Est-elle passée ou est-elle à venir ? C'est là une question vitale.
D'après la doctrine en faveur aujourd'hui, elle a eu lieu il y a bien des siècles, et les saints de Dieu ne reverront jamais une nuit de souffrance semblable à celle qui précéda l'ère de la Réformation. C'est là le principe fondamental d'un ouvrage qui vient de paraître sous le titre : "Le Grand Exode". "La vérité, nous dit l'auteur, peut avoir à subir de formidables assauts, les saints de Dieu peuvent être cruellement menacés mais quelles que soient leurs terreurs, ils n'ont cependant pas de vraie raison de craindre, car la mer Rouge se séparera, les tribus du Seigneur passeront à travers à pied sec, et tous leurs ennemis, comme Pharaon et son armée, seront engloutis dans une effrayante catastrophe." Si la doctrine soutenue par plusieurs des interprètes parmi les plus sobres de l'Écriture pendant le siècle dernier comme Brower, Haddington, Thomas Scott et bien d'autres, était bien fondée, autrement dit si l'anéantissement des témoins est encore à venir, cette théorie doit non seulement être une tromperie, mais une tromperie de la tendance la plus funeste, une tromperie qui en enlevant leur vigilance à ceux qui la professent, plutôt qu'en les obligeant à se tenir comme des soldats aux endroits les plus élevés de la forteresse, et à rendre à Christ un audacieux et invincible témoignage, prépare directement la voie pour cette destruction même des témoins qui est annoncée. Je n'entre dans aucune recherche historique sur la question de savoir si, en fait, il est vrai que les témoins furent égorgés avant l'apparition de Luther. Ceux qui désirent voir un argument historique sur ce sujet peuvent le voir "dans la République rouge", à laquelle je crois qu'on n'a pas encore répondu. Je ne crois pas non plus qu'il vaille la peine d'examiner particulièrement l'affirmation du Dr. Wylie : j'estime que c'est une affirmation pure et gratuite, celle qui consiste à dire que les 1 260 jours pendant lesquels les saints de Dieu, dans les temps évangéliques, eurent a souffrir pour la justice, n'ont aucun rapport, en tant que demi-période, à un tout symbolisé par les sept époques de Nebuchadnezzar, alors qu'il eut à souffrir et fut châtié pour son orgueil et ses blasphèmes, comme représentant du pouvoir du monde (1). Mais je fais simplement remarquer ceci au lecteur, c'est que même d'après la théorie du Dr. Wylie lui-même, les témoins du Christ ne pourraient pas avoir achevé leur témoignage avant la proclamation du décret de l'Immaculée conception. La théorie du Dr. Wylie, et de ceux qui adoptent le même point de vue général que lui, c'est que la fin du témoignage signifie l'accomplissement des éléments du témoignage, c'est-à-dire le témoignage entier et complet contre les erreurs de Rome. Le Dr. Wylie admet lui-même que "le dogme de l'Immaculée Conception (qui a été promulgué seulement ces derniers temps) déclare Marie vraiment divine, et la place sur les autels de Rome pour faire d'elle, dans la pratique, le seul et suprême objet du culte" (Le Grand Exode, p. 109). Cela n'avait jamais été fait ; aussi les erreurs et les blasphèmes de Rome n'ont pas été complets avant que ce décret ne fût promulgué, si même ils l'ont été ce jour-là.
Or, si la corruption et les blasphèmes de Rome ont été incomplets jusqu'à nos jours, s'ils se sont élevés à une hauteur qu'ils n'avaient jamais atteint comme tous l'ont instinctivement senti et déclamé quand ce décret fut lancé, comment ce témoignage des saints pouvait-il être complet avant les jours de Luther ? À quoi sert-il de dire que le principe et le germe de ce décret agissaient longtemps auparavant ? On pourrait en dire autant de toutes les principales erreurs de Rome avant les jours de Luther. Elles étaient toutes développées très largement en essence et en substance presque depuis le jour où Grégoire-le-Grand commande que l'image de la Vierge fut portée dans les processions par lesquelles on suppliait le Très-Haut de chasser la peste de Rome, alors qu'elle faisait de si grands ravages parmi les citoyens de la ville. Mais cela ne prouve nullement qu'elles étaient complétés, ou que les témoins de Christ pouvaient finir leur témoignage en "rendant alors un témoignage entier et complet", contre les erreurs et les corruptions de la papauté. Je soumets ce point de vue au lecteur intelligent pour qu'il l'examine dans un esprit de prière. Si nous n'avons pas
"l'intelligence des temps", c'est en vain que nous attendrons "pour savoir ce que doit faire Israël". Si nous disons : "paix et sûreté", quand le péril nous menace, si nous amoindrissons la nature de ce péril ; nous ne serons pas prêts pour le grand combat, quand il faudra le livrer !
