PÉRIODE INTERTESTAMENTAIRE
par Jean leDuc
Alexandre et la
conquête de l'Orient;
La mort d'Alexandre et
le partage de son empire;
Le sort de la Koilé-Syrie;
L'affaire Héliodore;
Antiochos IV Epiphane
(175-164/163);
La prise de pouvoir de
Jason;
Le règne de Ménélas;
La persécution de
168-166;
Le début de la révolte
(166);
Les premières
victoires et la reconsécration du Temple
(164);
Judas Maccabée sauvé
par le gong;
La mort de Judas (160);
Les opérations de
Jonathan;
La victoire de Simon;
Les Asmonéens au
pouvoir;
Intervention romaine.
"Pour obtenir
une bonne compréhension du livre de
Daniel, particulièrement du chapitre 11,
il est nécessaire d'avoir connaissance
des évènements qui se déroulèrent dans
la période intertestamentaire, et dont
cet article en donne un bref exposé".
Alexandre et la
conquête de l'Orient
En -330, le roi de Macédoine Alexandre
le Grand achève sa conquête de l'Orient.
Il triomphe du roi des Perses Darius III
et coalise sous une même autorité le
plus grand empire que l'Antiquité ait
jusqu'alors connu. Son empire, outre la
Grèce, regroupe l'Égypte, le pays de
Canaan et toute la Mésopotamie jusqu'aux
rives de l'Indus.
La conquête d'Alexandre n'est pas qu'une
opération militaire. On peut à
proprement parler d'une conquête
culturelle. Avec Alexandre, c'est le
monde de la culture grecque qui fait
irruption dans l'ancien Orient:
philosophie, mathématiques, poésie...
sans oublier la langue. Le grec va
devenir la langue commune de tout
l'Orient, nécessaire pour commercer ou
entrer en relation avec
l'administration. La cité grecque va
devenir le modèle des villes nouvelles,
dont la plus célèbre sera bientôt la
fameuse Alexandrie d'Égypte. Même les
anciennes cités se mettent au goût du
jour et se construisent gymnases,
théâtres et acropoles. Ce mouvement
culturel est connu sous le nom
d'hellénisation.
La mort d'Alexandre et
le partage de son empire
Tout semblait bien parti pour durer,
mais Alexandre décède à 33 ans le 23
Juin 323. Il meurt jeune et surtout sans
héritier évident (un enfant encore à
naître et un demi-frère
psychologiquement fragile). Tant et si
bien que ce sont ses officiers qui vont
se partager son empire. Deux d'entre eux
vont se partager l'Europe et deux autres
l'ancien Orient. Ces quatre successeurs
d'Alexandre sont connus sous le nom
dediadoques (du terme grec qui veut dire
"héritier").
En ce qui concerne l'histoire
biblique, deux diadoques vont fonder des
dynasties durables:
Les LAGIDES |
Les SELEUCIDES |
Territoire lors du
partage: Égypte +
Canaan |
Territoire lors du
partage: Mésopotamie |
Les principaux rois:
• Ptolémée I Sôter (dcd
285)
• Ptolémée II
Philadelphe (285-246)
• Ptolémée III Evergète
(246-221)
• Ptolémée IV Philopator
(221-203)
• Ptolémée V Epiphane
(203-180)
• Ptolémée VI Philométor
(180-145)
• Ptolémée VII Physkon
(145-116)
En pratique, tous les
rois s'appellent
Ptolémée
et seul leur surnom
permet de les
différencier. |
Les principaux rois:
• Séleucos I Nikator (dcd
280)
• Antiochos I Sôter
(280-261)
• Antiochos II Théos
(261-247)
• Séleucos II Kallinikos
(247-226)
• Séleucos III Sôter
(226-223)
• Antiochos III Megas
(223-187)
• Séleucos IV Philopator
(187-175)
• Antiochos IV Epiphane
(175-164/163)
• Antiochos V Eupator
(164/163-162)
• Démétrios I Sôter
(162-150)
• Alexandre Balas
(152-145)
• Antiochos VI Théos
(145-141)
• Antiochos VII Evergète
Sidétès (138-129)
• Démétrios II Nikator
(129-125)
• Antiochos VIII
Philométor (125-96)
• Antiochos IX
Philopator (115-95) |
|
Le
sort de la Koilé-Syrie
La Judée et la Samarie, autrefois
province de l'empire perse appartenant à
la Transeuphratène deviennent une
province de l'empire lagide désormais
appelée la Koilé-Syrie (la Syrie de
l'intérieur). L'histoire va se répéter.
