A plusieurs reprises dans le chapitre précédent, nous avons effleuré la question du service pour le Seigneur. Puisque nous allons maintenant examiner la solution que Dieu a donnée au problème que constitue, la vie de l'âme pour l'homme, il sera bon d'aborder ce problème en considérant avant tout les principes qui gouvernent un tel service, Dieu a fixé des principes bien définis qui régissent notre travail pour Lui, et desquels ne peuvent dévier aucun de ceux qui veulent Le servir. La base de notre salut, nous le savons, c'est la mort et la résurrection du Seigneur ; et les conditions de notre service ne sont pas moins précises. De même que la mort et la résurrection du Seigneur sont la base sur laquelle nous sommes acceptés par Dieu, de même le principe de la mort et de la résurrection est la base de notre vie et de notre service pour Lui.
Personne ne saurait être un vrai serviteur de Dieu sans connaître le principe de la mort et le principe de la résurrection. Le Seigneur Jésus Lui-même a servi sur cette base. Nous trouvons dans le chapitre trois de Matthieu qu'avant de commencer son ministère public, notre Seigneur fut baptisé. Il passa par les eaux du baptême, non parce qu'il y avait en Lui quelque péché, quelque chose qui devait être purifié. Non, nous connaissons la signification du baptême : c'est un symbole de la mort et de la résurrection. Le ministère du Seigneur ne commença pas avant qu'Il fût sur cette base. Après qu'Il eût été baptisé et qu'Il se fût placé volontairement dans cette position de mort et de résurrection, le Saint-Esprit descendit sur Lui; et Il commença son ministère.
Quel est l'enseignement que nous devons tirer de cela? Notre Seigneur était un homme sans péché. Nul autre que Lui n'a foulé cette terre sans connaître le péché. Et cependant, comme Il était homme, Il avait une personnalité distincte de celle de son Père. Quand nous touchons à la personne de notre Seigneur, il nous faut le faire avec une sainte prudence ; mais souvenons-nous de ses propres paroles: «Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé. » (jean 5.30)
Que signifie cela ? Cela ne signifie certainement pas que le Seigneur n'avait pas de volonté propre. Il avait une volonté, comme le montrent ses propres paroles. En tant que Fils de l'homme, Il avait une volonté, mais Il ne lui obéissait pas. Il était venu pour faire la volonté du Père. C'est là le point important. Ce qui, en Lui, Le rendait différent du Père, c'était l'âme humaine, qu'Il avait acceptée lorsqu'Il était devenu « semblable aux hommes » (Philippiens 2.7). En sa qualité d'homme parfait, notre Seigneur avait une âme, et naturellement un corps, comme vous et moi nous avons une âme et un corps, et il Lui était possible d'agir par son âme; c'est-à-dire par Lui-même.
Nous nous souvenons que, aussitôt après le baptême du Seigneur et avant que son ministère eût commencé, Satan vint Le tenter. Il Lui proposa de satisfaire ses besoins essentiels, en changeant des pierres en pain; de faire reconnaître immédiatement son ministère en apparaissant miraculeusement dans le parvis du temple; de prendre sans délai la domination du monde qui Lui est destinée. Et cependant, nous sommes enclins à nous étonner de ce que l'ennemi ait cherché à Le tenter à faire des choses si étranges. Il aurait pu, nous semble-t-il, Le pousser à pécher d'une manière plus grossière.
Mais il ne le fit pas; il était plus avisé. Il dit seulement: « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent du pain. »
Que signifiait cela ? Ce qui était impliqué dans ces paroles, c'était: « Si tu es le Fils de Dieu, Tu dois faire quelque chose pour le prouver. Tu es en présence d'un défi. Plusieurs soulèveront certainement la question de savoir si ce que Tu prétends être est vrai ou non. Pourquoi ne pas établir cela définitivement, en Te révélant par des preuves ? »
Le but subtil de Satan était d'amener le Seigneur à agir par Lui-même, c'est-à-dire par Son âme, par l'attitude qu'Il prit, le Seigneur Jésus répudia absolument toute action de cette nature. En Adam, l'homme avait agi par lui-même, indépendamment de Dieu ; ce fut là toute la tragédie du jardin. Maintenant, dans une situation semblable, le Fils de l'homme se place sur une autre base. Il définira plus tard son attitude comme le principe fondamental de sa vie: « Le Fils ne peut rien faire de lui-même» (Jean 5.19). (La préposition de est particulièrement expressive en grec « comme venant de Lui-même. ») Ce refus total d'une vie dominée par l'âme devait gouverner tout son ministère.
Nous pouvons dire avec assurance que toute l'œuvre accomplie par le Seigneur Jésus sur la Terre, avant sa mort sur la croix, l'a été sur la base de ce principe de mort et de résurrection, alors même que l'événement historique du Calvaire était encore à venir. Tout ce qu'Il fit, Il le fit sur cette base. Mais s'il en est ainsi, si le Fils de l'homme, afin d'accomplir son œuvre, a dû passer par la mort et la résurrection (en symbole et en principe), pourrait-il en être autre- ment pour nous? Assurément, aucun serviteur de Dieu ne saurait Le servir sans connaître lui-même l'action de ce principe dans sa vie.
