PARTIE II.

DE LA NAISSANCE DU CHRIST À L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE.

CHAPITRE X.

XIIe SIÈCLE.

Vaudois. — Clergé gallicans. — Coutumes singulières. — Moines cisterciens. — Lambert de Liège. — Petrus de Palis. — Petrus de Riga. — Matthaus. — Joannes Burgundio. — Pierre Comestoi. — Religieuses du Paraclet. — Sanson de Nanteuil. — Romantisme. — Legenda Aurea. — Angleterre. — Versions manuscrites anglaises. — Adrien IV. — Débauche des moines et du clergé. — Drames religieux. — Manuscrits bibliques. — Savants arabes. — Juifs savants.

Les circonstances dans lesquelles commença le DOUZIÈME siècle furent des plus défavorables. Des superstitions chevaleresques et des mœurs dissolues empêchèrent la circulation des écrits sacrés et arrêtèrent les progrès des traductions de l’Écriture. Les faits présentés à l’érudit biblique sont souvent sans importance et sans intérêt, sauf dans le cas des Vaudois, qui se sont présentés comme les amis de la recherche biblique et des traductions vernaculaires, au milieu de persécutions sanglantes et de calomnies imméritées.

Les Vaudois, appelés aussi VAUDOIS, ou Vallenses, tirent leur nom du fait qu’ils habitaient les vallées du Piémont, en particulier celles de Lucerne et d’Angrogne. Tantôt on les appelait Léonistes, ou les pauvres de Lyon, de la ville de ce nom, tantôt les Sabatati, ou Insabatati, à cause des souliers de bois qu’ils portaient, et qu’on appelle dans la langue française sabots. À cause de l’occupation suivie d’un grand nombre d’entre eux, toute la secte, en certains endroits, a été appelée la secte des tisserands.

Ils étaient proprement les descendants des Cathares, ou Puritains, qui prirent naissance dans l’Église quelques siècles avant l’époque de Pierre VALDO ou DE WALDO, à qui, par une erreur provenant de la similitude des noms, on a généralement attribué la naissance de cette secte. Mais, bien qu’il ne fût pas le fondateur des églises vaudoises, il devint l’un de leurs amis et bienfaiteurs les plus considérables ; et, par ses écrits, ses prédications et ses souffrances, il défendit leur cause et étendit leur influence. C’était un opulent marchand et citoyen de Lyon. Vers l’an 1160 un événement providentiel donna pour la première fois l’occasion à son intérêt pour la religion. S’étant réuni avec quelques-uns de ses amis, et après avoir soupé causant et se rafraîchissant au milieu d’eux, l’un d’eux tomba mort sur le sol, à la stupéfaction de tous ceux qui étaient présents. À partir de ce moment, Waldo devint un chercheur sérieux de la vérité divine, et peu de temps après, il abandonna son métier de mercantile, distribua ses richesses aux pauvres et devint l’enseignant des multitudes qui affluaient pour recevoir sa générosité ou entendre ses instructions. Par l’étude des Écritures, son esprit s’éclaira, il vit et combattit vigoureusement beaucoup d’erreurs de l’Église de Rome.* C’est pourquoi, dans le dessein de promouvoir plus efficacement la connaissance religieuse, il fit ou obtint une traduction en français des quatre Évangiles, et probablement d’autres parties des écrits sacrés. Étienne de Borbone, qui mourut en 1261, dit que Waldo, n’étant pas assez instruit pour le travail, employa et paya Étienne d’Ansa, ou Emsa, ecclésiastique et grammairien notoire, avec un autre prêtre nommé Bernard Ydros, tous deux de Lyon, pour exécuter la traduction, dans laquelle De Ansa dictait pendant qu’Ydros écrivait ; et qu’ils s’occupaient aussi de la traduction d’autres ouvrages religieux. Étienne de Ansa fut ensuite reçu dans la cathédrale de Lyon, et mourut d’une chute d’un solarium ou d’une chambre qu’il avait construite. Reinerius, cependant, un adversaire des Vaudois, qui vivait en 1250 dit que « étant un peu instruit, il enseigna au peuple le texte du Nouveau Testament, ce qui lui valut d’être réprimandé par l’évêque et Matthias Illyricus, l’un des centuria-tors de Magdeburgh, ou écrivains de la célèbre Histoire ecclésiastique, imprimée à Basile, au seizième siècle, observe : « C’était lui-même un homme d’érudition, comme je l’entends par de vieux parchemins, et il n’était pas obligé d’employer d’autres personnes pour traduire pour lui, comme certains ennemis de la vérité l’ont faussement affirmé. »+

+ Usserii, Hist. Dogmat., pp. 146, 147. Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, pp. 313, 314. Paris, 1723, folio. Usser., De Christ. Ecç. Success, et Statu, cap. viii, p. 217.

Il est probablement impossible de déterminer avec exactitude quelles parties des Saintes Écritures ont été traduites à cette époque French. Thuanus et Massonus disent : « Il a fait écrire les écrits des prophètes et des apôtres d’être traduits dans la langue populaire, ou en français. Walter Mapes, qui a été aumônier de notre Henri II, nous apprend que, pendant le concile de Latran, tenu en 1179, les Vaudois se présentent au pape Alexandre III. « Un livre contenant les texte des Psaumes, avec une glose ; et la plus grande partie des livres des deux Lois, c’est-à-dire de la Loi mosaïque et de l’Évangile. On alléguait contre eux comme un crime qu’ils affirmaient « que lorsqu’un prédicateur avançait une doctrine qu’il ne prouvait pas à partir de l’Ancien et du Nouveau Testament, une telle prédication devait être considérée comme fausse et, selon Gretser, Reinerius attribue « la traduction de l’Ancien et du Nouveau Testament en langue vulgaire », comme l’une des causes de l’augmentation rapide de ces premiers réformateurs. ou encouragé d’autres à le faire, ou, ce qui est le plus probable, l’exécutant lui-même avec l’aide d’autres, il est certain que le monde chrétien en Occident lui est redevable de la première traduction d’une grande partie, sinon de la totalité, du volume sacré en français.

Outre la traduction française des Écritures, exécutée plus immédiatement pour les disciples de Waldo, qui s’étaient retirés en Dauphiné, il semble qu’il y ait eu une traduction en vaudois, à l’usage de ceux qui habitaient les vallées du Piémont. Léger, qui fut l’un de leurs pasteurs pendant plusieurs années au XVIIe siècle, dit que, bien qu’avant son temps, ils possédaient une traduction du Nouveau Testament depuis plusieurs siècles, ils n’avaient pas une traduction de tout l’Ancien Testament, mais seulement de certaines parties de celui-ci, comme la Genèse, les Psaumes, Les Proverbes et Job.+ En 1658, un certain nombre de manuscrits et d’autres pièces, rassemblés par Sir Samuel Morland, pendant le temps qu’il résidait à Genève, dans le but de dispenser les bienfaits de la nation britannique aux pauvres Vaudois persécutés, ont été présentés par lui à la bibliothèque publique de l’Université de Cambridge. Ces papiers se composent en tout de vingt-et-un volumes, numérotés A, B, C, &c. « Dans le volume F, sont rassemblés et écrits sur parchemin, dans ce qu’on appelle la langue vaudoise, d’un caractère très ancien, mais juste et distinct, l’Évangile de Matthieu, le premier chapitre de Luc, l’Évangile de Jean, les Actes, 1 Corinthiens, Galates, Éphésiens, Philippiens, 1 Thessaloniciens, 2 Timothée, Tite, le onzième chapitre des Hébreux, avec 1 et 2 Pierre, les deux derniers pieds imner.||

+ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, p. 368. Paris, 1723, fol.

|| Morland’s Hist, of the Churches of Piedmont, p. 98, cité dans Anderson’s Memorial on behalf of the native Irish, App., p. 79.

Le Long mentionne un exemplaire du Nouveau Testament, en dialecte wai-densien, écrit par l’un des barbes ou pasteurs vaudois, conservé à la bibliothèque de la ville de Zurich. Il est sur parchemin, en 12 mois, et est supposé avoir été écrit après 1100 après J.-C.*

* Le Long, Bibliotheca Sacra, tom. Ier, p. 369.

La pauvreté des Vaudois, et la grande dépense de la transcription, empêchèrent que les copies des Écritures fussent nombreuses parmi eux ; mais cette lacune fut amplement compensée par la lecture assidue de ceux qu’ils possédaient, et par l’attention extraordinaire qu’on leur portait lorsqu’ils étaient lus publiquement. Reinerius, qui était un écrivain catholique romain et un inquisiteur, reconnaît qu’il a vu et entendu un paysan réciter par cœur le livre de Job ; et qu’il y en avait d’autres parmi eux qui pouvaient parfaitement répéter tout le Nouveau Testament. Dans un livre concernant leurs Barbs ou pasteurs, nous avons ce récit de leur vocation : « Tous ceux qui doivent être ordonnés pasteurs parmi nous, pendant qu’ils sont encore chez eux, nous supplient de les recevoir dans le ministère, et désirent que nous priions Dieu, afin qu’ils soient rendus capables d’une si grande charge. Ils apprendront par cœur tous les chapitres de saint Matthieu et de saint Jean, toutes les épîtres canoniques, et une bonne partie des écrits de Salomon, de David et des prophètes. Ensuite, après avoir montré des témoignages appropriés de leur science et de leur conversation, ils sont admis comme pasteurs par l’imposition des mains. §

♦ Reineri Liber contra Waldenses, cap. iii, vide Biblioth. Vet. Pat., t. xiii, p. 299. Côlon. Agrip. 1618, fol.

§ Milner, t. III, p. 461.

La manière dont ces excellents hommes répandirent leurs sentiments, pendant les terribles persécutions qui s’abattaient contre eux, s’expliquera d’une manière intéressante par les extraits suivants. La première est de Reinerius, qui écrivit contre les Vaudois, au XIIIe siècle. Dans son livre Contra-Vaudoischap. VIII Quomodo se ingerant familiaritati magnorumil dit que c’était l’usage de quelques-uns des maîtres vaudois, d’avoir plus facilement accès auprès des personnes de rang, d’emporter avec eux une petite boîte de bibelots ou d’articles d’habillement, et de se présenter en mettant leurs articles en vente : « Monsieur, voudriez-vous s’il vous plaît acheter des bagues, des sceaux ou des bibelots ? Madame, voulez-vous regarder des mouchoirs, ou des pièces d’aiguille pour des voiles ? Je peux me les permettre à bas prix. Si, après un achat, la compagnie demandait : « Avez-vous quelque chose de plus ? », le vendeur répondait : « Oh oui, j’ai des marchandises beaucoup plus précieuses que celles-ci, et je vous en ferai cadeau, si vous voulez me protéger du clergé. » La sécurité étant promise, il partirait. « Le joyau inestimable dont j’ai parlé est la Parole de Dieu, par laquelle il communique sa pensée aux hommes, et qui enflamme leurs cœurs d’amour pour lui. Au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé de la part de Dieu dans une ville de Galilée nommée Nazareth, et il se mit ainsi à répéter le reste du pari du premier chapitre de Luc. Ou bien il commençait par le treizième jour de Jean, et répétait le dernier discours de Jésus à ses disciples+. Si l’assemblée paraissait satisfaite, il se mettait à répéter le vingt-troisième de Matthieu : « Les scribes et les pharisiens s’assient Le siège de Moïse. — Malheur à vous, vous fermez le royaume des cieux aux hommes ; car vous n’entrez pas vous-mêmes, et vous ne permettez pas que ceux qui entrent entrent. Malheur à vous, vous dévorez les maisons des veuves. « Et je vous prie, disait l’un des membres de la compagnie, contre qui dénoncez-vous ces malheurs, répondriez-vous ? » répondait-il, « contre le clergé et les moines. Les docteurs de l’Église romaine sont pompeux, tant dans leurs habitudes que dans leurs manières, ils « aiment les chambres les plus hautes » et les sièges principaux dans les synagogues, et qu’on les appelle Rabbi, Rabbi. Pour notre part, nous ne désirons pas de tels rabbins. Ils sont incontinents ; Nous vivons chacun dans la chasteté avec sa propre femme. Ce sont les riches et les avares, dont le Seigneur dit : « Malheur à vous, riches, car vous avez reçu votre consolation ; » mais nous, ayant de la nourriture et des vêtements, nous sommes satisfaits de cela. Ils sont voluptueux, et « dévorent les maisons des veuves » ; nous ne mangeons que pour nous rafraîchir et nous nourrir. Ils combattent et encouragent les guerres, et ordonnent que les pauvres soient tués et brûlés, au mépris de l’adage : « Celui qui prend l’épée périra par l’épée. » De notre côté, ils nous persécutent pour la justice. Ils ne font que manger le pain de l’oisiveté : nous travaillons de nos mains. Ils monopolisent l’enseignement et n’en sont pas à ceux qui enlèvent la clé de la connaissance. Mais parmi nous, les femmes enseignent aussi bien que les hommes, et un disciple, dès qu’il est lui-même informé, en enseigne un autre. Parmi eux, il est difficile de trouver un médecin qui puisse répéter par cœur trois chapitres du Nouveau Testament ; mais parmi nous, il n’y a guère d’homme ou de femme qui ne retienne le tout. Et parce que nous croyons sincèrement en Christ, et que nous enseignons et imposons tous une vie et une conversation saintes, ces scribes et ces pharisiens nous persécutent jusqu’à la mort, comme leurs prédécesseurs l’ont fait pour Jésus-Christ.++

Le lecteur doit garder à l’esprit qu’à cette époque, l’usage de la Bible n’était pas permis aux laïcs ; et que les traductions vernaculaires en particulier étaient écartées et que les copies des Écritures, qui étaient toutes des manuscrits, étaient rares et chères.

++Biblioth. Vet. Pat., tom. t. XIII, p. 307. Côlon. Agrip. 1618. Jones’s Hist, of the Walaenses, pp. 390, 391.

Le second extrait est tiré de l’interrogatoire de Peironetta, veuve, devant Antoine Fabri, inquisiteur général du Dauphiné, en 1494. À la première question, elle ne répondit rien ; à la seconde, elle dit et avoua : « Qu’il y a environ vingt-cinq ans, ou à peu près, il est venu à la maison de Pierre Fornerius, son mari, deux étrangers en habits gris, qui, à ce qu’il lui semblait, parlaient l’italien ou le dialecte de la Lombardie, que son mari avait reçus dans sa maison. pour l’amour de Dieu. Que pendant qu’ils étaient là, le soir, après le souper, l’un d’eux se mit à lire un livre pieux, qu’il portait avec lui, disant qu’il y contenait les Évangiles et les autres préceptes de la Loi, et qu’il les expliquerait et les prêcherait en présence de tous ceux qui étaient présents ; Dieu l’ayant envoyé parcourir le monde comme les apôtres, pour réformer la foi catholique, et pour prêcher aux bons et aux simples, leur montrant comment adorer Dieu et garder ses commandements.§

§ Remarques d’Allix sur l’ancienne Église du Piémont, p. 319, 322.

Le curieux passage suivant, tiré d’un manuscrit de chronique de l’abbaye de Corvey, que l’on suppose avoir été écrit vers le commencement du XIIe siècle, décrit singulièrement le caractère de ces réformateurs, et la manière dont les laïcs vaudois répandirent la connaissance des Sérivos, et de la large diffusion de leurs doctrines :

« Religionem nostrum, &c."|| Des laïcs de Souabe, de Suisse et de Bavière ont voulu rendre méprisables notre religion et la foi de tous les chrétiens de l’Église latine, hommes séduits par l’ancienne race des hommes simples qui habitent les Alpes et leurs environs, et qui sont toujours attachés à ce qui est ancien. Des marchands de cette espèce, venus de Suisse, entrent fréquemment en Souabe, en Bavière et dans le nord de l’Italie, qui mémorisent la Bible et méprisent les rites de l’Église, qu’ils tiennent pour nouveaux. Ils interdisent le culte des images, et condamnent les reliques des saints ; Ils se nourrissent d’herbes et mangent rarement ou jamais de chair. C’est pourquoi nous les appelons Manichéens. Il y en a aussi d’autres qui les rencontrent de Hongrie, etc.

|| Hist. de Planta, de la Confédération helvétique, t. I, b. i, ch. iv, p. 179, 180. Londres, 1807, in-8°.

Les mœurs générales de ce peuple intéressant sont aussi bien décrites par ce grand historien Thuanus, ou De Thou, ennemi des Vaudois, quoique beau et candide. Il décrit l’une des vallées qu’ils habitent en Dauphiné, qu’on appelle la vallée pierreuse. « Leur vêtement, dit-il, est de peaux de moutons ; Ils n’ont pas de linge. Ils habitent sept villages ; Leurs maisons sont construites en pierre de silex, avec un toit plat, couvert de boue, qui, étant gâtée ou ameublie par la pluie, est lissée de nouveau avec un rouleau. Ils y vivent avec leurs bestiaux, séparés d’eux cependant par une clôture ; Ils ont en outre deux cavernes réservées à des usages particuliers, dans l’une desquelles ils cachent eux-mêmes leurs bestiaux, dans l’autre, lorsqu’ils sont chassés par leurs ennemis. Ils vivent de lait et de venaison, étant par une pratique constante d’excellents tireurs. Aussi pauvres soient-ils, ils sont satisfaits et vivent séparés du reste de l’humanité. Une chose est étonnante, c’est que des personnes extérieurement si sauvages et si grossières aient tant de culture morale. Ils savent tous lire et écrire. Ils comprennent le français, dans la mesure où cela est nécessaire à l’intelligence de la Bible, et le chant des psaumes. Vous ne pouvez guère trouver un enfant parmi eux qui ne puisse vous rendre compte intelligiblement de la foi qu’ils professent ; En cela, en effet, ils ressemblent à leurs frères des autres vallées : ils paient le tribut avec une bonne conscience, et l’obligation de ce devoir est particulièrement notée dans la confession de leur foi. Si, à cause des guerres civiles, ils en sont empêchés, ils mettent soigneusement la somme de côté, et la versent à la première occasion aux collecteurs d’impôts du roi.

D’après le récit de Thuanus, il semble que Waldo s’enfuit en Allemagne et s’installa enfin en Bohême, où il finit ses jours en l’an 1179, ou avant cette époque.

♦ Milner’s Hist, de l’Église du Christ, vol. III, p. 455.