De même que le pays de Canaan avait été
autrefois objet de litiges entre
l'Égypte et les empires mésopotamiens,
la Koilé-Syrie va devenir une terre
convoitée aussi bien par les Lagides que
par les Séleucides. Plusieurs
générations de rois vont se battre pour
dominer cette province. En 200, le
séleucide Antiochos III Mégas (le Grand)
reporte une victoire décisive sur les
Lagides à Panion (aujourd'hui Banias,
aux sources du Jourdain). La Koilé-Syrie
passe alors durablement dans le camp
séleucide.
A Jérusalem, le pouvoir est
essentiellement entre les mains du
Grand-Prêtre ONIAS III (dont les alliés
formeront le groupe des Oniades). Onias
III a ouvert le Temple de Jérusalem à un
homme d'affaires originaire d'Ammon (un
royaume voisin d'Israël). Ce financier,
nommé Hyrkan, possède une succursale de
sa maison de banque et de commerce au
cœur même des bâtiments du Temple et il
contribue à sa richesse. D'importantes
sommes d'argent sont ainsi mises à la
disposition d'Onias.
Mais, pour son malheur, Hyrkan a sept
demi-frères (descendants d'un certain
Tobias, si bien que le parti de ces
demi-frères d'Hyrkan formera le groupe
des Tobiades). Ceux-ci se sont brouillés
avec lui et ont rejoint le pouvoir
séleucide. Lorsque la Koilé-Syrie tombe
aux mains des Séleucides, ceux-ci
pourront compter sur le soutien des
Tobiades, alors que Hyrkan reste dans le
camp lagide, car son siège social est en
Ammon, toujours sous le contrôle des
Ptolémées.
L'affaire Héliodore
Grâce à l'appui d'Onias, Hyrkan réussit
à faire expulser de Jérusalem ses
demi-frères. Ceux-ci préparent avec soin
leur riposte. Ils ont pour allié un
certain Simon qui est administrateur
d'une partie du Temple. Comme le nouveau
souverain séleucide a de gros besoins
d'argent pour payer un fort tribu aux
Romains qui l'avaient battu à plate
couture quelques temps auparavant, Simon
va lui suggérer de faire une descente au
temple et de rafler l'argent d'Hyrkan
mis en dépôt auprès d'Onias. Le roi
Séleucos IV envoie donc son ministre des
finances Héliodore pour aller chercher
le magot dans le Temple. Sa prétention à
entrer dans le Temple entraîne une
véritable émeute dans la ville. Sans que
l'on puisse savoir exactement ce qui
s'est passé, intervention miraculeuse ou
coup de force des partisans des
Lagides), Héliodore est roué de coups et
empêché d'entrer. Onias devra en
personne aller présenter ses excuses au
roi pour le mauvais traitement infligé à
son ministre.
Antiochos IV Epiphane
(175-164/163)
En -175, Antiochos IV modestement
surnommé "Epiphane", c'est à dire
"manifestation de Dieu" prend le pouvoir
sur l'empire séleucide. C'est vers lui
que vont se tourner les Tobiades.
Antiochos IV est en proie à un double
souci: d'une part, payer aux Romains de
fortes sommes d'argent afin de
s'acquitter de son tribu de vassalité,
d'autre part, assurer la cohérence d'un
empire regroupant de multiples langues
et peuples. Pour ce faire, il va
chercher à l'homogénéiser sous la
bannière de la culture grecque.
La prise de pouvoir de
Jason
Les Tobiades vont piloter en sous-main
un frère d'Onias, un certain Jésus qui a
pris le nom grec de Jason et qui est un
partisan de l'hellénisation à outrance.
Jason va revendiquer le souverain
pontificat et plaider sa cause auprès
d'Antiochos. Comme Antiochos doit
toujours payer le tribu à Rome, Jason a
l'habileté de lui proposer une forte
somme en échange de sa nomination.
Gagnant tant du coté de son programme
d'hellénisation que du coté finances,
Antiochos dépose Onias III et nomme
Jason Grand Prêtre. Pour la première
fois, mais pas la dernière, le souverain
pontificat n'est plus dans la suite
d'une succession régulière mais devient
une charge qui s'achète.
