PréDestination ou PostDestination

 

par Jean leDuc

 

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TABLE DES MATIÈRES

 

CHAPITRE 1

PAS DE SALUT SANS PERDITION, NI DE PERDITION SANS SALUT

 

CHAPITRE 2

LA CRÉATION DE L'HOMME COMME ESCLAVE DE DIEU

 

CHAPITRE 3

L'ILLUSION DE LA LIBERTÉ DE L'HOMME

 

CHAPITRE 4

PERSONNE NE MÉRITE D'ÊTRE SAUVÉ

 

CHAPITRE 5

LA PENSÉE DE JÉSUS SUR LA PRÉDESTINATION

 

CHAPITRE 6

L'APÔTRE PAUL ET LA PRÉDESTINATION

 

CHAPITRE 7

LA SOUVERAINETÉ ABSOLUE ET SANS LIMITE DE DIEU

 

CHAPITRE 8

LA PRÉDESTINATION ET LE PÉLAGIANISME

 

CHAPITRE 9

RÉFUTATION DU PÉLAGIANISME PAR AUGUSTIN

 


 

CHAPITRE 1

PAS DE SALUT SANS PERDITION, NI DE PERDITION SANS SALUT

Nombreux sont ceux qui sont hostile à la doctrine de la prédestination. Néanmoins, la prédestination est une doctrine solidement biblique. La clé est de comprendre ce qu'elle signifie dans les Saintes-Écritures. Le pourquoi que la doctrine de la prédestination est tellement détestée, surtout de nos jours par les Évangéliques, est que l'homme craint de perdre sa précieuse liberté, il considère donc la prédestination comme une menace à son existence et va utiliser tous les moyens possibles pour la défaire et la détruire. La liberté est devenue une idole moderne et toutes les nations, surtout celles qui sont démoncratiques, et tous les gens prétendument chrétiens comme non chrétiens adorent à ses pieds. On a qu'à regarder la Statue de la Liberté dans le port de la ville de New York aux États-Unis pour s'en convaincre. Des guerres interminables ont été livrées pour préserver le principe de cette liberté illusoire, et non seulement aux États-Unis mais dans toutes les nations de la Terre, allant même jusque dans la préhistoire. L'homme se veut maître de son propre destin et il ne peut tolérer quiconque que ce soit ou quoique ce soit qui s'y opposerait. Il ne permettra jamais ni à Dieu ni au diable de la lui refuser et pour la défendre il déclare, en déformant les Écritures, que l'homme n'a pas été créé comme un robot ou un automate mais comme un être libre et responsable. Cette fausse notion sophistiquée valorise la dignité humaine et l'élève à un niveau supérieur qui fait de l'homme un dieu: «vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal» (Gen. 3:5).

 

Le mot «prédestination» est un terme composé de «pré» qui désigne «avant», ce qui est «antérieur» ou «préexistant»; et de «destin» qui désigne «l'existence», le fait «d'être conscient» ou «de vivre». Dans son ensemble il signifie «être destiné à une certaine existence» et implique une puissance divine extérieure à la volonté humaine qui a déterminée d'avance l'être ou l'existence d'une personne et qui a fixé ou établit de façon irrévocable le cours des événements dans sa vie. La prédestination est double, elle contient deux éléments d'un même décret divin: 1- l'élection au salut qui est la doctrine de la grâce sans laquelle personne ne peut être sauvée; et 2- la réprobation à la perdition qu'on peut nommer aussi «l'exclusion à la grâce», Dieu ayant déterminé d'avance la chute et le péché dans son décret de rédemption, le jugement et le châtiment éternel dans son décret de condamnation de ceux qu'il a rejeté en ne leur accordant pas la grâce du salut, les laissant récolter le salaire de leurs égarements. Il n'existe pas de prédestination simple sauf dans la postdestination qui décrit la rébellion de l'homme face à Dieu.

 

La «postdestination» est un mot que nous avons inventé par nécessité pour expliquer le contraire de ce qui vient d'être dit sur la prédestination. Il a été conçu pour représenter la position adverse populaire maintenue dans le christianisme moderne que Dieu prévoyait ceux qui étaient pour croire et les prédestina sur cette base. Cette notion subtile et subversive remet le salut entre les mains de l'homme et de ses choix captieux. Comme le premier, il est un terme composé de «post» qui désigne «après», ce qui vient «à la suite», ce qui est «ultérieur», une action qui est la conséquence d'un procédé ou d'un évènement spécifique subordonné à l'homme; et de «destin», mais ici dans le sens d'une puissance interne qui détermine son action d'exister ou de vivre par soi-même. L'indépendance est son facteur principal, et dans son ensemble il signifie la capacité de la volonté humaine à prendre des choix variables ou des décisions elle-même et sans contrainte, ce qui est désigné comme le «libre-arbitre» ou «libre-choix» qui rend l'être humain le seul responsable de ses actions. La postdestination contient aussi deux éléments: 1- l'élection éclectique du croyant qui choisi lui-même son salut, Dieu n'ayant pas le choix de reconnaître et d'approuver sa décision; et 2- la rejection de la réprobation, Dieu n'ayant prédestiné personne à la perdition puisque l'homme est un être responsable et libre de choisir son propre destin. Pélagianisme, Semi-pélagianisme, Arminianisme, Évangélisme, Éclecticisme, sont tous des termes qui signifient une seule et même chose dans l'hérésie de la postdestination.

 

Ainsi la PréDestination implique la Souveraineté de Dieu et la PostDestination implique la souveraineté de l'homme. Avec ces deux termes nous avons la différence entre le ciel et l'enfer et nous entrons dans une guerre qui existe depuis le début des temps.

 

La doctrine de la prédestination ne provient pas de Calvin, ni d'Augustin, ni même de l'apôtre Paul, car nous la retrouvons dans le Jardin d'Éden même avec «l'arbre de la vie» et «l'arbre de la connaissance du bien et du mal» que Dieu a fit surgir de la fondation de l'existence (Gen. 2:9), procédé ou méthode d'opération de la volonté souveraine de Dieu qui a prédéterminé toutes choses qui existent par la puissance de sa Parole. Nous la retrouvons aussi dans le conflit entre Caïn et Abel (Gen. 4) et à plusieurs autres endroits. Conséquemment cela nous indique que la source de la prédestination se trouve avant même la Création et qu'elle est une décision résolue dans le décret éternel de Dieu. Avant que toutes choses existent, la Parole de Dieu nous dit que le Seigneur Jésus-Christ a été prédestiné pour le rachat de ses élus: «vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez héritée de vos pères, non par des choses périssables, comme l'argent et l'or, mais par le sang précieux de Christ, comme d'un Agneau sans défaut et sans tache, qui fut prédestiné avant la fondation du monde, et manifesté dans ces derniers temps à cause de vous...» (1 Pierre 1:18-20). Ce passage merveilleux est la base de notre prédestination au salut. Pour que Christ soit prédestiné ainsi de toute éternité, il fallait absolument que tout l'enchaînement du plan du salut soit aussi prédestiné, il ne peut en être autrement car un ne va pas sans l'autre, tout comme le salut et la perdition sont deux éléments d'un même décret. En d'autres mots, il n'y a pas de salut sans perdition, ni de perdition sans salut, car un implique l'autre. La prédestination implique donc par nécessité du décret éternel «la création de l'homme, la chute et le péché, ainsi que le salut de ceux qui ont été choisis d'avance en Christ, de même que la perdition de ceux qui ont été rejeté et laissé de côté pour subir les peines d'un châtiment éternel» et manifester la justice de Dieu.

 

La Bible affirme clairement que les chrétiens réels ont été choisis pour le salut en Christ depuis avant la fondation du monde: «Selon qu'il nous a élus [au salut] en lui avant la fondation du monde, afin que nous soyons saints et sans reproches devant lui dans le renoncement; Nous ayant prédestinés [au salut] pour être ses enfants adoptifs par le moyen de Jésus-Christ, d'après le bon plaisir de sa volonté... C'est en lui aussi que nous sommes devenus héritiers, ayant été prédestinés [au salut], d'après le décret de Celui qui opère toutes choses selon le conseil de sa volonté.» (Éph. 1:4,5,11). Il n'y a pas de place dans la prédestination au salut pour le «libre-arbitre» ou «libre-choix» et cela est évident, car elle est, comme l'affirme la Parole de Dieu, «d'après le bon plaisir de sa volonté». Elle est en fait un «décret» (v.11), c'est à dire «une décision irrévocable émanant de l'autorité souveraine de Dieu contre laquelle on ne peut rien». On ne peut avoir une définition plus claire de la prédestination au salut, la Bible ne donne aucune autre description du sujet, elle affirme clairement et précisément que la prédestination dépend entièrement de la volonté souveraine de Dieu et non de l'homme. Puisque Dieu est le Maître absolu de la prédestination, il est évident que l'homme n'y a aucun rôle à jouer et qu'il ne peut rien y contribuer, que ce soit un choix ou une décision personnelle, sa foi, son obéissance, ou sa persévérance. Tout est de Dieu dans la prédestination au salut, rien n'est de l'homme. Il est clair aussi que dire autrement serait un viol sérieux de la Parole de Dieu et une fausse doctrine qui détiendrait des conséquences désastreuses.

 

Qu'en est-il donc de ceux qui disent que la prédestination est basée sur la préconnaissance de Dieu, dans le sens que Dieu savait d'avance que certains étaient pour croire en Christ et les choisi ou élu sur la base de leur foi, comme l'affirme le réprouvé Jean-Pierre Schneider dont la fausse notion représente celle du consensus général du christianisme contrefait moderne: «La prédestination n'est nullement un choix arbitraire, car elle est basée sur la préconnaissance de Dieu. Dès avant que nous ayons existé, Dieu nous connaissait. Il savait que Paul se convertirait sur le chemin de Damas; il l'a donc appelé, et il l'a justifié à cause de sa foi. Il en va de même pour chaque enfant de Dieu: connu - prédestiné - appelé - justifié - glorifié». En d'autres mots, selon ce faux chrétien qui déforme le sens clair des Écritures, la prédestination n'est pas «selon le bon plaisir de Dieu», elle n'est pas «un décret», elle se base sur le choix de l'homme, sur sa faculté de croire. En plus, cette définition remet le salut entre les mains de l'homme qui décide de croire, et non plus entre les mains de Dieu qui l'a décrété en Christ avant la fondation du monde (1 Pierre 1:18-20). Selon cette notion, Christ n'a pas été prédestiné pour notre salut avant la fondation du monde, comme l'atteste fortement la Parole de Dieu, le salut ne serait donc pas «un choix arbitraire» de Dieu, il en aurait simplement prit connaissance par le fait qu'il sais toutes choses d'avance. En d'autres mots Dieu ne serait pas impliqué dans le sacrifice de la croix avant qu'il se produise et seulement là il en reconnaissait les bienfaits pour le salut de tous les hommes. Cette doctrine est extrêmement dangereuse, elle est une attaque directe au sacrifice de la croix, à la Souveraineté de Dieu, à la divinité de Christ qui est séparé de Dieu dans cette notion aberrante, et à l'inspiration et la suffisance des Saintes-Écritures qui mentionnent la venue du Messie à travers toutes ses pages, de la Genèse à l'Apocalypse. Qui ne peut voir la subtilité de la séduction dans une telle proposition néfaste. Elle contredît catégoriquement ce que la Parole de Dieu a affirmée dans le premier chapitre d'Éphésiens que nous avons vu plus haut.

 

Christ a été prédestiné avant la fondation du monde pour notre salut, et non après que le fait historique se soit produit, ce qui serait une postdestination et non plus une prédestination. Le salut dépend entièrement de Dieu et non de la faculté ou du choix de l'homme de croire ou d'agir. Les passage favoris de ces gens pour élaborer leur fausse doctrine sur la prédestination sont Romains 8:29,30: «Car ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l'image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés». Le Dictionnaire Grec-Français de J. Planche nous dit que le mot Grec pour «connaître d'avance» est «proginosko», mot composé de «pro» ou «avant, antérieurement, en premier» et de «ginosko» ou «connaître, concevoir, résoudre, décider d'avance, déterminer», et il implique clairement «une décision prise avant les faits», et non «après les faits» comme le prétendent les évangéliques modernes. En d'autres mots, ce terme porte la notion de «connaître dans le sens de «concevoir d'avance» ou «engendrer d'avance» comme la formation d'un enfant par fécondation.  Le mot «ginosko» détient dans une de ses nuances le sens d'un idiome Juif pour parler de la relation sexuelle entre l'homme et la femme. Le prolongement du verbe primaire de ce mot ou «ginomai» signifie: «venir dans l'existence, commencer à être». Ce mot apparaît seulement deux fois dans le Nouveau Testament, dans Rom. 8:29 et Rom. 11:2 et il porte le même sens dans ces deux passages: «Dieu n'a point rejeté son peuple, qu'il a connu d'avance...» (Rom. 11:2). Cela est fortement supporté par le passage suivant qui concerne le peuple d'Israël: «Tu as abandonné le ROCHER qui t'a engendré, et tu as oublié le Dieu qui t'a formé.» (Deut. 32:18). Il n'y a aucun doute que le sens du mot «connaître» ou «proginosko» est de «concevoir ou d'engendrer d'avance» et qu'il porte la notion «d'une décision résolue», «de désigner une personne à un destin préétablit»; et non celui d'une prévoyance ou d'une prévision sur la foi d'une personne qui déciderait de croire en Christ comme l'enseignent les hérétiques qui déforment le sens de la Parole de Dieu.

