Le nom de la bête

Mais quel rapport peut-il y avoir entre tout ceci et le nom de Lateinos qui, on le croit en général, était le nom de la Bête ? Il y en a beaucoup : et nous avons la preuve que l'opinion commune est parfaitement bien fondée.

Saturne et Lateinos sont exactement synonymes et appartiennent également au même dieu. Le lecteur n'a point oublié les vers de Virgile où nous voyons

Lateinos auquel les Romains ou la race latine font remonter leur origine, représenté avec une auréole autour de la tête afin de montrer qu'il était l'enfant du Soleil (6). Ainsi il est évident que dans l'opinion populaire le Lateinos primitif avait occupé la même position que Saturne dans les mystères où il était aussi adoré comme le rejeton du Soleil. De plus, il est évident que le Romains savaient que le nom de Lateinos veut dire le caché, car leurs ancêtres affirment invariablement que le Latium reçut son nom de Saturne qui y demeurait caché (7). Si donc on se base sur l'étymologie des expressions, même d'après le témoignage des Romains Lateinos est équivalent à "celui qui est caché", c'est-à-dire à Saturne, le dieu du Mystère (8). Tandis que Saturne est le nom de la Bête et renferme le nombre mystique, Lateinos, qui renferme le même nombre, est un nom tout aussi particulier et distinctif de la même bête. Le pape donc, comme chef de la Bête, est également Lateinos ou Saturne, c'est-à-dire la tête du mystère Babylonien.

Quand donc le pape demande que tous les services se célèbrent en latin, c'est comme s'il disait qu'on doit les accomplir dans le langage du Mystère, et quand il appelle son église une église latine, cela équivaut à déclarer que c'est l'église du Mystère. Ainsi, par suite du nom même que le pape a choisi, il a de ses propres mains écrit sur le front de la communion apostate la désignation divine de l'Apocalypse : "Mystère, Babylone la Grande". (Apocalypse XVII, 5).

Ainsi, par voie de pure induction, nous avons été amenés de degré en degré à découvrir que le nombre mystique 666 est marqué d'une manière incontestable et indélébile sur son propre front, et à trouver que celui qui a son siège sur les sept collines de Rome a des titres exclusifs et incontestables à être regardé comme la tête visible de la bête. Le lecteur cependant doit avoir remarqué, s'il a soigneusement observé le passage qui parle du nom et du nombre de la bête de l'Apocalypse, que dans les expressions qui décrivent ce nom et ce nombre, il y a encore une énigme qu'il ne faut pas négliger. Voici ces paroles : "Que celui qui a de l'intelligence compte le nombre de la bête, car c'est le nombre d'un homme." (Apocalypse XIII, 18). Que signifie cette parole : le nombre de la bête est le nombre d'un homme ? Cela veut-il dire simplement qu'il a été appelé d'un nom porté déjà par un homme ? C'est du moins ainsi qu'on l'a compris d'ordinaire. Mais cela ne serait assurément rien de bien distinctif, rien qui ne pût également s'appliquer à une foule de noms.

Mais rapprochez ce langage des faits que nous avons établis, et vous verrez quelle lumière divine jaillit aussitôt de cette expression. Saturne, le dieu caché, le dieu des mystères représenté par le pape, et dont les secrets étaient révélés seulement aux initiés, était identique à Janus, connu publiquement à Rome par les initiés et les profanes comme étant le grand Médiateur, celui qui ouvre et qui ferme, et qui a la clef du monde invisible. Mais que signifie ce nom de Janus ? Ainsi que le montre Cornificius dans Macrobe, c'était à proprement parler "E-anush (9)", mot qui dans l'ancien Chaldéen signifie l'homme. La bête Babylonienne qui sort de la mer était désignée par ce même nom quand elle fit sa première apparition (10). Le nom de E-anush ou l'homme était donné au Messie Babylonien pour l'identifier à la semence promise à la femme. Le nom d'Homme, appliqué à un dieu, devait le désigner comme le dieu homme. Nous avons vu que dans l'Inde, les Hindous Shasters déclarent que pour donner aux dieux le pouvoir de renverser leurs ennemis, il fallait que le Soleil, la divinité suprême, s'incarnât et naquit d'une femme (11). Les nations classiques avaient une légende d'une nature exactement semblable. Il y avait dans le ciel une tradition courante, dit Apollodore, d'après laquelle les géants ne pourraient jamais être conquis que par un homme (12). Cet homme qui, dit-on, avait conquis les adversaires des dieux, était Janus le dieu homme. Par suite de ce caractère et de ces exploits, Janus fut investi de grands pouvoirs, devint le gardien des portes du ciel, et l'arbitre de la destinée éternelle des hommes. Le pape, comme nous l'avons vu, est le représentant légitime de ce Janus, l'homme babylonien ; il porte donc la clef de Janus, et en même temps celle de Cybèle, sa femme-mère ; et aujourd'hui il s'arroge les mêmes titres blasphématoires de ce dieu. Si donc le pape fonde sa prétention à l'hommage universel sur la possession des clefs du ciel et cela dans un sens qui lui donne contrairement à tous les principes du christianisme, le pouvoir d'ouvrir et de fermer les portes de gloire suivant son plaisir et sa volonté souveraine, c'est là une preuve nouvelle et frappante qu'il est chef de cette bête de la mer, dont le nombre, identifié à Janus, est le nombre d'un homme et correspond exactement à 666.

