PARTIE II.

DE LA NAISSANCE DU CHRIST À L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE.

CHAPITRE VI.

VIIIE SIÈCLE.

Version arabe. — Bède le Vénérable. — Willibrord. — Boniface. — Églises de bois. — Willehad. — Alcuin. — Analphabétisme. — Ecclésiastiques militaires. — Canons des conciles. — Écritures en caractères saxons. — Bibliothèque d’Egbert. — Instruction des enfants.

Au début du VIIIe siècle, les Écritures ont été traduites en arabe. Les conquêtes de la Les Sarrasins, ou Maures, avaient rendu l’arabe commun en Espagne ; et Jean, archevêque de Séville, désireux que le peuple lise et comprenne les Saintes Écritures, en entreprit une traduction dans cette langue, qu’il achevé vers 717 apr. J.-C.* Entre celle-ci et la version de Saadias Gaon, au Xe siècle, d’autres traductions ont probablement été faites, mais leur date exacte n’est pas certaine. « S’il est permis d’émettre une conjecture, dit le docteur Marsh, sur un sujet que l’histoire nous laisse dans l’obscurité, nous pouvons supposer que la plupart des versions arabes ont été faites pendant la période qui s’est écoulée entre les conquêtes des Sarrasins au VIIe siècle, et les croisades au XIe ; surtout vers le milieu de cette époque, où le syriaque et le copte, bien qu’ils eussent cessé d’être des langues vivantes, étaient encore compris par les hommes instruits ; et la littérature arabe, sous le patronage d’Al Mamon et de ses successeurs, était arrivée à son plus haut niveau.§

* Basnage, Hist, de l’Eglise, tom i, liv. IX, cap. iv, p. 471, fol. Enquêtes de Brerewood touchant la diversité des langues, p. · 237.

§ Michaelis de Marsh, vol. II, partie II, p. 600.

La version arabe trouvée dans le Pentateuque de Tritaglot, conservé dans la collection Barberini à Rome, est probablement l’une des plus anciennes qui existent aujourd’hui. J. J. Bjornstahl a décrit ce manuscrit très précieux, dans une lettre jointe aux Titres Primitifs de Fabricy, tom. i, et un spécimen de la version a été présenté au public par And. Christ. Hwiid, dans un petit ouvrage intitulé, Specimen inedita versionis Arabico Samaritana Pentateuchi e codice manuscripto Bibliotheca Barberma. Roms, mdcclxxx.

D’après ceux-ci, il apparaît que cet important manuscrit a été acheté à Damas, en 1631, pour Nicolas Fabricius Peiresc, qui l’a légué au cardinal Barberini, neveu du pape Urbain VIII. Il a été transcrit à Damas en 1227, à l’usage de la synagogue publique des Samaritains de cette ville. Il est écrit sur parchemin, et forme un volume en grand in-folio. Chaque page est divisée en trois colonnes collatérales. L’Hébrée-Samaritain occupe la colonne de droite, la version arabe est au milieu et la version samaritaine à gauche. La version arabe est faite à partir du texte hébra-samaritain, auquel elle correspond exactement, phrase pour phrase, ligne pour ligne et, autant que possible, mot pour mot. Les deux versions, ainsi que le texte hébraïco-samaritain, sont en caractères samaritains. Le spécimen présenté est le quarante-neuvième chapitre de la Genèse.

Une traduction de l’Évangile de saint Jean en anglo-saxon a été faite également au VIIIe siècle, par Bède le Vénérable.

Beda, ou Bède, le grand ornement de son siècle et de son pays, naquit en 673. À la fin de son Histoire ecclésiastique, il donne le récit simple et sans affectation suivant de sa vie : « Né sur le territoire du même monastère (de Weremouth, dans le royaume de Northumberland), « j’ai été, par le soin de mes parents, confié à l’âge de sept ans au révérend abbé Benoît (Biscop) afin d’y être instruit ; et ensuite à Ceolfrid. Depuis cette époque, j’ai résidé constamment dans ce monastère, et je me suis appliqué entièrement à l’étude des Saintes Écritures ; et dans les intervalles de l’observance d’une discipline régulière et du soin quotidien de chanter dans l’église, ils ont toujours trouvé doux d’apprendre, d’enseigner ou d’écrire. Dans la dix-neuvième année de ma vie, je reçus l’ordre de diacre, et dans ma trentième celui de prêtre, tant par le ministère du très révérend évêque Jean (de Beverly, évêque de Hexham), que par l’ordre de l’abbé Ceolfrid. Depuis que j’ai reçu l’office de prêtre jusqu’à la cinquante-neuvième année de mon âge, je me suis occupé soit à noter brièvement dans les œuvres des vénérables pères, pour mes besoins et ceux des miens, ces choses sur les Écritures, soit à ajouter quelque commentaire nouveau à leur sens et à leur interprétation.

* Allusion au catalogue des écrits qu’il a joint à ce récit.

On a fait remarquer avec raison qu’il n’a jamais su ce que c’était que de ne rien faire. Il a écrit sur toutes les branches de la connaissance alors cultivées en Europe. En grec et en hébreu, il avait une habileté très rare à cette époque barbare ; et, par ses instructions et son exemple, il suscita beaucoup d’érudits. Un an avant sa mort, il écrivit une lettre à Ecgbright, ou Egbert, archevêque d’York, qui mérite d’être remarquée pour le bon sens qu’elle montre et les renseignements qu’elle transmet. En voici des extraits :

« Évitez par-dessus tout les discours inutiles, et appliquez-vous à l’étude des Saintes Écritures, en particulier des épîtres à Timothée et à Tite ; à la pastorale de Grégoire et à ses homélies sur l’Évangile. Il est indécent pour celui qui se consacre au service de l’Église de se livrer à des actions ou à des discours qui ne conviennent pas à son caractère. Ayez toujours autour de vous ceux qui peuvent vous aider dans la tentation ; Ne soyez pas comme certains évêques, qui aiment à avoir autour d’eux ceux qui aiment la bonne humeur, et les divertissent par des conversations insignifiantes et facétieuses.

« Votre diocèse est trop grand pour vous permettre de parcourir tout en un an ; nommez donc des prêtres dans chaque village, pour instruire et administrer les sacrements ; et qu’ils soient studieux, afin que chacun d’eux apprenne par cœur le Credo et le Notre Père ; et que, s’ils ne comprennent pas le latin, ils peuvent le répéter dans leur propre langue. Je les ai traduits en anglais pour le bénéfice des prêtres ignorants. On m’a dit qu’il y a beaucoup de villages dans notre pays, dans les régions montagneuses, dont les habitants n’ont jamais vu d’évêque ou de pasteur, et pourtant ils sont obligés de payer leur dû à l’évêque. *

* Milner’s Hist, of the Church of Christ, vol. III, pp. 134, 139.

La haute opinion que Bède avait d’un fidèle ministre de l’Évangile se découvre dans sa Vie de saint Cuthbert, écrite en vers hexamètres ; Il commence ainsi :

Multa suis Dominus fulgescere light seclis

Donavit, tetricas humanæ noctis ut umbras

Lustraret divina poli de culmine flamma,

Et licet ipse Deo natus de lumine Christus

Lux sit surnma, Deus sanctos quoque jure lucemæ

Ecclesiæ rutilare ledit, quibus igne magistro

Sensibus instet amor, sermonibus æstuat ardor

Multifidos varium lychnos qui sparsit in orbem

Ut cunctum nova lux fidei do fusa sub axem

Omnia sidetrip virtutibus deviner repleret.

