PARTIE II.

DE LA NAISSANCE DU CHRIST À L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE.

CHAPITRE VIII.

DIXIÈME SIÈCLE.

Rareté des livres. — Fête de l’âne. — Épreuve. — Scriptoria. — Antiquarii. — Calligraphie. — Bruno. — Gérard de Groot. — Thomas à Kempis. — Valeur des livres. — Reliures superbes. — Athelstan. — Canons d’Edgar. — Ælfric. — Évangiles saxons. — Versions allemandes. — Version arabe. — Juifs célèbres.

Le DIXIÈME siècle, qui représente une des périodes les plus sombres de l’ère chrétienne, fut un siècle de l’ignorance la plus profonde et de la superstition la plus dégradée. Quelques-uns, qui occupaient les plus hautes places dans l’Église, ne savaient même pas lire ; tandis que d’autres, qui prétendaient être de meilleurs érudits et tentaient d’exercer les fonctions publiques, commettaient les bévues les plus flagrantes. En Espagne, les livres se firent si rares, qu’un seul et même exemplaire de la Bible, les épîtres de saint Jérôme, et quelques volumes d’offices ecclésiastiques et de martyrologes, servit à plusieurs monastères différents : et dans le célèbre monastère d’Iona, il semble qu’il n’y ait eu, au neuvième siècle, d’autre ouvrage, même des pères, qu’un des écrits de Chrysostome. Gennadius, évêque espagnol, par son testament, daté de l’an 953, légua environ seize volumes de livres à certaines maisons religieuses, à la condition expresse qu’il ne serait permis à aucun abbé de les transférer en un autre lieu, mais qu’ils seraient gardés pour les moines des monastères spécifiés dans le testament, qui s’accommoderaient autant que possible dans l’usage qu’ils en feraient. Le testament est souscrit par le roi et la reine, ainsi que par les évêques et autres personnes de rang.*

* Warton’s History of English Poetry, vol. I, dissert. 2. Récit historique des anciens Culdees de Jamieson, p. 316. Mabillon, Annales, tom. dans, lib. XLI, p. 351.

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De l’état déplorable de la religion et de la misérable superstition qui régna dans ce siècle et dans plusieurs siècles suivants, il n’est pas besoin d’apporter d’autre preuve que celle de la fête de l’âne, célébrée dans plusieurs églises de France, en commémoration de la fuite de la Vierge Marie en Égypte. Cette fête fut célébrée à Beauvais, le 14 janvier. Ils choisirent une belle jeune femme, qu’ils habillèrent richement, et lui prirent dans les bras un bel enfant. Elle monta ensuite sur un âne richement comparé, et chevaucha en procession, suivie de l’évêque et du clergé, de la cathédrale à l’église de Saint-Étienne, où elle fut placée près de l’autel, et la grand’messe commença. Cependant, au lieu des réponses habituelles du peuple, on leur apprit à imiter le braiement de l’âne ; Et à la fin de l’office, le prêtre, au lieu des paroles habituelles avec lesquelles il congédiait le peuple, braillait trois fois, et le peuple braillait ou prononçait les sons imitatifs hinham, hinham, hinham ! Pendant la cérémonie, on chanta avec une grande vocifération la composition ridicule suivante, moitié latine, moitié française, à la louange de l’âne :

TRADUCTION.

“ Orientis partibus

Adventavit asinus ;

Pulcher et foitissimus,

Sarcinis aptissimus.

Hez, Sire Asnes, car chantez

Belle bouche rechignez ;

Vous aurez du foin assez

Et de l’avoine à plantez.

Lentus pedibus serrés,

Nisi foret baculus ;

Et eum in clunibus

Pungeret aculeus.

Hez, Sire Asnes, &c.

Hic in collibus Sichem,

Confiture nutritus sub Ruben ;

Transiit pour Jordanem,

Saliit à Bethléem.

Hez, Sire Asnes, &c.

Ecce magnis auribus !

Subjugalis filius ;

Asinus egregius,

Asinorum dominus !

Hez, Sire Asnes, &c.

Saltu vincit hinnulos,

Damas et capreolos,

Super dromadaires

Velox Madianeos.

Hez, Sire Asnes, &c.

Aurum d’Arabie,

Thus et myrrham de Saba,

Tulit in ecclesia

Virtus asinaria.

Hez, Sire Asnes, &c.

Dum trahit véhicula

Un peu comme la sarcinula.

Illius mandibula

Dura terit pabula.

Hez, Sire Asnes, &.c.

Cum aristis hordeum

Comedit et carduum ;

Triticum â palea

Ségrégation dans la région.

Hez, Sire Asnes, &c.

Amen, pourboires, asine,*

Jam satur de gramme :

Amen, amen, itéra ;

Aspernare vetera.

À va ! à va ! à va !

Bialx Sire Asnes car allez ;

Belle bouche car chantez.”+

 

״ Du pays de l’Est

Est venue cette bête forte et belle,

Ce cul capable au-delà de toute comparaison,

Charges lourdes et sacs à dos.

Maintenant, seigneur Âne, un noble bray ;

Cette belle bouche à grand étalage ;

Nourriture abondante que nos greniers à foin produisent,

Et l’avoine abondante charge le champ

C’est vrai, son allure est lente,

Jusqu’à ce qu’il sente le coup rapide ;

Jusqu’à ce qu’il sente l’aiguillon de l’exhortation,

Sur sa fesse bien donnée,

Maintenant, Signior Ass, &c.

Il naquit sur la colline de Sichem ;

Dans les vallées de Ruben, il se nourrissait à satiété ;

Il a bu au ruisseau sacré du Jourdain,

Et j’ai gambadé à Bethléem.

Maintenant, Signior Ass, &c.

Voyez cette large oreille majestueuse !

Bom il est le joug à porter ;

Tous ses semblables, il les surpasse !

C’est le seigneur des ânes !

Maintenant, Signior Ass, &c.

En sautant, il surpasse le faon,

Les cerfs, les poulains sur la pelouse ;

Moins vite, les dromadaires couraient,

Vanté à Madian.

Maintenant, Signior Ass, &c.

L’or, de la part d’Araby le bienheureux,

La myrrhe de Séba, de la myrrhe la meilleure,

Cet âne apporta à l’église ;

Nous, ses robustes travaux, chantons.

Maintenant, Signior Ass, &c.

Tandis qu’il tire la plainte chargée,

Ou plus d’une meute, il ne complam pas ;

Avec ses mâchoires, un couple noble,

Il se moque de sa nourriture familiale.

Maintenant, Signior Ass, &c

L’orge barbue et sa tige,

Et les chardons, s’en donnent à satiété ;

Il aide à séparer,

Quand elle est battue, l’ivraie du blé.

Maintenant, Signior Ass, &c.

Amen! Bray l’âne le plus honoré,

Rassasié maintenant de céréales et d’herbe ;

Amen répète, Amen répond,

Et ne tenez pas compte de l’antiquité.§

 

 

 

 

 

* Ici, on lui fait plier les genoux.

+ Du Cange, Glossarium, v. Festum.

§ Panorama littéraire, t. II, p. 585-588 ; et vol. VII, p. 716-718.

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Le chœur final, tel qu’il est donné par Du Cange, est certainement une imitation de braiement insensé ; et lorsqu’elle a été exécutée par toute l’assemblée, elle a dû produire une symphonie des plus inharmonieuses.

M. Millin a publié un récit de cette fête telle qu’elle se pratiquait dans la cathédrale de Sens, au XIIIe siècle. Les détails sont tirés d’un missel manuscrit de cette église, aujourd’hui conservé à la bibliothèque municipale, composé à l’origine par Pierre Corbeil, archevêque de Sens, décédé en juin 1222. On dit que le manuscrit est magnifiquement écrit, et que la couverture de celui-ci est ornée de représentations de toutes les opérations de l’époque et d’autres sujets mythologiques analogues. À l’époque où le missel a été écrit, les cérémonies sont devenues entièrement bacchanales et impies. Les prêtres furent enduits de lie de vin, et entrèrent dans le chœur en dansant et en chantant des chansons obscènes ; les diacres et les sous-diacres profanaient l’autel en mangeant de la manière la plus immonde, et en jouant aux cartes sur Jrt pendant que le prêtre célébrait la messe ; on mettait des morceaux de vieux souliers dans l’encensoir, et on les brûlait à la place de l’encens ; et les diacres et leurs compagnons furent ensuite conduits dans les rues sur des charrettes, s’exerçant à diverses indécences. Pendant plusieurs jours, les actions les plus répugnantes et les plus extravagantes se poursuivirent, et l’émeute, l’ivrognerie et les chants gratuits régnèrent universellement parmi le clergé et les laïcs.

Des tentatives ont été faites à différentes époques pour supprimer ces superstitions sottish, mais malheureusement sans succès. Maurice, évêque de Paris, mort en 1196, s’efforça de les abolir, mais le missel déjà remarqué, qui paraît avoir été rédigé d’office, montre combien il échoua complètement. En 1245, Odon, évêque de Sens, interdit les déguisements offensants, et réprima quelques-unes des momeries et des libertinages qui faisaient partie de cette fête ; mais il n’en supprima pas le tout, car en 1444 la Faculté de théologie, à la demande de plusieurs évêques, écrivit à tous les prélats et chapitres pour abolir cette coutume. Il est cependant évident, par les actes du concile tenu en 1460, que les grossièretés de cette cérémonie seulement furent réduites ; Le concile interdit les habitudes caricaturales, les chants faux et grossiers, et ordonne qu’au chantre des fouscomme on l’appelait en cette occasion on ne jette pas plus de trois seaux d’eau, et aux autres hommes nus qu’un seul seau chacun, et que non pasau sein de l’église ; Les autres cérémonies, si elles étaient pratiquées à l’extérieur de l’église, étaient permises. D’après une si douce remontrance, on ne pouvait s’attendre à ce que la fête fût matériellement arrêtée ; et nous ne sommes pas surpris d’apprendre qu’elle fut officiellement permise par des actes du chapitre de Sens, en 1514 et 1517. On trouve encore plus tard des permissions, mais avec une interdiction graduelle des indécences, jusqu’à ce qu’enfin elle cessât vers la fin du seizième siècle.

*Literary Panorama, vol. ii, pp. 585-588 ; and vol. vii, pp. 714-719. See also Tilliot, Mémoires pour servir a l’histoire de la Fete des Foux, passim.

Cette fête ridicule ne se limitait pas à la France ; Michaelis, qui suppose que les foires annuelles ont pris naissance dans les assemblées du peuple à des fins religieuses, conjecture que l’une des foires annuelles allemandes, appelée Missend’après les messes autrefois dites à cette époque, devait son apparition à quelque cérémonie de ce genre. La foire a lieu le mercredi après Pâques, près de Querfurt, au lieu-dit la Prairie des Ânes. + En Angleterre, Robert Grosseteste ou Grand-Tête, évêque de Lincoln, au XIe siècle, ordonna à son doyen et à son chapitre d’abolir la fête des ânes, qui avait été célébrée chaque année dans la cathédrale de Lincoln le jour de la circoncision, à cause de son caractère licencieux.§

+ Commentaires de Michaelis sur les lois de Moïse, vol. III, p. 198.

§ Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. II, p. 367.

