaient prévues pour être offertes le 6 mars pour ceux « qui avaient fait et donné des livres le premier jour du Carême, le jour où les livres étaient distribués aux moines selon la règle. Robert, abbé de Jumiege, successivement évêque de Londres et archevêque de Cantorbéry, présenta à son monastère, pendant le temps qu’il tenait l’évêché de Londres, un livre appelé sacramentaire, contenant toutes les prières et les cérémonies pratiquées dans la célébration des sacrements. Ce présent était également accompagné de divers riches ornements pour les services sacrés. À la fin du livre, un anathème était dénoncé contre quiconque volerait le livre ou l’un des ornements du monastère ; qui concluait en termes qui marquent fortement la valeur des livres, et, dans l’opinion du donateur, la préférence du livre qu’il avait donné aux autres articles de sa donation : « Si quelqu’un enlève ce livre d’ici par la force, ou par la fraude, ou de toute autre manière, qu’il souffre la perte de son âme pour ce qu’il a fait ; qu’il soit effacé du livre de vie, et qu’il ne soit pas écrit parmi les justes ; et qu’il soit condamné à l’excommunication la plus sévère celui qui enlèvera de la table les vêtements que j’ai donnés à ce lieu, ou les autres ornements, les chandeliers d’argent ou l’or. Amen. *
* Mabillon, Annales Ord. Benedict., 'tom. iv, p. 461, 462, 518, 519. Lut. Paris, 1707, in-folio.
Vol. I.—19
Ivo, évêque de Chartres, qui florissait vers 1092, semble avoir eu le désir de promouvoir la connaissance des Écritures, tant parmi le clergé que parmi les laïcs. Dans un discours sur l’excellence de l’ordre sacré, prononcé devant le synode, nous rencontrons quelques conseils judicieux, adressés à ceux qui, de par leur charge, ont été appelés lecteurs : « Que ceux, dit-il, qui aspirent à ce degré, soient bien instruits dans la littérature, afin qu’ils comprennent le sens des mots, et qu’ils connaissent l’usage des accents, et lisent distinctement, de peur que leurs auditeurs ne soient empêchés, par une prononciation confuse, de comprendre ce qui est lu. Qu’ils distinguent entre ce qui doit être lu affirmativement, et ce qui doit être lu interrogativement ; et noter soigneusement les divers arrêts et pauses du discours ; car là où elles sont négligées, elles troublent l’esprit et provoquent le mépris des grammairiens. Le lecteur doit consulter à la fois le cœur et l’oreille. *
* Usseri, Hist. Dogmat., p. 136.
Parmi les plus savants des ordres monastiques, il y en avait qui voyaient et déploraient les corruptions qui avaient eu lieu dans les copies des Saintes Écritures, par la négligence et l’incompétence des transcripteurs, et qui essayaient de les rendre plus correctes. Guillaume, abbé d’Hirsauge, dans le diocèse de Spire, était l’un de ces hommes éclairés et précieux. Il y avait dans son monastère un moine d’une famille noble, qui avait fait des progrès singuliers dans la littérature sacrée, du nom de Théotger : cet habile érudit, avec un autre de la même confrérie également savante, nommé Haymon, s’employa à corriger la version de la Vulgate, en s’efforçant de la rendre à sa pureté originelle, en modifiant la ponctuation et en formant des divisions convenables. L’exemplaire révisé, dit Trithemius, était encore conservé de son temps dans la bibliothèque du monastère. Théotger est l’auteur d’un ouvrage sur la musique, de brèves notes sur les Psaumes, de sermons et d’épîtres.+
+ Trithemii Chronicon Hirsaugiense, tom. t. I, p. 282 et 283. Monast. S. Gall., 1690, folio. Mabillon, Annales, tom. V, p. 277.