Les pratiques du clergé gallican du moyen âge présentent le contraste le plus parfait avec les mœurs simples et modestes des Vaudois. En plusieurs occasions, ils prirent l’habit militaire, et y officièrent même pendant les offices solennels de l’église ; et, à d’autres moments, il montrait l’attachement le plus honteux aux sports grossiers du terrain. Une coutume également inconvenante régna en Angleterre depuis la première partie du règne d’Édouard Ier jusqu’à l’époque d’Élisabeth. C’était une offrande très singulière d’une biche grasse en hiver et d’un daim en été, faite au maître-autel de l’église Saint-Paul de Londres, par Sir William de Baude et sa famille, et ensuite distribuée aux chanoines résidents, au lieu de vingt-deux acres de terre dans l’Essex, appartenant autrefois aux chanoines de cette église. Weever, dans ses « Monuments funèbres », l’a décrit ainsi : « Le jour de la fête de la commémoration de saint Paul, le chevreuil étant amené sur les marches du maître-autel de l’église de Paul à l’heure de la procession, le doyen et le chapitre étant vêtus de coapes et de vêtements sacerdotaux, avec des guirlandes de roses sur leurs têtes, ils envoyèrent le corps du bouc à la cuisson, et firent fixer la tête sur un poteau, qu’ils portèrent devant la croix dans leur procession, jusqu’à ce qu’ils fussent sortis de la plaine de l’ouest ; où le gardien qui l’apportait souffla la mort du bouc, et alors les corneurs qui étaient autour de la ville lui répondirent bientôt de la même manière. Pour lesquels, pains ils avaient, chaque homme, du doyen et du chapitre, quatre deniers en argent, et leur dîner ; et le gardien qui l’apportait était autorisé pendant son séjour là-bas, pour ce service, à manger, à boire, à loger, aux frais du doyen et du chapitre, et cinq schellings en argent, à son départ, ainsi qu’une miche de pain, portant l’image de saint Paul. Il y avait à l’église de Saint-Paul, pour les deux daies, deux suets spéciaux de vêtements sacerdotaux, l’un brodé de boucs, l’autre de biches, tous deux donnés par lesdits Bauds. *

Dans cette époque de persécution et de débauche, les monastères étaient les principaux asiles de la littérature sacrée. Les écrits des âges antérieurs étaient conservés avec un soin religieux dans plusieurs bibliothèques monastiques ; et même là où les intérêts généraux de la science étaient négligés, les moines continuèrent à employer la transcription : et il mérite d’être rapporté à l’honneur de Manegold, le seizième abbé d’Hirsauge, vers l’an 1157, que, pendant qu’il occupait une position inférieure comme conducteur des chanteurs et gardien de la bibliothèque, il fit écrire soixante volumes précieux sur parchemin, à l’usage de la fraternité à laquelle il appartenait.+

Vol. I. — 20

Les moines cisterciens consacraient plusieurs heures par jour au travail manuel, à la copie de livres ou à l’étude sacrée. Stephen Harding, Anglais d’une famille honorable et riche, reçut son éducation au monastère de Sherborn, dans le Dorsetshire, et y jeta une base très solide de littérature et de piété sincère. Il se rendit en Écosse, et de là à Paris et à Rome. En 1098, il se retira avec vingt compagnons à Cîteaux, désert marécageux, à cinq lieues de Dijon, où ils fondèrent l’ordre cistercien. En 1109, il fut choisi comme troisième abbé de Cîteaux et, avec l’aide de ses moines, rédigea la même année une copie très correcte de la Bible latine à l’usage du monastère. Pour ce grand ouvrage, qui faisait également honneur à sa piété et à son érudition, il collationna un certain nombre de manuscrits, et consulta beaucoup de Juifs instruits sur le texte hébreu des passages difficiles, et en particulier sur les livres des Rois, dans lesquels il trouva que les erreurs étaient les plus nombreuses. Ce manuscrit de la Bible, très précieux, est conservé à Cîteaux, en quatre volumes in-folio, écrit sur vélin.* Il mourut le 28 mars 1134.

* Butler’s Lives, vol. IV, Ap. 17, p. 167. Le Long, Biblioth. Sacra, tom. I, p. 23 ». Paris, 1723.

Clairvaux était l’une des dépendances de Cîteaux. Elle a été fondée en 1115. Bernard, fils d’un noble militaire, en fut le premier abbé. Il naquit à Fontaines, château de Bourgogne, seigneurie appartenant à son père. Dès son enfance, il se consacra à la religion et à l’étude, et acquit une connaissance rapide de l’érudition de l’époque. Il prit de bonne heure la résolution de se retirer du monde, et engagea tous ses frères, ainsi que plusieurs de ses amis, dans les mêmes vues monastiques que lui. Il devient cistercien, l’ordre le plus strict de France, et entre au monastère de Cîteaux. Dans cette humble retraite « je méditais, disait-il, sur la parole de Dieu, et les champs et les forêts m’en enseignaient le sens secret : les chênes et les hêtres étaient mes maîtres. » Il a lu les Écritures sans un commentaire, « car leurs propres paroles, observe-t-il, en expliquent le mieux le sens ; et c’est dans ces paroles que l’on trouve la force réelle des vérités qu’elles véhiculent. Au bout de deux ans, cette jeunesse extraordinaire fut transférée, avec la juridiction d’un abbé, dans le nouvel établissement de Clairvaux, lieu aride et négligé, lieu de retraite des voleurs, et, à cause de son état de désolation, appelé la vallée de l’Absinthe. Pour favoriser l’instruction, Bernard eut soin de doter tous les monastères qui lui étaient soumis de bonnes bibliothèques ; et plusieurs manuscrits magnifiquement enluminés, écrits de son temps, sont encore exposés à Clairvaux. En défendant ce qu’il considérait comme la vérité, il dut faire face au célèbre Pierre Abélard, dont la séduction et le traitement subséquent d’Eloisa ont à juste titre marqué son nom d’infamie. Par un abus de la divinité scolastique, et par l’allégresse des applaudissements et de la confiance, Abélard fut amené à adopter des sentiments qui se rapprochaient du socinianisme des temps plus modernes. Ces opinions furent combattues avec succès par Bernard ; et Gaufredus, l’un des écrivains de la vie de Bernard, exprime ainsi sa gratitude : « Béni soit Dieu. qui nous a donné un meilleur maître, par lequel il a réfuté l’ignorance de l’ancien, et écrasé son arrogance ; par lequel le Christ nous a montré trois objets spéciaux dans ses souffrances : un exemple de vertu, un encouragement à l’amour et un sacrifice de rédemption. Ses ouvrages qu’il a laissés derrière lui sont aussi variés que nombreux, et comprennent sous les principaux chefs de sermons, d’épîtres et de traités moraux. Il a acquis l’appellation de docteur melliflu. Ses écrits sont imprégnés d’une ferveur dévotionnelle ; et la facilité avec laquelle, à presque toutes les époques, il introduit les paroles de l’Écriture, est vraiment admirable, et leur application est rarement forcée ou inappropriée. Au début de l’année 1153, il tomba dans une décrépitude qui, le 20 août, mit fin à sa vie. Il fut inhumé à Clairvaux.

LAMBERT de Liège, chanoine régulier de Saint-Christophe, mort vers l’an 1177, aurait traduit les Actes des Apôtres en roman, ou dialecte français vulgaire.+

+ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, p. 324, et Index Auctor. Paris, 1723.

PETRUS, ou PIERRE DE PATIS, un Français, qui florissait en 1200, était l’auteur d’une version paraphrastique française des Psaumes. Le spécimen suivant, tiré d’un exemplaire de la bibliothèque royale de Paris, écrit par un scribe nommé Linardin, est curieux et suggère l’idée que la mode de glose ou de commentaire, de son temps, était d’ajouter la glose ou le commentaire à la phrase précédente.

“ Beneure est cel home qui ne nala pas en le conseil des felons, et ne se ares ta pas en la voie des pecheors, come fist Adam quand il mangea la poume.”

« Heureux l’homme qui ne marche pas dans le conseil des criminels, || et ne se dresse pas sur le chemin des pécheurs, comme Adam l’a fait lorsqu’il a mangé la pomme."§

|| L’opportunité d’utiliser ce terme en référence à Adam est évidente par son étymologie ; car, d’après Spelman, il est dérivé du tarifaire teutonique, qui signifie fiefet lonqui signifie prix ou valeur, de sorte que la félonie était l’acte par lequel un vassal confisquait ses biens au profit de son seigneur. Glossaire de Spelmanni.

§ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, p. 323. Paris, 1723.

PETRUS DE RIGA, chanoine de Reims, qui florissait sous l’empereur Frédéric Ier, fut l’auteur d’un ouvrage intitulé Aurore, ou l’Histoire de la Bible allégoriséeen vers latins, dont quelques-uns sont rimés. Les livres du volume sacré qu’il transforma en vers étaient : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome, Josué, les Juges, Ruth, les Rois, le Cantique des Cantiques, Daniel, Job, Esther, les quatre Évangiles et les Actes des Apôtres ; outre les livres apocryphes de Tobie, de Judith et des Maccabées. Sa version d’Esther, en vers hexamètres et pentamétéres, a été publiée à Francfort, en 1624, par Gasper Barthiusdans son Adversaria., lib. 31, cap. 15, in-folio. Il a également écrit Speculum Ecclesiæ, et d’autres pièces de poésie latine. Il mourut en 1209.

♦Sixt. Senensis, Biblioth. Sanct., lib. iv. Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. II, p. 167, note. Le Long, t. II, p. 929.

Vers le même temps, MATTHÉE, prêtre de Vendasme, paraphrasa le livre de Tobie en élégiaques latins de la Bible latine de Jérôme, sous le titre de Tobiade, parfois appelée la Thébaïde, imprimée pour la première fois chez l’Octo Morales . Warton+ dit qu’il florissait en 1170, mais Sixtus Senensis++ le situe en l’an 1400.

+ Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. II, p. 168.

++ Sixt. Senens. Biblioth. Sanct., lib. iv, p. 345.

JOANNES BURGUNDIO était un autre des savants de cette époque, dont les travaux bibliques lui donnent le droit d’être remarqués. Il était citoyen de Pise, où il exerça une haute fonction judiciaire, sous l’empereur Frédéric Ier, surnommé Barberousse. En tant qu’érudit, il était éminemment habile dans la littérature de la Grèce et de Rome ; et assista à un concile à Rome en 1163, emportant avec lui une traduction du grec en latin de l’Évangile de saint Jean faite par lui-même ; il reconnut aussi qu’il avait traduit la plus grande partie du livre de la Genèse. Il mourut en 1194.

§ Le Long, Bibliotheca Sacra, tom. i, p. 309, et Index Auctor.

Mais à côté de ces traductions, qui semblent avoir eu pour origine le désir de répandre la vérité, il y en avait d’autres produites par l’esprit chevaleresque qui avait été excité par les croisades. Les livres des Rois, des Maccabées et d’autres livres historiques ont été traduits en français vulgaire, sous le titre de Plusieurs Battailes des Rois d’Israël contre les Philistiens et Assyriens, etc., et d’autres semblables. Malheureusement, cependant, ils étaient profondément teintés de la déplorable superstition et de la barbarie de l’époque ; et les traducteurs ne se faisaient aucun scrupule d’embellir leurs écrits par l’insertion de contes légendaires et d’exploits fabuleux. Certaines de ces versions interpolées ont été composées en rimes, pour les rendre populaires et faciles à chanter. Léonce ou Léonin, moine français de Saint-Victor, à Marseille, vers l’an 1135, écrivit un poème héroïque latin en douze livres, contenant l’Histoire de la Bible, depuis la création du monde jusqu’à l’histoire de Ruth. Il était le poète latin le plus populaire et presque le seul de son temps en France. Les vers léonins, qui sont probablement les hexamètres romains, ou pentamètres rimés, mais qui sont quelquefois nommés comme terme pour les rimes latines en général, auraient tiré leur nom de ce qu’ils avaient été inventés, et qu’ils s’en étaient d’abord servis ; mais certains prétendent que le pape Léon II, grand réformateur des chants et des hymnes de l’église, inventa ce genre de vers, vers l’an 680.

|| Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. II, p. 107.

1

♦ Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. i, diss. 2.

L’un des ouvrages les plus célèbres de cette période est la Scholastica Historia de Pierre Comestor, compilée vers l’an 1175, à Paris. C’était une sorte de bréviaire latin des parties historiques de l’Ancien et du Nouveau Testament, et des apocryphes, accompagné d’exposés élaborés de Josèphe et de nombreux écrivains païens ; et si populaire qu’il n’est pas seulement enseigné dans les écoles, mais même qu’il est lu publiquement dans les églises.

De cet ouvrage très singulier et jadis populaire, le lecteur peut se faire une idée, par la traduction suivante, d’après un exemplaire imprimé ancien de l’ouvrage que j’ai en ma possession, de l’épître préliminaire et de la version ou glose de Gen. III, 1-6.

Épître préliminaire.

« Au révérend père et à son seigneur Guillaume, par la grâce de Dieu, archevêque de Sienne, Pierre, serviteur du Christ et prêtre de Troyes, prie pour une bonne vie et une heureuse mort.

« J’ai été amené à entreprendre ce travail par les instances pressantes de mes frères, qui, étant occupés à lire l’histoire de l’Écriture sainte dans un ordre régulier, ont trouvé qu’elle était rendue diffuse par de nombreuses gloses, et qu’elle avait besoin d’un agrandissement et d’une explication considérables ; et c’est pourquoi ils me pressèrent de composer un ouvrage auquel ils pussent avoir recours pour arriver à la vérité de l’histoire. En faisant cela, j’ai voulu diriger ma plume de manière à ne pas quitter les écrits des pères, bien que la nouveauté soit agréable et ravisse l’oreille. Ainsi, en commençant par la cosmographie de Moïse, j’ai continué un petit ruisseau d’histoire jusqu’à l’ascension du Sauveur, laissant l’océan de mes histoires à des mains plus habiles, qui peuvent suivre l’utile et l’ancien, et en inventer de nouvelles. De plus, dans les histoires des écrivains païens, j’ai inséré certaines choses qui sont tombées dans l’ordre des temps, faisant ainsi de mon ouvrage comme un ruisseau qui, tout en remplissant les ruisseaux qu’il trouve dans son cours, continue en même temps à couler. Mais comme le style grossier a besoin d’un polissage, je vous ai réservé cette affaire, afin que, si Dieu le veut, cet ouvrage puisse tirer de la splendeur de votre correction, et de la perpétuité de votre approbation. En toutes choses, béni soit Dieu !

Version ou glose de Gen. iii, 1, &c.

Le serpent était plus subtil que tous les animaux terrestres, à la fois naturellement et accessoirement. D’ailleurs, parce qu’il était plein du diable. Car Lucifer, étant banni du paradis des esprits, enviait l’homme qui était dans les corps du paradis, de savoir que, s’il lui faisait commettre une transgression, il serait aussi banni. Mais craignant d’être découvert par l’homme, il essaya la femme, qui était à la fois moins prudente et plus facile à pousser au péché. Et c’est ce qu’il fit par le moyen du serpent ; car alors il était debout comme l’homme, étant ensuite prosterné par la malédiction ; et l’on dit que les Phareas marchent debout jusqu’à ce jour. Il choisit aussi, dit Bède, une certaine espèce de serpent, ayant un visage semblable à celui d’une vierge, parce que les choses semblables se plaisent à leur semblable, et il remuait sa langue pour parler, le serpent à ce moment-là n’en savait rien, de la même manière qu’il parle par la bouche des fanatiques et de ceux qui sont possédés à leur insu. Et il dit : « Pourquoi Dieu vous a-t-il ordonné de ne pas manger de tous les arbres du paradis, de ne pas manger des arbres, mais non de tous les arbres ? » Il posa cette question afin de trouver l’occasion de dire ce qu’il était venu chercher : et c’est ce qui arriva. En effet, lorsque la femme, comme si elle doutait, répondit : « De peur que nous ne mourions ; » parce qu’une personne dans le doute est facilement émouvée de toute façon, elle dit, sans tenir compte de l’ordre : « Tu ne mourras certainement pas ; mais parce qu’il ne veut pas que vous lui ressembliez en connaissance, et qu’il sait que lorsque vous aurez mangé de cet arbre, vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal, il vous a pour ainsi dire défendu par envie. Et la femme, élevée et désireuse de devenir semblable à Dieu, y consentit. *

*Comestoris Scholastica Historia, Proleg. Epist. et Gen., cap.xxi. Basile, 1486, fol Pour la traduction, je suis redevable à la bonté de M. Jonathan Crowther junrj maître de l’Académie classique, Frodsham, Cheshire.

