DE LA NAISSANCE DU CHRIST À L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE.
CHAPITRE XI.
XIIIe SIÈCLE.
Concile de Toulouse. — De Voragine. — Versions italienne et française. — Versions allemande et islandaise. — Grosseteste. — Roger Bacon. — Bibliothèques. — Rareté des Bibles. — Stationarii. — Manuscrits des Écritures. — Expulsion des Juifs. — Recherches bibliques. — Division du texte sacré en chapitres. — Étienne Langton. — Hugo de S. Caro. — Littérature académicienne et monastique. — Juifs. — Louis IX.
Le siècle dans lequel nous entrons est surtout célèbre par la célébrité croissante de la philosophie aristotélicienne ; une philosophie qui fournissait à l’adversaire polémique des armes pour mener une guerre sans fin avec ses adversaires, et servait à confondre plutôt qu’à éclairer et à convaincre les combattants controversés. Nous ne devons donc pas nous attendre à rencontrer beaucoup d’étudiants bibliques, ou à trouver les Écritures en circulation générale. Au contraire, la disposition dominante de la hiérarchie romaine étant l’ambition, des mesures ont été prises pour empêcher les laïcs de lire sans discernement la parole de Dieu, et des traditions, des légendes et des décrets ont été substitués à sa place.
L’infâme concile de Toulouse, tenu en l’an 1229 par Romain, cardinal de Saint-Ange, et légat du pape, forma les premiers tribunaux de l’Inquisition, et publia le premier canon qui interdisait les Écritures aux laïques. Innocent III, vers la fin de ce siècle, avait chargé certains moines cisterciens de dénoncer les hérétiques au magistrat civil pour y être punis corporellement ; et Dominique, le célèbre Espagnol, fondateur de l’ordre des Dominicains, ou Frères Prêcheurs, avait reçu plus tard une commission semblable ; mais c’est dans le concile de Toulouse que l’Inquisition reçut sa désignation par le décret, pour l’érection dans chaque ville d’un conseil d’inquisiteurs, composé d’un prêtre et de trois laïcs. En 1233, Grégoire IX. nomma deux frères dominicains du Languedoc les premiers inquisiteurs, charge qui lui fut confiée par les pontifes successifes. ♦
♦ Hist. ecclésiastique de Mosheim, t. III, p. 269. 4. Butler’s Lives, vol. VIII, <> août.
Basnage Hist de 1’Eglise, tom. ii, liv. 24, ch. ix, p. 1429. Amsterdam, 1629, foL
Le canon interdisant les Écritures est formulé dans les termes suivants :
Prohibemus etiam, ne libros Veteris Testamenti aut Laid permittantur habere : nisi forte Psalterium, vel breviarium pro divinis officis, aut Horas Beatæ Marice, aliquis ex devotione ha-here velit. Sed ne præmissos libros habeant in vulgari translatas, arctissime inhibemus.♦
♦Labbei Sacro-Sancta Concilia, tom. II, pt. Ier, p. 430.
Nous défendons aussi aux laïcs de posséder aucun des livres de l’Ancien ou du Nouveau Testament, à moins peut-être que quelqu’un, par dévotion, ne veuille avoir le Psautier ou le Bréviaire pour les offices divins, ou les Heures de la Sainte Vierge. Mais nous leur défendons formellement de faire traduire aucun de ces livres en langue vulgaire.
Une politique semblable à celle de l’Église de Rome est encore suivie par les adorateurs idolâtres de Brahma, dans l’Hindoustan, comme elle l’était dans les siècles passés par les prêtres d’Égypte, les idolâtres de Rome, et beaucoup d’anciennes sectes hérétiques parmi les chrétiens, car seuls les Brahmanes ou la tribu sacrée peuvent lire les Védas ou des livres saints ; et seuls les Khatries ou les militaires peuvent les entendre lire, tandis que les deux autres castes ou tribus plus peuplées, les Bhyse et les Sudra, ou les marchands et les cultivateurs, seuls les Sastras , ou les commentaires sur les Védas, sont accessibles. Cette interdiction s’étend également au Ramayana, un poème sacré, qui est si vénéré que les Sudras ne sont pas autorisés à le lire. À la fin de la première section, il y a une promesse d’avantages à ceux qui le lisent ou l’entendent dûment ; « Un brahmane qui le lit acquiert de l’érudition et de l’éloquence, un Kshettria deviendra un monarque, un Vaysia obtiendra de vastes profits commerciaux, et un Sudra qui l’entendra deviendra grand. » +
+ Panthéon hindou de Moor, p. 189. Lond. 1810, in-4°. Sermon de Wrangham sur la Traduction des Écritures dans les langues orientales, p. 37, note. Camb. 1807. Usserii, Hist. Dogmat., cap. Ix.
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L’infâme tentative du concile de Toulouse n’eut heureusement qu’une influence partielle ; des traductions en langue vernaculaire furent faites dans certains cas en différentes langues, et des laïcs continuèrent à lire les parties des Écritures que la rareté des copies ou la pauvreté de leur situation leur permettaient de posséder. Sixte Senensis, dans sa Bibliotheca Sancta , dit que Jacques de Voragine, archevêque de Gênes, et auteur d’une histoire de cette république, traduisit l’Ancien et le Nouveau Testament en italien, avec diligence et fidélité. Et le père Simon parle de cette traduction de la Voragine, comme la plus ancienne de la langue italienne, et remarque que le jésuite Possevin s’y oppose comme étant inexacte, mais que d’autres l’ont beaucoup estimée ; l’éditeur de ses " Sermons " déclare également qu’il a été le premier à traduire toute la Bible en langue italienne. Le Long est cependant porté à mettre en doute l’existence d’une telle version, et donne pour raisons le silence d’Antonin, de Trithème, de Castille et de Voragine lui-même dans son Histoire de Gênes ; et l’information de Muratori, qui avait consulté le célèbre Magliabechi, qu’on ne rencontrait aucun exemplaire des Écritures dont le titre portait le nom de Voragine dans les bibliothèques de Rome ou de Florence, de Modène ou de Milan : mais comme nous ne pensons pas que le silence des auteurs mentionnés par Le Long soit suffisant pour s’opposer au témoignage positif de critiques bibliques tels que Sixte Senensis et Simon ; et comme on peut facilement supposer que l’auteur d’une histoire de la république de Gênes aurait pu être le traducteur de la Bible, sans en introduire la notice dans son ouvrage historique ; et comme il est bien connu que beaucoup d’anciens traducteurs des Écritures n’ont jamais apposé leur nom sur leurs traductions, nous hésitons à rayer De Voragine de la liste des traducteurs de la Bible. Il faut cependant reconnaître que F. Simon, dans un autre de ses ouvrages, conjecture que l’archevêque n’a publié qu’une traduction italienne de l’Historia Scholastica de Comestor, qui était alors très estimée et lue plus fréquemment que le texte de la Bible.♦
♦ Sixt. Senens. Biblioth. Sanct., lib. iv. Simon, Histoire Critique du V. T. Bibles en Langue Vulgaire, p. 595, in-4°. Le Long, Biblioth. Sacra, tom. I, cap. IV, art. 2, p. 353. Paris, 1723. Simon’s Critical Hist, of Versions of N. T., t. ii, ch. xl, p. 335.
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Jacques de Voragine, ou Voraigne, était originaire de VORAGINE, ville située sur la côte de la mer, non loin de Gênes. Il était célèbre pour ses lectures variées et étendues, pour son éloquence dans la déclamation et son élégance dans l’écriture, en particulier dans sa langue maternelle. Studieux dans les œuvres des pères, il aurait mémorisé la quasi-totalité des écrits d’Augustin. En tant qu’écrivain d’histoire, il atteignit au moins la médiocrité ; et, en tant qu’érudit biblique, il s’est assuré les éloges des critiques qui lui ont succédé. Conformément à la pratique de l’époque où il vivait, il employait une partie de ses heures de loisir à la compilation de sa célèbre Légende dorée, ou Vies des Saints, dans laquelle il étudiait malheureusement le divertissement aux dépens de la crédibilité, et, « à l’imitation de Tite-Live, faisait souvent parler sa propre langue aux martyrs ». Il était frère de l’ordre de Saint-Dominique et archevêque de Gênes. Il meurt en 1298.
Outre les ouvrages déjà mentionnés, il est l’auteur de Sermons latins pour tous les dimanches et fêtes de l’année, et de cent soixante sermons en latin, intitulés Mariale, sur les titres et les vertus de la Sainte Vierge, classés par ordre alphabétique, tous édités par Rodolphe Clutius, B. D., dominicain, et imprimés par Pet. Cholin, à Mentz, 1616, in-4°. Il écrivit aussi pour la défense de l’ordre dominicain ; et a publié un livre De Opusculis D. Augustini.♦
♦ Sixt. Senens. Biblioth. Sanct., lib. iv. Le Long, ut sup. Jacobi de Voragine Ser-mones Aurei. Mogunt. 1616, 4to.
Une version française de la Bible est attribuée à Guiars des Moulins, chanoine de Saint-Pierre d’Aire, qui florissait dans ce siècle, mais, comme nous l’avons déjà vu (p. 310), il est probable qu’il ne s’agissait que d’une traduction de l’Historia Scholastica de Comestor.
Les Albigeois, qui habitaient certaines parties de l’Espagne, furent probablement les auteurs de certaines versions espagnoles, interdites par Jacques Ier, roi d’Arragon, mort en 1276 ; et qui, par une loi qu’il passa, ordonna que « personne ne possédât les livres de l’Ancien ou du Nouveau Testament dans le roman, ou en langue vulgaire ; et que quiconque en possédait quelques-uns, et ne les apportait pas à l’évêque du lieu, pour être brûlés , serait considéré comme suspect d’hérésie, qu’il fût du clergé ou des laïcs. + Vers la fin de ce siècle, cependant, Alphonse le Sage, roi de Castille, agit avec plus de pieuse libéralité, en procurant une traduction de la Bible en dialecte castillan, et en la rendant accessible aux plus illettrés. C’était vers 1280 apr. J.-C.++־
+ Du Cange, Glossar., v. Romancium. Calmet, Diet, de la Bible, Bibles Espagnoles.
++ Le Long, Biblioth. Sacra, p. 361.
Dans la bibliothèque impériale, à Vienne, il y a un manuscrit in-quarto sur parchemin, contenant des fragments de l’Ancien et du Nouveau Testament, en langue ancienne allemande, principalement en vers, et écrit dès l’an 1210. Goldastus, dans son Rerum Alimannicarum Scripto· rhum, remarque une très élégante Paraphrase de l’Ancien Testament, en vers allemands, écrite à la demande de l’empereur Conrad IV. par Rodolphe ab Ems, vers l’an 126O.§
§ Le Long, Biblioth. Sacra, p. 377. Usserii Hist. Dogmat., p. 1S2.
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L’extrait suivant de Petrus Undalensis, conservé par Am-grim , dans son Specimen Islandice Historicum, donne lieu de croire qu’une version islandaise des Écritures existait au XIIIe siècle, chez un peuple qui cultivait la littérature et la science, à une époque où beaucoup d’autres parties de l’Europe étaient plongées dans la léthargie et ensevelies dans l’ignorance monastique :
« Un Norvégien de Welburdig, Erick Brockenhuss, en tant que heath épousa Anno 1567. haffde Mandais leen in Befalinngh said vvdi Truth, att hafihe seet, the Gandish Bible vvdsett på Islendske maal, skreffnen for 300. Aar seden, och, den første Bogstaff i hver Capittel vvaar förgylltt, &c. »
C’est par là que nous apprenons qu’Éric Brockenhusius, gouverneur de Mandale, en Norvège, affirma qu’en l’année 1567 il avait vu un exemplaire de la Bible en langue islandaise, qui avait été traduit trois cents ans avant cette date, et que les lettres initiales des chapitres étaient ornées d’or. La probabilité qu’une tentative ait été faite vers cette époque pour communiquer une certaine connaissance des Écritures, dans l’idiome vernaculaire, est corroborée par le révérend Dr Ebenezer Henderson, dans le rapport de sa visite dans cette île en 1814, dans le but de mettre à exécution les plans de la Société biblique britannique et étrangère. « Partout où j’allais, dit-il, le peuple me recevait à bras ouverts, et se plaignait tristement du manque des Écritures. Dans la paroisse de Kalfafell, qui contient soixante-dix âmes, je n’ai trouvé qu’une seule Bible, outre celle de l’église : et, ce qui est remarquable, dans la paroisse de l’abbaye de Thyckvabæ, où , vers le milieu du treizième siècle, on essaya pour la première fois de traduire les Écritures en langue vernaculaire. On n’en a pas trouvé un seul exemplaire à l’heure actuelle ! Dans sa publication ultérieure et très intéressante, intitulée « Iceland, or a Journal of a Residence in that Island », il a favorisé le public avec une vue historique des traductions islandaises, dans laquelle il remarque que le livre que Brockenhusius a vu, était, très probablement, « une copie du célèbre ouvrage intitulé Stiorn, qui a été composé vers le milieu du XIIIe siècle. par Brandr Jonson, alors abbé de . monastère de Thyckvabæ, dans la partie orientale de l’Islande, et ensuite évêque de Holum. Cet ouvrage, qui a été écrit en 1255, sur l’ordre du roi Magnus Haconson, qui s’est rendu célèbre en réduisant les différents livres de la loi norvégienne à un seul grand code, contient une vue de l’histoire sacrée de la créa· tion à la captivité des rois juifs. En de nombreux endroits, une version littérale est donnée du texte de la Vulgate ; dans d’autres, l’histoire sacrée est paraphrasée, entrecoupée de contes légendaires et d’interprétations fantaisistes ; et dans certains, rien de plus n’est exposé qu’un bref compendium du contenu des récits de l’Écriture. Les interprétations du texte sont pour la plupart tirées de l’Historia Scholastica de Pierre Comestor ; bien que l’on fasse un usage considérable du Speculum Historiale et des écrits des pères. Le Dr Henderson ajoute : « D’après les quelques documents qui nous ont été transmis, relatifs à l’état de la littérature sacrée en Islande, sous le règne de la superstition, il semblerait que les copies même de la Vulgate n’aient rien de commun ; et le savant évêque Jonson suppose, (Hist. Eccles. Island., t. II, p. 183), que dans de nombreux cas où il est fait mention de l’usage du livre saint (helga boc) dans l’administration des serments, il ne s’agit que d’une image ou d’une représentation des Évangiles taillée dans le bois, et peinte ou coulée dans un moule, dont on a encore trouvé des reliques de son temps dans le monde. cathédrale de Skalhollt. Les Psaumes de David en latin, cependant, se rencontraient plus fréquemment ; et ceux qui étaient d’une rigueur distinguée dans leurs dévotions, se consciencieusement.de répéter quotidiennement un tiers du Psautier. La seule tentative qui ait été faite pour communiquer la connaissance des oracles divins à d’autres, semble avoir été due au zèle de Thorlak Runolfson, qui vivait au douzième siècle, et dont il est dit dans le Hungurvaka, qu’il lisait des conférences sur les Saintes Écritures, mais que ces conférences fussent publiques, et dans la langue vernaculaire, ou simplement délivré à ceux qui étaient destinés au sacerdoce, ne peut être déterminé maintenant.♦
♦Henderson’s Iceland, vol. II, Append. t. I, p. 252 à 261. Edin. 1818, in-8°. Am-grim, Specimen Islandiæ Historicum, pt. ii, Memb. 2, p. 128. Amstel. 1643, in-4°. Douzième rapport de Brit, et pour. Société biblique, p. 204.
Dans les Pays-Bas, les Vaudois ont transformé les Écritures en rimes en bas hollandais, selon la coutume de ces siècles, et à l’imitation de celles des anciens Teutons, ou Germains, qui avaient l’habitude de consigner en vers leurs affaires les plus mémorables. Nous en donnerons les raisons dans leurs propres termes : « ־Dat daer in was groote nutschap ; pas de boerte, pas de fabulen, pas de truffe, pas de falserde ; De plus, il n’y a pas d’autre moyen d’empêcher que l' Dat hier endaer wel was een herde coerste, mer dat het pit ende die soethit van goet en selicheit der in wel was te bekin-nen. » « Qu’il y avait un grand avantage à cela, [la Bible], pas de plaisanteries, pas de fables, pas de bagatelles, pas de tromperies, mais les paroles de vérité. Qu’en effet il y avait çà et là une croûte dure. Mais la moelle et la douceur de ce qui était bon et saint pouvaient facilement y être découvertes.+
+ Brandt’s Hist, of the Reformation, vol. I, b. i, p. 14. Lond. 1720, fol.