« Que beaucoup de lumières brillent dans tous les âges,

T’illume les ombres répugnantes de la nuit humaine

Avec sa flamme céleste, le Seigneur permet :

Et bien que notre lumière suprême soit le Christ divin,

Pourtant, Dieu a envoyé ses saints avec des rayons plus humbles

Brûler à l’intérieur de son église. Avec le feu sacré,

L’amour remplit leur esprit, et le zèle enflamme leur parole.

Il répand ses nombreux flambeaux à travers le monde,

Que les nouveaux rayons d’une foi brûlante se répandaient

Avec des vertus étoilées, chaque terre peut se remplir. *

- ↑ Hist. des Anglo-Saxons de Turner, t. II, t. XII, c. iii, p. 347.

Bède mourut en l’an 735, et les circonstances de sa mort sont ainsi décrites par son élève Cuthbert, plus tard abbé de Jarrow :

Environ deux semaines avant Pâques, il commença à être très troublé par l’essoufflement, mais sans douleur, et il continua ainsi, joyeux et joyeux, rendant grâces au Dieu Tout-Puissant jour et nuit, et même à chaque heure, jusqu’au jour de l’ascension de notre Seigneur. Il nous lisait tous les jours des leçons, à nous ses élèves ; Il passa le reste de la journée à chanter des psaumes. Les nuits, il se passait sans dormir, mais se réjouissant et rendant grâces, à moins qu’un petit taudis n’intervienne. Quand il s’éveilla, il reprit ses dévotions accoutumées, et, les mains étendues, ne cessa de rendre grâces à Dieu. En vérité, je n’ai jamais vu de mes yeux, ni entendu de mes oreilles, quelqu’un d’aussi diligent dans ses dévotions reconnaissantes. Ô homme vraiment béni ! Il a chanté cette phrase de saint Paul : « C’est une chose effrayante que de tomber entre les mains du Dieu vivant et beaucoup d’autres choses de l’Écriture, dans lesquelles il nous exhorte à nous réveiller du sommeil de l’esprit. Il récitait aussi quelque chose dans notre langue anglaise, car il était très savant dans nos chansons ; et, mettant ses pensées en vers anglais, il les répéta avec beaucoup d’émotion. Pour ce voyage nécessaire, personne ne peut être plus prudent qu’il ne devrait l’être, pour penser avant de partir de ce qu’il y a de bon ou de mauvais dont son esprit après la mort sera jugé digne. Il a aussi chanté des hymnes, selon sa coutume et la nôtre, dont l’un est : « Ô Roi glorieux, Seigneur des armées, qui, triomphant aujourd’hui, est monté au-dessus de tous les cieux, ne nous a pas laissés orphelins, mais envoie sur nous la promesse du Père, l’Esprit de vérité. Alléluia. Quand il arriva aux mots « Ne nous quittez pas », il fondit en larmes et pleura beaucoup. Tour à tour nous lisions, et tour à tour nous pleurions ; En effet, nous lisons toujours en larmes. C’est dans cette joie solennelle que nous passâmes les cinquante jours. Mais, pendant ces jours, outre les leçons quotidiennes qu’il donnait et le chant des psaumes, il s’efforçait de composer deux ouvrages. L’un était une traduction de l’Évangile de saint Jean en anglais, jusqu’à l’endroit où il est dit : « Mais qu’est-ce que c’est que ceux-ci parmi tant d’autres ? » l’autre une collection du livre des Notes de saint Isidore. Le mardi avant le jour de l’Ascension, sa respiration commença à être très fortement affectée, et un léger gonflement apparut dans ses pieds. Tout ce jour-là, il dicta gaiement, et disait quelquefois : « Hâtez-vous, je ne sais combien de temps je tiendrai ; mon Créateur peut m’enlever très bientôt. Il nous semblait qu’il savait bien qu’il était proche de sa fin. Il passa la nuit éveillé dans l’action de grâces. Le mercredi matin, il nous ordonna d’écrire promptement ce que nous avions commencé. Cela fait, nous marchâmes jusqu’à la troisième heure, avec les reliques des saints, selon la coutume du jour. Alors l’un de nous lui dit : « Très cher maître, il manque encore un chapitre. Pensez-vous qu’il est gênant qu’on vous pose d’autres questions ? Il répondit : « Ce n’est pas un problème, prends ta plume et écris vite, il l’a fait. ainsi. Mais à la neuvième heure, il me dit : « J’ai des objets de valeur dans mon petit coffre. Courez vite, et amenez-moi tous les prêtres du monastère. Quand ils arrivèrent, il leur distribua ses petits présents, et les exhorta tous à assister à leurs messes et à leurs prières. Ils pleurèrent tous quand il leur dit qu’ils ne le reverraient plus ; mais je me réjouis de l’entendre dire : « Il est temps pour moi de retourner à Celui qui m’a fait. Le temps de ma dissolution approche. Je désire être dissous et être avec Christ. Oui, mon âme désire voir le Christ, mon Roi, sa beauté. Il continua ainsi à converser gaiement jusqu’au soir, où l’élève dont il a été question plus haut lui dit : « Cher maître, il manque encore une phrase. » Il m’a répondu : « Écris vite. » Le jeune homme dit : « C’est fini. » Il répondit : « Tu as bien dit, tout est fini. Tiens-moi la tête avec tes mains, car j’aurai plaisir à m’asseoir de l’autre côté de la chambre, sur le lieu saint où j’ai l’habitude de prier, et où, assis, je peux invoquer mon Père. Lorsqu’il fut placé sur le pavé de sa petite maison, il chanta : « Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit », et il expira en prononçant les dernières paroles. Telle fut l’heureuse, la glorieuse conclusion de la vie de ce premier des savants ! « Il était appelé le sage Saxon par ses contemporains, dit le docteur Henry, et le vénérable Beda par la postérité ; et tant que la grande modestie, la piété et l’érudition, réunies dans un seul caractère, sont l’objet de la vénération parmi les hommes, la mémoire de Beda doit être vénérée.§

♦ Cuthberti Epist. au lit. Hist, a Smith, p. 793, 794. Butler’s Lives of the Saints, vol. V, 27 mai.

§ Henry’s Hist, of Great Britain, vol. IV, p. 30

Le cabinet de travail, ou oratoire, de cet illustre presbytre, qui paraît avoir été dans un bâtiment construit à cet effet, et détaché du monastère, fut longtemps préservé de la destruction. Siméon, le moine historique de Durham, qui florissait en 1164, et Leland, qui vivait au XVIe siècle, en parlent tous deux comme étant restés à leur époque. « Même l’endroit, dit Siméon, est montré à ce jour-là où il avait sa petite demeure de pierre, et où, à l’abri de tout dérangement, il avait l’habitude de s’asseoir, de méditer, de lire, de dicter et d’écrire. » Et Leland remarque : « L’oratoire de Bède est encore entier, un bâtiment bas dans sa pente, petit dans sa taille, et voûté dans son toit ; ayant un autel à l’intérieur, mais négligé, portant cependant au milieu de sa façade un morceau de marbre serpentin, un marbre d’un vert sombre dans le sol, et d’un vert vif dans les taches, incrusté dans la substance de celui-ci. C’était donc là l’autel où Bède, également pieux et savant, heureusement sensible, au milieu de toute sa science, qu’il tirait son intelligence et l’illumination de celle-ci de l’affreux « Père des lumières », s’agenouillait à ses dévotions privées ; et où il fut transporté dans ses derniers moments, et où, reposant sur un tapis, il pria, et mourut dans l’acte de la prière. La chaise elle-même, grossièrement en chêne, dans laquelle il avait l’habitude de s’asseoir, est encore conservée, soigneusement enfermée dans la sacristie de l’ancienne chapelle monastique, convertie en église paroissiale, mais récemment reconstruite.* Une copie de quelques-unes des épîtres de saint Paul, de la main de Bède, serait également conservée dans la bibliothèque de Trinity College, Cambridge.+

* Whitaker’s Cathedral of Cornwall, vol. ii, ch. vii, pp. 338-340.

