Chapitre Onze
Avant d'aborder notre dernier sujet important, nous voulons arrêter notre pensée sur le chemin parcouru pour en résumer les étapes. Nous avons cherché à montrer simplement et à expliquer clairement quelques-unes des expériences par lesquelles passent habituellement les chrétiens. Mais il est évident que les nouvelles découvertes que nous faisons, à mesure que nous avançons avec notre Seigneur, sont nombreuses, et il ne faut pas que nous cédions à la tentation de simplifier outre mesure l'œuvre de Dieu. Cela pourrait nous entraîner dans une confusion très grande.
Certains enfants de Dieu croient que notre salut, qui pour eux comprend également la question de vivre une vie sainte, réside entièrement dans une appréciation de la valeur du sang précieux. Ils ont raison d'insister sur la nécessité de veiller à être en règle avec Dieu, au sujet de certains péchés connus, ainsi que sur l'efficacité continuelle du sang qui efface les péchés que nous commettons, mais il n'est pas juste de penser que le sang accomplira tout. Ils croient à une sainteté qui, en réalité, signifie simplement la séparation de l'homme d'avec son passé; ils croient que, en effaçant sur la base du sang versé ce que l'homme a commis, Dieu sépare cet homme des liens du monde pour qu'il Lui appartienne, et que c'est cela la sainteté; et ils s'arrêtent là. Ils passent ainsi à côté des exigences fondamentales de Dieu, et par conséquent des ressources abondantes auxquelles Il a pourvu. J'espère qu'à ce point de notre étude, nous avons vu clairement combien cette manière de voir est incomplète.
Il yen a d'autres qui vont plus loin et ont reconnu que Dieu les a englobés dans la mort de son Fils sur la croix, afin que leur vieil homme soit crucifié en Christ, et qu'ils soient délivrés du péché et de la loi. Ils ont une foi réelle dans le Seigneur, car ils se glorifient en Jésus-Christ et ont cessé de mettre leur confiance dans la chair (Philippiens 3.3). Dieu a en eux un fondement solide, sur lequel Il peut bâtir. Et de cette position qui est un point de départ, plusieurs sont allés plus loin encore, et ont reconnu que la consécration, en employant ce mot dans son sens réel, signifie se livrer sans réserve entre les mains du Seigneur pour Le suivre. Tout cela, ce sont les premiers pas, à partir desquels nous avons déjà touché à d'autres phases de l'expérience que Dieu a en vue pour nous, et que plusieurs connaissent. Il est toujours essentiel de nous souvenir que chaque pas, bien qu'il représente un fragment précieux de la vérité, n'est pas en lui-même la vérité tout entière. Ils sont tous le fruit de l'œuvre de Christ accomplie pour nous sur la croix, et nous ne pouvons pas en ignorer un seul.
Nous avons reconnu qu'il existe un certain nombre de phases dans la vie et l'expérience du croyant, et nous remarquerons maintenant un autre fait : bien que ces phases ne soient pas toujours nécessairement expérimentées dans un ordre fixe et précis, elles semblent cependant être marquées par certains traits, et obéir à certains principes, qui se répètent. Quels sont ces principes? Il y a premièrement la révélation. Comme nous l'avons vu, la révélation précède toujours la foi et l'expérience. Par sa Parole, Dieu ouvre nos yeux sur la vérité d'un fait qui concerne son Fils, et ensuite, si nous acceptons par la foi ce fait pour nous-mêmes, il devient réel en expérience dans notre vie.
Nous avons ainsi la révélation qui est objective et l'expérience qui est subjective,
Nous remarquerons ensuite qu'une telle expérience prend habituellement la double forme d'une crise, suivie de l'effet progressif de la vérité, révélée et acceptée. Il est bon de penser à cette expérience en nous rappelant les termes du langage imagé de John Bunyan: la « porte étroite» par laquelle Chrétien doit entrer sur un « chemin étroit »; Notre Seigneur Jésus a parlé aussi de cette porte et de ce chemin qui conduisent à la vie. « La porte étroite et le chemin resserré mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent» (Matthieu 7 .14). Et l'expérience confirme ses paroles.
Nous avons donc maintenant la révélation et l'expérience (une porte étroite -la crise - et un chemin étroit -l'effet progressif).
Prenons maintenant quelques-uns des sujets que nous avons traités, et voyons comment ceci nous aide à les comprendre. Nous commencerons par notre justification et notre nouvelle naissance. Cette expérience commence par une révélation du Seigneur Jésus dans son œuvre d'expiation pour nos péchés, sur la Croix j cette révélation sera suivie par la crise (la porte étroite) de la repentance et de la foi, par laquelle nous sommes, tout au début, rapprochés de Dieu.