Le Seigneur a montré cela très clairement à ses disciples avant de les quitter. Il était mort, Il était ressuscité, et Il leur dit d'attendre à Jérusalem que l'Esprit descendît sur eux. Quelle est donc cette puissance du Saint-Esprit, cette « puissance d'En-Haut », dont Il leur parlait? Ce n'est rien d'autre que la conséquence de sa mort, de sa résurrection et de son ascension. Pour employer une autre image, le Saint-Esprit est le vase dans lequel sont déposées toutes les valeurs de la mort, de la résurrection et de l'élévation du Seigneur, afin qu'elles puissent nous être transmises. C'est Lui qui . contient» ces valeurs et qui en fait part aux hommes. C'est là la raison pour laquelle le Saint-Esprit ne pouvait pas être donné avant que le Seigneur ait été glorifié. Alors seulement Il pouvait des- cendre sur les hommes et les femmes, afin qu'ils soient ses témoins.
Si nous regardons dans l'Ancien Testament, nous y trouvons le même principe. J'aimerais vous rappeler un passage bien connu, dans le chapitre 17 des Nombres. Le ministère d'Aaron avait été contesté. Une question s'était posée parmi le peuple:
Aaron avait-il réellement été choisi par Dieu ? Il régnait une certaine méfiance, et l'on disait en fait: « Nous ne savons pas si cet homme a vraiment été désigné par Dieu ou non ! » Dieu voulut alors prouver qui était son serviteur, et qui ne l'était pas. Comment le fit-Il? Douze bâtons morts, portant chacun un nom, furent déposés devant l'Éternel, dans le sanctuaire, en face de l'arche du témoignage, et ils y restèrent pendant une nuit. Et, le matin, l'Éternel indiqua le serviteur de son choix par le bâton qui avait bourgeonné, fleuri et porté du fruit.
Nous connaissons tous la signification de cette expérience.
Le bâton couvert de bourgeons parle de résurrection. Ce sont la mort et la résurrection qui marquent le ministère reconnu par Dieu. Sans cela, nous n'avons aucune valeur. Le bâton d'Aaron qui a bourgeonné prouve qu'il est sur la vraie base, et Dieu reconnaîtra comme ses serviteurs ceux-là seuls qui, ayant passé par la mort, sont sur une base de résurrection.
Nous avons vu que la mort du Seigneur agit de différentes manières et qu'elle a plusieurs aspects. Nous savons comment elle agit en ce qui concerne le pardon de nos péchés. Nous savons tous que notre pardon est fondé sur le sang versé et que, sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission. Ensuite, nous sommes allés plus loin et dans Romains 6, nous avons vu comment la mort agit pour détruire la puissance du péché. Nous avons appris que notre vieil homme a été crucifié afin que nous ne soyons plus asservis au péché, et nous avons rendu grâces au Seigneur de ce que, là aussi, sa mort a agi pour notre délivrance.
C'est alors que s'est posé le problème de notre volonté propre, et le besoin de consécration s'est fait sentir ; nous découvrons alors que la mort agit en nous, pour faire place à un esprit disposé à abandonner notre volonté propre et à obéir au Seigneur. Cela constitue un point de départ pour notre service, mais ne touche pas encore au cœur de la question. Il peut encore subsister en nous un manque de connaissance de ce que signifie l'âme.
Une autre phase nous est présentée dans Romains 7, où se trouve le problème de la sainteté de la vie; une sainteté personnelle et vivante. Nous y trouvons un véritable homme de Dieu qui, cherchant par sa justice à plaire à Dieu, se place sous la loi, et la loi lui révèle ce qu'il est. Il essaie de plaire à Dieu par ses propres forces, et la croix doit l'amener au point où il s'écrie: « je ne puis pas satisfaire Dieu par mes propres forces; je ne puis que me confier au Saint-Esprit pour qu'Ille réalise en moi». Je crois que quelques-uns d'entre nous, nous avons passé par des eaux profondes pour apprendre cette vérité, et pour découvrir la valeur de la mort du Seigneur agissant aussi dans ce domaine.
Mais, remarquons-le, il y a encore une grande différence entre « la chair » dont parle Romains 7, en relation avec la sainteté de la vie, et l'action de l'énergie naturelle de la vie de l'âme dans le service du Seigneur. Alors même que nous connaîtrions tout ce dont nous venons de parler - et le connaîtrions expérimentalement - il reste cependant une autre sphère dans laquelle la mort du Seigneur doit agir, pour que nous puissions Lui être utiles dans son service.
Alors même que nous aurions fait toutes ces expériences, le Seigneur ne peut pas encore compter sur nous tant que cette autre œuvre n'est pas accomplie en nous. Combien de serviteurs de Dieu sont employés par Lui, selon une expression chi- noise, pour construire un mur de quatre mètres, uniquement pour le détruire ensuite jusque dans ses fondations! Nous sommes employés par Dieu, mais en même temps nous démolissons notre propre travail, et quelquefois celui des autres, parce qu'il y a encore en nous quelque chose qui n'a pas été touché par la croix.