+ Hickesii Thesaurus, vol. II, p. 241.

Plusieurs autres hommes éminents, principalement des Anglais, distingués par leur zèle et leur amour des Écritures, floriflorèrent à peu près à la même époque que Bède.

Willibrord, l’apôtre de la Frise, naquit dans le royaume de Northumberland vers l’an 658. Vers l’âge de trente-trois ans, il traversa la mer avec onze de ses compatriotes pour se rendre en Hollande, et travailla parmi les Frisons avec un succès extraordinaire, jusqu’à ce qu’il fût chassé du pays par les violentes persécutions que leur avait faites le souverain idolâtre Radbod. Ils passèrent ensuite au Danemark, et y prêchèrent l’Évangile pendant la vie de Radbod ; mais, à sa mort, il retourna en Frise, où Willibrord fut ordonné évêque de Wiltenburgh, aujourd’hui Utrecht, par le prélat romain. Pendant le reste de sa vie, il fut infatigable dans ses efforts pour la conversion des idolâtres qui l’entouraient et pour la propagation générale de la vérité divine. C’est dans ce dessein qu’il construisit des écoles à Utrecht, qui devinrent célèbres par la suite ; et une abbaye à Epternach, près de Trèves, dans le duché de Luxembourg, alors morne désert, dans le but d’instruire les missionnaires. Il mourut dans la quatre-vingt-unième année de son âge, vers l’an 738. Alcuin dit : « Il était d’une stature convenable, vénérable dans son aspect, aimable dans sa personne, gracieux et toujours gai dans ses paroles et sa physionomie, sage dans ses conseils, infatigable dans la prédication et dans toutes les fonctions apostoliques, au milieu desquelles il avait soin de nourrir la vie intérieure de son âme par la prière assidue, le chant des psaumes, la veille, et le jeûne. *

* Butler’s Lives, vol. II, pp. 152-161.

À Epternach ont été conservés, il y a quelques années, deux manuscrits en lettres saxonnes, qu’on suppose avoir été apportés d’Angleterre par Willibrord. L’un est une copie des quatre Évangiles, qui, dans le colophon, est dit corrigé d’après le texte original de saint Jérôme : « Prœmendavi ut potui secundum codicem de bibliotheca Eugipi præspiteri, quem feront fuisse S. Hieronymi, indictione vi, post consulatum Basilii vc. anno septimo decimo. L’autre, le Martyrologe de saint Jérôme, que les Bollandistes ont fait graver dans leur recueil des Vies des Saints. Dans la marge de ce calendrier est écrit, de la main de Willibrord : « Clément Willibrord vint d’au-delà de la mer en France en 690 ; bien qu’indigne, fut ordonné par l’homme apostolique, le pape Serge, en 695 ; vit maintenant en 728 », etc. Un autre manuscrit précieux, mais probablement du Xe siècle, a également été conservé dans le même monastère. C’est une copie des quatre Évangiles, écrite sur du vélin d’une beauté exquise, en lettres d’or. La vie de Jésus est représentée dans des peintures miniatures. Dans la crucifixion, il est vêtu d’un vêtement de couleur violette , et cloué à la croix avec quatre clous : les voleurs apparaissent aussi vêtus. L’empereur Othon, et la reine Théophane, sont représentés sur la couverture ; d’où l’on conjecture qu’il a été donné au monastère par cet empereur.+

+ Voyage Littéraire de deux Religieux Benedictins, tom. ii, pp. 197. 198. Paris, 1717, 4to.

Winfrid, appelé plus tard Boniface, était un autre des personnages les plus déguisés de cette époque. C’était un Anglais, né à Kirton, dans le Devonshire, vers l’an 680. Dès l’âge de treize ans, il fut éduqué au monastère d’Escancester, ou Exeter, sous la direction de l’abbé Wolphard. Après y avoir passé quelques années, il se retira au monastère de Nutcell, dans le diocèse de Winchester, où il continua ses études sous le savant abbé Winbert. C’est là qu’il fit des progrès singuliers dans la poésie, la rhétorique, l’histoire et la connaissance des Écritures ; et fut ensuite nommé par son abbé pour enseigner les mêmes sciences : dont il s’acquitta avec grand profit envers les autres, en même temps qu’il s’améliorait avec cet avantage redoublé que la maturité des années et du jugement, et l’examen diligent d’un cours bien digéré d’études antérieures, donnent aux maîtres d’un génie élevé. À l’âge de trente ans, il fut ordonné prêtre, sur la recommandation de son abbé, et travailla avec beaucoup de zèle à prêcher la parole de Dieu. Son esprit était ardent et il désirait ardemment être employé comme missionnaire dans la conversion des païens. C’est dans ce dessein qu’il passa en Frise avec deux autres moines vers l’an 716 ; mais constatant que les circonstances rendaient impraticable, à cette époque, la prédication de l’Évangile dans ces parages, il retourna en Angleterre, avec ses compagnons, à son monastère.

À la mort de l’abbé de Nutcell, la société aurait élu Winfrid à sa place, mais il refusa fermement d’accepter la présidence ; et, après avoir obtenu des lettres de recommandation de l’évêque de Winchester, il se rendit à Rome, où il obtint du pape Grégoire II. une commission très ample et illimitée pour tenter la conversion des infidèles.

Avec cette commande, Winfrid se rendit en Bavière et en Thuringe. Dans le premier pays, il réforma les églises ; dans la seconde, il réussit à convertir les infidèles. Par la suite, il coopéra pendant trois ans avec Willibrord, en Frise. Willibrord déclinant avec l’âge, choisit Winfrid pour son successeur ; une offre qu’il déclina, parce que le pape lui avait enjoint de prêcher dans les parties orientales de l’Allemagne, et qu’il se sentait obligé d’accomplir l’injonction. Il s’efforça donc de répandre l’Évangile dans diverses parties de l’Allemagne, en particulier en Hesse, et s’employa à élever l’étendard de la vérité jusque jusqu’aux confins de la Saxe ; subvenant à ses besoins par le travail de ses mains, et étant à plusieurs reprises exposé à un danger imminent par la fureur des païens obstinés.

En 732, il reçut le titre d’archevêque de Grégoire HI, qui soutint sa mission dans le même esprit que son prédécesseur Grégoire II. L’accroissement de sa dignité n’entama cependant pas son zèle ; Il continua à s’occuper des nombreuses églises qu’il avait fondées, tint divers conciles avec son clergé, promouvait plusieurs institutions monastiques et étendit l’Évangile à différentes nations barbares et non civilisées. En 746, il jeta les fondements de la grande abbaye de Fuld, ou Fulden, qui resta longtemps le séminaire de piété et d’érudition le plus renommé de toute cette partie du monde. Il fixa sa résidence principale à Mentz, d’où il a coutume d’être appelé archevêque de cette ville.