En Jésus-Christ, vous qui étiez autrefois éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de Christ. (Ephésiens 2.13)
Et ce premier pas vers Dieu nous mène à une marche de communion constante avec Lui (le chemin étroit), dont l'accès nous est acquis chaque jour sur la base du Sang précieux.
Ainsi donc, frères, puisque nous avons un libre accès dans le lieu très saint, grâce au sang de Jésus ... approchons-nous avec un cœur sincère, avec une foi pleine et entière, le cœur purifié des souillures d'une mauvaise conscience. » (Hébreux 10. 19,22)
Quand nous arrivons à la délivrance du Péché, nous retrouvons ces trois pas : l'œuvre de révélation par le Saint-Esprit, ou le « connaître» de Romains 6.6 ; la crise de la foi, ou le « considérez- vous» de Romains 6.11 ; et la suite continue de la consécration, ou le «donnez-vous vous-même» à Dieu, de Romains 6.13, sur la base d'une marche en nouveauté de vie. Considérons ensuite le don du Saint-Esprit. Cela aussi commence par une nouvelle « vision » du Seigneur Jésus, élevé sur le trône, qui aboutit à la double expérience de l'Esprit répandu sur nous et de l'Esprit demeurant en nous. Et enfin, en arrivant à la question de plaire à Dieu, nous retrouvons ce besoin d'une lumière spirituelle, pour comprendre la valeur de l'œuvre de la croix à l'égard de « la chair », c'est à dire toute cette vie du « moi» chez l'homme. Dès que nous acceptons cette œuvre subjective de la Croix, nous entrons dans l'expérience de la « porte étroite »,
Jésus, notre Seigneur, a été livré pour nos offenses et est ressuscité pour notre justification. (Romains 7.25)
Nous commençons par cesser de « faire» et acceptons, par la foi, l'action puissante de la vie de Christ qui satisfait en nous les exigences pratiques de Dieu. Et par-là, nous entrons dans le « chemin étroit» de la marche dans l'obéissance à l'Esprit. « Nous marchons, non selon la chair, mais selon l'Esprit» (Romains 8.4).
L'image n'est pas identique dans chaque cas, et il nous faut prendre garde à ne pas imposer au Saint-Esprit un plan d'action rigide; mais une nouvelle expérience pourra peut-être se présenter à nous, plus ou moins suivant ce processus. Il faudra que nos yeux soient ouverts sur un nouvel aspect de Christ et de son œuvre accomplie, et ensuite la foi ouvrira une porte pour suivre un nouveau chemin. Souvenons-nous aussi que, si nous divisons l'expérience chrétienne en différents sujets: la justification, la nouvelle naissance, le don de l'Esprit, la délivrance, la sanctification, c'est uniquement pour que nous la comprenions plus claire- ment.
Cela ne signifie pas que ces étapes doivent se suivre, ou se suivront toujours, dans un certain ordre bien déterminé. En fait, si nous avons reçu dès le début une présentation entière de Christ et de l'œuvre de sa croix, nous pouvons entrer dans des expériences très riches, dès le premier jour de notre vie chrétienne, alors même que leur explication plus profonde ne nous apparaîtra que plus tard. Puisse toute prédication de l'Évangile être de cette nature!
Une chose est certaine, la révélation précédera toujours la foi. Lorsque nous voyons quelque chose de ce que Dieu a accompli en Christ, nous répondons naturellement: « Merci, Seigneur! », et la foi suit spontanément. La révélation est toujours l'œuvre du Saint-Esprit, qui nous est donné et nous prend par la main, afin de nous conduire dans toute la vérité en nous ouvrant les Écritures.
« Quand lui, l'Esprit, sera venu, il vous conduira dans toute la vérité» (Jean 16, 13). Comptons sur Lui, car c'est pour cela qu'Il est ici; et lorsque nous avons des difficultés devant nous, soit un manque de compréhension, soit un manque de foi, apportons directement au Seigneur ces difficultés : « Seigneur, ouvre mes yeux. Seigneur, fais-moi comprendre clairement ceci. Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité ! » Il ne nous fera jamais défaut!
Nous sommes maintenant en mesure de faire un pas de plus pour considérer la grandeur et la profondeur immenses de l' œuvre de la croix du Seigneur Jésus. A la lumière de l'expérience chrétienne, et pour une analyse claire, il nous sera peut-être utile de voir l'œuvre rédemptrice de Dieu sous quatre aspects différents. Mais, tout en le faisant, il reste essentiel de garder à l'esprit le fait que la croix de Christ est une seule œuvre divine et non une suite d'œuvres successives. Un jour, en Judée, il y a deux mille ans, le Seigneur Jésus est mort et ressuscité, et Il est maintenant « élevé à la droite de Dieu» (Actes 2.23). L'œuvre est achevée, et elle n'aura jamais besoin d'être répétée; rien non plus ne peut y être ajouté.