1

GUIARS DES MOULINS, chanoine d’Aire, le traduisit en français, en 1291, et vers l’an 1271 il fut traduit en rimes allemandes. Vossius dit que l’original a été abrégé par Gualter Hunte, un frère carme anglais, vers l’an 1460. Il existe de nombreux et très somptueux manuscrits de cette œuvre au British Museum. L’un d’eux, avec des peintures exquises, a été commandé pour être écrit par Édouard IV. à Bruges, en 1470. Une autre a été écrite en 1382. R. Simon dit que la version française des Écritures, attribuée à Guiars des Moulins, n’est autre que la traduction de l’Historia Scholastica de Comestor, bien qu’elle paraisse sans gloses ni interpolations. Pour le prouver, il cite les passages suivants de la préface d’un manuscrit conservé à la bibliothèque royale de Paris : « Parce que le diable moleste, trouble, souille tous les jours le cœur des hommes, par l’oisiveté et mille pièges qu’il tend pour nous piéger le cœur ; Ne cessant jamais ses efforts pour nous inciter au péché, afin qu’il nous entraîne ainsi dans l’enfer avec lui, c’est l’affaire de notre clergé et des prêtres de la sainte Église, après leurs oraisons, de s’employer à faire quelque bonne œuvre. Et parce que le diable m’a souvent entraîné dans le péché par l’oisiveté, afin qu’il ne me trouve plus sans emploi dans les bonnes œuvres, moi qui suis prêtre et chanoine de Saint-Pierre d’Aire, dans l’évêché de Thérovenne, du nom de Guiars des Moulins, j’ai appelé, tout d’abord, à la louange de Dieu, la Vierge Marie, et tous les saints ; et ensuite, au profit de tous ceux que ce livre atteindra ; dans lequel (à la demande d’un ami spécial, qui désirait beaucoup le profit de mon âme) j’ai traduit les livres historiques de la Bible. Je désire que tous ceux qui liront ces traductions, s’ils y trouvent quelque faute, prennent pour excuse ce que je proteste ici, à savoir que je n’ai rien retranché, ni ajouté en dehors de la pure vérité telle que je l’ai trouvée dans la Bible latine et les histoires scolastiques ; et ceux qui chercheront verront peut-être que j’ai suivi la pure vérité dans ces traductions, mot pour mot, telle que je l’ai trouvée dans le latin. J’ai commencé ces traductions en l’an de grâce 1291, et je les ai terminées en l’an 1294, au mois de février. Après la préface, Des Moulins place un catalogue des livres de la Bible, prétendant suivre l’ordre de l’Historia Scholasticapar Pierre Comestor, qu’il appelle maître en histoire. Comme l’Ancien Testament n’était pas tout entier dans l’épitomé de Comestor, il n’avait qu’une Harmonie ou Accord des Évangiles, que Des Moulins traduisit, en commençant par les mots Chi commenchent les Evangilles en le maniéré que li maistres en traite en Hystoires : « Ici commencent les Évangiles à la manière adoptée par les maîtres de l’histoire. » Les Actes des Apôtres sont placés après cette Harmonie ; et les épîtres de saint Paul fournissent la troisième place ; les autres épîtres suivent, Jude étant placé le dernier.* L’Historia Scholastica a été imprimée pour la première fois à Augsbourg, en 1473, fol., par Gunth. Zainer. La traduction française a été publiée pour la première fois sans date ni lieu, en deux tomes, avec de vieilles gravures sur bois, vers 1487.

* Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. II, pp. 107, 108. Hist. critique de Simon, des versions de N. Test., t. II, ch. xxviii.

Les gloses et les récits légendaires rendirent l’ouvrage de Comestor si agréable à la plupart des lecteurs, que le père Simon dit :

L’étude des Saintes Écritures fut négligée, parce que l’Histoire scolastique fut préférée aux versions de la Bible et même jusqu’au XVIe siècle, elle continua d’avoir une influence préjudiciable, car en 1545 une version française de toute la Bible fut imprimée, ce qui, nous assure le même auteur, n’était qu’une révision de la traduction de l’Historia Scholastica par Des Moulins .|

|Simon, Hist. Crit. du V. T., liv. iii, cap. xi, et Hist, des Vers., pt. ii, cap. xxviii

Pierre, surnommé Comestor ou le Dévoreur, à cause de l’avidité avec laquelle il lisait ou dévorait les Écritures, était un Français, né à Troyes. Il devint prêtre dans sa ville natale, d’où il se retira à Paris, où ses talents extraordinaires et son érudition furent si appréciés qu’il fut élu chancelier de l’université. Las des inquiétudes de sa situation officielle, il se retira enfin de la vie publique, pour passer ses jours dans la retraite comme chanoine régulier de Saint-Victor, dans les faubourgs de Paris. Il meurt en 1198. La curieuse épitaphe suivante fut faite sur lui :

Petrus were, quem petra tegit dictusque Comestor

Mangeur de Nunc . Vivus docui, nec cesso docere

Mortuus ; ut dicat, qui me videt incineratum :

Quod sumus iste fuit, erimus quandoque quod hie est.”+

« Moi qui m’appelais autrefois Pierre, (c’est-à-dire une pierre), je suis maintenant couvert d’une pierre (petra) ; et moi qui étais autrefois surnommé Comestor (c’est-à-dire Dévoreur), je suis maintenant dévoré. J’ai enseigné de mon vivant, et je ne cesse pas d’enseigner, bien que mort. Car celui qui me voit réduit en cendres peut dire : « Cet homme était autrefois ce que nous sommes aujourd’hui, et ce qu’il est maintenant, nous le serons bientôt. » "

+ Cavei, Hist. Litteraria, sæc. 12, p. 682. BibLog. Diet., vol. iii.

1 ~

Parmi les étudiants bibliques de cette époque, c’est un fait curieux que les moniales du Paraclet semblent prééminentes. Ce couvent fut élevé dans la forêt de Nogent par Abélard, et confié aux soins de l’infortunée et abandonnée Éloïse, dont l’histoire prouve d’une manière démontrable que le scélérat qui peut lâchement trahir la confiance d’une innocence sans méfiance ne répugnera pas à déserter et à traiter avec une indifférence insensible la malheureuse victime de ses passions brutales ; et que la malheureuse femme qui s’écarte du sentier de la vertu s’expose à la douleur d’un vif remords, et à la froide négligence de celui dont les vœux infidèles ont provoqué la violation irrémédiable de son honneur, et l’ont plongée dans le crime et la disgrâce. Les religieuses du Paraclet, avec Éloïse à leur tête, étudiaient les langues latines, grecques et hébraïques, les appliquaient à acquérir une connaissance plus exacte des Saintes Écritures, et s’efforçaient, par un examen attentif des textes originaux, de tirer la sagesse sacrée de sa source la plus pure. Éloïse mourut en 1163, alors qu’elle était entrée dans sa soixante-troisième année ; et, pendant de nombreuses années après sa mort, les moniales du Paraclet commémorèrent son savoir et ses capacités à la fête de la Pentecôte, en accomplissant l’office du jour en grec : pratique qui ne cessa que lorsque la connaissance de la langue fut perdue parmi elles.

- ↑ Berrington, Vies d’Abélard et d’Hélose, b. v, p. 258, et b. vii, p. 395, 396.

Je ne sais s’il vaut la peine d’observer que, vers cette époque, il y avait une pratique de former et de réduire en rouleaux de parchemin les arbres historiques de l’Ancien Testament. On en a attribué l’invention à Pierre de Poictou, disciple de Lombard, vers l’an 1170, qui désirait aider le clergé pauvre par cet emploi. La rage de la généalogie a duré des siècles et s’est étendue à l’histoire profane aussi bien qu’à l’histoire sacrée. Roger Alban, un frère carmélite de Londres, a formé la descendance de Jésus-Christ d’Adam, à travers les tribus lévitiques et royales, les patriarches juifs, les juges, les rois, les prophètes et les prêtres. Un rouleau de vélin, supposé être l’original, magnifiquement enluminé, se trouve parmi les manuscrits. Plus d’informations à la bibliothèque publique de Cambridge. Une généalogie des rois britanniques, depuis Adam jusqu’à Henri VI, écrite par le même compilateur, et présentée par lui au roi vers l’an 1450, se trouve aujourd’hui à la bibliothèque du Queen’s College, à Oxford. Juliana Barnes, originaire de Roding, dans l’Essex, prieure du couvent de Sopewell, était éminente pour son érudition et ses réalisations personnelles, mais employait ses talents à écrire des traités sur la chasse, le colportage, l’héraldique, etc. L’un de ses traités sur l’armurerie, ou héraldique, écrit vers l’année 1441, commence de la manière curieuse suivante : « De la progéniture du gentilhomme Jafeth vinrent Habraham, Moy-sès, Aron et les profettys, et aussi le kyng de la droite lyne de Marie, de laquelle naquit ce gentilhomme Jhesus, vrai dieu et homme : après son manhode kynge du pays de Jude et de Jues, gentilhomme par sa moder Marie prince de côte armure.״Ceci, cependant, était d’autant moins remarquable à une époque où le rang et les titres de la noblesse séculière étaient parfois conférés même aux saints. Saint-Jacques fut en fait créé baron à Paris. Ainsi Froissart, tom. III, cap. xxx : " Or eurent ils affection et dévotion d’aller en pèlerinage au Baron Saint Jaques. » Et dans Fabl., t. II, p. 182, cité par Carpentier, sup. Lat. glose, p. 469 :

+Histoire de la poésie anglaise de Warton, vol. II, pp. 172, 177. Biographie universelle de Lempriere.

“ Dame, dist il, et je me veu,

Adieu, et au Baron Saint Leu,

Et s’irai au Baron Saint Jaques.” *

- ↑ Histoire de la poésie anglaise de Warton, t. II, p. 345, note.

Même les traductions populaires des Écritures ont été influencées par l’esprit de l’époque. Sanson de Nanteul, rimeur clérical, qui vivait sous le règne de notre Étienne, et à qui l’on dit avoir beaucoup dû la versification de notre ancienne poésie, fut l’auteur d’une traduction des Proverbes de Salomon en vers de huit syllabes normands-français, avec une glose abondante. Son dessein est de donner la Vulgate latine d’un vers ou plus, puis sa traduction versifiée, et ensuite sa glose, qui est tantôt morale, tantôt allégorique ; De cette façon, il a rimé plus de douze mille vers en couplets. Une copie de ce manuscrit, formant un beau spécimen de l’ancienne calligraphie, se trouve parmi les manuscrits harléiens, n° 4388, du British Museum. « Pour nous, dit un juge compétent, la rime est la seule marque de la poésie dans sa composition ; mais en tant que recueil d’aphorismes didactiques en vers familiers, il a dû être un cadeau important pour l’éveil de la pensée de la population ignorante. Il a été écrit à la demande d’une dame anglo-normande ; et bien que l’auteur classe l’écoute des chansons et des contes parmi les actes de volupté criminelle, il qualifie son ouvrage de « Romanz » —

« Qui était à estre engranz

Entendet dune a cest romanz

Qi al loenge damne de

Et a senor al traduire.++

++ Histoire d’Angleterre de Turner, vol. I, p. 444, 445.

Cette appellation, et celle du terme moderne romance, a^e dérive du nom donné au latin corrompu parlé principalement par les Francs, après leur établissement en Gaule ou en France. Cette nouvelle langue variait d’une province à l’autre, faute d’une norme régulière de prononciation et de grammaire. Parmi ses dialectes bourguignons, il était mêlé à un grand alliage de l’ancienne langue bourguignonne ; dans les provinces méridionales de la France, les dialectes provençaux, languedosien et gascon avec celui des Wisigoths ; et ensuite celle de Neustrie avec le Normand ; de sorte que ces dialectes sont souvent aujourd’hui inintelligibles pour ceux qui parlent le français pur. La langue romane, ou romancière, commença à se former au VIIIe siècle ; mais, sauf dans quelques cas sans importance, on ne s’en servait pas par écrit avant le onzième âge : mais tous ceux qui prêchaient ou lisaient quelque chose devant un auditoire, dans lequel il y en avait beaucoup qui ne comprenaient pas le latin, avaient l’habitude d’ajouter ensuite, en langue romane, quelque explication de ce qui avait été dit ou lu en latin. Au XIe siècle, certains commencèrent à mettre par écrit des traductions considérables, et au siècle suivant, d’autres écrivirent des livres en langue romane. Les ouvrages ainsi écrits en langue vulgaire furent appelés romanzes ou romans ; et comme les récits fictifs d’aventures imaginaires furent les premières compositions mises à l’écrit dans les dialectes vernaculaires de la France, tandis que d’autres écrits continuaient à être publiés en latin, cette espèce de fiction historique se distingua sous le nom de roman. Le sujet général de beaucoup des premiers romans était les triomphes du christianisme sur le pâganisme. Beaucoup d’entre eux ont été écrits par des moines ou des ecclésiastiques ; c’est ainsi que la Chronique attribuée à Turpin, ou Tilpin, archevêque de Reims, contemporain de Charlemagne, et qui prétend donner l’histoire de l’expédition de ce monarque dans la Péninsule, et de sa destruction de l’idolâtrie, est censée avoir été écrite par un chanoine de Barcelone vers la fin du XIe ou le commencement du XIIe siècle. Un autre ouvrage, semblable à la Chronique, et appelé Philumène, a été écrit par un moine de l’abbaye de Grasse. Ces œuvres de fiction étaient recherchées avec diligence par les pensionnaires des monastères, étaient lues avec avidité par eux et étaient placées dans leurs bibliothèques parmi leurs traités les plus précieux. Dans celle de l’abbaye de Croyland, nous trouvons la Chronique de Turpin placée sur la même étagère que Robert Tumbelay aux cantiques et Thomas Waleys au psautier.++

♦Du Cange, Glossarium, Lat. Præfat., p. vii. Butler’s Lives, t. VIII, p. 246, 247, note ; et vol. X, p. 326, note.

++ Dunlop’s History of Fiction, vol. i, ch. iv, pp. 312, 313, 333. Warton’s History of English Poetry, vol. III, Diss, sur la Gesta Romanorum, p. Ixv.

L’une des premières de ces fictions religieuses fut l’histoire de Barlaam et Josaphat, par Johannes Damascenus, ou saint Jean Damascène, moine de Syrie, qui vécut au VIIIe siècle, sous le règne de Léon Isauricus. Cet ouvrage semble avoir été écrit dans le but de promouvoir le goût de la réclusion monastique. Il détaille les efforts couronnés de succès de l’ermite Barlaam pour convertir la foi chrétienne au prince indien Josaphat, qui, dès son enfance, avait été mis dans un état de réclusion du monde, par son père idolâtre Abenner, afin d’éviter l’achèvement d’une prophétie qui annonçait sa désertion de l’idolâtrie et son adoption zélée du christianisme. Le style se forme sur les écritures sacrées ; et l’artifice par lequel Barlaam est représenté comme se faisant admettre auprès du prince, rappellera au lecteur les modes de diffusion de leurs principes, pratiqués par les Pauliciens et les Vaudois. L’ermite, qui s’était insinué dans la connaissance d’un serviteur, lui dit qu’il voulait présenter au prince une pierre précieuse qui était d’un grand prix, et qui était douée de beaucoup de vertus. Sous cette similitude d’un joyau mondain, il a typifié les beautés de l’Évangile ; et le prince, ayant entendu l’histoire du marchand, ordonna qu’on le présentât sur-le-champ. Barlaam, ayant obtenu son admission, fit commencer ses instructions par un résumé de l’histoire sainte, depuis la chute d’Adam jusqu’à la résurrection de notre Sauveur ; et ayant ainsi excité l’attention et la curiosité de Josaphat, qui conjecture que c’est là le joyau du marchand, il se met peu à peu à dévoiler tous les mystères, et à inculquer toutes les doctrines du christianisme. Ce roman grec fut un grand favori au moyen âge, « et, comme le prince Josaphat y est représenté comme acquérant peu à peu, par la méditation sans aide, des notions morales et des idées de maladie et de maladie, il a été considéré comme l’origine d’une œuvre fictive d’Avicenne, au commencement du XIe siècle, ainsi que de la célèbre histoire arabe de Hai Ebn Yokdhan, écrit par Ebn Tophail, philosophe mahométan qui vivait, vers la fin du XIIe siècle, dans une partie des possessions sarrasines de l’Espagne. Dans une période plus récente, il a donné lieu à plus d’un des contes de Boccace ; et devint le modèle de cette espèce de fiction spirituelle qui était si répandue en France aux XVIe et XVIIe siècles.

Une œuvre d’une plus grande célébrité encore fut la Legenda Aurea de Jacobus de Voragine, un frère dominicain, et archevêque de Gênes, en 1292. Il s’agit de la biographie des saints, « entrecoupée, dit-on dans le colophon du livre, de beaucoup d’autres belles et étranges relations ». Les Vies des Saints ont été appelées légendesparce qu’elles étaient lues dans les églises, et cette compilation a reçu l’épithète d’or , à cause de son extraordinaire popularité, ou de la valeur supposée de son contenu. C’était le délice de nos ancêtres, pendant les âges qui ont précédé la renaissance des lettres. La bibliothèque d’aucun monastère n’en était dépourvue. Tous les particuliers qui le pouvaient, l’achetaient ; et pendant un certain temps après l’invention de l’imprimerie, aucun ouvrage n’est sorti plus fréquemment de la presse. En l’an 1555, le savant Claude d’Espence fut obligé de se rétracter publiquement, pour l’avoir appelée Legenda Ferrea, ou la Légende de Fer. Une traduction française en a été faite au XIVe siècle, par Jean de Vignay, moine hospitalier, traducteur français du célèbre Speculum Historiale de Vincent de Beauvais. D’après la version de De Vignay, la Legenda Aurea a été convertie dans notre langue par l’infatigable Caxton, qui a imprimé une édition de sa traduction, qu’il a achevée en 1483, et dédiée à Guillaume, comte d’Arundel, qui, pendant qu’elle imprimait, lui donnait annuellement un cerf en été et une biche en hiver. Un magnifique manuscrit français, et peut-être l’original, de cet ouvrage fut vendu parmi les doubles des livres de M. R. Heathcote en 1803 ; On dit qu’il a « près de cinq cents ans », et qu’il est exécuté pour la reine de Philippe de Valois. Il est décrit comme étant « un immense volume in-folio, peut-être l’ouvrage le plus curieux du genre au monde ; chaque feuille du vélin le plus fin ; toutes les lettres majuscules illuminées d’or, et de riches couleurs ; avec plus de deux cents miniatures des différents saints, etc. Il a été acheté par le duc de Norfolk pour 64 £. Un exemplaire de la version anglaise du même ouvrage, imprimé par Caxton en 1483, in-folio, fut, le 24 décembre 1814, vendu aux enchères à la résidence de feu M. Brassey défunt, pour quatre-vingt-treize guinées !*

1

- ↑ Dibdin’s Typographical Antiquities, t. I, p. 190. Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. II, p. 111. Gent. Mag., avril 1815, p. 349.

Cet attachement excessif à la fiction romanesque ou légendaire s’est avéré préjudiciable à la connaissance biblique ; il a augmenté le nombre des écrits apocryphes et empêché la multiplication des copies des Saintes Écritures. Les transcriptions des écrits sacrés étaient si rares et si chères, que lorsqu’une personne faisait présent d’une copie à une église ou à un monastère, elle était considérée comme un don d’une telle valeur, qu’elle l’offrait sur l’autel pro remedio anima suce, afin d’obtenir le pardon de ses péchés. Dans la collégiale de Dreux, en France, est conservée une Bible latine, assez écrite en deux volumes in-folio de grande taille, à la fin de laquelle se trouve un acte de donation en latin. En voici la traduction :

« Que tous les fils de l’Église, présents ou futurs, sachent que Thomas, sénéchal de Saint-Gervase, a, de son plein gré, donné cette Bibliothèque+ à Dieu et au saint protomartyr Étienne, pour la rémission de ses propres péchés, et de ceux de sa femme Ermelina, de son fils Herbert, et de ses filles Marguerite et Frédébourg ; Les chanoines de ladite église du protomartyr leur ont donc concédé les bienfaits et les prières de ladite église, et après leur retrait de ce monde, la célébration régulière de leurs anniversaires dans l’église, pour toujours. Offert par la main de Thomas lui-même, et par la main de sa femme, sur l’autel du protomartyr Étienne, le jour de la Nativité de Notre-Seigneur, en l’an de l’Incarnation mil cent seize, sous le règne du très pieux et sincère adorateur de Dieu, le roi Louis VI, fils du roi Philippe Ier.