 

Nous avons été choisi en Christ avant la fondation du monde (Éph. 1:4), et non après la fondation du monde, le texte de la Bible est clair sur cela, nous avons été prédestiné et non postdestiné. En d'autres mots, selon le sens de «ginosko» nous avons été formé en Christ pour le salut, ou plus précisément nous avons été engendré en Christ, notre existence a été déterminée en lui de toute éternité pour que nous devenions un avec lui dans sa gloire éternelle. Cet engendrement est un processus progressif de régénération qui a débuté en Christ dans l'éternité. Elle se nomme aussi «la nouvelle naissance» qui est rendue évidente par le sacrifice de la croix et notre conversion, et dont le but final est notre transformation en l'image de Christ lors de sa dernière apparition. La régénération selon le décret d'élection est essentielle au salut. Ainsi dit le Seigneur Jésus dans une traduction littérale de Jean 3:3 - «En vérité, en vérité je te dis que si quelqu'un n'est régénéré dès l'origine, il ne peut percevoir le royaume de Dieu».

 

Quoique parfois au niveau des peuples communs le mot «ginosko» est traduit pas connaître dans le sens d'avoir une connaissance intellectuelle d'un fait quelconque, il ne détient pas ce sens dans le Grec du Nouveau Testament de ces passages de l'Épître aux Romains. Lorsqu'il s'agit d'une connaissance intellectuelle d'un fait, on utilise généralement le mot «gnosis» d'où nous avons aussi le mot «gnostique». Ainsi Rom. 8:29 se traduit selon l'original: «Car ceux qu'il avait désignés d'avance, il les avait aussi [premièrement] prédestinés [au salut] pour être conformes à l'image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d'entre plusieurs frères». Remarquons aussi que l'expression «être conformes à l'image de son Fils» implique par nécessité le salut des élus.

 

CHAPITRE 2

LA CRÉATION DE L'HOMME COMME ESCLAVE DE DIEU

Que l'homme a été créé comme «un être libre et responsable» est une notion complètement étrangère aux Saintes-Écritures, elle n'y a aucun support. L'homme ou Adam a été créé en pleine maturité, tout comme le reste de la Création le fut. Lorsqu'il est venu à l'existence, il était un être pur, il voyait Dieu face à face et était son image parfaite, il n'avait aucune conscience d'être une créature tellement il était rempli de l'Esprit de son Créateur. La seule chose qui existait pour lui était Dieu et rien d'autre. En d'autres mots il était complètement dépendant de Dieu et s'en réjouissait, et selon les synonymes du mot «dépendant», il était «esclave de Dieu» ou encore «serviteur de Dieu». Il n'avait aucun libre-arbitre ou libre-choix, il n'avait même aucune notion d'une telle chose et en avais aucun besoin. Le libre-choix est un élément qui vient avec l'indépendance et non avec la dépendance. L'homme a vécu un certain temps dans cet état de pureté avant la Chute dans le Jardin d'Éden. Il fut donné la domination sur tout l'univers et il était le puissant administrateurs de ces lois qu'il maîtrisa parfaitement. Toutefois il était nécessaire qu'il parvienne à la conscience de son état de créature et pour cela Dieu le réveilla à l'existence de sa nature humaine et à la fragilité de celle-ci. Cela nécessitait une épreuve que Dieu avait préparé d'avance pour obtenir un résultat voulu qui fait parti du décret d'élection et de réprobation, et qui mettrait en évidence le décret de rédemption en Christ qui avait été déterminé d'avance de toute éternité. Dès le début l'homme avait deux natures, divine et humaine, mais il était conscient seulement de sa nature divine. Lorsqu'il devint conscient de sa nature humaine le libre-choix entra en jeux et il se déclara indépendant de Dieu et maître de son destin.

 

Dieu avait déterminé d'avance les actions de l'homme et le provoqua d'agir d'une certaine façon pour accomplir ses buts. Bref, Dieu dit à l'homme fait ceci de cette manière, et l'homme dans la conscience de sa nature humaine dit non, je suis un être responsable et je vais le faire à ma façon, car il se croyait parfait dans sa chair et en mesure de répondre à ses propres besoins. Dieu savait d'avance que l'homme était pour réagir ainsi, car il l'avait déterminé d'avance et le poussa à agir en lui donnant un commandement qui produisit l'effet voulu. Puisque l'homme est une créature et non le Créateur, il est soumis à des lois qui régissent son existence et qui provoquent des réactions pour atteindre des buts précis. Ce fut une épreuve dont l'action et la réaction avaient été prévue d'avance. En d'autres mots, l'homme était libre d'agir mais seulement dans un contexte prédéterminé, et lorsqu'il se rebella dans son esprit en raisonnant subtilement les paroles de Dieu et qu'il posa une action concrète de désobéissance, sa nature humaine devint esclave de ses choix et Dieu se sépara de lui. A cet instant il perdit sa nature divine, l'image de Dieu n'était plus en lui et il fut soumis aux lois de la chair et de la matière.

 

Que l'homme fut soumis aux désirs de sa chair par son libre-choix qui devint captifs de lois universels préétablies, fut le cas depuis la chute en Éden et est encore le cas de nos jours. Il ne peut en être autrement car l'homme fait partie de la Création et celle-ci n'existe pas en dehors de Dieu, elle est soumise à des règles établies qui régissent son existence et ne peut en échapper. Toutes les actions et réactions, causes et effets, tout l'enchaînement des conséquences et des influences ont été calculés d'avance dans l'équation et la solution du pourquoi de l'existence de toutes choses. Le hasard n'existe pas en Dieu, tout est certitude. Rien, absolument rien n'existe par soi-même, sauf Dieu qui est sans commencement et sans fin, et tout existe en lui, par lui, et pour lui.

 

La liberté consiste donc à agir dans le contexte de lois préétablies. Si l'homme refuse d'agir dans un tel contexte pour faire à sa façon à cause qu'il se croit libre, ce qui se nomme «le péché», terme qui signifie «dévier, manquer le but», cela ne change rien à la Souveraineté de Dieu et à son décret de prédestination, car la liberté de l'homme ne peut faire autrement que de réagir à des principes préétablis qui régissent l'univers ainsi que son existence, qu'il le veule ou non. Que l'homme soit libre dans le sens d'être sans contrainte est complètement faux, puisque la loi de Dieu est écrite dans son cœur (Rom. 2:14,15), il ne peut échapper à son autorité et à ses obligations. La loi est ce qui régis l'ordre et l'équilibre dans l'univers, sans loi rien n'existe. Il peut désirer faire à sa façon mais toutes ses pensées, ses paroles, et ses agissements font déjà partie de l'équation universelle du décret éternel de Dieu. Comme il est souvent dit: «l’homme propose et Dieu dispose, et la voie de l’homme n’est pas dans le pouvoir de l’homme». Ainsi dit la Parole de Dieu: «YEHOVAH a fait toutes choses en sorte qu'elles répondent l'une à l'autre, et même le méchant pour le jour de la calamité.»; «Le cœur de l'homme délibère sur sa conduite; mais YEHOVAH dirige ses pas.» (Prov. 16:4,9); «YEHOVAH! je connais que la voie de l'homme ne dépend pas de lui, et qu'il n'est pas au pouvoir de l'homme qui marche, de diriger ses pas.» (Jér. 10:23).

 

La liberté de l'homme est une liberté contextuelle et dépendante de principes universels préalablement établis, c'est à dire que la liberté dépend toujours de la loi qui est à sa source. La liberté sans loi ou sans contrainte n'existe pas, elle est une illusion. La liberté sans contrainte existe seulement en Dieu. La liberté de la créature n'est pas la liberté du Créateur, il existe donc deux sortes de liberté, une qui est dépendante et limitée, l'autre indépendante et illimitée. Or l'indépendance appartient à Dieu seul car il est Auto-existant et Autosuffisant, et c'est de cette indépendance que l'homme a voulu se réclamer au début, qu'il désire encore et qu'il n'atteindra jamais par ses propres moyens. L'indépendance était le fruit de «l'arbre de la connaissance du bien et du mal» (Gen. 2:9,17; 3:3,5,6,22) qui était interdit à l'homme, un état de conscience de la nature divine réservé à Dieu (l'arbre de la vie 3:22) qui était en communion avec sa nature humaine au début des temps. L'homme ne devait pas se servir de sa nature divine pour remplir les besoins de sa nature charnelle, il devait plutôt se soumettre à elle dans une confiance certaine qu'elle agirait en sa faveur pour toutes choses. Tout comme Christ, le dernier Adam, fut tenté par le diable de se servir de sa nature divine pour répondre aux besoins de sa nature humaine (Mat. 4:1-11), ce qu'il refusa de faire en se soumettant à sa nature divine plutôt que de l'exploiter, autrement sa nature divine aurait été soumise à sa nature humaine et le salut aurait été impossible. Dieu ne peut pas être soumis à l'homme, le Créateur ne peut pas être dépendant de sa créature, autrement il cesserait d'être Dieu, ce qui est impossible car sans Dieu tout cesserait d'exister.

 

Conséquemment, le résultat de la Chute en Éden consista à ce que l'homme perdit sa nature divine et fut condamné à vivre selon les besoins de sa nature humaine (Gen. 3:17-19) en posant constamment des choix variés qui témoignent de son égarement. En d'autres mots, l'Esprit de Dieu se retira de l'homme et il fut chassé du Jardin d'Éden, terme figuratif qui signifie «l'enclos de la grâce dans lequel l'Esprit de Dieu était en pleine communion avec l'esprit de l'homme avant la chute dans laquelle il fut disgracié»: «Et YEHOVAH Dieu dit: Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Et maintenant prenons garde qu'il n'avance sa main, et ne prenne aussi de l'arbre de vie, et qu'il n'en mange, et ne vive à toujours. Et YEHOVAH Dieu le fit sortir du jardin d'Éden, pour maîtriser la terre d'où il avait été pris.» (Gen. 3:22,23). Ces passages correspondent exactement à ce qui est dit plus loin dans une traduction littérale: «Et YEHOVAH dit: Mon Esprit ne demeurera pas toujours avec l'homme en ce temps; car il s'est égaré dans la chair, et ses jours ne sont que cent vingt changements.» (Gen. 6:3). La chute de l'homme garantissait ainsi le décret de rédemption selon l'élection divine, et scellait en même temps le décret de réprobation.

 

CHAPITRE 3

L'ILLUSION DE LA LIBERTÉ DE L'HOMME

Le monde en général n'a aucune notion de ce qu'est la vraie liberté. Pour la grande majorité, la liberté est conçu comme étant «l'absence d'entrave, l'état d'une personne qui n'est pas soumise à la servitude ou qui n'est pas captif; l'absence de contrainte et la possibilité d'agir, de penser et de s'exprimer selon ses propres choix». En fait, ces notions font parties de la Charte des Droits de presque toutes les nations démoncratiques.

 

Ce que les gens ne réalisent pas est qu'il ne peut avoir de liberté sans servitude, et qui dit servitude dit aussi esclavage car les deux mots signifient une seule et même chose. Dans une nation, par exemple, une personne est libre uniquement dans le contexte de la loi du pays dans laquelle elle demeure. Ce principe est inviolable et s'applique aussi bien à un pays qu'à une institution, un club, un groupe ou une église. En d'autres mots, nous sommes tous esclaves des lois qui régissent notre société et nos démarches personnelles, et la liberté n'est qu'une illusion philosophique. Certains diront «nous sommes libres de choisir, de penser et de nous exprimer». Or, faire un choix implique des procédures et des règles qui sont régis par la nature humaine et celles-ci sont activés par les circonstances, les évènements, les sentiments, et les expériences; il en est de même pour que nous soyons capable de penser et de nous exprimer. Nos choix et nos pensées sont donc captif de la chair avec ses faiblesses et ses limitations, ce qui met en échec le concept du libre-choix.

 

Et que dire des lois qui régissent l'univers, la nature, la morale, nous ne pouvons leurs échappés. Même les plus endurcis des rebelles dans notre société ne sont pas libres. Ils brisent les lois d'un gouvernement simplement pour se retrouver sous un différent système de loi. Et si quelqu'un pense avoir échappé à toutes lois, il devient une loi par lui-même et est soumis à ses faux raisonnement ainsi qu'à ses penchants charnels, car personne ne peut échapper à lui-même. Dans ce contexte indéniable, il semblerait que la mort soit le seul moyen d'échapper à la loi et d'être vraiment libre. Et si l'existence continue après la mort, qu'arrive-t-il donc ? Après la mort vient le jugement, dit la Parole de Dieu. Où donc est la Liberté ?