La fête elle-même tire probablement son origine de ce principe d’accommodement aux mœurs et aux préjugés du peuple, qui a conduit à l’adoption de rites et de cérémonies à l’imitation des païens ; le couronnement de l’âne faisait partie de la cérémonie de la fête de Vesta, honneur conféré à ce quadrupède parce que, selon la mythologie païenne, il avait sauvé Vesta d’être violée par le dieu de Lampsacon.

Parmiles autres pratiques superstitieuses de ce siècle, l’épreuve par l’épreuve est l’une des plus importantes. La loi suivante du roi Athelstan est suffisamment explicative de sa nature : « En ce qui concerne les épreuves nous ordonnons au nom de Dieu, et par le précepte de l’archevêque et de tous mes évêques, que personne n’entre dans l’église après avoir porté le feu, avec lequel l’épreuve doit être chauffée, si ce n’est le prêtre, et la personne à juger. Et que l’on mesure neuf pieds depuis le poteau jusqu’à la marque, selon la longueur du pied de la personne qui doit être éprouvée. Et si c’est l’épreuve de l’eauqu’on la chauffe jusqu’à ce qu’elle bout, et si c’est une seule accusation, qu’on ne plonge la main que jusqu’au poing, pour en retirer la pierre ; mais si l’accusation est triple, qu’on la trempe jusqu’au coude. Et quand l’épreuve est prête, que deux de chaque groupe entrent, pour veiller à ce qu’elle soit suffisamment chauffée, et qu’un nombre égal de deux côtés entrent, et se tiennent de chaque côté de l’épreuve, le long de l’église, et qu’ils jeûnent tous, sans avoir été avec leurs femmes la nuit précédente ; qu’ils s’humilient de voir le prêtre les asperger d’eau bénite ; et que le prêtre leur donne le saint Évangile et le signe de la sainte croix à baiser. Et que personne n’augmente le feu après le commencement de la consécration ; mais que le fer reste dans le feu jusqu’à ce qu’il soit le dernier ramassé, puis qu’il soit posé sur la colonne.* Et qu’on ne dise que des prières à Dieu pour qu’il révèle la vérité ; et que l’accusé boive de l’eau bénite, et que la main dans laquelle il doit porter l’épreuve en soit aspergée. Que les neuf pieds mesurés soient divisés en trois parties, contenant chacune trois pieds. Qu’il place son pied droit à la première marque du bûcher ; à la seconde marque, qu’il mette son pied droit en avant ; Quand il sera arrivé au troisième, qu’il jette le fer. Qu’il se précipite vers le saint autel, et que sa main soit scellée. Le troisième jour, qu’on vérifie s’il y a de la saleté+ ou non, à l’endroit qui a été scellé. Si quelqu’un enfreint ces lois, que l’épreuve soit nulle, et qu’un mulct de cent vingt schellings soit payé au roi. La pratique irrationnelle et audacieusement impie du duelliste moderne est presque la seule trace qui reste de cet ancien appel à la justice de Dieu.

* Super agrafes. Quelque partisan fait de pierre ou de fer, d’où la personne à juger devait prendre le fer chaud dans ses mains.

+ S’il y avait quelque affaire ou corruption, la personne était condamnée comme coupable : s’il n’y en avait pas, ou si le prêtre ne pouvait en voir aucune, il était acquitté.

§ Recueil des lois ecclésiastiques de Johnson, etc., vol. II, A. D. DCCCCCXXV

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Mais au milieu de l’ignorance et de la superstition qui se sont si généralement répandues dans le monde occidental, nous devons reconnaître notre gratitude à ces institutions qui, au moyen âge, ont préservé la littérature de l’extinction totale en Europe. Quoi qu’on en dise de l’utilité générale des fondations monastiques, c’est un fait bien connu, que lorsque la littérature fut négligée partout ailleurs, elle trouva refuge dans les monastères. Dans chaque grande abbaye, il y avait un appartement appelé SCRIPTORIUM, ou domus antiquariioù les écrivains étaient constamment employés à copier des psautiers, des missels, de la musique d’église et d’autres ouvrages qu’ils pouvaient se procurer. Les moines, dans ces cabinets conventuels, étaient enjoints de vaquer à leurs occupations en silence ; et avec précaution pour éviter les fautes de grammaire, d’orthographe ou d’indication ; et dans certains cas, les auteurs ont fait précéder leurs ouvrages d’une adjuration solennelle aux transcripteurs de les copier correctement. L’ancienne suivante d’Irénésse a été conservée : « Je t’adjure, toi qui transcriras ce livre, par notre Seigneur Jésus-Christ, et par sa venue glorieuse pour juger les vivants et les morts, de comparer ce que tu transcrits, et de le corriger soigneusement selon la copie d’après laquelle tu transcris ; et que tu joignes aussi une copie de cette adjuration à ce que tu as écrit. + Lorsqu’il s’agissait de faire plusieurs copies d’un même ouvrage, il était d’usage d’employer plusieurs personnes à la fois à l’écrire ; chacun, à l’exception de l’auteur de la première peau, commençait là où son compagnon devait s’arrêter. Quelquefois les écrivains écrivaient d’après un autre personnage appelé le dictateurqui tenait l’original, et dictait ; de là les fautes d’orthographe de beaucoup de manuscrits anciens, particulièrement grecs ; ainsi dans les très anciens fragments des Évangiles grecs, dans la bibliothèque Cotton, écrits en grandes lettres anciennes d’argent et d’or, CIIIPAN s’écrit pour σπείραν, kyphnéon pour Κφηναίον ·, et beaucoup d’autres.§

*Du Cange, Glossarium, t. I, Præfat., p. iv, et t. VI, v. Scriptores, et ״ Scriptorium. Venet. 1740, fol.

+ Hist. ecclésiastique d’Eusèbe, lib. v, cap. Xx.

♦ Origine et progrès de l’écriture d’Astle, ch. viii, p. 193.

§ Classical Journal, n° 24, décembre 1815, p. 453.

Les notes de musique destinées aux chœurs étaient également très fréquemment écrites sous la dictée. Jusqu’au XIe siècle, les notes de musique n’étaient exprimées que par des lettres de l’alphabet, et jusqu’au XIVe siècle, elles étaient exprimées par de grands points noirs en forme de losange, ou points placés sur différentes lignes, l’un au-dessus de l’autre, et d’abord nommés ut, re, mi, fa, sol, la, auxquels si a été ajouté par la suite, et ils ont tous été exprimés sans aucune distinction quant à la longueur, et sans rien de tel que brèves, semi-brèves, minimes, noires ou croches. Les anciens psautiers, dans beaucoup d’églises cathédrales, se trouvent ainsi écrits ; et c’est pour cette raison que les scriptoria de Gloucester, et de quelques autres endroits, se trouvent si bien conçus qu’ils ont de longues rangées de sièges ou de bancs, l’un au-dessus de l’autre, pour les copistes ; de sorte qu’un maître ou une personne se tenant à une extrémité, et nommant chaque note, pourrait être rapidement copiée par tous, le nommant successivement d’un bout à l’autre. Aussi les Psautiers étaient-ils plus faciles à copier que tous les autres livres ; et il n’est pas peu remarquable que, dans la bibliothèque de Worcester, il y ait un exemplaire de l’Évangile de saint Matthieu, mis en musique partout, avec ces sortes de notes.* Dans les représentations de ces scriptores, ou écrivains, dans l’acte d’écrire, ils sont dessinés avec une plume dans une main, et un instrument pour marquer les lignes dans l’autre ; l’encrier, un cône inversé, accroché à un côté du bureau. Les roseaux étaient couramment utilisés pour écrire le texte et les initiales, et les plumes pour l’écriture plus petite.+

*Bibliothécaire de Savage, vol. III, p. 36. Lond. 1809. 8vo.

+ Ducarel, dans ses Antiquités anglo-normandes, p. 28, nous apprend que, dans le cloître de Saint-Owen, à Rouen, qui paraissait être un édifice plus ancien que l’église, il « remarqua de vieux pupitres de pierre collés aux piliers, et destinés à placer des böks et ajoute : « Dans les couvents bénédictins, c’était autrefois une coutume que tous les moines s’assemblassent dans le cloître, à des heures déterminées de la journée, et y cultivaient leurs études en commun ; les uns s’occupaient de la lecture, les autres de la transcription des livres ; et c’est dans ce but que ces pupitres ont été placés dans le cloître de l’abbaye. On peut aussi remarquer que les anciens, avant la découverte des pupitres, écrivaient sur des parcheminsplacés sur leurs genoux, et il est très douteux que les pupitres aient été en usage avant le VIIe siècle. Voir aussi Fosbrooke’s British Monachism, vol. II, p. 179. Lond. 1802 8vo.

Ces moines écrivains étaient quelquefois distingués sous le nom de LIBRARII, terme appliqué aux scriptores ordinaires, qui gagnaient leur vie en écrivant ; mais leur dénomination la plus courante était celle D’ANTIQUARII. Isidore, de Séville, dit : « Les bibliothécaires transcrivaient à la fois des ouvrages anciens et nouveaux ; les antiquarii seulement ceux qui étaient anciens ; d’où aussi ils tiraient leur nom. Les écrivains rapides ou sténographes ont obtenu le nom de tachygraphes ; et d’élégants écrivains celui de Calligrapi. Les ouvrages exécutés en grands caractères onciaux ou carrés ont été écrits par ces derniers, tels que les cinquante exemplaires des Écritures présentés par Constantin le Grand aux différentes églises, et les cinquante exemplaires envoyés par Athanase à Constance, et au XIIIe siècle les scribes en Italie s’appelaient eux-mêmes scriptores librorum, ou exemplatores.+ Il était du devoir du bibliothécaire , qui était le précenteur du monastère, de fournir aux moines écrivains les livres qu’ils devaient copier, et tout ce qui était nécessaire à leur occupation ; il leur était également défendu d’écrire quoi que ce soit sans sa permission ;Et dans quelques-unes des grandes maisons, il était d’usage que les bibliothécaires en fassent quelque profit, en laissant faire à d’autres des copies des manuscrits sous leur garde. Les bibliothécaires étaient eux-mêmes généralement d’excellents écrivains et enlumineurs.♦♦

♦ Isid. Hispal. Orig., lib. vi, cap. xiii, p. 48. Côlon. Agrip. 1617, fol.

§ Nov. Test. Gr. a Woide, dans Præfat., p. xiii.

Histoire des Arts, etc., cité dans Panorama littéraire, t. III, n° 4. Janvier 1816.

** Du Cange, Glossaire, v. « Scriptores. »

♦♦ Anecdotes littéraires de Nichols, vol. VI, partie i, p. 77.

Outre qu’ils étaient employés à la transcription des Écritures, des ouvrages ecclésiastiques et quelquefois des classiques, les moines étaient les greffiers des événements publics, de l’âge et de la succession du roi, et des naissances de la famille royale : et les constitutions du clergé dans leurs synodes nationaux et provinciaux, et (après la conquête) même les actes du parlement étaient envoyés aux abbayes pour être enregistrés par eux. On trouve aussi des exemples où le pape envoyait des ordres pour qu’on lui fît faire certains livres ; et les moines avaient l’habitude de transcrire les bulles de privilèges, les livres de diverses natures, comme les missels, et autres, ainsi que de faire des notes marginales des affaires de leurs abbayes dans des livres d’histoire ; même le Martyrologium contenait parfois des actes de chapitres généraux.

§ Tanner’s Notitia Monastics, par Nasmith, Préf., p. xix. Camb. 1787, fol. Fos-brooKe’s British Monachism, vol. II, pp. 177, 178.