Sa sollicitude pour les églises et son ardeur dans le service de Dieu augmentèrent avec les années, de sorte qu’en 755, bien qu’opprimé par l’âge et les infirmités, et universellement vénéré par le monde chrétien, il résolut de retourner en Frise. Il nomma donc Lullus, un Anglais, son successeur comme archevêque de Mentz ; et écrivit à l’abbé de Saint-Denys, pour prier le roi de France d’être bon pour lui, et pour les autres missionnaires, qui étaient aux prises avec l’indigence et les difficultés. Après avoir réglé les affaires de son Église, il se rendit par le Rhin en Frise, où, aidé d’Eoban, qu’il avait ordonné évêque d’Utrecht après la mort de Willibrord, il amena un grand nombre de païens dans le camp de l’Église. Ayant fixé la veille du dimanche de Pentecôte pour confirmer ceux qu’il avait baptisés, il dressa une tente sur les bords de la Bordne, rivière qui séparait alors la Frise orientale et la Frise occidentale, et attendait, en prière, l’arrivée des nouveaux convertis, lorsque, au lieu des amis qu’il attendait, une bande de païens furieux, armés de boucliers et de lances, se précipita furieusement sur eux, et tua Boniface et toute sa compagnie, au nombre de cinquante-deux. Il mourut en exhortant ses disciples à ne pas se battre, mais à affronter avec constance et gaieté une mort qui serait pour eux la porte de la lumière. C’était dans la soixante-quinzième année de son âge. Les Barbares, au lieu du précieux butin d’or et d’argent qu’ils attendaient, ne trouvèrent rien d’autre de valeur que des livres qu’ils répandirent dans les champs et dans les marais. Trois d’entre eux furent ensuite retrouvés et conservés dans le monastère de Fuld ou Fulden ; un livre des Évangiles, écrit de la main même de Boniface ; une Harmonie, ou Canons du Nouveau Testament ; et un livre, contenant la lettre de saint Léon à Théodore, évêque de Fréjus ; et le discours de saint Ambroise : « Du Saint-Esprit, « avec son traité De bono Mortis, ou " De l’avantage de la mort « . *

* Milner’s History of the Church of Christ, vol. III, ch. iv, pp. 172-182. Butler'3 Lives, vol. VI, 5 juin.

Un recueil de lettres de Boniface a été conservé et publié. Les extraits suivants découvriront son amour pour les Écritures et son désir de promouvoir la connaissance de celles-ci chez les autres. Son épître à l’abbesse Eadburga a déjà été mentionnée. Il écrit à Nithardus : « Rien ne peut être recherché plus honorablement dans la jeunesse, ni jouir plus confortablement dans la vieillesse, que la connaissance des Saintes Écritures. » À Daniel, évêque de Winchester, il adresse une requête pour lui envoyer le livre des Prophètes, « que, dit-il, l’abbé Winbert, autrefois mon maître, a laissé à sa mort, écrit en caractères très distincts. Je ne puis recevoir une plus grande consolation dans ma vieillesse ; car je ne trouve pas de livre pareil dans ce pays ; et comme ma vue s’affaiblit, je ne distingue plus facilement les petites lettres, qui sont serrées les unes contre les autres dans les volumes sacrés qui sont actuellement en ma possession. Dans d’autres lettres, il demande aussi des livres, en particulier ceux de Bède, qu’il appelle la « lampe de l’Église ». * Les lettres de Boniface sont toutes écrites en latin ; mais, comme Verstegan l’observe avec raison, la langue des Saxons anglais et celle des habitants de la plupart des parties de l’Allemagne étaient si proches de la même chose, que, dans leur prédication et leurs relations générales, lui et ses compagnons semblent n’avoir eu pas besoin d’interprètes.§

* Milner, ut sup.

§ Restitution de l’intelligence délabrée de Verstegan, p. 147, in-4°.

Un autre missionnaire célèbre, dans cet « âge des missions », était Willehad, ou.ViLLEHAD, communément appelé l’apôtre de la Saxe. C’était un Anglais, né dans le Northumberland, et éduqué dans l’érudition et la piété. Traversant la mer pour se rendre sur le continent, il commença sa mission à Dockum, où Boniface fut assassiné, vers l’an 772. De Dockum, il traversa le pays appelé aujourd’hui Over-Yssel, et de là se rendit dans le Trentonia ou Drentia, d’où il se rendit à Wigmore, où se trouve maintenant Brême, et fut le premier missionnaire qui passa l’Elbe. Après avoir travaillé trente-cinq ans dans ses missions, il mourut dans un village appelé Bleckensee, aujourd’hui Plexam, en Frise, après avoir été évêque de Brême pendant deux ans. La lecture sainte et la méditation étaient ses exercices favoris ; et il récitait ordinairement le Psautier tout entier tous les jours, et souvent deux ou trois fois par jour. Son attention et son amour pour les Écritures ont été découverts dans sa copie, de sa propre main, des épîtres de saint Paul, en plus d’autres livres. Sa cathédrale de Brême, il la construisit en bois : son successeur, Willoric, la reconstruisit ensuite en pierre.+ Ce mode d’érection des églises était pratiqué dans d’autres endroits où l’architecture était au plus bas. Sulpicius Sévère nous dit « que dans les déserts de Libye, près de Cyrène, il alla avec un prêtre avec lequel il logea dans une église qui était faite de petites tiges ou de brindilles entrelacées les unes avec les autres, et qui n’était pas beaucoup plus majestueuse et ambitieuse que la maison du prêtre, dans laquelle un homme pouvait à peine se tenir debout. Mais les hommes qui fréquentaient ces églises étaient des hommes de l’âge d’or et des mœurs les plus pures. (S. Sulpic. Sev. Cadran 1, ch. ii.) Bède nous apprend aussi qu’autrefois il n’y avait pas d’église en pierre dans toute cette île, mais que la coutume était de les construire toutes en bois ; de sorte que lorsque l’évêque Ninyas en construisit un en pierre, c’était une chose si inhabituelle, que l’endroit fut appelé de là Candida Casa, Whithern ou Whitchurch. (Hist. Eccles., lib. iii, cap. iv.) L’église érigée à l’endroit où saint Edmond fut martyrisé à Bedricksworth, ou Kingston, appelé depuis Saint-Edmundsbury, fut construite de la même manière. Les troncs de grands arbres étaient sciés dans le sens de la longueur au milieu, et dressés avec une extrémité fixée dans le sol, avec l’écorce ou le côté rugueux le plus à l’extérieur. Ces troncs étant faits d’une hauteur égale, et placés près les uns des autres, et les interstices remplis de boue, formaient les quatre murs, sur lesquels s’élevait un toit de chaume. De la manière basse et grossière de construire en usage chez nos ancêtres, nous avons, ou avons eu dernièrement, un exemple encore debout, dans une partie de l’église de Greensted, près d’Ongar, dans l’Essex. Dans cette église, la partie la plus ancienne, la nef ou le corps, était entièrement composée de troncs de grands chênes fendus, et grossièrement taillés des deux côtés. Ils étaient placés debout et proches les uns des autres, étant placés dans un rebord en bas, et une plaque en haut, où ils étaient attachés avec des épingles en bois. « Voilà, dit Ducarel, toute l’église primitive, qui reste encore entière, quoique très corrodée et usée par le temps. Il a vingt-neuf pieds et neuf pouces de long et cinq pieds six pouces de haut, sur les côtés qui soutenaient le toit primitif. Mais peut-être n’y a-t-il rien de plus satisfaisant que le verbe anglo-saxon couramment utilisé lorsqu’il est question d’ériger des bâtiments. C’est getymbrian, « faire du bois ». Là où Bède dit de quelqu’un qu’il a bâti un monastère ou une église, Alfred, dans sa traduction de l’Histoire ecclésiastique de Bède, utilise le mot getimbrade.

+ Milner’s Hist, de l’Église du Christ, vol. III, pp. 187, 188. Butler’s Lives, vol. II, 8 novembre.

1

* Butler’s Lives, vol. II, pp. 336, 339. Turner’s Hist, of the Anglo-Saxons, vol. II, p. 412. Antiquités anglo-normandes de Ducarel, p. 100.