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On s’est demandé, et apparemment avec raison, si une traduction de toute la Bible en anglais avait eu lieu au cours de ce siècle ; car, bien que le Dr Thomas James, dans son traité « De la corruption de l’Écriture », suppose que trois des manuscrits de Bibles conservés dans les différentes bibliothèques d’Oxford sont de cet âge ; ils sont, avec plus de probabilité, renvoyé par d’autres critiques à une date ultérieure. Des traductions partielles de la Bible, en effet, ont été faites à peu près à cette époque, « mais ce n’étaient que des traductions de certaines parties de la Bible. l’Ancien Testament, comme le Psautier, les Leçons et les Hymnes de l’Église, et du Nouveau Testament, ou plutôt de quelques-uns de ses livres, et semblent ne pas avoir été publiés, mais faits uniquement pour l’usage personnel du traducteur.♦ Il convient cependant de noter que le savant Dr A. Clarke, dans la préface générale de son Commentaire, donne plusieurs extraits d’une traduction glosée qu’il a en sa possession, et qu’il dit avoir été « écrite, probablement, avant l’époque de Wicliff et que Sir William Thoresby, qui était archevêque d’York au XIVe siècle, fit rédiger un traité en anglais, par un ecclésiastique, du nom de Garryk, « dans lequel étaient con-teyndés les artycles de Belefe, le vii. Dedly Sines, le VII. ouvrages de marcy, les x. commaundements, et les envoya en petits pagy-antes au peuple, pour le lire et dans ce traité remarque, qu’un homme de Londres, dont le nom était Myringe, avait un Byble en Angleterre de speche du Nord qui était sene de beaucoup d’hommes, et il semblait être C. yeres 01d. »+
♦ Lewis’s Hist, of English Translations, p. 17. Lond. 1739, 8 vol. Traité de la corruption de l’Écriture de Jacques, &c., t. II, p. 74. Lond. 1611, in-4°. Récit historique des versions saxonnes et anglaises de Baber, p. Ixviii.
+ Antiquités typographiques de Dibdin, vol. III, p. 257, 258.
Mais bien qu’il ne soit pas certain qu’une traduction complète de toute la Bible ait été faite ou non, il est certain qu’il y avait quelques hommes éminents qui prospéraient à cette époque en Angleterre et qui étaient de fervents défenseurs de la diffusion de la connaissance des Écritures. L’évêque Grosseteste, et Roger Bacon, en particulier, méritèrent la gratitude de l’époque dans laquelle ils vivaient, par leur opposition aux corruptions papales et par leur promotion des acquis bibliques et scientifiques.
Robert Grosseteste, ou Grosthead, semble avoir été une personne de parenté obscure, et né vers l’an 1175, à Stradbrook, dans le Suffolk. Après avoir étudié à Oxford, où il jeta les bases de sa connaissance des langues grecque et hébraïque, et de la philosophie aristotélicienne, il se rendit à Paris, où il perfectionna sa connaissance des langues sacrées et devint un parfait maître du français. C’est là aussi qu’il acquit des connaissances diverses, qui non seulement firent de lui l’un des premiers théologiens et philosophes de l’époque, mais le soumirent à la calomnie de quelques-uns de ses contemporains ignorants, qui l’accusèrent de nécromancie ou de magie.
En 1221, les Dominicains, qu’on appelait Frères Noirs, à cause de la couleur de leur vêtement de dessus , débarquèrent dans ce pays, et trois ans plus tard ils furent suivis par les Franciscains ou Frères Gris. L’université d’Oxford était leur station favorite, où ils ouvrirent bientôt leurs écoles, et Grosseteste, par sa partialité pour les franciscains, fut amené à devenir leur premier professeur. On raconte une anecdote curieuse à son sujet et à propos du supérieur de l’ordre : « Le supérieur, qui était lui-même dépourvu d’instruction, mais qui se glorifiait des talents de son professeur, était désireux de s’assurer, s’il était possible, des progrès que les élèves avaient faits, et il entra donc un jour à l’école pendant qu’ils répétaient leurs questions ; quand il découvrit, à son grand étonnement, que la question qui se posait à eux était : Y a-t-il un Dieu ? « Hélas ! Hélas ! s’écria le bonhomme, l’ignorante simplicité gagne chaque jour le ciel ; tandis que ces savants disputeurs discutent de l’existence du Maître du ciel. Après cela, on dit qu’il s’est empressé de tourner leur esprit vers des études plus substantielles.♦
♦ Hist. littéraire du moyen âge de Berington, t. V, p. 364.
Les hautes vertus et la réputation de notre divin lui valurent le siège de Lincoln, auquel il fut appelé en 1235. Après son élection, il se consacra religieusement aux devoirs de sa charge, et prit des mesures énergiques pour la réforme des abus, et pour l’instruction des prêtres et du peuple de son diocèse, qui manquaient lamentablement des premiers rudiments de la science chrétienne. Il parcourut les divers archidiaconés et doyennés, convoqua le clergé et le peuple, prêcha au clergé, et fit donner des conférences au peuple par un frère de l’ordre dominicain ou franciscain, entendit ses confessions et confirma les enfants. Il imposait les devoirs de la vocation cléricale par des injonctions autoritaires, par des conseils personnels et par un traité écrit expressément « De la pastorale ». L’une de ses constitutions ordonne « que les prêtres enseignent le Décalogue à leurs paroissiens », une autre ordonne « aux recteurs des églises, et aux curés, d’instruire diligemment les jeunes de leurs paroisses respectives, afin qu’ils puissent être capables de réciter le Notre Père, le Credo et la Salutation de la Sainte Vierge et ajoute : « Parce qu’il est rapporté que beaucoup d’adultes ignorent ces choses, Nous ordonnons que lorsque les laïcs viennent se confesser, ils soient examinés, qu’ils les connaissent ou non ; et, s’il le faut, qu’ils soient instruits par les prêtres. Dans son Traité de la pastorale, il exhorte le prêtre à prêcher diligemment la parole de Dieu, qui est « la nourriture de l’âme, puis il poursuit : « Si quelqu’un dit : il ne sait comment, le remède convenable est qu’il renonce à son bénéfice ; Je puis lui parler d’un meilleur remède : que chacun de ces prêtres ou prêtres apprenne à fond, chaque semaine, le texte seul (c’est-à-dire sans glose ni commentaire) de la leçon de l’Évangile fixée pour le dimanche suivant, afin qu’il puisse, au moins, répéter l’histoire elle-même au peuple. Et ceci, dis-je, c’est que s’il comprend le latin, et qu’il s’adonne régulièrement à cette pratique chaque semaine, il en profitera beaucoup. Mais, s’il ignore le latin, qu’il aille trouver quelqu’un près de lui, qui le lui expliquera gaiement, et par ce moyen lui permettra d’instruire aussi ses ouailles. C’est ainsi qu’en un an il peut répéter les épîtres pour les fêtes ; et dans un autre, les « Vies des Saints ». « ♦ Aux régents de théologie de l’université d’Oxford, il écrivit une lettre pathétique, les suppliant instamment de jeter les bases de l’apprentissage théologique dans l’étude des Écritures ; et de consacrer les heures du matin à des conférences sur l’Ancien et le Nouveau Testament. Il apparaît aussi par le passage suivant, cité de ses écrits par l’auteur d’une ancienne traduction anglaise de la Bible, qu’il était un ami convaincu des traductions vernaculaires des Écritures : « Deus voluit, ut plures interpretes S. Scripturam transferrent, et diversæ Translationes in ecclesiâ essent ; idcirco ut quod unus obscuriùs dixerat, alter manifestiùs redderet. » + « C’est la volonté de Dieu que les Saintes Écritures soient traduites par de nombreux traducteurs, et qu’il y ait différentes traductions dans l’Église, afin que ce qui est obscurément exprimé par l’un, puisse être traduit avec plus de perspicacité par l’autre. »
♦ « Les Légendes, ou Vies des Saints, étaient, autrefois, constamment lues dans les églises. »
+ Whartoni Auctarium Hist. Dogmat., cap. t. II, p. 416 à 418. Henry’s Hist, of Great Britain, vol. VIII, b. iv, ch. iv, p. 181. Gratii Fascic., tom. ii, Ep. 123, p. 392, 410.
Il abolit la fête des ânes, qui était célébrée chaque année dans la cathédrale de Lincoln, le jour de la fête de la circoncision, les pièces de théâtre miraculeuses et le Maii Inductio, ou cérémonies pratiquées le premier mai.++ Il défendit aussi aux archidiacres de son diocèse d’autoriser les Scot-Ales§ dans leurs chapitres et synodes , et autres Ludi, ou jeux et passe-temps les jours de fête. (Gratii Fascicul, t. II, Ep. 22, 107, pp. 314, 382, 411, 412.)
++ C’était une ancienne coutume pour le curé et les gens des villages de campagne, d’aller en procession dans quelque bois voisin, un matin de mai, et de revenir en une sorte de triomphe, avec un mât de mai, des branches, des fleurs, des guirlandes et d’autres signes du printemps. Ce jeu de mai, ou réjouissance à l’arrivée du printemps, et appelé Maii Inductio, a été observé depuis longtemps, et des traces en subsistent encore dans certaines parties de l’Angleterre. Il était dérivé de la fête païenne de Flore, la déesse des fruits et des fleurs, célébrée avec toutes sortes d’obscénités et de lubricité, les quatre derniers jours d’avril et le premier de mai. Observations de __Brand sur les antiquités populaires, ch. xxv, p. 283, &c. Lond. 1810, 8 vol. Tiliot, Mémoires pour servir à l’histoire de la Fête des Faux, pp. 26-32. Lausanne et ־ Genève, 1751, 12mo.
§ Scot-Ales. La nature de ces compotations sera mieux comprise par les deux
les constitutions suivantes ; la première par Edmund Rich, archevêque de Cantorbéry, A. D. 1236 ; le second par Simon Langham, archevêque de Cantorbéry, A. D. 1367. Voir Johnson’s Collection of Ecclesiastical Laws, vol. II, sub. ann.
» 6. Nous défendons entièrement aux ecclésiastiques la mauvaise pratique par laquelle tous ceux qui boivent ensemble sont obligés d’avoir des breuvages égaux, et celui qui enlève le crédit à celui qui a le plus enivré, et enlevé les plus grandes coupes : c’est pourquoi nous défendons à tout forcé de boire : que celui qui est coupable soit suspendu de ses fonctions et de son bénéfice, selon les statuts du concile, » (de Latran, 1216, ch. xv,) « à moins que, sur l’avertissement de son supérieur, il ne fasse une satisfaction compétente. Nous interdisons aux prêtres de publier des Scot-Ales. Si un prêtre ou un clerc fait cela, ou s’il est présent à Scot-Ales, qu’il soit puni canoniquement.
2. — Lorsqu’une multitude d’hommes, au nombre de plus de dix, restent longtemps ensemble dans la même maison pour boire, nous déclarons que ce sont des beuveries ordinaires. Mais nous n’entendons pas comprendre les voyageurs et les étrangers, et ceux qui se rencontrent (quoique dans les tavernes) dans les foires et les marchés, sous cette interdiction. Détestant ces beuveries ordinaires , qu’ils appellent Charity Scot-Ales, par un changement de nom, nous demandons que les auteurs de ces beuveries, et ceux qui s’y réunissent publiquement, soient publiquement et solennellement dénoncés excommuniés, jusqu’à ce qu’ils en aient donné satisfaction et qu’ils aient mérité le bénéfice de l’absolution. Voir aussi Du Cange, Glossar. . ® « Scotallum. »
C’était un érudit universel, et non moins versé dans les lettres polies que dans les sciences les plus abstruses. La langue grecque, il la cultivait et la patronnait plus que la plupart de ses contemporains. Il traduisit Denys l’Aréopagite et Damas en latin. Il est également l’auteur de la première traduction latine du Lexique grec de Suidas, à l’époque presque une compilation récente. Il promut Jean de Basingstoke à l’archidiaconé de Leicester, principalement parce qu’il était un érudit grec et qu’il possédait de nombreux manuscrits grecs, qu’il aurait apportés d’Athènes en Angleterre ; et il reçut comme domestique dans son palais Nicolas, chapelain de l’abbé de Saint-Alban, surnommé Græcus, à cause de sa rare maîtrise du grec. Avec l’aide de Nicolas, il traduisit du grec en latin les Testaments des douze patriarches, qui avaient été découverts à Athènes par l’archidiacre Basingstoke, et qui, dit-on, avaient été traduits de l’hébreu en grec par Chrysostome. Cet ouvrage, à cause de l’état médiocre de la critique à cette époque, était considéré comme un trésor inestimable, et le traducteur était censé avoir enrichi l’Europe de la connaissance d’un monument précieux de l’antiquité sacrée. Les critiques modernes ont exposé ses défauts et l’ont placé dans la liste des faux écrits, à l’exception de l’excentrique Whiston, qui a tenté de le défendre, ♦ et en a publié une traduction anglaise dans sa Collection de documents authentiques appartenant à l’Ancien et au Nouveau Testament.
♦ Warton’s Hist, of English Poetry, vol. I, dis. 2. Whiston’s Collection of Anthen tic Records, vol. i, pt. i, pp. 294-443. Lond. 1727, in-8°.
Plusieurs des œuvres populaires de l’évêque sont en français, en particulier ses compositions métriques, qui témoignent d’une prédilection pour le mètre et la musique des ménestrels français. Son Manuel de Pêche , ou « Manuel du péché », est un long ouvrage, et traite du Décalogue et des sept péchés capitaux, qui sont illustrés de nombreuses histoires légendaires. Il a été traduit en anglais en 1303 par Robert Manning, ou De Brunne, avec un dessin pour être chanté à la harpe lors de divertissements publics. Son Château d ? L’Amour, ou « Cas-tie de l’Amour », est une allégorie religieuse, dans laquelle les articles fondamentaux de la croyance chrétienne sont représentés sous les idées de chevalerie. « Il a l’air d’un système de divinité écrit par un troubadour. »♦ Le poème commence par les vers suivants, dont les sentiments sont excellents, bien que le langage soit suranné :
“ Ki pense ben, ben peut dire ;
Sanz penser ne poet suffise :
De nul bon oure commencer
Deu nos dont de li penser
. Dont, par lequel, l’un, sont
Tos les biens ki font en el mond.”
Ils sont ainsi paraphrasés dans une traduction faite, probablement, sous le règne d’Édouard Ier :
« Ce que le bien pense, le bien peut le faire,
Et Dieu l’aidera à :
Ffor nas nas jamais bon travail wrougt
Avec oute biginninge de bon thougt.
Ne never was wrougt non vuel+ thyng
That vuel thougt nas the biginnyng. Dieu ffuder, et sone et holigoste
Ce truc allé sur eorthe sixt++ et wost,
Que l’art et le frisson d’un seul Dieu, §
Et threo persones dans un hod, ||
Sans fin et sans biginninge,
À qui nous avons ougten sur alle thinge
Worschepe le d’amour trewe,
Que le roi de la parenté nous sommes là-haut,
En qui, de qui ! Et c’est là qu’il faut
Tous les bons schipes que nous louons i seoth
Il nous leva alors et nous porta ainsi,
Qu’il us schylde de vre fo. » ♦♦
♦Les troubadours étaient des ménestrels ou poètes français, qui florissaient principalement en Provence, au cours des XIIe et XIIIe siècles.
+ Eh bien, bien, t
++Le plus élevé. C’est l’explication du terme telle qu’elle est donnée par Warton ; Mais il y a probablement une erreur dans la première lettre, et que le mot doit être fait, établi, placé, comme le mot suivant wost est évidemment de l’ancien verbe west, connaître.
§ Trinité.
|| Unité.
♦♦Hist. de la poésie anglaise de Warton, t. I, p. 79, 80.
Il commença aussi un commentaire sur le Psautier, bien qu’il ne vécut pas assez longtemps pour le terminer. On trouvera la liste de ses principaux ouvrages dans l’Historia Litteraria de Cave, sæc. xiii, p. 716, 717. Lond. Année 1688.
Grosseteste était l’adversaire résolu du système d’extorsion de la cour romaine, qui ne fut jamais plus durement ressenti ; et le dégoût qu’il éprouvait de la conduite du pape, qui essayait d’introduire ses serviteurs italiens dans les bénéfices les plus opulents, se découvrit dans le mépris avec lequel il traitait les ordres du pontife. Souvent, il jetait avec indignation les bulles papales hors de ses mains, et refusait absolument de s’y conformer, disant qu’il serait l’ami de Satan s’il confiait le soin des âmes à des étrangers. Il refusa même de nommer le neveu d’Innocent lui-même à un canonicat dans la cathédrale de Lincoln, ce qui exaspéra tellement le pontife, qu’il s’écria violemment : « Qui est ce vieux dotard qui ose juger mes actions ? Par Pierre et Paul, si je n’étais pas retenu par ma générosité, je ferais de lui un exemple et un spectacle pour toute l’humanité. Le roi d’Angleterre n’est-il pas mon vassal et mon esclave ? Et si je lui donnais l’ordre, ne le jetterait-il pas en prison, et ne l’accablerait-il pas d’infamie et de honte ? Les cardinaux, cependant, s’efforcèrent d’apaiser son ressentiment en lui montrant le danger qu’il courait lui-même et la grande réputation de l’évêque. Mais la fureur d’Innocent ne devait pas être apaisée, et il prononça la sentence d’excommunication contre Grosseteste, et nomma Albert, l’un de ses nonces, à l’évêché de Lincoln. Le caractère élevé de l’évêque rendit inoffensif le tonnerre du Vatican, les ordres du pape furent universellement négligés, et l’évêque demeura dans la paisible possession de sa dignité.+
+ Milner’s Hist, de l’Église du Christ, vol. IV, pp. 48, 51, 52. Fox’s Actes and Monuments, vol. I, pp. 405-410. Lond. 1570, fol.
Cet excellent dignitaire de l’église mourut à Buckden, dans le Huntingdonshire, le 9 octobre 1253.