 

L'expression «libre-choix» ne se trouve pas comme telle dans la Bible, mais elle s'y trouve sur une autre désignation, celle de «hérésie»: «Or, comme il y a eu de faux prophètes parmi le peuple, il y aura aussi parmi vous de faux docteurs, qui introduiront secrètement des hérésies destructives, et qui, reniant le Seigneur qui les a rachetés, attireront sur eux-mêmes une ruine empressée. Et plusieurs suivront leurs doctrines de perdition, et la voie de la vérité sera discréditée à cause d'eux. Et par convoitise ils trafiqueront de vous au moyen de paroles trompeuses; mais depuis longtemps décrétée leur condamnation ne tarde point, et leur damnation ne sommeille point.» (2 Pierre 2:1-3). Le mot «hérésie» est généralement traduit par «secte» dans la majorité des traductions de la Bible, ce qui a contribué à cacher sa signification réelle. Ce mot est une adaptation ou translitération du mot Grec «hairesis» qui vient de «haireomai» et dont la signification littérale est «poser un choix, choisir par soi-même, opinion libre». Ce qui nous indique que tous ceux qui se basent sur leur libre-choix dans le salut et la sanctification sont des hérétiques, tous ceux qui acceptent Christ comme Sauveur par une décision personnelle sont des faux chrétiens, des imposteurs. La doctrine du libre-choix est une hérésie, elle est le contraire de la Souveraineté de Dieu, elle est une déviation sérieuse par rapport à la vérité, une déformation de la grâce du salut qui en porte un grand nombre en enfer.

 

Mais que signifie la Bible lorsqu'elle nous parle de liberté ? Qu'il existe une fausse liberté et une vrai Liberté, tout comme il existe un faux évangile et un vrai Évangile, est clairement attesté dans les pages de l'Écriture. La Parole de Dieu nous dit que nous sommes soit esclave du monde ou soit esclave de Christ, il n'existe point de zones grises en cela; personne ne peut se tenir au centre et dire «je ne suis esclave ni de l'un ni de l'autre». Ce qui est clair est que la Bible affirme aussi que la liberté est la servitude, l'importance se trouve donc de savoir de qui sommes nous les serviteurs, et pour la grande majorité cela n'est pas difficile à répondre. Jésus nous dit: «En vérité, en vérité, je vous dit: Quiconque fait le péché, est esclave du péché. Or l'esclave ne demeure point toujours dans la maison; le Fils y demeure toujours. Si donc le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres» (Jean 8:34-36); «Si vous persistez en ma Parole, vous serez vraiment mes disciples: et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libre» (Jean 8: 32).

 

La vrai liberté, selon l'Écriture, consiste donc d'être soumis à la Souveraineté de Dieu en Jésus-Christ qui nous libère du péché et du châtiment éternel qui attend tous les pécheurs, et tous sont pécheurs sans exceptions (Rom. 3:9-20). Il est évident aussi que tous ne seront pas sauvé: «car il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus» (Matt. 20:16; 22:14). En ces derniers temps, le Seigneur appelle les siens à venir vers lui pour être libéré et devenir participant de la gloire éternelle. Venez, humiliez-vous et le Seigneur vous élèvera, abandonné votre résistance et placé votre foi aux pieds de la croix et vous serez libéré. La foi est l'assurance totale en ses promesses (Héb. 11:1), elle n'est pas une présomption de la nature humaine. Ne dites point en vous-mêmes que vous avez le choix de croire ou non, votre capacité de choisir est esclave du péché et de la chair, et vous le savez bien. Venez et abandonnez lui votre vie en toute confiance avec ses faiblesses et ses limitations, et vous serez pardonné gratuitement et vous recevrez la vie éternelle. Rejetez toutes illusions de liberté et soumettez-vous à l'Évangile de la Souveraineté de Dieu en la Royauté de Christ et vous serez sauvé pour l'éternité, car il a désigné ses élus au salut avant même la fondation du monde et son appel est irrésistible à ceux qu'il a choisi, elle produit un odeur de vie pour certains et un odeur de mort pour d'autres. Si vous entendez sa voix, venez et participez au Festin des noces de l'Agneau.

 

CHAPITRE 4

PERSONNE NE MÉRITE D'ÊTRE SAUVÉ

La prédestination est la doctrine selon laquelle Dieu a déterminé, de toute éternité, le destin de l'humanité et de l'univers. Doctrine selon laquelle Dieu aurait par avance destiné certaines créatures à la béatitude, par le seul effet de sa grâce, et sans considération de leurs œuvres, vouant ou destinant les autres à la damnation.

 

Le mot traduit par «prédestiner» dans les Écritures citées ci-dessus vient du mot grec «proorizo» qui porte le sens de «déterminer avant», «ordonner», «décider par avance». La prédestination, c’est donc Dieu qui décide par avance certaines choses qui doivent se produire. Que décida Dieu par avance ? Selon Romains 8:29-30, Dieu a prédéterminé que certains individus seraient conformés à la ressemblance de son Fils, appelés justes et glorifiés. Au fond, Dieu prédétermine que certains individus seront sauvés. De nombreux passages des Écritures font référence aux croyants en Christ comme étant les élus (Matthieu 24:22,31; Marc 13:20,27; Romains 8:33;9:11; 11:5-7,28; Éphésiens 1:11; Colossiens 3:12; 1 Thessaloniciens 1:4; 1 Timothée 5:21; 2 Timothée 2:10; Tite 1:1; 1 Pierre 1:1-2; 2:9; 2 Pierre 1:10). La prédestination est une doctrine biblique qui affirme que Dieu, dans sa souveraineté, élit certains individus au salut et le reste en fut exclu, voué à la réprobation.

 

L’objection la plus fréquente à la doctrine de la prédestination est qu’elle est injuste. Pourquoi choisirait-il certains individus et pas d’autres ? Il faut se souvenir que personne ne mérite d’être sauvé. Nous avons tous péché (Romains 3:23) et méritons tous la punition éternelle (Romains 6:23). Par conséquent, Dieu serait parfaitement juste de tous nous laisser passer l’éternité en enfer. Toutefois, Dieu choisis de sauver certains d’entre nous. Il n’est pas en train d’être injuste avec ceux qui ne sont pas choisis, car ils ne reçoivent que ce qu’ils méritent selon ce qui fut déterminé d'avance. Que Dieu choisisse d’être gracieux avec d’autres n’est pas injuste. Comme personne ne mérite rien de Dieu, alors personne ne peut objecter s’il ne reçoit rien de Dieu. Par exemple, je pourrais, dans une foule de 20 personnes, donner de l’argent à 5. Les 15 qui ne reçoivent rien seront-ils fâchés ? Probablement. Ont-ils le droit d’être fâchés ? Non. Pourquoi ? Parce que je ne devais d’argent à personne. J’ai simplement été gracieux avec certains.

 

Si Dieu choisit qui est sauvé, cela ne remet-il pas en question notre libre arbitre pour choisir Jésus ? Évidemment que non puisque le libre-arbitre n'est qu'une illusion que l'homme se fait pour valoriser sa nature humaine. La Bible ne dit jamais que nous avons le libre arbitre ou que nous sommes libre de croire ou non en Christ. Nous sommes soit esclave du péché ou de la justice (Jean 8:34,36; Rom. 6:16) et un esclave n'a aucun libre-choix. Notre capacité de choisir est soumise à des lois et des principes charnelles qui régissent notre existence, ce qui fait que la liberté totale n'existe pas pour l'homme qui est esclave de sa chair depuis la Chute en Éden. On objecte souvent en disant que la foi que nous avons est un facteur de notre libre-arbitre que nous devons appliquer envers Christ pour être sauvé, elle serait ainsi une condition au salut. Selon cette notion il serait donc essentiel de prendre une décision personnelle consciencieuse pour être sauvé. Mais une telle notion fait de la foi une faculté intellectuelle de la nature humaine déchue, une présomption qui se base seulement sur des indices et des apparences. Elle ne serait donc pas un don de Dieu engendré par la grâce (Éph. 2:8; Phil. 1:29) au moyen de sa Parole (Rom. 10:17) qui nous porte irrésistiblement à faire confiance en Christ pour le salut de nos âmes (Jean 6:44), comme la Bible nous l'enseigne clairement. En plus, prendre une décision pour le salut va directement à l'encontre du décret d'élection dans lequel Dieu a décidé d'avance ceux qui seront sauvés et ceux qui seront perdus (Rom. 9:15-23). Ce n'est pas la foi qui sauve, mais l'objet de la foi, à savoir Christ. Il est Celui qui nous donne le moyen de croire en lui en nous attribuant les mérites de son sacrifice sur la croix, car notre propre capacité de croire est complètement inefficace à cause qu'elle est soumise à notre nature humaine déchue. Seulement ceux qui ont été prédestiné au salut sont donné de croire selon le don de la grâce (Actes 13:48), tandis que le reste croiront selon leur nature charnelle présomptueuse qui est soumise à la chair et au péché (Rom. 7:18), et ceux-ci seront perdus. Bref, pour les élus la foi est un don de Dieu, mais pour les réprouvés elle n'est qu'une présomption, une fausse foi.

 

On dit souvent que la foi est conditionnelle au salut à cause de la conjonction «si» qui apparaît souvent dans une phrase qui concerne ce sujet. Or vrai qu'en français ce mot désigne une condition, mais la Bible n'a pas été écrite en français mais en Hébreu et en Grec, et jamais dans le Nouveau Testament ce terme désigne-t-il une condition. Prenons Rom. 10:9 par exemple: «Car, si tu confesses le Seigneur Jésus de ta bouche...» Dans le Grec le mot traduit par «si» est «ean» et ce terme signifie littéralement «quiconque, celui, qui que ce soit», il ne porte jamais de condition, il est toujours utilisé dans le Nouveau Testament pour souligner fortement un sujet. La foi n'est pas une condition mais «une assurance» de la grâce (Héb. 11:1,6) que Dieu donne à qui il veut, et une telle assurance est complètement spirituelle, elle ne nécessite aucune faculté intellectuelle, au point même qu'un jeune enfant, même un nourrisson, peut la recevoir, car elle fait partie de son décret d'élection. Le Seigneur Jésus dit même: «Mais si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât une meule au cou, et qu'on le jetât au fond de la mer.» (Mat. 18:6); «Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez point; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous dis en vérité que quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n'y entrera point.» (Luc 18:16,17). Ceux qui vous disent que la foi est nécessaire pour être sauvé, laissent sous-entendre que la foi est un élément fondamental et naturel de l'être humain, mais ils vous trompent. La foi est une assurance qui ne vient pas de l'homme mais de Dieu. Si tous les hommes possèderaient une telle assurance comme une faculté naturelle, tous seraient sauvés sans exception depuis le début des temps, le sacrifice de la croix serait inutile, et la Bible ne serait pas nécessaire pour nous donner la révélation de la grâce du salut.

 

La Bible ne montre jamais Dieu rejetant quiconque qui croit en lui ou se détournant de quiconque le cherche, mais ceci ne signifie aucunement qu'une personne vient à Dieu à cause qu'elle a décidée librement de venir. Dans le mystère de Dieu, la prédestination fonctionne par attraction de la personne à Dieu: «Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire...» (Jean 6:44), et la foi au salut: «Car je n'ai point honte du message de la grâce de Christ, car c'est la puissance de Dieu, pour le salut de chacun qui croit...» (Romains 1:16). Personne ne peut venir à moins d'être «attiré» par le Père, et selon le sens de ce mot dans le Grec qui est «elkuo ou helko» et qui provient du mot «haireomai» qui signifie «être choisi», cela signifie que seulement une personne élue peut venir car elle a été prédéterminée ainsi dans le conseil de Dieu. Et comme dit l'apôtre Paul: «Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés...» (Rom. 8:30). Aucun ne peut venir à Christ par lui-même, aucun ne peut venir parce qu'il a prit un choix ou une décision de venir. Ceux qui viennent par leurs propres moyens, selon leur choix personnel, sont des imposteurs (Jean 10:1), des faux chrétiens, et Dieu sait qu'ils sont nombreux de nos jours. Dieu ne prédestine pas qui sera sauvé, il a prédestiné qui est sauvé et cela il l'a déterminé irrévocablement dans son décret éternel. Il n'y a pas deux réalités dans le plan du salut, une de Dieu et l'autre de l'homme, mais une seule et celle-ci est marquée du sceau de Dieu pour le salut de ses élus en Jésus-Christ.