+ Le terme Bibliothecaou Bibliothèque, a souvent été appliqué à la Bible.

Le ! Long, Biblioth. Sacra, tom. t. I, p. 238. Casseroles. 1723, fol. Robertson’s Histof Charles V., vol. i, Proofs, &c., note x.

Si nous tournons notre attention vers l’Angleterre, nous trouvons que les ravages des Danois et la conquête des Normands avaient réprimé l’ardeur des recherches bibliques et rendu sacrées des copies de ce qui était sacré. Les Écritures, même en latin, sont extrêmement rares et difficiles à obtenir. Les versions anglo-saxonnes sont devenues presque obsolètes ; et la tentative du conquérant d’introduire les Français avait tellement altéré la langue de la nation, que les habitants de notre île ne pouvaient comprendre que peu de chose de ce qui avait été la langue vernaculaire de leurs ancêtres. La Bible était donc hors de portée des illettrés et des pauvres ; et l’opinion funeste commença à prévaloir, que la connaissance des Écritures n’était pas nécessaire, et qu’il était illégal pour les chrétiens privés de les lire dans leur langue maternelle. William Butler, un frère franciscain, alla jusqu’à soutenir que « les prélats ne devraient pas admettre cela, que chacun lise à son gré les Écritures traduites en latin ? » ---- « Un paradoxe », dit Lewis, dans son Histoire des traductions anglaises de la Bible, « qui servit en effet à justifier ou à excuser beaucoup même des prêtres de cette époque, qui, comme ils ne connaissaient rien des Écritures que ce qu’ils en trouvaient dans leurs Portugais et leurs Missels, de sorte qu’ils n’étaient pas capables d’y lire ces parties avec compréhension ; tant ils ignoraient même le latin.§

Si l’on essayait de transférer une partie de la Bible dans la langue anglaise à cette époque, elle apparaissait comme une paraphrase prolixe, enchaînée par le mètre et avec de fréquentes violations des faits de l’Écriture. La plus ancienne production de ce genre est une paraphrase des Évangiles et des Actes des Apôtres, conservés dans la bibliothèque Bodléienne. Il s’intitule Ormulumparce qu’il a été écrit par un certain Orme, ou Ormin. Le style est celui de la poésie saxonne, sans rime, à l’imitation de l’espèce la plus commune du tétramètre latin iambique. C’est dans le caractère saxon, mais dans la langue anglaise, proprement dite, à l’aube et à l’enfance.|§

|§ Baber’s Wicliff'3 Nouveau Testamentversions saxonnes et anglaises, p. Ixiv.

1

Il y a aussi dans la bibliothèque de la Bodléienne un prodigieux volume in-folio, magnifiquement écrit sur vélin, et élégamment enluminé, avec ce titre : « Ici begynnen les tytles du livre qui est cald in Latyn tonge SALUS ANIME, and in Englysh tonge SOWLE-HELE. » Il a été donné à la bibliothèque par Edward Vernon, Esq., peu après la guerre civile. Bien que des pièces qui ne soient pas absolument religieuses soient parfois introduites, le plan du compilateur ou du transcripteur semble avoir été de former un corps complet d’histoire légendaire et scripturaire en vers, ou plutôt de rassembler en un seul regard toute la poésie religieuse qu’il pouvait trouver. Dans ce volumineux volume se trouve une traduction paraphrastique métrique de l’Ancien et du Nouveau Testament, censée avoir été exécutée avant le XIIIe siècle. La paraphrase suivante de Jean XIX, 25, 26, 27, montrera la nature de ce curieux ouvrage :

« Oure ladi et hire suster stoden under the roode, And seint John and Marie Magdaleyn with wel sori moode : Vr ladi bi heold hire swete son i brouht in gret pyne, Ffor monnes gultes nouthen her and nothing for myne. Marie weop wel sore et amer teres leet, Les teres tombés sur la pierre doun à louer pieds. Hélas, mon fils, pour serwe wel off seide heo Nabbe iche bote celui qui hongust sur le treo, So fal icham of serwe, comme n’importe quelle femme peut l’être, Que ischal mon enfant deore dans tout ce pyne iseo : Comment schal je sone deore, comment as-je vécu sans le, Nusti nevere de serwe nought sone, qu’est-ce que tu me fais 1 Alors Jhesus wordus à son modur dere ; Là-haut, il s’est levé sur le toit d’ici, j’ai pris un fere, That trewliche schal serve you thin own cosin Jon, The while that you alyve beo among all thi fan : Ich the hote Jon, he seide, you wite hire both day and niht That the Gywes hire fan ne don hire non un riht. Seint John dans l’étude vr ladi dans le temple nom Dieu pour servir il embauche mec sone afin qu’il ne vienne pas, trou et cherche heo duden bon qu’il a fondé thore Heo location servi à hond et pied, la fille et eke le plus. Le pore folke feire heo fedde là-bas, heo sege qui a frappé était neode Et le seke heo brougte to bedde et a rencontré et drinke gon heom beode. Wy at heore mihte yong and olde hire loveden bothe syke and fer As hit was riht for allé and summe to hire servise hedden mester. Jon hire était un trew feer, nolde nought from hire go, He lokid hire as his ladi deore and what heo woide hit was i do. »

Ce somptueux volume de poésies religieuses était probablement enchaîné dans le cloître ou dans l’église de quelque monastère de la capitale, où les novices s’exerçaient à réciter des extraits de ces morceaux.

Beaucoup d’entre eux sont des légendes métriques ou des vies de saints. Des poèmes légendaires étaient parfois chantés à la harpe, par les ménestrels, le dimanche, au lieu des sujets romantiques habituels dans les divertissements publics. Au British Museum, il y a un ensemble de contes légendaires en rimes, qui semblent avoir été solennellement prononcés par le prêtre au peuple les dimanches et les jours fériés.

♦Warton’s Hist, of Eng. Poetry, vol. i, pp. 14, 19, 20.

Dans la précieuse bibliothèque du Corpus Christi College, à Cambridge, se trouve une histoire biblique poétique, embrassant les principaux faits rapportés dans les livres de la Genèse et de l’Exode, apparemment avec celui mentionné ci-dessus, mais écrit dans un dialecte différent, le dialecte du Nord. Il y a aussi dans la même bibliothèque une version des Psaumes en mètre anglais, et en dialecte du nord, qu’il faut rapporter à peu près à la même époque. C’est une traduction, autant que les vers le permettront, de cette édition de la version latine de Jérôme, qu’on a appelée la version française ou gallicane. Dans la bibliothèque Bodleian et dans les manuscrits Cotton du British Museum, des copies de cette traduction ont été révisées et améliorées, sinon par la main du premier traducteur, du moins par une personne qui a vécu à son époque ou à peu près.+

+ Warton, vol. I, p. 23. Baber’s Wicliff’s New Testament, ubi sup.

Clément, chanoine de l’ordre de Saint-Augustin, et prieur du monastère de Lanthony ou Llandennen, dans le pays de Galles, qui florissait vers l’an 1154, compila, en latin, une Harmonie des Évangiles. Il a également écrit un Commentaire sur les quatre Évangiles, en latin. Son Harmonie était si estimée par Wicliff qu’il la traduisit en anglais. Un très beau manuscrit de cette version se trouve au British Museum, Harl. MSS., 1862. Le révérend H. H. Baber, bibliothécaire adjoint, possède un autre exemplaire manuscrit du XIVe siècle, in-12.++

++ Lewis, Vie de Wicliff, p. 149. Londres, 1720, in-8°, Baber’s Life of Dr. Wicliff, p. xlix, préfixé au Nouveau Testament.

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Vers l’an 1155, Nicolas Breakspear, un Anglais, qui, par une suite d’aventures singulières, s’était élevé de la condition la plus basse à la dignité pontificale, sous le nom d’Adrien IV, envoya à l’usage du peuple anglais, qui avait reçu l’ordre de le mémoriser, des versions métriques du Credo et du Notre Père. Ces curieuses preuves de la haute estime du pontife romain pour ses compatriotes sont ici copiées de la Chronique de Stow :

LE CREDO.

« Je crois en Dieu Fadir almichty expéditeur de heuen et de terre,

Et en Jhesus Crist son fils onlethi vre Louerd,

C’est iuange thurch le Saint-Esprit : enfanté de Marie jeune fille,

Tholede pin vnder Bondir Piiat, picht sur l’arbre chevauché, mort et yburiid, Licht en helle, le troisième jour de la mort s’est levé,

Steich into heauen, assieds-toi sur son fadir richt honde God almichty,

Alors est cominde pour deme le quikke et le dede,

Je crois dans le Saint-Esprit,

Tous les saints gazouillis.

Mone d’allé hallwen :

forgiuems de sinus,

Fleiss vprising,

Lif withuten end, Amen.

 

LE NOTRE PÈRE.

« Vre fadir in heuene riche,

Ton nom soit haliid eueriliche,

Tu apportes à ton michil blisce,

Cette volonté de wirche thu vs wisse,

Si le coup est en heuene ido,

Euer dans la terre ben frappé aussi,

Cette sainte engendrée qui dure,

Tu t’en fous aujourd’hui,

Forgiue ous tout ce que nous avons don, .

Als we forgiuet vch other mon,

Il ne nous a laissé tomber dans aucun fondement,

Ak scilde ns fro the foule, Amen. *

* Stow’s Annales, ou Generali Chronicle of England, pp. 150, 151. Londres, 1615, in-folio.

VolI.—21

Cet exemple singulier d’un pape de Rome jugeant nécessaire de transmettre à l’Angleterre une version vernaculaire du Credo et du Pater Noster, indique suffisamment le faible état de l’information religieuse parmi les classes inférieures du peuple, et n’est certainement pas très digne des capacités littéraires du clergé catholique de cette époque.

L’historien de Craven a remarqué une dispute qui s’est produite au cours de ce siècle entre Ralph Hageth, abbé de Kirkstall, et ses moines, et qui servira encore à élucider l’état de la littérature biblique. Au temps de son abbaye, « une grande calamité s’abattit sur les frères du dehors ; car Henri II, par le mauvais conseil de Roger de Mowbray, les dépouilla de leur meilleur domaine, la grange de Micklethwaite. Cela occasionna de grands murmures ; et les moines imputèrent à leur abbé, non-seulement la perte des biens, mais aussi de quelques ustensiles sacrés et ornements dont il avait disposé ; car, pour se concilier la faveur du roi, il lui fit présent d’un calice d’or et d’un manuscrit des Évangiles. « Ceci, ajoute l’infatigable antiquaire, peut s’ajouter aux exemples de l’extrême rareté des manuscrits au moyen âge. Un exemplaire des Évangiles accompagnait ici un calice d’or, en offrande propitiatoire à un roi. Je me réjouis du mécontentement des moines à ce sujet, et je veux espérer qu’ils estimaient vraiment les Évangiles comme de l’or. S’il s’agissait de leur seul exemplaire, ce qui est loin d’être improbable, leur perte était en effet à déplorer. Comparez cela avec le récit suivant d’un fait contemporain :

« HUGO Decanus Ebor. cum omnibus fortunis suis Fontes se contulet. Dives erat inlibris scripturarum sanctarum, quos multis sibi sumptibus comparaverat. Hie primus armariolum de Fontibus suscitavit. Une bibliothèque du XIIe siècle, réunie à grands frais, ne suffisait qu’à meubler un petit cabinet, ou peut-être même un petit coffre. Il est à présumer qu’à mesure que les livres se multipliaient et que les richesses augmentaient, la bibliothèque de Fountains, dont ces saints écrits ainsi achetés et déposés là par Hugo étaient le commencement, s’agrandissait en proportion. On peut aussi juger digne de remarque, comme illustrant la pratique de l’époque, que dans les archives de l’échiquier nous trouvons une inscription prétendant que dans la dix-septième année du règne de Henri II, les shérifs de Londres payèrent, par ordre du roi, xxijs. pour l’or pour dorer l’Évangile en usage dans la chapelle du roi.+

♦Whitaker’s History of Craven, p. 63. Lond. 1812, 4to

+ Madox’s Hist, and Antiq. of the Exchequer, ch. ix, p. 190. Lond. 1711, fol.

Les mœurs générales de l’époque, et les habitudes trop souvent dépravées des moines et des prêtres, se révélèrent très préjudiciables à la cause de la religion et de la science sacrée. Les croisades furent partout prêchées, les pèlerinages entrepris, les cérémonies se multiplièrent, et l’on fit appel aux traditions des pères, aux opinions des docteurs et aux décisions des conciles, de préférence aux Écritures. Les canons des synodes et des provinciaux montrent l’état lamentable de la morale monastique et cléricale. De ces canons, dont quelques-uns se rapportent à des crimes pratiqués « obstinément et sans débauche », d’une nature impropre à rencontrer les yeux du public, et avec lesquels nous ne pouvons consentir à souiller nos pages, les suivants, choisis dans les actes de différents synodes anglais, peuvent suffire.

D’après les canons d’Anselme passés à Westminster, en l’an 1102 :

Can. 9. « Que les prêtres n’aillent pas à des beuveries, ni ne boivent à des piquets. »++

++ " Les Danois, qui étaient en Angleterre au temps d’Edgar, étaient de si grands buveurs, et leurs mauvais exemples l’emportaient tellement sur les Anglais, qu’il fit, sur le conseil de Dunstan, archevêque de Cantorbéry, beaucoup de brasseries, ne souffrant qu’une seule dans un village ou une petite ville ; et il ordonna aussi que des épingles ou des clous soient attachés dans les gobelets ou les cornes, à des distances déterminées, et que quiconque boirait au-delà de ces marques à un seul trait, serait odieux à un châtiment sévère. — Strutt, dans Brand’s Observations oa Popular Antiquities, App., p. 377.

« Nos ancêtres étaient autrefois célèbres pour la compotation ; Leur liqueur était de l’ale, et l’un des moyens de s’amuser de cette manière était de jouer de la chope à chevilles. J’en ai eu un dernièrement à la main. Il avait à l’intérieur une rangée de huit broches, l’une au-dessus de l’autre, de haut en bas. Il contenait deux pintes, et c’était un noble morceau d’assiette, de sorte qu’il y avait une branchie de bière, une demi-pinte de mesure Winchester, entre chaque cheville. La loi était que toute personne qui buvait devait vider l’espace entre les épingles et les épingles, de sorte que les épingles étaient autant de mesures pour faire boire la compagnie de la même manière, et pour avaler la même quantité de liqueur. C’était un moyen assez sûr d’enivrer toute la compagnie, surtout si l’on considère que la règle était que celui qui buvait à court ou au-delà de son pin, était obligé de boire de nouveau, et même aussi profondément que jusqu’à l’épingle suivante. Et c’est pour cette raison que, dans les canons de l’archevêque Anselme, faits dans le concile de Londres en 1102, il est enjoint aux prêtres de ne pas aller à des beuveries, ni de boire à des piquets. Les mots sont : « Ut presbyteri non eant ad potationes, nee ad pinnas bibant » — Wilkin’s Concil. I., p. 382. M. Du Fresne, dans sa glose., v. Pinnacite les canons de l’archevêque Anselme de 1102 apr. J.-C., Nee ad pinnas bibantet conjee-tures« forte legendum pilas », parce que pilatrouve-t-il, signifie parfois taberna, une taverne ou un débit de boisson. Mais c’est là une conjecture des plus malheureuses, tant le sens est clair et intelligible sans elle ; et tous les mss. sont d’accord par écrit pinnas ; et c’est ainsi que M. Johnson, dans son Recueil des lois ecclésiastiques, etc., traduit le canon sans scrupule, « ni boire à des chevilles » — Dr Pegge, sous la signature de T. Row, dans Sélection d’articles curieux de Gand. Mag., t. I, p. 262, 263.

Guillaume de Malmesbury, parlant de Dunstan, archevêque de Cantorbéry, dit : « Il était si soucieux de maintenir la paix, même dans les choses insignifiantes, que, comme ses compatriotes avaient l’habitude de s’assembler dans des tavernes, et, lorsqu’ils étaient un peu élevés, se querellent sur les proportions de leur liqueur, il ordonna qu’on attachât des chevilles d’or ou d’argent dans les pots. que, tandis que chaque homme connaîtrait sa juste mesure, la honte obligerait chacun à ne pas prendre davantage lui-même, ni à obliger les autres à boire au-delà de leur part proportionnelle. — Histoire des rois d’Angleterre, traduite par le révérend John Sharpe, M. A., b. i, ch. viii, p. 171. Lond. 1815, in-4°. .

Peut 27. — Que personne n’exerce ce méchant commerce qui s’est pratiqué jusqu’ici en Angleterre, de vendre des hommes comme des bêtes.

D’après les canons de l’archevêque Richard, faits à Londres en 1175

Can. 5. « Parce que les clercs, à cause de leur ignorance, de leur incontinence, de leur degré de naissance, de titre ou d’âge, désespérant des ordres [supérieurs] de leurs propres évêques, se procurent ou prétendent être ordonnés par des évêques étrangers, et apportent ainsi des sceaux inconnus de leurs propres diocésains ; Nous annulons donc leurs ordres, défendant avec la terreur de l’anathème à quiconque de les admettre dans l’exercice de leur fonction.

Peut 11. « Qu’aucun de ceux qui auraient l’air d’être des clercs ne porte ou ne porte d’armes, mais qu’ils rendent leurs manières et leurs vêtements convenables à leur profession ; ou bien être dégradé comme méprisant les canons et l’autorité ecclésiastique.

D’après les canons d’Herbert Walter, faits à Westminster, en 1200 apr. J.-C.