Mais revenons à cette digression. — Alcuin, appelé aussi Flaccus Albinus, un autre savant Anglais de ce siècle, était si éminent pour l’érudition et la science, que Charlemagne le choisit pour son ami littéraire et son précepteur. Le lieu de sa naissance a été contesté, mais il dit de lui-même qu’il fut nourri et éduqué à York, où il apprit le latin et le grec, avec les éléments de la langue hébraïque, et fit les études sacrées sous la direction d’Egbert et d’Elbert, qui enseignaient dans une grande école dans cette ville, jusqu’à ce qu’ils fussent successivement placés dans la chaire archiépiscopale. Quand Elbert succéda à Egbert dans cette dignité, en 766, il confia à Alcuin le soin de l’école et de la bibliothèque appartenant à cette église. Eadbald succédant à son oncle Elbert comme archevêque, en 780, envoya Alcuin à Rome pour apporter son pal. À son retour, Charlemagne le rencontra à Pavie, et fut si frappé de la sagesse de son discours, qu’il le pria instamment de fixer sa résidence à sa cour, dès qu’il aurait accompli sa mission. À une invitation si flatteuse, Alcuin donna son consentement, pourvu qu’il pût obtenir la permission de son roi et de son archevêque, et qu’on lui permît de revenir dans son pays. La permission requise lui étant accordée, il retourna en France, où il se consacra à l’instruction de son royal élève, et aux intérêts généraux de la religion, de la littérature et de la science ; et tels furent ses efforts infatigables pour l’encouragement et la diffusion de la science, qu’ils furent non seulement couronnés de succès en France, mais contribuèrent grandement à sa promotion générale dans toute l’Europe.

Parmi les nombreuses possessions et juridictions dont jouissait Alcuin, Élipande, évêque d’Espagne, dans une dispute théologique avec lui, saisit l’occasion de lui reprocher sévèrement ses richesses et le nombre de ses vassaux ou esclaves. « Elipand, dit-il dans une lettre à l’évêque de Lyon, m’objecte mes richesses, mes serviteurs et mes vassaux, qui sont au nombre de vingt mille, sans songer que la possession des richesses n’est vicieuse que par l’attachement du cœur. C’est une chose de posséder le monde, c’en est une autre d’être possédé par le monde. Quelques-uns possèdent des richesses, bien qu’ils en soient parfaitement détachés dans leur cœur ; d’autres, bien qu’ils n’en jouissent pas, les aiment et les convoitent. Et ce n’est que justice pour le caractère de ce grand homme, de remarquer que ces vassaux appartenaient aux diverses abbayes dont le roi l’avait forcé d’en prendre l’administration, afin d’y établir une discipline régulière, et d’employer l’excédant du revenu en aumônes, conformément à l’intention de ces fondations. Charlemagne avait aussi fait de lui son aumônier général, et lui avait assigné une maison pour recevoir les étrangers. Il servira néanmoins à marquer les mœurs du temps, de se rappeler que les vassaux ou esclaves appartenant aux différentes abbayes « étaient obligés d’aller avec leurs charrettes à cinquante milles ou au-dessus, toutes les fois que leur abbé l’ordonnait, et qu’il ne leur était pas permis de se marier, ou de changer de demeure, sans avoir d’abord reçu son consentement exprès ; qu’ils étaient forcés de cultiver la terre trois jours par semaine, tandis que leur maître ne jouissait que des fruits de leur industrie ; et que, dans plusieurs cas, les abbés exerçaient sur eux la juridiction de vie et de mort.

Tant loin que l’esprit du pieux Alcuin ne fût corrompu par prospérité, qu’il suppliait souvent le roi de lui permettre de renoncer à ces présents, qu’il n’avait acceptés que sur la pressante sollicitation du souverain.

Après des sollicitations réitérées et sincères de la part d’Alcuin, et de fréquents refus de Charlemagne, il fut autorisé à se retirer à l’abbaye de Saint-Martin à Tours, comme moine particulier. Dans cette retraite, toutes ses études se tournèrent vers la théologie ; et l’on a même affirmé que, malgré son attachement précoce pour les écrivains classiques, dans son âge avancé, il a reproché à Ricabode, archevêque de Trèves, de s’être penché sur l’Énéide, au lieu de fixer entièrement ses pensées sur les quatre évangélistes. Dans les dernières années de sa vie, il s’occupa d’une œuvre d’une grande importance, la révision de la Bible latine. Par suite de la négligence des transcripteurs, les copies des Écritures, d’un usage général, devinrent excessivement incorrectes ; Alcuin entreprit donc, à la demande de Charlemagne, de réviser la version de la Vulgate de l’Ancien et du Nouveau Testament et de la rapprocher le plus possible de sa pureté originelle. Dans ce but, il examina et rassembla un certain nombre de manuscrits précieux, et avec une infatigable assiduité, il acheva son travail laborieux à la satisfaction de son auguste patron, qu’il devint l’édition autorisée lue dans les églises. Il existe quelques exemplaires de cette révision, en particulier deuxl’un conservé dans la bibliothèque des pères de l’oratoire, à Rome, et l’autre dans celle du monastère de Saint-Paul-hors-les-murs. Après avoir joui de la confiance et de l’affection impériales à un degré rarement éprouvé, il rendit le dernier soupir à l’abbaye de Saint-Martin, à Tours, le 19 mai 804. Ses œuvres ont été publiées par Frobenius, en 1777, en quatre volumes, in-4°.

- ↑ Card’s Reign of Charlemagne, ch. iv. Lond. 1807, in-8°, Turner’s Hist, of the Anglo-Saxons, t. II, p. 355, 374. Butler’s Lives, vol. v, pp. 115-117. Fabncy, Titres Primitifs, tom. II, p. 99 et 133.

Malheureusement, les travaux inestimables de ces hommes pieux et d’autres hommes pieux et instruits se sont avérés insuffisants pour dissiper l’épaisse obscurité qui s’étendait sur le monde occidental à cette époque, étendant son influence sur le clergé et les laïcs, et produisant un relâchement correspondant des mœurs et une barbarie des mœurs. Alcuin, dans une lettre à Offa, roi de Mercie, dit : « J’étais prêt à retourner dans mon pays natal de Northumberland, chargé de présents de Charlemagne ; mais, d’après les renseignements que j’ai reçus, je crois qu’il vaut mieux rester où je suis que de m’aventurer dans un pays où personne ne peut jouir de la sécurité ou poursuivre ses études. Pour voilà! Leurs églises sont démolies par les païens, leurs autels souillés par l’impiété, leurs monastères défiés par les adultères, et la terre mouillée du sang de ses nobles et de ses princes. L’ignorance du clergé était si grande au cours de ce siècle et de plusieurs siècles suivants, que le pape donna des instructions aux évêques pour qu’ils s’enquièrent, dans les paroisses de leurs districts respectifs, si le clergé officiant pouvait lire correctement les Évangiles et les Épîtres, et en donner une interprétation littérale. Gislemar, archevêque de Reims, ayant été appelé avant sa consécration à lire une partie des Évangiles, se trouva si honteusement ignorant qu’il ne comprit pas le sens littéral de ce passage.+ En Allemagne, un certain prêtre ignorait si bien le latin, langue commune des offices ecclésiastiques, qu’il baptisa sous le nom de Patri, Filia, et Spiritus Sancta ; et une question s’élevant quant à la légitimité du baptême, il a été jugé à propos de la soumettre au pape Zacharie pour qu’il en décide.| C’est le même pape qui emprisonna Virgile pour avoir affirmé l’existence des antipodes ; quoique Butler, dans ses Vies des Saints, t. III, p. 173, s’efforce de prouver que l’erreur de Virgile fut de soutenir qu’il y avait d’autres hommes sous la terre, un autre soleil et une autre lune, et un autre monde ; ou, en d’autres termes, une autre race d’hommes, qui ne descendent pas d’Adam, et qui n’ont pas été rachetés par Christ ; et que cela étant contraire aux Écritures, il était justement blâmable. Mais qu’il ait enseigné la forme sphérique de la terre, ou la pluralité des mondes, sa condamnation suffit à prouver le bas état des acquisitions scientifiques, même par les plus hauts dignitaires de l’Église.

 | Lomeier, De Bibliothecis, p. 153.