Roger Bacon, ami et contemporain de Grosseteste, naquit à Ilchester, dans le Somersetshire, en l’an 1214. Après avoir terminé les études élémentaires de grammaire et de logique à Oxford, il se rendit à Paris pour assister aux cours des professeurs célèbres de cette université. C’est là qu’il s’appliqua assidûment à la connaissance des langues, de l’histoire, de la jurisprudence, des mathématiques et de la médecine, complétant le tout par l’étude de la théologie. Les renseignements qu’il ne pouvait obtenir de précepteurs vivants, il les puisa avec une infatigable industrie dans les mines de l’érudition grecque et arabe. Vers l’an 1240, ayant été admis au grade de docteur, il retourna en Angleterre, prit l’habit franciscain, et, dans la retraite de sa cellule, poursuivit ses études avec une ardeur croissante. Choisi pour donner des conférences à l’université d’Oxford, il dépensa d’immenses sommes en livres et en autres moyens de parfaire ses connaissances et ses découvertes. « En vingt ans, dit-il, pendant lesquels j’ai été particulièrement occupé à l’étude de la sagesse, négligeant toutes les attentions vulgaires à l’argent, j’ai dépensé plus de deux mille livres sterling en livres de secrets, en expériences diverses, en langues, en instruments, en tables et en autres moyens pour obtenir l’amitié des sages. et d’instruire l’esprit de mes auditeurs.♦C’était une somme presque incroyable, quand le revenu d’un vicaire n’était que de cinq marcs, ou de 3 livres 6 shillings. 8 d. ; et le salaire d’un juge n’est que de 40 livres !+ et par conséquent égale en efficacité à 30,000 £ de notre monnaie à l’heure actuelle. Nous ne savons, en effet, qui applaudir le plus, ses généreux amis et mécènes, qui lui ont permis de dépenser une si grosse somme ; ou le désintéressement du conférencier lui-même, qui a perdu de vue son propre émolument dans le désir de l’amélioration des autres. Rarement, cependant, l’argent a été mieux employé ; car, dans le cours de ses expériences, il a, dit-on, fait un plus grand nombre de découvertes utiles et surprenantes en géométrie, en astronomie, en physique, en optique, en mécanique et en chimie, qu’il n’en a jamais fait par un seul homme, dans un espace de temps égal. Parmi les découvertes de cette sommité de son siècle, on trouve l’énumération : la découverte de la durée exacte de l’année solaire, et la méthode de corriger toutes les erreurs du calendrier ; de l’art de fabriquer des lunettes de lecture, la camera obscura, des microscopes, des télescopes et divers autres instruments mathématiques et astronomiques ; de la composition de la poudre à canon, et de la nature du phosphore ; la méthode de fabrication des élixirs, des teintures, des solutions, et d’effectuer beaucoup d’autres opérations chimiques ; de l’art de combiner et d’employer les forces mécaniques dans la construction de machines capables de produire les effets les plus extraordinaires ; et de divers remèdes dans la science de la médecine.♦♦
♦Leland. Coll., iii, 333, cité dans Whitaker’s Cathedral of Cornwall, vol. II, ch. vii, ·ec. iii, p. 335.
+Chronicon Preciosum, p. 131, 155, 156. Lond. 1707, in-8°.
♦♦ Henry’s History of Great Britain, vol. VIII, b. iv, ch. iv, sec. 2, pp. 217-220. Enfield’s Hist, of Philosophy, vol. ii, b. vii, ch. iii, pp. 376-378.
Mais si étonnantes qu’aient été ses réalisations en tant que philosophe naturel, c’est surtout en tant que divin et promoteur de la connaissance biblique qu’il réclame aujourd’hui notre estime ; et l’on découvrira avec plaisir que, si ardentes que fussent ses recherches scientifiques, non seulement elles ne l’empêchaient pas d’étudier les Écritures, mais qu’elles étaient sanctifiées par leur application aux desseins sacrés de la religion. Dans un traité adressé au pape Clément, il montre la nécessité de comprendre les langues grecque et orientale, afin de s’assurer du vrai sens et de la vraie lecture des Écritures, qui, dit-il, ont été misérablement corrompues, principalement par l’ignorance profonde des transcripteurs et des pseudo-critiques, qui les ont souvent corrompues en essayant imprudemment de les corriger. Il entre aussi dans une savante discussion des traductions en usage dans les églises grecque et romaine, et examine particulièrement les traductions de Jérôme ; et remarque que celle généralement adoptée par les Latins était une de celles qui furent exécutées par Jérôme, et qu’elle avait obtenu la sanction et l’usage universels à cause de son exactitude et de sa perspicacité : « Cujus editione generaliter omnes ecclesiæ utuntur, pro eo quod veracior sit in sententiis, et clarior in verbis. » Il s’insurge en outre contre la pratique des professeurs de théologie, qui préféraient la philosophie des scolastiques, ou des suiveurs de. Aristote, aux vérités claires de l’Écriture ; et lire des conférences sur les Sentences++ de préférence à la Bible, comme l’une des causes de l’indifférence générale à l’égard de la littérature biblique.+++
++ Pierre Lombard, un théologien français du XIIe siècle, a écrit une qu’il intitula Magister Sententiarum, « Le Maître de la Sentences », dans lequel il illustrait les doctrines de l’Église par des sentences recueillis auprès des Pères, avec des questions choisies pour la discussion ; une œuvre qui obtint l’autorité universelle dans les écoles théologiques, et sur d’innombrables commentaires ont été écrits.
+++ Hody, De Bibliorum Text. Orig., lib. III, partie II, ch. XI, p. 419-428.
Dans un autre ouvrage, adressé au même pontife, et destiné à obtenir la sanction pontificale de ses efforts pour une connaissance plus générale des langues originales du livre sacré, il entreprend de prouver que les rudiments de toutes sortes de connaissances se trouvent dans les Écritures ; afin que toutes les sciences soient subordonnées à leur illustration et à leur explication ; que tous les maux qui existaient alors sous les gouvernements chrétiens provenaient de l’ignorance des Écritures ; et en particulier de l’exemple et de la conduite des princes et des prélats. « Causa namque quare fideles non convertuntur ad fidem, est quia principes et prelati eorum tenent eos in errore, et sic est in omni statu. Scilicet, infinitus est defectus in eis qui præsunt nunc temporis studio et vitâ : et ideo est quod subjecta multitudo errat in infinitis » (c. xxviii, De Laude Sacrae Scripturae.) Il soutient la nécessité de connaître l’hébreu et le grec, afin de comprendre exactement les écrits sacrés, observant que les meilleurs traducteurs, et Jérôme lui-même, se sont quelquefois trompés ; et que, pendant les vingt années précédentes, la majeure partie des manuscrits bibliques avait été dépravée par les scribes et les sciolistes, chacun corrigeant selon son bon plaisir, et altérant ce qu’il ne comprenait pas, pratique qui n’est pas admise même dans les écrits courants : « quod quilibet corrigat pro suâ voluntate, et quilibet mutat quod non intelligit ; quod non licet facere in libris poetarum. » Sur ce sujet de l’acquisition de la connaissance de l’hébreu et du grec, il pousse ses idées jusqu’à supposer que les chrétiens en général doivent les apprendre ; et d’autant plus qu’ils sont si faciles à atteindre. Car il affirme que, par la grammaire universelle qu’il a inventée, on peut apprendre en peu de jours l’hébreu, le grec, le latin et l’arabe. « Je suis certain, dit-il, qu’en moins de trois jours♦ je pourrais enseigner à toute personne d’une habitude diligente et d’une mémoire rétentive, qui serait conforme à certaines règles, à lire l’hébreu et à comprendre tout ce que les hommes sages et saints ont dit autrefois pour expliquer le texte sacré, ou tout ce qui se rapporte à sa correction et à son explication ; et, dans trois jours de plus, de comprendre le grec, afin de pouvoir non seulement lire et comprendre ce qui se rapporte à la théologie, mais tout ce qui a été écrit sur la philosophie et la langue latine. À l’objection que, même si ces langues étaient généralement atteintes, les chrétiens ordinaires se méprendraient néanmoins sur le sens de l’Écriture, il répond que la crainte est sans fondement ; mais, pour prévenir tout danger, il a l’intention d’accompagner son ouvrage d’un manuel, ou d’une introduction. Il supplie instamment Clément de ne pas refuser sa sanction à une mesure aussi riche et aussi nombreuse que la connaissance générale des langues originales de l’Écriture sainte, mais de la promouvoir par toutes les méthodes douces et persuasives ; et conclut en prédisant les avantages qui résulteront de l’adoption de ses plans. Les principales d’entre elles sont que l’office divin, ou prières de l’église, sera alors compris par tous les chrétiens ; que la « Loi divine » étant plus généralement connue, elle ne se corrompra pas si facilement ; que les chrétiens, instruits dans les oracles sacrés, seront mieux préparés à résister avec fermeté aux dangers futurs de l’antéchrist ; et que la loi de la foi et la règle de vie seront puisées à une source pure et non polluée ; à quoi on peut ajouter la conversion des infidèles et des schismatiques, et la condamnation de ceux qui ne peuvent être convertis. De toutes les manières, les langues sont donc utiles ; de toutes les manières, la connaissance des Écritures est nécessaire*.
♦ Il est probable que notre savant auteur a adopté un terme défini pour un terme indéfini, exprimant un temps très court ; cependant nous ne pouvons que regretter de ne pas être en possession de son mode d’instruction.
* Whartoni Auctarium Hist. Dogmat. J. Usserii, p. 420-124. Voir aussi Baconi Opus Majus, a Jebb. Londres, 1733, fol. et in Prœfat.
Les capacités extraordinaires de notre savant frère lui valurent le surnom de Docteur Merveilleux, tandis que, dans leur stupide admiration, ils attribuaient ses inventions à l’art noir. Sa connaissance des langues grecque et hébraïque était considérée comme le moyen d’entrer en contact avec les esprits infernaux ; et le soupçon était confirmé par les cercles et les triangles de ses productions mathématiques. Les frères de son ordre refusèrent d’admettre ses œuvres dans leurs bibliothèques, et le général de l’ordre le confina dans sa cellule et lui défendit d’envoyer aucun de ses écrits hors de son monastère, sauf au pape. Il languit en détention pendant plusieurs années, jusqu’à ce que Clément IV, à qui il avait envoyé un exemplaire de son Opus Majus, en 1266, obtint quelque adoucissement de ses souffrances, sinon sa pleine liberté. Mais, sous prétexte de quelques nouveautés suspectes dans ses œuvres, il fut de nouveau emprisonné par Jérôme d’Ascoli, en 1278. Ce second emprisonnement dura environ onze ou douze ans, lorsque Jérôme, qui avait causé sa condamnation, ayant été élevé à la chaire pontificale sous le nom de Nicolas IV, fut persuadé par plusieurs nobles de le délivrer. Bien qu’il fût maintenant vieux et infirme, son amour de la science ne se démentit pas, et il continua à poursuivre ses études, en polissant ses anciens ouvrages et en en composant de nouveaux, jusqu’à ce que la mort mette fin à ses souffrances et à ses travaux vers l’an dernier. 10.+
+ Henry’s Hist, of Great Britain, vol. VIII, b. iv, ch. iv, p. 218.
À une époque où l’incarcération et le mépris étaient la récompense d’une recherche laborieuse et d’une érudition approfondie, il serait absurde d’attendre autre chose que de l’ignorance et les recherches les plus puériles. La méthode suivante pour tenter de guérir l’épilepsie, recommandée par les médecins les plus célèbres de l’époque, décrit correctement les mœurs de l’époque, et prouve pleinement l’état déplorable de la science en général. « Parce qu’il y a beaucoup d’enfants et d’autres personnes atteintes d’épilepsie, qui ne peuvent pas prendre de médicaments, dit John de Gaddesden, dans sa « Rose médicale », « tentons l’expérience suivante, qui est recommandée par Constantin Walter. Bernard, Gilbert et d’autres, que j’ai trouvés efficaces, que le malade soit démoniaque, fou ou épileptique. Quand le malade et ses parents auront jeûné trois jours, qu’ils le conduisent à l’église. S’il est d’un âge convenable et dans son bon sens, qu’il se confesse. Qu’il entende la messe le vendredi, pendant le jeûne du quatuor temporum (c’est-à-dire mars, juin, septembre ou décembre), et aussi le samedi. Le dimanche, qu’un bon prêtre religieux lise par-dessus la tête du malade, dans l’église, l’Évangile qui est lu en septembre, au temps des vendanges, après la fête de la sainte croix. Après cela, que le prêtre écrive pieusement le même Évangile ; et que le malade le porte autour de son cou, et il sera guéri. L’Évangile est : Celui-là ne sort que par la prière et le jeûne. *
* Henry’s Hist, of Great Britain, t. IV, ch. iv, p. 208, 209.
Les bibliothèques privées de nombreux abbés fournissent une autre preuve de l’état déprimé et négligé de la littérature sacrée. Symon Gunton, dans son Histoire de l’Église de Peterburgh+, a, avec un travail considérable, recueilli des notices biographiques sur un grand nombre d’abbés, et présenté au lecteur des listes des livres qui leur appartiennent. Les éléments suivants sont choisis parmi eux :
+ Communément écrit « Peterborough ».
ROBERTUS DE LINDESEY était moine et sacristain de Burgh, et s’est frayé un chemin vers l’abbaye par sa libéralité envers l’église ; car, alors qu’auparavant les fenêtres n’étaient remplies que de paille pour se protéger du temps, il en embellit plus de trente avec lunettes; et son exemple amena peu à peu les autres à la même perfection. Après avoir été abbé pendant sept ans, il mourut le 25 octobre 1222. « Il n’était pas très riche dans les livres ; Sa bibliothèque ne se composait que de ces quelques-uns :
« Numerale Magistri, W. de Montibus, aliis rebus. Tropi Magistri Petri diversis summis. Sententiæ Petri Pretanensis. Psalterium glossatum. Aurore.++ Psalterium non Glossatum. Historiale. §
++ L’Histoire de la Bible allégorisée en vers latins par Pierre de Riga.
§ Hist. de Gunton, de l’Église de Peterburgh, p. 27, 29. Londres, 1686, in-folio.
ALEXANDER DE HOLDERNESS. Il fut d’abord moine, puis prieur, et enfin abbé. Après avoir été abbé quatre ans, il mourut le 20 novembre 1226. Voici ses livres :
« Psalterium. Concordantiae utriusq ; Test. Claustrum Animæ. Opus alterum quod perfecit Rogerus de Helpston. Aurore. Pœnitentiale. Bréviaire de Tria. Concilium Lateranensi aliis rebus. Corrogationes Promet hei. Missel. ||"
|| Gunton, p. 29.
M.ARTINUS DE RAMSEY était moine de Peterborough, et élu abbé après la mort d’Alexandre. Il mourut après avoir été abbé pendant six ans. Sa bibliothèque n’était que maigre :
« Missel. Item Autel Missale S. Katharinæ. Capitula collecta Evangelica in 2 voluminibus ad magnum Altare. *+
* Le Missel et la Capitule semblent avoir été prêtés en raison de la rareté des livres.
+ Gunton, p. 30.
WALTERUS DE S. EDMUNDO fut d’abord moine, puis sacristain, et enfin abbé, en 1233. Sa bibliothèque était abondante en comparaison de celle de ses prédécesseurs, et se composait de ces livres :
, " Décrétales. Aurore. Claustrum Animae. Bible. Hexaemeron S. Cantuariae versifié. Rabanus de Naturis Rerum, et Interpretationes Hebraicorum nominum in uno volumine. Contre M. W. de Montibus. Psalterium brillant. Summa Magistri J. de Cantia de Poenitentia. Templum Domini arte confessionum. Règle S. Benedicti. Psalterium hympnario. Item duo Psautier. Duo Missalia. Duo Gradualia. Liber Evangeliorum. Liber Orationum ad magnum altare.++§
++ La bibliothèque de Walter lui faisait honneur, et elle montre de la manière la plus agréable son amour de la littérature biblique : une Bible, quatre Psautiers, les quatre Évangiles et un ouvrage sur les noms hébreux, étaient un riche trésor que peu ou personne ne possédait à côté de lui !
§ Gunton, p. 33.
WILLIELMUS DE HOTOT, ou HOTOFT, étant moine de Peterborough, fut choisi abbé le 6 février 1246. « N’ayant été abbé que trois ans, il a cessé. Peut-être n’avait-il pas le temps de rassembler dans sa bibliothèque d’autres livres que ceux-là :
« Antissiodorensis abbreviatus. Tractatus super Canonem Missae. Templum Domini aliis rebus. Libellus de diversis rebus. Missel d’autel Michaelis."||
|| Gunton, p. 33, 34.
JOHANNIS de Caleto. Il est élu abbé en 1249. On dit qu’il a été nommé lord trésorier par les barons. « Ses occupations séculières pourraient le détourner des livres et plaider pour la pauvreté de sa bibliothèque. » C’était là son stock de livres, comme je l’ai trouvé dans un ancien manuscrit :
« Flores Evangeliorum. Tractatus de Theologia, Concilium Lateranense. Templum Domini. Testamentum 12 Patriarcharum. " ♦
♦ Gunton, p. 34 et 35.
Mais nous serions injustes envers les abbés de Peterborough, si nous les supposions plus indifférents à la littérature que leurs contemporains. La négligence de l’apprentissage était presque universelle, et les exemples suivants montreront à quel point la rareté des livres était ressentie. Dans un inventaire des biens de Jean de Pontissara, évêque de Winchester, contenu dans son palais de Wulvesey, tous les livres qui paraissent ne sont rien de plus que des Septemdecem pede librorum de diversis Sciendis, « Fragments de dix-sept livres sur différentes sciences. » C’était en l’an 1294.