Can. 5. « Nous, suivant les décrets des conciles du Latran, qui sont les plus célèbres de tous ceux qui ont été ordonnés par les pères modernes, défendons aux archevêques de dépasser le nombre de quarante ou cinquante hommes et chevaux ; évêques au nombre de vingt ou trente, dans les paroisses visiteuses : que l’archidiacre se contente de cinq ou sept ; les doyens sous les évêques avec deux. Et qu’ils ne s’avancent pas avec des chiens de chasse, ou des faucons ; mais comme ceux qui ne cherchent pas ce qui leur est propre, mais les choses de Christ.

Les deux canons suivants, tous deux faits sous l’archevêque Walter Herbert, le premier à York, en 1192, le second comme ci-dessus, en 1200, font grand honneur à ce prélat :

Can. 3. « Parce que la partie [canonique ou] secrète de la messe est souvent corrompue par l’erreur des auteurs, ou par l’ancienneté des livres, de sorte qu’elle ne peut pas être lue distinctement, que les archidiacres prennent plus grand soin que le canon de la messe soit corrigé selon une copie fidèle et approuvée. »

Can. 1. « Tandis qu’une erreur dans les offices divins met en danger à la fois les âmes et les corps des hommes, il est prévu par ce concile que les paroles du canon soient prononcées avec rondeur et distincte par chaque prêtre, dans la célébration [de la messe] ; et non pas restreinte par une prononciation hâtive, ou étirée dans une longueur immodérée, par une prononciation affectueusement lente. De la même manière , les heures et tous les offices doivent être répétés clairement et distinctement, sans couper ni mutiler les mots : les contrevenants, après ces avertissements, doivent être suspendus, jusqu’à ce qu’ils aient donné une juste satisfaction. Sauvant en toutes choses l’honneur et le privilège de la sainte Église de Rome.+

♦ Le canonou partie secrète de la messe, s’étend de la fin du trisagium à la fin de la consécration : les heures sont certaines prières accomplies à des heures déterminées de la journée.

+ Johnson’s Ecclesiastical Laws, vol. II, sub ann.

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L’un des occupations et des divertissements populaires des ecclésiastiques au moyen âge, et l’un des modes adoptés par eux pour l’instruction du peuple, à la place de la Bible, était d’écrire et d’exposer des DRAMES RELIGIEUX : ceux-ci, fondés sur les récits de l’Écriture, ou conçus comme des représentations emblématiques des qualités morales, étaient diversement désignés comme Les jeux de l’Écriture, les miracles et les morales ; et, des fêtes où elles étaient très généralement jouées, les pièces de la Fête-Dieu et de la Pentecôte. Comme l’histoire de ces drames religieux et emblématiques se rattache à la littérature biblique et qu’elle n’est que peu connue, le lecteur excusera la digression d’essayer de lui présenter les grandes lignes de leur élévation, de leurs progrès et de leur influence, ce que je veux dire.Je suis considérablement redevable à l’Histoire de la poésie anglaise de Warton, un ouvrage de recherche et d’information étonnant ; au curieux « Récit historique et critique des théâtres en Europe » de Rico-boni et aux Mémoires de Du Tilliot pour servir à l’histoire de la Fëte des Foux.

Les théories qui ont été avancées pour élucider l’origine de ces expositions théâtrales d’histoires de l’Écriture sont diverses : on suppose qu’elles ont été exposées pour la première fois dans les marchés publics ou les foires, tenues à certaines époques dans différentes parties de l’Europe ; un autre conjecture qu’ils ont eu leur naissance à Constantinople ; et un troisième croit qu’ils ont été introduits en Occident par les pèlerins du moyen âge.

À l’appui de la première de ces théories, on remarque que, vers le VIIIe siècle, le commerce se faisait principalement au moyen de foires, qui duraient plusieurs jours. Charlemagne a établi beaucoup de grands marchés de ce genre en France ; comme l’ont fait Guillaume le Conquérant, et ses successeurs normands, en Angleterre. Les marchands, qui fréquentaient ces foires en nombreuses caravanes ou compagnies, employaient tous les arts pour rassembler le peuple. Ils étaient donc accompagnés de jongleurs, de ménestrels et de bouffons ; qui n’étaient pas moins intéressés à donner leur présence et à exercer toute leur habileté dans ces occasions. À mesure que ces amusements populaires étaient fréquentés et encouragés, ils étaient rendus plus séduisants par de nombreuses décorations et améliorations ; et les arts de la bouffonnerie acquirent une importance supplémentaire aux yeux de la multitude. Peu à peu, le clergé, remarquant que les divertissements de la danse, de la musique et du mimétisme, présentés lors de ces longues célébrités annuelles, rendaient le peuple moins attentif aux devoirs de la religion, en encourageant l’oisiveté et l’amour de la fête, proscrivit ces sports et excommunia les artistes. Mais voyant qu’on ne tenait aucun compte de leurs censures, ils changèrent de plan, et résolurent de prendre ces représentations en main. Ils sont devenus acteurs ; et, au lieu de momeries profanes, présentait des histoires tirées de légendes ou de la Bible. Ce fut l’origine de la comédie sacrée. La mort de sainte Catherine, jouée par les moines de Saint-Denis, rivalisa avec la popularité des joueurs profès. La musique était admise dans les églises, qui servaient de théâtres pour la représentation de ces farces religieuses. Les fêtes des Français, qu’on appelait la fête des fous, de l’âne et des innocents, devinrent enfin plus favorites, parce qu’elles étaient certainement plus capricieuses et plus absurdes que les intermèdes des bouffons dans les foires.

♦Histoire de la poésie anglaise de Warton, vol. II, pp. 366, 367.

Une autre théorie ingénieuse et nouvelle sur ce sujet suppose que les pièces religieuses ont pris naissance à Constantinople, où l’ancienne scène grecque a continué à prospérer dans une certaine mesure, et où les tragédies de Sophocle et d’Euripide ont été représentées, jusqu’au quatrième siècle. Vers cette époque, Grégoire de Nazianze, évêque, poète et l’un des pères de l’Église, bannit les pièces païennes de la scène de Constantinople et introduisit des histoires choisies de l’Ancien et du Nouveau Testament. Comme la tragédie grecque antique était considérée par les païens comme un spectacle religieux, on suppose qu’une traduction a été faite sur le même plan, et que les chœurs ont été transformés en hymnes chrétiens. Grégoire a écrit de nombreux drames sacrés dans ce but, dont le seul qui existe aujourd’hui est la tragédie appelée Χρίστος πασχών, ou Passion du Christ. Dans le prologue, il est dit que c’est à l’imitation d’Euripide, et que c’est la première fois que la Vierge Marie est mise en scène. La mode de jouer des drames spirituels, dans laquelle, d’abord, un degré convenable de méthode et de décorum était conservé, fut enfin adoptée de Constantinople par les Italiens ; qui a formé, au plus profond des âges obscurs, sur cette base, cette espèce barbare de représentation théâtrale appelée Mystères ou Comédies sacrées, et qui fut bientôt reçue en France dans la suite. Cette opinion est rendue plus probable si l’on considère les premiers rapports commerciaux entre l’Italie et Constantinople ; car, quoique les Italiens, à l’époque où l’on suppose qu’ils aient importé des pièces de cette nature, ne comprenaient pas la langue grecque, ils pouvaient cependant comprendre, et par conséquent imiter, ce qu’ils voyaient. On peut encore observer, à l’appui de cette hypothèse, que la fête des fous et de l’âne, avec d’autres farces de ce genre, si communes en Europe, a pris naissance à Constantinople. Ils furent institués, quoique peut-être sous d’autres noms, dans l’Église grecque, vers l’an 990, par Théophylacte, patriarche de Constantinople, probablement dans un meilleur dessein que ne l’imaginent les annalistes ecclésiastiques, celui de sevrer l’esprit du peuple des cérémonies païennes, particulièrement des solennités bacchanales et calendaires, par la substitution de spectacles chrétiens. participant du même esprit de licence ; Il s’agit toutefois d’un principe d’accommodement qu’on ne saurait trop sévèrement blâmer. Le fait est rapporté par Cedrenus, (Compend. Hist., p. 639), l’un des historiens byzantins, qui florissait vers l’an 1050, dans les termes suivants : « Epyor enetvov, kr. une. Théophylacte introduisit l’usage, qui prévaut encore aujourd’hui, de scandaliser Dieu et la mémoire de ses saints, dans les fêtes les plus splendides et les plus populaires, par des chants indécents et ridicules, et des cris énormes, même au milieu de ces hymnes sacrés que nous devons offrir à la grâce divine avec componction de cœur, pour le salut de nos âmes. Mais lui, ayant rassemblé une compagnie de vils gaillards, et plaçant à leur tête un certain Euthyme, surnommé Casnes, qu’il nomma aussi surintendant de son église, admit ijito le service sacré des danses diaboliques, des exclamations de dérision et des ballades empruntées aux rues et aux bordels. * Mais à un moment beaucoup plus précoceÀ l’époque où l’on ne pouvait plus s’inspirer que de Théophylacte, on s’efforçait d’imiter le style et la manière des classiques grecs les plus élégants dans la composition des drames de l’Écriture. Les imitations des Apollinaires au IVe siècle ont déjà été remarquées, et les fragments d’un spécimen beaucoup plus ancien et plus sihgu-lar d’une représentation dramatique de l’histoire sainte sont encore conservés dans les extraits d’une ancienne pièce juive sur l’exode . ou le départ des Israélites d’Égypte, sous leur chef et prophète, Moïse. L’auteur était Ezéchiel, un Juif. Huetius, (Démonstrat. Evangelic., p. 99,) et Whitaker, (Origin of Arianism, pp. 213, 214, 219,) s’efforcent de prouver qu’il a écrit avant l’ère chrétienne ; mais Warton (vol. II, p. 372) estime qu’il est très probable qu’il a prospéré à la. À la fin du IIe siècle, il composa son drame en iambiques grecs, à l’imitation de la scène grecque, après que les Juifs eurent été dispersés et mêlés à d’autres nations. Les personnages principaux de cette pièce sont Moïse, Sapphora et Dieu parlant du buisson ardent. Moïse prononce le prologue, ou introduction, dans un discours de soixante lignes, et sa verge est transformée en serpent sur la scène. Clemens Alexandrinus , dans ses Stromataet Eusèbe, dans sa Præparatio Evangelica, ont chacun conservé des fragments de cet écrivain. Des parties de ces extraits sont copiées, et des traductions données, dans l’Origine de l’arianisme de Whitaker. Voir aussi Corpus poetar. Gr. Tragicor. et Comiçor., Genev. 1614, fol., et Poetœ Christian. Grœci Paris, 1609, in-8°.

Une troisième hypothèse sur l’origine des Mystères et des Miracles est celle de Menestrier et de Boileau, qui semblent penser que les anciens Pèlerinages les ont introduits en France. Les pèlerins qui revenaient de Jérusalem et d’autres lieux considérés comme saints, composaient des chansons sur leurs aventures ; entremêlant des récits de passages de la vie du Christ, des descriptions de sa crucifixion, du jour du jugement, des miracles et des martyres. À ces contes, qui étaient recommandés par un chant pathétique et une variété de gesticulations, la crédulité de la multitude donnait le nom de visions . Ces pieux itinérants voyageaient par compagnies, et, prenant leurs postes dans les rues les plus publiques, et chantant avec leurs bâtons à la main, leurs chapeaux et leurs manties fantastiquement ornés de coquillages et d’emblèmes peints de diverses couleurs, formaient une sorte de spectacle théâtral. Enfin leurs représentations excitèrent la charité et la compassion de quelques citoyens de Paris, qui construisirent un théâtre dans lequel ils pourraient exposer leurs histoires religieuses d’une manière plus commode et plus avantageuse, avec l’addition de décors et d’autres décorations. À la fin, des praticiens professés dans l’art histrionique furent engagés pour exécuter ces moqueries solennelles de la religion, qui devinrent bientôt le principal amusement public du peuple.

* Warton, vol. II, pp. 372, 373. Histoire de la musique de Burney, vol. II, p. 325. Lond. 1776, in-4°.

1 .

Une idée semblable de l’origine de ces expositions théâtrales est entretenue par un écrivain sensé dans un ouvrage périodique populaire, qui remarque « que des représentations se rapprochant le plus possible des faits étaient exposées chaque année dans l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Telles étaient les actions des souffrances de notre Sauveur et ajoute une observation de M. Millin, qu’en France, « les pèlerins, après les vêpres, faisaient des représentations dramatiques sur le pavé, dans l’espace ouvert devant les portes des églises. » Il énonce ensuite sa propre opinion sur l’origine des Morales, etc., en disant : « Il semble probable qu’en Orient certaines fêtes ont été instituées, dans lesquelles l’action originale a été imitée pour faire la plus grande impression sur l’esprit des spectateurs : ceux d’entre ces spectateurs qui n’avaient pas d’emploi plus intéressant, De retour chez eux, ils s’efforçaient d’imiter ce qu’ils avaient vu à l’étranger. Il n’est peut-être pas facile de convaincre ceux qui n’ont jamais vu le continent, de l’intérêt que prennent les spectateurs à la vue de ces spectacles transportés dans des loges, représentant l’Ecce Homola crucifixion, etc., ou de l’attention (autrefois) portée à un Chanteur de Cantiques. qui chantait ses chants de Noël avec de telles images devant lui. Ceux qui se souviennent de tels spectacles, penseront qu’il est très crédible qu’il s’agisse de mémoriaux traditionnels des festivités autrefois populaires ; car la coutume de chanter des chants de Noël est presque le seul vestige qui subsiste de ces Cantiques ; à laquelle nos ancêtres, dans les jours de ténèbres, étaient redevables d’un faible rayon de connaissance.

♦Panorama littéraire, t. VII, p. 714, 715.

« Dans l’ensemble, dit Warton, les Mystères paraissent avoir pris naissance parmi les ecclésiastiques ; et ont très probablement été joués pour la première fois, au moins avec un certain degré de forme, par les moines. C’était certainement le cas dans les monastères anglais. Les seules personnes qui savaient lire étaient dans les sociétés religieuses ; et diverses autres circonstances, provenant singulièrement de leur situation, de leur profession et de leur institution, permirent aux moines d’être les seuls exécutants de ces représentations.+

+ Warton, ubi sup.

Le premier spectacle de ce genre qui ait jamais été tenté en Angleterre, du moins que nous connaissions, fut présenté sous la direction de Geoffroy, un savant normand, qui avait été invité de l’université de Paris à surveiller la direction de l’école du prieuré de Dunstable ; où il composa une pièce de théâtre, appelée la pièce de sainte Catherine. ce qui fut fait par ses érudits, vers l’an 1110. Matthieu Paris, qui le premier rapporte cette anecdote, dit que Geoffroy emprunta des chapes au sacriste de l’abbaye voisine de Saint-Albans, pour habiller ses personnages. Il fut ensuite élu abbé de cet opulent monastère.++ Au même siècle, Pierre de Blois, qui avait été invité en Angleterre par Henri Ier, employé par lui comme son secrétaire particulier, et fait archidiacre de Bath, félicite son frère Guillaume, qui était abbé, de la renommée qu’il avait acquise par sa tragédie de Flaura et de Marcus, et par ses autres théologiens. et W. Fitz Stephen, moine de Cantorbéry, qui écrivit une " Description de Londres " en 1190, Descript. Lond., p. 7, dit : « Londres, pour les spectacles théâtraux, a des pièces religieuses, qui sont des représentations des miracles que les saints confesseurs avaient opérés, et des souffrances par lesquelles les martyrs avaient montré leur constance. »§

++ Warton, vol. I, dissert. 2, et sec. 6, p. 236.

§ Henry’s Hist, of Great Britain, vol. vi, b. iii, ch. vii, p. 375.

Dans le nord de l’Europe, ces spectacles dramatiques furent encouragés par Albrecht, évêque de Livonie, qui, après avoir entraîné les Livoniens à professer le christianisme, construisit la ville de Riga, en 1201 ; et par la suite, il institua la représentation de pièces de théâtre de l’Écriture, comme moyen d’instruire les gens dont il avait la charge dans la connaissance de l’histoire biblique. « Parmi les méthodes employées dans l’enseignement » (par Albrecht), « l’histoire n’en mentionne qu’une.

À Riga, en 1205, fut jouée une pièce prophétique, c’est-à-dire un extrait théâtralisé de l’Histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le dessein était par ce moyen d’attirer les païens à l’adoption du christianisme, en partie en attachant les convertis à leur nouvelle religion par une satisfaction sensible ; et en partie pour les instruire dans l’histoire de celui-ci. Les Livoniens, baptisés et non baptisés, y eurent recours en multitudes, et ils en furent informés par un interprète. La pièce était probablement en latin. Le nombre des exécutants devait être très grand (peut-être se composait-il de tout l’ordre, ainsi que du chapitre), car les batailles et les guerres étaient représentées ; par exemple, de l’histoire de Gédéon, de David et d’Hérode. La première exposition, cependant, aurait dû avoir des conséquences très graves. Lorsque les Israélites, sous le commandement de Gédéon, combattaient de près avec les Madianies, les païens se mirent en tête que les troupes armées avaient été amenées sous ce prétexte, afin de tomber sur eux. Ils ont donc cherché leur sécurité dans la fuite. Leur erreur, cependant, leur ayant été expliquée, ils furent persuadés de revenir, et la pièce fut amenée à une heureuse conclusion.

♦Vue de Tooke sur l’Empire russe, vol. i, b. ii, sec. 2, pp. 390, 391

L’institution de la Fraternité del Gonf, en Italie, en 1264, prouve à elle seule la fréquence de ces jeux de l’Écriture parmi les Italiens à cette époque. Dans les statuts de cette compagnie, imprimés à Rome, en 1584, p. 74, nous trouvons la notice suivante de leur constitution : « Le principal dessein de notre fraternité étant de représenter la Passion de Jésus-Christ, nous ordonnons que, dans le cas où les mystères de ladite passion seraient représentés, nos anciens ordres seraient observés, ainsi que ce qui sera prescrit par la congrégation générale. » Il est probable que c’est à peu près à la même époque que la Passion de Notre-Seigneur commença à être représentée au Colisée de Rome, où elle continua d’être exposée jusqu’au seizième siècle, époque à laquelle elle fut abolie par le pape. En l’an 1298, le jour de la Pentecôte et des deux jours de fête suivants, le clergé de Civita Vecchia fit la représentation du Jeu du Christ, c’est-à-dire de sa passion, de sa résurrection, de son ascension, de son jugement et de la mission du Saint-Esprit ;et encore en 1304, le chapitre de Civita Vecchia exposa une pièce de théâtre de la création de nos premiers parents, de l’annonciation de la Vierge Marie, de la naissance du Christ et d’autres passages de l’Écriture Sainte. Dans un festin donné sur l’Arno en 1304, une machine, représentant l’enfer, fut fixée sur les bateaux, et une pièce jouée, vers la fin de laquelle on vit l’homme riche de l’enfer implorer en vain le soulagement des pauvres Lazams dans le sein d’Abraham.