Ceux qui s’occupaient de la transcription des livres étaient principalement les novices et les moines juniors, mais par un capitulaire d’Aix-la-Chapelle, en 789, il fut ordonné que « les Évangiles, les Psautiers et les missels seraient soigneusement écrits par des moines d’âge mûr ».|| Les religieuses étaient quelquefois occupées de la même manière, mais aucune des religieuses gilbertines ne devait écrire de livres sans la permission du grand prieur, ni engager ou retenir des écrivains dans leurs églises.+

|| Du Cange, Glossar., vol. i, Præfat., p. iv.

+ Fosbrooke, ut sup.

La calligraphie, ou l’art de la belle écriture, a été considérée comme étant arrivée à son sommet d’excellence dans les monastères d’Espagne, bien qu’elle ne se bornât pas à eux, car en Angleterre les artistes anglo-saxons possédaient une habileté éminente dans l’exécution de leurs livres, et le caractère dont ils se servaient avait l’honneur de donner naissance à la belle petite lettre romaine moderne. Mais après l’invasion normande, la dégénérescence de l’habileté a rendu les manuscrits postérieursà cette époque difficiles à lire. Les missels, et les autres livres des offices divins, étaient en effet faits d’une manière curieuse, à cause de la dépense extraordinaire qu’ils faisaient pour des ouvrages de cette nature, et pour se conformer à une injonction, qu’on n’apportât pas de livres dans des lieux de dévotion qui ne pouvaient pas être facilement lus. Certaines copies ont été écrites d’une main plus grande, pour des personnes plus âgées ; et d’autres illuminées d’une beauté extraordinaire, pour des religieuses d’une qualité supérieure, et d’autres personnes de distinction. À Godstowe, il y avait une bibliothèque commune à l’usage des religieuses, bien garnie de livres, dont beaucoup étaient en anglais, et dont plusieurs étaient historiques ; ceux d’entre eux qui contenaient la vie des saints hommes et des saintes femmes, surtout de ces derniers, étaient curieusement écrits sur vélin, et de nombreuses enluminures apparaissaient partout, afin d’attirer plus facilement les religieuses à suivre leurs exemples : et beaucoup d’entre eux « étaient finement couverts, un peu comme le Kiver de l’Évangile donné à la chapelle de Glastenbury, par le roi Ine. *

* Montage de Hearne. Guil. Neubrig., cité dans la Bibliomania de Dibdin, p. 236, note. Le monachisme britannique de Fosbrooke, vol. II, pp. 178, 179.

Lors de la vente des livres appartenant à feu James Edwards, Esq., de Pall-Mall, en avril 1815, parmi beaucoup d’autres manuscrits très précieux, se trouvaient les suivants, ainsi décrits dans le catalogue :

« Psalterium Græco-Latinum, fol., un ms. de le neuvième siècle, sur vélin, écrit d’une main très belle et lisible, avec cette particularité, le grec est écrit en caractères romains. Vendu au marquis de Douglas pour £110 5s.

« Evangelia Quatuor Græcefol., magnifique manuscrit sur vélin, du Xe siècle, exécuté de la manière la plus élaborée. Le sujet de chaque page est désigné en haut en lettres d’or. Ce grand manuscrit est dans la plus haute conservation, et est l’un des plus beaux manuscrits grecs des Évangiles qui existent. On suppose qu’il faisait partie de la collection impériale sauvée lors de la prise de Constantino-pie. Relié en velours bleu, avec des médaillons de bronze doré de la naissance de notre Sauveur, et l’adoration des mages, sur les côtés. Vendu à M. Payne pour 210 £.

« Evangelia Quatuor Latinèun très beau ms. du Xe siècle, sur vélin. » Vendu 57 £ 15s.

Michaelis, dans son Introduction au Nouveau Testament, vol. II, t. I, p. 218, remarque un manuscrit grec (Basileensis, t. VI, p. 27), que Wetstein suppose avoir été écrit au dixième siècle, et qui est tenu en haute estime pour son autorité critique. Il a été donné par Johannes de Ragusio au monastère de Basile, et a été emprunté aux moines par Reuchlin ou Capnio, qui l’a conservé pendant trente ans, jusqu’à l’époque de sa mort. Il contient tout le Nouveau Testament, à l’exception de l’Apocalypse. Il est écrit sur vélin, avec de petits caractères et des accents ; et est orné d’images, dont l’une semble être un portrait de Léon Sapiens et de son fils Constantin Porphyrogénète. Montfaucon remarque aussi, dans son Voyage à travers l’Italie, passimbeaucoup de manuscrits précieux du moyen âge, conservés dans les différentes bibliothèques d’Italie ; dont plusieurs sont écrits sur soied’autres sur vélin et papier pourpre, exécutés de la manière la plus superbe.

Le professeur Tychsen, remarquant la beauté de certains manuscrits , où les lettres étaient si égales que l’ensemble avait l’apparence d’une impressionajoute : « Souvent, après avoir réfléchi à cette circonstance singulière, j’ai été porté à penser que les moines, qui cultivaient l’étude de la calligraphie avec beaucoup d’empressement, avaient les formes de toutes les lettres de l’alphabet imprimées dans ou gravé sur des plaques minces : que des pages ou colonnes entières de ces planches étaient placées sous le parchemin ou le vélin sur lequel on voulait écrire, de sorte qu’en dessinant un crayon dessus, les moines pouvaient produire cette surprenante égalité de lettres ; ou il se peut que les formes des lettres aient d’abord été imprimées sur le parchemin ou le vélin, puis remplies. On a supposé que le célèbre Codex Argenteus, ou Fragments des Évangiles gothiques (voir p. 118), a été exécuté par des caractères métalliques chauffés, ou lettres, imprimés sur une feuille d’or ou d’argent, attachés au vélin par quelque ciment gluant ou résineux, semblable au mode adopté par les relieurs pour écrire et orner leurs volumes. Ihre, le savant professeur de l’université d’Upsal , dans son Ulphilas Hlustratus, 1752, 1755, 4to., et dans sa préface à Fragments of Ulphilas’s Version of some Portions of the Epistle to the Romans, 1763, 4to., s’est efforcé d’établir le fait, en montrant que les sillons des lettres du Codex Argenteus sont si palpablement et si profondément impressionnés, que lorsque le vélin de toutes les autres parties est très poli et excessivement lisse, les lignes présentent une surface rugueuse, qui se distingue par le toucher du doigt ; et en observant que la délimitation des lettres correspond si parfaitement dans tout le volume, qu’elles ne diffèrent jamais le moins du monde les unes des autres, ni en grandeur, ni en forme. Meerman, dans ses Origines Typographicæ, a soutenu la même opinion, et en réponse à une objection, que le vélin n’admettait pas l’application de caractères de fer chauffés si souvent répétés, a déclaré qu’il avait ordonné à son relieur d’estampiller un in-folio entier de vélin, de la même manière qu’il écrivait le dos des volumes, ce qu’il a fait sans difficulté, et avec peu de dommages à la douceur de sa surface. On pense que ce mode d’impression des lettres avec des feuilles d’or et d’argent était ce que les Romains appelaient l’art de l’encaustique.||

* Horæ Biblicæ de Butler, tom. t. I, p. 46.

+ L’intelligent M. Coxe (Voyages en Pologne, etc., t. IV, p. 173, in-8°) a émis une opinion différente sur le mode de formation des lettres du Codex Argen-teus. « J’étais convaincu, dit-il, après un examen attentif, que chaque lettre était peinte, et non formée, comme l’ont prétendu quelques auteurs, par un fer chaud sur des feuilles d’or et d’argent. » Dans une note, il ajoute : « Elles [les lettres] m’ont paru dessinées ou peintes, de la même manière que les lettres initiales de plusieurs des plus beaux missels ; et non estampillé, comme le suppose le savant M. Ihre, ni imprimé sur le vélin avec des caractères métalliques chauds, de la même manière que les relieurs écrivent aujourd’hui le dos des livres.

Vol. I.—17

♦ Aux ouvrages déjà mentionnés, relatifs à la version gothique d’Ulphilas, on peut ajouter l’édition de cette version par M. Zahn, prédicateur à Delitz-sur-la-Saale, près de Weissenfels, en Saxe, imprimée à Weissenfels, 1805, grand in-4°. Le texte des Évangiles provient principalement d’un manuscrit corrigé du chancelier Ihre, qui avait médité une nouvelle édition de la version ; mais, empêché de paraître par l’apparition de l’édition de Lye, il avait présenté son manuscrit au célèbre Busching, à la mort duquel il passa entre les mains de M. Heynatz, professeur à Francfort-sur-l’Oder, qui le communiqua à M. Zahn. Les Fragments de l’épître aux Romains sont tirés de Knittel. Le tout est accompagné d’une traduction latine interlinéaire tout à fait littérale, par Charles-Frédéric Fulda, ancien pasteur du duché de Wirtemberg, bien connu pour ses divers ouvrages sur les antiquités, et le génie de la langue allemande. À côté du texte se trouve la traduction de Benzel corrigée par Ihre ; et au-dessous sont placées des notes critiques et explicatives, ainsi que les diverses lectures de M. Zahn. Une grammaire méso-gothique est ajoutée par C. F. Fulda, révisée, et un supplément est complété par M. Zahn. Annexé à la grammaire est un glossaire de C. F. Fulda, corrigé par M. Reinwald, premier bibliothécaire de la bibliothèque ducale de Meinungen. L’ouvrage est précédé d’une préface de M. Zahn, dans laquelle il donne d’abord une idée générale de l’ouvrage, et une notice biographique de Fulda ; après quoi suit une ample introduction, divisée en deux parties ; le premier contenant une histoire des Goths et de leur langue, tirée d’un ouvrage d’Adelung de Dresde ; le second présentant un compte rendu de la vie d’Ulphilas et de sa version, en partie tirée d’un manuscrit d’Adelung. M. Zahn a aussi ajouté à sa grammaire un spécimen du Codex Argenteus, d’après Matt., ch. v, imprimé avec des fac-similés, formé sous la direction de M. Steenwinkel de Harderwick, qui avait projeté, mais non exécuté, une édition en fac-similé— Millin, Magasin Encyclope· diguetom. iii, mai 1806, p. 61-68. Paris, in-8°.

|| L’Évangile gothique de Henshall, pp. 37-44.

Des terres particulières, ou un impôt prélevé sur la communauté, pour fournir le matériel d’écriture de ces scriptoria conventuels . Un noble Normand, qui était un grand auditeur et un grand amateur de livres (diligens auditor et amator scripturarum), conféra à l’abbaye de Saint-Albans, vers l’an 1086, deux parties des dîmes de Hatfield, et certaines dîmes à Redbum, pour la formation de volumes nécessaires à l’église ; et il fixa une provision quotidienne de viande pour les écrivains, de peur qu’ils ne fussent gênés dans leur travail. Paul, qui était abbé à cette époque, et par la persuasion duquel le legs fut fait, construisit le scriptorium, et y fit placer quelques beaux volumes nécessaires à l’église, écrits par des écrivains choisis et allés chercher de loin, les copies étant fournies par l’archevêque Lanfranc D’après les règles d’Evesham, le préteur fut obligé de trouver : des dîmes et des terres qui lui étaient allouées, de l’émail pour tous les écrivains du monastère, et du parchemin pour les brefs, et des couleurs pour enluminer les livres, et les choses nécessaires pour les relier. + Le scriptorium de Saint-Edmundsbury fut doté de deux moulins, et en l’an 1171 les dîmes d’un presbytère furent affectées au couvent de la cathédrale de Saint-Swithin, à Winchester, ad libros transcribendos. Dans le même but , ad libros faciendosNigel donna aux moines d’Ely deux églises en 1160 ; et Hearne (Ad DomerhamNum. iii.) a publié une concession de R. de Paston à l’abbaye de Bronholm, dans le Norfolk, de 12 deniers par an, une rente sur ses terres, pour tenir leurs livres en bon état, ad emendacionem librorum.