Jason va mettre en oeuvre son programme
d'hellénisation à Jérusalem, notamment
la construction d'un gymnase, ce qui va
scandaliser une partie de la population
car les athlètes s'y entraînent
entièrement nus. Comme dans ces
conditions fort dévêtues la circoncision
devient un signe extérieur gênant,
d'habiles chirurgiens proposent des
interventions pour en dissimuler la
trace. Le Grand Prêtre Jason ira jusqu'à
utiliser l'argent du Temple pour offrir
des sacrifices aux idoles étrangères.
Le règne de Ménélas
Trouvant que l'hellénisation ne
progresse pas assez vite, Antiochos va
commencer à suspecter Jason qui reste
quand même le frère du Grand Prêtre
légitime Onias. Un homme de paille des
Tobiades, un certain Ménélas, frère du
Simon de l'affaire Héliodore, va poser
sa candidature au souverain pontificat
en offrant une somme encore plus
alléchante. Il obtient sa nomination en
170 et Jason est à son tour déposé.
Notons que pour la première fois, le
sacerdoce passe à un homme étranger à la
lignée de Sadoq.
Tout cela indique où en était tombé la
hiérarchie sacerdotale à Jérusalem!
Jason ne va pas se décourager et il va
devenir chef de bande. Avec ses troupes,
il attaque Ménélas à Jérusalem et le
contraint à s'enfermer dans l'acropole
sous la protection des troupes royales.
Cet incident va décider Antiochos à
intervenir directement dans les affaires
d'Israël et à prendre en main
personnellement l'hellénisation de la
Judée.
La persécution de
168-166
Antiochos va agir avec brutalité, en
commençant par l'élimination du parti
pro-Lagides et des partisans de Jason.
Pour récupérer l'argent que Ménélas
n'avait pu payer, il pille le Temple et
emporte tous les objets de valeur. Puis
il confie la suite de l'hellénisation
forcés à son lieutenant Appolonios.
Celui-ci va poursuivre les massacres et
démolir l'enceinte de Jérusalem que
Néhémie avait fait rebâtir à
grand-peine. Pour s'assurer du calme de
la capitale, il fait bâtir une grande
forteresse, nommée l'Akra avec les
pierres du rempart, et il la garnit
d'une forte garnison royale.
L'hellénisation prend ensuite une autre
tournure avec l'interdiction pure et
simple du culte yahviste. Les livres de
la Torah sont saisis et brûlés. La
circoncision devient passible de peine
de mort, ainsi que la pratique du
shabbat. Enfin, pour couronner le tout,
on érige dans le Temple une statue de
Zeus Olympien (15 décembre 167). Le
temple samaritain concurrent du Garizim
subira le même sort et sera également
consacré à Zeus. Ordre est donné à tous
les habitants d'Israël de procéder à des
sacrifices païens en faveur d'Antiochos.
L'histoire des Maccabées nous rapporte
que bon nombre d'Israélites ont fait bon
accueil à ces mesures. Certains vont
être victimes des persécutions, comme
nous les rapporte aussi l'histoire des
Maccabées. Enfin, certains vont fuir les
villes où la pression de l'occupant est
trop forte, pour se réfugier dans les
steppes et pouvoir y continuer un mode
de vie en accord avec leur foi. Ce
groupe de fidèles va prendre le nom
d'Assidéens, de l'hébreu Hassidim, les
Pieux. Les Assidéens se contentent d'une
résistance passive, fuyant le contact
avec les zones sous contrôle païen.
C'est sans doute dans ces milieux qu'il
faut rechercher l'origine des Esséniens
de la communauté de Qumrân, dont on
retrouvera dans leurs documents à la
fois le désir de fuir tout contact avec
les impurs et la non-reconnaissance du
sacerdoce de Jérusalem du fait de la
rupture de la filiation sadocite. C'est
également à cette époque qu'il convient
de placer la compilation et la rédaction
des livres pseudipigraphes comme: le
Livre d'Énoch, le Testament des Douzes
Patriarches, l'Apocalypse d'Abraham, et
plusieurs autres.
Le début de la révolte
(166)
A coté des Assidéens qui font de la
résistance passive va se lever un autre
groupe décidé à l'affrontement armé.