 

CHAPITRE 5

LA PENSÉE DE JÉSUS SUR LA PRÉDESTINATION

L'affirmation de la prédestination est incontestablement présente dans le message de Jésus rapporté par les Synoptiques (les Évangiles de Matthieu, Marc, Luc). La mettre en doute au nom des appels constants du Christ à la conversion et à la sanctification serait trahir une grande partie de son enseignement, et soulèverait un problème rationnel et philosophique - celui des rapports de la liberté humaine avec l'action absolue de Dieu - qui est absent de cette prédication. Comme nous avons vu, la liberté humaine n'y est pour rien dans le plan du salut et aussi de la sanctification qui en est une partie intégrale. La souveraineté de la volonté divine (Mat. 10:29,30) et le choix qu'elle opère depuis avant la fondation du monde à toute décision humaine en vue du salut ou de la perdition de tel ou tel individu, sont un élément de la doctrine de Jésus (Luc 10:20-22; 12:32, Mat. 25:32-46). Le mot élu revient souvent (Mat. 22:14; 24:22,24,31; Marc 12:20,22,27; Luc 18:7).

 

On voit même dans Mat. 22:14: «Car il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus», ce qui signifie que l'appel du salut est lancée dans le monde, plusieurs sont invités, mais que très peu sont choisis pour y répondre. Ce passage témoigne fortement de la double prédestination, à savoir l'élection au salut et la réprobation à la perdition. De même l'explication des paraboles du Royaume telle que la donnent Marc 4:10-20 et les parallèles ne peut avoir d'autre sens que celui d'une prédétermination de Dieu à l'intelligence de Sa sagesse et à la foi que cette intelligence suscite. De même Mat. 12:39; 11:25-27 spécifient nettement que la connaissance de Dieu est librement donnée par Lui à ceux qu'il Lui plaît, et ne peut être obtenue autrement. L'Évangile de Jean énonce encore beaucoup plus catégoriquement l'affirmation par Jésus de la prédétermination divine. Personne ne vient à Jésus si le Père ne l'attire (Jean 6:44,65); il faut être de Dieu pour écouter les paroles de Dieu (Jean 8:47); Dieu donne au Fils les siens (Jean 17:6); les Juifs ne croient pas parce qu'ils ne peuvent pas comprendre les paroles de Jésus (Jean 8:43,47; 10:26), car ils n'ont pas été prédestinés à l'élection mais à la perdition. Comme les Synoptiques, Jean cite le mot d'Ésaïe sur ceux qui voyant ne voient pas et entendant n'entendent pas (Jean 12:37,39 et suivant); le monde ne peut pas recevoir l'Esprit de vérité (Jean 14:17) car il est réservé uniquement aux élus. Inversement, tous ceux qui y sont destinés par Dieu viendront à Jésus selon l'appel irrésistible de l'élection (Jean 6:68), et il les recevra (Jean 6:37; 10:27,29); ce ne sont pas les disciples qui ont choisi Jésus, mais lui qui les a choisis (Jean 15:16); le Christ sait dès le commencement ceux qu'il a choisis (Jean 13:18) et que parmi eux se trouve un démon (Jean 6:70). Il ne prie pas pour le monde mais pour ceux que Dieu lui a donnés (Jean 17:9), etc.

 

Rien ne caractérise plus l'appel irrésistible de la grâce du salut que l'histoire de Lazare (Jean 11:1-44). Par analogie, l'histoire de Lazare se rapporte directement à l'appel irrésistible de la grâce du salut dans la prédestination. Nous ne pouvons avoir une meilleure exemple que celle de Lazare pour indiquer à une personne qu’il lui est impossible de contribuer rien à son salut. La Parole de Dieu nous enseigne clairement qu'avant notre conversion nous étions tous morts spirituellement et incapable de croire à l'Évangile pour être sauvé: «...vous étiez mort en vos offenses et en vos péchés, dans lesquels vous avez marché autrefois, suivant le train de ce monde... Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, par sa grande charité en laquelle il nous a aimés; lorsque nous étions morts en nos offenses, il nous a vivifiés ensemble avec Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvés" (Éph. 2:1,4,5). "Car le salaire du péché, c'est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur» (Rom. 6:22).

 

Avec la mort de Lazare nous réalisons qu'un mort n'a pas la capacité d'exercer son libre choix, et que toutes ses dispositions ne sont que pourritures. Il n'y a aucun doute que Lazare ne pouvait choisir librement de croire et de revenir à la vie. Il a fallut l'appel irrésistible de Jésus pour qu'il revienne à la vie; c'est à dire, qu'il le recréa de nouveau. Or le Seigneur Jésus lui-même nous dit «Si quelqu'un n'est né de nouveau (régénéré dès l'origine), il ne peut point voir le royaume de Dieu» (Jean 3: 3-5). Remarquez bien que Jésus ne dit pas «qu'il faut naître de nouveau», il affirme plutôt une état déjà présente dans ceux qui sont nées de l'Esprit (Jean 3:8) et non point un but à atteindre. Dire «qu'il faut naître de nouveau» contredit les paroles de Jésus et renverse l'Évangile, car une telle expression donne l'illusion qu'il faut faire un effort quelconque comme «choisir de croire» pour atteindre ce but. Or dans le grec, naître de nouveau signifie littéralement «être régénéré d'en haut ou dès l'origine», ce qui implique la Souveraineté de Dieu selon Son choix personnel. La régénération se fait entièrement selon la puissance de Dieu sans aucune contribution de l'homme. La Parole nous indique clairement que cette nouvelle vie de régénération est "un don de Dieu" que nous recevons par la grâce selon le décret de l’élection, sans aucun mérite de notre part (Rom. 6:22; Éph. 2:5,8,9), et que cette régénération se fait «par la Parole de Dieu, vivante et permanente à toujours (1 Pierre 1:23).» Ainsi nous n'avons pas la capacité de choisir Christ pour être sauvé; mais Christ nous a choisi d'entre le monde et avant le commencement des temps pour être sauvé (Jean 15:16,19; 1 Cor. 1:27-31; Éph. 1:3-7). Nous voyons ici que «le choix» est de la part de Dieu et non de la part de l’homme.

 

Il est impossible que l'homme puisse choisir de croire en Christ pour être justifié, car «nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi» (Gal. 2:16). Ceci nous indique qu’en disant que nous avons le libre choix de croire, la foi devient un œuvre, et le salut le résultat d'un acte méritoire. En d’autres mots, la justification par le choix n’est nulle autre que le salut par les œuvres. Il ne peut en être autrement. Il est intéressant de remarquer que le mot «œuvre» vient du Grec «ergon» et signifie: «action, tâche, faire, acte, ouvrage, effort, travail». Ainsi faire de la Foi une condition et un effort que l'homme a le choix d'exercer ou non, fait de la Foi un "acte" qui provient de la capacité du raisonnement de sa volonté charnelle, c'est à dire «une faculté intellectuelle». C'est ce qui se nomme de la religiosité par laquelle une personne cherche à contribuer à son salut, croyant plaire à Dieu. Par son libre choix illusoire, une personne s'élève au même niveau que Dieu et les mérites du sacrifice de Christ deviennent simplement un moyen d'apaiser sa conscience charnelle et justifier son raisonnement erroné. De ce fait elle accomplit les volontés de sa chair et de ses pensées, et s'identifie comme un enfant de colère (Éph. 2:3) et un ennemi de la croix de Christ, duquel la fin est la perdition et dont la gloire est dans sa confusion (Phil. 3:18,19).

 

Un autre aspect que nous devons remarquer dans l’histoire de Lazare est que non seulement il fut mort et en état de décomposition, mais il était aussi attaché solidement de bandelettes. Quelles sont ces bandelettes qui nous attachent dans la mort sinon les œuvres de la chair ! Leurs fonctions est de préserver un corps mort le plus longtemps que possible, mais elles sont impuissantes devant la corruption de la chair. Ne représente-t-elle pas les piètres efforts pour justifier les œuvres de la chair en tentant de leur donner quelques aspects de respectabilité et de dignité ! Depuis les temps immémoriaux l’homme cherche à vaincre la mort de ses propres efforts, des anciens égyptiens à nos docteurs modernes. Mais toutes ses tentatives de s’approprier et d’usurper la puissance de Dieu sont complètement futiles. De même celui qui dit avoir le choix de croire cherche à s’approprier et à usurper la puissance de Dieu par ses efforts, voulant contribuer avec Dieu pour vaincre la mort spirituelle. Subtilement il dit que Dieu n’est pas assez puissant pour ressusciter un mort et qu’Il a besoin de son aide. Ses efforts sont non seulement futiles, mais en agissant ainsi il se déclare ennemi de Dieu.

 

Par l'appel efficace ou irrésistible, l’Esprit attire irrésistiblement les pécheurs élus à Christ. Il n’est pas limité par la volonté de l’homme dans son œuvre d’application du salut (Jean 1:12,13), pas plus qu’il ne dépend de la coopération de l’homme pour atteindre son but (Rom. 9:18). L’Esprit amène miséricordieusement le pécheur élu aux pieds de la croix, l’incite à s'abandonner à Celui qui s'est donné comme son substitut, et lui donne la repentance et la foi en Christ pour qu'il reçoive gratuitement le salut de son âme (Éph. 2:8,9). La grâce de Dieu est invincible, elle ne faillit jamais dans l’atteinte de son but, à savoir le salut de ceux à qui elle s’étend (Ac. 13:48; 16:14,31; 18:27). Cet appel efficace est non seulement une invitation, mais une action dynamique du Saint Esprit qui nous introduit dans une relation vivante avec Jésus-Christ. Le mot «appel», (qui malheureusement est traduit souvent par "vocation" dans plusieurs Bibles), est généralement utilisé comme signifiant seulement "une invitation"; mais dans les Épîtres ce mot est utilisé dans le sens de «commander», et en même temps «de produire, de provoquer, d'occasionner d'être». En ce sens le mot «appel» porte la même signification que «Créer».

 

Cette assurance johannique que le monde est divisé en deux classes n'ôte rien dans cet Évangile à l'affirmation que les incroyants sont responsables de leur rejet, car Dieu les a prédéterminé ainsi dans son décret de réprobation, ils n'ont aucun choix que de réagir selon ce qu'il a été prédéterminé d'avance en tout cela. Il les a rejeté et les laisse de côté aux penchants naturels de leur nature humaine déchue qui se veut indépendante et responsable de ses actions, ils récoltent donc le salaire qui leur revient car ils se veulent maîtres de leur destin, même de leur salut et de leur perdition.

 

CHAPITRE 6

L'APÔTRE PAUL ET LA PRÉDESTINATION

C'est dans la pensée paulinienne que le problème de la prédestination apparaît posé avec sa plus extrême rigueur et aussi confronté par certaines objections qu'il suscite. Paul affirme que ceux qui aiment Dieu, qui renoncent à eux-mêmes et lui sont dévoués, le font non à cause qu'ils ont prit une décision ou un choix, mais à cause qu'ils sont appelés selon son dessein, connus ou plus précisément engendrés d'avance, prédestinés à être semblables à l'image de son Fils (Rom. 8:28 et suivants); en Christ nous sommes devenus héritiers, ayant été prédestinés suivant la résolution de Celui qui opère toutes choses d'après le conseil de sa volonté (Éph. 1:11; Gal. 1:4; Éph. 1:5; 3:11 etc.). L'appel céleste est déterminée de toute éternité (Ga 1:15). Les chrétiens sont nommés constamment les «appelés» (Rom. 1:6; 8:28, 1 Cor. 1:1), les élus» (Rom. 8:33; 16:13; Col 3:12 etc.). L'expression «élu de Dieu» ou «élu de la grâce» (Rom. 11:5) indique nettement que tout mérite personnel est exclu des motifs de l'élection. Cette distinction entre les hommes est d'ailleurs l'expression du décret de Dieu qui embrasse l'humanité entière. Mais quoique le salut est proclamé à tous les hommes, seulement les élus sont désignés pour en récolter les bénéfices, c'est ce qu'on nomme «le rachat limité».

 

Pour Paul l'œuvre de la Rédemption a deux aspects fondamentaux: d'une part, c'est en Jésus-Christ, et en lui seul, que se réalise un dessein éternel de Dieu, le croyant est prédestiné en Christ à devenir semblable à Christ, d'autre part cette prédestination n'a d'autre raison que l'insondable vouloir divin. L'idée de l'initiative divine arrive ici à son apogée. Toute l'œuvre qui détermine la rédemption de l'homme, sa méthode, son commencement et ses conséquences sont entre les mains du Dieu vivant et procèdent de l'inexplicable nature de sa miséricorde. L'action humaine ne peut ni fonder, ni modifier ce décret; elle n'en est que l'expression dans la réalité historique.