Mais il y a autre chose encore dans le nom de Janus ou Eanus. Janus, tout en étant ouvertement adoré comme Messie ou dieu-homme, était aussi honoré comme principium deorum (13), le principe et la source de tous les dieux païens. Nous l'avons déjà fait remonter, sous ce caractère, par Cush, jusqu'à Noé, mais pour expliquer les prétentions à un si haut caractère dans leur entière plénitude, il faut le faire remonter encore plus haut. À l'époque où les mystères étaient en formation, du temps de Sem et de ses frères qui par le déluge étaient passés du vieux monde dans le nouveau, les païens ne pouvaient guère ignorer l'histoire d'Adam ; aussi pour permettre que l'humanité fût divinisée, il fallait que l'on connût cette dignité supérieure, ce titre de "père des dieux et des hommes". On le connaissait en effet. Les mystères étaient remplis de ses exploits et de ses aventures, et le nom d'E-anush ou, comme il apparaît sous sa forme Égyptienne, Phanesh (14), l'homme, n'était qu'un autre nom de celui de notre père commun. Le nom d'Adam, dans l'hébreu de la Genèse, se rencontre presque toujours avec l'article : il signifie l'Adam ou l'homme. Il y a cependant cette différence ; l'Adam se rapporte à l'homme non tombé ; E-anush l'homme, à l'homme tombé. E-anush donc comme principium deorum, la source et le père des dieux, est l'Adam tombé (15). Le principe de l'idolâtrie païenne tendit directement à l'exaltation de l'humanité déchue, il consacra ses passions, permit à l'homme de vivre selon la chair, et lui promit même après une pareille existence, la félicité éternelle. E-anush, l'homme tombé, fut proclamé comme chef de ce système de corruption, ce mystère d'iniquité.

Maintenant nous en venons à la signification réelle de ce nom appliqué à la divinité communément adorée en Phrygie en même temps que Cybèle sous le même caractère que ce même Janus, qui était à la fois le père des dieux, et la divinité médiatrice. Ce nom était Attès, ou Attis, ou encore Atys (16). On verra clairement le sens de ce nom d'après le mot grec bien connu "Atè" qui veut dire "erreur de péché", et qui vient évidemment du Chaldéen Hâta, pécher. Atys, ou attas, formé du même verbe, et d'une manière semblable, signifie le pécheur. Le lecteur se rappellera que Rhéa ou Cybèle était adorée en Phrygie sous le nom de Idaia Mater, la mère de la science, et qu'elle portait à la main, comme symbole, la grenade qui, nous avons eu des raisons de le croire, était dans l'opinion des païens le fruit de "l'arbre défendu". Qui donc pouvait être la divinité associée à la mère de la science, sinon ce même Attès "le pécheur", son propre mari, auquel elle fit partager son péché, et sa connaissance fatale pour faire ainsi de lui, au sens propre et vrai, l'homme de péché, l'homme par lequel "le péché entra dans le monde, par le péché la mort, et ainsi la mort vint sur tous les hommes parce que tous ont péché (17)".

Or, les gloires et les caractères distinctifs du Messie furent donnés à Attès, cet homme de péché, après qu'il eut passé par ces douleurs et ces souffrances que ses adorateurs célébraient chaque année, Il était identifié avec le soleil (18), le seul dieu ; il était identifié avec Adonis, et c'est à lui que s'applique ce passage du psaume XVI, qui prédit le triomphe de notre Sauveur sur la mort et le tombeau : "Tu ne laisseras pas mon âme dans le sépulcre, tu ne permettras point que ton Saint sente la corruption." (Psaumes XVI, 10).