Le même prélat, en l’an 1299, emprunta de son couvent de la cathédrale de Saint-Swithin, à Winchester , Bibliam bene Glossatam, c’est-à-dire La Bible avec des annotations marginales, en deux gros volumes in-folio, mais donna une caution pour le remboursement dû de l’emprunt, rédigée avec une grande solennité. On peut en voir une copie dans la Dissertation on Learning, préfixée au premier volume de l’History of English Poetry de Warton. Cette Bible avait été léguée par le prédécesseur de Pontissara, l’évêque Nicolas d’Ely, et, en considération d’un legs si important et de cent marcs d’argent, les moines fondèrent une messe quotidienne pour l’âme du donateur. Vers l’an 1225, Roger de Insula, doyen d’York, fit don de plusieurs Bibles latines à l’université d’Oxford, à la condition que les étudiants qui les parcourraient déposeraient un cautionnement. Même la bibliothèque de cette université, avant l’an 1300, ne se composait que de quelques tracts, enchaînés ou conservés dans des coffres, dans le chœur de l’église Sainte-Marie.♦ Le prix des livres était donc excessivement élevé et presque hors de la portée des ordres inférieurs du clergé, à une époque où l’allocation annuelle d’un boursier de l’université n’était que de cinquante schellings.+ W. de Howton, abbé de Croxton, légua à cette abbaye, à sa mort, en 1274, « une Bible, en neuf tomes, écrite par Salomon, archidiacre de Leicester, et l’acquitta cinquante marcs sterling », soit £33 6s. 86.++ Et dans une évaluation des livres légués à Merton College, à Oxford, avant l’an 1300, un psautier, avec des gloses, ou annotations marginales, est évalué à dix schellings ;et saint Augustin sur la Genèse , et une Concordante, ou Harmonie, sont évalués chacun au même prix.§ Qu’on se souvienne aussi que chaque charge doit être multipliée par quinze, pour la ramener à la moyenne, ou valeur de l’argent à présent ; || et dans certains cas, la valeur comparative serait encore trop faible, comme dans le cas des ouvriers, dont le salaire, en 1272, n’était que de trois demi-pence par jour, et qui ont donc dû consacrer le salaire de plusieurs années à l’achat d’une Bible.♦♦ Whitaker, dans son Histoire de Craven, fournit des renseignements supplémentaires que, vers la fin du XIIIe siècle et au commencement du XIVe siècle, le salaire moyen d’un domestique, avec la viande et les vêtements, n’était que de trois à cinq schellings par an ; mais que les moissonneurs étaient payés deux pence par jour ; qu’un mouton se vendait un shilling, et trente quarters de charbon fossile pour dix-sept schellings et six pence.+++ Madox, dans son Histoire de l’Échiquier, dit qu’en 1240, la construction de deux arches du pont de Londres ne coûta que vingt-cinq livres ; huit livres de moins que la Bible léguée à l’abbaye de Croxton, par l’abbé W. de Howton !♦♦♦
♦ Warton’s Hist, of English Poetry, vol. I, diss. 2.
+ Chalmer’s Hist, de l’Université d’Oxford, vol. I, p. 6. Oxf. 1810, 8 vol.
++ Annales de Stow, p. 169. Lond. 1615, fol.
§ Warton, ubi sup.
||Voir Henry’s Hist, of Great Britain, vol. VI, ch. vi, pp. 302-307 ; et vol. VIII, ch. VI, p. 352. Whitaker’s Hist, de Craven, p. 404.
♦♦ Dugdale’s Warwickshire, cité dans Evang. Mag. 1807, p. 121.
+++ Whitaker’s Hist. of Craven, p. 404.
♦♦♦ Madox’s Hist. of the Échiquier, ch. x, p. 249, 250. Lond. 1711, fol.
Les libraires de cette époque étaient appelés stationarii, du nom de leurs stations, ou boutiques, un terme encore en usage dans le mot anglais stationer. Non seulement ils vendaient des livres, mais beaucoup d’entre eux acquéraient des biens considérables en prêtant des livres à lire, à des prix exorbitants, non pas en volumes, mais en parties détachées, selon l’estime dans laquelle l’auteur était tenu. À Paris, le commerce restreint de ces libraires consistait principalement à vendre des livres à ceux qui voulaient en disposer, et à leur fournir un dépôt pendant qu’ils étaient en vente. Pour empêcher que ces papetiers, comme on les appelait, ne se livrât à des fraudes, l’université rédigea une loi, ou règlement, datée du 8 décembre 1275, par laquelle les libraires étaient obligés de prêter serment tous les ans, ou, au plus loin, tous les deux ans, ou plus souvent s’il était nécessaire, qu’ils agiraient loyalement et avec fidélité dans leur emploi. Par la même loi, qui fut la première qui ait jamais été passée dans l’université à l’égard des libraires, il leur était défendu d’acheter, pour leur propre compte, les livres qu’on leur avait mis entre les mains, jusqu’à ce qu’ils eussent été mis en vente pendant un mois ; et il leur fut enjoint de les exposer publiquement, aussitôt qu’ils les auraient mis entre leurs mains, avec une étiquette apposée, contenant le titre et le prix du livre ; Il fut en outre ordonné que ce prix serait perçu de la part du propriétaire des livres, qui accorderait une certaine commission au vendeur, qui fut fixée par l’Université à quatre deniers par livre, selon le prix du livre ; et si un libraire commettait une fraude, il était démis de ses fonctions, et il était défendu aux maîtres et aux savants de commercer avec de telles personnes, sous peine d’être privés de tous les droits et privilèges de l’université. Leurs étals, ou boutiques portatives, étaient parfois érigés sur la place du marché, et d’autres fois dans le parvis, ou porche de l’église, où l’on tenait aussi parfois des écoles. Paris dit qu’en 1250 un pauvre clerc de France fut forcé de traîner « une vie affamée dans le parvis, tenant une école, et vendant de petits livres et le portail à l’extrémité nord de la nef croisée, dans la cathédrale de Rouen, est encore aujourd’hui appelé Le Portail des Libraires, ou le porche des libraires.♦ Ces boutiques mobiles de libraires peuvent nous paraître aujourd’hui insignifiantes et indignes de l’importance du trafic littéraire ; mais, à l’époque où nous écrivons, elles servaient les intérêts de la littérature, et, dans un siècle d’ignorance barbare, elles favorisaient la connaissance ; et nous ne devons pas oublier qu’au siècle précédent, les moines de Cottenham, près de Cambridge, furent obligés de louer une grange, afin de donner des cours aux étudiants de cette université. Jusqu’à ce jour, les marchés des MSS. se poursuivent dans l’Est. Le Dr E. D. Clarke, dans ses Voyages dans divers pays, etc., remarque : « Le bazar des libraires », de Constantinople, " ne contient pas tous les ouvrages énumérés par D’Herbelot ; mais il n’y a guère d’auteur oriental dont les écrits, s’ils sont demandés, ne puissent être obtenus ; bien que tous les volumes proposés à la vente soient MS. Le nombre des boutiques employées de cette manière, sur ce marché et ailleurs, s’élève à cent : chacune d’elles contient, en moyenne, cinq cents volumes ; de sorte qu’il n’y a pas moins de cinquante mille manuscrits arabes, persans et turcs, exposés chaque jour à la vente. Il y a des marchés similaires dans toutes les villes turques, en particulier celles d’Alep et du Caire. L
♦Du Cange, Glossar., v. Stationarii. Whitaker’s Cathedral of Cornwall, vol. 1, p. 149. Hist. littéraire du moyen âge de Berrington, t. V, p. 356. Crevier, Hist, de !' Université de Paris, tom. II, liv. 3, p. 66 à 68. Paris, 1761, in-12.
+ Berrington, ut sup., p. 307. Voyages du Dr E. D. Clarke, vol. III, pp. 65, 67. Lond. 1817, in-8°.
Si fastidieux que fût le processus de transcription, plusieurs bibliothèques publiques d’Europe contiennent des copies de tout ou partie des Écritures, en particulier du Psautier, écrit en ce siècle. Dans un exemplaire de toute la Bible latine, au British Museum, le nom du transcripteur et la date de la transcription sont ainsi conservés : Hunc librum scripsit Willielmus de Hales, Magistro Thome de la Wile, quem vocavit Magister Radulphus de Hehham tunc Cancellarius Sarum : quibus Deus in hoc Sæculo et in futuro propicietur. Amen. Factus fuit liber anno 1254, ab incarnatione Domini.
Un autre manuscrit, contenant les Proverbes de Salomon, l’Ecclésiaste, les Cantiques et la Sagesse, avec des Prologues, porte l’anathème suivant, qui n’est pas rare dans les anciens manuscrits, inscrit au début :
« Liber De Claustro Roffensi per Johannem Priorem : quem qui inde alienaverit, alienatum celaverit, vel hunc titulum fraudulenter deleverit, Anathema sit. Amen. — « Ce livre appartient au monastère de Rochester (donné) par le prieur Jean ; Si quelqu’un l’enlève, ou le cache lorsqu’il est enlevé, ou défigure frauduleusement cette inscription, qu’il soit anathème. Amen.
Le Long, dans sa Bibliotheca Sacra, signale plusieurs manuscrits contenant la Bible latine, écrite au cours de ce siècle, en particulier celle transcrite par les Prémontrés en 1263. Il a été utilisé par Joannes Hentenius, dans une édition de la Bible imprimée en 1547, et aussi par les députés au concile de Trente.
Godefridus de Croyland, qui fut élu abbé de Pf’terborougn en 1290 ou 1299, reçut pendant son abbatiat le roi Édouard Ier, ainsi que deux cardinaux, à l’un desquels il présenta un psautier, nommé Gaucilinus, d’une curieuse écriture en lettres d’or, mais l’époque où il fut transcrit est incertaine.
Parmi les manuscrits royaux du British Museum, il y a un ms. Psautier de ce siècle, qui appartenait autrefois à l’église de Saint-Botolph, et qui, ayant été pris de là, fut offert à la reine Marie par Ralph Pryne, épicier de Londres, ainsi qu’il appert par les lignes suivantes écrites au premier feuillet :
« Dieu saue le plus vertueux et le plus nobull Quene Marys gras :
Et envoyez-la à Joye, la couronne d’Eyngland, longue tyme et spas.
Ses péchés à confondre, et à défigurer,
Et pour folo ses pieux proceydynges Dieu nous donne gras :
As euery subyegte ys bounae for her gras to praye
Afin que Dieu préserve son corps de tous les dangers, tant du jour que de la nuit :
Que Dieu sauve la Quene.
Sois moi, humbull et pauvre Orytur Rafe Pryne, épicier de Londoun, wyshynge ton gras prosperus helthe. *
* Classical Journal, vol. VIII, n° 15, pp. 150,151. Le Long, Biblioth. Sacra, tom. I, cap. iv, 240 מ. Paris, 1723, fol.
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Au cours de ce siècle, un événement important s’est produit qui, en raison de son lien intime avec la littérature biblique, exige une attention particulière. C’était l’expulsion des Juifs d’Angleterre et la confiscation de leurs biens. Dès l’époque de Guillaume le Conquérant, les Juifs avaient été autorisés à s’établir dans le royaume ; et, malgré les cruautés exercées sur eux à différentes époques, sous divers prétextes, et les exactions tyranniques qu’ils avaient subies chaque fois que le gouvernement manquait d’argent, ils s’étaient répandus en grands corps dans la plupart des villes et des capitales du pays. Sous le règne de Guillaume le Roux, certains des rabbins avaient été autorisés à ouvrir une école à l’université d’Oxford, pour instruire non seulement leur propre peuple, mais aussi les étudiants chrétiens, dans la langue et la littérature hébraïques. Environ deux cents ans après leur admission par le Conquérant, ils furent expulsés de nouveau par Édouard Ier, leurs synagogues profanées, leurs bibliothèques dispersées, leurs biens saisis, et beaucoup d’entre eux assassinés de manière barbare. À Huntingdon et à Stamford, « tous leurs meubles passèrent sous le marteau pour être vendus, ainsi que leurs trésors de livres ». Ces manuscrits hébreux furent immédiatement achetés par Grégoire de Huntingdon, prieur de l’abbaye de Ramsey, qui étudiait la langue hébraïque depuis quelque temps, et qui avait été arrêté dans ses études par le manque de livres hébreux ; et qui n’eut pas plus tôt entendu parler de cette vente aux enchères, qu’il s’y rendit en toute hâte de son monastère voisin, Bien pourvu d’argent, et il acheta volontiers, au prix fixé, leur or pour son airain, et s’en retourna chez lui extrêmement content. Nuit et jour, il feuilletait ses volumes hébreux, jusqu’à ce qu’il eût acquis une connaissance plus intime de la langue à sa source. Il laissa aussi à ses confrères beaucoup d’excellentes annotations de sa propre plume, qu’une postérité savante pourrait lire avec plaisir. Le catalogue de la bibliothèque de Ramsey fait une mention distincte et honorable des livres hébreux qu’il a collectionnés avec le plus grand zèle. * Grégoire légua ces précieuses acquisitions à son monastère vers l’an 1250. À Oxford, une grande quantité de livres ayant appartenu aux Juifs tombèrent entre les mains de Roger Bacon, ou furent achetées par ses frères, les frères franciscains de cette université.
* Leland, De Script. Brit., tom. II, cap. CCCXXIII, p. 321 et 322. Oxon, 1709, 8 vol.
+ Warton’s History of English Poetry, vol. I, dissert. 2.
Mais le nombre de ceux qui s’appliquaient à l’étude de la langue hébraïque était si peu élevé, que le célèbre Roger Bacon affirmait qu’il n’y avait pas plus de trois ou quatre personnes parmi les Latins, de son temps, qui eussent quelque connaissance des langues orientales ; bien qu’il faille reconnaître que, dans ce cas, les vues de notre savant frère étaient trop sombres, et que, qu’il le sache ou non, il y en avait d’autres qui s’occupaient principalement de l’étude de l’arabe et de l’hébreu, pour leur permettre de réfuter plus efficacement les écrits antichrétiens des Juifs. D’un autre côté, cette espèce de théologie connue sous le nom de théologie d’école était cultivée avec une ardeur peu commune, et les plus célèbres des théologiens scolastiques étaient honorés des titres pompeux de docteurs profonds, sublimes, merveilleux, séraphiques, angéliques. Au siècle précédent, les docteurs scolastiques avaient fait des Écritures le sujet principal de leurs études et le texte de leurs conférences, comme quelques-uns d’entre eux continuaient à le faire encore, qui pour cette raison étaient appelés théologiens de la Bible. Mais dans le cours de ce siècle, les Saintes Écritures, avec ceux qui les étudiaient ou s’efforçaient de les expliquer, furent négligées et méprisées. Les docteurs de la Bible étaient méprisés comme des hommes d’une érudition et d’une perspicacité inférieures. « Celui qui fait des conférences sur les Sentences de Lombard, dit l’illustre Roger Bacon, est partout honoré, et préféré à celui qui prend le texte sacré pour sujet de ses conférences ; car celui qui lit les sentences choisit l’heure la plus convenable, selon son bon plaisir, et obtient une compagne et une place parmi les religieux ; tandis que celui qui lit la Bible est privé de ces avantages, et n’obtient qu’une heure pour faire la leçon, en la suppliant du conférencier sur les sentences . *
* Hody, De Bibliorum Text. Orig., lib. III, cap. XI, p. 420. Henry’s Hist, of Great Britain, vol. VIII, b. iv, ch. iv, pp. 180, 181.