1

En France, l’esprit martial qui régna sous le gouvernement de Charles Martel, le grand-père de Charlemagne, étend son influence à l’Église. Afin d’acquérir de la considération aux yeux de leur prince martial, et de donner un frein décisif aux futures concessions de leurs biens aux laïques, les évêques et les abbés prirent la résolution singulière de le suivre au combat, en qualité de soldats : de sorte qu’il n’était pas rare de voir de dignes ecclésiastiques, à la tête de leurs vassaux, rivaliser avec les laïcs dans des exploits d’habileté et de valeur militaires ; tandis que des épées ornées de pierres précieuses, attachées à des ceintures coûteuses, et des éperons d’or, caractérisaient également l’habillement de l’un et de l’autre. Charlemagne, comme toute la nation, sentait l’indécence et la honte d’un clergé belliqueux ; et un édit fut publié, qui ordonnait que les prêtres ne se rendissent pas à l’armée, si ce n’est dans le but de dire la messe et d’administrer la consolation spirituelle aux troupes. Il leur défendit aussi de se servir des armes, de chasser ou de garder des faucons ; mais il déclara que, par ces prohibitions, il n’entendait pas diminuer la dignité ou la propriété des évêques ; mais, au contraire, leurs richesses et leurs honneurs devaient être augmentés en proportion de l’amendement de leur vie et de leur attachement dévoué à leur sainte vocation.* Ces sages règlements arrêtèrent, pendant un certain temps, l’aspect et la conduite militaires et séculiers du sacerdoce ; mais le clergé reprit peu à peu le caractère laïque, de sorte que Du Cange nous apprend que les doyens de beaucoup de cathédrales de France entraient dans leurs dignités vêtus d’un surplis, ceints d’une épée, de bottes et de paillettes dorées, et d’un faucon au poing. Carpentier ajoute que les trésoriers de quelques églises, particulièrement de celle du Nivernais, réclamaient le privilège d’assister à la messe ou à toute autre fête qu’ils voulaient, sans les vêtements canoniaux et portant un faucon. Et le seigneur de Sassay tenait une partie de ses terres en plaçant un faucon sur le maître-autel de l’église d’Évreux, tandis que son curé célébrait l’office, botté et éperonné, au son du tambour au lieu de l’orgue. On les voit même quelquefois conférer les titres de noblesse séculière aux apôtres et aux saints ; c’est ainsi que Saint-Jacques fut effectivement créé baron à Paris ; et parmi les nombreuses contradictions de ce genre qui entrèrent dans le système du moyen âge, on peut compter l’institution, en 1181, des Templiers. Il s’agissait d’un établissement de moines armés, qui faisaient vœu de vivre, en même temps, à la fois comme anachorètes et comme soldats.|| Leur but avoué était de défendre les lieux saints et les pèlerins contre les insultes des Sarrasins, et de garder les laissez-passer libres pour ceux qui entreprenaient le voyage vers la Terre Sainte. Ils furent supprimés par le concile de Vienne, en 1312.

* Card’s Reign of Charlemagne, pp. 92-97.

|| Warton’s Hist, of English Poetry, vol. II, p. 345, note. Du Cange, Glos. Lat. v. Oecanus.

Vol. I. — 14

Les différents canons promulgués par divers conciles et synodes à notre époque ne prouvent que trop complètement les mœurs dissolues du clergé et des laïques : plusieurs d’entre eux se rapportent à des crimes trop abominables pour être mentionnés ; le lecteur, par conséquent, qui désire approfondir le sujet, peut consulter les Leges Anglo-Saxonica de Wilkins, les canons des différents conciles, et les capitulaires de Charlemagne. Certains qui se réfèrent à des actions moins atroces seront remarqués. Dans les canons ou extraits d’Ecgbright, ou Egbert, rédigés en 740, voici le quatorzième : « Qu’aucun de ceux qui sont comptés parmi les prêtres ne chérit le vice de l’ivrognerie, ni ne force les autres à s’enivrer par son importunité. » Le 14e ordonne : « Qu’aucun prêtre ne prête serment, mais qu’il dise toutes choses simplement, purement, véritablement. » Le 19e décrète : « Qu’un abbé ou un moine ne peut donner la liberté à un esclave du monastère : car il est impie qu’il nuise à l’église qui ne lui a rien donné. » Le 70e est : « Qu’aucun chrétien n’observe les superstitions païennes, mais exprime toute sorte de mépris envers toutes les souillures des Gentils. » Le 147e dit : « Un clerc ne doit pas porter les armes, ni aller à la guerre, mais plutôt se fier à la défense divine qu’aux armes. » Dans les canons de Cuthbert, faits à Cloves-hoo, en 154, il est décrété par le 747e décret, « Que les évêques, par une inspection vigilante dans leurs paroisses, veillent à ce que les monastères, comme leur nom l’indique, soient d’honnêtes retraites pour les silencieux et les tranquilles, et tels que le travail pour l’amour de Dieu ; non pas des réceptacles d’arts ridicules, de versificateurs, de harpeurs et de bouffons ; mais des maisons pour ceux qui prient, lisent et louent Dieu. Et que « les couvents ne soient pas des lieux de rendez-vous secrets pour les bavardages immondes, les promenades, l’ivrognerie et le luxe, mais des habitations pour ceux qui vivent dans la continence et la sobriété, et qui lisent et chantent des psaumes ; mais qu’ils passent leur temps à lire des livres et à chanter des psaumes, plutôt qu’à tisser et à travailler des vêtements aux couleurs de la fête, vains et glorieux. Par les canons légantins du concile de Céalchythe, A. D. 20, can. Le 785, les enfants des religieuses sont déclarés « faux et illégitimes » et dans le canon 16 plusieurs pratiques superstitieuses et singulières de nos ancêtres sont remarquées ; Je vais donc en transcrire l’intégralité. Il y est enjoint : « Que tout chrétien prenne l’exemple des hommes catholiques ; et s’il reste quelque rite païen, qu’il soit arraché, méprisé et rejeté ; car Dieu créa l’homme beau et beau, mais les païens, par l’instinct du diable, se sacrifient, comme le dit Prudentius :

Tinxit et innocuum maculis sordentibus humour.

Il semble faire injure au Seigneur, qui souille et déprave son ouvrage. Si quelqu’un subissait cette effusion de sang pour l’amour de Dieu, il recevrait par là une grande récompense ; mais celui qui le fait par superstition païenne, n’avance pas plus son salut par là que les Juifs ne le font par la circoncision corporelle, sans foi sincère.

*** Mgr Boniface observe, dans ses épîtres : (Epist. Bonifacii, Wilkins, 1. 93,) « que l’ivrognerie était si commune à son temps, que même les évêques, au lieu d’empêcher, ils y participaient eux-mêmes, et ne se contentaient pas avec cela, obligeaient les autres à boire dans de grandes coupes jusqu’à ce qu’ils deviennent aussi en état d’ébriété. (Sharpe’s William of Malmsbury’s History, &c., b. i, ch. viii, p. 171, note.)

1                         14*

« Vous portez des vêtements comme ceux des païens, que vos frères, avec l’aide de Dieu, ont chassés du monde par les armes. Une merveilleuse bêtise ! d’imiter l’exemple de ceux dont vous haïssez les mœurs.