Il nous faut voir maintenant comment le Seigneur a résolu le problème de l'âme, pour comprendre ensuite comment cela affecte notre service pour Lui.
Il nous faut maintenant garder devant nous quatre passages des Évangiles. Les voici :
Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je suis venu apporter non la paix, mais l'épée. je suis venu mettre la division entre le fils et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l'homme aura pour ennemis ceux de sa propre maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi; et celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi. Celui qui aura conservé sa vie la perdra; et celui qui aura perdu sa vie à cause de moi la retrouvera. (Matthieu 10.34-39)
Il leur en parlait ouvertement (de sa mort). Pierre l'ayant pris à part, se mit à lui faire des remontrances. Mais jésus, se retournant et regardant ses disciples, censura Pierre et lui dit: Arrière de moi, Satan! Car tes pensées ne viennent pas de Dieu! Tu penses comme les hommes. Puis, ayant appelé le peuple avec ses disciples, il leur dit: Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile la sauvera. (Marc 8.32-35)
Souvenez-vous de la femme de Loth! Celui qui cherchera à sauver sa vie la perdra; et celui qui la perdra la retrouvera. je vous le déclare, en cette nuit-là, deux hommes seront dans le même lit ; l'un sera pris et l'autre laissé. (Luc 17.32-34)
En vérité, en vérité, je vous le déclare, si le grain de froment ne meurt après être tombé dans la terre, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perdra; et celui qui hait sa vie en ce monde la conservera pour la vie éternelle. Si quel- qu'un me sert, qu'il me suive; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur; si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera. (Jean 12.24-26)
Ces quatre passages ont un trait commun. Dans chacun d'eux, le Seigneur nous parle de l'activité de l'âme humaine, et dans chacun d'eux, Il touche à un aspect ou à une manifestation différents de la vie de l'âme. Il montre très clairement, dans ces versets, que le problème de l'âme de l'homme ne peut être résolu que par un seul moyen: porter chaque jour notre croix pour Le suivre.
Comme nous venons de le voir, la vie de l'âme, ou vie naturelle, dont il est question ici, est plus que ce que nous trouvons dans d'autres passages qui parlent du vieil homme ou de la chair. Nous avons cherché à montrer clairement que, en ce qui concerne notre vieil homme, Dieu souligne expressément le fait qu'Il a tout accompli une fois pour toutes, en nous crucifiant avec Christ sur la croix. Nous avons vu que, trois fois dans l'épître aux Galates, l'aspect « crucifixion » de la croix est mentionné comme étant une chose accomplie; et dans Romains 6.6, il nous est dit clairement que « notre vieil homme a été crucifié », ce qui peut être exprimé de cette manière: « Notre vieil homme a été, définitivement et pour toujours, crucifié. » C'est une chose accomplie, que nous devons saisir par une révélation divine, et nous approprier ensuite par la foi.
Mais il y a un autre aspect de la croix, celui ci implique cette expression: « porter sa croix chaque jour », J'ai été porté sur la croix; maintenant, je dois la porter; et« porter sa croix », c'est une question intérieure. C'est ce que nous entendons lorsque nous parlons de « l'œuvre subjective de la croix »; C'est une marche quotidienne, c'est suivre notre Seigneur pas à pas. C'est la question qui est maintenant devant nous en ce qui concerne l'âme, et remarquons que l'accent n'est plus le même que lorsqu'il s'agissait du vieil homme. Il ne nous est pas parlé ici de la « crucifixion» de l'âme elle-même, dans le sens que nos dons et nos facultés naturels, notre personnalité et notre individualité, doivent être totalement mis de côté.
S'il en était ainsi, des paroles comme celles de Hébreux 10.39, qui nous exhortent à garder « la foi pour sauver notre âme », ne sauraient nous être adressées. Ou bien aussi: « Vous vous réjouissez d'une joie ineffable et glorieuse, remportant le prix de votre foi, le salut de vos âmes » (1 Pierre 1. 9). Ou : « C'est par votre patience que vous sauverez vos âmes» (Luc 21.19). Non, ce n'est pas dans ce sens-là que nous perdons nos âmes, car ce serait perdre complètement notre existence individuelle. L'âme est toujours là, avec ses dons naturels, mais la Croix doit faire passer ces dons naturels par la mort - elle doit mettre sur ces dons naturels la marque de la mort de Christ - polir nous les rendre ensuite, selon qu'il plaira à Dieu, dans la résurrection.
C'est dans ce sens que Paul, lorsqu'il écrit aux Philippiens, exprime le désir de Le « connaître, Lui et la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances, me rendant conforme à Lui en sa mort» (Philippiens 3.10). Cette marque de la mort est sans cesse laissée sur l'âme pour l'amener à la place où elle restera toujours soumise à l'Esprit, et ne s'affirmera jamais de manière indépendante. Seule la croix, agissant ainsi, a pu d'un homme de l'envergure de Paul, avec les ressources naturelles auxquelles il fait allusion dans Philippiens 3, faire quelqu'un qui se méfie à un tel point de sa propre force qu'il peut écrire aux Corinthiens:
Je n'ai pas jugé que je dusse savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. Auprès de vous, j'ai été faible, craintif, tout tremblant. Et ma parole et ma prédication n'ont pas consisté dans les discours persuasifs de la sagesse, mais dans une démonstration d'esprit et de puissance, afin que votre foi fut fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. (1 Corinthiens 2.2- 3)
L'âme est le siège des sentiments, et nous savons quelle influence ils ont sur nos décisions et nos actions ! Il n'y a rien de délibérément mauvais en eux, notons-le bien, mais ce sont pourtant eux qui font naître en nous un penchant naturel pour une autre per- sonne, ce qui peut avoir pour résultat d'influencer faussement toute notre ligne de conduite. Aussi, dans le premier des quatre passages que nous avons devant nous, le Seigneur doit-Il nous dire:
Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi; et celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi. (Matthieu 10.37-38).