Cette révolte va se focaliser autour de
la famille d'un chef de clan de Modin,
un nommé Matathias, dont le fils Judas
surnommé Maccabée, (c'est à dire "le
marteau de Dieu" car il tombait comme le
marteau sur ses ennemis) va donner le
nom à toute la lignée, les Maccabées. En
166, lors d'une tournée d'inspection
d'un fonctionnaire royal chargé de
s'assurer du bon déroulement du culte
païen, Matathias se rebelle et tue le
fonctionnaire, ainsi qu'un de son
village qui avait sacrifié aux idoles.
Pour éviter d'immédiates représailles,
il prend le maquis avec ses cinq fils.
Décédé peu après, c'est Judas Maccabée
qui va prendre la tête de ce mouvement
de rébellion qui va rapidement attirer à
lui un certain nombre de mécontents
désireux d'en découdre avec
l'adversaire. Averti de ce coup de
force, Apollonios mène au combat une
petite force de représailles. Hélas pour
lui, il sous-estime complètement
l'adversité et sa troupe est décimée.
Lui-même trouvera la mort dans le
combat. Ce n'est encore qu'une
échauffourée, mais elle a permis à Judas
d'armer ses troupes en dépouillant ses
ennemis.
Les premières
victoires et la reconsécration du Temple
(164)
En 165 et 164, des affrontements plus
importants vont se dérouler contre des
forces importantes chargées de mater la
rébellion judéenne. Elles tournent en
faveur de Judas, d'autant plus
facilement qu'Antiochos est occupé à une
expédition sur sa lointaine frontière
orientale. Comme commence à courir le
bruit de sa mort, son général Lysias
préfère suspendre les opérations en
Judée. Pour ne pas laisser sur ses
arrières un pays non pacifié, il conclut
un pacte avec Judas accordant aux Juifs
la liberté religieuse et le respect de
leur mode de vie. Le Grand Prêtre
Ménélas, qui a senti de quel coté le
vent soufflait intervient en faveur de
Judas et sert d'intermédiaire pour cet
accord. Judas profite de cette trêve
pour établir un lien diplomatique avec
Rome, de qui il obtiendra un soutien de
principe, mais bien sûr aucune aide
concrète. Profitant de la trêve, les
Assidéens peuvent revenir à Jérusalem,
et Judas entreprend le nettoyage du
temple. L'idole est démolie et l'autel
reconsacré le 25 décembre -164. Cette
nouvelle dédicace du Temple est encore
célébrée aujourd'hui lors de la fête d'Hanukkah.
Mais à coté du Temple, la forteresse de
l'Akra demeure remplie de troupes
fidèles aux Séleucides. Judas profite du
calme pour mener des opérations
anti-hellénisme en Galilée et en
Transjordanie.
Judas Maccabée sauvé
par le gong
Après la mort d'Antiochos en 163, Lysias
prend le contrôle du royaume contre la
volonté du testament du roi, en tant que
régent du jeune Antiochos V, alors que
le roi avait désigne Philippe comme
régent. A la nouvelle de la mort du
tyran, Judas Maccabée a entrepris le
siège de l'Akra. Les défenseurs
appellent au secours et Lysias décide de
reprendre une campagne contre
l'agitation en Judée. Il attaque en
force, avec l'arme absolue de l'époque,
les éléphants de guerre. La
confrontation avec les troupes de Judas
tourne à la déroute pour les rebelles.
Eléazar, un jeune frère de Judas, trouve
la mort en essayant de tuer un éléphant
sur lequel il croit à tort que se trouve
le jeune roi. Les forces de Judas sont
totalement mises en déroute.
Heureusement pour eux, le régent évincé,
Philippe, a pris les armes et monte
contre l'usurpateur Lysias. Celui-ci
doit donc lever le siège et foncer à la
rencontre de son rival. Encore une fois,
il signe une trêve avec Judas pour ne
pas laisser sur son arrière garde un
pays instable. Comme il faut bien que
quelqu'un paye pour tous ces troubles,
c'est le Grand Prêtre Ménélas qui fait
les frais de l'opération et qui est
exécuté. Ceci permet de choisir un
nouveau Grand Prêtre, toujours fervent
de l'hellénisme, mais à nouveau de
lignée sacerdotale, un certain Alcime.
La mort de Judas (160)
La confrontation entre Lysias et
Philippe se termina mal pour les deux.