* Terme signifiant à l’origine les têtes ou le contenu des chapitres.

+ Whitaker’s Cathedral of Cornwall, vol. ii, ch. vii, sec. 3, pp. 352, 353.

♦ Warton’s History of English Poetry, vol. I, dissert. 2.

Les prix des matériaux pour l’écriture, au moyen âge, ont déjà été remarqués en traitant des Codices Rescripti, auxquels on peut ajouter l’entrée suivante dans le Compotus de Bolton :

XC

« MCCVIII

Pro auro et coloribus ad picturam, et pro uno missali luminand' et ligand', XVIs.”

Pour l’or et les couleurs, et pour l’enluminure et la reliure d’un missel, 16 s. §

§ Whitaker, Histoire de Craven, p. 384. Lond. 1812, in-4°.

Il s’agissait probablement d’un travail compliqué et curieux ; car seize shillingsc’était un tiers de plus que le vêtement annuel d’un chanoine, et équivalait à 12 livres sterling à l’heure actuelle.

La transcription des livres, en tant qu’emploi monastique, remonte à une époque reculée. Au IVe siècle, Martin, évêque de Tours, construisit la célèbre abbaye de Marmoutier, la plus ancienne qui subsiste aujourd’hui en France, et qui appartient à la congrégation de Saint-Maur. L’endroit était alors un désert, entouré d’un côté par un rocher élevé et escarpé, et de l’autre par la Loire, et l’entrée n’était que par un passage très étroit. L’évêque fit construire une cellule en bois ; Plusieurs de ses moines firent faire des cellules de la même manière ; mais la plupart s’établirent dans des trous étroits qu’ils creusèrent dans le flanc du rocher. Il y avait, en peu de temps, environ soixante moines : parmi eux, personne n’avait de propriété distincte, personne n’avait le droit d’acheter ou de vendre, comme c’était la pratique de la plupart des moines en ce qui concernait leur subsistance et leur travail. Aucun art ou commerce n’était permis parmi eux, sauf celui de l’écriture, auquel les plus jeunes étaient délégués, tandis que les plus âgés s’occupaient de la prière et des fonctions spirituelles.

Au VIe siècle, Cassiodore se retira du labeur des engagements politiques, érigea un monastère et employa ses moines aux travaux méritoires de transcription : vers la même époque, saint Colomba, ou Columb-Kill, qui fonda le monastère d’Iona, s’occupa de la littérature sacrée, et mérite d’être loué pour l’exactitude des copies produites par lui et ses disciples. Dans la bibliothèque du Trinity College de Dublin, un exemplaire de l’Ancien Testament est conservé, écrit par Colomba, sur vélin, en caractères romains ; au commencement de laquelle se trouve une cession de terre du roi de Meath à Columba et à ses successeurs dans l’abbaye de Kells, écrite en caractères irlandais. Les moines de Croyland paraissent aussi avoir été des copistes assidus ; car Ingulph raconte que lorsque la bibliothèque de cette abbaye fut brûlée, en l’an 1091, sept cents volumes furent consommés. Cinquante-huit volumes ont été transcrits à Glastonbury, sous le gouvernement d’un abbé, vers l’an 1300 ; et dans la bibliothèque de ce monastère, la plus riche d’Angleterre, il y avait plus de quatre cents volumes en l’année 1248.+

Au XIe siècle, BRUNO, le célèbre fondateur des chartreux, fut l’un des promoteurs actifs de la connaissance, par l’attention qu’il porta à la multiplication des livres par transcription. Il descendait d’une ancienne et honorable famille de Cologne, où il naquit vers 1030. Re-, s’installant à Reims, il devint chancelier de ce diocèse et docteur en théologie. Telle était sa réputation, qu’il était considéré comme l’ornement de l’époque où il vivait, et le modèle des hommes de bien. Il était instruit en grec et en hébreu, et dans les écrits des pères, en particulier d’Ambroise et d’Augustin. Ses principaux ouvrages sont les commentaires sur le Psautier et sur les épîtres de saint Paul. Après la déposition légale de Manassé, archevêque de Cologne, Bruno se vit offrir l’archevêché vacant, mais préféra un état de solitude. Avec six compagnons, il se retira dans le désert de Chartreuse, dans le diocèse de Greenoble, choisissant une plaine stérile, dans une vallée étroite, entre deux falaises, près d’un torrent rapide, entouré de hauts rochers escarpés, presque toute l’année couverts de neige ; Là, lui et ses compagnons construisirent un oratoire et de très petites cellules, à peu de distance les unes des autres, semblables à l’ancienne Laura de Palestine. Tel fut l’original de l’ordre des Chartreux, qui tira son nom de ce désert. La mame de Chartreuse est donnée à tous les autres couvents de cet ordre, que quelques-uns ont appelé par corruption dans la chartreuse anglaise terme qui s’applique maintenant constamment à leur ancienne résidence de Londres. Les chartreux pratiquaient des austérités peu communes ; mais leur principal emploi était de copier des livrespar lesquels ils s’efforçaient de gagner leur subsistance, afin de ne pas être un fardeau pour les autres ; on leur enjoignait de garder un silence presque continuel et de se parler par signes. Bruno a eu soin de leur fournir une bonne bibliothèque de livres utiles et pieux. Il meurt en 1101. Cet ordre, malgré ses austérités excessives, fut à une époque si étendue, qu’il possédait cent soixante-douze couvents et cinq couvents ; les couvents étaient tous situés dans les Pays-Bas catholiques. D’après les règles des chartreux, le sacriste reçut l’ordre, à une certaine heure du jour, « de remettre aux moines, de l’encre, du parchemin, des plumes, de la craie et des livres à lire ou à transcrire, et les remarques suivantes témoignent d’une ardeur littéraire extraordinaire : « Les livres doivent être soigneusement conservés comme la nourriture éternelle de nos âmes ; et puisque nous ne pouvons pas prêcher la parole de Dieu avec nos bouches, nous le faisons par nos mains, car les livres que nous transcrivons sont autant de sermons de vérité que nous prononçons. *

Au XIVe siècle, GÉRARD DE GROOT, OU GÉRARD le Grand, institua une société appelée Fratres Vitae Communis, ou Frères de la vie commune. Gérard naquit à Deventer, en l’an 1340. Ses parents, riches, lui donnèrent grand soin de son éducation et, à l’âge de quinze ans, l’envoyèrent à Paris pour se perfectionner dans les études théologiques et philosophiques.

Ses connaissances générales lui valurent par la suite le surnom distinctif de Grandmais au milieu de sa célébrité intellectuelle, il s’avilit par la légèreté, le luxe et la dissipation. Une réprimande privée, mais fidèle, de la part d’un de ses anciens condisciples, fut l’occasion d’un changement complet dans sa conduite. Il devint alors grave, pieux et exemplaire ; il se revêtit d’un pourpoint gris, bordé de cheveux, et se retira dans un monastère à Munikhuysen, où il se consacra à la prière et à la réforme des caractères immoraux. Rencontrant un succès inattendu dans cette pieuse vocation, il institua la fraternité dont nous avons parlé. « Un seul cœur, une seule âme, une propriété commune, influençaient et soutenaient cette illustre société ; dont c’est la gloire qu’ils gagnaient leur vie par leur plume. Ils se distinguaient par le fait qu’ils portaient un manteau gris, bordé de poils à côté de leur peau. Un capuchon noir pendait par derrière jusqu’à la taille, et chaque fois qu’ils sortaient, ils s’enveloppaient d’un grand manteau qui descendait jusqu’à leurs talons. Leurs cheveux étaient coupés de près de manière circulaire. Dibdin, dans ses Antiquités typographiques, t. I, p. 9, a donné une représentation de leur costume, copiée d’après les Recherches de Lambine, etc. Les papes successifs confirmèrent et étendirent leurs privilèges ; et en 1402 sept monastères avaient admis leurs règles, et imité leur exemple.* Gérard mourut en 1384, dans la quarante-quatrième année de son âge, et fut enterré dans l’église de la Vierge Marie, et Deventer.

♦ Freheri Theatrum, tome. I, t. I, sec. 3, p. 80. Norib 1688, fol.

De tous les disciples de Gérard, aucun ne semble avoir surpassé le célèbre Thomas a Kempis, ni en piété, ni en habileté manuelle. Cet excellent homme naquit dans un village appelé Chempis, ou Kempis, dans le diocèse de Cologne, vers l’an 1380. Dans sa jeunesse, il étudia à Deventer à l’école des « Frères de la vie commune » et devint chanoine régulier en 1400 au couvent de Sainte-Agnès, près de Zwoll, dans la province d’Over-Yssel. La sincérité de sa piété et l’amabilité de ses manières lui firent choisir sous-prieur, puis procurateur du monastère. Il mourut en 1471, dans la quatrenième année de son âge. Dans un tableau près de sa tombe, il est représenté assis sur une chaise ; un moine à genoux devant lui lui demande : « Thomas, où trouverai-je, avec certitude, le vrai repos ? » À quoi il répond : « Tu ne trouveras jamais de repos certain que dans la cellule, dans la Bible et dans le Christ » (in cellâ, Codice, Christo). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont les plus célèbres sont ses Vies de Gérard de Groot, et de ses successeurs, le docteur Florentius et Jean Cacabus, ou Chetel, et son Imitation du Christ, ou modèle chrétien. On a en effet contesté s’il était l’auteur de ce dernier ouvrage, mais les preuves prévalent en sa faveur. Trithemius, un moine allemand, dans Catalogue. Virorum Illustrium, dit qu’il y avait deux personnes de ce nom, tous deux moines réguliers, dont l’aîné, qui florissait vers 1410, était l’auteur de l’Imitation du Christ ; le plus jeune vivait de son temps, vers 1495. L’œuvre incomparable de l’Imitation du Christ a été traduite dans la plupart des langues européennes, et même en chinois. En tant que scribe biblique, son maître immédiat, Radewyns, nous assure qu'« il excellait dans ce domaine et consacrait ses gains au soutien du corps commun ». On dit qu’il a été le copieur de la Bible, en quatre gros volumes ; d’un très grand missel ; de quelques Opuscules de Saint-Bernard ; et de plusieurs œuvres mineures. La septième planche des Origines Typographicœ de Meerman présente un spécimen d’œuvres imprimées d’après son écriture.+ Un bel exemplaire de la Bible est conservé dans la bibliothèque des chanoines réguliers de Cologne, transcrit par lui, ainsi qu’il appert du colophon suivant, à la fin du cinquième volume :

Completum est hoc volumen Novi Tesiamenti anno Domini MCCCCXXVIL, à la veille de Pentacostes, per manus fratris Thomæ de Kempis ad laudem Dei.