On sait assez que la première partie de ce passage fut appliquée à Adonis, car les lamentations annuelles des femmes sur Tammuz furent bientôt changées en réjouissances à cause de son prétendu retour du Hadès ou des régions infernales. Mais ce qu'on sait moins, c'est que le paganisme appliquait à son dieu médiateur l'incorruption du corps du Messie. C'est ce que nous apprend cette parole caractéristique de Pausanias : "Agdistis, c'est-à-dire Cybèle, dit-il, obtint de Jupiter qu'aucune partie du corps d'Attès ne tomberait en décomposition ou ne se perdrait (19)."

Ainsi le paganisme applique à Attès, le pécheur, l'honneur incommunicable de Christ qui vint sauver son peuple de ses péchés, comme l'indique le langage divin du doux psalmite d'Israël, un millier d'années avant l'ère chrétienne. Si donc le pape occupe, comme nous l'avons vu, la même place que Janus, l'homme, n'est-il pas évident qu'il occupe aussi la même place qu'Attès le pécheur et dès lors, comme il est frappant à ce point de vue, ce nom d'homme de péché divinement donné par la prophétie (II Thessaloniciens II, 3) à celui qui devait être la tête de l'apostasie chrétienne, et qui devait concentrer dans cette apostasie toute la corruption du paganisme Babylonien !

Ainsi à tous les points de vue le pape est donc la tête visible de la bête. Mais la bête a aussi une tête invisible qui la gouverne. Cette tête invisible n'est autre que Satan, la tête de la première grande apostasie qui commence dans le ciel même. Voici des paroles qui mettent ce point hors de doute : "Ils adorèrent le dragon qui avait donné pouvoir à la bête, en disant : Qui est comme la bête ? Qui est capable de lutter contre elle ?" (Apocalypse XIII, 4). Ce langage montre que le culte du dragon est semblable au culte de la bête. Primitivement le dragon était Satan, le chef ennemi lui-même ; c'est là un fait qui est prouvé par la déclaration du chapitre précédent : "Et le dragon fut précipité dehors, c'est-à-dire l'ancien serpent, appelé le Diable, et Satan qui trompe le monde entier." (Apocalypse XII, 9). Si donc le pape est, comme nous l'avons vu, la tête visible de la bête, les sectateurs de Rome en adorant le pape adorent nécessairement le diable. Avec le langage divin sous les yeux il nous est impossible d'échapper à cette conclusion. Et c'est précisément ce qu'il fallait prévoir en nous plaçant sur un autre terrain. On se rappelle que le pape comme étant le chef du mystère d'iniquité est le fils de perdition, Iscariote le faux apôtre, le traître (Luc XXII, 3). Or, il est expressément

déclaré que Satan, le prince des démons, entra en Judas avant qu'il n'ait commis sa trahison, et prit une entière et complète possession de son âme. Par analogie nous pouvons présumer que le cas fut le même ici. Avant que le pape ne pût même concevoir un pareil projet de noire trahison à la cause du Seigneur, comme on a prouvé qu'il le fit avant d'être qualifié pour exécuter son perfide dessein, il fallait que Satan lui-même entrât en lui. Le mystère d'iniquité allait alors agir et se développer suivant son pouvoir, c'est-à-dire littéralement suivant l'énergie (20) ou la grande puissance de Satan (II Thessaloniciens II, 9). C'est donc Satan, et non un autre esprit subordonné de l'enfer qui doit présider à tout le système d'iniquité sanctionné ; il faut qu'il prenne possession en personne de celui qui est sa tête visible, afin que le système puisse être guidé par son habileté diabolique et fortifié par son pouvoir surhumain. En ne perdant pas cela de vue, nous voyons tout de suite comment, en adorant la bête, les sectateurs du pape adorent aussi le dragon qui donna le pouvoir à la bête. Ainsi, sans parler des preuves historiques, nous arrivons irrésistiblement à cette conclusion que le culte de Rome est un vaste système du culte du démon. Si on admet que le pape est le chef de la bête qui sort de la mer, nous sommes tenus sur le simple témoignage de Dieu, sans aucune autre preuve, d'admettre ceci : c'est que sciemment ou à leur insu, ceux qui adorent le pape adorent le démon.