Nous remarquons que le chemin de la croix nous est montré comme le chemin unique et normal pour suivre le Seigneur. Et le Seigneur ajoute immédiatement: « Celui qui aura conservé sa vie (littéralement : son âme) la perdra ; et celui qui aura perdu sa vie (c'est-à-dire son âme) à cause de moi la retrouvera" (Matthieu 10.39).
Il y a pour nous, dans cette action subtile de nos sentiments, le danger secret de sortir du chemin de Dieu; et la clé du problème, c'est l'âme. La croix doit agir en cela, je dois « perdre» mon âme, dans le sens que le Seigneur donne à ces mots, et que nous cherchons à expliquer ici. Plusieurs d'entre nous savons ce que signifie perdre son âme. Nous ne pouvons plus accomplir ses désirs; nous ne pouvons plus lui céder; nous ne pouvons plus la satisfaire; c'est la « perte» de l'âme. Nous traversons des expériences douloureuses, pour en arriver à décourager les exigences de l'âme. Et nous devons confesser bien souvent que ce n'est pas un péché précis qui nous empêche de suivre le Seigneur jusqu'au bout. Nous sommes retenus quelque part par un amour secret, par une affection parfaitement naturelle, qui nous fait dévier du vrai chemin. Oui, les sentiments jouent une grande part dans nos vies, et la croix doit y pénétrer et y accomplir son œuvre.
Nous passons maintenant aux paroles que nous avons citées du chapitre 8 de Marc. Je crois que c'est un passage des plus importants. Notre Seigneur vient d'apprendre à ses disciples, à Césarée de Philippe, qu'Il va souffrir la mort par la main des Anciens des Juifs. Alors Pierre, poussé par son amour pour son Maître, se lève, Le reprend et Lui dit: « Seigneur, ne fais pas cela! Aie pitié de Toi! Cela ne T'arrivera jamais! » Par amour pour son Maître, il Le supplie de S'épargner. Et le Seigneur reprend Pierre, comme Il aurait repris Satan, parce qu'il s'inquiète des affaires des hommes, et non des affaires de Dieu. Et pour tous ceux qui sont présents, Il répète une fois de plus ces paroles:
Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie (son âme) la perdra; mais celui qui perdra sa vie (son âme) à cause de moi et de l'évangile la sauvera. (Marc 8.34-35)
Toute la question est encore une fois celle de l'âme, et ici plus particulièrement, elle met en relief son désir de se préserver. Nous voyons cette action subtile de l'âme, qui dit: « Si je pouvais vivre, je ferais n'importe quoi, je serais prête à tout, mais il faut que je vive! » C'est comme si l'âme s'écriait, dans son désespoir: «Aller à la croix, être crucifiée? Mais c'est réellement trop! Aie pitié de toi-même! Pense à toi! Veux-tu dire que tu agiras contre toi-même pour suivre Dieu? » Certains d'entre nous savent bien que, pour marcher avec Dieu, il est souvent nécessaire d'aller à l'encontre de la voix de l'âme - de la nôtre ou de celle des autres - et de laisser la croix réduire au silence cet instinct de conservation.
Est-ce que je crains la volonté de Dieu? La femme de Dieu, que j'ai mentionnée et qui a eu une telle influence sur le cours de ma vie, m'a posé bien souvent cette question: « Aimez-vous la volonté de Dieu? » C'est une question formidable. Elle ne me demandait pas: Faites-vous la volonté de Dieu? Elle demandait toujours : « Est-ce que vous aimez la volonté de Dieu ?» Je ne connais pas de question qui vous sonde plus profondément que celle-là.
Je me souviens qu'elle avait eu, un jour, une difficulté avec le Seigneur sur un certain point. Elle savait ce que le Seigneur lui demandait, et dans son cœur, elle le désirait aussi. Mais c'était difficile pour elle, Et je l'entendis prier ainsi: «Seigneur, je Te confesse que je n'aime pas ce que tu me demandes, mais, je T'en prie, ne cède pas. Attends un peu, Seigneur et moi, je céderai. » Elle ne voulait pas que le Seigneur ait pitié d'elle et réduise ses exigences. Elle ne désirait autre chose que Lui plaire.
Il y a des moments où nous devons accepter d'abandonner des choses que nous pensons être bonnes et précieuses - oui, et peut-être les choses de Dieu elles-mêmes - afin que sa volonté s'accomplisse. Le souci que Pierre avait pour son Seigneur était dicté par son amour naturel pour Lui. Peut-être pensons-nous que Pierre, qui avait une telle affection pour son Seigneur, pouvait se permettre de Lui faire des reproches.