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Le même esprit de théologie scolastique monta en chaire et introduisit une méthode nouvelle et plus artificielle de prédication. Avant cette période, le clergé utilisait principalement les modes de prédication appelés postuler et déclarer. Le postulat consistait à exposer une grande partie de l’Écriture, phrase après phrase, méthode d’instruction encore pratiquée dans certaines églises étrangères, et dans l’église d’Écosse, où elle s’appelle conférence. Déclarer a été appelé ainsi, parce que le prédicateur, sans nommer aucun texte particulier, a déclaré le sujet de son sermon, avec des mots à cet effet. « Dans mon sermon actuel, j’ai l’intention, par la grâce de Dieu, de discourir sur tel ou tel sujet (sur la crainte de Dieu, par exemple), et sur ce sujet j’ai l’intention d’établir quelques conclusions vraies et certaines, » etc. Cette dernière façon de prêcher était la plus populaire et a continué à être utilisée longtemps après cette période. La nouvelle méthode de prédication différait de ces deux anciennes à plusieurs égards. Au début de son discours, le prédicateur lut un texte d’un livre et d’un chapitre de l’Ancien ou du Nouveau Testament, qui avait été récemment divisé en chapitres et en versets par l’archevêque Langton, ou le cardinal Hugo, comme thème ou sujet de son sermon. Il divisa ce texte en plusieurs parties, et plus ses divisions et ses subdivisions étaient nombreuses, plus il était divin et meilleur prédicateur. Le jeune clergé, surtout, adopta cette méthode artificielle de prédication ; mais. d’autres la condamnent, et Roger Bacon en particulier en parle avec mépris, et donne une raison singulière à la prédominance de celle-ci de son temps : « La plupart de nos prélats, dit-il, n’ayant que peu de connaissance de la théologie, et ayant été peu accoutumés à prêcher dans leur jeunesse, lorsqu’ils deviennent évêques, et sont quelquefois obligés de prêcher, sont dans la nécessité de mendier et d’emprunter les sermons de certains novices, qui ont inventé une nouvelle manière de prêcher, par des divisions et des arguties sans fin ; Il n’y a ni sublimité de style ni profondeur de sagesse, mais beaucoup de bagatelle puérile et de folie, indignes de la dignité de la chaire. L’opposition au mode de prédication textuel s’est poursuivie pendant plus d’un siècle ; Cependant, elle finit par prévaloir universellement, et continue encore d’être généralement adoptée.+
+Henry’s History of Great Britain, vol. VIII, pp. 182-186
C’est aussi à ce siècle qu’il faut rapporter la division du texte sacré en nos chapitres actuels . Les copies hébraïques et grecques les plus anciennes de l’Ancien et du Nouveau Testament ont été écrites sans aucune distinction, non seulement de chapitres et de versets, mais même de mots, de sorte que les Juifs avaient coutume de dire qu’autrefois les livres de l’Ancien Testament ne formaient qu’un seul pessouk. ou vers. L’un des plus anciens manuscrits grecs du Nouveau Testament, dans lequel les mots sont nettement divisés, est le Codex Augiensis, ainsi appelé d’Augia major, nom d’un monastère de Rhenau, auquel il appartenait à l’époque du concile de Basile. Il est accompagné d’une version latine, et est censé avoir été écrit au IXe siècle. Le texte grec est écrit en majuscules, et le latin en lettres anglo-saxonnes ». La division du texte hébreu en chapitres a été faite par les Juifs, à l’imitation de la division du Nouveau Testament ; mais la division de l’Ancien Testament en sections et en versets était beaucoup plus ancien dans son origine, et a été considéré comme contemporain d’Esdras. La première division du texte du Nouveau Testament était en τίτλοί, titres, ou parties plus grandes, qui recevaient leur dénomination des titres ou des sujets de ces parties étant écrits soit dans la marge supérieure ou inférieure des manuscrits grecs, et généralement à l’encre rouge. Les Latins les appelaient brèves, et la table des matières de chaque brevis, qui était préfixée aux copies du Nouveau Testament, était appelée breviarium. Le Dr Mills suppose que Tatien, qui florissait en 160 apr. J.-C., les inventa dans le but de construire son ouvrage, appelé Diatesseron, ou Harmonie des quatre évangélistes. Tertullien nous apprend qu’à son époque, vers l’an 200 de notre ère, le Nouveau Testament était divisé en capitules , ou petits chapitres, appelés par les Grecs κεφαλαία. Ces chapitres, ou parties plus petites, étaient numérotés sur le côté de la marge.
Ces deux divisions sont très clairement représentées dans les éditions du Testament grec d’Érasme, ou dans l’édition de R. Stephens de 1550. Les chapitres diffèrent selon les copies. La division la plus célèbre et la plus ancienne fut celle d’Ammonius, philosophe chrétien, qui vécut à Alexandrie au IIIe siècle. C’est de lui qu’elle reçut l’appellation de Sections d’Ammoniaque. Il y en a trois, cent cinquante-cinq et soixante-huit tituli dans l’Évangile de saint Matthieu. Au IVe siècle, Eusèbe adapta à ces sections ses dix tables ou canons, qui représentent une harmonie des Évangiles, et qui étaient communément préfixés aux manuscrits grecs. Ces tables peuvent être vues dans les éditions du Testament grec d’Érasme, dans l’édition de Kuster du Testament grec de Mills, et dans celle de R. Stephens de 1550. De ces tables d’Eusèbe ont été tirées les références marginales que l’on trouve dans de nombreuses éditions imprimées du grec.
Euthalius rapporte que, vers l’an 396, les épîtres de saint Paul furent divisées en chapitres, de même que les actes des apôtres et les épîtres catholiques ou générales, vers l’an 451. Andreas Cæsariensis, au VIe siècle, ou, selon d’autres, Andreas Cretensis, au VIIe siècle, divisa l’Apocalypse en soixante-douze chapitres ; et vers le onzième siècle (Ecu-menius aurait divisé les Actes en quarante capitaux et deux cent quarante-sept capitula ; une division quelque chose d’analogue à nos chapitres et à nos versets. La division qui se trouvait dans les anciens manuscrits latins était différente de celle utilisée par les Grecs.♦ Au XIIIe siècle, les chapitres actuels ont été inventés ou adoptés par l’archevêque Langton, ou le cardinal Hugo de S. Caro. Nos premiers biographes, Bale, Pitts, etc., attribuent l’invention à l’archevêque, mais les critiques bibliques en général ont admis que le cardinal était l’inventeur, et que c’est par son exemple et son influence que l’ancienne division a été entièrement mise de côté dans l’Église latine et dans les manuscrits latins ; bien que la division en usage actuel n’ait été adoptée dans l’écriture des manuscrits grecs que vers la fin du XVe siècle.+ Les esquisses biographiques qui suivent de ces deux personnages célèbres mais très différents ne sont peut-être pas inacceptables pour le lecteur.
♦Marsh’s Michaelis, vol. II, t. I, ch. VIII, p. 210 ; et ch. xiii, p. 524 ; t. II, p. 664, 905-908. Barrett, Evangelium secundum Matthæum, cité dans Eclectic Re· Vue, vol. III, p. 198, 199.
+ Hody, De Bibliorum Text. Orig., lib. III, partie II, p. 430. Les Horæ bibliques de Butler Vol. I, p. 201, édit. 12mo.
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STEPHEN LANGTON était un Anglais de naissance. Il reçut son éducation à Paris, et devint si éminent pour l’érudition scolastique et pour l’application qu’il en fit dans ses explications de l’Écriture, qu’il fut créé chancelier de l’université de Paris, chanoine de Paris et doyen de Reims. Appelé à Rome, il fut placé parmi les cardinaux par Innocent III. En 1207, il fut nommé par le même pontife à l’archevêché de Cantorbéry, vacant par la mort d’Hubert Walter, et fut consacré par le pape lui-même à Viterbe. Cette nomination étant considérée comme une usurpation, des droits du roi d’Angleterre, ainsi que de ceux des moines de Cantorbéry et des évêques de la province, rencontra une résistance violente, surtout de la part du roi. Le pape, furieux de la déception, mit le roi et le royaume sous un interdit. Pendant plusieurs années, le roi Jean agit avec plus de fermeté qu’à l’ordinaire et refuse d’accepter la nomination de Langton au siège épiscopal de Cantorbéry. Enfin, découragé par l’opposition du pape et des princes étrangers de l’étranger, des barons et d’une grande partie du clergé et du peuple de l’intérieur, il se soumit à l’élection d’Étienne, et acheta sa paix avec le pontife romain par une charte accordée à certains prélats et le paiement de quarante mille marcs.
En 1222, l’archevêque convoqua un concile à Oxford, au cours duquel un certain nombre de constitutions furent rédigées, dont voici extrait, comme illustrant la pratique et les mœurs de cette époque :
Constit. 10. « Nous ordonnons formellement aux curés de nourrir le peuple de la parole de Dieu, comme Dieu le leur inspire, de peur qu’ils ne soient justement considérés comme des chiens muets : et qu’ils se souviennent que ceux qui visitent les malades seront récompensés par le royaume éternel ; qu’ils aillent donc joyeusement, lorsqu’on les fait appeler, vers les malades.
21. « Nous défendons, avec la terreur de l’anathème , à quiconque de retenir des brigands à son service, pour avoir commis des vols, ou de les laisser sciemment habiter sur ses terres. »
25. « Que les archidiacres veillent, dans leurs visites, à ce que le canon de la messe soit exact, et que le prêtre puisse prononcer correctement (au moins) les paroles du canon et du baptême, et qu’il en connaisse le vrai sens ; et qu’ils enseignent aux laïcs sous quelle forme ils doivent baptiser en cas de nécessité, dans une langue ou une autre.
31. « Que les ecclésiastiques qui sont bénéficiaires, ou dans les ordres sacrés, n’aient pas publiquement des concubines dans leurs presbytères (ou presbytères), ou n’aient pas un accès public auprès d’elles avec scandale ailleurs. »
36. « Nous décrétons que les religieuses et autres religieuses ne portent pas de voiles de soie, ni d’aiguilles d’argent ou d’or dans leurs voiles ; que ni les moines ni les chanoines réguliers n’ont de ceintures de soie, ni garnis d’or ou d’argent, ni n’utilisent de pimprenelle (brune artificielle) ou d’aucune étoffe irrégulière. Que les dimensions de leurs vêtements soient proportionnées à leur corps, pas plus longues que de couvrir leurs pieds, comme le manteau de Joseph, qui descendait jusqu’aux chevilles. Il n’y a que les nonnes qui puissent porter un anneau, et un seul.♦127
♦Lois ecclésiastiques de Johnson, etc., A. D. MCCXXII.
En diverses occasions, l’archevêque se découvrit une indépendance hautaine, particulièrement dans sa conduite envers son souverain et le pape. Non seulement il s’opposa au légat du pape dans ses concessions exorbitantes de bénéfices, mais il fut le principal de ces pairs qui osèrent contester la validité de la résignation de la couronne et du royaume du roi Jean au siège de Rome. Le pape irrité l’excommunia et le suspendit, et annula l’élection de son frère Simon Langton, qui avait été choisi archevêque d’York. Cependant, avant la convocation du concile d’Oxford, ces mesures violentes semblent avoir été abandonnées.
Il est l’auteur de nombreux commentaires sur de nombreux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, ainsi que de divers autres ouvrages. Il mourut à Slindon, dans le Sussex, en juillet 1228, et fut enterré dans la cathédrale de Cantorbéry.+
+ Cavéi Hist. Lit., sæc. XLII, p. 702 et 703. Fox’s Actes and Monuments, vol. I, pp. 327-334. Londres, 1570.
Duc deS. CARO, ou, selon son nom français, Hugues de Saint-Cher, naquit à Vienne, en Dauphiné, et fit ses études à Paris, où il devint frère dominicain en 1225. Il a été envoyé par Grégoire IX. à Constantinople, pour obtenir, s’il est possible, l’union des Églises grecque et romaine. À son retour, il fut nommé provincial de France, et, en 1245, reçut la dignité de cardinal d’Innocent IV, étant le premier des dominicains à obtenir cet honneur. Lors d’un synode tenu par lui en tant que légat du pape, à Liège, en 1246, la fête du Corpus Christi a été célébrée pour la première fois. Pape Urbain IV. puis, en 1264, il la fixa au jeudi après l’octave de la Pentecôte, ordonnant qu’elle fût observée dans toute l’église avec une solennité égale aux quatre grandes fêtes de l’année.++ Mais ses plus grands honneurs provenaient de ses travaux bibliques, qui le plaçaient au premier rang des critiques sacrés et des mécènes de la littérature sacrée. C’est à lui que nous devons le célèbre Correctorium Bibliorum des Dominicains, la première Concordance des Écritures, un Commentaire sur l’Ancien et le Nouveau Testament, et très probablement la division de la Bible en nos chapitres actuels.
++ Cette fête, instituée à l’appui de la doctrine de la transsubstantiation, fut confirmée par différents papes, et divers privilèges et indulgences furent accordés à ceux qui l’honoraient par leurs dévotions. Ainsi le pape Urbain, dans sa bulle de 1264 : « Pour encourager les fidèles à honorer et à célébrer cette grande fête, nous accordons à tous ceux qui confessent leurs péchés, et qui sont vraiment pénitents, qui se trouveront dans l’église aux mattins (minuit) de ladite fête, cent jours de pardon, et autant à ceux qui assisteront pieusement à la messe, » &c. — Fêtes mobiles de Butler, etc., p. 655-657. Londres, 1774, in-8°.
Le CORRECTORIUM BIBLIORUM, ou Bible avec diverses lectures , se trouvait, en 1772, dans la bibliothèque des Dominicains du collège de Saint-Jacques, à Paris. Il est assez écrit sur parchemin, avec des lettres demi-gothiques, formant quatre gros volumes in-folio. Le dessein était d’introduire des copies correctes des Écritures dans les services publics de l’Église, et dans l’usage général, au lieu des copies honteusement corrompues et incorrectes couramment lues. A cet effet, le cardinal Hugo, aidé de l’autorité de F. Jordan, général de l’ordre, fit faire une collation des copies communes avec les plus anciennes et les plus exactes qu’on put se procurer, particulièrement de celles transcrites par ordre de Charlemagne, sous l’inspection d’Alcuin ; et a également ordonné qu’ils soient comparés avec les textes originaux. Le Correctorium est le résultat de cette collation laborieuse et précieuse. Les diverses lectures des manuscrits latins, hébreux et grecs sont placées dans la marge, et les mots superflus qui ont été insérés dans le texte par des transcripteurs négligents ou des critiques ignorants sont marqués par une ligne tracée au-dessous d’eux. Cette importante révision des Écritures latines a été faite vers 1236 ; et a été suivie d’une injonction enjoignant que toutes les copies utilisées par l’ordonnance soient corrigées et ponctuées conformément à cette norme. Cette révision fut si bien reçue par les frères dominicains, qu’Humbert, autre général de l’ordre, dans un chapitre général tenu à Paris, en 1256, défendit à tous les religieux de son ordre de se servir des corrections de la Bible latine qui avaient été faites à Sens, dans le même dessein que celui-ci du cardinal.♦ Aussi le Correctorium de Hugo devint-il bientôt général, et, jusqu’à la déclaration du concile de Trente, il fut considéré comme l’étalon des Écritures latines et des éditions de Sixte-V et de Clément VII, et peut être considéré comme la source de tous les manuscrits qui, sous les titres de Correctio, Correctiones, ou Correctorium Bibliæ, se rencontrent encore dans beaucoup de monastères des frères dominicains.♦♦
♦ Le même Humbert, dans son Expositio in Regulam S. Augustini, cap. cl, après avoir insisté avec insistance sur l’importance de lire les Écritures, et répondre à ceux qui refusaient de les lire ou de les entendre, parce qu’ils désespéraient de les comprendre, (probablement parce qu’ils n’étaient pas dans la langue vernaculaire), conclut par le sentiment extraordinaire et superstitieux suivant : « Nous devons croire que les paroles de l’Écriture (verba sacra), bien qu’elles ne soient pas comprises par ceux qui les lisent, possèdent néanmoins un pouvoir contre la « méchanceté spirituelle », comme les paroles d’un charme contre un serpent, bien qu’elles ne soient pas comprises par le charmeur lui-même ! Voir Whartoni Auctarium, p. 420.
♦♦ Fabricy, Titres Primitifs, tom. ii, p. 132-141.
LaLEÇON de la Bible latine, compilée sous la direction du cardinal, fut le premier ouvrage de ce genre, et dut exiger une patience infatigable et une diligence infatigable ; c’est pourquoi on dit qu’il employa cinq cents moines+ à choisir et à classer par ordre alphabétique tous les déclinables paroles de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il parut d’abord sous le nom de De Sancto Jacobo, ou la Concordance de Saint-Jacques ; l’auteur lui-même étant parfois appelé Hugo De Sancto Jacobo , probablement parce qu’il résida longtemps à Paris dans le couvent de Saint-Jacques, où il donna des conférences sur les Saintes Écritures, et aida, comme docteur en théologie, à la condamnation d’une pluralité de bénéfices par le faculté de théologie, A. D. 1238. L’idée d’une telle compilation a probablement été suggérée par ces très utiles Index qui, depuis une époque reculée, avaient été formés pour aider l’étudiant dans ses consultations des œuvres de différents auteurs ; bien qu’il y eût cette différence entre un index et une concordance, que le premier ne se référait qu’à des sujets ou à des passages particuliers. mais ce dernier aux mots et aux phrases. Jean de Darlington, et Richard de Stavensby, aidés par d’autres Anglais, firent des ajouts considérables à l’œuvre originale, qui fut ensuite considérablement améliorée par Conrad de Halberstadt, qui florissait en 1290. Elle fut encore agrandie et améliorée au XVe siècle, vers l’époque du concile de Basile, par Jean de Raguse, procureur général, et un moine de l’ordre des prédicateurs, ou dominicains, qui y ajouta tous les mots indéfinissables ; et reçut enfin sa forme actuelle de Walter Scot et de Jean de Ségovie. Sixtus Senensis, dans sa Bibliotheca Sancta, lib. iii, publiée pour la première fois en 1566, a présenté au lecteur un spécimen d’une Concordance étendue et améliorée, inventée par lui-même, et destinée à servir non seulement d’index de mots et des phrases, mais comme un dictionnaire théologique, et une concordance de passages parallèles : malheureusement il n’y a aucune indication que l’ouvrage ait jamais été achevé. De la Concordance latine du cardinal Hugo sont dérivées les Concordances en diverses langues qui ont tant aidé les études des biblistes.♦
+ Chevillier (L’Origine de l’imprimerie de Paris, p. 134) doute du . Il suppose que l’œuvre a d’abord été beaucoup plus volumineuse qu’aujourd’hui, et qu’elle s’est accrue par de fréquentes révisions et améliorations.
♦ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, cap. x, pp. 456, 457. Paris, 1723, fol. Chevil-lier, L’Origine de l’imprimerie de Paris, pt. ii, ch. ii, pp. 133, 134. Paris, 1694, 4to. Sixt. Senens. Biblioth. Sanct, lib. iii, p. 185, et lib. iv, pp. 311, 273.
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Le COMMENTAIRE, ou Postilia,||de Hugo, sur tous les livres de l’Écriture, est une série de notes sur le texte sacré, dans lesquelles il s’efforce de montrer le sens littéral, allégorique, moral et anagogique des écrivains inspirés, bien que tous ces différents modes d’exposition ne soient pas employés pour expliquer toutes les parties du texte sacré, le plus généralement seulement le sens littéral et moral. ou littéral seul, et parfois l’allégorique, et l’anagogique ou le mystique ; Un bref extrait montrera la nature de son œuvre :
|| Le terme « Postilla », fréquemment adopté par les commentateurs de cette époque, s’appliquait généralement aux notes explicatives qui étaient placées après le texte, et était probablement dérivé du latin postea, ou postilla, (sc. verba ;) à moins que nous ne supposions que le mot postilla soit une corruption de posta, une page. Posta, Postillae.