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La plupart de ces moines studieux qui s’efforçaient d’augmenter le stock général de connaissances par leurs productions littéraires, passaient leur temps à compiler la vie des saints, ou consacraient leurs talents à écrire des commentaires ou des gloses sur des parties choisies de la Bible, tandis qu’il n’en trouvait que peu qui étaient disposés à s’employer à transcrire et à multiplier eux-mêmes des copies correctes des Écritures. et même à l’égard des activités littéraires en général, il y avait une étonnante diversité de pratiques dans les différents ordres, selon les vues de leurs fondateurs respectifs, et la teneur conséquente des règles par lesquelles ils étaient gouvernés ; ainsi que dans les différentes maisons religieuses d’un même ordre, selon les capacités et les dispositions des abbés favorables ou défavorables, ou des personnages principaux des diverses fraternités. Les legs ou donations de quelques-uns des abbés du célèbre monastère de Clugni prouveront suffisamment la grande dissemblance de l’encouragement littéraire chez les gouverneurs des établissements conventuels : Hugo, qui devint abbé en 1199 et mourut en 1207, fit don au monastère de plusieurs dons précieux, « surtout tous ses meilleurs livres, parmi lesquels se trouvait presque tout un glose sur l’Ancien et le Nouveau Testament ». Ivo I., le vingt-cinquième abbé, qui commença à gouverner en 1257 et mourut en 1275, accorda au monastère de nombreux dons coûteux, entre autres, « un Missel ; le Texte des Évangiles ; un Epistolarium, couvert d’argent ; un Collecteur, et un grand livre de Capitulaires ; aussi, un Exposé des Évangiles, à lire au réfectoire ; et vingt-deux livres placés dans le cloître, attachés avec des chaînes. Andruinus Ier, le trente-quatrième abbé, qui commença son gouvernement de l’abbaye en 1351, fut ensuite créé cardinal et mourut en 1360 : outre d’autres donations, il donna autant de livres qu’on estimait à plus de deux mille francs. Enfin, Jean III, le quarante-deuxième abbé, qui fut élevé à cette dignité en 1456 et mourut en 1485, n’était pas seulement princier dans les autres dons qu’il offrit à son monastère, mais singulièrement généreux dans ses dons littéraires, qui prouvent qu’il avait été un grand collectionneur de livres et un grand mécène de l’art de l’imprimerie, alors nouvellement inventé. ainsi que ce que les modernes ont appelé un bibliomane. Dans la liste des livres qu’il a donnés à ce couvent, il y a quinze volumes sur parchemin, enluminés et reliés, composés de la Cité de Dieu d’Augustin ; Vincent’s Historiale Speculum, &c. ; douze autres volumes sur parchemin, dont une Exposition d’une partie du Nouveau Testament, de II. Corinthiens à Hébreux, inclusivement ; Historia Scholastica de Comestor ; Legenda aurea, &c. ; tous dans le ms. ; quatre-vingt-trois autres volumes, sur papier, pour la plupart imprimés, parmi lesquels se trouvaient le Commentaire de Lyra sur l’Ancien et le Nouveau Testament ; Turrecremata sur les Psaumes ; S. Thomas d’Aquin sur Matthieu, Marc, Luc et Jean ; Mamotrectus, &c.*
* Bibliotheca Cluniacensis, p. 1663, 1664, 1667, 1672, 1681-1684. Lutet. Paris, 1614, fol
On essaya cependant de rendre les Écritures plus généralement utiles, en traduisant certaines parties de celles-ci dans certains dialectes vernaculaires du continent. Le Long mentionne un ou deux psautiers, qui existent encore, écrits dans l’ancien dialecte français ou normand du XIe siècle ; une traduction des livres des Rois, probablement faite vers l’an 1080, et une d’une date un peu plus tardive, des deux livres des Maccabées. La principale traduction des Psaumes en normand-français, et l’une de celles mentionnées par Le Long, se trouve dans un magnifique Psautier polyglotte conservé à la bibliothèque du Trinity College de Cambridge. Il contient trois des versions les plus célèbres des psaumes latins, généralement appelés le gallican, le romain et l’hébraïque, avec une préface, une prière et un commentaire, joints à chaque psaume. La version latine gallican est accompagnée d’une glose ou d’un bref commentaire ; le romain avec une version normano-saxonne interlinéaire ; et l’hébraïque avec la version normande-française. Le tout forme un grand volume in-folio, écrit sur vélin, et richement enluminé et orné de miniatures et de peintures historiques, par Eadwin, moine, qui est censé avoir prospéré sous le règne d’Étienne, roi d’Angleterre, vers l’an 1136.