Des quatre aspects de la croix que nous allons mentionner, nous en avons déjà étudié trois en détail. Nous considérerons le dernier dans les deux chapitres suivants de notre étude. Nous pouvons les résumer brièvement de cette manière:
·Le sang de Christ, qui règle le problème des péchés et de la culpabilité,
· La croix de Christ, qui règle le problème du péché, de la chair et de l'homme naturel,
· La vie de Christ, offerte à l'homme, pour demeurer en lui, le recréer et le fortifier,
· L'action de la Mort dans l'homme naturel, afin que la Vie demeurant en lui puisse se manifester progressivement.
Les deux premiers de ces aspects ont un caractère réparateur. Ils sont liés à la destruction de l'œuvre du Diable, et à la destruction du péché de l'homme. Les deux derniers ne sont pas réparateurs, ils sont positifs, et sont liés plus directement à l'accomplissement du dessein de Dieu. Les deux premiers sont nécessaires pour recouvrer ce qu'Adam avait perdu par la chute; les deux derniers doivent nous faire entrer dans, et faire entrer en nous, quelque chose qu'Adam n'avait jamais eu. Nous voyons ainsi que tout ce que le Seigneur Jésus a accompli dans sa mort et sa résurrection est une œuvre qui a pourvu à la rédemption de l'homme, et une œuvre qui rend possible l'accomplissement du dessein de Dieu.
Nous nous sommes arrêtés assez longuement, dans les chapitres précédents, sur les deux aspects de la mort de Christ, représentés par le sang, pour nos péchés et notre culpabilité, et la croix, pour le péché et la chair. Dans notre étude sur le dessein éternel de Dieu, nous avons aussi considéré brièvement le troisième aspect - celui représenté par Christ comme le grain de blé - et dans notre dernier chapitre, où nous avons vu Christ comme notre vie, nous avons été amenés à saisir quelque chose de sa réalisation pratique. Cependant, avant de nous pencher sur le quatrième aspect, que nous appellerons « porter sa croix », il nous faut ajouter quelques mots sur ce troisième point, c'est-à-dire sur la libération de la vie de Christ dans sa résurrection, pour qu'elle demeure dans l'homme et le rende apte au service de Dieu.
Nous avons déjà parlé du dessein de Dieu dans la création, et nous avons dit qu'il dépassait infiniment ce qu'Adam a connu. Quel était ce dessein ? Dieu voulait avoir une race d'hommes dont chaque membre posséderait un esprit par lequel serait possible la communion avec Lui-même, qui est Esprit. Cette race possédant la vie même de Dieu, devait coopérer avec Lui pour l'accomplissement de Son but éternel, en maîtrisant toute révolte de l'ennemi, et en détruisant ses œuvres mauvaises. Tel était le grand plan de Dieu. Comment pourra-t-il désormais être réalisé ? La réponse se trouve encore dans la mort du Seigneur Jésus. C'est une mort puissante. Elle est quelque chose de positif; elle a un but déterminé, qui va bien au-delà de la reconquête d'une position perdue. Car, par elle, non seulement le péché et le vieil homme ont été mis de côté, et leurs effets annulés, mais quelque chose de plus, quelque chose d'infiniment plus grand, a été introduit.
Prenons maintenant deux passages de la Parole de Dieu, l'un tiré de Genèse 2, et l'autre d'Éphésiens 5; tous les deux ont une grande importance à cet égard.
Alors l'Éternel fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit l'une de ses côtes, à la place de laquelle il referma la chair. De la côte qu'il avait prise à l'homme, l'Eternel Dieu forma une femme qu'il amena à l'homme.
Et l'homme dit: Celle-ci, cette fois, est os de mes os et chair de ma chair! ... Elle sera appelée Femme (en hébreu: Ischah) ; car elle a été prise de l'Homme. (En hébreu: Ischah.) (Genèse 2.21-23)
Maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, après l'avoir purifiée par le baptême d'eau et par la parole, pour faire paraître devant lui cette Eglise pleine de gloire, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. (Ephésiens 5.25-27)
Nous avons dans Ephésiens 5 le seul chapitre de la Bible qui nous explique le passage de Genèse 2. Ce qui est présenté dans les Ephésiens est absolument remarquable, si nous y réfléchissons. Je pense à ce que signifient ces mots: « Christ a aimé l'Église». Il y a là quelque chose d'infiniment précieux.
