L'étendard du Dragon dans la Rome impériale est le symbole du culte du feu.

Ammien Marcellin qui parle de cet étendard, l'appelle "purpureum signum draconis" (liv. XVI, ch. 12, p. 145). À ce propos on se demande : l'épithète purpureum qui indique la couleur du dragon a-t-elle quelque rapport avec le feu ? La citation suivante de Salverté peut jeter quelque lumière sur ce sujet : le dragon figurait parmi les enseignes militaires des Assyriens. Cyrus le fit adopter par les Mèdes et les Perses. Sous les empereurs romains et sous les empereurs de Byzance, chaque cohorte ou centurie avait pour enseigne un dragon (Des Sciences occultes Appendice, note A, p. 486). Il n'y a pas de doute que l'étendard du dragon ou serpent chez les Assyriens et les Perses ne se rapportât au culte du feu, le culte du feu et du serpent étant mêlés ensemble dans ces pays (LAYARD, Ninive et ses ruines, vol. II, p. 468-469). Comme les Romains donc empruntèrent évidemment ces étendards à cette origine, il est à présumer qu'ils les envisageaient à la même lumière que ceux auxquels ils les avaient empruntés, surtout comme cette lumière était si exactement en harmonie avec leur système de culte du feu. L'épithète de purpureus ou pourpre ne nous donne pas naturellement l'idée de le couleur du feu. Mais elle nous donne l'idée du rouge, et le rouge d'une nuance ou de l'autre, a presque unanimement servi chez les nations idolâtres, à représenter le feu. Les Égyptiens (BUNSEN, vol. I, p. 200), les Hindous (MOOR, Le Panthéon, Brahma, p. 6), les Assyriens (LAYARD, Ninive, etc., vol. II, ch. 3, p. 312, note) représentaient tous le feu par le rouge. Les Perses le faisaient aussi, cela est évident, car Quinte Curce parlant des mages qui suivaient le feu sacré et éternel, nous dit que les 365 jeunes gens qui formaient la suite de ces mages étaient revêtus "punicis amicutis", de vêtements écarlates (liv. III, ch. 3, p. 42) ; la couleur de ces vêtements avait évidemment trait au feu dont ils étaient les ministres ; puniceus équivaut à purpureus, car c'est en Phenicie 460

qu'on trouve la pourpre ou le poisson pourpre. La couleur extraite de ce poisson pourpre était l'écarlate (voir KITTO, Comment illust. de l'Exode, XXXV, 35, vol. I, p. 215) ; et c'est le nom même de ce poisson pourpre de Phénicie, "arguna", qui est usité dans Daniel (Daniel V, 16, 29), "celui qui interprétera l'inscription faite sur le mur sera vêtu d'écarlate". Les Tyriens connaissaient l'art de faire de la véritable pourpre aussi bien que le cramoisi, et il paraît hors de doute que purpureus ne soit souvent employé dans le sens attaché d'ordinaire à notre mot pourpre. Mais le sens original de l'épithète est "écarlate", et comme l'écarlate brillant est une couleur naturelle qui représente le feu, ainsi nous avons raison de croire que cette couleur, quand elle était employée pour des vêtements d'apparat chez les Tyriens, avait spécialement rapport au feu ; car le Tyrien Hercule, qui était regardé comme l'inventeur de la pourpre (BRYANT, vol. III, p. 485), était regardé comme le roi du feu, ava^ nupoZ (NONNUS, Dionysiaca, liv. XL, vol. II, 1. 369, p. 223).

Or, quand nous voyons que la pourpre de Tyr produisait la couleur écarlate qui représente naturellement le feu, et que puniceus, qui est l'équivalent de purpureus, est évidemment employé pour écarlate, rien ne nous empêche de comprendre purpureus dans le même sens, tout au contraire nous y oblige. Mais quand même on admettrait que la nuance fût plus foncée, et que purpureus signifierait la vraie pourpre comme le rouge, dont elle est une variété, est la couleur reconnue du feu, comme le serpent était le symbole universellement reconnu du culte du feu, il est fort probable que l'emploi du Dragon rouge sur l'étendard impérial de Route était l'emblème de ce système du culte du feu sur lequel, pensait-on, reposait la sûreté de l'empire !

Appendice

Note Q, p. 399

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