JEAN, chap. v. « Sondez les Écritures.] q. d. en eux le Fattier rend témoignage de moi, si vous les lisez intérieurement. Cherchez donc, c’est-à-dire étudiez diligemment le sens spirituel, sans vous contenter du sens littéral.
« Car en eux vous croyez avoir la vie éternelle : vous croyez . »parce que, comme il le montre, ils ne lisaient que les Écritures littéralement, et n’avaient donc pas la connaissance de la vie éternelle, mais une simple opinion ou conjecture.
« Et ce sont eux qui rendent témoignage de moi, c’est-à-dire les raisons mêmes sur lesquelles vous avez fondé votre espérance de la vie éternelle, qui rendent témoignage de moi. Il est donc évident que l’obstacle à votre croyance en moi réside dans votre propre volonté dépravée, puisque le dessein des Écritures est de vous persuader de croire en moi.
2 Tim. iv. « Le manteau que j’ai laissé à Troas avec Carpus, quand tu viendras, apporte-le avec toi. » D’après Haymo, la penula, ou manteau, était le gilet çonsular du père de Paul, qui lui fut conféré par les Romains, lorsqu’il obtint le privilège de citoyen romain : — selon Jérôme, il faut entendre le livre de la loi ; mais Chrysostome dit que le phélonème est un vêtement ; et il ajoute ensuite qu’il s’enquiert du manteau, afin d’éviter la nécessité de recevoir d’autrui. Actes xx. Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
Et les livres.] Chrysostome demande : Quel besoin y avait-il de livres pour celui qui allait aller à Dieu ? Et il répondit qu’il y avait alors le plus grand besoin qu’il les déposât chez les croyants. Une autre raison était qu’ils pouvaient lui apporter une consolation dans la tribulation ; et donner aux autres un exemple d’étude. 1 Maccab. xii. Nous avons les livres saints de l’Écriture dans nos mains, pour nous réconforter. Et c’est un argument en faveur de l’étude, puisque, à la veille du martyre, il veut les étudier lui-même, ou en recommander l’étude à d’autres.
« Mais surtout les parchemins ;] afin que j’écrive mes épîtres sur eux. Et qu’il soit noté que celui qui se glorifiait de ce que le Saint-Esprit et le Christ parlaient en lui, 2 Corinthiens xiii, s’est servi de parchemins dans ce cas, pour [l’assistance de] la mémoire. *
* Ugonis de S. Charo. Opéra, tom. VII, p. 230. Côlon. Agrip. 1621, fol.
Cet ouvrage a été plusieurs fois imprimé en six volumes, in-folio, et à Cologne, en 1621, en huit volumes, in-folio. On suppose généralement qu’il s’agit de la première Bible divisée en chapitres actuels, qui, pour la commodité des citations et des références, ont été subdivisés à nouveau par le cardinal, en ajoutant dans la marge les lettres A. B. C. D. E. F., une pratique qui s’est poursuivie jusqu’à l’invention des versets actuels par Robert Stephens en 1550. et adopté dans nos premières Bibles anglaises. Cependant le cardinal Humbert, vers l’an 1059, cite les douzième et treizième chapitres de l’Exode, et le vingt-troisième du Lévitique, selon notre division actuelle des chapitres. Hugo mourut le 14 mars 1262 et fut enterré dans l’église des Dominicains à Lyon.+
+ Cavéi Hist. Lit., sæc. t. XIII, p. 721. Remarques de Jortin, vol. III, p. 126.
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L’école ou académie de Paris a été mentionnée à plusieurs reprises, comme le lieu de villégiature de tous ceux qui désiraient compléter une éducation littéraire ; Nous pouvons maintenant observer que jusqu’ici les études publiques s’étaient bornées à certaines branches de la science, appelées le trivium et le quadrivium ; Le trivium comprenait la grammaire, la rhétorique et la dialectique ; le quadrivium comprenait la musique, l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie. On avait cru que celui qui en était le maître n’avait pas besoin d’un précepteur, ni d’expliquer aucun livre, ni de résoudre aucune question qui relevait de la raison humaine ; la connaissance du trivium lui ayant fourni la clef de tout langage, et celle du quadrivium lui ayant ouvert les lois secrètes de la nature. Mais à mesure que les vues ou les désirs des hommes s’élargissaient, tout le cercle des sciences, autant que le permettait le temps imparti, ne paraissait pas être un objet au-delà de la compréhension des jeunes esprits. Les écoles qui prétendaient embrasser toutes les sciences dans leurs murs, et nommer des maîtres pour chacune d’elles, étaient proprement appelées universités , dont Paris, vers l’an 1215, aurait donné l’exemple. Elle fut bientôt suivie dans d’autres pays, et particulièrement en Italie ; où presque toutes les villes, grâce à la bienfaisance des princes ou des pontifes, étaient honorées du titre distinctif. Le droit civil et canonique, la théologie et les recherches philosophiques les plus abstruses, étaient les études les plus ardentes suivies : les deux premières comme voie de l’avancement ; ce dernier, comme le moyen de s’assurer la célébrité et les applaudissements dans le domaine de la dispute.♦ Mais les livres étaient encore rares, comme nous l’avons déjà noté, car le travail de transcription était nécessairement lent, laborieux et coûteux ; et là où les moines travaillaient comme scribes, leurs copies étaient généralement enfermées dans le cloître ; et ce qui était exécuté par les artistes engagés dans les universités ne pouvait satisfaire aux exigences que de quelques-uns. La notice de Wood sur la bibliothèque du Merton College, à Oxford, à l’état naissant (Colleges and Halls, édit. Gutch, vol. I, p. 61), illustre les mœurs et l’érudition de l’époque : « Au début, la société gardait les livres qu’elle avait (qui n’étaient que peu nombreux) dans des coffres, et une fois, quelquefois deux fois par an, choisissait d’emprunter ceux qu’elle voulait, en leur donnant un certificat sous la main pour les remettre à leur place.+ Que la poursuite de la littérature est ardue, et que ses progrès sont lents dans les âges de la transcription et avant l’invention de l’imprimerie ! L’allocation accordée aux étudiants des académies publiques ou des universités ne leur permettait pas non plus d’acheter de nombreux volumes pour eux-mêmes. D’après les statuts du Merton College d’Oxford, fondé en 1264, l’allocation aux boursiers n’était que de cinquante shillings par an pour tout ce qui était nécessaire ; et les revenus du collège de Baliol, fondé en 1263 ou 1268, étaient d’abord si faibles, qu’ils ne rapportaient que huit pence par semaine à chaque élève, mais ensuite ils furent tellement augmentés par la bienfaisance de Sir P. Somervyle, que l’allocation hebdomadaire des boursiers et des savants fut portée à onze pence, et en cas de cherté des vivres à quinze pence.++
♦ Histoire de la philosophie d’Enfield, vol. II, p. 337. Herrington’s Literary History of the Middle Ages, t. V, p. 354.
+ Chalmers’s Hist, de l’Université d’Oxford, vol. I, p. 36. Oxford, 1810, in-8°.
++ Ibid., p. 6, 47 à 49.
Hearne, dans les Observations préliminaires qui précèdent le sixième volume de son édition des Collectanea de Leland, a tenté de défendre les moines du moyen âge contre l’accusation générale d’ignorance et d’analphabétisme ; et s’il n’a pas été tout à fait acharné à les sauver des imputations de leurs adversaires contemporains, son raisonnement n’en mérite pas moins qu’on s’y attarde : « Personne ne doute, dit-il, que les monastères n’aient eu divers membres qu’on ne pouvait qualifier de savants. Mais quand nous parlons des corps savants, ceux-ci ne doivent pas être considérés, du moins leur ignorance ne doit pas être regardée comme suffisante pour les qualifier d’ignorants. Ajoutez à cela que quelquefois ces illettrés étaient éminents pour un autre motif, et qu’ils pouvaient par conséquent être très utiles aux monastères. Après tout, il est très certain qu’un grand nombre de moines étaient des hommes d’une érudition très profonde et de capacités extraordinaires. S’il en avait été autrement, il serait impossible d’expliquer ce nombre incroyable de livres qu’ils ont écrits. Quiconque lit Boston de Bury, ou Leland, ou d’autres auteurs qui disent quelque chose de leurs écrits, ne peut raisonnablement supposer qu’ils ont été des hommes illettrés. Au contraire, beaucoup de leurs écrits sont très judicieux et pleins d’érudition, et ce dont beaucoup des meilleurs de nos écrivains modernes (malgré les nombreux avantages que nous avons pour acquérir la science qu’ils voulaient) n’ont pas à rougir : non, dans certaines parties de l’érudition, ils ont dépassé n’importe lequel de nos modernes, ce qui est un argument, non seulement d’excellentes parties, mais de leur assiduité et de leur application constantes et inlassables. Sans cette diligence et ce soin, nous n’aurions pas conservé tant des meilleurs auteurs des premiers âges. John Bale♦ lui-même, qui était par ailleurs leur ennemi mortel, leur accordera cet éloge, et c’est pour cette raison qu’il déplore les ravages de tant de livres qu’ils avaient conservés lors de la dissolution. Je sais bien que les abbés avaient souvent une petite quantité de livres, quelquefois pas plus de cinq ou six, dans leurs études particulières ; Et peut-être que beaucoup de moines n’en auraient pas eu davantage. Mais nous ne devons pas mesurer l’étendue de l’érudition de quelqu’un par le nombre de livres ; mais, en vérité, s’il y avait là une preuve, nous pourrions alléguer en faveur des religieux, que, quelque médiocrement meublées que fussent leurs propres études privées, ils pouvaient avoir un accès continuel, s’ils le voulaient, aux bibliothèques bien conservées ; Je veux parler des bibliothèques qui appartenaient en commun à chaque abbaye. Nous avons des comptes rendus du mobilier de quelques-unes de ces bibliothèques ; et si l’on peut juger du reste par ceux-ci, il est certain qu’ils avaient un stock de livres aussi grand qu’un grand nombre de livres, et que beaucoup de leurs bibliothèques pourraient rivaliser pour le nombre avec plusieurs de nos meilleures bibliothèques depuis. Et même les bibliothèques qui n’avaient pas un si grand magasin dépassaient celles de nos bibliothèques actuelles, parce qu’elles étaient toutes des manuscrits, et qu’à ce titre elles doivent être regardées comme un trésor précieux et précieux. En un mot, de même que les abbayes étaient très curieuses, belles et magnifiques piles de bâtiments, richement dotées, et qu’elles trouvaient continuellement des bienfaiteurs généreux, de même je crois que leurs bibliothèques répondaient en tous points aux autres parties des édifices, et qu’elles étaient toutes (malgré la réflexion faite sur la bibliothèque franciscaine d’Oxford, juste après la dissolution) ornées d’une extraordinaire belle collection de livres.+
♦ John Bale, évêque d’Ossory, en Irlande, a été éduqué dans la religion catholique romaine, mais a ensuite embrassé les doctrines de la Réforme et est devenu un auteur célèbre. Il meurt en 1563.
+ Leland’s Collectanea, par Hearne, vol. VI, pp. 86, 87.
1
Parmi les ordres mendiants, particulièrement les dominicains, il y en eut qui, pendant ce siècle, s’appliquèrent à l’étude des langues orientales, dans le louable dessein de tenter la conversion des Juifs et des Mahométans ; Dans l’un de leurs chapitres généraux, tenu à Valence en 1259, il fut ordonné que le prieur d’Espagne instituerait une école dans le couvent de Barcelone, pour l’étude de la langue arabe : « Injungimus Priori Hispaniæ quod ipse ordinet aliquod studium ad addicendam linguam Arabicam in conventu Barcinonensi vel alibi, et ibidem coi-locet fratres aliquos de quibus speretur, Quod de hujusmodi studio possunt proficere. »++
++ Simon, Lettres Choisies, tom. iii, let. 16, p. 112.
Vol. I. — 25
RAYMOND DE PENNAFORT, ou PEGNAFORT, ainsi appelé, du lieu de sa naissance en Catalogne, général des Dominicains, homme de piété, de zèle et d’érudition, condamnait la violence qui avait souvent employée à détruire plutôt qu’à convertir les Juifs, et s’efforçaient de favoriser leur conversion par l’instruction, et l’adoption de et des mesures de persuasion. À sa demande, Jacques Ier, roi d’Arragon, publia plusieurs édits pour réprimer l’insolence du peuple, et pour encourager ceux qui études qui pourraient les qualifier pour contester les erreurs juives succès. le pape Grégoire IX, dont Raymond de Pennafort était l’aumônier et confesseur, promouvait les mêmes projets ; et approuva les disputes publiques avec les Juifs. La plus remarquée de ces conférences publiques a eu lieu à la devant le roi d’Arragon, vers l’an 1260. Les contestataires étaient Moïse Bar Na’hman, ou Na’hmanide, un Juif kabbalistique érudit, et Raymond Martin et Paul Christian, deux frères dominicains. Les deux camps ont revendiqué la victoire. Dans l' actes de cette conférence, publiés par Wagenseil, dans son Tela Ignea Satanæ, Altdorf. Noric. 1681, in-4°, et écrit par Na’hmanide, l’auteur soutient que le roi fut si satisfait de sa conduite qu’il lui offrit trois cents écus d’or pour le voyage qu’il se proposait de faire. D’un autre côté, on prétend que les Juifs furent tellement confondus par leurs adversaires, que leur avocat préféra quitter l’Espagne et se retirer à Jérusalem, pour éviter l’opprobre et la honte de sa défaite. Basnage, cependant, considère les « Actes » publiés par Wagenseil comme fallacieux, bien qu’il admette le fait d’une dispute publique.
- ↑ Histoire des Juifs de Basnage, t. VII, ch. xv, p. 660, 661. Wagenseilii Tela Ignea Satanæ, Disputatio, &c., p. 2, 60.
Rabbi MOÏSE BEN NA’HMAN, souvent appelé RAMBAN, de l’abréviation de son nom, naquit à Gironne, en l’an 1194. Il s’appliqua d’abord à la physique ; et en même temps il fit de tels progrès dans l’étude de la Loi, qu’il obtint les noms du Père de la Sagesse ; le Luminaire ; la Fleur de la Couronne et de la Sainteté. Un discours prononcé devant le roi lui valut le titre de Père de l’Éloquence. À une certaine époque, il méprisa la KABBALE, mais devint par la suite l’un de ses plus acharnés défenseurs. Il a publié divers ouvrages, principalement des exposés kabbalistiques de la Loi. Après avoir joui pendant de nombreuses années d’une grande réputation en Espagne, son pays natal, il la quitta pour la Judée et résida à Jérusalem, où il construisit une synagogue, et finit ensuite ses jours. L’heure exacte de sa mort est incertaine, différents auteurs la situant à des années différentes.+
+ Basnage, ut 8up., p. 655, 656.
1 25*
De PAUL, surnommé Christian, on ne sait rien de plus que ce qui a été raconté, sinon qu’il obtint du roi d’Arragon un décret dont Wagenseil a donné une copie, d’où l’on fait la traduction suivante. Elle s’adresse aux Juifs :
« Nous ordonnons et vous ordonnons formellement que chaque fois que notre fils bien-aimé, le père Paul Christian, de l’ordre des frères prêcheurs (ou dominicains), que nous avons envoyé pour vous montrer le chemin du salut, viendra à vous, dans vos synagogues, ou dans vos maisons, ou en tout autre lieu, pour prêcher la parole de Dieu, ou pour disputer, ou conférer avec vous, ensemble ou séparément, au sujet des Saintes Écritures, en public ou en privé, ou par voie de conversation familière ; que vous veniez à lui, et que vous l’écoutiez avec douceur et bienveillance ; et, autant que vous le savez, répondez à ses questions sur la foi et les Saintes Écritures, avec humilité et révérence, et sans calomnie ni subterfuge. Et que vous lui permettiez aussi d’avoir l’usage de tels de vos livres qu’il voudra, afin de vous montrer la vérité ; et les dépenses que ledit frère peut avoir faites pour transporter d’un lieu à l’autre les livres qu’il a jugés nécessaires pour vous enseigner la vérité, (les frères de son ordre, par leur constitution, étant exempts de dépenses), ayez soin de les décharger, de les mettre à notre compte, et de les déduire du tribut que vous devez nous payer. De plus, nous ordonnons et ordonnons strictement à tous les huissiers, vicaires et autres officiers, dans toutes les parties de nos États, que si les Juifs susdits ne se conforment pas librement à ce qui est mentionné ci-dessus, ils les obligent par notre autorité, comme ils désirent notre faveur et notre affection. Donné à Barcelone, IV. Calend. Sept. Anno Domini MCCLXIII.♦
♦ Wagrenseilii tela ignaea satanæ : disputatio, &c., dans Prafat.
