La mitre papale

Janus, dont le pape a pris la clef avec celle de sa femme ou Cybèle, était aussi Dagon. Janus, le dieu à deux têtes qui avait vécu dans deux mondes, était une divinité Babylonienne comme incarnation de Noé. Dagon, le dieu poisson, représentait cette divinité comme une manifestation du même patriarche qui avait vécu si longtemps sur les eaux du déluge. Si le pape porte la clef de Janus, il porte aussi la mitre de Dagon. Les excavations de Ninive ont mis ce fait en dehors de toute contestation. La mitre papale est entièrement différente de la mitre d'Aaron et des grands prêtres juifs. Cette mitre était un turban. La mitre à deux cornes portée par le pape quand il s'assoit sur le grand autel à Rome et qu'il reçoit l'adoration des cardinaux, est la même mitre que portait Dagon, le dieu-poisson des Philistins et des Babyloniens. On représentait autrefois Dagon de deux manières. Dans l'une, il était moitié homme, moitié poisson, la partie supérieure du corps était celle d'un homme, la partie inférieure se terminait en queue de poisson. Dans l'autre, pour nous servir des expressions de Layard la tête du poisson formait une mitre, au-dessus de celle de l'homme, tandis que sa queue écailleuse en forme d'éventail, retombait par derrière comme un manteau et montrait les pieds et les membres d'un homme (31). Layard donne dans son dernier ouvrage une description de cette forme que nous montrons ici au lecteur (fig. 48).

Fig. 47


Si on examine cette mitre et qu'on la compare à celle du pape comme elle est donnée dans les Heures d'Elliott (32) on ne peut douter un moment que ce ne soit là, et là seulement, l'origine de la mitre pontificale. Les mâchoires ouvertes du poisson qui surmonte la tête de l'homme de Ninive, sont la contrepartie évidente des cornes de la mitre du pape. Il en était ainsi en Orient, environ cinq cents ans avant l'ère chrétienne.

Fig. 48


Il paraît aussi qu'il en fut de même en Égypte ; car Wilkinson, parlant d'un poisson de l'espèce du Silurus, dit qu'un des génies du Panthéon égyptien apparaît sous une forme humaine, avec une tête de poisson (33). Dans l'Occident, plus tard, nous le savons d'une manière certaine, les païens avaient détaché du corps du poisson la mitre en forme de tête de poisson, et s'en servaient pour orner la tête de leur grand dieu médiateur ; car on représente ce dieu sur plusieurs pièces païennes de Malte, avec les attributs bien connus d'Osiris, et il n'a rien du poisson que la mitre sur la tête (fig. 49) ; celle-ci est presque de la même forme que la mitre du pape ou d'un évêque romain de nos jours.

Fig. 49 — Voir aussifig. 37, p. 239.


Même en Chine, il est évident que la même coutume de porter une mitre à tête de poisson, a autrefois prévalu, car la contrepartie de la mitre papale, portée par l'empereur chinois, a subsisté jusqu'aux temps modernes.

Sait-on, demande un auteur estimé de nos jours, dans une communication privée qu'il m'a faite, sait-on que l'empereur de Chine, dans tous les temps, même aujourd'hui, comme grand prêtre de la nation, prie une fois par an pour tout le peuple et le bénit, vêtu de sa robe de prêtre et coiffé de sa mitre, la même, exactement la même, que celle que le pontife romain porte depuis douze cents ans ? C'est cependant la vérité (34).

À l'appui de cette assertion nous donnons ici l'image (fig. 50) la mitre impériale, qui est le fac-similé même de la mitre épiscopale du pape vue de face.

Fig. 50


Le lecteur se rappelle que même dans le Japon, qui est encore plus éloigné de Babel que la Chine elle-même, on représente une des divinités par le même symbole de puissance qu'en Assyrie, c'est-à-dire avec les cornes d'un taureau, et on l'appelle "le prince du ciel à tête de boeuf (35)." Puisqu'on trouve, au Japon, le symbole de Nemrod ou Chronos, celui qui a une corne, il ne faut pas s'étonner si l'on trouve, en Chine, le symbole de Dagon.

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