Seul un amour puissant peut pousser quelqu'un à cela ! Oui, mais quand l'esprit est pur, libre de ce mélange de sentiments de l'âme, nous ne tomberons pas dans l'erreur de Pierre, nous reconnaîtrons la volonté de Dieu, et nous trouverons que c'est en elle seule que peut se réjouir notre cœur. Nous ne verserons même plus une larme par sympathie pour la chair. Oui, la croix pénètre profondément, et nous voyons ici une fois de plus combien son action doit être réelle à l'égard de l'âme.
Le Seigneur parle encore du problème de l'âme au chapitre 17 de Luc, cette fois-ci en relation avec son retour. Il parle du « jour où le Fils de l'homme sera manifesté», et Il fait un parallèle entre ce jour et « le jour où Lot sortit de Sodome» (versets 29 et 30). Un peu plus loin, Il parle de « l'enlèvement» par ces paroles répétées : « L'un sera pris et l'autre laissé» (versets 34 et 35). Mais, entre sa
référence à l'appel adressé à Loth à sortir de Sodome et cette allusion à l'enlèvement, le Seigneur prononce ces paroles remarquables : « En ce jour-là, que celui qui sera sur le toit et qui aura ses effets dans la maison ne descende pas pour les emporter; de même, que celui qui sera aux champs ne revienne point sur ses pas. Souvenez-vous de la femme de Loth! Pourquoi? Parce que: « Celui qui cherchera à sauver sa vie (ou son âme) la perdra; et celui qui la perdra la sauvera. » (verset 33)
Si je ne me trompe, ce passage est le seul dans le Nouveau Testament qui nous parle de notre réponse à l'appel de l'enlèvement. Nous avons peut-être pensé que, lorsque le Fils de l'homme viendra, nous serons enlevés automatiquement, pour ainsi dire, parce que nous avons lu dans 1 Corinthiens 15.51-52 :
Tous, nous serons changés, en un instant, en un clin d'œil. au son de la dernière trompette ...
Or, de quelque manière que nous nous y prenions pour concilier ces deux passages, celui de Luc devrait nous arrêter et nous faire réfléchir; car il souligne avec force le fait que l'un sera pris et l'autre laissé. Il s'agit de la réaction que nous aurons lorsque viendra l'appel au départ, et c'est sur ce point que nous sommes exhortés de manière si pressante à être prêts. Voyez Matthieu 24.12 : « Veillez donc; car vous ne savez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir. »
Il y a certainement une raison à cela. Il est clair que cet appel ne produira pas en nous, à la dernière minute, un changement miraculeux sans aucun rapport avec notre marche avec le Seigneur. Non, à ce moment-là, nous découvrirons quel est le véritable trésor de notre cœur. Si c'est le Seigneur Lui-même, nous ne regarderons pas en arrière. Un regard jeté en arrière décidera de tout. Il est si facile de s'attacher aux dons de Dieu plus qu'au Donateur et j'ajouterais même à l'œuvre de Dieu plus qu'à Dieu Lui-Même.
Laissez-moi citer un exemple. En ce moment (en 1938), je suis en train d'écrire un livre, J'ai terminé les huit premiers chapitres, et il m'en reste un neuvième à écrire, au sujet duquel je suis devant le Seigneur avec un réel fardeau. Mais si l'appel: « Monte plus haut ! » venait à retentir, et que ma réaction fût : « Et mon livre? », je pourrais recevoir cette réponse: «Très bien, reste en bas, et termine-le ! » Cette chose précieuse que nous faisons ici-bas, « dans la maison», pourrait être suffisante pour nous retenir sur terre, comme un clou qui nous retient à la terre.
Il s'agit toujours de la même question, pour nous, de vivre par notre âme ou dans l'esprit. Ici, dans ce passage de Luc, la vie de l'âme nous est dépeinte comme étant engagée dans les choses de la terre et, remarquons-le, des choses qui ne sont pas coupables. Le Seigneur mentionne simplement toutes ces activités, parfaitement légitimes - se marier, planter, manger, vendre - dans lesquelles il n'y a rien d'essentiellement mauvais. Mais c'est le fait d'en être préoccupés au point d'y attacher notre cœur qui est suffisant pour nous retenir en bas.
Le moyen d'échapper à ce danger, c'est de perdre son âme. Cela est merveilleusement illustré par l'action de Pierre, lorsqu'il reconnaît le Seigneur ressuscité sur les bords du lac. Bien que, avec les autres disciples, il soit retourné à ses occupations d'autrefois, il ne pense maintenant ni au bateau, ni même au filet rempli si miraculeusement de poissons. Lorsqu'il entend le cri de Jean: « C'est le Seigneur» nous lisons qu' « il se jeta dans l'eau» (jean 21.7).
C'est le vrai détachement. La question est toujours pour nous:
Où est mon cœur? La croix doit produire en nous un vrai détache- ment spirituel d'avec toute chose et toute personne, en dehors du Seigneur Lui-même.