RabbiMARTIN était un moine de l’ordre de Saint-Dominique, et avait été choisi pour étudier les langues, afin qu’il pût être employé à la conversion des Juifs. Dans ce dessein, non seulement il s’appliqua diligemment aux langues hébraïque, chaldéenne et arabe, mais il acquit une connaissance approfondie des écrits rabbiniques, ainsi que des habitudes générales et du caractère du peuple pour l’instruction duquel ses études étaient immédiatement dirigées. Après la dispute publique avec R. Moïse Ben Na’hman, il fut nommé, avec l’évêque de Barcelone et Raymond Pennafort, le général de son ordre, pour examiner et juger les blasphèmes insérés dans les livres juifs, à la suite de plaintes qui avaient été faites au roi contre eux. Il fut aussi l’auteur d’un ouvrage célèbre contre les Juifs, intitulé Pugio Fidei, ou le Poignard de la Foi, qui, par les nombreuses citations des rabbins, prouve que l’auteur avait étudié assidûment leurs œuvres, et qu’il était bien qualifié pour la controverse dans laquelle il s’était engagé. En 1651, une édition fut publiée à Paris, in-folio, aux frais de l’ordre auquel son auteur avait appartenu, éditée par le savant Joseph de Voisin, et accompagnée de remarques de l’éditeur : une autre édition fut publiée par Carpzovius, à Leipzig, en 1687, fol., avec une introduction à la théologie juive, et un court récit de la conversion d’Herman, un Juif, au christianisme, écrit par lui-même. Le célèbre Allemand Esdras Edzard, mort en 1708, prit la peine de vérifier toutes les références faites par Raymond Martin aux écrits juifs, en les collationnant avec les éditions imprimées des différents ouvrages. Ces recherches ont depuis été insérées par Wolfius, dans le quatrième volume de sa Bibliotheca Hebræa, pp. 572-628. Malheureusement Edzard n’a pas précisé les éditions qu’il a consultées, mais Fabricy, dans ses Titres Primitifs, nous apprend que l’abbé Poch a remédié à ce défaut ; il a révisé les remarques d’Edzard, indiqué les différentes éditions où l’on trouve les citations, et signalé plusieurs autres passages qui avaient échappé aux recherches d’Edzard. Ses remarques et les corrections, cependant, n’ont jamais été publiées. Raymond Martin mourut au couvent des Dominicains à Barcelone, en 1284.♦
♦Hist. des Juifs de Basnage, t. VII, p. 660-662. Fabricy, Titres Primitifts, tom. Li, p. 143 à 145. Simon, Lettres Choisies, tom. III, let. 16, à la p. 113.
Le caractère de Jacques Ier, roi d’Arragon, en présence duquel Na’hmanide et les deux frères dominicains discutaient publiquement, paraît avoir été singulièrement incohérent. Basnage raconte+ que tel était son attachement pour les Juifs, qu’il recevait d’eux des leçons de morale ; et se procura des livres de dévotion et de piété à composer par eux. R. Jona, qui vivait en 1264, écrivit à un autre Juif de Gironne, pour lui demander conseil, comment réaliser l’intention du roi d’Arragon, qui lui avait ordonné d’écrire un livre pour instruire l’homme dans les devoirs de la religion et de la piété : le même Jona est probablement l’auteur d’un ouvrage célèbre sur la « Crainte de Dieu », traduit en allemand et en espagnol, sous le titre de Tratado del Timor Divino. Cependant telle était l’inconstance de ce prince, qu’il défendit à ses sujets chrétiens de lire les écrits des rabbins, et ces mesures violentes furent poussées si loin, que le fait d’avoir en sa possession un ouvrage rabbinique fut considéré comme une preuve suffisante du judaïsme !++
+ Hist. des Juifs de Basnage, b. vii, ch. xv, p. 663.
++ Du Cange, v. Charta de Rabi, vol. ii, col. 517.
1
En France, Louis IX, qui mourut en 1270 et fut canonisé par le pape Boniface VIII en 1297, montra « la magnanimité du héros, l’intégrité du patriote et l’humanité du philosophe », et, ce qui était d’une valeur encore plus grande, découvrit les vertus du chrétien. Il plaçait l’étude des Saintes Écritures parmi les devoirs essentiels d’un prince, et littéralement « il y méditait jour et nuit ». Son biographe, qui avait été pendant dix-huit ans confesseur de la reine Marguerite, femme de Louis, nous dit que sa bibliothèque se composait de la BIBLE accompagnée d’une glose ou d’un commentaire ; les originaux des œuvres de saint Augustin ; les écrits d’autres saints ; et certains ouvrages concernant les Écritures. Il les lisait lui-même, ou les faisait lire tous les jours après le dîner ; et quand il n’était pas occupé autrement, il envoyait chercher l’un des moines, avec qui il s’entretenait de Dieu, ou des saints, ou de l’histoire de l’Écriture. Le soir, quand le dernier des offices religieux quotidiens , ou complies, avait été lu dans la chapelle par ses chapelains, il se retirait ordinairement dans sa chambre, et alors, pour employer l’expression de l’écrivain : « estoit alumée une Chandele de certaine longueur, c’est à savoir de trois piez ou environ ; et endementieres que l’on durcit, il lisoit en la Bible, ou en un autre saint livre : et quant la chandele estait vers la fin, un de ses chapelains estoit apelés, et lors il disoit compilé avec lui " une bougie, (ou cierge de cire,) d’environ trois pieds de long fut allumée, et tant qu’elle dura il lut dans la Bible, ou quelque autre livre pieux ; et quand elle fut presque consommée, on appela un de ses aumôniers, avec qui il dit alors les Complies.♦
♦Histoire de Saint Louis par Jehan Sire de Joinville, &c., &c. Vie de S. Louis, p. 322. Paris, 1761, fol.
Un autre des biographes de cet excellent souverain communique l’information que, par son ordre, une traduction de toute la Bible a été faite en français, et ajoute qu’il en a vu une copie.+ Lelong remarque une ancienne version française de la Bible, aujourd’hui à la bibliothèque royale de Paris, d’où il a extrait le premier chapitre de la Genèse, et une partie du premier psaume, comme spécimens de la traduction, et qu’il conjecture être celle exécutée par l’ordre de saint Louis. Il est sur parchemin, enluminé et orné de figures ; mais elle est défectueuse, puisqu’elle manque depuis le douzième chapitre de l’épître aux Hébreux, jusqu’à la fin de l’Apocalypse.++
+ Joannes de Serres. See Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, cap iv, pp. 314, 315, fol. 1723.
++ Le Long, ubi sup.
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Sous le règne de Louis, Robert Sorbon, chanoine et savant docteur à Paris, qu’il avait honoré de son amitié particulière, fonda la Sorbonne , collège de l’université de Paris, destiné à l’étude de la théologie. Elle fut dotée par Louis, et la confirmation en fut obtenue de Clément IV. vers 1250 apr. J.-C. Le cardinal de Richelieu reconstruisit ensuite magnifiquement le collège, et éleva ainsi un monument honorable à sa mémoire.
§ Butler’s Lives, vol. VIII, 25 août, p. 385. <>.
Il est cependant à déplorer qu’à peu près à la même époque il ait été ordonné par les statuts de l’université de Paris que « nul ne lirait des conférences sur la Bible, à moins d’avoir étudié sept ans dans cette université » (voir Lewis’s Hist, of the Eng. Translations of the Bible, p. 35 ;) et que plusieurs ouvrages ont été écrits et diffusés en France et en Italie, qui ne pouvaient servir qu’à déprécier les saintes Écritures, et à promouvoir la superstition et la pire espèce de fanatisme. Les principaux d’entre eux étaient le Psautier de la Sainte Vierge ; l’Évangile éternel ; et l’Introduction à l’Évangile éternel.
Le PSAUTIER DE LA SAINTE VIERGE était une parodie impie des Psaumes, dans laquelle l’auteur introduit le nom et les appellations de Marie, au lieu de ceux de l’Être divin.
Les extraits suivants illustreront sa manière :
« Heureux l’homme qui aime ton nom, ô Vierge Marie ; Ta grâce consolera son âme.
« Les cieux proclament ta gloire ; et le parfum de tes parfums se répand parmi les nations.
« Allons, chantons à la Vierge ; faisons un bruit joyeux à Marie notre reine, qui apporte le salut.
« Rendez grâces au Seigneur, car il est bon ; Rendez grâces à sa Mère, car sa miséricorde dure à toujours.
« Madame, ne méprisez pas mes louanges ; et veux-tu accepter ce psautier qui t’est dédié.
« Le Seigneur dit à la dame : Assieds-toi, ma mère, à ma droite. » *
* Réponse d’Usher à un défi lancé par un jésuite en Irlande, p. 367. Lond. 1686, in-4°, où il parle de Bonavent. Opéra., tom. vi. Rom. 1588.
Ce psautier est généralement attribué au cardinal Bonaventure, qui fut l’auteur de plusieurs autres ouvrages à la louange de la Vierge Marie ; mais Alban Butler nie qu’il ait écrit le psautier, et dit « qu’il est indigne de porter son nom ».+ John Peckham, archevêque de Cantorbéry, a également composé un ouvrage de même nature, intitulé Psalterium Meditationum B. Marice, mais il n’a jamais été imprimé.++
+ Cavéi Hist Lit., sæc. xiii, p. 728-730. Butler’s Lives, vol. VII, p. 166, note.
++ Réponse d’Usher à un défi, etc., p. 367.
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L’ÉVANGILE ÉTERNEL, comme on l’appelait, était une œuvre fanatique, attribuée, peut-être à tort, à Joachim, abbé de Sora, en Calabre, que la multitude vénérait comme une personne divinement inspirée et égale aux plus illustres prophètes de l’antiquité. Il contenait diverses prédictions relatives à l’Église de Rome et à l’état futur de la religion. L’auteur divisa le monde en trois âges, s’accordant avec les trois dispensations de religion qui devaient se succéder. Les deux âges imparfaits, par lesquels il entendait l’âge de l’Ancien Testament, qui était celui du Père, et l’âge du Nouveau, qui était sous l’administration du Fils, étaient, selon ses prédictions, maintenant passés , et le troisième âge, ou celui du Saint-Esprit, était proche, dans lequel un Évangile nouveau et plus parfait devrait être promulguée par un groupe de ministres pauvres et austères, que Dieu susciterait et emploierait à cette fin. Le titre de cette production est tiré de l’Apocalypse xiv, 6, et se divise en trois livres ; le premier s’intitulait Liber Concordiae Veritatis, c’est-à-dire le Livre de l’Harmonie de la Vérité , le second, Apocahjpsis Nova, ou la Nouvelle Révélation, et le troisième , Psalterium decem Chordarum, ou la « Harpe à dix cordes ». Les franciscains appliquaient ces prédications à eux-mêmes, et à l’austère règle de discipline établie par leur fondateur saint François, qui, disaient-ils, était l’ange que saint Jean voyait voler au milieu du ciel ; et que c’est Lui qui a transmis à l’humanité le véritable Évangile.♦
♦Mosheim’s Eccl. Hist., t. III, p. 209-211.
L’INTRODUCTION À L’ÉVANGILE ÉTERNEL a été l’œuvre d’un frère franciscain, et a évidemment été écrite par son auteur fanatique pour tromper la multitude dans une haute idée de la sainteté des ordres mendiants, et pour étendre et établir leur autorité parmi le peuple. Dans cette œuvre impie, on a soutenu :
1. « Que l’Évangile éternel [c’est-à-dire de Joachim] a surpassé la doctrine du Christ, et l’Ancien et le Nouveau Testament. »
2. « Que l’Évangile de Christ n’était pas l’Évangile du royaume, et que l’Église ne pouvait pas être édifiée par lui. »
3. « Que le Nouveau Testament devait être aboli, comme celui de l’Ancien. »
4. « Que le Nouveau Testament cesserait d’être en vigueur après l’an 1260. »
5. « Qu’un autre évangile succéderait à l’évangile de Christ ; et un autre sacerdoce, le sacerdoce du Christ.
6. « Que personne n’était apte à instruire les hommes dans les choses spirituelles et éternelles, si ce n’est ceux qui marchaient pieds nus, c’est-à-dire les ordres des hommes. »++
++ Usserius, De Christianarum Ecclesiarum, &c., pp. 277-280.
Un certain nombre d’autres opinions détestables, extraites de ces ouvrages, sont données par le savant Usher, dans son ouvrage intitulé Gravis-simæ Quæstionis, de Christianarum Ecclesiarum, in Occidenti-bus praesertim partibus, ab successione et statu, historica explicatio. Lond. 1613, 4to.
Lorsque l’Introduction à l’Évangile éternel fut publiée à Paris, en 1254, elle excita les sentiments les plus vifs d’horreur et d’indignation, et le pontifi romain Alexandre IV fut obligé de la supprimer en 1255. Mais, voulant épargner la réputation des mendiants, il ordonna qu’elle fût brûlée en secret. L’université de Paris, mécontente de ces procédés doux et si timorés, insista pour que le livre fût publiquement condamné, et Alexandre, à la longue, fut contraint à contrecœur de livrer publiquement aux flammes l’exécution du franciscain.♦
♦Mosheim’s Eccles. Hist., ut sup.
Tels étaient les événements des églises occidentales à l’égard des Saintes Écritures, et leur circulation parmi le peuple ; Nous ne trouvons pas non plus de promotion plus générale et plus efficace de la connaissance biblique dans les Églises d’Orient. Maigres et insatisfaisantes sont toutes les informations que l’on peut glaner sur ce sujet important et intéressant. Il est cependant certain qu’un certain nombre de transcriptions ont été faites du Testament grec et des Psaumes. Des preuves en existent dans les divers manuscrits de ce siècle, apportés du mont Athos et d’autres lieux de l’Orient, et conservés encore dans les différentes bibliothèques de l’Europe.+
+ Marsh’s Michaelis, vol. ii, partie i, et ii, ch. viii, sec. 6, passim.
Vers la fin du XIIIe siècle, une traduction du Nouveau Testament et des Psaumes de David fut faite en langue TARTARE par Johannes a Monte Corvino, afin d’accélérer la propagation de l’Évangile parmi les nations obscures et idolâtres où il avait été envoyé comme missionnaire en 1288 par le pape Nicolas IV. Il était à l’origine un moine italien et tirait son nom de Mons Corvinus, où il est né en 1237. Après avoir été employé à la mission pendant de nombreuses années, il fut nommé archevêque de Cambalu, de même que Pékin, alors la célèbre métropole de Cathay, aujourd’hui l’une des capitales de l’empire chinois ; érigé en archevêque, et conféré à notre laborieux missionnaire, par Clément VII. en 1307 ; honneur dont il jouit jusqu’à sa mort en 1330.++
++ Histoire ecclésiastique de Mosneim, vol. III, pp. 133,299. Mosheimii Hist. Tartar Eccles., p. 76-78, 97, 98, 111.
1
La lettre suivante, adressée par ce zélé missionnaire à certains dignitaires de son église, est curieuse et intéressante :
« Moi, frère JOHN DE MONTE CORVINO, de l’ordre des Frères Mineurs, j’ai quitté Tauris, ville de Perse, en l’an 1291, et je suis venu dans l’Inde, et je suis resté dans ce pays, à l’église de l’apôtre Saint-Thomas, treize mois, et j’ai baptisé environ cent personnes en divers endroits ; c’est là aussi que Nicolas de Pistoris, de l’ordre des Frères Prêcheurs, et compagnon de ma vie, mourut et fut enterré dans l’église. De là j’entrai dans le Cathay, royaume de l’empereur des Tartares, qu’on appelle le grand khan, et que j’invitai à la foi de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par les lettres du seigneur pape ; mais il était trop obstinément attaché à l’idolâtrie, cependant il conférait beaucoup de bienfaits aux chrétiens, et je restai avec lui deux ans.
Dans ces contrées, certains nestoriens, prenant le titre de chrétiens, mais différant en beaucoup de choses de la religion du Christ, s’étaient établis si solidement, qu’ils ne permettaient à aucun chrétien de pratiquer des cérémonies différentes des leurs ; ni d’avoir jamais un si petit oratoire ; ni de promulguer une autre doctrine que le nestorianisme. Et, comme aucun apôtre, ni disciple des apôtres, n’a jamais visité ces terres, les nestoriens susmentionnés, et d’autres qu’ils avaient corrompus par l’argent, ont soulevé de violentes persécutions contre moi, affirmant que je n’étais pas envoyé par le seigneur pape, mais que j’étais un grand espion et quelqu’un qui rendait les hommes fous ; et, au bout de quelque temps, je produisis de faux témoins d’une autre manière, disant qu’un ambassadeur avait été envoyé avec de grands trésors à l’empereur, que j’avais volé et assassiné dans l’Inde ; et cette machination continua pendant environ cinq ans, de sorte que je fus souvent traîné en jugement, avec l’imputation de meurtre. Enfin, par la volonté de Dieu, par la confession d’une certaine personne, l’empereur fut convaincu de mon innocence et de la malice de mes ennemis, qu’il envoya en exil avec leurs femmes et leurs enfants. Dans ce pays étranger, je restai onze ans, sans compagnon, jusqu’à ce que frère Arnold, un Allemand, de la province de Cologne, vînt me rejoindre, il y a maintenant plus d’un an. J’ai bâti une église à Cambalu, résidence principale du souverain, que j’ai terminée il y a six ans ; et j’ai fait un beffroi, dans lequel j’ai placé trois cloches. J’ai aussi baptisé, comme je le suppose, jusqu’à ce jour, environ six mille personnes ; et sans les accusations ci-dessus mentionnées, j’en aurais baptisé trente mille ; et je baptise encore souvent. J’ai, d’ailleurs, acheté successivement cent cinquante garçons, enfants de païens, de sept à onze ans, qui étaient alors complètement ignorants, n’ayant jamais été instruits ; je les ai baptisés, et je leur ai enseigné notre rituel en lettres grecques et latines ; et j’ai transcrit pour eux des Psautiers, avec trente livres de cantiques et deux bréviaires ; avec quoi, onze garçons connaissent maintenant notre office , et tiennent chœur et hebdomary, comme cela se fait dans les couvents, que je sois présent ou non ; beaucoup d’entre eux copient aussi des psautiers, et d’autres ouvrages utiles : l’empereur prend beaucoup de plaisir à les chanter. Je sonne les cloches à toutes les heures [indiquées] et je fais le service divin avec l’assemblée des bébés et des nourrissons ; Et nous chantons secundum usum, n’ayant pas de bureau avec les notes.
