Mais revenons-en aux symboles de l'Apocalypse. Le déluge d'eau sortit de la gueule du dragon de feu. Le pape comme aujourd'hui, était, à la fin du IVe siècle, le seul représentant de Belshazzar ou Nemrod sur la terre, car les païens l'acceptèrent ouvertement comme tel.
Il était aussi par conséquent le successeur légitime du Dragon romain de feu. Aussi, quand après avoir reçu le titre de pontife, il se mit à propager la vieille doctrine babylonienne de la régénération par le baptême ce fut l'accomplissement formel et direct de cette parole divine : "Le grand dragon de feu jettera de sa bouche un déluge d'eau pour entraîner la femme dans ce déluge." (Apocalypse XII, 15). C'est lui, aidé de ceux qui ont travaillé avec lui dans ce sens, qui a préparé la voie pour élever cet effrayant despotisme civil et spirituel qui commença à se dresser à la face de l'Europe en 606, quand au milieu des convulsions et des bouleversements des nations agitées comme une mer orageuse, le pape de Rome fut fait évêque universel et que les principaux royaumes d'Europe le reconnurent comme le vicaire de Christ sur la terre, le seul centre de l'unité, la seule source de stabilité pour leurs trônes. Alors, de sa propre volonté, par sa propre initiative et du consentement de tout le paganisme Romain, il fut le représentant de Dagon ; et comme il porte aujourd'hui sur la tête la mitre de Dagon, il y a des raisons de croire qu'il en faisait de même alors (38). Peut-il y avoir dès lors un accomplissement plus exact de ces mots : "Je me tenais sur le sable de la mer, et je vis monter de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes un nom de blasphème... Et je vis l'une de ses têtes comme blessée à mort ; mais cette tête fut guérie, et toute la terre, étant dans l'admiration, suivit la bête." (Apocalypse XIII, 1-3).
1. HUMBOLDT, Recherches, vol. II, p. 21-23.
2. DAVIES, Les Druides, note p. 555, comparée avec p. 142.
3. DIODORE, liv. III, ch. 4, p. 142.
4. ...Ille relicto
Imperio, ripas virides, amnemque querelis Eridanum implerat, silvamque sororibus auctam, ...nec se coeloque Jovique
Credit, ut injuste missi memor ignis ab illo, Stagna petit, patulosque lacus ; ignemque perosus, Quae colat, elegit contraria flumina flammis.
Métam., liv. II, v. 369-380, vol. III, p. 88-89. "colat" signifie adorer ou habiter.
5. COLEMAN, Mythologie Hindoue, p. 89.
6. BEROSUS, liv. I, p. 48.
7. WILKINSON, vol. IV. p. 239, 412 et vol. V, p. 243. En Égypte, l'Urée, ou le Céraste, était le bon serpent, et Apophis, le mauvais.
8. DAVIES, Les Druides, p. 180. Davies identifie Noé et Bacchus.
9. WILSON, La religion Parsie, p. 192, 251-252, 262, 305.
10. Tammuz, autre nom de Nemrod, équivalent de Alorus, dieu du feu, vient de tam, rendre parfait, et muz, feu. C'est au sens de feu qui rend parfait et au caractère de Nernrod que renvoie ce passage de Zoroastre : "Toutes choses sont le produit d'un seul feu. Le père a tout accompli et a tout livré au second esprit que toutes nations appellent le premier." Du feu vient tout, aussi est-il appelé "celui qui rend toutes choses parfaites". Le second esprit est l'enfant qui a déplacé la statue de Nemrodcomme objet de culte. L'action de Nemrod restant indispensable, de là le feu du Purgatoire qui rend les hommes parfaits et les débarrasse de leurs péchés.