Mais, jusqu'ici, nous n'avons traité que les aspects extérieurs de l'activité de l'âme. L'âme laissant les rênes à ses sentiments, l'âme s'affirmant elle-même et voulant s'immiscer en toutes choses, l'âme se préoccupant des choses de la terre. Ce ne sont en somme que de petites choses, qui ne vont pas encore au cœur de la question. Il y a quelque chose de plus profond encore, que nous essaierons d'aborder maintenant.
Lisons encore Jean 12.24-25 :
En vérité, en vérité, je vous le déclare, si le grain de froment ne meurt après être tombé dans la terre, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie (« son âme ») la perdra; et celui qui hait sa vie (« son âme ») dans ce monde la conservera pour la vie éternelle.
Nous avons ici l'œuvre intérieure de la croix, dont nous avons déjà parlé: la perte de notre âme. Elle est liée et comparée à l'aspect de la mort du Seigneur Jésus Lui-même, que nous avons déjà vu dans le symbole du grain de blé, c'est-à-dire sa mort en vue de l'accroissement. Le but qui est en vue, c'est le fruit, beaucoup de fruit. Il est le grain de froment en Qui est la vie, mais « Il demeure seul». Il a le pouvoir de donner sa vie à d'autres; mais, pour cela, Il doit descendre dans la mort.
Nous connaissons le chemin suivi par le Seigneur Jésus. Il est entré dans la mort et, comme nous l'avons déjà vu, sa vie apparaît dans beaucoup d'autres vies. Le Fils est mort, et Il est ressuscité comme le premier-né de « beaucoup de fils », Il a abandonné sa vie afin que nous puissions la recevoir. C'est ici qu'Il nous montre clairement la valeur de notre conformité à sa mort, qui signifie perdre notre propre vie naturelle, notre âme, pour devenir ceux qui donnent la vie, et qui partagent avec les autres la vie nouvelle de Dieu qui est en nous. C'est là le secret du ministère, le chemin du véritable fruit pour Dieu. Comme le dit Paul:
Nous qui vivons, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre chair mortelle; de telle sorte que la mort agit en nous et la vie en vous. (2 Corinthiens 4.11-12)
Nous arrivons au cœur du problème. Il y a en nous une vie nouvelle si nous avons reçu Christ. Nous avons tous ce bien précieux, ce trésor dans le vase. Que le Seigneur soit loué pour la réalité de sa vie en nous ! Mais pourquoi cette vie a-t-elle une si faible expression? Pourquoi cette expérience: « Il demeure seul » ? Pourquoi cette vie ne déborde-t-elle pas pour se communiquer à d'autres? Pourquoi est-elle si peu apparente, même dans nos propres vies? La raison pour laquelle il y a si peu de signes de cette vie, alors qu'elle est en nous, c'est que notre âme enveloppe et limite cette vie (comme la balle enveloppe le grain de froment), de sorte qu'elle ne peut se manifester. Nous vivons dans l'âme ; nous travaillons et servons avec nos propres forces naturelles; nous ne vivons pas de Dieu. C'est l'âme qui empêche l'éclosion de la vie. Perdons-la; c'est le chemin de la plénitude.
Une nuit sombre - Un matin de résurrection
Nous revenons ainsi à la verge d'amandier, qui avait été mise dans le sanctuaire pour une nuit - une nuit sombre dans laquelle rien ne pouvait être vu - et le matin, la verge d'Aaron avait fleuri. Nous avons là l'image de la mort et de la résurrection, de la vie livrée et de la vie retrouvée, et c'est là que le ministère est approuvé. Mais comment cela peut-il être réalisé pratiquement ? Comment puis-je reconnaître que Dieu agit à mon égard de cette façon?
Il nous faut d'abord être au clair sur un point important: l'âme, avec ses réserves d'énergie et de ressources naturelles, nous suivra jusqu'à notre mort. Jusqu'à ce moment-là, et de jour en jour, il sera continuellement nécessaire que la Croix opère en nous profondément pour contrecarrer cette source de la nature. C'est la loi permanente du service qui est posée dans ces mots: « Qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. » (Marc 8.34).
Nous ne pourrons jamais nous y soustraire, car celui qui veut l'éviter « n'est pas digne de moi» (Matthieu 10.38) ; « il ne peut être mon disciple» (Luc 14.27). La mort et la résurrection doivent être le principe qui agit constamment dans nos vies, pour que nous « perdions » notre âme, afin que l'Esprit ait toute liberté.
Il nous faudra peut-être traverser une crise qui transformera notre vie entière et notre service pour Dieu. C'est une porte étroite, par laquelle nous entrons dans un chemin entièrement nouveau. Jacob avait passé par une crise semblable à Péniel. C'était « l'homme naturel» en Jacob, qui cherchait à servir Dieu et atteindre son but. Jacob savait que Dieu avait dit: « L'aîné sera assujetti au plus jeune» (Genèse 25.23), mais il s'efforçait de réaliser ce dessein par sa propre intelligence et ses ressources naturelles. Dieu dut paralyser cette force de la nature en lui, et Ille fit lorsqu'Il toucha l'articulation de sa hanche. Jacob ensuite continua à marcher, mais il resta boiteux. Il était devenu un Jacob différent, ce qu'implique le changement de son nom. Il avait gardé ses jambes et pouvait s'en servir, mais leur force avait été touchée, et il souffrait d'un mal dont il ne devait jamais guérir entièrement.