Un certain roi, dans ce quartier, nommé Georges, de la secte des nestoriens, parent du grand roi appelé prêtre Jean
Je répète que, s’il n’y avait pas eu les calomnies infâmes mentionnées ci-dessus, de grands fruits auraient pu s’ensuivre. S’il y avait eu deux ou trois compagnons avec moi pour m’aider, peut-être l’empereur le khan aurait-il été baptisé. Je demande donc que de tels frères puissent venir, s’il y en a qui le veulent, qui s’efforceront soigneusement de donner l’exemple, et non d’élargir les bords de leurs vêtements. De la route, je puis remarquer que le chemin le plus court et le plus sûr est celui qui passe par le pays des Goths, gouverneurs des Tartares du nord, par lequel ils pourraient venir, avec des guides, en cinq ou six mois ; l’autre chemin est plus long et plus dangereux, comprenant deux voyages, le premier jusqu’à Acho et la province de Provence, le second jusqu’entre Acho et Angelia ; et il peut arriver que le voyage de ce chemin ne sera guère achevé en deux ans, le premier chemin ayant été longtemps rendu impraticable par les guerres. C’est pourquoi, depuis douze ans, je n’ai reçu aucune nouvelle de la cour de Rome, ni de notre ordre, ni de l’état de l’Occident. Il y a deux ans qu’est venu un certain médecin lombard qui répand dans ces contrées des bruits incroyables et blasphématoires relatifs à la cour de Rome et à notre ordre, ce qui me rend anxieux de connaître la vérité.
« Je vous prie, frères, à qui cette épître peut arriver, de veiller à ce que son contenu soit connu du seigneur pape, des cardinaux et du procurateur de notre ordre, à la cour de Rome. Je prie le général de notre ordre d’un antiphonaire, d’un légendaire, d’un graduel et d’un psautier, avec des notes pour copie, car je n’ai qu’un bréviaire portatif avec de brèves leçons, et un petit missel. Si j’en obtiens une copie, les garçons mentionnés ci-dessus en transcriront d’autres. Je suis maintenant engagé dans la construction d’une autre église, pour séparer les jeunes en plusieurs endroits. Je suis maintenant vieux et grisonnant, plus par le travail et la peine que par l’âge, n’ayant que cinquante-huit ans. J’ai complètement appris la langue et les lettres tartares, telles qu’elles sont communément employées par les Tartares , et j’ai traduit dans leur langue et dans leurs lettres tout le NOUVEAU TESTAMENT et le PSAUTIER, que j’ai fait écrire en leurs plus beaux caractères, et j’écris, et je lis, et je prêche, dans cette langue, ouvertement et clairement, le témoignage de la loi du Christ. J’étais aussi convenu avec ledit roi Georges, s’il avait vécu, de traduire tout l’office latin, afin qu’il pût être chanté dans tous ses États ; et tant qu’il vécut, je célébrai la messe dans son église selon le rite latin, lisant dans cette langue, aussi bien les paroles du canon que de la préface. Le fils dudit roi s’appelle Jean, d’après mon nom, et j’espère en Dieu qu’il imitera les pas de son père. De plus, d’après ce que j’entends et vois, je crois qu’il n’y a pas de roi ni de prince au monde qui puisse être égalé au seigneur khan pour l’étendue du territoire, la multitude de gens et l’abondance des richesses.
« Donné dans la ville de Cambalu, dans le royaume de Cathay, le 8 janvier de l’an de grâce 1305. » *
* Mosheimii Hist Tartar. Eccles., p. 114, n° 33. Helmstad. 1731, in-4°.
On trouvera une relation intéressante de la découverte de l’existence d’une version TARTARE de L’ANCIEN TESTAMENT, chez les Juifs karaïtes, par le révérend R. Pinkerton, à Baktcheserai ou Bahchisaray, en 1816, dans Pinkerton’s Letters, etc. On dit qu’il a été fabriqué il y a plusieurs siècles par les ancêtres des Juifs karaïtes actuels. À propos de cet exemplaire, le Dr Pinkerton écrit : « Nous sommes retournés à Bahchisaray par le même chemin que nous y sommes allés ; et il ne fallut pas longtemps avant qu’Aaron ne le suivît, et me présentât un très bel exemplaire de tous les boohs canoniques de l’Ancien Testament en langue tartare , écrits sur du papier vélin fin, en caractères hébreux, compris en quatre volumes in-quarto, pour lesquels je lui payai deux cents roubles. J’ai rarement rencontré un plus beau manuscrit. Il est élégamment relié en cuir de chèvre rouge, et orné d’or, ! Je tâcherai de le faire expédier sain et sauf à Saint-Pétersbourg+, où, avec l’aide d’un ou deux savants Tartares, sous ma propre direction, s’il plaît à Dieu de m’épargner de revenir, il pourra être écrit avec justesse dans le caractère, et soigneusement révisé et mis sous presse, avec la traduction du Nouveau Testament faite par les missionnaires de Karass. Les pratiques particulières des Karaïtes, en rejetant le Talmud et toutes les fables traditionnelles des Juifs, et leur stricte adhésion au texte sacré de l’Écriture seule, me donnent de grandes raisons d’espérer que nous trouverons que leur traduction tartare de l’hébreu est exacte. *
+ Ce précieux manuscrit arriva sain et sauf à Saint-Pétersbourg, et un volume en fut envoyé aux missionnaires écossais d’Astrachan, qui, après l’avoir examinée, déclarèrent qu’elle était dans un dialecte très différent de celui parlé par les Tartares de Nogaï, de Kasan et de Crimée, mais qu’ils considéraient comme ce qui leur serait d’une grande utilité dans une traduction de l’Ancien Testament dans le même dialecte tartare dans lequel le Nouveau Testament existe déjà. Voir la lettre du prince Galitziris au seigneur Teignmmith.
* Extraits de lettres du révérend R. Pinkerton, lors de son voyage en Russie, etc., pour promouvoir l’objet de la Société biblique britannique et étrangère, pp. 18-20. Lond. 1817, in-8°. Voir aussi Treizième rapport de la Société biblique britannique et étrangère, p. 74-76.
De l’ancienne traduction tartare, par Johannes a Monte Corvino, on en sait peu de chose, car il n’en existe aucun exemplaire dans aucune des bibliothèques publiques d’Europe ; et, autant qu’on peut en juger, il n’en reste aucune trace en Tartarie ou en Chine.
En ARMÉNIE, plusieurs événements importants ont eu lieu, intimement liés à la littérature biblique. Les églises de la Petite-Arménie, ou Cilicie, se soumirent à l’autorité du pape ; et HAITHO, ou, comme on l’appelle plus justement, HETHOM, qui régna de 1224 à 1270, devint frère franciscain, peu de temps avant sa mort. Ce prince n’était pas seulement attaché à l’Église de Rome, mais aussi familier avec la langue latine ; et publia une nouvelle édition, ou révision de la Bible arménienne, à laquelle il ajouta toutes les préfaces de Jérôme. On l’a accusé d’avoir altéré ou corrompu son édition de la Vulgate, et d’avoir inséré 1 Jean V, 7, du latin, parce que trente-sept ans après sa mort, ce passage a été cité dans un concile tenu à Sis, en Arménie, et se trouve dans d’autres archives arméniennes, bien qu’il soit affirmé que le passage ne se trouvait pas dans les anciens manuscrits arméniens. Mais que nous admettions ou non l’authenticité du verset, Haitho est lavé de l’accusation de corruption volontaire du texte sacré, par le fait reconnu que ce verset ne se trouve dans aucun manuscrit arménien moderne du Nouveau Testament.+
+Michaelis de Marsh, vol. II, t. I, p. 102 ; Chapitre II, p. 616.
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GÁREGORIUS BAR HEBRAEUS, ou ABUL-FARAÏ, plus généralement appelé ABULPHARAGIUS, était également originaire d’Arménie. Il naquit en 1226, à Malatia, ville située près de la source de l’Euphrate. Son père, qui s’appelait Aaron, était médecin, éminent dans sa profession. Dans sa jeunesse, il se consacra avec ardeur à l’étude de la philosophie et de la théologie ; et acquit une connaissance intime des langues grecque, syriaque et arabe. Sous les instructions de son père et d’autres médecins célèbres, il poursuivit l’étude de la médecine, et fut célèbre pour son excellence dans cet art. En l’an 1243, l’Arménie fut envahie par les Tartares, où lui et son père furent obligés de fuir Malatia, pour échapper à la fureur des envahisseurs. L’année suivante, il se rendit à Antioche et, se retirant dans une grotte près de la ville, il adopta la vie d’un anachorète. D’Antioche, il se rendit à Tripoli, ou Tripolis, en Syrie. Dans sa vingtième année, Ignace, patriarche des Jacobites, l’ordonna évêque de Guba ; et l’année suivante, il le traduisit à Lacabène. Le patriarche Denys, dont il avait épousé et défendu la cause contre son adversaire Johannes Bar Maadan, l’éleva ensuite au siège d’Alep ; et le suffrage universel des évêques l’appela en 1264 à être mafrejan ou primat d’Orient, dignité qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1286.
* Assemani Biblioth. Orientalis, tom. ii, pp. 244-321. Romæ, 1728, fol.
La mémoire de ce grand homme fut honorée des plus grands éloges tant par les chrétiens que par les mahométans, qui l’appelèrent le prince des médecins, le plus excellent des excellents, le modèle de son temps, la gloire et le phénix du siècle.+ Une liste de ses nombreux ouvrages est donnée par Asseman, dans la Bibliotheca Orientalis, tom. ii, dont les plus importants sont son Histoire des Dynasties, ou Abrégé de l’Histoire Universelle, et Horreum Mysteriorum, ou Commentaires sur les Écritures.
+ Pocockii Specimen Hist. Arab, in Præfat. Oxon, 1650, in-4°.
L’Histoire des Dynasties, ou Abrégé de l’Histoire Universelle, est un condensé de l’histoire générale du monde, depuis la création jusqu’à son époque. Il est divisé en dix dynasties ou gouvernements. La première comprend l’histoire des anciens patriarches, depuis Adam jusqu’à Moïse ; la seconde, celle de Josué et des juges d’Israël ; la troisième comprend les règnes des rois d’Israël ; le quatrième, l’histoire des Chaldéens ; le cinquième, des Mages, ou Perses ; le sixième, des Grecs idolâtres ; le septième, des Francs, ou Romains ; le huitième, des Grecs sous les empereurs chrétiens ; le neuvième, des Sarrasins ; et le dixième, des Tartares moghols. Les deux dernières dynasties sont considérées comme les plus correctes et de beaucoup les plus intéressantes au point de vue des informations. En 1650 , le très savant docteur Edward Pocock publia l’introduction à la neuvième dynastie, avec une traduction latine, sous le titre de Specimen Historiæ Arabum, sive Gregorii Abul Farajii Malatiensis de Origine et Moribus Arabum succincta Narratio. Le texte et la traduction de l’Arabie ne s’étendent que sur trente pages, mais sont rendus inestimables par les notes de l’éditeur, provenant de plus de cent manuscrits, formant de beaucoup la plus grande partie du volume, qui se compose de trois cent quatre-vingt-dix pages, outre la préface. L’extrait d’Abulpharage contient un récit abrégé des Sarrasins, ou Arabes, avant l’époque de Mahomet ; de l’imposteur lui-même ; de la religion qu’il a introduite ; et des diverses sectes dans lesquelles ses disciples étaient divisés. Les notes sont un recueil d’extraits curieux et importants d’auteurs arabes, et de discussions originales relatives à Mahomet, et à l’origine, aux mœurs, à la littérature et à la religion des Arabes ; dans lequel le savant éditeur a introduit une description de la Mecque ; récits des anciens Zabii, adorateurs des corps célestes ; et des Mages orientaux ; un court discours tiré des ouvrages d’un médecin arabe, sur l’influence des différentes sortes de nourriture sur le tempérament et le tempérament ; et des remarques critiques sur plusieurs autres sujets intéressants. Le célèbre orientaliste, Simon Ockley, l’appelle « une œuvre d’or » et la déclare être une « clé pour tous les autres auteurs arabes ». * Le Dr Pocock publia aussi toute l’Histoire des Dynasties, avec une traduction latine, en 1663, in-4°, qu’il dédia au roi Charles II.
* Ockleii Introductio ad Linguas Orientales, p. 147. Lond., 8vo.
L’Horreum Mysteriorum, ou Magasin des Mystères, est une édition critique et explicative des Écritures syriaques, dans laquelle l’éditeur corrige la ponctuation du texte ; donne les diverses lectures d’une vaste collation de manuscrits et de versions ; produit les remarques critiques d’autres écrivains ; et accompagne le tout de brèves scholies explicatives, ou notes ; imitant ainsi les travaux de Jacob d’Édesse, et Denys Barsalibée, dont le premier fut évêque d’Édesse de 677 à 708, et écrivit des Remarques sur le livre de la Genèse ; et ce dernier, évêque d’Amida, de 1166 à 1171, et révisa et publia une nouvelle édition de la version syriaque philoxénienne du Nouveau Testament.
L’ordre dans lequel Abulpharage place et commente les livres sacrés, c’est, d’abord le Pentateuque, puis les Livres de Josué et des Juges, le Premier et le Second de Samuel, les Psaumes, le Premier et le Second des Rois, les Proverbes, l’Ecclésiastique, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, la Sagesse, Ruth, l’histoire de Suzanne, Job, Isaïe, les douze prophètes mineurs, Jérémie avec les Lamentations, Ezéchiel, Daniel, avec l’histoire de Bel et du Dragon. Les quatre Évangiles, les Actes des Apôtres, les Épîtres de Jacques, de Pierre et de Jean ; et enfin, les quatorze épîtres de saint Paul. Aux Notes, ou Commentaires, s’ajoutent plusieurs tableaux chronologiques et autres ; les Canons d’Eusèbe ; la Généalogie du Christ ; les Noms et les Souffrances des Apôtres ; et les noms des soixante-dix disciples de notre Seigneur.
La vaste érudition et la recherche critique de l’auteur se retrouvent dans les nombreuses versions et auteurs auxquels il a eu recours dans la poursuite de son œuvre. Parmi les copies des Écritures, il y a les textes hébreux et grecs de l’Ancien et du Nouveau Testament ; la version de la Septante ; les versions samaritaine, arménienne et égyptienne, ou copte ; le Pentaple et l’Hexapla d’Origène ; les versions de Symmaque, d’Aquilas et de Théodotion ; et, outre la version philoxénienne du syriaque, qu’il suit de près, les versions syriaques héraclès et karkoufite, dont la première a reçu sa dénomination de Thomas de Harkel (voir p. 164), et la seconde de son adoption par les chrétiens nestoriens qui l’habitaient les montagnes d’Assyrie, le terme syriaque Karkufe signifiant la tête ou le sommet d’une montagne. Parmi les auteurs, on peut citer Basile, Athanase, Chrysostome, Nazianze, Cyrille d’Alexandrie, Épiphane, Éphrem, Jacob d’Édesse, le pape Jules, Sévère d’Antioche, Philoxène, évêque de Hiérapolis, Moïse Bar-Cépha, Hippolyte, Théodore de Mopsueste ou Mamestra, et plusieurs autres.
L’ensemble de cet ouvrage érudit n’a jamais été imprimé ; Asseman , dans sa Bibliotheca Orientalis, tom. ii, et Dudley Loftus, dans le London Polyglott, tom. vi, en ont fait des extraits ; ceux du Polyglott sont tirés des notes sur les Psaumes, ♦ et ont été tirés d’un épais exemplaire in-quarto du manuscrit en la possession de l’archevêque Usher.++
♦Le savant traducteur de l’Introduction au Nouveau Testament de Michaelis, à qui les biblistes sont si redevables, et dont j’ai eu souvent l’occasion de me référer aux précieuses publications, se trompe donc lorsqu’il affirme : « Les seuls extraits que nous ayons de cet ouvrage célèbre et, comme on dit, précieux, sont ceux qui ont été donnés par Asseman. dans sa Bibliotheca Orientalis. Comme il l’est aussi, lorsqu’il suppose qu’il n’y a pas eu d’édition de la version syriaque de l’Apocalypse de saint Jean, publiée par De Dieu, 1627. J’ai maintenant cette édition sous les yeux. Il s’agit d’un beau in-quarto mince, imprimé par Elzévir, avec une page de titre ornée, taillée dans le bois. Le texte syriaque est placé en colonnes parallèles, en caractères syriaques et hébreux ; et au-dessous, de la même manière, le texte grec et la traduction latine ; Elles sont suivies de quarante-six pages de notes, formant en tout un volume de deux cent onze pages, sans compter la dédicace et la préface. Voir Marsh’s Michaelis, vol. II, pt. ii, pp. 581, 543.
++ Assemani Biblioth. Orient., tom. ii, pp. 282, 283.