* Le Long, Biblioth. Sacra., vol. i, p. 323, 7. Paris, 1723, fol.
Les remarques suivantes du Dr Waterland éclaireront la nature de ces différentes versions latines : « Il y a quatre sortes de psautiers latins, qui ont passé sous les noms d’italique, romain, gallican et hébraïque. Le Psautier latin italique est de l’ancienne traduction, telle qu’elle était avant l’époque de saint Jérôme. Le psautier romain n’est pas très différent de l’ancien italique. Ce n’est rien d’autre que l’ancienne version, sommairement et en partie, corrigée par Jérôme, au temps du pape Damase, en 383 après J.-C. Il a reçu le nom de Romain, parce que l’usage de celui-ci a commencé le plus tôt et a duré le plus longtemps dans les offices romains. Il s’est répandu en Gaule presque aussi tôt qu’à Rome, mais il a été mis de côté au VIe siècle, lorsque Grégoire de Tours a introduit l’autre Psautier, appelé depuis Gallican. Le Psautier gallican est la traduction latine la plus correcte de Jérôme, faite à partir de l’Hexaplare d’Origène, ou l’édition la plus correcte de la Septante grecque, remplie là où le grec était supposé défectueux, de l’hébreu ; distingué par des obélisques et des astérisques, indiquant que la version grecque commune, dans ces endroits, est soit redondante, soit déficiente. Ce psautier plus correct fut rédigé par Jérôme en l’an 389, et obtenu d’abord en Gaule, vers l’an 580, ou cependant pas plus tard qu’en 595 ; c’est de cette circonstance qu’il a pris le nom de Gallican, par opposition au nom de Romain. De la Gaule, il passa en Angleterre, avant l’an 597, et en Allemagne, en Espagne et dans d’autres pays. Les papes de Rome, bien qu’ils se fussent eux-mêmes servis de l’autre psautier, s’en rendirent patiemment compte dans les églises d’Occident, et même en Italie ; et quelquefois en autorisait l’usage privé dans les églises et les monastères ; jusqu’à ce qu’elle fût enfin publiquement autorisée dans le concile de Trente, et introduite quelque temps après à Rome même, par Pie V. Elle fut admise en Grande-Bretagne et en Irlande avant l’avènement du moine Augustin, et prévalut après, excepté dans l’église de Cantorbéry, qui était plus immédiatement sous l’œil de l’archevêque et plus conforme aux fonctions romaines que dans d’autres parties du royaume. On a dit (Hodius de Text. Bibl. Orig., p. 384) que ce même psautier gallican est ce qui est encore conservé dans la liturgie, appelé psaumes de lecture, par opposition aux autres psaumes de nos Bibles de la nouvelle traduction. Mais ce n’est pas tout à fait vrai ; car l’ancienne traduction, bien qu’elle soit tirée en grande partie du gallican, a encore beaucoup de corrections de l’hébreu (où on les croyait insuffisantes), d’abord par Coverdale en 1535, et par Coverdale de nouveau en 1539, et enfin par Tonstall et Heath en 1541 ; selon quelle édition le Psautier est-il maintenant utilisé dans la liturgie. (Durell Eccles. Anglican, vindic., p. 306.) Le psautier latin hébraïque signifie la traduction de Jérôme, immédiatement de l’hébreu, faite en l’an 391. Ceci, bien qu’il fût par ailleurs d’une grande estime, n’a jamais été utilisé dans les offices publics de l’Église. *
*Waterland sur le Credo d’Athanase, pp. 112-117. Came. 1728, 8 vol.
En ALLEMAGNE, l’abbé Willeram est l’auteur d’une double paraphrase des Cantiques. Le premier est un latin rythmique ; l’autre en prose, dans l’ancien dialecte francique ou allemand. La meilleure édition de cet ouvrage est celle de Schilter, publiée dans son Thesaurus Antiquitatem Teutonicarum, tom.