♦ Récit historique et critique des théâtres en Europe par Riccoboni, p. 40, 42, 43, 45, 50. Warton, vol. I, p. 249, 250.

En France, la première mention que j’aie eue de ces expositions théâtrales date de 1313, lorsque Philippe le Bel donna un festin magnifique à Paris. Il y invita le roi d’Angleterre ; et, entre autres divertissements, on dit que le peuple « représentait divers spectacles, tantôt les joies des bienheureux dans le ciel, tantôt les châtiments des damnés ». En 1398, les mystères de la Passion furent représentés pour la première fois, sur un théâtre de Saint-Maur, mais furent interdits par le prévôt de Paris, par un ordre par lequel il défendait « à tous les habitants, etc., de jouer ou de représenter aucune pièce de personnes, soit la vie des saints, soit autrement, sans la permission du roi ». Les acteurs de ces représentations faisaient partie de la maison royale ; et, pour se rendre plus agréables au public, ils érigèrent leur société en une confrérie, sous le nom de « Acteurs de la Passion de notre Sauveur ». Charles VI. Il alla voir ces spectacles, et en fut si satisfait qu’il accorda aux acteurs des lettres patentes datées du 1402 décembre 1518. Ils construisirent aussi le théâtre de l’hôpital de la Sainte-Trinité, sur lequel, pendant l’espace de près de cent cinquante ans, ils jouèrent les Mystères, ou d’autres pièces de même nature, sous le titre commun de Morales. François Ier, par ses lettres patentes, datées du mois de janvier <>, confirma tous les privilèges de cette confrérie.+

+ Riccoboni, p. 114, 122, 123. Warton, vol. I, p. 246.

Ces farces religieuses étaient également tenues en haute estime dans l’Église grecque, ainsi que dans l’Église latine. Bertrandon de la Brocquière, conseiller et premier écuyer-sculpteur de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui visita la Palestine en 1432, nous dit que, lorsqu’il était à Constantinople, voulant être témoin de la manière dont les Grecs célébraient le service divin, il se rendit à l’église de Sainte-Sophie, un jour où le patriarche officiait. L’empereur était présent, accompagné de sa femme, de sa mère et de son frère, le despote de Morée.++ Un mystère était représenté, dont le sujet était les trois jeunes gens que Nebucadnetsar avait ordonné de jeter dans la fournaise ardente.§

++ Cet empereur était Jean Paléologus II, son frère Démétrius, despote ou prince du Péloponnèse, sa mère Irène, fille de Constantin Dragases, souverain d’un petit pays de Macédoine, sa femme Marie Comnène, fille d’Alexis, empereur de Trébisonde.

§ Voyages de Bertrandon de la Brocquière, traduit par Thomas Johnes, Esq., p. 223, 8 vol., 1807.

Les compositeurs des Mystères ne pensaient pas que les événements clairs et probables des Saintes Écritures étaient assez merveilleux pour un auditoire qui ne demandait qu’à être surpris. Ils choisissaient souvent leurs matériaux dans des livres qui avaient plus l’air d’être romanesques, en particulier les légendes et les pseudo-évangiles. Ils y introduisaient aussi les conversations et les actions les plus ridicules et les plus licencieuses. Dans un mystère du massacre des saints Innocents, qui fait partie du sujet d’un drame sacré donné par les pères anglais au célèbre concile de Constance, en l’an 1417, un petit bouffon de la cour d’Hérode est introduit, désirant que son seigneur soit qualifié de chevalier, afin qu’il soit convenablement qualifié pour aller à l’aventure de tuer les mères des enfants de Bethléem. Cette tragique affaire est traitée avec la plus ridicule légèreté. Les bonnes femmes de Bethléem attaquent notre chevalier errant avec leurs rouets, lui brisent la tête avec leurs quenouilles, l’injurient comme un lâche et une honte pour la chevalerie, et le renvoient chez Hérode, comme un champion réfidèle, avec beaucoup d’ignominie.En l’an 1327, une pièce de l’Ancien et du Nouveau Testament fut jouée à Chester, aux frais des différentes compagnies commerciales de cette ville. Voici la substance et l’ordre de la première partie de la pièce : Dieu entre, créant le monde ; il insuffle la vie à Adam, le conduit au Paradis et lui ouvre le côté pendant son sommeil. Adam et Eve apparaissent · nue, et sans honte ; Et le vieux serpent entre, se lamentant sur sa chute. Il s’entretient avec Ève. Elle mange du fruit défendu et en donne une part à Adam. Ils se proposent, selon la direction de la scène , de se faire subligacula afoliisetc., de se couvrir de feuilles, et de converser avec Dieu. La malédiction de Dieu. Le serpent sort en sifflant. Ils sont chassés du Paradis par quatre anges, et les chérubins avec une épée flamboyante. Adam apparaît en train de creuser le sol, et Eve en train de tourner.+ Dans la partie de la même pièce qui fait référence à l’entrée de Noé et de sa famille dans l’arche, une altercation a lieu entre lui et sa femme, qui occupe presque tout ce qu’on appelle la troisième page. L’extrait suivant est tiré de la Magna Britannia de Lyson, dans laquelle il est copié d’après les manuscrits Harleian du British Museum :

♦Warton, vol. I, p. 242.

+Idem, t. I, p. 243, 244.

 

« NOÉ ET SON NAVIRE. »

« Alors Noé entrera dans l’arche avec toute sa famille, sa femme, excepté que l’arche doit être rassemblée tout autour, et que sur les bords toutes les bêtes et tous les oiseaux ci-après répétés doivent être peints, afin qu’il y ait des mots qui s’accordent avec les images. »

QUELQUE CHOSE.

« Entrez, pourquoi restez-vous là ? ?

Tu es toujours frowarde, j’ose bien le jurer.

 

noE’s wiffe.

« Oui monsieur, installez votre sayle

Et ramez avec une grêle maléfique,

Pour sans fondu

Je ne sortirai pas

Hors de cette ville ;

Mais j’ai mes commérages tous les jours,

Un pied plus loin, je n’irai pas ;

Ils ne se noieront pas par saint Jean,

Et j’y sauverai peut-être la vie ;

Mais tu les laisseras entrer dans ce cheist,

Sinon rame Noé où tu t’éternises,

Et je te trouverai une nouvelle femme.

 

LES BONS POTINS.

« Le flot arrive à toute vitesse,

Un par syde qui se déploie en éventail ;

Pour ne pas me noyer, j’ai l’agaste,

Les bons commérages dessinent plus près ;

Et buvons ou nous partons,

Souvent nous l’avons fait,

Car à la gorgée tu bois un quarte,

Et ainsi ferai-je ou m’en irai-je ;

Voici un pottell plein de Malmeseye et stronge

Yt se réjouira à la fois hart et tonge ;

Bien que Noé ne pense pas que nous ne soyons jamais si longs,

Pourtant, nous boirons de la même manière.

 

JAPHAT.

« Mère, nous te prions tous ensemble,

Car nous sommes ici tes propres enfants ;

Entrez dans le navire pour avoir peur du temps.

 

Quelque chose ne va pas.

« Je ne veux pas que tu m’appelles,

Mais j’ai tous mes ragots.

 

SANS

« En fayth mère, tu seras encore

Que tu le veuilles ou non.

 

QUELQUE CHOSE.

« Bienvenue, ma femme, dans ce bateau. »

 

Femme.

« Prends cela pour note. »

(Et dat alapam.

QUELQUE CHOSE.

« Ha ! ha! Marie ; c’est chaud,

Il est bon d’être tranquille ;

Un! les enfants que je pense que mon bateau récupère,

Nous nous attardons ici très fort ;

Sur la lande l’eau s’étale,

Dieu fait ce qu’il veut.+

 « Elle lui donne une boîte sur l’oreille. »

+ Lyson’s Magna Britannia, vol. ii, pt. ii, p. 505. Londres, 1810, in-4°.

Les Guare-mirou Miracle-Plays of Cornwall, étaient des intermèdes dont les sujets étaient tirés de l’Écriture, et joués en langue cornouaillaise, dans des lieux appelés Roundsqui étaient une sorte d’amphithéâtre, avec des bancs, soit de pierre, soit de gazon. Le docteur Bor-lase, dans son Histoire naturelle de Cornouailles, a donné le plan d’une très grande et régulière « Ronde, « formé avec l’exactitude d’une fortification, dans la paroisse de Piran-Sand, appelée Piran Round. Dans la bibliothèque de la Bodleian, il y a deux manuscrits qui contiennent quelques-uns de ces intermèdes, ou, comme l’auteur les appelle, des Ordinalia. La première, sur parchemin, écrite au XVe siècle, présente trois Ordinalia ;le premier traite de la création du monde, le second de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le troisième de la résurrection. L’autre manuscrit est sur papier, écrit par William Jordan, en l’an 1611. Celui-ci n’a qu’un seul Ordinale, celui de la création du monde et celui du déluge. Le premier Ortel de la création commence ainsi, (Dieu le Père parlant :)

(CORNOUAILLES.)

“ En Tas a Nef ym Gylmyr

 Formyer pub tra a vydh gwrys

Onan ha tryon est un mec

A Tas, he Mab, he Spyrys.

Ha hethyn me a thesyr

Dre ou grath dalleth an Bys

Et laver, nef, ha Tyr

Formyys orthe ou brys.”

ANGLAIS.

« Le Père des Cieux, Moi le Créateur,

De tout ce qui sera fait,

Un, et Trois, vraiment,

Le Père, le Fils et l’Esprit.

Oui, aujourd’hui c’est ma volonté

De ma faveur particulière pour commencer le monde ;

Je l’ai dit, le Ciel et la Terre

Soyez formés par mon conseil.

 

Mais la poésie est la partie la moins exceptionnelle de ces intermèdes. Une personne appelée l’Ordinaire en était le directeur général ; Tout fut fait comme il l’avait prescrit, et dit ce qu’il demandait. Les personnages de ces drames sont nombreux ; dans le premier ordinale de la création, pas moins de cinquante-six ; dans le second, soixante-deux ; et dans le troisième, soixante. Les princes, les patriarches, les saints, les anges (bons et mauvais) et même les personnes de la toujours bienheureuse Trinité, sont présentés. On ne s’occupe nullement de l’unité de temps, d’action et de lieu ; la première pièce mentionnée s’étend sur un laps de temps allant de la création à la construction du temple par le roi Salomon et à l’ordination incongrue d’un évêque pour le garder. Il comprend aussi la fabuleuse légende de Maximilia, dans laquelle les acteurs sont un évêque, un porteur de crosse, un messager, quatre bourreaux, le martyr, Gebal, et Amalek. L’évêque donne aux bourreaux, pour avoir mis à mort le martyr, Behethlan, Bosaneth, et tout Chenary, trois endroits en Cornouailles. Le roi Salomon prononce l’épilogue. L’auditoire, avec l’ordre strict de se présenter le lendemain de bonne heure, afin de voir la Passion jouée, est congédié en ces termes :

(CORNOUAILLES.)

Abarath an Tas

Menstroles a' ras

Pebourgh whare Hag ens pub dre. »

ANGLAIS.

« Au nom du Père,

Ménestrels saints,

Accordez vos tuyaux,

Et que chacun s’en aille chez lui. *

Cela peut servir à donner une idée générale de ces intermèdes, qui ont tous été traduits en anglais par M. John Keigwyn, de Mousehoule, à la demande de Sir Jonathan Trelawny, Bart., évêque de Winchester, d’une manière littérale, pour une meilleure compréhension de la langue.

Carew, dans son Survey of Cornwall, dit : « Pour la représenter » (c’est-à-dire le miracle de Guary), « ils élèvent un amphithéâtre de terre dans un champ ouvert, ayant le diamètre d’un plan fermé, d’environ quarante à cinquante pieds. Les gens de la campagne affluent de tous les côtés, à des kilomètres de distance, pour le voir et l’entendre. Car ils ont là des démons et des artifices pour se réjouir, aussi bien pour l’œil que pour l’oreille.+

Mais quelle qu’ait été la source de ces expositions, ou quelles qu’aient été les incohérences dans la délimitation des caractères, il est certain que nos ancêtres ont cru qu’elles contribuaient à l’information et à l’instruction du peuple sur les sujets les plus importants de la religion ; de sorte que, tout en déplorant l’aveuglement de leurs guides, nous devons reconnaître que là où aucune juste idée de bienséance ne prévaudrait, il n’y aurait que peu de sens du ridicule, et que ce qui nous paraît être le plus grand burlesque ne ferait sur eux aucune espèce d’impression. Que cette opinion ait été autrefois entretenue à propos de ces pièces, peut-être ne peut-on pas en apporter une preuve plus forte que celle qui est fournie par une proclamation faite à Chester, en 1533, pour les pièces de la Pentecôte, par William Newall, greffier de la Pentice, pendant la mairie de William Snead :

« D’AUTANT qu’il s’agit non seulement d’augmenter et d’accroître la sainte foi catholique de notre Sauveur Jésus-Christ, et d’exhorter l’esprit des gens du peuple à une bonne dévotion et à une sainte doctrine, mais aussi pour la communauté et la prospérité de cette ville, une pièce de théâtre et une déclaration de diverses histoires de la Bible, commençant par la création et la chute de Lucifer, et se terminant par le jugement général du monde, qui sera déclaré et joué dans la semaine de Pentecôte, a été conçu et fait par un certain Sir Henry Francis, sometyme monke de ce monastère dissous, qui ob-tayned et gat de Clément, le bushop de Rome, mille jours de pardon,  et de l’atelier de Chester, à ce moment-là, quarante jours de pardon, accordés dès lors à toute personne qui y recourait. d’une manière paisible, avec une bonne dévotion, d’entendre et de voir lesdites playes, de tyme en tyme, aussi souvent qu’elles seront jouées dans la dite ville, (et que toute personne ou personnes dérangeant lesdites playes en quelque manersage, soit maudite par l’autorité des bulles du dit pape Clément, jusqu’à ce qu’elle en soit absoute ;) lesquelles pièces ont été conçues en l’honneur de Dieu, par John Arnway, alors maire de cette ville de Chester, (vers l’an 1328), ses frères et toute sa communauté, pour être apportées, déclarées et jouées aux frais et charges des artisans, et occupations de ladite ville ; ---- C’est pourquoi M. Maior, au nom du roi, charge lamentablement, » etc.+

♦ Une note marginale à cette proclamation, d’une autre main, affirme qu’elles ont été écrites par Randal Higden, à qui elles sont généralement attribuées. Il est probable que sir Henry Francis n’obtint que les grâces mentionnées dans la proclamation. Il est dit dans une note préfixée à une copie de ces pièces (de Pentecôte) au British Museum, Harl. MSS., n° 2124, que Higden a été trois fois à Rome, avant qu’il ait pu obtenir la permission du pape de les faire représenter en langue anglaise.

+  Lyson’s Magna Britannia, vol. ii, pt. ii, p. 590.

Le clergé lui-même était généralement l’interprète des Mystères et des Morales. Sous le règne de Richard II. le clergé et les écoliers de l’école Saint-Paul lui présentèrent une pétition, priant Sa Majesté « d’interdire à une compagnie de gens non experts de présenter l’histoire de l’Ancien Testament, au grand préjudice dudit clergé, qui a été à grands frais et à grands frais, afin de la représenter publiquement, à Noël. » se référant au Northumberland Household Book, pp. 343, 345, comme autorité, il déclare que vers l’année 1512, la noblesse, à l’imitation de la royauté, avait, parmi les autres officiers de sa maison, un maître des réjouissances, « pour l’overseyinge et l’ordre des Playeset des Intermèdes, et l’habillement, c’est-à-dire les douze jours de Crestenmas. Parmi ceux-ci, les gentilshommes et les enfants de la chapelle paraissent avoir été les principaux interprètes ; pour quoi, et pour avoir agi sur d’autres grandes fêtes, on leur assignait des récompenses particulières : « Item, mon seigneur vseth à gyf yerely, quand sa seigneurie est à la maison, en récompense à ceux de ses seigneurs qui jouent le shroftewsday, la nuit, Xs. » Et lorsqu’ils jouaient dans les mystères dramatiques, tels que « la pièce de la Nativité à Crestenmas, ou de la Résurrection à Esturday », ils avaient droit à XX.

♦ Riccoboni, p. 161. Burney’s Hist, of Music, vol. II, pp. 570, 571.

D’autres exemples se sont déjà produits de la part active prise par les ecclésiastiques à la représentation de ces drames religieux, auxquels on peut ajouter la relation d’une représentation de cette nature rapportée dans l’ancienne Chronique de Metz, écrite par le recteur de Saint-Euchaire. « La pièce de la Passion de Notre-Seigneur, dit l’honnête chroniqueur, fut jouée le 3 juillet 1437, dans la plaine de Veximiel. Le recteur de Sainte-Victoire, de Metz, personnifiait Notre-Seigneur, et serait mort sur la croix, s’il n’avait été relevé par un autre prêtre, qui était attaché à la croix pour achever la cérémonie de la crucifixion pour ce temps-là. Le lendemain, le même recteur de Sainte-Victoire personnifia la Résurrection et accomplit sa part avec excellence. Un autre prêtre, qui était aumônier de Metrange, personnifia Judas et, par suite de la défaillance de l’appareil, fut pendu jusqu’à ce qu’il fût presque mort.+ La grande dépense de l’exposition de ces pièces a occasionné la pétition susmentionnée à Richard II. Warton nous apprend que les chapelains d’Abbeville, en l’année 1455, donnèrent quatre livres dix schellings aux joueurs de la Passion ; et en l’an 1486, à Anjou, on paya dix livres sterling pour soutenir les frais de la Passion du Christqui était représentée par des masques, probablement par des personnes engagées à cet effet : il ajoute aussi d’après un ancien computus, que trois schellings furent payés par les ministres d’une église, en l’année 1537, pour parchemin, pour avoir écrit Ludus Resurrectionis Domini.++

+ Shakspeare de Johnson et Steevens, ubi sup.    