Dieu doit nous amener à une place - je ne puis vous dire comment Ille fera, mais Ille fera - où, par une expérience sombre et profonde, notre puissance naturelle sera touchée et fondamentalement affaiblie, de sorte que nous n'oserons plus avoir confiance en nous. Il a dû agir à l'égard de plusieurs d'entre nous d'une manière très sévère et nous faire passer par des chemins difficiles et douloureux pour nous amener là. Il arrive enfin un moment où nous « n'aimons » plus faire une œuvre chrétienne - nous craignons en vérité de faire quelque chose au nom du Seigneur. Mais c'est alors qu'enfin Dieu peut commencer à se servir de nous.
Je puis vous dire qu'un an après ma conversion, j'avais la passion de prêcher. Il m'était impossible de rester silencieux. C'était comme si une force intérieure me poussait à parler, et je devais obéir. Prêcher était devenu ma vie. Le Seigneur peut, dans sa grâce, nous permettre de continuer ainsi pendant un temps assez long - et même avec une certaine mesure de bénédiction - jusqu'au jour où cette force naturelle qui nous pousse sera touchée. Désormais, nous ne le ferons plus parce que nous le désirons, mais parce que le Seigneur le demande. Avant cette expérience, nous pouvions prêcher pour la satisfaction que nous trouvions à servir Dieu de cette manière j et cependant, le Seigneur ne pouvait pas obtenir de nous le service qu'Il aurait, Lui, désiré de nous. Nous vivions par notre vie naturelle, et cette vie est fort capricieuse. Elle est l'esclave de notre tempérament. Si nos émotions nous y incitent, nous nous donnons de toute notre force à son œuvre j si nos sentiments nous poussent d'un autre côté, nous refusons d'avancer là même où le devoir nous appelle.
Nous ne sommes pas souples entre les mains du Seigneur. Il doit donc affaiblir en nous cette force de sentiments, de sympathie ou d'antipathie pour nous amener à faire une chose, parce qu'Il la désire et non parce que nous l'aimons. Que cela nous plaise ou non, nous la ferons tout de même. Ce n'est plus parce que nous en tirons une certaine satisfaction personnelle que nous ferons telle ou telle œuvre pour Dieu. Non, nous la ferons parce que telle est la volonté de Dieu, et sans en attendre quelque joie consciente. La vraie joie que nous connaissons en faisant sa volonté est plus profonde que nos émotions variables.
Dieu veut nous amener à la place où Il n'a plus qu'à exprimer un désir pour que nous y répondions instantanément. C'est là l'esprit du serviteur. « J'ai dit: Me voici, je viens avec le rouleau du livre qui est écrit pour moi. Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté et ta loi est au fond de mon cœur. » (Psaume 40.8-9) Mais un tel esprit ne viendra pas naturellement, en aucun de nous. Il se manifestera seule- ment lorsque notre âme, le siège de notre énergie, de notre volonté et de nos sentiments naturels, aura connu le toucher de la croix, Oui, c'est cet esprit du serviteur que Dieu cherche et veut avoir en nous tous. Le chemin qui nous y amène peut être, pour les uns, douloureux et long; pour d'autres, une crise aiguë et subite; mais Dieu a ses voies, et nous devons les respecter.
Tout vrai serviteur de Dieu doit connaître, à un moment donné, cet affaiblissement de ses capacités naturelles, dont il ne se remettra jamais et après lequel il ne sera plus tout à fait le même. Il faut que soit établie en nous une véritable crainte de nous-mêmes. Nous redouterons de faire quelque chose par ou de nous-mêmes, car, comme Jacob, nous saurons quelle discipline sévère nous subirions si nous agissions ainsi. Nous saurons quel tourment nous aurions dans notre cœur devant le Seigneur, si nous agissions sous une impulsion de notre âme. Nous avons connu quelque chose de la main du Dieu d'amour qui nous châtie, un Dieu qui « nous traite comme des fils» (Hébreux 12.7). L'Esprit Lui-même rend témoignage à notre esprit de ce lien de parenté, et aussi de l'héritage et de la gloire qui sont à nous « si nous souffrons avec lui » (Romains 8.16-17), et notre réponse au « Père de nos esprits» est: « Abba, Père! »
Mais quand nous avons réellement vécu cette expérience, nous nous trouvons sur une base nouvelle, que nous appelons la « base de résurrection », Il se peut que cette expérience du principe de mort se soit faite par une véritable crise dans notre vie naturelle, mais lorsqu'elle est vécue, nous découvrons que, par la résurrection, Dieu nous a rendus libres. Ce que nous avions perdu nous est redonné bien que différent désormais. Le principe de vie est main- tenant à l'œuvre en nous; c'est une capacité et une force nouvelles, qui nous animent, nous donnent la vraie vie. Oui, ce que nous avions perdu nous sera rendu, mais désormais sous une discipline, sous un contrôle.