On nous a appris à nous considérer comme des pécheurs qui avons besoin d'être rachetés. Depuis des générations, cet enseignement a imprégné notre esprit, et nous rendons grâce au Seigneur pour cela, car c'est notre début; mais ce n'est pas le but final de Dieu. Dieu nous parle plutôt ici d'une « Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible ».
Nous pensons trop souvent à l'Église simplement comme à « l'ensemble des pécheurs qui sont sauvés ». Elle est cela; mais nous en sommes presque venus à confondre ces termes, comme si l'Église n'était que cela; or, ce n'est pas le cas. Pécheurs sauvés - dans cette pensée, nous avons tout l'arrière-plan du péché et de la Chute; mais aux yeux de Dieu, l'Église est une création divine en son Fils. La première pensée est essentiellement individuelle, la seconde fait apparaître un corps constitué, La première est négative, elle appartient à un passé j la seconde est positive, dirigée vers l'avenir. Le« dessein éternel », qui est dans la pensée de Dieu de toute éternité, concerne son Fils; et ce dessein de Dieu, c'est que le Fils ait un Corps qui exprime sa vie. Vue dans cette perspective - qui est celle du cœur de Dieu -l'Église est quelque chose qui n'a aucun rapport avec le péché, et elle n'a jamais été affectée par le péché.
Nous trouvons donc dans l'épître aux Ephésiens un aspect de la mort du Seigneur Jésus qui n'est montré aussi clairement dans aucun autre texte. Dans l'épître aux Romains, les choses sont envisagées du point de vue de l'homme et de sa Chute; elles commencent par « Christ est mort pour les impies ... des pécheurs ... des ennemis» (Romains 5,6-10), et nous sommes conduits progressivement à « l'amour de Christ» (Romains 8.35).
Dans les Éphésiens, par contre, le point de vue est celui de Dieu, « avant la création du monde» (Éphésiens 1.4), et le cœur de l'Évangile est: « Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle» (Ephésiens 5.25 ). Ainsi, au cri que nous avons dans les Romains - « nous avons péché» - répond le message de l'amour de Dieu pour les pécheurs (Romains 5.8), tandis que nous avons, dans les Ephésiens « Christ a aimé », et l'amour que nous rencontrons ici est l'amour de l'époux pour son épouse. Cet amour n'a absolument aucun rapport avec le péché comme tel. Ce qui est en vue dans ce passage, ce n'est pas l'expiation pour le péché, c'est la création de l'Église; c'est dans ce but, nous est-il dit, qu'Il « s'est livré lui-même».
Il y a ainsi dans la mort du Seigneur Jésus un aspect tout à fait positif, où nous voyons essentiellement son amour pour son Église, et où n'apparaît pas directement la question du péché et des pécheurs. Et pour bien faire ressortir ce fait, Paul emploie comme illustration cet incident de Genèse 2. Nous trouvons ici l'une des merveilles de la Parole, et si nos yeux sont ouverts pour la voir, nous serons certainement poussés à l'adoration.
A partir de Genèse 3, où il est question des « vêtements de peau », en passant par le sacrifice d'Abel, et jusqu'à la fin de l'Ancien Testament, nous rencontrons nombre de symboles qui préfigurent la mort du Seigneur Jésus sous son aspect d'expiation pour le péché. Et cependant, l'apôtre ne s'appuie sur aucun de ces symboles, mais uniquement sur celui de Genèse 2. Remarquons bien cela, et souvenons-nous ensuite que le péché n'apparaît pas avant Genèse 3. Nous avons donc, dans l'Ancien Testament, un symbole de la mort de Christ qui n'a rien à voir avec le péché, puisqu'il n'a pas suivi la Chute mais qu'il l'a précédée, et ce symbole est ici, dans Genèse 2. Arrêtons-nous sur ce point-là un instant.
Pourrions-nous dire que Dieu fit tomber sur Adam un profond sommeil parce qu'Ève avait commis un péché grave ? Est-ce là ce que nous trouvons? Certainement pas, car Ève n'avait pas même été créée. Il n'y avait encore aucune question morale, ni aucun problème. Non, Dieu fit tomber sur Adam un profond sommeil dans l'intention déterminée de prélever quelque chose de lui, pour en faire quelqu'un d'autre que lui. La raison de ce sommeil n'était pas le péché d'Ève, mais son existence.