« Ce volume du Nouveau Testament a été achevé à la veille de la Pentecôte, par la main du frère Thomas de Kempis, à la gloire de Dieu. »

*Freheri Theatrum, tome. I, t. I, sec. 3, p. 92, 93.

+ Antiquités typographiques de Dibdin, t. I, p. 10.

♦ Voyage Littéraires de deux Religieux Benedictins, tom. ii, p. 266.

S’il s’agit de la même Bible que celle dont il a été question plus haut, il doit y avoir une erreur dans un cas sur le nombre de volumes ; mais comme la transcription était son emploi habituel, il est probable que, dans le cours d’une longue vie, il transcrivit plus d’un exemplaire des Écritures.

Au milieu du XVe siècle, les « Frères de la vie commune » instituent des écoles publiques pour l’instruction des pauvres et des ignorants. La Chronique du Brabant nous apprend qu’en l’an 1460 le magistrat public de Bruxelles invita un corps de ces frères à y établir des écoles d’instruction, et nomma des collèges pour les recevoir. Lambinet (Recherchesetc.) dit avoir vu à Louvain un très beau missel manuscrit Se cundum consuetudinem Gallicorum, qui avait été imprimé en 1481, et qui avait été exécuté par l’un de ces frères. Comme ils avaient pris saint Grégoire et saint Jérôme pour patrons, ces scribes étaient parfois appelés les « Frères de Saint-Grégoire » ou « de Saint-Jérôme ». *

*Antiquités typographiques de Dibdin, t. I, p. 10.

D’après le temps qu’il fallait pour la transcription des livres, et l’immense travail qu’on y consacrait, la dépense de copie des manuscrits était nécessairement très grande. Ceci, joint au coût des matériaux pour écrire, rendait l’achat de livres presque impossible pour les pauvres et les personnes de fortune moyenne. En l’an 01, Walter, prieur de Saint-Swithin’s à Winchester, plus tard élu abbé de Westminster, acheta des chanoines de Dorchester, dans l’Oxfordshire, le Psautier de Saint-Austin et les Homélies de Bède, pour douze mesures d’orge, et un pal, sur lequel était brodée en argent l’histoire de saint Birinus convertissant un roi saxon.+

+ Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. i, diss. 2.

Au Xe siècle , un seul exemplaire de la Bible et quelques autres livres, qui n’excédaient pas seize en tout, étaient considérés comme un legs d’une importance suffisante pour être attesté par le roi et la reine, et par plusieurs évêques, et d’une si grande valeur qu’il fut légué comme propriété commune de plusieurs monastères.  et au treizième siècle, Élisabeth, femme de Charles-Robert, roi de Hongrie, mentionna dans son testament deux bréviaires, dont l’un fut légué à sa belle-fille, et l’autre à Clara von Puker, mais avec cette stipulation qu’après sa mort, il appartiendrait à un monastère de Buda.

♦ Mabillon, Annales Bénédict., tom. III, lib. XLI, p. 351. Lutecia-Parisiorum, 1707, in-folio.

§ Beckman’s Hist, of Inventions, vol. II, p. 240.

Dans le Compotus de Bolton, nous avons les entrées suivantes, que je transcris, avec les remarques de l’historien de Craven à leur sujet.

« Le MCCCV.

Pro quodam Libro Sententiarum empt. XXX.

Le Livre des Sentences, par Pierre Lombard, l’un des livres de théologie scolaire les plus en vogue au moyen âge. Le prix de ce volume était à peu près celui de deux bons bœufs. Combien cela a dû coûter cher de garnir une bibliothèque de manuscrits. ! Mais les chanoines de Bolton ne s’épuisèrent pas de cette façon. Je ne peux que découvrir qu’ils ont acheté trois livres en quarante ans !

« MCCCX.

Pro uno libro qui vocatur V' itates Theologie, VIs.״

Au commencement du XIVe siècle, j’ai peine à supposer qu’il y ait eu un livre avec un titre aussi profane et aussi hardi que Vanitates Theologiæ ; et c’est pourquoi j’entends par cette contraction soit Veritates, soit Utilitates.

« MCCCXIII.

Pro Chroniclis apud Ebor. scribendis, XIs.״

« C’est principalement aux soins et à la curiosité des maisons religieuses que les vieilles chroniques de notre pays ont été conservées jusqu’à l’invention de l’imprimerie. » *

* Whitaker’s Hist, of Craven, pp. 388, 391, 393.

Outre les moines qui étaient employés dans les monastères, à copier les manuscrits, il y en avait d’autres qui s’occupaient de les enluminer et de les relier lorsqu’ils étaient écrits. L’or et l’azur étaient, comme on l’a déjà remarqué, (p. 143) les couleurs favorites des enlumineurs. Dans la reliure de leurs livres, les uns étaient ornés d’or, d’argent, d’ivoire, de pierres précieuses ou de velours coloré ; mais pour la reliure commune, ils se servaient fréquemment d’une peau de mouton blanche et rugueuse, avec ou sans d’immenses bossages de laiton, collée sur une planche de bois ; et parfois les couvertures étaient en bois brut, sculptées dans des rinceaux et des travaux similaires. + Vers l’an 790, Charlemagne accorda un droit illimité de chasse à l’abbé et aux moines de Sithiu, pour la confection de leurs gants et ceintures avec les peaux des cerfs qu’ils tuaient, et pour la couverture de leurs livres. ♦ Dans une copie du testament de lady Ravensworth, épouse de lord Fitzhugh, daté du 24 septembre, 1427, nous trouvons les legs suivants : « Aussi je wyl yat mon fils Robert [évêque de Londres] ai un Sauter, couvert de velours rede, et mon chien Margory un Primer, couvert de rede, et mon doghter Darcy un SAUTER, couvert de soufflé, et mon chien Maulde Eure un PRIMER, couvert de blew, et yong Elizabeth Fitzhugh, mon dieu-doghtcr, un boke couvert de grene, avec des praiers dedans. Vers l’an 1430, Whethamstede, le savant et libéral abbé de Saint-Albans, désireux de familiariser l’histoire de son saint patron avec les moines de son couvent, employa Lydgate, à ce qu’il paraît, alors moine de Bury, à traduire la légende latine de sa vie en rimes anglaises. Il fut placé devant l’autel du saint, que Whethamstede orna plus tard avec beaucoup de magnificence, dans l’église abbatiale. Il paya la traduction, l’écriture et l’enluminure de la légendecent shillings, et dépensa pour la reliure et les autres ornements extérieurs plus de trois livres. C’étaient là des sommes immenses à employer pour un tel ouvrage, puisque, en 1426, un bœuf était évalué à trois schellings et quatre deniers ; une vache à deux shillings et huit pence, et un cheval à trois shillings.++

+ Le monachisme britannique de Fosbrooke, vol. II, p. 180.

♦ Warton, ubi sup.

§ Répertoire des Antiquaires, t. III, p. 79, 80.

** Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. II, p. 53.

++ Chronicon Preciosum, p. 103. Londres, 1707, in-8°.

On peut se faire une idée assez juste de la manière superbe dont ces ouvrages étaient reliés, destinés à l’usage des principales églises, d’après l’extrait suivant d’un inventaire des copies des Évangiles appartenant à l’église cathédrale de Lincoln, pris en 1536 :

« Imprimis. Un. Texte d’après MATTHIEU, couvert d’une plaque d’argent et de vermeil, ayant une image de la Majesté, [c’est-à-dire du Sauveur,] avec les quatre évangélistes et quatre anges autour de ladite image ; ayant à chaque coin une image d’un homme, avec diverses pierres, grandes et petites ; commençant dans la seconde moins : et une transmigration, manquant diverses pierres et petits morceaux de l’assiette.

« Objet. Un autre TEXTE après Jean, couvert d’une plaque d’argent et de vermeil, avec une image du crucifix, Marie et JEAN, ayant vingt-deux pierres de diverses couleurs, en voulant quatre, écrit dans le second de moins : Est qui prior me erat.||

|| Le Monast de Dugdale. Anglic., t. III, p. 277, 2e édit., 1673, in-folio.

Pour les ouvrages de moindre valeur, un style de reliure plus simple a été adopté. Lorsqu’elles étaient reliées en planches épaisses, sans aucune couverture de cuir, on avait coutume de découper des lettres dans les couvertures, qui, pour être mieux conservées, étaient placées dans une partie creuse, comme on pouvait facilement le faire, lorsque les planches étaient assez épaisses. Scalig’er nous dit aussi « que sa grand’mère avait un psautier, dont le couvercle avait deux pouces d’épaisseur, à l’intérieur duquel était une espèce d’armoire, dans laquelle était un crucifix d’argent, et derrière lui le nom de Berenica Codronia de la Scala ». Dans de tels cas, le crucifix était protégé par une porte métallique avec des fermoirs.

De nombreux livres étaient ornés de figures en métal ou en ivoire, et de bossages en argent ou en laiton à l’extérieur de la couverture. Un psautier latin, avec une version saxonne interlinéaire, probablement du IXe siècle, et conservé dans la bibliothèque de Stowe, est décoré, à l’extérieur des planches de chêne avec lesquelles il est relié, d’un grand crucifix de cuivre, d’environ sept ou huit pouces de hauteur, jadis peut-être recouvert ou lavé d’argent. Un exemplaire manuscrit des Évangiles latins, mentionné par M. Dibdin, (Décaméron, t. II, p. 434), aurait aussi des couvertures en chêne, dont l’extérieur de l’un était incrusté de pièces d’ivoire sculpté : le premier consiste en notre Sauveur, avec un ange au-dessus de lui ; le second de la Vierge avec le Christ sur ses genoux, la Vierge étant représentée à mi-corps : la troisième est une petite longueur entière de Joseph avec un ange au-dessus. Un nimbe doré ou gloire est autour de la tête de chacun, mais celui qui entoure la Vierge est parfait, et le compartiment dans lequel elle apparaît (environ cinq pouces de haut) est deux fois plus grand que chacun des autres. Les draperies sont bonnes.*

*Hist. concise de l’imprimerie, p. 44. Londres, 1770, in-8°, Dibdin’s Bibliomania, p. 158. 2, 434e édit. Décaméron bibliographique de Dibdin, vol. II, p. <>, note.

Parfois, les écritures inférieures étaient simplement cousues dans des couvertures de parchemin. Bagford (Harl MSS., n° 5910) dit que « lorsque les vieux livres et les manuscrits étaient terminés, ils étaient jetés sous les bureaux par les scribes et les moines, et là jusqu’à ce que les relieurs les utilisent comme parchemin ou vélin, pour les relier avec les nouveaux livres transcrits ».+

+ Antiquités typographiques de Dibdin, vol. i. Vie de Caxton, p. 100. cxxx.

Mais ni l’écriture, ni l’enluminureni même la reliure des livres n’étaient l’œuvre des seuls moines subalternes. Ervene, l’un des professeurs de Wolstan, évêque de Worcester, était célèbre pour sa calligraphie et son habileté dans les couleurs. Pour inviter ses élèves à la lecture, il se servit d’un psautier et d’un sacramentaire, dont il fit abondamment enluminer d’or les lettres majuscules. C’était vers l’an 980. Herman, l’un des évêques normands de Salisbury, vers l’an 1080, daigna écrire, relier et enluminer des livres. L’Évangile écrit par Eadfrid, et enluminé par Ethelwold, a déjà été remarqué. Au treizième siècle, Michel Paléologue, après avoir usurpé l’empire grec, et eu recours à la politique barbare consistant à crever les yeux de l’héritier légitime, alors enfant, il accusa Arsène, tuteur de l’empereur et évêque de Nice en Bithynie, de certains crimes devant une assemblée de prêtres. La convocation vénale condamna et bannit Arsène dans une petite île de la Propontide. Mais, conscient de son intégrité, le pieux évêque supporta ses souffrances avec sérénité et sang-froid ; et, demandant qu’on lui rendît compte du trésor de l’Église, il montra que trois pièces d’or, qu’il avait gagnées en transcrivant des psaumes, étaient tout ce qui lui appartenait.