J'aimerais que nous comprenions cela bien clairement. Si nous voulons être des hommes et des femmes spirituels, nous n'avons nul besoin d'être amputés des pieds et des mains; nous possédons encore notre corps. De la même manière, nous avons notre âme, avec le plein usage de ses facultés; et cependant, notre âme n'est plus la source de notre vie. Nous ne vivons plus en elle; nous ne puisons plus notre énergie en elle, pour vivre par elle; nous nous en servons. Si le corps devient notre vie, nous vivons comme des animaux. Si l'âme devient notre vie, nous vivons en rebelles et en fugitifs devant Dieu, doués, cultivés, instruits, sans aucun doute, mais étrangers à la vie de Dieu. Mais, lorsque nous en arrivons à vivre notre vie dans l'Esprit et par l'Esprit, bien que nous employions encore les facultés de notre âme comme nos forces physiques, elles sont désormais les servantes de l'Esprit; et lorsque nous en sommes là, Dieu peut réellement nous employer.
Mais la grosse difficulté, pour beaucoup d'entre nous, c'est cette nuit sombre. Le Seigneur, dans sa grâce, m'a mis à l'écart une fois dans ma vie, durant plusieurs mois, et m'a laissé spirituellement, dans une obscurité absolue. C'était presque comme s'Il m'avait abandonné, comme si plus rien ne se produisait et comme si j'étais arrivé à la fin de tout. Et puis, peu à peu, Il me rendit ce qui semblait avoir disparu. Nous avons toujours la tentation de vouloir aider Dieu en reprenant les choses en main par nous-mêmes; mais souvenons-nous qu'il nous faut une nuit tout entière dans le sanctuaire - une nuit tout entière dans l'obscurité. L'on ne peut en hâter la fin; Dieu sait ce qu'Il fait.
Nous aimerions vivre la mort et la résurrection dans l'espace d'une heure. Nous reculons devant la pensée que Dieu puisse nous mettre à l'écart pour un temps si long; nous ne pouvons pas supporter l'attente, Je ne saurais dire combien de temps il Lui faudra, pour chacun d'entre nous, mais je pense qu'en principe, il est sage de dire qu'il y aura une période précise pendant laquelle Il nous gardera ainsi. Il nous semble que rien n'arrive; tout ce qui a de la valeur pour nous semble s'échapper de nos mains. Nous avons l'impression d'être devant un mur sans issue. Il nous semble que tous les autres sont bénis et employés, alors que nous sommes délaissés et oubliés.
Restons tranquilles! Tout est dans les ténèbres, mais ce n'est que pour une nuit. Il faut en réalité que ce soit une nuit tout entière, mais elle passera. Nous trouverons ensuite que tout nous est rendu dans une résurrection glorieuse. Et la différence qu'il y a entre ce qui était auparavant et ce qui est maintenant ne saurait être mesurée!
Je me trouvais un jour, pour le goûter, avec un jeune frère auquel le Seigneur avait parlé de cette question de notre énergie naturelle. Il me dit: « Quelle expérience bénie de savoir que le Seigneur nous a rencontrés et nous a touchés de cette manière fondamentale, et d'avoir accepté ce contact qui nous affaiblit. » Il y avait une assiette de biscuits sur la table, j'en pris un et le brisai en deux comme pour le manger. Puis, rajustant ensuite soigneusement les deux morceaux, je lui dis : « Il paraît bien réparé, pourtant il ne sera plus jamais le même, n'est-ce pas? Une fois que notre propre force a été brisée, nous céderons toujours au moindre toucher de Dieu. »
C'est ainsi. Le Seigneur sait ce qu'Il fait avec les siens, et il ne reste aucun aspect de nos besoins auquel Il n'ait répondu dans sa croix, afin que la gloire du Fils soit manifestée dans les fils. Ses disciples qui ont suivi ce chemin peuvent, je le crois, faire écho aux paroles de l'apôtre Paul, qui pouvait dire avoir servi Dieu « en mon esprit, par la prédication de l'évangile de son Fils» (Romains 1.9). Ils ont appris, comme lui, le secret d'un tel ministère; « Nous servons ... par l'Esprit de Dieu, nous nous glorifions en Jésus-Christ et ne mettons point notre confiance dans la chair» (Philippiens 3.3).
Il y en a peu qui aient eu une vie aussi active que Paul. Dans sa lettre aux Romains, il rappelle avoir prêché l'évangile depuis Jérusalem jusqu'en Illyrie (Romains 15.19), et être maintenant prêt à aller à Rome (1.10), et de là, si possible, en Espagne (15.24 et 28). Et cependant, dans tout ce service qui embrasse, comme il le fait, tout le monde méditerranéen, son cœur est fixé sur un seul objet l'exaltation de Celui qui a rendu ce service possible.
j'ai donc sujet de me glorifier en Jésus-Christ, pour ce qui regarde le service de Dieu. Car je ne me permettrais pas de parler de choses que Christ n'aurait pas faites par moi pour amener les païens à son obéissance par la Parole et par les œuvres. (Romains 15.17-18)
C'est le service spirituel.
Que Dieu fasse de chacun de nous, aussi réellement que Paul l'était, « un esclave de Jésus-Christ ».