 

L'apôtre Paul n'a pas été, dans son effort systématique pour exposer rigoureusement cette doctrine du salut gratuit, sans apercevoir à la fois le démenti que semblent lui opposer certains faits et les objections qu'elle provoque. C'est dans les chap. 9 et 11 de l'épître aux Romains que nous trouvons la pensée paulinienne sur ce point et sa réponse aux questions et aux critiques possibles. Il vaut la peine de s'arrêter quelque peu sur ce texte capital.

 

Le point de départ de la réflexion est dans la constatation que l'élection du peuple d'Israël paraît avoir été inefficace. Dieu aurait-il manqué à ses promesses, ou Sa volonté aurait-elle pu être mise en échec? L'apôtre rejette ce blasphème en déclarant que les enfants par le sang ne sont pas nécessairement les enfants de la promesse qui constituent la vraie race de Dieu. Et il se trouve par là même amené à définir cette élection de la promesse purement gratuite et irrésistible. Elle est fondée sur un choix qui ne dépend pas des œuvres, mais uniquement de celui qui appelle. Jacob et Ésaü sont cités comme des exemples de la Souveraineté de Dieu dans la prédestination (Rom. 9:11,13). La compassion et l'amour de Dieu n'ont pas d'autres raisons que sa libre décision; il ne sert de rien de vouloir et de courir; c'est Dieu qui fait miséricorde; Il a pitié de qui Il veut, Il endurcit qui Il veut (Rom. 9:16-18). Il ne faut donc pas expliquer la prédestination par la prescience que Dieu a de l'action humaine, car il s'agirait dans ce cas d'une postdestination; ce seraient encore les œuvres prévues de l'homme qui seraient le motif de sa justification, et non pas la pure grâce.

 

Mais ici s'élève l'objection de ceux qui se scandalisent de cet arbitraire divin. Quels reproches Dieu peut-il adresser à sa créature si celle-ci ne peut résister à Sa volonté? Si l'homme détient une responsabilité face au péché et en portera la condamnation, cela est du à ce que Dieu a prédéterminé de le laisser agir dans la misère de ses égarements dans lesquels il se veut responsable de son destin. Comme il est souvent dit: «il l'a voulu, il l'a eu», il a désiré l'indépendance, il en payera les conséquences. Dieu peut donc y reprocher ses agissements à l'intérieur de son décret de réprobation afin de manifester sa justice. Paul refuse même le droit à l'homme de poser cette question, dans la célèbre parabole de l'argile et du potier (Rom. 9:19,23), et il redouble son insistance à affirmer la liberté divine en évoquant les vases de colère fabriqués pour la perdition et les vases de miséricorde préparés d'avance pour la gloire: «Il fait donc miséricorde à qui il veut, et il endurcit celui qu'il veut. Or tu me diras: Pourquoi se trouve-t-il encore à nous blâmer? Car qui peut résister à sa volonté? Mais plutôt, ô homme, qui es-tu, toi qui contestes avec Dieu? La chose moulée dira-t-elle à celui qui l'a formé: Pourquoi m'as-tu fait ainsi? Le potier n'a-t-il pas le pouvoir de faire, d'une même masse de glaise, un vase pour l'honneur, et un autre pour la disgrâce? Et que dire, si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec beaucoup d'endurance les vases de colère, préparés [dans son décret] pour la perdition? Afin de manifester aussi la richesse de sa gloire sur les vases de miséricorde, qu'il a préparés pour la gloire.» (Rom. 9:18-23).

 

Or en quoi a consisté cet aveuglement surnaturel de l'Israël selon la chair? En ceci, précisément, qu'il a mis sa confiance dans les œuvres pour obtenir le salut et non dans la seule grâce de l'élection, tout comme font les Évangéliques modernes qui mettent leur confiance dans le libre-choix et dans leurs décisions personnelles de croire et d'obéir à la loi pour plaire à Dieu et se justifier devant les hommes. Israël se justifiait par les œuvres, les Évangéliques se justifient par leur choix, il n'y a aucune différences entre les deux. Sauf pour quelques-uns, Israël n'a pas été donné de croire à l'élection et fut laissé dans la réprobation. Les païens qui ont été donné de croire par la Parole et l'Esprit ont obtenu la justice de la foi, Israël qui poursuivait la loi de la justice n'y est pas parvenu, tout comme les Évangéliques ne parviendront pas à la grâce en se justifiant par leur choix. Il faut maintenir rigoureusement que l'élection et la grâce sont une seule et même chose, et donc jamais, en aucun sens, le fruit des œuvres (Rom. 11:6). C'est pour avoir cessé de se remettre à la pure gratuité du salut qu'Israël n'a pas obtenu ce qu'il cherche. Le paradoxe paulinien éclate alors dans toute sa rigueur. La grâce seule nous sauve; dès que nous cherchons à y ajouter des choix qui sont en réalité que des œuvres de la nature humaine déchue, nous donnons l'évidence de notre réprobation et nous sommes rejetés de la grâce qui nous est présentée. Il serait contraire à la pensée de l'apôtre de s'arrêter ici. Pour lui, cet endurcissement partiel d'Israël rentre dans les desseins secrets de Dieu; il était destiné à devenir l'occasion et la cause de la conversion des Gentils afin que ceux-ci soient pénétré du message de la grâce (Rom. 11:24), et de la même manière que les Gentils, par la foi, chacun d'Israël sera sauvé, car il y a un seul salut possible pour tous: «Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu; sa sévérité à l'égard de ceux qui sont véritablement tombés, mais sa bonté envers toi, si tu persévères dans cette bonté; autrement, [sans la foi], toi aussi tu seras exclu. Et quant à eux, s'ils ne persévèrent pas dans l'incrédulité, ils seront entés; car Dieu a le pouvoir de les enter de nouveau. En effet, si tu as été coupé de l'olivier sauvage de sa nature, et si contre l'ordre de la nature, tu as été enté sur un olivier franc; combien plus ceux-ci qui sont les rameaux naturels seront-ils entés sur leur propre olivier? Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne soyez pas sages à vos propres yeux, c'est que l'aveuglement avait été désigné à venir sur Israël pour que l'ensemble des Gentils soit pénétrée [du message de la grâce]. Et de la même manière [que les Gentils], chacun d'Israël sera sauvé, comme il est écrit: Le Libérateur viendra de Sion, et il éloignera de Jacob toute impiété; Et ce sera mon alliance avec eux, lorsque j'effacerai leurs péchés. Il est vrai qu'ils sont ennemis par rapport au message de la grâce, à cause de vous; mais à l'égard de l'élection, ils sont considérés à cause de leurs pères, Car les dons et l'appel de Dieu ne sont pas sans considération.» (Rom. 11:22-29).

 

Dans tout ce développement, la pensée paulinienne semble osciller de la considération de la prédestination individuelle à l'explication des grandes destinées collectives des peuples, et notamment d'Israël. C'est évidemment ce dernier problème qui est pour lui l'essentiel. La question d'une prédétermination positive ou négative de l'action et du sort des personnes est fortement soulignée. De même tout le message paulinien affirme la nécessité de «faites profiter votre délivrance avec crainte et tremblement. Car c'est Dieu qui produit en vous et le vouloir et le faire selon son bon plaisir.» (Phi. 2:12,13). Retenons simplement que la véritable intention de l'apôtre est de maintenir sans réserve la gratuité absolue du salut qui implique nécessairement la souveraine liberté miséricordieuse de Dieu et la justice incontestable de Son œuvre. C'est pourquoi il rejette comme blasphématoire la supposition que le décret de condamnation ne serait pas mérité par ceux qui le subissent, ou que l'endurcissement des réprouvés ne leur serait pas imputable.

 

Dans le même sens que Paul, la première épître de Pierre (1 Pierre 2:8; 5:13) affirme la prédestination des croyants et des incroyants. Dans la deuxième épître l'appel et l'élection sont soulignées (1 Pierre 1:8,10). D'après l'épître de Jacques (Jacques 2:5), les pauvres sont choisis pour être riches en la foi et héritiers du royaume. Les Actes (Ac. 2:23; 4:28; 13:48; 20:27 etc.) soulignent le décret inspiré par l'amour de Dieu, arrêté par sa volonté, conçu par sa sagesse, soit qu'il concerne le Christ, soit qu'il concerne les croyants. L'Apocalypse parle de ceux dont le nom est dès la fondation du monde écrit dans le livre de vie (Apoc. 13:8; 17:8; 21:27), expression figurative qui signifie «ceux qui sont retenus dans la mémoire éternelle du Dieu Vivant».

 

CHAPITRE 7

LA SOUVERAINETÉ ABSOLUE ET SANS LIMITE DE DIEU

Toute la révélation biblique affirme d'une part la souveraineté sans conditions de la volonté de Dieu, l'initiative divine toujours unilatérale, qui s'exprime dans l'élection et l'appel et se confond éternellement avec la prédestination; d'autre part la gratuité du salut, qui ne dépend jamais des œuvres, mais toujours de la foi ou confiance reçue en cette gratuité qui ne nécessite aucune réponse humaine.

 

C'est Augustin qui le premier a élaboré, d'après les écrits de l'apôtre Paul, une doctrine cohérente de la prédestination. Tandis que les Pères grecs, affirmant énergiquement l'universalité de la grâce de Dieu et le libre arbitre de l'homme, faisaient dépendre de la prescience divine la prédestination des individus au salut ou à la damnation, ce qu'on nomme une postdestination, Augustin, obligé par le moine Pelage à une défense vigoureuse, affirme que la grâce, expression de la souveraineté insondable de Dieu, est seule cause du salut, indépendamment des œuvres, qu'elle est irrésistible et inamissible. Pour lui l'humanité qui est tombée en Adam est sous la puissance du péché, et sous un verdict de condamnation. Elle ne possède ni le désir, ni la moindre velléité du bien. Le salut ne saurait donc être que l'œuvre de Dieu seul. C'est Lui qui donne à ses élus seules la volonté de croire par sa Parole et son Esprit, et la persévérance qui leur assure le secours divin et la gloire finale.

 

La prédestination est l'affirmation de la souveraineté absolue et sans limite de Dieu, entendue non pas, dans un sens métaphysique, comme la suprématie de l'infini sur le fini, mais comme la seigneurie du Dieu Créateur et Saint. Les notions de Providence, de l'appel irrésistible, d'élection et de réprobation, ne font qu'exprimer ce rapport irréversible entre Dieu et l'homme, et reconnaître la différence qualitative infinie du Créateur à la créature. Tout synergisme (c'est-à-dire toute doctrine qui en vue de l'œuvre du salut fait concourir la volonté de Dieu et la volonté de l'homme sur le même plan), tout synergisme qui tendrait à réduire cette différence est une abomination totale. Car si la volonté de l'homme peut en quoi que ce soit s'égaler à la volonté divine, ou plus exactement peut s'y soustraire, c'est que l'homme se fait Dieu en se disant maître de son destin. Opposer à cette fabulation la limitation de puissance que Dieu aurait consentie en faveur de sa créature en la faisant semblable à Lui, ou bien invoquer la paternité divine selon le Nouveau Testament, c'est méconnaître la constante affirmation biblique que, même dans une économie de la chute, Dieu reste sans cesse le souverain absolu: «Celui dont la parole ne retourne pas à Lui sans effet» (Ésaïe 55:11), ou, comme le dit Jésus lui-même: «le Seigneur du ciel et de la terre» (Mat. 11:25), «Celui sans [la volonté de] qui il ne tombe pas un passereau à terre» (Mat. 10:30).

 

La prédestination affirme indirectement la corruption radicale de l'homme naturel, sa nature humaine complètement déchue, son impuissance totale à faire le bien et à se sauver lui-même. Nous n'avons rien en nous qui nous rende capables de Dieu; depuis notre révolte première en Éden, notre nature est toute révolte, refus d'obéissance, incrédulité, duplicité. Même la réception de la grâce doit être et est un don pur et simple de cette grâce. C'est ce que Pascal exprime dans sa fameuse phrase: «Pour faire d'un homme un saint il faut bien que ce soit la grâce, et qui en doute ne sait ce que c'est que saint et qu'homme.» Tout synergisme est un optimisme partiel qui contredit la révélation biblique.

 

La prédestination, en affirmant la gratuité du salut, assure ce salut. C'est cette certitude que les Réformateurs ont découverte avec bonheur dans la Bible. C'est elle qui a libéré Luther de ses angoisses. C'est elle qui faisait trouver à Calvin un goût savoureux à la prédestination. Si notre salut n'est pas assuré en Dieu, nous ne pourrons l'assurer nulle part. Tout synergisme est une théologie des mérites avec ce que celle-ci comporte d'inquiétude insurmontable, si on ne la réduit pas à une vulgaire comptabilité de bonnes œuvres.