Le jeune roi Antiochos a été assassiné
par Lysias lui-même pour mettre sur le
trône Démétrios I. C'est vers Démétrios
que se tournent les partisans d'Alcime
pour que celui-ci l'installe comme Grand
Prêtre. Cette mission est confiée au
général Bacchidès en 161.
C'est donc la reprise des affrontements.
Mais Judas est en difficulté car il est
lâché par beaucoup d'Assidéens qui
reconnaissent la légitimité d'Alcime du
fait de son lignage. Cette trahison ne
profitera pas à ces Assidéens que
Bacchidès fera massacrer en masse. Après
une dernière victoire contre Nicanor, l'éléphantarque
du roi, Bacchidès revient à la charge
avec des troupes imposantes. En avril
160, Judas est abandonné par la plupart
de ses soldats. Il se lance dans une
dernière charge dont bien sûr il ne
reviendra pas.
Les opérations de
Jonathan
Il reste heureusement pour le parti de
la rébellion trois frères de Judas.
C'est Jonathan qui prend le commandement
après la mort de Judas. Les rebelles
n'ont plus les moyens de mener une
guerre de contact. La rébellion se
replie vers le désert et se contente
pendant quelques années de modestes
opérations de guérilla aux frontières.
C'est plus ou moins la paix en Israël.
Progressivement, les forces maccabéennes
reprennent pied dans le pays, favorisées
par les graves dissensions qui divisent
le parti helléniste. Jonathan, surnommé
à juste titre le rusé, ou le
dissimulateur, va admirablement se
servir des événements pour faire
progresser sa cause. En -153, un certain
Alexandre Balas, qui se dit fils
d'Antiochos Epiphane, conteste la
royauté de Démétrios. Il débarque avec
ses troupes à Ptolémaïs (St Jean
d'Acre). Pour éviter que Jonathan et ses
forces ne rejoignent Balas, Démétrios
lui propose de le reconnaître comme
gouverneur de Judée! Jonathan accepte
l'offre et entre à Jérusalem comme
lieutenant du roi. En fait, il travaille
pour sa propre cause et il use de cette
toute nouvelle autorité pour refortifier
Jérusalem et isoler la fameuse
forteresse d'Akra toujours aux mains des
Séleucides. Alexandre Balas ne va pas
rester inactif. Il fait aussi une offre
à Jonathan, beaucoup plus alléchante que
celle de Démétrios. Il propose de nommer
Jonathan ami du roi, de le ceindre de la
couronne et de l'établir Grand Prêtre.
Jonathan change immédiatement de camp et
c'est en tant que Grand Prêtre qu'il
officie en -152. Il a choisi le bon
camp, car Balas triomphe de Démétrios et
prend le pouvoir royal en -150. Pendant
la guerre qui va encore une fois opposer
les Lagides aux Séleucides, Jonathan
reste prudemment neutre et soutient
alternativement l'un et l'autre camp. Il
en profite surtout pour étendre le
territoire sous sa juridiction. Il en
fera cependant un peu trop, et il sera
assassiné après trahison en -143 par
Tryphon, le Séleucide régnant alors.
La victoire de Simon
La direction des opérations militaires
et diplomatiques maccabéennes passe
alors à Simon, un des deux frères
survivant. Comme Jonathan, Simon va
jouer habillement la carte des querelles
de succession Séleucides et récupérer
tous les privilèges dont jouissait
Jonathan. En -141, il réussit même à se
défaire de l'Akra. En -140, on organise
une célébration pour donner à Simon une
certaine légitimité en tant que Grand
Prêtre alors qu'il n'est pas de lignée
sadocite. Bien qu'il ne porte pas le
titre de roi, Simon obtient de fait la
quasi-indépendance d'Israël. Il est tout
à la fois Grand Prêtre et chef
politique. Il va rétablir une succession
héréditaire dans ces deux domaines,
fondant ainsi la dynastie des Asmonéens.
Les Asmonéens au
pouvoir
Le règne de Simon va se dérouler dans un
climat de paix et de joie après ces
années d'oppressions. Cependant, Simon
va connaître une fin violente assassiné
par un opposant en -134. Cette tentative
de coup d'état échouera et le fils de
Simon,Jean Hyrkan, va lui succéder à la
tête d'Israël. C'est vers cette époque
que s'achève les récit des livres des
Maccabées et seul l'historien Flavius
Josèphe couvre la période suivante.