« Vous aussi, par une coutume immonde, vous mutilez vos chevaux, vous leur coupez les narines, vous leur attachez les oreilles, vous les rendez sourds, vous leur coupez la queue, et vous vous rendez odieux en ne les gardant pas en bonne santé quand vous le pouvez. »

« Nous avons entendu dire aussi que lorsque vous avez quelque controverse entre vous, vous utilisez la sorcellerie, à la manière des Gentils, qui est considérée comme un sacrilège en ces temps. »

Beaucoup d’entre vous mangent de la chair de cheval, ce qui n’est fait par aucun des chrétiens d’Orient : prenez garde à cela aussi. Efforcez-vous que toutes vos actions soient honnêtes et faites dans le Seigneur. *

* Johnson’s Collection of Eccl. Laws, Canons, &c., vol. i, An. 740, &c.

D’autres tentatives ont été faites pour empêcher ces pratiques non chrétiennes, par des injonctions au clergé, en ce qui concerne la lecture des Écritures au peuple, et l’instruction de son devoir. C’est ainsi que dans les « Extraits » d’Ecgbright, il est ordonné, can. 3 : « Que dans toutes les fêtes et les jours du Seigneur, chaque prêtre prêche l’évangile du Christ au peuple et, peut. 6, ·" Que chaque prêtre fasse avec une grande exactitude inculquer le Notre Père et le Credo au peuple qui lui est confié, et lui montre qu’il s’efforce d’acquérir la connaissance de toute la religion et la pratique du christianisme. D’après les canons de Cuthbert, elle fut promulguée, can. 3, « Que chaque évêque visite chaque année sa paroisse ; et appelez à lui, dans des lieux convenables, les gens de toute condition et de tout sexe, et enseignez clairement ceux qui entendent rarement la parole de Dieu, il a aussi été décrété, peut. 7, « Que les évêques, les abbés et les abbes, prennent soin et veillent diligemment à ce que leurs familles appliquent sans cesse leur esprit à la lecture : car, ajoute le canon, il est triste de dire combien peu de gens, de nos jours, aiment et travaillent de tout leur cœur pour la science sacrée, et sont disposés à prendre la peine d’apprendre ; mais ils sont, dès leur jeunesse, plutôt occupés à diverses vanités, et à l’affectation d’une vaine gloire ; et ils poursuivent plutôt les amusements de cette vie présente instable, que l’étude assidue des Saintes Écritures. C’est pourquoi, que les garçons soient confinés et éduqués dans les écoles à la loi de la connaissance sacrée, afin qu’étant par ce moyen bien instruits, ils puissent devenir à tous égards utiles à l’Église de Dieu : et que les recteurs+ ne soient pas avides du travail mondain [des garçons] au point de rendre la maison de Dieu vile faute d’ornements spirituels. Dans le dixième décret du même concile, ils enseignaient encore : « Que les prêtres apprendront à s’acquitter, selon les rites légitimes, de tous les offices appartenant à leurs ordres ; et que ceux qui ne le connaissent pas apprennent à interpréter et à expliquer dans notre langue le Credo et le Notre Père, et les paroles sacrées qui sont prononcées solennellement dans la célébration de la messe et dans l’office du baptême. Par can. 14 Il fut ordonné que le jour du Seigneur soit célébré par tous, avec la vénération qui lui est due, et qu’il soit entièrement séparé pour le service divin. Et que tous les abbés et les prêtres instruisent les serviteurs qui leur sont soumis par les oracles de l’Écriture Sainte. Il fut aussi décrété : « Que ce jour-là, et lors des grandes fêtes, les prêtres de Dieu invitent souvent le peuple à se réunir dans l’église, à écouter la parole de Dieu, et à assister souvent aux sacrements de la messe et à la prédication des sermons. » Un des canons du même concile, relatif à la pratique de la psalmodie, si en usage dans les premiers et moyens âges, offre un argument si curieux en faveur du chant dans une langue inconnue, qu’il mérite d’être transcrit. « La psalmodie, disent-ils, est une œuvre divine, un grand remède, dans bien des cas, pour les âmes de ceux qui la pratiquent en esprit et en esprit. Mais ceux qui chantent avec la voix, sans le sens intérieur, peuvent faire ressembler le son à quelque chose ; c’est pourquoi, bien qu’un homme ne connaisse pas les paroles latines qui sont chantéesil peut cependant appliquer pieusement l’intention de son propre cœur aux choses qui doivent être demandées à Dieu à présent, et les y fixer de son mieux. *

+ « Les recteurs étaient les chefs des maisons religieuses, et les titulairescomme nous le disons aujourd’hui dans les églises mineures, qui avaient leurs écoles pour former les jeunes moines et les clercs, et qui obligeaient leurs élèves au travail corporel : il ne leur était donc pas ici absolument interdit de travailler, mais seulement dans la mesure où cela était incompatible avec leur instruction. »

* Johnson’s Ecclesiastical Laws, ubi sup.

1

Un passage de l’Histoire ecclésiastique de Bède a conduit quelques auteurs à supposer que, pendant ce siècle, certaines parties au moins des Écritures ont été traduites dans les langues vernaculaires des différentes nations qui habitaient la Grande-Bretagne à cette époque. Les paroles de Bède (lib. i, cap. i) sont : « Hæc in præsenti juxta numerum librorum, quibus lex divina scripta est, quinque gentium linguis unam ean-demque summæ veritatis et veræ sublimitatis scientiam scrutatur et confitetur, Anglorum videlicet, Britonum, Scotorum, Pictorum, et Latinorum quæ meditatione scripturarum cæteris omnibus est facta communis. » Cette île cherche et confesse une seule et même connaissance de la plus haute vérité et de la vraie sublimité, selon le nombre de livres dans lesquels la loi divine est écrite, dans la langue des cinq nations, à savoir, de l’anglais, de l’anglais, de l’anglais Les Bretons, les Scots, les Pictes et les Latins, ce dernier est devenu commun à tous les autres, par la méditation des Scriplures. Il faut reconnaître, cependant, que si des parties des écrits sacrés ont été traduites dans ces différentes langues, elles ont été bientôt perdues ou détruites, ou négligées pour les versions latines les plus communes, car nous n’entendons rien de plusieurs de ces traductions de la part d’un écrivain contemporain ou postérieur. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’il était d’usage de copier des ouvrages latins et grecs, en caractères saxons, pour la commodité des lecteurs ou des apprenants saxons ou anglais. Un manuscrit des quatre Évangiles, avec des préfaces et les canons d’Eusèbe, écrits en caractères saxons dans ce siècle, se trouve dans la collection royale des manuscrits du British Museum, et Astle, dans son Origine et progrès de l’écriture, a donné des fac-similés d’autres. Un psautier qui avait appartenu à Aidhelm, écrit de la même manière, fut conservé à Malmsbury jusqu’après la Réforme.+ Dans la bibliothèque Cotton, il y a un manuscrit [Galba, A. 18] avec le Notre Père en langue grecque, écrit en caractères saxons. « C’est probablement, dit M. Turner, (Hist, of Anglo-Saxons, vol. II, p. 361), un exemple correct de la prononciation du grec, telle qu’elle a été introduite en Angleterre par Adrien et Théodore, au septième siècle ; mais cela montre certainement, dans la division des mots, combien l’écrivain comprenait peu de la langue. Je vais le transcrire, en plaçant l’original à ses côtés.

 

Le caractère que j’exprime par le K, semble placé pour KaÌ."||

* Revue classique, n° xv, p. 150.

+ Whitaker’s Cathedral of Cornwall, vol. II, p. 326, note.

|| Turner’s Hist, of the Anglo-Saxons, ut sup.