 

Dira-t-on que tout au moins la foi est l'œuvre de l'homme et qu'elle ne mérite pas véritablement son nom, si elle ne comporte le libre et responsable engagement du croyant? En fait, bibliquement, la foi est toujours une œuvre de Dieu, de sa Parole et de Son Saint-Esprit; Dieu la donne à ses élus; elle est, à tous ses stades, une grâce et non une prérogative. Si la théologie calviniste cessait d'attribuer à la foi une seule origine, la libre volonté de Dieu, les polémistes catholiques auraient raison d'incriminer la Réforme d'avoir fait de cette foi la plus orgueilleuse et la plus méritoire des œuvres. Remarquons d'ailleurs que cette foi reçue devient la nôtre pour nous donner l'assurance des promesses en Christ. Elle est nôtre parce que nous sommes devenus des croyants par la puissance de la Parole et de l'Esprit; elle est nous, sans être de nous, car elle nous est donnée avec tous les autres mérites de Christ sur la croix qui nous sont attribuées gratuitement, c'est à dire «sans condition». Ces vérités bibliques sont constamment vérifiées dans la vie du croyant qui attribue toutes choses à Dieu, même le mouvement qui le fait se soumettre à son Seigneur ou accepter le pardon de son Rédempteur.

 

Le «sola fide» de Luther ne diffère pas à cet égard du «soli Deo gloria» de Calvin, puisque cette foi, cette seule foi par quoi l'on est justifié, c'est la confiance en la grâce totalement gratuite qui assure notre salut. On comprend donc que la Réforme, réagissant contre la théologie semi-pélagienne du catholicisme, ait poussé jusqu'à ses extrêmes limites la doctrine de l'élection et qu'elle ait même refusé de la réduire à la doctrine de la prescience divine postdestinarienne, laquelle n'exclut pas, comme nous l'avons indiqué, une théologie du salut par les œuvres ou salut par le choix d'une décision personnelle qui caractérise pleinement le christianisme contrefait moderne.

 

Il serait vain néanmoins de nier que la doctrine de la double prédestination représente pour la conscience chrétienne une pierre d'achoppement redoutable. Qu'elle soit présentée sous sa forme atténuée de la prétention (c'est à dire de la doctrine qui n'impute pas à Dieu un décret de damnation, les réprouvés étant simplement abandonnés aux conséquences justes de leur révolte originelle), ou sous sa forme véridique la plus rigoureuse et juste du supralapsarianisme (selon laquelle la prédestination est un décret éternel et antérieur à la chute de l'homme qui a décidé du sort final de chaque créature) ou sous une quelconque forme intermédiaire, cette attribution à Dieu et à Dieu seul du rejet définitif d'une de ses créature rationnelle demeure un sujet d'effroi et même de révolte pour le cœur naturel de l'homme qui se veut régent de sa propre existence.  Mais le fait est que la double prédestination est affirmée dans la Bible, non comme un système intellectuel mais comme une vérité révélée.

 

CHAPITRE 8

LA PRÉDESTINATION ET LE PÉLAGIANISME

La prédestination et les rapports entre la grâce et le libre arbitre, ont été au cœur des débats entre le pélagianisme et l'augustinisme, controverse qui a repris lors de l'opposition entre le calvinisme et le catholicisme, les jansénistes et les jésuites (qui soutenaient le molinisme). Ce concept a aussi été repris, au moment de la controverse janséniste, par le protestantisme. On parle de «double prédestination» dans les doctrines, calviniste notamment, qui ajoutent que Dieu aurait choisi de toute éternité également ceux qui seront damnés en les excluant de la grâce divine.

 

Le pélagianisme est une doctrine théologique prétendument chrétienne développée à partir de la deuxième moitié du IVe siècle par l'ascète breton Pélage et ses partisans, caractérisée par l'insistance sur le libre-arbitre de l'homme. Supportée par Pélage et ses associés, elle accentue au détriment de la grâce divine la puissance du libre-arbitre de l'homme. Le pélagianisme est la première en date des hérésies de l'Occident chrétien; il constitue en fait l'amplification d'une des tendances fondamentales du christianisme, s'inspirant à la fois de toute une tradition grecque prônant une certaine autonomie de la personne humaine jugée indispensable à son épanouissement, mais aussi d'une conception romaine de la personne et du contrat qui la lie à Dieu en toute liberté.

 

En 360, dans l'île de Bretagne, naissait Pélage qui, devenu moine, nia la nécessité de la grâce pour être sauvé. Il est contemporain d'Augustin d'Hippone que l'évêque manichéen, Faust de Milève, fit recruter en 374. Pendant neuf ans, le futur Docteur de l'Église prêcha la doctrine manichéenne, à Thagaste puis à Carthage. Morgan, l'homme de la mer, Pélage c'est son nom romanisé, moine venu de Grande-Bretagne à Rome où il jouit d'une réputation d'ascète, fait profession de conduire les âmes dans les voies de la perfection. Sans concession aucune à la médiocrité, à la lâcheté, il enseigne que pour être saint il faut le vouloir: celui qui veut vaincre le mal et faire le bien le peut. IL SUFFIT DE VOULOIR... Cette doctrine nouvelle, saint Augustin le notera d'un mot, c'est «l'émancipation complète de l'homme par rapport à Dieu». Pour nous, modernes, le pélagianisme apparaît d'abord comme une réduction phénoménologique du mystère de la condition humaine à ses seules apparences. De ce fait, il se résume aisément en une suite de thèses logiquement et subtilement ordonnées:

 

1. L'HOMME EST LIBRE de faire ou de ne pas faire le bien, ou le mal. L'homme est son maître et se décide selon son bon plaisir. Le pouvoir est en notre nature, toujours entier et suffisant en tous; le vouloir est dans notre décision et l'effet s'ensuit naturellement. L'axiome paraît directement inspiré par l'expérience intime de chacun et par la raison. Il n'en est pas moins contradictoire aux affirmations de la foi chrétienne. En conséquence, nos mérites nous appartiennent; ils sont la juste rémunération de nos propres œuvres.

2. L'HOMME PEUT ET DOIT DONC ÊTRE PARFAIT. Il lui suffit de le vouloir. Qui ne vit pas parfaitement doit être traité sévèrement par l'Église et tous doivent être obligés à la perfection des vertus et des conseils évangéliques, du renoncement à la richesse, de la chasteté parfaite, etc.

3. LE PÉCHÉ ORIGINEL N'EXISTE PAS. Allant au plus rationnel, les pélagiens voient dans le péché originel le mauvais exemple de nos premiers parents et de tous les hommes, pesant sur chacun de nous.

4. IL N' Y A PAS EU DE CHUTE D'ADAM. Tout s'enchaîne logiquement. Adam était semblable à nous, mortel et mû par la concupiscence, en particulier celle de la sexualité qui est un instinct de nature, certes le plus fort. Il n'y a qu'à le maîtriser par volonté. Ainsi se dissipe le grand mythe obscur et accablant qui plane sur nos origines et trouble le fond de nos âmes.

5. LA MASSE DES PÉCHÉS DE L'HUMANITÉ n'est que l'effet des MAUVAISES HABITUDES contractées par les hommes dès leur enfance. La plupart, en effet, se laissent absorber par les désirs terrestres et se livrent comme les animaux aux jouissances immédiates des sens. Mais il n'y a là aucune preuve d'une malédiction divine ni d'une impuissance congénitale des hommes ni d'une quelconque prédestination des justes. S'ils agissent ainsi, c'est de leur libre vouloir et sous leur pleine responsabilité.

6. LE BAPTÊME DES ENFANTS ne constitue donc pas une "rémission des péchés" ni une libération de l'esclavage du démon.

7. LE BESOIN DE LA GRÂCE n'est guère plus affirmé pour les adultes que celui du baptême pour les enfants. Il n'y a pas de «grâce médicinale» pour les guérir d'une corruption qui n'existe pas. Reste la «grâce adjuvante» dont les pélagiens nient qu'elle soit un secours intérieur, une force au cœur de l'homme.

8. LA GRÂCE SE MÉRITE, et c'est logique. Puisque l'homme est libre, la grâce vient récompenser ses bonnes actions. De toute évidence, pour un pélagien, jamais en aucun cas le secours divin ne peut devancer la volonté libre de l'homme ni la diriger vers le bien. Ce serait une atteinte incroyable à la liberté de la créature !

9. PAS DE PRÉDESTINATION dans ce système où la volonté de l'homme est rigoureusement autonome. Il n'y a de bon plaisir que le nôtre dans la grande affaire de notre salut. Dieu jugera chacun selon ses œuvres; son décret final lui sera uniquement dicté par sa considération objective du bien et du mal accomplis librement par ses créatures raisonnables.

 

Il en résulte que la morale pélagienne est austère, rigoureuse. Elle ne connaît point d'excuse au péché, donc point de miséricorde. Elle impose à tous le plus parfait et aggrave infiniment toute culpabilité.

 

CONSÉQUENCES MORALES DU PÉLAGIANISME

Les contemporains furent frappés de l'incompréhension que ce système manifestait pour le péché: pourquoi y a-t-il du péché, tant de péché dans le monde, si le bien est à la portée de tous, toujours et en tout domaine ? Ils s'indignèrent du rejet du Mystère de la Rédemption, sans utilité dans ce système, et de l'indifférence qui s'ensuivait pour le Mystère de l'Incarnation devenu sans raison. Le Christ n'apportait aux hommes d'autre valeur, d'autre bien que son exemple humain de sagesse et d'héroïsme! Enfin, ils s'alarmèrent de la négation radicale de toute pratique religieuse, prière, sacrements, qu'entraînait fatalement ce système. L'homme n'ayant plus besoin du secours de Dieu pour faire le bien, éviter le mal, devenaient surérogatoires toutes les institutions liturgiques et toutes les dévotions.

 

Le pélagianisme conduisait ses tenants à l'abandon immédiat et complet de la prière, de la pratique des sacrements, des règles de la prudence morale et de l'ascèse. Doctrine orgueilleuse chez ses fondateurs, elle deviendra bientôt une provocation au désespoir chez les simples fidèles, découragés de ne pas être parfaits, faute de bien user de leur liberté ! Plus profondément, chez les élites romaines plus cultivées, le pélagianisme provoquera le scepticisme et l'indifférence par sa négation des Mystères de notre salut. Ainsi fera-t-il le trait d'union entre le Pharisaïsme talmudique et le Stoïcisme païen de l'antiquité et l'humanisme athée des temps modernes.

 

Au début du Ve siècle, en 412, sous la présidence du métropolite Aurèle, un concile est réuni à Carthage. Il condamne les donatistes et un canon désavoue les pélagiens que honnit Augustin, devenu évêque catholique d’Hippone. Pélage est à ce moment-là à Jérusalem au côté de Jérôme qui traduit la Vulgate dans le but de falsifier la Vestus Latina ou ancienne version latine. Quatre ans plus tard, un second concile a lieu à Carthage pour condamner à nouveau les thèses de Pélage.

 

Le pélagianisme, professant que la liberté règle les rapports entre l'homme et Dieu, s'attire l'opposition de l'épiscopat africain marqué par l'idée de la grâce d'Augustin d'Hippone qui obtient la condamnation de ce courant par l’empereur Honorius puis par le 16e concile de Carthage en 418. Considéré comme la première en date des hérésies issue du christianisme occidental, cette doctrine religieuse naturaliste et rationaliste sera en partie récupérée par le thomisme et influencera Abélard.

 

Établi à Rome et devenu le maître spirituel d'un groupe d’aristocrates, Pélage enseigne qu'il est possible de choisir le bien et de vivre sans péché, de suivre les commandements de Dieu en exaltant la primauté et l'efficacité de l'effort personnel dans la pratique de la vertu. En 410, Pélage fuit Rome assiégée pour Carthage puis pour l'Orient.

 

Le pélagianisme soutenait que l'homme pouvait, par son seul libre-arbitre, s'abstenir du péché, et contestait le péché originel. En effet, pour le moine breton les hommes ne doivent pas supporter le péché originel d'Adam - qui n'a nui qu'au seul Adam - dans leurs actions et ne doivent donc pas se rédimer à jamais. Pélage lui-même ne nie pas l'importance de la grâce, au contraire de certains de ses disciples, mais elle est toujours conditionnelle à ses choix et ses efforts.

 

Trois conciles s'étaient opposés à cette doctrine: ceux de Carthage, 415 et 418, et celui d'Antioche en 424. Le Concile œcuménique d'Éphèse, en 431, condamna cette doctrine en dépit des correctifs que Pélage insère dans ses apologies. Le pélagianisme subsista jusqu'au VIe siècle. Il fut surtout combattu par Augustin d'Hippone qui a tout fait pour que Pélage soit excommunié car il le considérait comme un disciple du manichéisme. Les doctrines pélagiennes furent en partie soutenues par Jean Cassien et Vincent de Lérins, ce dernier étant celui qui rédigea supposément le Symbole dit d'Athanase, défensive hautement spéculative sur une trinité philosophique, mystique et païenne qui fut adoptée dans l'Église. Le théologien Henri de Lubac a dénoncé le fait qu'à trop exalter le libre-arbitre, on produit une «religion humaniste», croyante ou athée.