Willeram était originaire de Franconie. Sa connaissance des lettres et de la philosophie s’acquitta principalement dans les écoles de Paris, d’où, de retour dans son pays natal, il fut élu scolastique de l’église de Bamberg. Mais, malgré son élévation à la dignité ecclésiastique, il continua ses anciennes amitiés et ses anciennes habitudes ; jusqu’à ce qu’à la fin, dit Trithème, convaincu de la nature passagère de la vaine gloire de ce monde, et méprisant les choses de ce monde pour l’amour de Dieu, il prit l’habit de moine dans le monastère de Fulda ; et, en augmentant en mérites, il fut enfin choisi abbé de Mersbourg. Outre la paraphrase du Cantique des Cantiques, il a écrit un certain nombre de sermons et d’épîtres. Il prospéra sous le règne de Henri IV, vers 1080.+
+ Trithème en Catal. Viror. Illustr. Germe. Voir Schilteri Thesaurus, tom. Je à Præfat. Willerami dans Cantic., &c.
Reimbold, premier abbé de Muri, en Helvétie, vers l’an 1027, ne se contenta pas de fournir à l’abbaye deux cloches, qu’il acheta à Strasbourg ; mais il se procura aussi des transcriptions de la Bible, des hymnes, des homélies et des légendes ; les livres d’Homère, les Apologues moraux d’Ésope, quelques poèmes d’Ovide, les Histones de Salluste et d’autres ouvrages précieux. Ses moines, marchant sur ses traces, fondèrent une école où ils enseignèrent les rudiments de la science.*
* Hist. de Planta, de la Confédération helvétique, t. I, ch. III, p. 142. Lond. 1807, 8 vol.
Montfaucon , dans son Diarium Italicum, ou Voyages à travers l’Italie, signale plusieurs ouvrages écrits ou transcrits au XIe siècle, et déposés dans les différentes bibliothèques d’Italie. Ils consistent principalement en des copies de diverses parties des Écritures, des œuvres des pères, et des livres des offices ecclésiastiques, et des vies des saints. . Certains d’entre eux ont de curieuses inscriptions. Dans la bibliothèque du duc de Modène se trouve un psautier très élégamment écrit, sur le devant duquel est inscrit en grec : « Ce livre est déposé dans le saint monastère, pour la rémission des péchés du moine Théodose Xylata ; que celui qui le lit par le Seigneur le loue et prie pour son âme. Dans la bibliothèque du monastère du Mont-Cassin se trouve un manuscrit contenant les leçons des veilles, auquel est préfixée la note suivante : « En l’an de l’incarnation de Notre-Seigneur 1072, et dixième indiction, à l’époque où le vénérable Desiderius, trente-septième abbé après la mort de notre très saint et illustre père Benoît, a présidé dans ce vénérable monastère du Mont Cassin, où reposent honorablement enterrés les corps de notre dit saint père et législateur, et de sa célèbre sœur Scholastique ; Parmi les autres monuments de ses grandes œuvres, en quoi il surpassa merveilleusement tous ses prédécesseurs, il fit aussi écrire ce très beau livre, contenant les leçons qui doivent être lues les veilles ou veilles des principales fêtes, c’est-à-dire 01 la nativité de Notre-Seigneur, saint Étienne, saint Jean l’Évangéliste, l’Épiphanie, la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte, lequel livre, moi, frère Jean de Marsicana, depuis longtemps archiprêtre de l’Église, mais maintenant le plus vil serviteur de ce lieu saint, a fait composer à mes propres frais, pour mon salut et celui des miens ; et je l’offris pieusement audit très saint père Benoît, sur son saint autel, le jour où je pris son habit. Priant en outre que si quelqu’un, sous quelque prétexte que ce soit, ose l’enlever de ce lieu saint, il puisse avoir sa demeure éternelle avec ceux à qui le CHRIST dira au jugement dernier : Retirez-vous de moi dans le feu éternel, préparé pour le diable et ses anges.
Mais qui que vous soyez qui lisez ces lignes, ne manquez pas de lire aussi le distique ci-dessous.
Hujus scriptorem libri, pie Christe, Leonem
Dans Libro Vitae dignanter, je vous prie de le dire.
« Bienheureux Sauveur ! dans ton Livre de Vie divin,
Que le nom favori de Léon brille d’un éclat illustre.
* Le transcripteur du livre.
Ce manuscrit est accompagné d’un tableau d’histoire, que Montfaucon a fait graver, représentant Jean de Marsicana recevant le capuchon de moine de saint Benoît ; et De-siderius présentant le volume au saint.