Mais que dis-je ? Nous avons une preuve historique, et une preuve remarquable que le pape comme tête des mystères chaldéens est aussi directement le représentant de Satan, que du faux Messie Babylonien. Irénée a fait cette remarque il y a bien longtemps, vers la fin du IIe siècle, que le nom de Teitan contenait le nombre mystique 666 ; et il déclare que, dans son opinion, Teitan est le nom le plus vraisemblable de la bête qui sort de la mer (21). Les raisons qu'il donne à propos de cette affirmation ne sont pas très solides, mais il peut avoir emprunté cette opinion à d'autres qui avaient des raisons plus concluantes. Après examen on verra que si Saturne était le nom de la tête visible de la bête, Teitan était le nom de la tête invisible. Teitan est précisément la forme chaldéenne de Sheitan (22), le nom même sous lequel Satan était désigné de temps immémorial par les adorateurs du démon dans le Kurdistan (23) ; et depuis l'Arménie ou le Kurdistan ce culte du démon symbolisé dans les mystères chaldéens, vint en Asie Mineure, et de là en Étrurie et à Rome.

Ce qui prouve que les nations classiques de l'antiquité savaient bien que Teitan était Satan, ou l'esprit de méchanceté, et le principe du mal moral, ce sont les faits suivants : l'histoire de Teitan et de ses frères donnée par Homère et Hésiode, les deux écrivains grecs les plus anciens de tous, malgré les récentes légendes qui s'y sont évidemment mélangées, est la contrepartie exacte du récit scripturaire de Satan et de ses anges. Homère dit que tous les dieux du Tartare ou de l'enfer étaient appelés Teitans (24). Hésiode nous dit comment ces Teitans ou dieux de l'enfer vinrent demeurer dans ce séjour. Leur chef ayant commis un acte de méchanceté contre son père, le Dieu suprême, avec l'assentiment de beaucoup d'autres enfants du ciel, les appela tous d'un nom infamant, Teitans (25) ; il les maudit, et comme conséquence de cette malédiction, ils furent précipités dans l'enfer et enchaînés dans des chaînes de ténèbres au fond de l'abîme (26). Tel est chez les Grecs le récit le plus ancien sur Teitan et ses sectateurs : dans le système chaldéen nous voyons que Teitan était exactement le synonyme de Typhon, le serpent méchant ou le dragon qui était universellement regardé comme le diable ou l'auteur de toute méchanceté. Ce fut Typhon, suivant la version païenne de l'histoire, qui tua Tammuz et le mit en pièces mais Lactance, qui connaissait parfaitement la question, reproche à ses amis païens d'adorer un enfant mis en pièces par les Titans (27).

Il est donc hors de doute que Titan, dans la croyance païenne, était identique au dragon ou Satan (28). Dans les mystères, nous l'avons vu, un important changement se produisit dès que tout fut préparé pour le permettre. Tout d'abord, Tammuz fut adoré comme étant celui qui écrase la tête du serpent ; on montrait par là qu'il était le destructeur annoncé du royaume de Satan. Alors on accorda au dragon lui-même ou à Satan une certaine apparence de culte, pour le consoler, disaient les païens, de la perte de son pouvoir, et pour l'empêcher de leur nuire (29), et enfin le dragon ou Teitan, ou Satan, devint le suprême objet de culte, les Titania, ou rites de Titan, occupaient en effet une place importantes dans les mystères Égyptiens (30), et aussi dans ceux de la Grèce (31). La place qu'occupaient ces rites de Teitan ou de Satan était en effet capitale ; on en jugera par le fait que Pluton, dieu de l'enfer (qui sous son caractère postérieur devint précisément le grand adversaire), fut considéré avec terreur comme le grand dieu sur lequel reposait surtout la destinée humaine dans le monde éternel ; c'est à lui, disait-on, qu'il appartient de purifier les âmes après la mort (32). Le purgatoire ayant été dans le paganisme, comme il l'est aujourd'hui dans la papauté, le grand pivot de la fraude cléricale et de la superstition, quel n'est pas le pouvoir attribué au dieu de l'enfer par une pareille doctrine ! Il n'est donc pas étonnant que le serpent, le grand instrument du démon pour séduire l'humanité, fût sur toute la terre adoré avec un respect si extraordinaire ; car il est écrit dans l'Octateuch d'Ostanes, que les serpents étaient les chefs des dieux et les princes de l'univers