 

LE SEMI-PÉLAGIANISME

Le semi-pélagianisme est une doctrine théologique prétendument chrétienne développée dans le sud de la Gaule au Ve siècle par Jean Cassien, Vincent de Lérins et Salvien de Marseille, professée et approfondie par Fauste de Riez, concernant les rapports de la grâce et du libre arbitre.

 

Inspirée par la doctrine de Pélage, la pensée semi-pélagienne contraste avec son enseignement sur le salut (dans lequel l'homme est considéré comme l'acteur de son propre salut), qui avait été rejeté comme hérésie dès 418. Le semi-pélagianisme, dans sa forme originale, est conçu comme un compromis entre le pélagianisme et l'augustinisme, doctrine pour qui le salut est un don entièrement gratuit de Dieu. Dans cet humanisme, une distinction est faite entre le début de la foi qui est un acte de libre arbitre et la progression de la foi qui est œuvre divine. Cette doctrine fut, elle aussi, condamnée comme hérétique lors du deuxième Concile d'Orange en 529.

 

Le pélagianisme enseignait que l'homme avait la capacité de chercher Dieu en et hors de lui-même sans intervention de l'Esprit-Saint et par conséquent, que le salut était un effet des efforts de l'homme. La doctrine tirait son nom de son auteur principal Pélage (v. 350 - v. 420), moine breton qui l'avait développée. Elle s'opposait en particulier aux écrits de Saint Augustin sur la grâce. Déclarée comme hérésie par le pape Zosime en 418 car niant l'existence du péché originel, elle enseignait que l'homme était en lui-même et par nature, capable de choisir le bien.

 

Dans le semi-pélagianisme, l'homme ne disposait pas d'une telle capacité, mais lui et Dieu pouvaient coopérer, dans une certaine mesure, dans cet effort de salut. Tout homme pouvait, sans aide de la grâce, faire le premier pas vers Dieu qui, ensuite, pouvait accroître et conserver la foi, achevant le travail de rédemption. Cet enseignement se distinguait de la doctrine traditionnelle patristique dans laquelle le processus de la grâce était défini comme le résultat de la coopération entre Dieu et l'homme du début à la fin. Visant à un compromis entre deux extrêmes, le pélagianisme et l'augustinisme, cet humanisme fut condamné comme hérésie au deuxième Concile d'Orange en 529, après des controverses qui s'étendirent sur plus d'une centaine d'années. Le concile se prononça ainsi contre tous ceux qui donnaient un rôle plus important au libre arbitre.

 

Jean Cassien, né entre 360 et 365 et mort entre 433 et 435, faisait la distinction entre le début de la foi (Initium fidei) et l'augmentation de la foi (Augmentum fidei). La première trouvait ses racines dans la volonté libre, tandis que son augmentation dépendait uniquement de Dieu. Il expliquait aussi que le don de la grâce doit être maintenue contre Pélage dans la mesure où tout mérite strictement naturel est exclu, ce qui, toutefois, n'empêche pas une certaine demande de grâce. Enfin, en ce qui concernait la persévérance, elle ne devait pas être considérée comme un don de la grâce, puisque l’homme peut de sa propre force persévérer jusqu'à la fin. Ces trois propositions contiennent toute l'essence du semi-pélagianisme.

 

Ce semi-pélagianisme devint la tendance qui prévalut désormais en Gaule. En général, l'Église orthodoxe adhère à la doctrine de la théosis dans sa conception du salut. La théosis à des liens étroits avec les idées de sanctification et de justification: le salut est obtenu par la divinisation de l'homme.  La théosis (divinisation ou déification) est l’appel de l’homme à rechercher le salut par l’union avec Dieu, la divinisation de la matière et la disparition du péché. Cette doctrine est parfois appelée «semi-pélagianisme», en particulier par les théologiens protestants, car elle suggère que l'homme contribue à son propre salut. Jean Cassien, connu surtout pour ses enseignements sur la théosis, est considéré comme un saint dans l'Église d'Orient, à l'opposé d'Augustin d'Hippone, qui a été étroitement associé avec les anti-pélagianistes et dont l'enseignement est très axé sur l'action de Dieu dans le salut.

 

A une époque plus récente, le mot est utilisé par les protestants calvinistes pour désigner toute personne qui s'écarte des doctrines de saint Augustin ou de Jean Calvin sur le péché et la grâce, notamment les adeptes de l'arminianisme (Remonstrants ou Arminiens) et les catholiques romains. Beaucoup de Remonstrants ne sont pas d'accord avec cette généralisation et pensent que c'est diffamatoire pour Jacobus Arminius, John Wesley et tous les autres Arminiens hérétiques qui déforment la vérité sur la souveraineté de Dieu.

 

Le terme semi-pélagianisme, que l'on considère aussi comme la doctrine des tièdes et des lâches retrouvée de nos jours chez les Évangéliques et surtout chez les Baptistes, fut d'abord utilisé dans les milieux savants pour désigner l'hérésie provençale. Dès le VIe siècle jusqu'au XVIe siècle, elle avait été désigné comme un «reliquat pélagien» (reliquiœ Pelagianorum), dénomination primitivement utilisée par Augustin. L'hérésie du semi-pélagianisme a été développée davantage entre 1590 et 1600 par le théologien Jésuite Molina avec sa doctrine du libre-arbitre par rapport à la grâce. Ses adversaires l'accusèrent d'être très proche de l'hérésie des moines provençaux. Après cette assimilation, le terme de semi-pélagianisme a désigné la doctrine humaniste élaborée par les moines des abbayes de Saint-Victor et de Lérins. Le semi-pélagianisme est la doctrine des demi-décidés, de ceux qui répugne la souveraineté de Dieu à cause des risques et des dangers qu'ils pourraient encourir en défendant la vérité.

 

CHAPITRE 9

RÉFUTATION DU PÉLAGIANISME PAR AUGUSTIN

Les condamnations du Concile de Carthage (418) contre le Pélagianisme devaient être complétées par une réfutation de son système général et l'énoncé d'une vraie doctrine de l'homme, de son salut, de la prédestination divine et de la grâce du Christ. Ce fut l'œuvre de saint Augustin.

 

Certes, il trouvait toute la matière de cette ANTHROPOLOGIE CHRÉTIENNE dans la Révélation des Écritures et de la tradition de son époque. Mais, le premier, il en tenta une synthèse, refaisant selon son génie propre, tout d'expérience intime et de puissant raisonnement, le récit de l'élévation de l'homme et de sa chute, de la grâce du salut et de la prédestination, du combat de la liberté chrétienne et du péché, méritant le titre de Père de l'Église Latine. Il était alors en pleine possession de sa doctrine. Trop d'historiens l'accusent d'avoir exagéré son pessimisme pour faire pièce au pélagianisme. Sans doute a-t-il tâtonné au cours des dix années qui vont de sa conversion à son épiscopat, de 386 à 397, mais ensuite, de 397 à sa mort en 430, il ne variera plus. Ce qu'il enseigne lui est dicté par sa propre méditation et non par les besoins de la polémique. Toute sa vision du mystère de notre destinée surnaturelle était fixée avant que ne se manifestât Pélage.

 

1. L'HOMME CRÉE DANS LA GRÂCE ET LA JUSTICE

Dans le «de bono conjugali», saint Augustin élabore une doctrine autrement réaliste. Adam et Ève étaient des êtres corporels, sexués, occupés à travailler dans un monde semblable à l'univers actuel. Ils avaient reçu dès leur création des dons qui les tenaient au-dessus de notre condition présente: l'immortalité, l'exemption des maux et maladies, une sagesse et une science infuses, une parfaite soumission des sens à la raison et de la raison à la loi divine telle par exemple que l'union conjugale devait y être exempte de tout désordre et de toute souillure. Ils étaient bons et enclins à la vertu. Ils jouissaient de la vraie liberté, qui est de pouvoir ne pas pécher, et non d'une nécessité supérieure à la liberté qui consisterait à ne pas pouvoir pécher. Mais surtout, Adam et Ève possédaient la Justice et la Grâce qui les faisaient images de Dieu, ses enfants par adoption.

 

2. LE PÉCHÉ ORIGINEL

Saint Augustin commença par interpréter allégoriquement le récit biblique de la tentation et de la chute. Mais par la suite il en soutiendra la pleine historicité. Suivant saint Ambroise, il concevra dès lors l'essence du premier péché comme un acte délictueux de complaisance en soi-même: «C'est son orgueil qui l'a livré au diable.» Ce péché s'est transmis à tout le genre humain. Ses adversaires lui reprochèrent d'avoir évolué aussi sur ce point mais il le nia absolument. Quoique, fort heureusement, il ait d'abord affirmé avec force contre les manichéens qu'il n'y avait pas de nature mauvaise en soi et que le libre arbitre de l'homme subsistait intact, à partir de 397, en pleine possession de sa doctrine, il enseigne que le péché d'Adam est passé en tous les hommes et il le prouve par l'Écriture (Rom. 5:12; Jean 3:5), par les Pères et par la liturgie, en particulier par la nécessité du baptême des nouveau-nés. D'ailleurs à ses yeux la souffrance et la mort des enfants, les duretés de la condition humaine en sont une autre preuve. Ou alors il faudrait que Dieu, cause directe de ces maux, soit méchant !

 

- LA NATURE DE CE PÉCHÉ HÉRÉDITAIRE

Là saint Augustin ne dissimule pas son embarras. Il examine l'état de l'homme présent et, le voyant entraîné au mal par sa concupiscence, particulièrement et surtout celle du sexe, il voit en elle la tare originelle. À l'objection énorme: mais le baptême ne l'efface donc pas pour qu'elle subsiste ainsi, puissante et dominatrice ? Saint Augustin répondra (mal) que si la faute, est effacée, la concupiscence demeure. Et à l'objection que le mariage est mauvais puisqu'il consiste en la satisfaction de la pire concupiscence, il répondra (mal) qu'elle l'accompagne toujours, mais non nécessairement !

 

Évidemment, nous sommes là au centre de la difficulté. Saint Augustin a su se maintenir à égale distance, ou au-delà, de l'optimisme pélagien et du pessimisme manichéen. La concupiscence est véritablement pour lui un péché dont la source volontaire est Adam, notre chef de race, dont nous sommes solidaires. Autrement, elle ne serait comme disent les pélagiens qu'un ensemble d'instincts naturels innocents et faciles à vaincre. Elle ne constitue pas cependant une nature mauvaise en nous mais une privation, un désordre, une fièvre affectant notre première nature. Sinon, il faudrait concéder aux manichéens l'existence d'un élément mauvais en nous, création d'un dieu méchant.

 

- SA TRANSMISSION

Ce péché passe d'une génération à l'autre par la malice intime de l'œuvre de chair. Même chez les chrétiens, une dépravation forcée accompagne l'union conjugale et provoque comme son immanquable effet l'apparition de la concupiscence dans l'enfant, le faisant coupable et taré. Quant à savoir comment l'âme est atteinte d'un mal corporel, saint Augustin avoue son ignorance. Mais il n'en affirme pas moins que, directement ou indirectement souillée, l'âme est rendue pécheresse dans et par son union à un corps tiré d'une souche corrompue.

 

- SES CONSÉQUENCES

Les ravages du péché originel étaient déjà reconnus par saint Augustin avant la crise pélagienne. Il les soulignera davantage après. La perte des dons que nous appelons préternaturels n'est que trop évidente. C'est surtout la perte de la LIBERTÉ, faculté de faire le bien et d'éviter le mal, qu'il affirme contre les pélagiens. Le LIBRE-ARBITRE demeure, nous le savons par notre expérience immédiate et certaine: l'homme agit comme il veut, selon qu'il le veut et autant qu'il veut. Mais cette faculté est mal employée depuis qu'elle se tourne plus aisément et habituellement vers le mal. Le «libre-arbitre» qui consiste à faire chacun ce qu'il veut, est intact. Mais la «liberté» qui est le pouvoir de faire de son propre choix et mouvement ce qui est bien, se trouve blessée par le péché et comme perdue pour nous.

 

Cela rend manifeste la nécessité de la grâce de Dieu pour renoncer au mal et pour faire le bien. Sans la grâce l'homme n'est pas «libre», répète inlassablement saint Augustin, et pourtant il n'en affirme pas moins que l'homme pécheur pèche «librement» ! Le mot recèle une terrible ambiguïté. Le «libre-arbitre» demeure, mais non la «liberté» qui est orientation et perfection d'une volonté tournée au bien.

 

Cette faiblesse, cette maladie due au péché rend l'homme impuissant à faire tout le bien que Dieu veut et même un seul acte qui lui soit parfaitement agréable et se le réconcilie, hors de la grâce chrétienne. D'où ce principe absolu, hors de la grâce tous sont damnés, c'est-à-dire privés de la vue de Dieu et frappés de quelque peine éternelle.