Le règne de Jean Hyrkan sera prospère,
pratiquement totalement indépendant des
Séleucides. Il va en profiter pour
étendre son territoire, en imposant de
force la conversion au Yahvisme des
populations conquises. Ce sera le cas de
l'Idumée, le territoire situé au sud de
la Judée. Du fait de cette conversion
forcée, les Iduméens seront dès lors
considérés comme faisant partie de la
nation juive. Nous retrouverons
ultérieurement un Iduméen célèbre qui
jouera un rôle dans les affaires
d'Israël, à savoir Hérode le Grand.
C'est également vers cette époque que
vont se constituer, ou tout du moins
affirmer leurs différences, les deux
grands partis religieux que nous
retrouverons dans le Nouveau
Testament,les Pharisiens et les
Sadducéens. Les Pharisiens, dont le nom
pourrait bien signifier les "séparés",
semblent être la continuation du groupe
jusqu'alors informel des Assidéens, dont
on sait qu'ils étaient regroupés en
congrégations. Les Pharisiens vont en
tout cas manifester les mêmes
préoccupations que les Assidéens de la
période maccabéenne, soucieux d'une
stricte observance de la loi, désireux
de se préserver de la souillure
engendrée par le contact avec les
tenants de l'hellénisme, et finalement
peu enclins à agir dans le domaine
politique, du moins au début. Leur
organisation est laïque, indépendante du
clergé attaché au Temple, mais centrée
sur des scribes commentateurs de la loi,
un peu dans la ligne d'Esdras. A
l'inverse, les Sadducéens, dont le nom
vient probablement du prêtre Sadoq, se
considèrent comme les détenteurs du
sacerdoce légitime. Ils recrutent
essentiellement dans la classe
sacerdotale, et possèdent de nombreux
alliés politiques dans l'aristocratie.
Dans l'ensemble, ils sont plutôt ouverts
à l'hellénisme, et dès le début, du fait
du rôle politique affirmé du Grand
Prêtre, ils jouent un rôle dans le vie
politique du pays. En fait, on ne
connaît les Sadducéens pratiquement que
par de la littérature d'origine
pharisienne, et cette dernière ne fait
pas d'eux un portrait très élogieux,
allant jusqu'à les accuser d'impiété. Si
on considère le comportement des Grands
Prêtres de la période grecque, il est
possible que cette accusation ne soit
pas sans fondements.
Quoi qu'il en soit, Jean Hyrkan va
adhérer au parti sadducéen et concevoir
une vive hostilité contre les
Pharisiens, qui lui reprochent entre
autre de réunir en un seul homme la
fonction de chef politique et militaire
et de Grand Prêtre. Par ailleurs, Hyrkan
va se comporter comme la plupart des
souverains hellénisés de son temps,
recourant notamment au recrutement de
troupes mercenaires étrangères pour
mener ses opérations de colonisation.
Selon Josèphe, Hyrkan alla jusqu'à
piller le tombeau de David pour payer
ses mercenaires. Cette anecdote
montre le changement qui s'est opéré en
une seule génération depuis Judas
Maccabée. Lorsque Jean Hyrkan meurt en
-104, la Judée est à l'apogée de sa
puissance depuis le retour d'exil et
possède de fait l'indépendance d'un
royaume autonome.
Après le règne d'Aristobule I, surnommé
le philhelène (l'ami de l'hellénisme, ce
qui veut tout dire), nous arrivons au
règne d'Alexandre Jannée (103-76) qui
va officiellement prendre le titre de
roi, rompant ainsi définitivement avec
l'idée que la royauté en Juda ne puisse
appartenir qu'à la lignée de David.
Cette usurpation du pouvoir royal va
exacerber l'hostilité des Pharisiens qui
vont provoquer un esclandre lors d'une
cérémonie au Temple que préside
Alexandre Jannée en tant que Grand
Prêtre. Le roi répondra par la manière
forte et des soulèvements se produiront
un peu partout dans le pays, stimulés
par les Pharisiens qui sont très aimés
dans le peuple. La répression sera
terrible, Josèphe parle d'environ 50000
juifs massacrés par les troupes
mercenaires d'Alexandre. Les Pharisiens
vont alors appeler à leur secours le
Séleucide régnant alors, Démétrios III.