++ Warton, vol. I, p. 246, 247.

VolI.—22

Ces spectacles dramatiques furent d’abord présentés en plein air, mais il devint ensuite d’usage de les représenter, dans différentes fêtes, dans les églises ou aux environs. Dans plusieurs de nos anciennes pièces de l’Écriture, nous voyons quelques-unes des scènes destinées à être représentées cum cantu et organis, (une rubrique courante dans le missel), parce qu’elles ont été jouées dans une église où le chœur assistait. Fontenelle (Hist. Theatr.) dit qu’autrefois, chez les Français, on jouait des comédies après le service divin, dans la cour de l’église, changeant ainsi le mode d’instruction. Au sortir du Sermon, ces bonnes gens allaient à la Comédie c’est à dire, qu’ils changeoint le Sermon. C’étaient pourtant des comédies bibliques, et elles étaient constamment précédées d’un Benedicite, en guise de prologue. Dans le Dictionnaire topographique de Lambarde, écrit vers l’année 1570, il y a un passage curieux qui expose si complètement la nature burlesque et profane de ces représentations, surtout dans les temps qui précédèrent immédiatement la réforme du papisme, que je le transcrirai pour l’information du lecteur : « À l’époque de la religion cérémonielle, ils avaient l’habitude à Wytney (dans l’Oxfordshire) de mettre quatre fois par an en spectacle ; ou intermède, la Résurrection de Notre-Seigneur, etc. Dans le but d’exhiber à l’œil l’action de la résurrection, les prêtres ornirent de quelques petites marionnettes, représentant les personnes du Christ, les sentinelles, Marie et autres ; parmi lesquels, l’un d’eux avait la part d’un gardien éveillé, qui espérait que le Christ se levait, faisait un bruit continu, semblable au bruit qui est causé par la niétylation de deux styckes, et était communément appelé Jack Snacker de Wytney. C’est ce que j’ai vu moi-même, alors enfant, dans l’église de Poule, à Londres, à une fête de la Pentecôte ; où le comynge downe du Saint Gost a été préparé pour le par un pigion blanc, qu’on a laissé s’envoler d’un trou qui n’a pas encore été vu dans le mydst du toit de la grande ile, et par un encensoir long, qui descendait du même endroit presque jusqu’au très grand sol, était balancé de haut en bas à une telle longueur, qu’il atteignait d’un seul coup presque jusqu’à la porte occidentale de l’église, et de l’autre jusqu’aux quyre staires de la même ; exhalant sur toute l’église et la compagnie un parfum très agréable de ces choses humides qui y brûlaient. Avec les mêmes doome shewes aussi, ils se servaient de tous les endroits pour fournir des parties sondrye de leur service ecclésiastique, comme par leurs spec-taeles de la Nativitie, de la Passion et de l’Ascension : 

Warton, vol. II, p. 240, 241.

1               22*

Ces pièces n’étaient pas seulement jouées dans les églises, elles étaient parfois aussi jouées le dimanche. En l’an 1487tandis qu’Henri VII tenait sa résidence au château de Winchester, à l’occasion de la naissance du prince Arthur, il fut diverti, un dimanche, à l’heure du dîner, par un drame religieux appelé Christus Descensus ad Infernos, ou la descente du Christ aux enfers. Il était représenté par les Pueri Eleemosynariiou enfants de chœur, de l’abbaye de Hyde et du prieuré de Saint-Swithin, deux grands monastères à Winchester. Un divertissement de même nature fut fourni, en 150.3, au mariage du roi Jacques d’Écosse avec la princesse Marguerite d’Angleterre, fille de Henri VII. Le premier dimanche de la magnifique fête, célébrée avec beaucoup de splendeur à Édimbourg, « après le dynnar, un moraliste fut joué par maître Inglyshe, et hys companyons, en présence du kyng et du qwene ». (Leland, Coll., iii, p. 299, 300, appendice.) Jusqu’au règne d’Élisabeth, et même jusqu’à celui de Charles Ier, les pièces de théâtre continuaient d’être jouées le dimanche par les choristes ou chanteurs de la cathédrale Saint-Paul, à Londres, et de la chapelle royale.

 Warton, vol. ii, p. 206 ; vol. i, p. 241. Tilliot, Mémoires pour servir a !’ Histoire de la Fête des Foux, pp. 55, 56, 58, 59. Lausanne et Geneve, 1751, 12mo.

L’énormité de ces pratiques a longtemps été vue et déplorée par différents prélats, qui ont tenté de les empêcher. Innocent III, qui siégeait dans le fauteuil pontifical au commencement du XIIIe siècle, défendit qu’on y jouât des spectacles et des pièces de théâtre dans les églises. Dans le chapitre Cum Decorem(lib. iii, Decretal Tit. 1 , de vita et honestate Clericorum), il dit : « On y présente quelquefois dans les églises des spectacles et des divertissements théâtraux, dans lesquels non seulement on introduit les masques les plus monstrueux, mais même les diacres, les prêtres et les sous-diacres ont l’effronterie, dans certaines fêtes, de pratiquer ces folies et ces bouffonneries. Nous vous enjoignons donc d’exterminer de vos églises la coutume, ou plutôt la honte et l’irrégularité, de tels spectacles et divertissements honteux, afin que leur impureté ne souille plus l’honneur de l’église. Le concile de Basile, en 1435, reconnaît que dans certaines églises, et à certaines fêtes, certaines personnes se revêtaient des habits pontificaux, mettaient la mitre, tenaient la crosse et donnaient la bénédiction en tant qu’évêques ; d’autres s’habillaient comme des rois et des ducs ; des pièces de théâtre ont été exposées ; et les hommes et les femmes dansaient ensemble, attirant une foule de spectateurs, et produisant la joie la plus dissolue. Cependant le concile exprima son horreur de ces désordres, et défendit au clergé, sous peine de suspension de tous ses revenus ecclésiastiques pendant trois mois, de permettre de telles expositions dans les églises ou les cimetières.

Dans le registre de Guillaume de Wykeham, évêque de Winchester, sous l’année 1384, une injonction épiscopale est récitée contre l’exposition de Spectulaou d’autres divertissements semblables, dans le cimetière de sa cathédrale : Canere Cantilenas, ludibriorum Spectacula fa-cere, saltationes et alios lud,os inhonestos frequentare, choreas, &c. (Registr., lib. iii, fol. 88.) Une interdiction de même nature se trouve dans les statuts du synode de l’église de Liège, A. D. 1287 ; par laquelle il est défendu aux joculateurs ou ménestrels, acteurs et danseurs, de se produire dans l’église, le cimetière ou le portique :  « Joculatores, histriones, saltatricas, in ecclesia, cemeto-rio, vel porticu, nec aliquæ choreæ. » {Statut. Synode. Eccles. Plomb, apud Marten. Thésaure. Anecd., t. IV, p. 846.) Ainsi, par les statuts de l’église de Nantz, en 1405, il est interdit aux joculateurs ou ménestrels d’exposer dans l’église et le cimetière : « Mimi vel joculatores, ad monstra larvarum in ecclesia et cemeterio ». (Statut. Eccles. Nannett. apud Marten, ut sup., p. 993.) En 1445, Charles VII. de France ordonna aux maîtres de théologie de Paris d’interdire aux ministres des collégiales de célébrer, à Noël, la fête des fous dans leurs églises, où le clergé dansait masqué et habitait bouffonnement, et exhibait plusieurs mocqueries, spectacles publics, de leurs corps déguisements, farces, rigmeries, avec diverses énormités choquantes pour la décence.

 Le portique, ou portique, n’était pas le même que ce qu’on appelle ordinairement le porche de l’églisemais soit ce qu’on appelle aujourd’hui communément le bas-côté latéral, ou un domaine . division de celui-ci, consistant en un arc avec son renfoncement, et a souvent été distingué par le nom de quelque saint, comme Porticus Sti. Martini dans l’église Saint-Augustin à Canterbury. Voir « Essais sur l’architecture gothique », Essai de Bentham, pp. 28 et 29. Londres, 1800, in-8°.

En Angleterre, sous le règne de Henri VIII, Bonner, évêque de Londres, publia une proclamation au clergé de son diocèse, datée de 1542, interdisant « toutes sortes de pièces de théâtre, jeux ou intermèdes communs, à jouer, à exposer ou à déclarer dans leurs églises, chapelles, etc. » Pour beaucoup d’autres interdictions semblables, voir Tilliot, Mémoires, etc., passim. Mais le peuple était si attaché à ces représentations, qu’elles continuèrent à être jouées dans les églises, même après la Réforme, car dans un pamphlet publié en 1580, intitulé : « Le troisième coup de retrait de Plaies, » etc., p. 77, l’auteur dit : « Il est permis aux joueurs de publier leur mamettrie dans tous les temples de Dieu, et cela dans toute l’Angleterre. Et en l’an 1603, cet abus des pièces de théâtre dans les églises est mentionné dans le canon de Jacques Ier, qui défend aussi la profanation des églises par les court-leets, etc.+

+ Warton, vol. i, p. 240, 241, 247.

Cependant, non seulement les églises leur étaient interdites, mais l’autorité royale et épiscopale, et même l’autorité papale, étaient entièrement, comme nous l’avons vu, employées à les supprimer. En France, le procureur général, en 1541, présenta au parlement une requête, au nom du roi, contre la compagnie établie à l’hôtel de Bourgogne, pour la représentation des Mystères. Les trois principaux éléments de l’accusation qu’il portait contre eux étaient que la représentation des histoires de l’Ancien Testament inclinait le peuple vers le judaïsme ; que les récits du Nouveau Testament encourageaient le libertinage et l’infidélité ; et que l’un et l’autre ont diminué les aumônes envers les pauvres. Il semble que cette poursuite ait abouti ; car, en 1588, le parlement de Paris confirma la compagnie dans la possession de l’hôtel, mais interdit la représentation des Mystères. En Italie, la représentation de la Passion de notre Sauveur fut abolie vers la fin du pontificat de Paul III, vers 1546 ou 1549. + En Angleterre, à mesure que la Réforme gagnait du terrain et que la Bible était autorisée à être lue publiquement, les Mystères et les Morales cédèrent graduellement la place à l’enseignement plus pur et plus rationnel des Écritures elles-mêmes, telles qu’elles étaient rendues accessibles au peuple par les traductions en langue vernaculaire. L’inconséquent Henri VIII, dans la même loi par laquelle il a interdit la Bible anglaise de Tyndale, a décrété que le royaume devait être purgé et purifié de toutes les pièces religieuses, intermèdes, rimes, ballades et chansons, qui sont également pestiférés et nuisibles à la paix de l’Église.++

♦ Johnson et Steevens' Shakspeare, vol. VII, p. 176.

+ Riccoboni, p. 41.

++ Stat., Ann. 34, 35. Henr. VIII., cap. i, cité dans Warton, vol. III, p. 202, 203.

L’avènement de Marie au trône d’Angleterre raviva les attentes des catholiques romains, et l’accomplissement des Mystères et des Miracles redevint le moyen d’enseignement papiste, de préférence à la Bible. En l’an 1556, une belle pièce de théâtre de la Passion du Christ fut présentée aux Frères Gris, à Londres, le jour de la Fête-Dieu, devant le lord-maire, le conseil privé et plusieurs grands domaines du royaume ! Strype mentionne aussi, sous l’année 1557, une pièce de théâtre aux Frères Gris, de la Passion du Christ, le jour où la guerre fut proclamée à Londres contre la France, et en l’honneur de cette occasion. (Ecclésiastique Mem., t. III, ch. xlix.) Le jour de saint Olave, la même année, la fête de l’église de la rue d’Argent, qui est dédiée à ce saint, fut célébrée avec beaucoup de solennité. À huit heures du soir, commença une pièce de théâtre de bonne matièrel’histoire miraculeuse de la vie de ce saint, qui continua les heures de la tournée et se termina par de nombreux chants religieux. John Bale, un classique latin passable, et un biographe éminent, embrassa la Réforme, et fut promu à l’évêché d’Ossory, par le roi Édouard VI. Avant sa conversion du papisme, il composa de nombreux intermèdes scripturaires, principalement à partir d’incidents du Nouveau Testament ; entre 1hem, la Vie de saint Jean-Baptiste, écrite en 1538 ; Christ dans sa douzième année ; Baptême et tentation ; la Résurrection de Lazare ; le Conseil des Grands Prêtres ; Simon le lépreux ; La Cène de Notre-Seigneur, et le lavement des pieds de ses disciples ; L’ensevelissement et la résurrection du Christ ; la Passion du Christ ; la Comédie des trois lois de la nature, Moïse et le Christ, corrompue par les Sodomites, les Pharisiens et les Papistes, imprimée par Nicholas Bamburgh, en 1538, et si populaire qu’elle fut réimprimée par Colwell, en 1562 ; Les Promesses de Dieu à l’homme, qu’il appelle « une tragédie, ou un intermède, festynge les promesses de Dieu à l’homme, dans tous les âges, depuis le commencement du monde jusqu’à la mort de Jésus-Christ, un mystère, 1538 ». Notre auteur, dans son Vocacyon à l’évêché d’Ossory, nous apprend que sa comédie de Jean-Baptiste et sa tragédie des promesses de Dieu ont été jouées par les jeunes gens un dimanche, au marché de Kilkenny.+

§ La fête annuelle de la Fête-Dieu a été instituée vers l’an 1246. Son but était d’imprimer dans l’esprit du peuple la croyance de la réalité de la transsubstantiation. Outre une superbe procession dans les rues le jour de la fête, il y avait ordinairement un mystère, ou intermède, qui durait parfois huit jours.

♦ Warton, vol. III, p. 326.

+ Ibid., t. III, p. 78. Baker s Companion to the Play-House, vol. II.

En Ecosse, ces représentations dramatiques continuèrent d’être occasionnellement présentées, même après la Réforme ; car dans les registres de l’Assemblée hebdomadaire de Perth, il y a l’inscription suivante : « 1er juillet 1577. L’Assemblée hebdomadaire regrette que certains habitants de cette ville, contre l’ordre exprès du magistrat civil, et l’interdiction prononcée par le ministre du haut de la chaire, aient joué la Fête-Dieu le sixième jour de juin dernier, jour qu’on avait coutume d’appeler le jour de la Fête-Dieu ; par quoi ils ont offensé l’Église de Dieu, et déshonoré cette ville grêle. ladite pièce étant idolâtre et superstitieuse. L’Assemblée ordonna que les coupables ne recevraient aucun bénéfice de l’Église avant d’avoir montré des preuves de leur repentir. Une infraction similaire s’est produite peu de temps après. Le 10 décembre de la même année, qu’on appelle ordinairement la veille de Sancto-berti, un très grand nombre de personnes traversèrent la ville en habits déguisés, jouant de la flûte et de la danse, et frappant du tambour. Ils portaient à la main des torches allumées. L’un des acteurs était vêtu d’un manteau de diable ; un autre montait sur un cheval, qui allait dans des souliers d’homme. Il est probable que le cheval et son cavalier représentaient une partie de l’histoire légendaire du saint, qui semble avoir été le saint patron choisi par l’incorporation des boulangers, car les contrevenants étaient de ce métier. En Allemagne, le mystère de la Passion de Notre-Seigneur a été représenté sur la scène de Vienne au début du siècle dernier, mais interdit ensuite par l’archevêque, à cause des indécences et des profanations introduites par les acteurs de la représentation.+ Riccoboni mentionne aussi l’une des villes électorales, mais sans en donner le nom, dans laquelle, parlant de son temps, il dit : « On érige ordinairement un théâtre dans l’église cathédrale un des jours de la semaine sainte, représentant le jardin des oliviers, où le Christ, après être revenu de la prière, trouva ses disciples endormis. Tout cela est fait par des personnes vivantes, et celui qui représente le Christ y va trois fois, et réveille les apôtres, et revient aussi souvent à la prière. En un mot, ajoute-t-il, nous pouvons y voir une image complète de ce qui s’est passé dans le jardin des oliviers.++ Le même auteur nous assure que, dans certaines fêtes, en Flandre, il y avait des chars portant des diligences dans les rues, sur lesquels des sujets étaient représentés dans des spectacles muets, tirés de l’Ancien ou du Nouveau Testament, ou des objets allégoriques de piété. À Gênes, en 1690, il vit plusieurs mystères exposés sur les théâtres érigés aux coins des rues le jour de la Fête-Dieu ; et à Naples, à la fête du Saint-Sacrement, ils exposèrent des sujets semblables. Les Autos Sacramentales espagnoles étaient des drames sacrés, joués à certaines époques de l’année, mais surtout à Noël ; composés principalement de personnages allégoriques, et se continuent encore, ou ont été, jusqu’à ces derniers temps, dans différentes parties de l’Espagne. Même en 1738, nous trouvons les chanoines de la cathédrale de Besançon, en France, célébrant une momerie dans le cloître et l’église le jour de Pâques, ־ appelée Bergeretta, ou le Chant des Bergers :§ et dans l’Amérique du Sud, l’Église romaine continue ses représentations théâtrales jusqu’à nos jours. M. Henry Koster, qui visita le Brésil en 1809, décrit ainsi l’office du Vendredi Saint à Recife : « L’église était très encombrée, et la difficulté d’y entrer était considérable. Un énorme rideau pendait du plafond, excluant de la vue toute la chapelle principale. Un moine missionnaire italien du couvent de Penha, avec une longue barbe et vêtu d’un habit épais et brun foncé, était en chaire et sur le point de commencer un sermon improvisé. Après un exorde d’une certaine longueur, adapté au jour, il s’écria : « Le voici ! » le rideau tomba aussitôt, et découvrit une énorme croix avec une image en bois de notre Sauveur, extrêmement bien sculptée et peinte, et autour d’elle un certain nombre d’anges représentés par plusieurs jeunes personnes, tous finement parés, et portant chacun une grande paire d’ailes déployées. en gaze ; un homme, vêtu d’une perruque et d’une robe vert pois, comme saint Jean ; et une femme agenouillée au pied de la croix, comme la Madeleine, dont le caractère, à ce qu’on m’a dit, semblait ne manquer de rien, n’était pas des plus purs. Le moine continua, avec beaucoup de véhémence et beaucoup d’action, son récit de la crucifixion, et au bout de quelques minutes, il s’écria de nouveau : « Voici, ils l’abattent quand quatre hommes, vêtus à l’imitation des soldats romains, s’avancèrent. Les visages de ces personnes étaient en partie cachés par un crêpe noir. Deux d’entre eux montèrent sur des échelles placées de chaque côté contre la croix, et l’un d’eux descendit la planche portant les lettres I. N. R. I. Alors on remit la couronne d’épines, on mit un linge blanc par-dessus et on l’appuya sur la tête ; qui fut bientôt enlevée, et montrée au peuple, tachée de la marque circulaire de la couronne en sang : cela fait, les clous qui transperçaient les mains furent peu à peu assommés, ce qui produisit un violent battement de poitrine parmi la partie féminine de l’assemblée. On passa ensuite sous chaque aisselle de l’image un long bandeau de toile blanche ; on enleva le clou qui retenait les pieds ; on descendit très doucement la figure et on l’enveloppa soigneusement dans un drap blanc. Tout cela a été fait sur ordre du prédicateur. Le sermon s’est ensuite rapidement terminé et nous avons quitté l’église.|| (Voyages au Brésil, p. 18, 19.) Enfin, partout où la Bible est cachée au peuple, les superstitions les plus dégradantes étendent leur influence funeste sur l’esprit, non seulement de ceux qui ne sont pas cultivés, mais aussi sur ceux qui ont joui d’occasions supérieures de cultiver l’esprit. La circulation de la Bible produit le triomphe de la raison et de la vérité ; Et là où la parole divine est connue, étudiée et suivie, son influence bienfaisante accélérera l’amélioration mentale et morale de tous les rangs de la société.