 

3. LA GRÂCE DIVINE

Saint Augustin médite sur la parole de Jésus: «Sans moi vous ne pouvez rien faire» (Jean 15:5). Certes, il n'oublie pas que la grâce est avant tout ce don intime que nous appellerons plus tard la «grâce sanctifiante», qui nous transforme, nous fait enfants de Dieu, nous établit en union habituelle avec lui. Ce qui lui importe, ce sont les remuements, les éveils et réveils de cette grâce en nous, comme une vive flamme, les renouvellements de ce don, tout ce que nous appellerons «grâces actuelles». D'abord, parce que c'est l'objet merveilleux de son expérience première dans le mouvement de sa conversion et continuelle depuis lors, tout au cours de sa vie cachée en Dieu. Ensuite, parce que c'est précisément ce perpétuel secours divin que contestent les pélagiens dont le souci majeur est de rendre l'homme à ses propres forces, dans une liberté royale.

 

- NÉCESSITE DE LA GRÂCE

Saint Augustin affirme au contraire, que c'est Dieu qui est Roi. Sa grâce se manifeste à l'extérieur par les événements favorables à notre salut, et en nous mais à l'extérieur de notre cœur par les illuminations de notre esprit sans lesquelles nous ne croirions pas. Mais la grâce est surtout pour lui ce don intérieur à notre cœur même, qui s'applique à notre volonté pour l'émouvoir, la rendre libre, et enfin l'incliner inéluctablement au bien. Grâce prévenante, qui incline à le vouloir avant toute réflexion de notre part, grâce adjuvante ou coopérante, qui accompagne notre réflexion et notre décision, grâce subséquente, qui en aide et poursuit la réalisation.

 

Ce flot ininterrompu de grâces est nécessaire, pour commencer, pour continuer, pour persévérer dans la voie du salut. Les unes sont médicinales, pour guérir un être taré, blessé et corrompu par le péché. Les autres sont élevantes, pour lui ouvrir le domaine supérieur de la foi et des vertus. Sans ce don de Dieu, l'homme peut-il accomplir des actes bons et méritoires ? Des actes bons, déjà saint Augustin répugne à l'accorder aux pélagiens; s'il l'admet enfin, c'est en remarquant leur rareté parce qu'ils supposent une certaine charité naturelle. Mais des actes méritoires, non jamais aucun homme n'en peut faire sans la grâce parce qu'ils devraient être, sans elle, rapportés à Dieu en toute perfection ce qui est impossible en dehors de la foi. Cette rigueur augustinienne, d'autres chercheront à l'adoucir ou plutôt à la déformer, ils ne le pourront qu'avec l'espérance qu'à beaucoup de païens et de pécheurs en ce que Dieu donnerai secrètement sa grâce avec abondance pour venir ou revenir à Lui, notion contradictoire qui s'oppose à la régénération opérée par le Saint-Esprit dans tous les élus.

 

GRATUITÉ DE LA GRÂCE

Après avoir hésité, mais de toute évidence à partir des années 396-397, saint Augustin professe l'absolue gratuité des premières grâces, celles de la conversion et de la foi. Par principe, elles ne peuvent être méritées. Les suivantes peuvent l'être d'une certaine manière, par le bon usage des premières grâces et par l'humble demande que le Seigneur Jésus nous a appris à en faire par la prière et la démarche chrétienne de tous les jours dans une confiance certaine à ses promesses. Quant aux grâces ultimes, dites de la persévérance finale, prétendre qu'on puisse les mériter équivaudrait à dire que l'homme pourrait gagner par ses propres œuvres l'infinie et l'éternelle béatitude, ce qui serait folie. Donc, les grâces de la fin peuvent et doivent être demandées par la prière mais elles sont par excellence, comme les toutes premières, un don absolument gratuit de l'Amour divin.

 

MODE D'ACTION DE LA GRÂCE

Si Dieu est le principe, la cause première et souveraine de tout bien humain, est-ce à dire qu'il en est la cause unique et immédiate, ne laissant plus à la volonté de sa créature qu'un rôle d'instrument subordonné et contraint ? En un mot, la grâce est-elle une force irrésistible ?

 

La réponse est difficile, parce que la grâce et la liberté agissent dans une coopération mystérieuse qui ne laisse jamais apparaître une faille, le moindre signe d'indépendance et d'autonomie de celle-ci par rapport à celle-là, sinon précisément dans le péché. Mais le péché se commet par volonté perverse et en même temps et aussi par suite d'un manque d'efficacité de la grâce! Il y a donc là encore une preuve de l'action conjuguée de Dieu et de l'homme dans le bien, comme d'un unique agent immédiat! Et cependant, pour saint Augustin, il s'agit du concours de deux êtres libres, de deux volontés dont l'une cause l'autre selon sa nature, sans la forcer, au contraire en la perfectionnant. Contre les manichéens, il affirme la liberté de l'homme et son réel mérite. Contre les pélagiens, il rapporte cette liberté et ce mérite à la grâce de Dieu qui y a conduit sa créature.

 

Comment cela se peut-il ? C'est une découverte bouleversante de voir comment saint Augustin situe la grâce divine au plus près de la volonté humaine, l'investissant de toutes parts et se la gagnant par maintes séductions conduites avec une sagesse et une science souveraines, avec tant de tact enfin qu'elle vient infailliblement à bout de ses desseins bienveillants, sans jamais pourtant violer cette demeure où la créature est maîtresse, sans forcer sa liberté. Ce respect du Dieu de saint Augustin pour la volonté humaine qu'il veut sanctifier, qu'il sait incliner et conduire au bien qu'il veut, et cependant qu'il ne contraint pas, qu'il n'écrase pas mais qu'il exalte, est une des plus grandes fausses doctrines qui ait jamais été enseignées dans le christianisme. Come nous savons, la liberté de l'homme est soumise à des lois préétablies et n'a aucun choix que d'agir dans un tel contexte, ce qui fait que la liberté n'est qu'une illusion. L'homme a été créé pour être esclave (serviteur) de Dieu et nous savons qu'aucun esclave n'a de libre-choix. Ainsi il est faux de dire que Dieu ne s'impose pas à la volonté de l'homme, un maître s'oppose toujours à son serviteur. Nous savons d'ailleurs selon les Écritures que Dieu impose même un esprit d'égarement à plusieurs (2 Thes. 2:11) sans qu'ils en soient même conscients. Dieu n'a pas besoin de demander la permission à l'homme avant d'agir, il est le Souverain et l'homme n'est qu'un sujet prédisposé à répondre à ses ordres ou ses lois.

 

4. LA PRÉDESTINATION DIVINE

Bien avant la crise pélagienne et sans aucune préoccupation polémique, saint Augustin avait puisé dans la Révélation comme aussi dans le grand patrimoine de la philosophie antique, la certitude que Dieu gouverne l'univers et décide souverainement du sort des hommes. Bien sûr! Prétendre que la volonté d'une créature puisse s'imposer à Dieu et mettre ainsi une limite à sa toute-puissance, une barrière à sa Providence, un obstacle à ses desseins, est insensé. Ce que saint Augustin enseigne de la grâce le conduisait nécessairement à reconnaître la prédestination absolue des justes à la grâce et à la gloire mais, sans nier toute réprobation des méchants qui les conduirait positivement au péché et à la damnation.

 

- PRÉDESTINATION DES JUSTES

Que Dieu choisisse ses élus avant toute considération de leurs mérites est, pour saint Augustin, une chose certaine puisque nul mérite n'appartient en propre à l'homme, tout lui vient de Dieu, cause première et déterminante de toute œuvre bonne: en couronnant ses saints pour leurs mérites, il couronne en eux ses propres dons! La prédestination des saints est donc absolue et gratuite. Dieu choisit qui il veut et à ceux-là il donne les moyens d'être librement tels qu'il les veut. Le chrétien adore le mystère de la Prédestination sans pourtant le redouter exagérément car, rappelle sans cesse le Docteur de la Grâce, Dieu est juste dans ses jugements.

 

RÉPROBATION DES MÉCHANTS

Saint Augustin, dans le feu de la controverse, a dû mettre en grand relief ce qu'on nommera plus tard «la volonté absolue et conséquente» de Dieu, celle qui arrête le choix décidé et effectif des prédestinés à la grâce et à la gloire. Il n'affirme aucunement une «volonté antécédente» qui appelle toutes les âmes au salut et leur donne les grâces suffisantes pour y atteindre, car il est conscient que tous ne sont pas élus au salut. Bien plus, il sera conduit à noircir ce tableau qui déjà accable l'esprit et suscite la terreur panique de la réprobation. Remarquant l'état de péché et d'injustice dans lequel naît tout fils d'Adam, il y trouve une raison positive de réprobation suffisant à justifier la damnation de tous. Que certains aient été tirés de cette «masse damnée» est l'effet d'une prédestination positive. Les autres, tous les autres, sont laissés dans cette juste réprobation du seul fait que Dieu les a laissé de côté afin qu'ils récoltent le salaire de leur égarement et la condamnation éternelle qui leur revient.

 

Ce rejet de Dieu doit-il s'entendre indépendamment ou selon la prévision du démérite de ces créatures ainsi laissées dans leur réprobation originelle ? Pour les réprouvés la question ne se pose même pas. Pour eux, ce rejet est antérieur à toute considération de leur vie, et pourtant celle-ci correspondra en toute justice à cette réprobation, comme l'avait désigné d'avance celui qui les rejeta. Le mal n'est pas venu de Dieu mais de sa créature qui l'avait choisie en se déclarant indépendante de lui et responsable de son existence, comme il le savait d'avance, puisqu'il a déterminé le cour de leur vie et les laissa à eux-mêmes comme il avait prévu afin de manifester sa justice.

 

RÉSUMÉ DES DOCTRINES DE SAINT AUGUSTIN ET DE PÉLAGE

La doctrine de la prédestination selon Augustin est rude et terrible à l'esprit de l'homme. N'oublions pas qu'elle en était seulement la première ébauche et que sa notion fut perfectionnée à travers les temps, surtout par les Réformateurs qui la reprisent et la développèrent davantage. Toutefois, c'est la seule qui mette le chrétien en face du Dieu Vivant et Vrai, Dieu de Majesté manifesté dans la chair en Jésus-Christ, et lui rappelle le néant de la créature dont la nature est complètement déchue depuis la Chute. En outre, terrible dans ses principes, cette doctrine est douce dans sa pratique, car du fond de l'abîme de son effroi, celui qui est élu se jette dans l'océan de la miséricorde divine avec confiance et accourt à Christ pour en recevoir gratuitement le don du salut. Elle est la position du Calvinisme Traditionnel, de même que celle du Calvinisme Marginal, ce dernier l'ayant amplifié encore plus dans un aspect ultra-lapsérien qui remet la gloire à Christ.

 

La doctrine de la postdestination selon Pélage est douce au contraire et satisfait la présomption de l'homme, mais dans sa pratique elle ne peut qu'infliger à l'assurance de faire soi-même son salut le plus cruel et le plus désespérant démenti. Car le pélagien ou arminien se voit implacablement, sans plus de recours à rien, à personne, s'enfoncer lui-même volontairement et librement dans la voie de la perdition en méritant pleinement, selon sa propre doctrine, la damnation éternelle. Elle est la position du Christianisme contrefait moderne et des sectes dites Évangéliques qui l'ont développé davantage dans un aspect ultra-éclectique et qui remet la gloire à l'homme. Elle fut développée davantage dans la doctrine de l'hypogrâce des efforts de l'homme, inventée par certains hérétiques au sein de la mouvance charismatique de la troisième vague pour s'opposer à l'hypergrâce de la souveraineté absolue de Dieu.

 

La prédestination a toujours constitué un élément important mais difficile pour la théologie chrétienne et pour la majorité des simples chrétiens, car elle paraît s'opposer brutalement à d'autres facteurs de la croyance moderne, tels que la liberté humaine, l'universalité du dessein de salut de Dieu ou salut pour tous les hommes, l'importance de l'histoire face à l'éternité, la connaissance de la révélation face à l'incompréhensibilité des voies de Dieu, la soif de posséder des dons de puissances, la glorification de la dignité humaine. Pourtant, peu de doctrines théologiques ont eu autant de force créatrice que la double prédestination. Aussi la seule garantie de l'exécution du dessein de Dieu repose sur la prédestination de l'individu. Ce n'est que dans la double prédestination que l'histoire du monde, aussi bien que celle du royaume de Dieu et de chaque croyant, trouve une base assurée. Évidemment les supposés chrétiens ne peuvent admettre ceci. Ils craignent tellement de porter atteinte à la responsabilité de l'homme qu'ils chérissent tellement au point de l'idolâtrie même, qu'ils rejettent la doctrine de la prédestination divine comme privant l'homme de sa liberté de volonté et d'action. L’Écriture ne partage pas cette crainte-là, ni approuve-t-elle cette forme moderne d'idolâtrie.

 

A Christ seul soit la Gloire