Voilà ce que nous enseigne ce passage. Cette expérience d'Adam a pour objet la création d'Ève, suivant un plan divin. Dieu voulait une ischah. Il fit tomber sur l'homme (isch) un sommeil, prit l'une de ses côtes, en fit une ischah, une femme, et la présenta à l'homme. C'est l'image que Dieu nous donne. Elle préfigure un aspect de la mort du Seigneur Jésus qui n'est pas lié essentiellement à l'expiation du péché, mais qui est en rapport avec le sommeil d'Adam dans ce chapitre.
Que Dieu nous garde de vouloir suggérer que le Seigneur Jésus ne meurt pas en vue de l'expiation. Que Dieu soit loué, Christ est mort pour nous racheter. Il faut nous souvenir que nous sommes aujourd'hui, de fait, dans la situation d'Éphésiens S, et non dans celle de Genèse 2. L'épître aux Éphésiens a été écrite après la Chute, à des hommes qui avaient souffert de ses conséquences; et nous y trouvons non seulement le dessein de Dieu dans la création, mais aussi les cicatrices de la Chute - sinon aucune mention ne serait faite des « taches et des rides », C'est parce que nous sommes encore sur cette terre, et que la Chute est un fait historique, que la « purification" est nécessaire.
Mais il nous faut toujours considérer la rédemption comme une interruption, une mesure « d'urgence ", rendue nécessaire par une rupture catastrophique dans la ligne droite du dessein de Dieu, La rédemption est assez grande, assez merveilleuse, pour occuper une vaste place dans notre vision, mais Dieu nous dit de ne pas faire de la rédemption la chose unique, comme si l'homme avait été créé pour être racheté.
La Chute a été en effet un effondrement tragique dans cette ligne du dessein, et l'expiation une restauration bénie, par laquelle nos péchés sont effacés, et qui nous rétablit devant Dieu. Mais lors- qu'elle est accomplie, il reste encore une œuvre à faire, qui doit nous amener à posséder ce qu'Adam n'a jamais connu, et à donner à Dieu ce que son cœur désire. Car Dieu n'a jamais abandonné le dessein que représente cette ligne droite. Adam n'est jamais entré en possession de la Vie de Dieu, alors représentée par l'arbre de Vie. Mais à cause de l'œuvre unique du Seigneur Jésus dans sa mort et sa résurrection (et il nous faut encore souligner que tout n'est qu'une seule œuvre), sa vie a été libérée pour devenir nôtre, par la foi; et nous avons reçu plus que ce qu'Adam a jamais possédé. Le dessein même de Dieu est en voie de s'accomplir lorsque nous recevons Christ comme notre vie.
Dieu fit tomber sur Adam un profond sommeil. Nous nous souvenons qu'il est dit des croyants qu'ils s'endorment, et non qu'ils meurent. Pourquoi ? Parce que là où la mort est mentionnée, le péché est toujours à l'arrière-plan. Il nous est dit, dans Genèse 3, que le péché est entré dans le monde, et que par le péché est entrée la mort. Mais le sommeil d'Adam a précédé cela. Ainsi, le symbole que nous avons ici du Seigneur Jésus est différent de tous les autres symboles de l'Ancien Testament. Lorsqu'il s'agit du péché et de l'expiation, il faut qu'un agneau ou un taureau soit immolé; mais ici, Adam n'a pas été mis à mort; il s'est simplement endormi pour se réveiller de nouveau. Il symbolise donc une mort qui n'est point imputable au péché, mais qui a pour but un accroissement par la résurrection.
Il nous faut ensuite remarquer qu'Ève n'a pas été créée comme une unité distincte, par une création séparée, parallèle à celle d'Adam. Adam dormit, et Ève fut créée, tirée d'Adam. C'est la méthode que Dieu emploie pour l'Église. Le second Homme de Dieu s'est réveillé de son sommeil, et son Église est créée en Lui, et de Lui, pour tirer sa vie de Lui, et manifester cette vie de résurrection.
Dieu a un Fils, que nous connaissons comme le Fils unique, et Dieu désire que le Fils unique ait des frères. De sa position de Fils unique, Il deviendra le Premier-né; au lieu d'un Fils unique, Dieu aura beaucoup de fils. Un seul grain de blé est mort, et beaucoup de grains en jailliront. Le premier grain a été, un jour, le seul grain; il est maintenant devenu le premier de beaucoup de grains. Le Seigneur Jésus a donné sa vie, et cette vie a jailli dans beaucoup d'autres vies. Telles sont les images bibliques dont nous nous sommes servis jusqu'ici, dans notre étude, pour exprimer cette vérité. Or, dans l'image que nous venons de considérer, le singulier prend la place du pluriel. Le fruit de la croix est une personne unique: une Épouse pour le Fils. « Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle. »
Nous venons de dire qu'Ephésiens 5 nous présente un aspect de la mort de Christ qui, dans une certaine mesure, est différent de celui que nous avons étudié dans Romains. Et cependant, cet aspect est en réalité le but auquel nous a conduits notre étude des Romains. Car la rédemption nous ramène dans la ligne originale du dessein de Dieu.