♦ Warton’s Hist, of Eng. Poetry, dise. 2.

§ Milner’s Hist, de l’Église du Christ, vol. IV, ch. vi, pp. 15, 16.

Le lecteur qui désire voir les sujets de l’enluminure ancienne et de la reliure discutés en général, peut consulter le superbe et divertissant ouvrage du révérend T. F. Dibdin intitulé The Bibliographical Decameron, 3 vol. 8 vol., Lond. 1817, passim ;et l’ouvrage érudit d’Herman Hugo, édité par C. H. Totz De Prima Scribendi Origine, et Universæ rei literariæ AntiquitateTraj. ad Rhen. 1738, 8 vol.

En reprenant les événements du dixième siècle, nous remarquons avec plaisir qu’au milieu de l’ignorance générale qui régnait en Europe, quelques faibles efforts ont été faits pour dissiper les nuances de la barbarie illettrée et pour promouvoir les intérêts de la religion et de l’instruction. ÉDOUARD, le fils, et Athelstan, le petit-fils d’Alfred, étaient non seulement les princes les plus braves, mais aussi les plus intelligents de leur siècle, et les plus grands protecteurs de l’érudition. Édouard, s’il faut en croire quelques-uns de nos anciens historiens, fut le fondateur ou le restaurateur de l’université de Cambridge, comme son père l’avait été d’Oxford ; mais les Danois, en 1010, ruinèrent de nouveau les écoles et la ville de Cambridge. Une autre preuve qu’il donna de son respect pour l’érudition fut celle d’avoir donné une éducation très libérale à ses cinq fils et à ses neuf filles, qui surpassaient tous les princes et princesses de leur siècle dans les réalisations littéraires.*

Athelstan, le fils aîné et successeur d’Édouard, était un prince d’une érudition peu commune pour l’époque où il vivait. Il existe un catalogue de ses livres, qui n’est peut-être pas indigne d’attention. Il est en caractères saxons, dans la bibliothèque de Cotton, (Domi-tian, A. 1,) en ces termes :

« Ce syndon tha bee l’Æthelstanes waeran ; De la nature du rerum ; Perse, des arts |p1etrica ; Donatum minorem ; Excerp-tiones de metrica arte ; APOCALYPSINE ; Donatum majorem ; Al-chuinum ; Glossa super Catonem ; Libellum de grammatica arte qui sic incipit, &c. Sedulium.....] 1 gerim waes Alfwoldes preostes, super glossa donatum. Dialogorum.+

Pendant son règne, une loi fut promulguée, qui stipulait « que si quelqu’un faisait une telle habileté dans l’érudition qu’il obtenait les ordres de prêtre, il jouirait de tous les honneurs d’un thane », ou noble. On a aussi prétendu que ce prince employait certains Juifs, qui résidaient alors en Angleterre, pour traduire l’Ancien Testament de l’hébreu en anglo-saxon : Leland, dans son « Newe yeares Gyfte, agrandi par Johan Bale », dit : « En ce qui concerne l’Hebrue, il Il faut penser que beaucoup y étaient bien instruits à l’époque de Kynge Athelstane. Car, à la demande instamment de ses prélats, il fit traduire les Écritures de cette toungue par des doctours certen saxon ou en anglais, comme dans le Chronycle est enkyonné. ↑ L’archevêque Usher, dans son Historia Dogmatica, etc., situe cela en l’an 930. Mais le savant HodyDe Bib. Text., lib. iii, p. 415, considère le fait comme douteux.

♦ Henry’s Hist, of Great Britain, vol. IV, p. 71.

* Vies de Leland, Hearne et Wood, vol. I. Oxford, 1772, 8 vol.

Athelstan est représenté comme ayant été un grand bienfaiteur des institutions monastiques. Il en reconstruisit beaucoup ; et il était libéral pour la plupart, des livres, des ornements ou des dotations. Dans la bibliothèque de Cotton, il y a deux manuscrits curieux, qu’il a offerts à différentes institutions religieuses. L’un est un manuscrit des Évangiles latins. Devant ceux-ci se trouve une page de latin en caractères saxons, dont la première partie est : Volumen hoc Evangelii Æthelstan Anglorum basyleos, et curagulos totius Britanniæ devota mente Dorobernensis cathedrae primatui tribuit : « Athelstanroi d’Angleterre et gouverneur de toute la Grande-Bretagne, avec une pieuse intention, donna ce volume des Évangiles à l’église cathédrale de Cantorbéry. » Une page est occupée par les lettres LIB. en grandes capitales dorées, et par le reste de la première strophe en petites capitales dorées, sur un fond lilas. Les versets suivants, contenant la généalogie, sont en majuscules dorées, sur un fond bleu foncé. Les premiers versets des trois autres évangiles sont en majuscules dorées, sur le parchemin non colorié. À chacun d’eux est ajouté une peinture de l’évangéliste. Le reste est écrit à l’encre, sans abréviations. Au début des Évangiles se trouve une page avec Incipit evangelium secundum Matthæum, en grandes capitales dorées. Au-dessous de ces mots se trouvent deux croix ; à l’opposé de l’un se trouve ODDA REX, et à l’autre MIHTILD MATER REGIS ; d’où il paraît probable que c’était un présent d’Othon de Germanie, dont un écrivain contemporain orthographie le nom d’Oddo, qui épousa la sœur d’Athelstan ; et de Mathilde, impératrice de Henri, et mère d’Othon. On dit qu’il a été utilisé pour le serment de couronnement de nos rois anglo-saxons, mais cela est douteux. L’autre manuscrit a été offert par Athelstan au monastère de Bath. Il contient les actes du sixième synode de Constantinople, au VIIe siècle. À la fin du manuscrit se trouve un paragraphe, indiquant qu’il a été écrit à l’époque du pape Serge. Serge fut pape en 690. Outre ces manuscrits, il y a dans la même précieuse bibliothèque un volume de petite taille, qui nous est parvenu sous le nom de Psautier utilisé par Athelstan. Au début de celui-ci se trouve un calendrier très ancien, en lettres saxonnes, écrit en 703. Le reste est composé de prières, du Psautier latin et de plusieurs autres hymnes, très joliment écrits. Chaque psaume commence par des majuscules dorées, précédé d’un titre en lettres rouges. Il possède plusieurs peintures ornementales.*

Au cours de ce siècle, plusieurs lois ou canons ecclésiastiques ont été publiés, qui méritent l’attention, comme illustrant l’état de la connaissance biblique. Parmi celles attribuées au roi Edgar, il y en a les suivantes, destinées, comme nous l’apprend le titre, à « la réglementation de la vie des personnes ecclésiastiques »

Can. 3. « Qu’à chaque synode, chaque année, ils aient leurs livres et leurs vêtements pour le ministère divin, ainsi que de l’encre et du parchemin pour [écrire] leurs instructions, et des provisions pour trois jours. »

+ Recueil des lois ecclésiastiques de Johnson, etc., A. D. dcccclx.

Dans les canons rédigés par Elfric pour l’évêque Wulfsin, dans lesquels sont définis les sept ordres nommés dans l’Église, il est observé que

« Le lecteur doit lire dans l’Église de Dieu, et il est ordonné à publier la parole de Dieu. »

« Il est appelé l’acolyth qui tient le cierge, ou cierge, au ministère divin, quand l’Évangile est lu, ou la maison sanctifiée à l’autel, non pas comme s’il devait chasser les ténèbres obscures, mais pour signifier la béatitude par cette lumière, à l’honneur du Christ, qui est notre lumière. »

« Le diacre est celui qui sert le prêtre de la messe, qui dépose l’oblation sur l’autel et qui lit l’Évangile au ministère divin. »

Par la canette. 21 Il est ordonné que « le prêtre aura les meubles pour son œuvre fantomatique avant d’être ordonné, c’est-à-dire les livres saints, le psautier, et le livre du pistolet, le livre de l’Évangile et le livre de la messe, le livre de chants et le manuel, le Kalendar, le Passionnel, le Pénitentiel et le Livre de Leçons.

À propos de ces livres, il peut être nécessaire de remarquer que « le PistolBook ne contenait pas les épîtres entières, ni les quatre évangiles entiers, mais les parties de celles-ci qui devaient être lues à l’autel, à la messe ».

Le Song-Bookparfois appelé l’Antiphonar , était un livre d’hymnes à chanter avec des réponses.

Le Manuelou Manuel, contenait des instructions pour l’administration du baptême et de l’extrême-onction, le catéchisme et le service des morts.

Il en était de même pour le Martyrologe.

Le Pénitentiel était le livre qui indiquait au prêtre la pénitence à prescrire pour chaque péché qui lui était confessé.

Par le can. 23, il est en outre enjoint que « le prêtre de la messe, les dimanches et les jours de messe, parlera au peuple, en anglais, et du Pater Noster et du Credo, aussi souvent qu’il le pourra, pour inciter le peuple à connaître sa croyance et à conserver son christianisme. Que le maître tienne compte de ce que dit le prophète : « Ce sont des chiens muets, et ils ne peuvent pas aboyer. » Nous devons aboyer et prêcher aux laïcs, de peur qu’ils ne se perdent par ignorance. Le Christ, dans son Évangile, dit des docteurs ignorants : « Si les aveugles conduisent les aveugles, ils tombent tous les deux dans le fossé. » L’enseignant est aveugle qui n’a pas l’apprentissage des livres ; et il égare les laïcs par son ignorance. C’est ainsi que vous devez en être conscients, comme votre devoir l’exige.+

Parmi les capitulaires saxons, traduits de ceux de Théodulf, évêque d’Orléans, par un évêque de date incertaine, probablement par Elfric, voici le 20 : « Les prêtres de la messe doivent toujours avoir une école d’élèves dans leurs maisons, et si quelqu’un de bien veut leur confier ses petits pour qu’ils soient instruits, ils doivent les accepter avec joie, et de les enseigner gratuitement. Vous devez considérer qu’il est écrit : « Ceux qui sont instruits brillent comme l’éclat du ciel ; et ceux qui persuadent et instruisent les hommes à se redresser, comme les étoiles pour toujours et à jamais, ils ne doivent rien exiger de leurs parents pour leur savoir, mais ce qu’ils sont prêts à donner d’eux-mêmes.

L’Angleterre avait aussi ses savants, qui se liaient d’amitié avec l’érudition par leur contenance et leur exemple. L’orgueilleux DUNSTAN, archevêque de Cantorbéry, fut l’un des plus célèbres. De temps en temps, il s’employait à la transcription de livres ; mais ses activités préférées étaient la peinture et la musique, la chimie et la mécanique, ainsi que les sciences sublimes de l’astronomie et de la géométrie.