Riccoboni, p. 211.          

++ Ibid., p. 117.

§ Ibid., p. 115, 116, 95. Warton, vol. II, p. 368.

|| Après ce détail, on ne s’étonne pas d’apprendre que, bien que les almanachs, les Vies des Saints et certains livres de dévotion se vendent au couvent bénédictin, la Bible et le Testament n’en font pas partie ; et qu’à Pernambuco il n’y a ni imprimerie ni libraire.

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Des détails de l’ignorance, de la superstition et du blasphème, dans lesquels nous avons été conduits par le désir d’exposer l’insuffisance de ces modes d’instruction qui ont été substitués aux Écritures, et dont nous ne pouvons être excusés que par leur rapport intime avec l’histoire de la littérature biblique, nous reprenons avec plaisir notre ancien sujet. et nous présenterons au lecteur quelques preuves que, parmi tous les inconvénients du douzième siècle, il y avait plusieurs savants qui poursuivaient leurs études bibliques avec un bon succès.

Au British Museum, parmi les manuscrits Harleian, n° 5786, se trouve un psautier polyglotte, écrit en grec, en latin et en arabe. La date de 1153 est celle de 6687, mais, à force d’être effacée, elle se lit difficilement. Le savant Joseph Scaliger possédait un exemplaire des quatre Évangiles, en arabe, écrit en l’an du monde 1179, c’est-à-dire en l’an <> de notre ère.+ Un psautier arabe est également conservé dans la bibliothèque de Saint-Laurent, exécuté vers la fin du XIIe siècle par Théodulus Aben Alfathl, diacre melchite d’Antioche. Il s’agit d’une traduction de la version grecque de la LXX. Il y a un autre psautier arabe dans la bibliothèque du Vatican, traduit du grec par un diacre nommé Abdallah fil. Alphadli, que Le Long suppose être le même que le précédent Théodule. Ce dernier exemplaire est sur papier, in-quarto.++ À cette époque, la science générale était poursuivie avec diligence parmi les Arabes. Parmi les musulmans africains ou mauresques, nous trouvons Essachalli, natif de Sicile, célèbre par ses écrits géographiques ; et Ebn Albaithar, réputé pour ses connaissances médicales et botaniques. En Espagne, il y avait Avenzoar et Thophail ; le premier considéré comme l’améliorateur rationnel de la médecine arabe, le second l’auteur de quelques ouvrages admirés, et le fidèle disciple d’Aristote ; tous deux étaient célèbres comme les maîtres du grand Averroès, né à Cordoue, et regardé par ses contemporains comme un prodige de la science. En Asie florissait Gazzali, homme d’une rare fortune comme philosophe, théologien mahométan, juriste et poète.§ Beaucoup de savantes productions des Arabes mahométans furent traduites en latin par les chrétiens ; la haute estime dont jouissait l’érudition de ce peuple, jointe au désir de convertir les Sarrasins espagnols au christianisme, en avait excité beaucoup à étudier leur langue et à acquérir une connaissance considérable de leur doctrine. Gerhard de Crémone, qui était célèbre parmi les Italiens pour son éminente habileté en astronomie et en physique, entreprit un voyage à Tolède et traduisit plusieurs traités arabes. Mirimet, un moine français, a voyagé en Espagne et en Afrique pour apprendre la géographie chez les Sarrasins. Daniel Morlach, un Anglais qui aimait beaucoup l’étude des mathématiques, se rendit à Tolède, et en rapporta un nombre considérable de livres arabes. Pierre, abbé de Clugni, surnommé le Vénérable, après avoir résidé quelque temps parmi les Espagnols, afin de se rendre maître de la langue arabe, traduisit en latin l’Alcoran et la Vie de Mahomet. À son arrivée en Espagne, il trouva des personnes savantes d’Angleterre et d’autres lieux, qui s’appliquaient avec une assiduité et une ardeur extraordinaires à l’étude de l’astrologie ; une science qui, si futile qu’elle soit, a été, à différentes époques, poursuivie avec enthousiasme par des hommes d’une érudition et d’un talent considérables dans presque toutes les nations.♦♦ Malheureusement, les subtilités de la Stagyrite et les conjectures de l’astrologie ont été préférées aux vérités claires et impressionnantes des Écritures, et, à l’exception des cas que nous avons cités, et des travaux bibliques des Juifs espagnols, peu de preuves sont fournies de l’étude de la Bible à cette époque par les érudits de l’Arabie. ou les amoureux de l’érudition arabe.

♦ Classical Journal, n° xvi, décembre 1813, p. 453.

+ Le Long, Biblioth. Sacra, tom. i, ch. ii, p. 120. Paris, 1723.

++ Ibid., p. 118, et Index Auctor., p. 584.

§ Berrington, Histoire littéraire du moyen âge, t. II, p. 671-680.

♦♦ Histoire ecclésiastique de Mosheim, t. III, p. 40, 41.

Les plus éminents de ces Juifs qui ont prospéré au cours de ce siècle, en Espagne, étaient Aben Ezra, Maïmonide, David Kimchi et Salomon Jarchi.

Rabbi ABEN EZRA est né vers 1099 apr. J.-C. Il était très estimé pour ses diverses connaissances et acquisitions. Son habileté dans différentes langues, et en particulier en arabe, apparaît dans ses commentaires, en particulier dans ses critiques sur plusieurs parties du livre de Job. En tant qu’astronome, ses découvertes ont été saluées par les mathématiciens les plus compétents ; Et en tant que médecin, ses connaissances médicales étaient étendues. Mais sa plus grande célébrité est née de ses commentaires sur tous les livres de l’Ancien Testament. Au lieu de suivre la méthode habituelle de ses prédécesseurs, il s’efforça de montrer le sens grammatical et littéral des saintes Écritures ; un plan par lequel il s’est assuré l’estime des Juifs et des Gentils. Ces commentaires ont été imprimés dans les grandes Bibles hébraïques de Bomberg et de Buxtorf.

Poussé par une soif d’apprendre, il passa une grande partie de sa vie à visiter les pays réputés pour la science et l’art. Après avoir traversé l’Angleterre, la France, l’Italie, la Grèce et d’autres pays, il expira dans l’île de Rhodes, dans sa soixante-quinzième année, vers l’an 1174.

♦ Relandi Analecta Rabbinica, in Vit. Celeb. Rabbin., pp S9-80. Hist. des Juifs de Basnage, b. vii. ch. VIII, p. 625, 626, fol.

Rabbi Moïse Ben Maïmon, mieux connu sous son nom abrégé de Maïmonide, est né à Cordouve en Espagne, en 1131. Son père, qui exerçait les fonctions de juge, était très respecté tant par les juifs que par les chrétiens, pour sa connaissance de la jurisprudence et pour l’habileté et l’intégrité avec lesquelles il s’acquittait des devoirs difficiles de la magistrature. L’éducation de Moïse fut d’abord supervisée par son père ; et ensuite confié aux rabbins les plus savants de son pays. Doté d’un esprit vigoureux, pénétrant et perspicace, il fit non seulement de rapides progrès dans la littérature rabbinique, mais il excella aussi dans les sciences mathématiques, métaphysiques et médicales. À la connaissance de l’hébreu et de l’arabe, il ajouta une connaissance du chaldéen, du turc et du grec, ainsi que d’autres dialectes plus modernes parlés dans les pays où il résidait.

À l’âge de vingt-trois ans, il commença ses commentaires sur la Mishna, qu’il acheva sept ans plus tard en Égypte. Le Dr Pocock, dans ses Porta Mosisou Dissertations Mixtes de Maïmonide, a donné l’histoire de cet ouvrage, qui a été écrit en arabe, puis traduit en hébreu, et à partir de cette version a été publié en latin. par Surenhusius.

Les violentes persécutions auxquelles les Juifs furent exposés en Espagne le chassèrent de son pays natal en Égypte, où il résida jusqu’à la fin de sa vie. Faute d’autre emploi, il fut réduit à la nécessité de faire le métier de bijoutier ; mais, saisissant l’occasion de fonder une école, il devint bientôt célèbre par son savoir et ses talents ; et ses instructions étaient suivies par de nombreux et respectables élèves. Enfin son mérite le fit connaître du sultan, qui le nomma son médecin et lui accorda une pension. Dans une épître à son ami R. Samuel Aben Tybbon, il décrit ainsi les occupations quotidiennes de son importante situation : « Je visite généralement le sultan tous les matins ; et quand lui, ou ses enfants, ou ses femmes sont attaqués de quelque désordre, je suis retenu dans l’assistance toute la journée ; ou quand quelqu’un de la noblesse est malade, on m’ordonne de le visiter. Mais, si rien ne m’en empêche, je rentre chez moi à midi, où je n’arrive pas plus tôt épuisé et évanoui par la faim, que je me trouve entouré d’une foule de Juifs et de Gentils, de nobles et de paysans, de juges et de collecteurs d’impôts, d’amis et d’ennemis, attendant avec impatience l’heure de mon retour. Descendant de cheval, je me lave les mains selon l’usage, puis, saluant courtoisement et respectueusement mes invités, je les prie d’attendre patiemment pendant que je prends un rafraîchissement. Le dîner terminé, je m’empressai de m’enquérir de leurs diverses affections, et de leur prescrire les remèdes nécessaires. Telle est l’affaire de tous les jours. Fréquemment, en effet, il arrive que quelques-uns soient obligés d’attendre jusqu’au soir, et je continue pendant plusieurs heures, et même jusqu’à une heure avancée de la nuit, sans cesse occupé à écouter, à parler, à commander et à prescrire, jusqu’à ce que je sois tellement accablé de fatigue et de sommeil, que je puis à peine prononcer un mot. *

* Buxtorf, Moreh Nevochim, dans Prœfiit. Basile, 1621, fol.

Pendant son séjour en Égypte, il écrivit son Yad Chazachah ou la Main forte, et Moreh Nebochim ou l’Instructeur des égarés. Le ■— יד הזחה, ou Main forte, est un excellent condensé ou abrégé de toutes les lois et ordonnances du Talmud. Il a été imprimé à Soncini, en Italie, en 1490, in-folio, et a été plusieurs fois réédité, particulièrement à Venise, en 1550, et à Amsterdam en 1702, en quatre volumes, in-folio. Il est divisé en quatorze titres ou sections : une liste de ceux-ci, avec les noms des savants qui en ont traduit un en latin, est donnée par le Dr Wotton dans ses Discours divers relatifs aux traditions et aux usages des scribes et des pharisiens, dans notre bienheureux Sauveur Jésus. Le temps du Christ », tome II, pp. 273-278.

Le מורה נכיכ־כם, ou Instructeur des perplexes, est un ouvrage critique, philosophique et théologique, dans lequel l’auteur s’efforce d’expliquer les passages difficiles, les phrases, les paraboles, les allégories et les cérémonies de l’Ancien Testament. Elle est rendue particulièrement précieuse par un excellent exposé des motifs et des raisons des lois mosaïques. Un éminent critique biblique l’a qualifié d'« ouvrage très curieux et important, et l’un des plus rationnels qui aient jamais été publiés sous la plume d’un rabbin ». + Il a été écrit en arabe, et traduit en hébreu avec son approbation, par son ami et disciple R. Samuel Aben Tybbon. En 1520, Justinien, évêque de Nebio, publia une version latine de cet ouvrage in-folio, imprimée à Paris par Badius Ascensius. Le jeune Buxtorf entreprit une nouvelle traduction de l’hébreu en latin, qui fut imprimée à Basile par J. J. Genath, en 1629. 4to., et auquel le traducteur a ajouté une préface, y compris une notice biographique de l’auteur. L’hébreu, avec un triple commentaire rabbinique, a été imprimé en 1553 à Venise, et à Jaznitz en 1742. D’autres éditions ont été imprimées de cet ouvrage célèbre en plus de celles dont nous venons de parler, mais qu’il est inutile d’énumérer. Vers la fin du XVIIe siècle, le Dr Thomas Hyde a émis des propositions pour une édition arabe, qui serait accompagnée de notes et d’une nouvelle version latine, dont un spécimen, étant le seul qui ait jamais été imprimé, a été publié par le Dr Gregory Sharpe, dans le Syntagma Dissertationum quas olim auctor doctissimus Thomas Hyde, S. T. P. separatim edidit, Vol. Alter, p. 433-448. Oxon., 1767, in-4°.

+ M. Adam Clarke, Ph. D. Voyez Bibliog. Diet., t. II, p. 87.

Notre grand auteur, Maïmonide, mourut en Égypte à l’âge de soixante-dix ans, et fut enterré dans le pays d’Israël. Telle était l’estime dans laquelle il était universellement tenu, qu’il y eut un deuil général pendant trois jours entiers de la part des Égyptiens aussi bien que des Juifs, et l’année où il mourut fut appelée Lamentum Lamen-tabile. « La mémoire de Maïmonide, dit le Dr Clavering, est encore florissante et fleurira à jamais. »

Clavering, Mosis Maimonidis Tract. Duo. in Dissert, de Maimonide. Oxon. 1705, 4to. Voyez aussi Basnage’s Hist, of the Jews, b. vii, ch. viii. Lond. 1708, fol.

R. David Kimchi était originaire de Narbonne, annexé à cette époque à la couronne de Castille. Des disputes s’étant élevées parmi les Juifs au sujet du Moreh Nebochim de Maïmonide, notre rabbin devint le défenseur zélé de ce célèbre écrivain, et l’un des principaux instruments pour les terminer en sa faveur, en 1232, après avoir été continuée pendant quarante ans. Ces disputes ayant heureusement abouti, il consacra son temps et ses talents à la composition de divers ouvrages théologiques et grammaticaux, qui lui valurent une grande célébrité. Son commentaire sur les principaux livres de l’Ancien Testament, et en particulier sur le prophète Isaïe, est encore tenu en haute estime, et on dit qu’il est excellent et utile. Ses travaux grammaticaux ont été d’un très grand secours pour les grammairiens hébreux ultérieurs ; et le savant Sanctus Pagninusqui écrivait au commencement du XVe siècle, emprunta la plus grande partie de son Lexique et de sa Grammaire hébraïques aux écrits de Kimchi. Notre rabbin avait aussi un frère éminent par ses réalisations littéraires, qui s’appelait ^Moïse ; il est l’auteur d’un ouvrage intitulé Le Jardin des Délices, dans lequel il traite de la nature des âmes. Il n’a jamais été imprimé, mais il est conservé dans le manuscrit de la bibliothèque du Vatican, à Rome.

♦ Relandi Analecta Rabbinica, Vit. Celeb. Rab., p. 81-102. Hist. des Juifs de Basnage, t. VII, ch. VIII, p. 620, 630.

Un autre Juif éminent, qui a prospéré au XIIe siècle, était R. SOLOMON JARCHI, ou ISAAKI, dont le nom est souvent abrégé en Rachi, comme celui de R. David Kimchi l’est en Radak. Français de naissance, il naquit à Troyes, dans la province de Champagne, en 1105. À l’âge de trente ans, il voyagea à l’étranger, visita non seulement l’Italie et la Grèce, mais pénétra en Égypte, en Palestine, en Perse, en Tartarie, en Moscovie et dans d’autres pays, et revint par l’Allemagne dans sa ville natale après une absence de plus de cinq ans. Il a écrit un commentaire sur l’ensemble de l’Ancien Testament, mais on dit qu’il est « si complètement obscur en de nombreux endroits qu’il faut un très grand commentaire pour le rendre intelligible ». + Au cours de ses voyages, il a fait des recueils des décisions des sages dans différentes académies juives, en respectant les difficultés rencontrées dans le Talmud, à l’étude desquelles il s’était particulièrement consacré. Après son retour, il avait l’habitude de visiter différentes universités et académies juives, et, après avoir discuté avec les professeurs sur diverses questions, de jeter secrètement les décisions à leur sujet extraites de ses collections, mais sans le nom de l’auteur. À partir de ces papiers, une glose sur le Talmud a été formée, qui porte son nom. Il a également composé un commentaire sur la Guemara, qui a été considéré comme si précieux qu’il mérite le titre de prince des commentateurs. Il mourut en 1180, dans la soixante-quinzième année de son âge, à Troyes, d’où son corps fut transporté en Bohême, et enterré dans la ville de Prague.++

+ Commentaire du Dr A. Clarke, Gen. Pref., p. 2.

++ Relandi Analect. Rab., Vit. Cel. Rab., p. 59 à 69. Basnage, ut sup.

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