Au chapitre 8 de l'épître aux Romains, Paul nous parle de Christ comme du Fils premier-né, parmi beaucoup de « fils de Dieu » conduits par l'Esprit (Romains 8.14) :
Car ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né de plusieurs frères. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés. (Romains 8.29-30)
Nous voyons ici que la justification conduit à la gloire, une gloire qui est exprimée, non pas dans un ou quelques individus séparés, mais dans un tout corporatif, dans beaucoup qui manifestent l'image d'Un seul. Et ce but de notre rédemption nous est présenté ensuite, comme nous l'avons vu, dans « l'amour de Christ» pour les siens, ce qui est le sujet des derniers versets du chapitre:
Qui nous séparera de l'amour de Christ? Sera-ce l'affliction, ou l'angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril. ou l'épée? Il est écrit, en effet: « Nous sommes tout le jour livrés à la mort à cause de toi ; on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie. » Mais voici que, dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Car je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni les puissances, ni hauteur, ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ, notre Seigneur. (Romains 8.35- 39)
Mais ce qui est implicite ici, dans ce chapitre 8, devient explicite lorsque nous arrivons au chapitre 12, où le sujet est précisément le Corps de Christ.
Après les huit premiers chapitres des Romains, que nous avons étudiés, suit une parenthèse dans laquelle Paul reprend et traite des voies souveraines de Dieu à l'égard d'Israël, avant que le sujet des premiers chapitres ne soit repris. Ainsi, pour le sujet qui nous occupe, le chapitre 12 est la suite logique du chapitre 8, et non du chapitre 11. Nous pourrions très simplement résumer le message de ces chapitres comme suit: « Nos péchés sont pardonnés (chapitre 5) ; nous sommes morts avec Christ (chapitre 6) ; nous sommes par nature complètement impuissants (chapitre 7) ; c'est pourquoi nous nous confions à l'Esprit qui demeure en nous (chapitre 8). » Après cela, et en conséquence: « Nous formons un seul corps en Christ» (chapitre 12). C'est comme l'aboutissement logique de tout ce qui a précédé, le point vers lequel tout a convergé.
Ce chapitre 12 des Romains - ainsi que les suivants - contient des instructions d'ordre très pratique pour notre vie et notre marche. Mais Paul les introduit par un nouvel appel à la consécration. Au chapitre 6, verset 13, il avait dit : « Donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant devenus vivants, de morts que vous étiez, et offrez vos membres à Dieu comme des instruments de justice. » Mais ici, au chapitre 12, verset 1, l'accent est un peu différent: « Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui est votre service raison- nable.» Ce nouvel appel à la consécration nous est adressé comme à des « frères », ce qui nous relie, en pensée, aux « plusieurs frères» de Romains 8.29. C'est un appel qui nous demande de faire un pas uni dans la foi, de présenter nos corps ensemble, comme un seul « sacrifice vivant» pour Dieu.
C'est quelque chose qui dépasse ce qui est purement individuel, et qui implique une contribution de tout l'ensemble. « S'offrir» est une question personnelle, mais le sacrifice, lui, est une question liée à l'ensemble du corps; c'est un seul sacrifice. Le service raisonnable pour Dieu est un seul service. Nous ne devons jamais penser que notre contribution est inutile, car si elle participe au service, Dieu est satisfait. Et c'est par un tel service que nous discernons « quelle est la volonté de Dieu, qui est, bonne, agréable et parfaite» (Romains 12.2), ou en d'autres termes, que nous sommes en accord avec le dessein éternel de Dieu en Jésus-Christ.
Aussi l'appel que Paul adresse « à chacun d'entre vous» (12.3) doit-il être compris à la lumière de cette nouvelle réalité divine que, « nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ; et nous sommes tous membres les uns des autres» (12.5). Et c'est sur cette base-là que suivront les instructions pratiques.
L'instrument par lequel le Seigneur Jésus peut se révéler à cette génération, ce n'est pas l'individu, c'est le Corps, « selon la mesure de la foi que Dieu a départie à chacun» (12.3). Mais seul et isolé, l'homme ne pourra jamais accomplir le dessein de Dieu. Il faut le Corps tout entier pour parvenir à la stature parfaite de Christ et pour manifester sa gloire. Oh ! puissions-nous réellement voir cela!