Mais de tous les érudits saxons, un moine nommé Elfric semble avoir été le seul qui ait essayé, par des traductions en langue vernaculaire, de permettre à ses compatriotes de lire les Écritures dans leur langue maternelle. On sait très peu de choses de lui avec précision, si ce n’est par les préfaces et les dédicaces de ses écrits. Ceux-ci nous apprennent qu’il était prêtre de messe et abbé ; qu’il avait été l’ancien élève d’Athelwold, évêque de Winchester, et qu’à la mort d’Athelwold, il avait été envoyé par l’évêque Elfeage dans un monastère appelé Cernai, à la demande d’un noble nommé Æthelmer, sous le règne du roi Æthelred.* de l’année 1001 ou 1002, Cave suppose qu’il fut ensuite promu au siège archiépiscopal de Cantorbéry. Cet avis a été généralement suivi.

Ce pieux et savant Saxon composa et traduisit en partie un certain nombre d’homélies, qui furent partout distribuées aux prêtres, et ordonnées pour être lues publiquement au peuple les dimanches et les jours de fête. Il y parle dans les termes les plus élevés des Saintes Écritures, et en impose vigoureusement la lecture constante. Dans son homélie « Sur l’Assomption de la Vierge Marie », il observe : « Si nous devions dire beaucoup de choses sur cette fête, qui ne sont pas lues dans les Saintes Écritures, qui ont été établies par l’inspiration de Dieu, nous serions comme ces hérétiques qui écrivent des mensonges à partir de leurs propres inventions ou de leurs propres rêves. Il suffit aux fidèles de lire et d’apprendre ce qui est vrai ; et pourtant, combien rares sont ceux qui sondent diligemment toute la Bible, dictée par Dieu, ou publiée par l’inspiration de son Esprit. Que chacun, donc, clerc ou laïc, rejette ces mensonges hérétiques qui conduisent les imprudents à la destruction ; et qu’il lise ou entende cette doctrine sacrée qui, si elle est suivie, nous conduira au royaume des cieux. Dans une autre homélie, « Sur la lecture des Écritures », il exprime ainsi ses sentiments : « Quiconque veut être un avec Dieu, doit prier souvent, et lire souvent les Saintes Écritures. Car quand nous prions, nous parlons à Dieu ; et quand nous lisons la Bible, Dieu nous parle. La lecture des Écritures produit un double avantage pour le lecteur. Elle le rend plus sage, en informant son esprit ; et le conduit aussi des vanités du monde à l’amour de Dieu. La lecture des Écritures est vraiment un emploi honorable, et contribue grandement à la pureté de l’âme. Car, de même que le corps est nourri par la nourriture naturelle, de même l’homme le plus sublime, c’est-à-dire l’âme, est nourri par les paroles divines, selon ces paroles du Psalmiste : « Que tes paroles sont douces à mon goût ! Oui, plus doux que le miel à ma bouche. Heureux donc celui qui lit les Écritures, s’il convertit les paroles en actes. Toutes les Écritures sont écrites pour notre salut, et c’est par elles que nous obtenons la connaissance de la vérité. L’aveugle trébuche plus souvent que celui qui voit ; de même celui qui ignore les préceptes de l’Écriture offense plus souvent que celui qui les connaît, chacun d’eux étant sans guide.* Son Homélie sur Pâques a été imprimée avec une traduction anglaise par Fox, dans ses Actes et Monuments, vol. II, pp. 450-456, éd. 1641, in-folio. Une édition, en saxon et en anglais, accompagnée d’une partie d’une lettre d’Elfric à Wulfsin, évêque de Sherborn, a également été publiée par l’archevêque Parker, sous le titre de « A Testimonie of Antiquitie, montrant l’auncient Fayth dans l’Église d’Angleterre, touchant le sacrement du corps et de la bénédiction du Seigneur ici prêché publiquement. et aussi reçu dans le Tyme saxon il y a plus de 600 ans. Imprimé à Londres par John Daye. Il n’a pas de date.

* Usseri, Hist. Dogmat., pp. 378, 379.

Elfric est également l’auteur d’une grammaire saxonne et d’un glossaire saxon et latin, publiés par Somner, à la fin de son Die-tionarium Saxonico-Latino Anglicanum ; Oxon1659, in-folio. Dans sa préface, notre auteur observe qu’il a entrepris cet ouvrage « pour la promotion des études sacrées, surtout parmi les jeunes ; » et ajoute : « C’est le devoir des serviteurs de Dieu et des hommes ecclésiastiques de se prémunir contre un tel manque de zèle et d’érudition de nos jours que celui qui s’est produit en Angleterre il y a très peu d’années. quand aucun prêtre ne savait écrire ou traduire une épître latine, jusqu’à ce que l’archevêque Dunstan et l’évêque Athelwold encouragent l’apprentissage dans les monastères. Il écrivit aussi la vie de certains saints, et diverses épîtres et traités religieux ; en particulier, un « Compendium de l’Ancien et du Nouveau Testament », pour Siward, ou Sigward, un noble saxon, publié avec une version anglaise en 1638, in-4°, par William L’Isle, Esq., de Wilburgham ; à wnich a été annexé le « Testimonie of Antiquitie » de l’archevêque Parker.+

+ Idem, vt sup.

Vol. I.—18

Dans ce Compendium, nous sommes informés des parties du volume sacré qu’Elfric a traduites en langue vernaculaire. La liste est la suivante :

La traduction de la Genèse est précédée d’une préface à l’Ealdorman Æthelwærd, qui, nous dit-il, l’avait prié de la traduire en anglais, jusqu’à l’histoire d’Isaac, époque à partir de laquelle quelqu’un d’autre en avait fait une version avant son temps. La préface se termine par l’adjuration suivante : « Si quelqu’un transcrit ce livre, je l’adjure, au nom de Dieu, de corriger soigneusement sa copie par l’autographe ; de peur que, par une erreur du copieur, les gens ne soient induits en erreur ; dont la culpabilité retombera néanmoins sur le transcripteur, et non sur moi. *

* Usserii, Hist. Dogmat., ut sup.

JOSUÉ— « Ce livre, remarque-t-il, je l’ai traduit en anglais pour le prince Ethelwerd. »

Juges.

Quelques parties des LIVRES DES ROIS. Sous les livres des Rois étaient compris les livres de Samuel, des Rois et des Chroniques.

Esther.

TOUT ce que nous avons de Job est probablement tiré de l’Homélie d’Elfric sur l’histoire de Job. '

JUDITH. — « Anglais, dit-il dans le Compendium, selon mon habileté, pour votre exemple, afin que vous puissiez aussi défendre votre pays par la force des armes contre l’invasion d’une armée étrangère. » Cela a été écrit lorsque les Danois avaient l’habitude d’envahir le pays.

MACCABÉES, deux livres.+

+ Baber’s Wicliff’s New Test, ment, p. Ixiii.

1                           18*

Ces traductions ont été faites par Elfric, à partir du latin, car dans sa préface à la Genèse, il remarque : « Rien ne doit être écrit en anglais que ce qui se trouve dans le latin ; l’ordre des mots ne doit pas non plus être modifié, sauf lorsque les modes d’expression latin et anglais diffèrent. Car celui qui interprète ou traduit du latin en anglais doit conserver soigneusement l’idiome anglais, sinon ceux qui ne connaissent pas l’idiome latin peuvent être entraînés dans beaucoup d’erreurs.

Il faut cependant remarquer qu’il ne s’agit pas de versions complètes des livres mentionnés ci-dessus, puisque le but du traducteur était de fournir à ses compatriotes une traduction des parties de l’Écriture seulement qu’il estimait être les plus importantes à connaître ; comme, par exemple, dans la Genèse, plusieurs parties de la dixième, les vingt-deuxième, vingt-troisième, vingt-sixième et trente-sixième chapitres sont omis ; L’Exode se termine avec le quatrième verset du trente-cinquième chapitre ; Le Lévitique ne contient que ce qui se rapporte à la loi morale, presque tout ce qui se rapporte au cérémonial étant omis. Les Nombres, le Deutéronome et Josué sont également incomplets, et le livre des Juges se termine par le dernier verset du seizième chapitre. Dans de nombreux cas, il a incarné l’histoire et les préceptes, et dans d’autres, il en a donné une traduction verbale.*

L’Heptateuch, le Livre de Job et l’Histoire imparfaite de Judith ont été publiés en 1698, in-8°, par Edward Thwaites, du Queen’s College d’Oxford. L’Évangile apocryphe de Nicodème a été ajouté à cette édition.

Dans la bibliothèque du Benet College, à Cambridge, se trouve un manuscrit contenant une version saxonne des Évangiles, par un auteur inconnu. Il a été écrit un peu avant la Conquête ; et semble être une transcription d’une SEP plus ancienne. La bibliothèque Bodléienne contient un manuscrit de la même version, qui porte la preuve d’avoir été écrit à différentes époques, par des personnes différentes ; et le Dr Marshall suppose que l’Évangile de saint Matthieu seul a eu deux traducteurs ou interprètes différents. Il nous dit aussi qu’au début d’un manuscrit saxon des Évangiles appartenant à la bibliothèque publique de Cambridge, il est écrit, d’une vieille main, en latin et en anglo-saxon : « Ce livre a donné Léofric, évêque de l’église de Saint-Pierre, à Exeter, pour l’usage de ses successeurs ; » et que ce Léofric mourut en 1071. ou 1073.+

Le manuscrit bodléien appartenait autrefois à Matthew Parker, archevêque de Cantorbéry, sous la direction duquel il fut publié par John Fox, le martyrologue, en 1571, 4to., et dédié par lui à la reine Elisabeth. L’exemplaire de présentation, qui a été remis par Fox entre les mains de la reine, se trouve au British Museum. Les Évangiles ont été imprimés en gros caractères saxons et accompagnés d’une version anglaise, tirée de la Bible de l’évêque. Ayant été mal transcrits et mal imprimés, ils furent ensuite révisés par Junius, en collaboration avec le Dr Marshall, et furent publiés avec les fragments mœso-gothiques attribués à Ulphilas, à Dordrecht, ou Dort, en 1665, en 4to., et ensuite réimprimés à Amsterdam, en 1684. M. Marshall a enrichi le volume de nombreuses observations sur cette version, et a particulièrement remarqué les passages qui diffèrent du texte de la Vulgate latine actuelle, mais qui s’accordent avec le Codex Bezæ ; d’où l’on conclut que l’anglo-saxon a été traduit de la Vetus Italica, ou ancienne version latine, telle qu’elle existait avant la correction de celle-ci par Jérôme.* Outre ces éditions, Guillaume L’Isle publia à Londres, en 1638, en in-4°, certains fragments de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le Psautier fut aussi publié par le jeune Spelman, à Londres, en 1640, in-4°, d’après un manuscrit de son père, et collationné avec trois autres exemplaires. Les différentes lectures sont placées dans la marge. Ces traductions sont de dates incertaines, mais les savants se réfèrent généralement à une partie du VIIIe siècle.

* Baber’s Wicliff’s New Testament, ut sup. Michaelis de Marsh, t. II, ch. vii, sec. 38, t. i, p. 158, t. ii, p. 637.

Dans la bibliothèque Cotton se trouve un manuscrit latin des Proverbes de Salomon, partiellement glosé ou traduit, dont le texte latin a été écrit au IXe siècle, et la glose interlinéaire anglo-saxonne probablement au Xe.

♦ Le Nouveau Testament de Baber’s Wicliff, p. Ixii.