1. L'auteur ne fait pas de l'humiliation du roi de Babylone celle de l'Église. Comment donc peut-il établir une relation entre les sept temps de ces deux cas ? Il semble croire qu'il suffit de trouver un point commun entre Nebuchadnezzar et la puissance qui opprima l'Église pendant deux fois sept temps. Ce point est la "folie" de l'une et l'autre. Mais voici l'objection capitale à cette opinion : la folie de Nebuchadnezzar n'était qu'une affliction ; dans l'autre cas c'était un péché. La folie du roi ne l'entraîna pas à opprimer un seul individu mais la folie de cette puissance terrestre dans cette théorie est essentiellement caractérisée par l'oppression des saints. Où donc est, entre les deux, la moindre analogie ? Les sept temps du roi de Babylone n'étaient que ceux de l'humiliation. Le monarque souffrant ne peut être un type de l'Église souffrante et encore moins ces sept temps d'humiliation profonde. Tout pouvoir et toute force enlevés, peuvent-ils être un type de la puissance terrestre, quand cette puissance allait concentrer toute gloire et grandeur de la terre ? Telle est l'objection funeste à cette théorie. Regardons la phrase suivante et comparons-la au fait historique pour mieux montrer combien la théorie est peu fondée. "Il s'en suit incontestablement, dit l'auteur, que comme l'Église doit être tyrannisée par la puissance idolâtre pendant toute la durée des sept temps, elle sera opprimée pendant la première moitié des sept temps par l'idolâtrie sous la forme du paganisme et pendant la seconde moitié par l'idolâtrie sous la forme de la papauté." Or, les premières 1 260 années de l'oppression de l'Église par l'idolâtrie païenne se sont exactement accomplies, dit-on, en 530 ou 532, quand Justinien amena tout à coup sur la scène un nouvel oppresseur. Mais où trouvait-on la puissance terrestre avant 530 maintenant l'idolâtrie comme paganisme ? Depuis Gratien au moins, en 376, où y avait-il un tel pouvoir persécuteur ? Les nécessités de cette théorie demandent que le paganisme déclaré soit persécuteur de l'Église jusqu'en 532 mais, pendant 156 ans (depuis 376), il n'y eut au monde de pouvoir païen capable de persécuter l'Église. "Les jambes du boiteux, dit Salomon, ne sont pas égales" et si aux 1 260 années annoncées il n'en manque pas moins de 156, on peut dire que cette théorie est bancale.
Mais les faits s'accordent-ils à la théorie pour les secondes 1 260 années coïncidant avec 1792, époque de la Révolution française ? Si ces années d'oppression papale se sont alors terminées et si l'Ancien des jours vint pour commencer le jugement final de la Bête, il a dû venir aussi pour autre chose. C'est ce qui ressort de Daniel (Daniel VII, 21-22) : "Je vis cette corne faire la guerre aux saints, et l'emporter sur eux, jusqu'au moment où l'Ancien des jours vint donner droit aux fils du Très-Haut, et le temps arriva où les saints furent en possession du royaume." Le jugement de la corne et la possession du royaume par les saints sont donc contemporains. Longtemps les gouvernements terrestres ont été menés par des mondains ne connaissant pas Dieu et ne lui obéissant pas. Maintenant que celui à qui appartient toute domination vient frapper ses ennemis, il vient aussi remettre le gouvernement à ceux qui craignent Dieu et suivent sa volonté relée. Or, si 1792 marqua la venue de l'Ancien des jours, les principes de la Parole de Dieu devraient avoir fermenté dans les gouvernements de l'Europe, et des hommes pieux et droits s'être élevés au premier rang de la puissance ! Mais aujourd'hui une seule nation en Europe suit-elle ces principes ? Précisément trois ans après "le commencement de ce signe de justice" débuta cette politique sans principes qui a à peine laissé un vestige de respect apparent pour l'honneur du "Prince des rois de la terre" dans le gouvernement public de cette nation. En 1795, Pitt et le Parlement anglais autorisèrent l'érection du collège catholique romain de Maynooth, qui débuta une carrière où "l'homme de pèche", s'est élevé, année par année, à une puissance qui menace, si la miséricorde divine n'intervient, de nous ramener promptement dans une complète servitude de l'Antéchrist. D'après le Grand Exode, c'est tout le contraire qui aurait dû arriver !
Appendice
Note R, p. 407