(33). Il n'est pas étonnant que l'on en vînt enfin à croire que le Messie, sur lequel reposaient toutes les espérances du monde, fût lui-même la semence du serpent ! Ce fut évidemment le cas en Grèce, car on répandit l'histoire que le premier Bacchus fut mis au monde par suite du rapprochement de sa mère avec le père des dieux sous la forme d'un serpent tacheté (34). Ce père des dieux était évidemment le dieu de l'enfer, car Proserpine, mère de Bacchus, qui conçut et enfanta miraculeusement l'enfant merveilleux dont l'enlèvement par Pluton occupait une si grande place dans les mystères, fut adoré comme la femme du dieu de l'enfer (nous l'avons déjà vu) sous le nom de la sainte Vierge (35). L'histoire de la séduction d'Ève par le serpent (36), est entièrement transportée dans cette légende, comme Julius Firmicus et les premiers apologistes chrétiens l'ont jeté à la face des païens de leur temps, mais la parole divine donne sur ce sujet des détails bien différents de la légende païenne (Genèse III, 1-6). Ainsi le grand trompeur, avec son habileté ordinaire, comme un joueur qui pipe les dés, au moyen des hommes qui tout d'abord manifestèrent une grande horreur pour son caractère, se fit presque partout reconnaître en réalité comme le "dieu de ce monde". Telle était la profondeur et la puissance de l'influence que Satan s'était efforcé d'exercer sous ce caractère sur le monde ancien, qui même le jour où le christianisme apparut dans l'humanité et où la véritable lumière brilla du ciel, la doctrine que nous avons étudiée se répandit parmi ceux-là mêmes qui faisaient profession d'être les disciples du Christ.

Ceux qui acceptaient cette doctrine s'appelaient Ophiens ou Ophites, c'est-à-dire adorateurs du serpent. "Ces hérétiques, dit Tertullien, honorent le serpent au point de le préférer même à Christ ; car il nous a donné, disent-ils, la première connaissance du bien et du mal. C'est parce qu'il devina son pouvoir et sa majesté que Moïse fut amené à élever le serpent d'airain, afin que quiconque le regarderait fût guéri. Christ, lui-même, affirment-ils, sanctionne dans l'Évangile le pouvoir sacré du serpent, lorsqu'il dit : Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même il faut que le fils de l'homme soit élevé (37) (Nombres XXI, 9 ; II Rois XVIII, 4). Ils prononcent ces paroles lorsqu'ils bénissent l'Eucharistie." Ces hérétiques adoraient ouvertement l'ancien serpent ou Satan comme étant le grand bienfaiteur de l'humanité : c'est lui, qui, disent-ils, a donné aux hommes la connaissance du bien et du mal. Mais ils avaient apporté cette doctrine avec eux de l'ancien monde païen, d'où ils étaient sortis, ou des mystères, tels qu'ils étaient reçus ou célébrés à Rome. Quoique Teitan à l'époque d'Hésiode, et dans la Grèce primitive, fût un nom injurieux, cependant à Rome, aux jours de l'empire et auparavant, il était devenu exactement le contraire. "Le splendide ou glorieux

Teitan", telle était la manière dont on parlait de lui à Rome. C'était le titre donné ordinairement au soleil, à la fois comme globe du jour et comme divinité. Or, le lecteur a déjà vu qu'une autre forme du dieu soleil ou Teitan à Rome, était le serpent d'Epidaure adoré sous le nom d'Esculape, c'est-à-dire le serpent qui instruit l'homme (38). Ici donc nous voyons qu'à Rome, Teitan ou Satan était identifié avec le serpent qui instruisit l'humanité, qui lui ouvrit les yeux (quand elle était aveugle) et lui donna la connaissance du bien et du mal. À Pergame et dans toute l'Asie Mineure, d'oùRome tira directement sa connaissance des mystères, il en était de même. À Pergame surtout, où se trouvait d'une manière spéciale le siège de Satan, le dieu soleil on le sait, était adoré sous la forme d'un serpent, et sous le nom d'Esculape, le serpent instructeur de l'homme. Suivant la doctrine fondamentale des mystères tels qu'ils furent apportés de Pergame à Rome, le soleil était la seule divinité (39). Teitan ou Satan était donc ainsi reconnu comme le seul dieu. Tammuz ou Janus, sous son caractère de fils ou de semence de la femme, était une incarnation de ce dieu unique. Ici, nous voyons clairement le grand secret de l'empire Romain, c'est-à-dire le nom réel de la divinité tutélaire de Rome. Ce secret était gardé avec le plus grand soin, à ce point que Valerius Soranus, un homme du rang le plus élevé, et d'après Cicéron, le plus instruit de tous les Romains, l'ayant divulgué par mégarde, fut mis à mort sans pitié pour avoir fait une pareille révélation. Mais cependant ce secret est aujourd'hui entièrement révélé. Une représentation symbolique du culte du peuple Romain, d'après les Pompéiens, confirme fortement cette déduction, par une preuve qui s'adresse directement aux sens. Que le lecteur jette les yeux sur la gravure de la figure 59. Nous avons déjà vu qu'il est admis par l'auteur des "Pompéiens", à propos d'une autre figure, que les serpents du plan inférieur sont une autre manière de représenter les divinités ténébreuses du plan supérieur. Admettons ici le même principe ; il s'ensuit que les hirondelles, ou les oiseaux poursuivant les mouches, représentent le même sujet que les serpents qui sont au-dessous. Mais le serpent dont nous avons une double représentation est évidemment le serpent d'Esculape.