 

De tels cas doivent être considérés comme de rares preuves d’attachement à la littérature, alors que les transcriptions coûtaient cher et que les bibliothèques les plus renommées étaient composées de peu de livres. Alcuin nous a laissé le catalogue poétique suivant des auteurs de la célèbre bibliothèque d’Egbert, archevêque d’York ; « le plus ancien catalogue existant peut-être dans toutes les régions de la littérature, certainement le plus ancien existant en Angleterre —

« Illic invenies veterum vestigia Patrum,

Quidquid habet pro se Latio Romanus in orbe,

Græcia vel quidquid transmisit clara Latinis ;

Hebraicus vel quod populus bibit imbre supemo,

Africa lucifluo vel quidquid lumine sparsit ;

Quod pater Jérôme, quod sensit Hilarius, atque

Ambrosius præsul, simul, Augustinus, et ipse

Sanctus Athanasius, quod Orosius edit avitus,

Quidquid Gregorius summus docet, et Leo papa,

Quidquid de Basilius, atque de Fulgentius, coruscant,

Cassiodore item, Chrysostome atque Johannes ;

Quidquid et Athelmus docuit, quid Beda Magister,

Quæ Victorinus scripsere, Boetius atque ;

Historique! veteres, Pompée, Pline ipse ;

Acer Aristote, rhétor quoque Tullius ingens ;

Quid quoque Sedulius, vel quid canit ipse Juvencus ;

Alcuinus, et Clemens, Prosper, Paulinus, Arator,

Quid Fortunatus, vel quid Lactantius edunt ;

Quæ Maro Virgilius, Statius, Lucanus, et auctor

Artis Grammatics, vel quid scripsere Magistri ;

Quid Probus atque Focas, Donatus, Priscianusve,

Servius, Euticius, Pompée, Commenianus.

Invenies alios perplures, maître de conférences, ibid

Chers Studiis, Art et Sermone Magistros,

Plurima qui claro scripsêre volumina sensu :

Nomina sed quorum præsenti in carmine scribi

Longius est visum, quam plectri postulet usus. *

↑ Alcuinus de Pontificibus, &<?., cité dans l’Hist. de la Grande-Bretagne de Henry, t. IV, p. 33. Chapitre 34.

 

L’imitation suivante donnera au lecteur anglais une idée générale du contenu de cette célèbre bibliothèque :

« Ici, dûment placé sur une terre consacrée,

On y trouve les œuvres étudiées de plusieurs époques.

Les restes du révérend des anciens Pères ;

Les lois romaines, qui ont libéré un monde des chaînes ;

Tout ce qui s’est passé de la Grèce immortelle

Vers les terres de Latian, et l’accroissement de la richesse ;

Tous ceux qui bénissaient Israël buvaient en averses du ciel ;

Ou des hangars afriques, doux comme la rosée de même :

Jérôme, père d’un millier de fils :

Et Hilary, dont le sens s’écoule à profusion.

Ambroise, qui guide noblement l’Église et l’État ;

Augustin, bon et éminemment grand ;

Et saint Athanase, nom sacré !

Tout cela proclame la renommée savante d’Orose.

Tout ce que le noble Grégoire a enseigné ;

Ou Léon Pontife, bon sans faute ;

Avec tout ce qui brille illustre dans la page

De Basile éloquent, de Fulgentius sage ;

Et Cassiodoreavec le pouvoir d’un consul,

Pourtant, désireux d’améliorer l’heure studieuse.

Et Chrysostomedont la renommée s’envole immortellement,

Dont le style, dont le sentiment, réclament le prix.

Tout ce qu’Adhelmus a écrit, et tout ce qui en coule

De l’esprit fécond de Beda, en vers ou en prose.

Voilà! Victorinus et Boèce tiennent une place pour la sage philosophie, autrefois.

Ici l’Histoire sobre raconte son histoire antique ;

Pompée pour charmer, et Pline, ne manquent jamais.

Le Stagyrite déploie sa page de recherche ;

Et Tully flambe, la gloire de son siècle.

Ici, vous pouvez écouter des variétés séduliennes ;

Et les douces proies de Juvencus ravissent les plaines.

Alcuin, Paulin, Prosperchanter ou montrer,

Avec Clemens et Arator, tout ce qu’ils savent.

Ce qu’ont écrit Fortunatus et Lactance ;

Ce que Virgile verse dans plus d’une note agréable.

Stace, Lucain et le sage poli,

Dont l’Art de la grammaire guide un âge barbare

Enfin, tout ce que les maîtres immortels ont enseigné,

Dans toute leur riche variété de pensées.

Et comme les noms sonnent sur le rouleau de la renommée,

Donat, Focas, Priscien, Probus, prétention

Une place d’honneur, et Servius se joint à la troupe ;

Tout en se déplaçant avec la mine formée pour commander

Euticius, Pompée et Commentan, sages

Dans toutes les traditions, l’antiquité fournit.

Ici, le lecteur satisfait ne peut manquer de trouver

D’autres maîtres célèbres des arts raffinés,

Dont les nombreux ouvrages, écrits dans un style magnifique,

Réjouissez l’étudiant, et tous les soins séduisent ;

Dont les noms, une foule allongée et illustre,

Je renonce pour le moment, et je termine ma chanson.

“ D. M’Nicoll.”

Si célèbre qu’ait été cette bibliothèque, elle paraît n’avoir contenu que quatorze pères et ouvrages ecclésiastiques, dix classiques anciens, dont deux ou trois écrivains latins modernes, six grammairiens et scolyastes, et six poètes latins modernes ; c’est pourtant la bibliothèque dont parle Alcuin dans une lettre à Charlemagne : « Oh si j’avais l’usage de ces livres admirables, sur toutes les parties de l’érudition, dont j’ai joui dans mon pays natal, et qui ont été recueillis par l’industrie de mon cher maître Egbert. Qu’il plaise à Votre Majesté Impériale, dans sa grande sagesse, de me permettre d’envoyer quelques-uns de nos jeunes gens transcrire les livres les plus précieux de cette bibliothèque, et de transplanter ainsi les fleurs de la Grande-Bretagne en France. *

- ↑ Henry’s Hist, of Great Britain, t. IV, p. 32.

C’est aussi dans la première partie de ce siècle que le roi Pépin de France demanda quelques livres au pontife Paul Ier. « Je vous ai envoyé, répondit Sa Sainteté, les livres que j’ai pu trouver. » Pour un bienfaiteur tel que Pépin l’avait été pour le siège apostolique, le choix était sans doute aussi généreux que la bonne volonté et la reconnaissance pouvaient le faire : et cependant le pape ne pouvait procurer au souverain de France, et les bibliothèques de Rome ne pouvaient rien fournir de plus précieux qu’une Antiphondieet une Responsaleune Grammatica Aristotelis, (une œuvre aujourd’hui inconnue,) Dionysii Areopagitæ Libros, Geometrian, Orthographian, Grammaticam, qui étaient tous des écrivains grecs. Quoique ce soit un fait singulier que l’Angleterre ait été regardée comme un si excellent marché pour les livres, que, dès l’année 705, les livres ont été mis en vente.

§ Histoire littéraire du Moyen Âge de Berington. B. II, p. 124.

Mais malgré la rareté des livres et l’ignorance barbare qui régnait si généralement, on avait soin, dans bien des cas, d’instruire même les enfants dans la connaissance des Écritures. Bède (Eccles. Hist., lib. iii, cap. xix) dit de Furseus que, dès son enfance, il avait été bien familiarisé avec les saintes Écritures ; et Boniface (dans Vita Livini) rapporte de Livinus, qu’il fut formé dans sa jeunesse par Benignus au chant des psaumes de David, à la lecture des saints Évangiles et à d’autres exercices divins. On remarque aussi la même chose de Kilianus et d’autres ; et de la vierge Bitihildis, on raconte qu’étant couchée sur son lit de mort, elle demanda pendant plusieurs nuits consécutives qu’on brûlât une lumière et qu’on lui lût les Saintes Écritures.+

+ Discours d’Usher sur la religion anciennement professée par les Irlandais et les Britanniques, p. 4. Lond. 1687, in-4°.