Un autre manuscrit, mentionné par le savant auteur du Diarium , mérite d’être remarqué comme un rare exemple de l’étude des écritures sacrées, à une époque de ténèbres et d’analphabétisme. C’est un beau volume sur vélin ; et contient, d’abord, toutes les citations et témoignages de l’Ancien Testament que l’on trouve dans les quatorze épîtres de saint Paul ; et deuxièmement, toutes les citations d’écrivains profanes et apocryphes dans ces épîtres. Il est conservé dans la bibliothèque du monastère de Saint-Basile, à Rome. Dans la même bibliothèque, il y a aussi une Bible latine, curieusement écrite en ce siècle, sur vélin, contenant la Genèse, au livre des Juges, avec les notes d’Origène en marge ; mais imparfait au début et à la fin.+
+ Les voyages de Montfaucon à travers l’Italie. ch. iii, p. 44 ; ch. xv, p. 250 ; ch. XXII, p. 381.
Des occupations tranquilles de l’homme de lettres et du calme solennel de la bibliothèque monastique, nous nous détournons à regret pour remarquer la conduite d’un pontife impérieux. Lors de l’élévation de Hildebrand au pontificat, en 1073, il prit le nom de GRÉGOIRE VII. Les fameuses sentences, relatives à l’autorité suprême des pontifes romains sur l’Église universelle et les royaumes du monde, qu’on dit avoir été composées par lui, et de lui appelées les préceptes de Hildebrand, démontrent suffisamment l’impétuosité farouche et l’ambition sans bornes de son caractère. Le douzième de ces préceptes affirme « qu’il est permis [au pape] de détrôner les souverains ; » le dix-septième déclare impieusement « qu’aucun livre ne doit être considéré comme canonique sans son autorité, et le vingt-septième affirme avec orgueil : « Qu’il peut absoudre les sujets des princes hérétiques (iniquorum) de leur serment de fidélité. Et bien qu’on puisse contester si Grégoire a publié les Dictates dans leur forme actuelle, il faut admettre que la plus grande partie d’entre eux sont répétés mot pour mot en plusieurs endroits de ses Épîtres, et que l’ensemble d’entre eux sont caractéristiques de ce pontife impérieux.*
* Usserii, Gravissimæ Questionis, &c., ch. v, p. 124. Lond. 1613, in-4°. Mosheim’s Eccles. Hist., t. II, p. 492, note.
En 1080, Uratislas, roi de Bohême, exprima à Grégoire le désir que les offices ou prières de l’Église fussent accomplis en langue slavonne, alors langue commune du nord de l’Europe ; mais le pontife l’interdit, et répondit avec orgueil : « Je ne consentirai jamais à ce que le service soit célébré en langue slavonne. C’est la volonté de Dieu que sa parole soit cachée, de peur qu’elle ne soit méprisée si elle est lue par tout le monde ; et si, par condescendance à la faiblesse du peuple, le contraire a été permis, c’est une faute qu’il faut corriger. La demande de vos sujets est imprudente. Je m’y opposerai avec l’autorité de saint Pierre ; et vous devez, pour la gloire de Dieu, y résister de toutes vos forces.+ Une décision très différente de celle de son prédécesseur Jean VIII. 880 apr. J.-C. Une demande de même nature lui ayant été faite, il répondit en bénissant Dieu que les caractères slaves avaient été inventés, permettant ainsi à chacun de louer le Seigneur dans sa propre langue ; et, défendant sa conduite par l’exemple des apôtres, il remarqua qu’il ne craignait aucun danger de l’usage des offices publics dans le dialecte vernaculaire, pourvu qu’ils lisent d’abord l’Évangile en latin, et qu’ensuite ils l’interprètent au peuple, selon la pratique de quelques autres églises. Une politique différente de celle de Grégoire a également été poursuivie par Innocent III. en 1215 ; car, dans le concile de Latran, tenu cette année-là, il fut ordonné que si des personnes de différentes nations, parlant des langues différentes, habitaient dans la même ville, l’évêque du diocèse leur fournirait des ministres, capables de servir dans leurs langues respectives.++
+ Basnage, Hist, de 1’Eglise, tom. ii, p. 1575. Rotterdam, 1699, fol.