11. HUMBOLDT, Recherches, vol. I, p. 185.
12. OVIDE, Fastes, liv. IV, v. 794-795. J'ai éprouvé un vif intérêt à découvrir dans Ovide cette affirmation expresse que de son temps on croyait à Rome que la purification par le feu venait du culte du feu d'Adon ou Tammuz, et que la purification par l'eau venait du déluge au temps de Noé. Une induction rigoureuse avait déjà amené à cette certitude. Après avoir indiqué plusieurs raisons curieuses de cette double purification, Ovide conclut ainsi : "Pour moi, je n'y crois pas ; mais il en est qui font remonter l'un de ces rites à Phaëton et l'autre à Deucalion." Si toutefois, on trouvait invraisemblable que le culte de Noé fût ainsi mêlé dans l'ancien monde au culte de la ruine des cieux et de son fils, je ferais remarquer ce qui se passe en Italie de nos jours (en 1856). Il s'agit du culte même de ce patriarche et de la reine des cieux.
Le trait suivant, fourni par lord John Scott, confirme mes assertions. Il a été publié dans le Morning Herald, 26 oct. 1856 : Prière d'un archevêque au patriarche Noé. - La papauté à Turin ! Pendant plusieurs années consécutives, la vigne a été presqu'entièrement perdue en Toscane, par suite de la maladie. L'archevêque de Florence, désirant arrêter ce fléau, a ordonné d'adresser des prières au patriarche Noé : il vient de lancer ce mandement qui contient huit formes de supplication : "Très-Saint patriarche Noé !, Toi qui t'es consacré dans ta longue carrière à la culture de la vigne et qui as donné à la race humaine ce breuvage précieux qui apaise la soif, refait les forces et vivifie les esprits, daigne jeter un regard sur nos vignes que, suivant ton exemple, nous avons jusqu'à ce jour cultivées ; tu les vois languir et dépérir par cette funeste plaie qui avant la maturité détruit le fruit (sans doute c'est là le châtiment sévère de bien des blasphèmes et d'énormes péchés dont nous sommes coupables !) Aie compassion de nous, et prosterné devant le grand trône de Dieu, qui a promis à ses enfants les fruits de la terre, et le blé et le vin en abondance, supplie-le en notre faveur ! Promets-lui en notre nom que, avec l'aide d'en haut, nous abandonnerons nos voies de vice et de péché, que nous n'abuserons plus de ses dons sacrés, et que nous observerons scrupuleusement sa sainte loi et celle de notre sainte mère l'Église catholique, etc." Le mandement se termine par une autre prière adressée à la Vierge Marie : "Ô Marie immaculée, vois nos champs et nos vignobles ! et si tu crois que nous méritons une telle faveur, arrête, nous t'en supplions, cette terrible plaie qui nous est infligée à cause de nos pèches, qui rend nos champs stériles, et prive nos vignes des honneurs de la vendange !" Cet ouvrage renferme une vignette représentant le patriarche Noé, et une note de l'archevêque accordant une indulgence de 40 jours à ceux qui réciteront dément ces prières (Le temps chrétien). - En présence d'un si grossier paganisme le noble lord fait remarquer, avec raison que c'est là certainement le retour de l'ancien monde, et la restauration évidente du culte de l'ancien dieu Bacchus !
13. GIESELER, vol. II, p. 42, note.
14. Les Grecs choisirent pour leur dieu de guerre, Arioch ou Arius, le petit-fils de Nemrod. - CEDRENUS, vol. I, p. 28-29.
15. Depuis environ 360, jusqu'à l'époque de l'empereur Justinien, vers 550, nous savons que cette doctrine fut promulguée, et aussi qu'elle finit par se répandre largement chez les chrétiens professants. (Voir GIESELER, vol. IX, 2e Période. Culte public, p. 145).
16. AUGUSTIN, De Civitate Dei, liv. XVIII, vol. IX, ch. 23, p. 665.
17. Codex Theodosianus, liv. XVI, tit. I, leg. 2. Voir aussi leg. 3. Le lecteur remarquera que tandis que l'évêque de Rome seul est appelé Pontifex, les chefs des autres églises mentionnées sont simplement appelés episcopi.
18. Rescrit de Gratien en réponse aux demandes du Concile Romain, dans GIESELER, vol. I, 2e période, div. I, ch. 3, La hiérarchie dans l'Occident, p. 434, note 12. Voir aussi BOWER, Damasus, 278. Pour les demandes du concile romain, voir ibid. vol. I, p. 209. Ce rescrit était antérieur au Codex dont nous parlons, décret qui porte le nom de Valentinien et de Théodose, aussi bien que celui de Gratien.