En -88, celui-ci arrive avec des troupes
et il écrase les forces d'Alexandre
Jannée, forçant ce dernier à fuir dans
les montagnes. Mais alors le parti
Pharisien craignit que Démétrios ne
reproduise le comportement d'Antiochos
Epiphane, et ils le trahirent après que
celui-ci eut battu Alexandre Jannée.
Démétrios dut repartir face à un pays
dont tous les éléments lui étaient
désormais hostiles. Sitôt le Séleucide
hors de vue, Alexandre Jannée sortit de
sa tanière et fit payer cher aux
Pharisiens et à leurs alliés leur
tentative de rébellion. A titre
d'exemple, il en fit crucifier 800 à
Jérusalem et fit massacrer leurs
familles devant eux. Alexandre sombra
dans l'alcoolisme et mourut de ce qui
pourrait bien être une cirrhose. Dans
son testament, il confia la royauté à sa
femme,Salomé Alexandra, avec un
surprenant revirement. En effet, il lui
recommandait de faire la paix avec les
Pharisiens et d'associer ces derniers à
la vie politique du pays. Salomé
Alexandra (76-67) respecta ce désir et
son règne fut une période de prospérité
pour les Pharisiens qui en pratique
assurèrent le gouvernement du pays.
C'est alors que les Sadducéens perdirent
la majorité au conseil du Sanhédrin.
A Alexandra succédera son fils cadet
Aristobule II qui avait réussi à évincer
son frère aîné Hyrkan. Mais Hyrkan a un
ami puissant, l'Iduméen Antipater, allié
du roi nabatéen Arétas. Ces deux rois
vont lever des troupes et marcher contre
Aristobule pour placer Hyrkan sur le
trône. Lors du siège de Jérusalem en -65
par les troupes nabatéennes, le
sanhédrin se divisa, les Pharisiens
prenant le parti d'Hyrkan, et les
Sadducéens celui d'Aristobule. La
situation semblait sans issue et le
siège parti pour durer, quand un élément
extérieur vint bouleverser la donne.
Intervention romaine
En effet, cette querelle interne servait
magnifiquement les affaires des Romains
dont les armées de Pompée se trouvent
alors en Syrie. Pompée délègue un légat
pour arbitrer la querelle entre les deux
frères. Ce légat se prononce alors en
faveur d'Aristobule et ordonne aux
troupes nabatéennes de lever le siège,
ce à quoi elles doivent bien obéir, ne
pouvant évidemment affronter les légions
romaines. Antipater revient à la charge
et plaide en faveur d'Hyrkan auprès de
Pompée lui-même. En -63, celui-ci
ordonne un arbitrage entre les deux
frères. Pressentant que l'issue de cet
arbitrage risque de lui être
défavorable, Aristobule entre en conflit
avec Pompée et après quelques
vicissitudes s'enferme dans Jérusalem
aussitôt assiégée par Pompée. A
l'automne -63, la ville est prise par
les troupes romaines. Il s'en suit un
massacre, dont il semble bien que la
responsabilité incombe davantage aux
Pharisiens amis d'Hyrkan qu'aux troupes
romaines. En pratique, cette victoire de
Pompée marque la fin de la période
grecque. La dynastie asmonéenne va
encore régner quelques temps. D'abord
Hyrkan, qui est intronisé roi et Grand
Prêtre à la place de son frère. Lors du
conflit qui opposa César à Pompée,
Aristobule crut pouvoir prendre sa
revanche, mais il fut assassiné ainsi
que son fils par les partisans d'Hyrkan.
Soutenant d'abord Pompée, l'Iduméen
Antipater sentit rapidement de quel coté
soufflait le vent et il prit fait et
cause pour César. Dès lors, Antipater ne
va cesser de montre en puissance, et
comme les Iduméens étaient assimilés à
la nation juive, cette dernière en
profita pour avoir un statut privilégié
auprès des Romains. Antipater en profite
pour placer ses fils gouverneurs,
notamment le jeune Hérode qui se
retrouve à 15 ans gouverneur de Galilée.
Après la mort de son père en -43, Hérode
va bénéficier à son tour du soutien des
Romains. Il entrera en conflit avec le
dernier Asmonéen Antigone. En -37,
Hérode entre victorieux à Jérusalem. On
est à l'aube de l'ère néotestamentaire,
de la naissance miraculeuse du Seigneur
Jésus-Christ en –4, et de son ministère
de trois ans et demi en Israël, soit 490
ans après la prophétie de Daniel (Daniel
9:23-27).
|