Ainsi, dans Romains 12.3-6, Paul tire de l'image du corps humain la leçon de notre dépendance les uns des autres. Les chrétiens individuels ne sont pas le Corps, mais ils sont membres du Corps, et dans un corps humain, « tous les membres n'ont pas la même fonction». L'oreille ne peut prétendre être un œil. Aucune prière, si fervente soit-elle, ne donnera jamais la vue à l'oreille, mais le corps tout entier peut voir grâce à l'œil. Ainsi, pour parler d'une manière imagée, si je n'ai que le don de l'ouïe, je puis cependant voir par d'autres qui ont le don de la vue j ou peut-être puis-je marcher, mais non travailler; je recevrai alors l'aide d'autres mains. On rencontre trop souvent, à l'égard des choses du Seigneur, une attitude comme celle-ci: « Ce que je sais, je le sais; et ce que je ne sais pas, je ne le sais pas, et je puis très bien m'en passer. » Mais en Christ, les choses que nous ne savons pas, d'autres les connaissent, et c'est par eux que nous pouvons les connaître et en jouir.
Laissez-moi souligner le fait qu'il ne s'agit pas ici d'une pensée simplement réconfortante. C'est un facteur vital dans la vie des enfants de Dieu. Nous ne pouvons pas nous passer les uns des autres. C'est pourquoi la communion dans la prière est si importante, La prière unie des croyants apporte l'aide du Corps, ce qui ressort clairement de Matthieu 18.19-20.
En vérité, je vous dis encore que si deux d'entre vous sur la terre s'accordent pour demander quoi que ce soit, ils l'obtiendront de mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux.
Il peut n'être pas suffisant de me confier par moi-même au Seigneur. Il faut que je me confie à Lui avec d'autres. Il faut que j'apprenne à prier « Notre Père ... » sur la base de l'unité du Corps, car je ne parviendrai à rien sans l'aide du Corps. Dans le domaine du service, cela est encore plus apparent. Seul, je ne puis pas servir le Seigneur avec efficacité, et Il se donnera beaucoup de peine pour me l'enseigner. Il permettra que les portes se ferment et que je me heurte à un mur, jusqu'à ce que je prenne conscience d'avoir besoin de l'aide du Corps, comme de celle du Seigneur. Car la vie de Christ est la vie du Corps, et ses dons nous sont accordés pour une œuvre qui édifie le Corps.
Le Corps n'est pas une image, c'est un fait. La Bible ne dit pas simplement que l'Eglise est semblable à un corps: elle est le Corps de Christ. « Nous, qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ ; et nous sommes tous membres les uns des autres. » Tous les membres réunis sont un seul Corps, car tous partagent sa vie, et Il est comme réparti entre ses membres.
Je me trouvais un jour avec un groupe de croyants chinois qui avaient de la peine à comprendre comment le Corps pouvait être un, alors que ceux qui le composent sont tous des hommes et des femmes distincts et séparés. Un dimanche, comme nous allions rompre le pain à la table du Seigneur, j'attirai leur attention sur ce pain, avant de le rompre. Ensuite, après qu'il fut distribué et mangé, je leur fis remarquer que, tout en étant maintenant réparti entre nous tous, c'était encore un seul pain et non plusieurs. Le pain avait été divisé, mais Christ n'est pas divisé, dans le sens où l'était ce pain. Il est encore un, seul Esprit en nous, et nous sommes tous un en Lui.
Cela est l'opposé même de la condition de l'homme par nature.
En Adam, je possède la vie d'Adam, mais cette vie est essentielle- ment individuelle. Il n'y a ni union, ni communion dans le péché, mais uniquement l'intérêt personnel et la méfiance à l'égard des autres. A mesure que j'avance avec le Seigneur, je ne tarde pas à découvrir que le problème de mon péché et de ma force naturelle n'est pas le seul qui doive être résolu, mais qu'il y a encore un autre problème, créé par ma vie individuelle, cette vie qui se suffit à elle-même et ne reconnaît pas son besoin d'union avec le Corps.
Peut-être ai-je trouvé la solution aux problèmes du péché et de la chair, mais cela ne m'empêche pas d'être resté un individualiste endurci. Je désire être saint, remporter la victoire, porter du fruit, pour moi personnellement, et à part des autres, bien qu'avec les motifs les plus purs. Mais une telle attitude ignore le Corps et ne satisfaire à Dieu. Dieu doit donc agir en moi pour m'amener à comprendre que je suis en conflit avec son intention. Dieu ne me blâme pas d'être un individu, mais Il me reproche mon individualisme. Le plus grand problème pour Dieu, ce ne sont pas les divisions et les dénominations extérieures qui divisent son Église, mais nos propres cœurs individualistes.