19. Le célibat du clergé fut décrété par Syricius, évêque de Rome, 385 ap. J.-C. (GIESELER, vol. I, 2e période, div. I, ch. 4, Monachisme, vol, II, p. 20 et BOWER, Vie des papes, vol. I, p. 285).
20. Contre l'usage de la viande et du vin, voyez ce qui est dit à la même époque par Jérôme, l'avocat de la papauté. (JÉROME, ad. Jovin, liv, II, vol. I, p. 360-380).
21. Voir BOWER, Syricius, vol. I, 256.
22. BOWER, vol. II, p. 14
23. GIESELER, vol. II ; 2e période, div. II, c. 6, Nations de la Germanie, p. 157.
24. Comment, in Epist. ad Galat.,IV, 3, tome III, p. 138, c. I.
25. Déclin et chute, ch. XXVII, vol. V, p. 87.
26. Codex Theodosianus, XVI, 10, 22, p. 1625.
27. Déclin et chute, ch. XXVIII, vol. V, p. 90-93, 112.
28. GIESELER, vol. II, p. 40, 45.
29. Déclin et chute, ch. XXVIII, vol. V, p. 121, etc.
30. Gibbon l'admet distinctement. "Il faut confesser franchement, dit-il, que les ministres de l'Église catholique imitaient le modèle profane qu'ils étaient si impatients de détruire."
31. BOWER, Vie des papes, vol. I, Damasus, p. 180-183, inclusivement.
32. Bacchus lui-même était appelé Ichthys. HESYCHIUS, p. 179.
33. Dès la première édition de cet ouvrage, je signalais ne pas pouvoir prouver que Gratien ait établi le pape comme Pontifex avec autorité directe sur les païens. Aujourd'hui encore la question demeure obscure. Le révérend Booke, de Ceylan, m'a communiqué ses recherches : elles m'ont fait hésiter à affirmer que Gratien ait accordé une autorité formelle à l'évêque de Rome. Feu M. Jones fait allusion à l'Appendix du Codex Theodosianus pour le prouver et affirme que les fonctions de Pontife étaient en balance entre deux candidats, l'un païen, Symmaque et l'autre, l'évêque de Rome (Journ. trim. de la Prophétie, oct. 1852). Je n'ai pu trouver cette déclaration, mais mettre en doute ce passage si détaillé, c'est attaquer la véracité de l'auteur. Même sans nomination formelle de Damasus, celui-ci devint d'après le rescrit de Gratien (pleinement authentique selon Gieseler), la première autorité spirituelle dans l'empire d'Occident. En 400, quand les prêtres païens furent reconnus par l'empereur comme officiers publics (Cod. Théod. XII), ils tombèrent sous la juridiction de l'évêque de Rome, qui seul tranchait les questions religieuses. Dans le texte je n'y fais aucune allusion, l'argument étant assez concluant sans cela.
34. Il n'est pas dit : "il n'adorera aucun dieu", le contraire est évident, mais : "il n'aura égard à aucun, parce que sa propre gloire est son plus grand souci." (Daniel XI, 37).
35. C'est le même mot qui plus haut est rendu par "fortifications".
36. Gibbon (vol. V, p. 176) déclare qu'il fut persécuté et exilé comme ennemi du célibat et des jeûnes décrétés par Rome. Voir aussi BOWER vol. I, p. 256 et MILNER. Histoire de l'Église, V siècle, vol. II, c. 10, p. 476, note.
37. CICÉRON, De Naturâ Deorum, liv. III, vol. II, ch. 16, p. 500.
38. C'est à partir de cette époque seulement que commencèrent les fameux 1 260 jours ; car jusque-là le pape ne s'était point montré comme étant la tête de la Bête à dix cornes, et comme la tête de l'Église universelle. Le lecteur remarquera que la bête ci-dessus mentionnée conserve encore ses traits caractéristiques, bien qu'elle ait passé dans la mer. La tête de l'apostasie était primitivement Kronos, "celui qui a une corne". Aujourd'hui encore, c'est toujours Kronos, car elle est la bête aux sept têtes et aux dix cornes.
Chapitre 7
Les deux développements considérés au point de vue historique et prophétique.
Article 3
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