Il paraît aussi que, vers cette époque, tous les offices divins furent accomplis en langue vernaculaire, ou du moins furent traduits en langue, pour le bénéfice des ignorants ; car il y a dans la bibliothèque du Benet College de Cambridge un Missel latin et saxon, probablement de cette époque, auquel la note suivante est préfixée : « Ce livre était généralement appelé le Livre rouge de Derby, dans les régions montagneuses du Derbyshire, où il était tenu en si vénération et en tant d’honneur, qu’on croyait communément que quiconque se parjurerait sur ce livre perdrait la raison. »||

|| Usseri, Hist. Dogmat., p. 129.

La vieille traduction allemande ou teutonique des Psaumes et du livre de Job, par Notker, est d’une date assez incertaine, bien que les preuves semblent la placer à la fin du dixième siècle ou au commencement du onzième siècle. Cette incertitude provient principalement de ce que l’œuvre a été attribuée à différentes personnes du même nom, toutes appartenant au monastère de Saint-Gall, en Suisse, et toutes des hommes de savoir et de talent. Le premier d’entre eux, surnommé Balbulusou le bègue, était d’une famille noble, et auteur d’un certain nombre d’hymnes, dont quelques-uns sont encore chantés dans l’église. Sa mort est placée en l’an 912. Le second était habile en médecine, excellait dans l’art de peindre, était grave et sévère dans ses habitudes, illustre dans ses vertus et noble dans sa descendance. Ses noms de famille étaient variés : en particulier, à cause de ses connaissances médicales, il était appelé Physicusou Medicus, le médecin ; à cause de la sévérité de sa discipline monastique Piperis Granumle grain de poivre ; et à cause de son habileté à peindre Pictor, ou le peintre. Il mourut vers 975. Le troisième, qu’on appelait Labeoparce qu’il avait des lèvres épaisses, était un homme d’une profonde piété et d’une grande érudition, et passa dans un monde meilleur en 1022. La traduction des Psaumes est le plus généralement attribuée à Nolker, surnommé Labeoqui l’aurait entreprise pour le bénéfice des moines dont il avait la charge, afin qu’ils puissent comprendre ce qu’ils chantaient.

PSAUME I.

1. L’homme est salig, celui en dero argon rat ne gegieng.

Noh an dero sundigon uuege ne stuont.

Noh an demo suhstuole ne saz.

Nube der ist salig, tes uuillo an Gotes eo ist, unde der dara ana denchet tag unde approacht.+

Le savant Schilter a publié une édition correcte de cette traduction des Psaumes, le livre de Job étant perdu, dans son Thesaurus Antiquitatum Teutonicarumsous le titre : Nother i Tertii Labeonis Psalterium : e Latino in Theotiscam Veterem Linguam versum, et Paraphrasi illustratum. E Manuscripto Codice pervetusto Dn. de la Loubere. Primus emit, et describi, dum viveret, curavit. Turn interpretatione et notis ornavit 10. Schilterus. Ulmæ, 1726. Il est précédé d’une Dissertation critique et historique, par Franck.

*Thésaurus Schilteri, tom. i, Franckii Dissert., pp. i-xv.

+ Thésaurus Schilteri, p. 1, 3.

Une copie de cette version a été écrite par le jeune Ekkerard, moine de Mentz, sur l’ordre et à l’usage de l’impératrice Cuné-gundis, épouse de l’empereur Henri Il, vers l’an 1004. Après la mort de l’empereur, la pieuse impératrice embrassa la vie monastique, et passa son temps principalement à lire les Saintes Écritures, soit en privé, soit à ses serviteurs.

 Le Long, Biblioth. Sacr., p. 375. Paris, 1723,' fol. Usserii, Hist. Dogmat., p. 130.

En Orient, une traduction arabe des Écritures a été faite par R. Saadias Gaon. Pocock, Walton et plusieurs autres critiques bibliques affirment qu’il a traduit tout l’Ancien Testament ; et Pocock nous assure qu’il avait en sa possession d’autres parties de sa traduction que le Pentateuque.§ D’autres, et en particulier Wolfius, ont affirmé que Saadias n’a traduit que le Pentateuque, et en appellent aux écrivains juifs, qui remarquent sa version de la Loi ; mais ils sont muets sur les traductions des autres parties des Écritures par lui. La version de Saadias est irrégulière, et souvent plus paraphrastique que littérale. Le Pentateuque de cette version a été imprimé pour la première fois par les Juifs, à Constantinople, dans les lettres hébraïques, A. D. 1546, fol. Il était accompagné du Targoum chaldéen d’Onkelos ; la version persane de R. Jacobsurnommé Tawosus, ou Tusius, de la ville de Tus, où il y avait une académie célèbre ; et le Commentaire de R. Salomon Jarchi, ou Rachi.* Il a ensuite été publié dans les Polyglottes de Londres et de Paris.

§ Pocockii Specimen Hist. Arab., p. 361. Oxon. 1650, 4to. Ibid. Præfatis variis lect. Arabe, dans Waltoni Polyglott, tom. vi. — Waltoni Prolog. 14, art. 15.

|| Wolfii Biblioth. Héb., tom. t. I, p. 934. Hamb. et Lèvres. 1715, in-4°.

* Le Long, Biblioth. Sacr., t. I, t. II, sec. 5, p. 118 ; et 7, p. 159. édit. Masch. Notice bibliographique, t. I, p. 243, 264.

R. SAADIAS, surnommé Gaonou l’Excellent, titre honorifique conféré aux médecins juifs les plus célèbres du moyen âge, était originaire d’Al Fiumi, en Égypte, où il naquit vers l’an 892. En 927, il fut appelé hors d’Égypte par l’æchmalotarch, ou prince de la captivité, David ben Zachaï, et nommé recteur, ou chef de l’académie de Sora, avec la surintendance générale des écoles babyloniennes. Il s’acquitta de cette importante charge avec beaucoup de succès. Son premier soin fut de guérir de leur erreur ceux de sa nation qui soutenaient la doctrine de la transmigration des âmes ; opinion répandue parmi les Perses et les Arabes, et que beaucoup de Juifs avaient eue avant l’époque de notre Sauveur. Dans cette louable entreprise, il avait fait quelques progrès, malgré les préjugés invétérés de ses compatriotes ; lorsqu’une malheureuse dispute eut lieu entre lui et David, prince de la Captivité, qui lui avait demandé de signer un règlement qu’il avait fait contre les lois, et que Saadias, jugeant injuste, avait refusé. Ce refus irrita David ; il reprocha à Saadias son ingratitude, et envoya son fils le menacer de perdre la tête, s’il n’obéissait pas à ses ordres. Le rabbin informa ses savants de la menace qu’il avait reçue, qui se mutinèrent aussitôt contre le prince, et l’attaquant en corps, le frappèrent sévèrement. La nation suivit l’exemple de ses chefs, et se divisa en partis. La faction de Saadias l’emporta pendant un certain temps ; David fut déposé, et son frère Joseph proclamé prince de la captivité. Mais l’autorité du prince nouvellement élu ne dura pas longtemps ; car David, soutenu par ses amis, fut bientôt en mesure de reprendre le gouvernement ; et Saaidias fut obligé de se sauver par la fuite. Il resta dans la retraite environ sept ans, période pendant laquelle il écrivit la plus grande partie de ses œuvres. Il revint enfin, afin de se réconcilier avec le prince, et lui survécut, jouit de la paisible possession de l’académie. Il mourut en 942, à l’âge de cinquante ans. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages grammaticaux et autres, outre la traduction arabe des Écritures et des Commentaires sur Job, Daniel et le Cantique des Cantiques.* Il semble aussi avoir contribué à la Massora ; pour Leusden (Philolog. Héb. Diss. 22) nous dit que ce laborieux rabbin a énuméré toutes les lettres hébraïques de l’Ancien Testament, et a exprimé leurs divers nombres dans un poème hébreu.+

R.MÖSES était un autre Juif célèbre de cette époque. Il naquit en Orient, et fut pris, lors d’un voyage, par des corsaires, et emmené avec son fils sur la côte d’Espagne, où il fut racheté par les Juifs de Cordoue. Ils l’ont fait par charité, sans aucune connaissance de son savoir et de sa valeur. Mais quelque temps après, se plaçant dans un coin d’une école ou d’une académie, comme un laïque et un mendiant, vêtu seulement d’un sac, d’où il était appelé Moïse vêtu d’un sac il discuta si profondément sur toutes les questions qu’on lui proposait, que le président de l’école fut rempli d’admiration et lui céda sa place. C’est ce qui lui valut d’être nommé juge de la nation, avec un salaire libéral. Ses honneurs ne l’empêchèrent pas cependant de vouloir retourner dans sa patrie, et d’y mourir ; et il avait déjà pris la résolution de quitter l’Espagne, lorsque le calif lui défendit de partir.

À l’époque de cet événement, le Talmud n’était que très peu connu en Espagne, de sorte que lorsqu’une controverse s’élevait, les synagogues envoyaient des députés à Bagdat, pour obtenir une décision. Même les prières récitées dans les synagogues espagnoles les jours d’affliction, et particulièrement ceux des expiations, étaient composées par Armissim, chef d’une des académies de Babylone. Le calife Hakim fut donc extrêmement heureux de constater que Moïse, revêtu d’un sac était capable d’instruire les Juifs sous son gouvernement dans la connaissance du Talmud. Cela amena la détention du rabbin, car le calife espérait par ce moyen empêcher les députations de ses sujets en Orient, où régnaient alors les Abassides, ennemis de sa maison. Moïse resta en possession de son autorité judiciaire jusqu’à sa mort en 997, date à laquelle son fils Hénoch lui succéda.

Haschem II, étant monté sur le trône de Cordoue, non seulement continua les mesures prises par son père en faveur de ses sujets juifs, mais ordonna encore que le Talmud fût traduit en arabe. R. Joseph, disciple de Moïse, entreprit cette grande œuvre, et l’accomplit avec beaucoup de succès ; mais il s’en monta si hautain, qu’il ne put plus supporter qu’Hénoch fût juge de la nation de préférence à lui-même. Il en résulta entre eux une violente querelle, à laquelle se livrèrent les différentes synagogues ; mais le parti d’Hénoc étant le plus puissant, Joseph fut excommunié. Il en appela au calife, mais en vain. Ainsi privé de la protection qu’il attendait de la cour, il quitta l’Espagne pour Bagdat, où il espérait trouver une retraite près du fameux Hay, chef des académies de Pheruts Shibbur, et Pund.ebithaet aussi prince de la Captivité ; mais en cela aussi il fut déçu, car R. Hay lui fit entendre qu’il ne pouvait pas le recevoir, parce qu’il a été excommunié par les synagogues espagnoles. Il demeura donc à Damas, où il mourut, sans pouvoir obtenir la révocation de la sentence qui avait été prononcée contre lui.+

Les princes de la captivité, ou chefs de la captivité, appelés aussi œchmalo-tarchs, étaient les chefs ou chefs des captifs juifs à Babylone et en Orient, comme les patriarches juifs l’étaient en Judée et en Occident, et ils furent installés en grande pompe. Ils conféraient l’ordination aux chefs des synagogues et exerçaient leur autorité sur tous les Juifs orientaux. Voir Lewis’s Antiquities of the Hebrew Re-republic, vol. iii, b. vi, ch. vi ; et l’Hist. des Juifs de Basnage, b. vi, ch. xin.

+ Hist. des Juifs de Basnage, b. vii, ch. v, p. 606.