L'hirondelle, qui détruit les mouches, doit donc représenter la même divinité. Or, chacun sait quel était le nom qu'on donnait au seigneur de la mouche ou au dieu destructeur des mouches du monde oriental ; c'était Beel-Zebub (40). Ce nom signifiant le maître de la mouche pour le

Fig. 59


profane, signifiait seulement le pouvoir qui détruit les essaims d'abeilles quand elles devenaient, chose fréquente dans les pays chauds, un tourment pour les peuples chez lesquels elles faisaient invasion. Mais ce nom, identifié avec le serpent, apparaît clairement comme un des noms distinctifs de Satan. Et comme ce nom est bien approprié si on en pénètre le sens mystique ou ésotérique ! Quel est en effet le vrai sens de ce nom ? Beel-Zebub signifie "le Seigneur qui ne se repose pas (41), ce malheureux qui va et vient sur la terre, qui monte et descend, qui va dans les lieux secs pour y chercher le repos, et qui ne peut l'y trouver." De tout ceci il faut forcément conclure que Satan, sous son propre nom, doit avoir été le grand dieu de ce culte secret et mystérieux, et ceci explique le mystère extraordinaire observé sur ce sujet (42). Quand donc Gratien abolit à Rome les mesures temporaires du support du culte du feu et du culte du serpent, nous voyons dans cet acte l'accomplissement exact de la prédiction divine : "Et le grand dragon fut précipité, l'ancien serpent appelé le diable, et Satan qui trompait le monde entier : il fut jeté sur la terre et ses anges furent précipités avec         lui          (43)."         (Apocalypse         XII,          9).

Or, comme le pontife païen auquel le pape avait emprunté son pouvoir et ses prérogatives était ainsi le grand prêtre de Satan, de même quand le pape s'associa à ce système du culte du démon, quand il consentit à occuper la position même de ce pontife, et à faire entrer dans l'église toutes ses abominations, il devint nécessairement le Premier ministre du démon, et se mit naturellement sous sa puissance autant que le premier pontife l'avait jamais été (44). Quel accomplissement exact de la prophétie inspirée : "l'homme de péché doit venir par la puissance de Satan" ! (II Thessaloniciens II, 9). Voici donc la grande conclusion à laquelle nous sommes forcés d'arriver par des raisons historiques et scripturaires : de même que le mystère de sainteté est Dieu manifesté en chair, de même le mystère d'iniquité (autant que faire se peut) est l'incarnation du démon. V

Cette grotesque statue, dont le nom était Laut, fut trouvée par le courageux Mahmoud quand il s'empara de Somnaut.

Comme Lat, Latinus s'employait probablement comme synonyme de

Saturne. Virgile fait de descendant de Saturne :

Latinus, contemporain

d'Enée, le

troisième

Rex

arva

Latinus

et

urbes

Jam     senior

longa

placidus      in

pace

regebat.

Hune    Fauno

et

Nympha    genitum

Laurente

Maricâ

Accipimus,

Fauno

Picus      pater,

isque

parentem

Te, Saturne, refert.

Les rois déifiés étaient appelés du nom des dieux dont ils descendaient.

2° Attès était représenté comme Bacchus. Dans Bryant une inscription, côte à côte avec la déesse d'Ida, soit Cybèle, le signale comme Attès le Minotaure (Mythol., vol. II, p. 109). On sait que le Minotaure était mi-homme, mi-taureau.

3° Il est tué comme Adonis par un sanglier (PAUS., liv. VII, Achaica, ch. 17.

4° Dans les rites de Magna Mater ou Cybèle, les prêtres l'invoquaient comme Deus propitius, Deus sanctus, le Dieu miséricordieux, le Dieu saint. C'est là le caractère même que Bacchus ou Adonis revêtait comme dieu médiateur.