Oui, il faut que la croix fasse son œuvre ici ; il faut qu'elle me rappelle qu'en Christ, je suis mort à cette vieille vie d'indépendance héritée d'Adam, et que dans la résurrection, je suis non seulement un croyant individuel en Christ, mais un membre de son Corps. Il y a une grande différence entre les deux. Lorsque je le vois, j'abandonne aussitôt mon indépendance, et je recherche la communion. La vie de Christ en moi m'attire vers la vie de Christ dans les autres. Je ne pourrai plus suivre un chemin individuel. La jalousie disparaîtra. La rivalité tombera. Tout ce qui est œuvre privée cessera. Mes intérêts, mes ambitions, mes préférences, tout cela disparaîtra. Peu importe lequel d'entre nous accomplit l'œuvre. Ce qui importe, c'est que le Corps s'accroisse.
Nous avons dit: « Lorsque je vois cela ... » C'est là précisément la chose nécessaire : voir le Corps de Christ comme une autre grande réalité divine; avoir notre esprit pénétré par cette révélation céleste que « nous, qui sommes plusieurs, nous formons un seul Corps en Christ». Nous sommes un seul Corps. Seul le Saint-Esprit peut nous le faire comprendre dans toute sa signification, mais quand Il le fait, cela révolutionne notre vie et notre travail.
Nous ne connaissons l'histoire que depuis la Chute. Dieu la voit dès le commencement. Dieu avait quelque chose dans sa pensée, avant la Chute, et dans les âges à venir, ce dessein sera pleinement réalisé. Dieu connaissait tout ce qui concernait le péché et la rédemption ; et cependant, dans son grand dessein pour l'Église, tel qu'il nous est présenté dans Genèse 2, le péché n'apparaît point. C'est comme si (pour parler dans les termes limités du temps) Dieu s'élançait, dans sa pensée, par-dessus toute l'histoire de la rédemption, et voyait l'Église dans l'éternité à venir, ayant un ministère et une histoire qui n'aient rien à voir avec le péché, et soient entièrement de Dieu. C'est le Corps de Christ dans la gloire, ne manifestant rien de l'homme déchu, mais unique- ment ce qui est à l'image du Fils de l'Homme glorifié. C'est là l'Église qui a satisfait le cœur de Dieu et qui est parvenue à la souveraineté.
Dans Éphésiens 5, nous nous trouvons en plein dans l'histoire de la rédemption. Cependant, par sa grâce, ce dessein éternel de Dieu est toujours en vue. Il est exprimé par cette déclaration: Il veut « faire paraître devant lui une Église glorieuse », Mais nous remarquons que l'Église (maintenant souillée par la Chute) a besoin d'être purifiée par l'eau de la vie et la Parole pour être présentée à Christ dans la gloire. Car il y a maintenant en elle des défauts aux- quels il faut remédier, et des blessures qui ont besoin d'être guéries. Et pourtant, combien précieuse est cette promesse, et combien riches de grâce sont ces paroles qui la décrivent: « sans tache » - les cicatrices du péché dont l'histoire même est oubliée; « ni ride» - les traces de l'âge et du temps perdu sont effacées; tout est désormais réparé et tout est nouveau; « irrépréhensible», de sorte que ni Satan, ni les démons, ni les hommes ne peuvent trouver en elle aucune base d'accusation.
Voilà où nous en sommes maintenant. Les temps touchent à leur fin, et le pouvoir de Satan est plus grand que jamais. Nous avons à lutter contre les anges, les dominations et les puissances (Romains 8.38 ; Éphésiens 6.12), qui sont résolus à résister à l'œuvre de Dieu en nous et à la détruire, en cherchant par toute sorte de moyens, à accuser les élus de Dieu. Seuls, nous ne pour- rions jamais nous mesurer à eux, mais ce que nous ne pouvons faire seuls, l'Église le peut. Le péché, la confiance en soi et l'individualisme ont été les coups de maître portés par Satan au cœur du dessein de Dieu dans l'homme; et dans la croix, Dieu en a anéanti les effets. Lorsque nous mettons notre foi dans ce qu'Il a accompli - en « Dieu qui justifie» et en « Jésus-Christ qui est mort» (Romains 8.33-34) - nous présentons un mur contre lequel les portes de l'Enfer ne sauraient prévaloir. Nous, son Église, nous sommes « plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés » (Romains 8.3 7) .