++ Basnage, wi sup.
Mais « quel jugement formerons-nous, demande un historien catholique, des croisades, qui furent plus extravagantes dans leur origine, plus contagieuses dans leurs progrès, plus destructrices dans leurs conséquences, que toutes les folies qui avaient jusque-là exaspéré ou déprimé le genre humain, et qui, vers la fin de ce siècle, s’emparèrent par la force des esprits du monde occidental ? » Leur but était de reprendre Jérusalem des mains des infidèles. « Le projet est né, observe le même écrivain intelligent, dans l’esprit cultivé de Gerbert, dans la première année de son pontificat ; a été nourri par Hildebrand ; et mis à exécution par l’activité d’Urbain Il, et l’éloquence de Pierre l’Ermite. La première armée marcha en 1096, et en 1099 Jérusalem fut prise.
§ Histoire littéraire du moyen âge de Berrington, t. IV, p. 266.
L’état des lettres a été nécessairement affecté par ces guerres. Ils provoquèrent de la dissipation dans l’esprit de tous ceux qui se réunissaient, qu’ils fussent civils ou ecclésiastiques, et il se produisit un « nouveau tempérament, par lequel toutes les occupations sédentaires furent suspendues, et une marque de reproche fixée sur toute entreprise qui ne tendait pas, ou n’était pas liée à la manie militaire particulière de l’époque. Les écoles et les couvents en sentaient la contagion générale ; Si quelques-uns employaient les remontrances de la sagesse, ils n’étaient pas écoutés ou méprisés. À l’appel de leur prince, le duc Robert, les élèves de Béa abandonnèrent leurs maîtres ; et il n’y avait d’autre éloquence que celle de l’ermite, ou des décideurs populaires sur le même sujet. L’ignorance et la barbarie marquèrent les progrès des croisés, et la littérature, sous toutes ses formes, fut l’objet d’indifférence ou de mépris. À l’été de 1203, ils parurent devant Constantinople ; et passa l’hiver suivant dans le faubourg de Galata. La ville fut prise d’assaut et subit toutes les horreurs du pillage et de la dévastation. « Pour insulter la ville déchue, les mœurs, l’habillement, les coutumes des Grecs étaient exposés au ridicule ou au mépris dans des exhibitions ridicules ; et les plumes, les encriers et le papier étaient exposés dans les rues, comme les armes ignobles ou les instruments méprisables d’une race d’étudiants et de scribes. * Ce qui fut le sort de quelques-unes ou de plusieurs bibliothèques byzantines n’est pas lié. « Le papier ou le parchemin n’offraient aucune tentation à l’avarice ; et les pèlerins, n’éprouvant aucune prédilection pour la science, surtout lorsqu’ils sont enfermés dans une langue inconnue, ne se soucieraient pas de s’emparer ou de dérober les ouvrages des savants ; mais nous ne pouvons douter que beaucoup n’aient péri dans les trois incendies qui ont fait rage dans la ville ; et quelques écrits de l’antiquité, dont on sait qu’ils ont existé au XIIe siècle, sont aujourd’hui perdus.||
* Berrington, App. I., p. 601, 602.
|| Ibid., p. 606.
Les effets de ces guerres saintes, comme on les appelait, devinrent visibles sous diverses formes, et les croisades peuvent être considérées comme la date à laquelle la chevalerie prit une apparence systématique ; la chevalerie fut investie de splendeurs extraordinaires ; et la science de l’héraldique peut être attribuée à la Palestine. De nouvelles institutions s’élevèrent pour promouvoir la chevalerie, aux dépens de la raison et de la bienséance, et l’on attendait des ordres laïques qu’ils produisaient des prodiges, en unissant à l’exercice de la guerre la pratique des devoirs religieux. Dans tous les pays d’Europe, le chevalier chrétien tirait son épée pendant la célébration de la messe, et la tenait nue, en témoignage de son empressement à défendre la foi du Christ.
*Introd, à l’histoire littéraire des XIVe et XVe siècles, p. 14. Knox’s Liberal Education, vol. II, p. 15, note.