La croix du christianisme

Le Tau mystique était marqué au moment du baptême sur le front de ceux qu'on initiait aux mystères (1) et on l'employait de bien des manières différentes comme le plus sacré des symboles. Pour identifier Tammuz avec le soleil, on le joignait quelquefois au cercle du soleil, comme dans la figure n°4 (fig. 43), quelquefois on le plaçait dans le cercle (2), comme dans la figure n°5 (fig. 43). Peut-être la croix de Malte que les évêques romains ajoutent à leur nom comme symbole de leur dignité épiscopale n'est autre chose que cette même lettre ; cependant on peut en douter. Mais ce qui est hors de doute, c'est que cette croix de Malte est un symbole formel du soleil ; car Layard l'a trouvé à Ninive comme un emblème sacré, et il n'a pas pu faire autrement que de l'identifier avec le soleil (3). Le Tau mystique, symbole de la grande divinité, était appelé le signe de vie ; on le portait sur le coeur comme une amulette (4) ; on le reproduit sur les vêtements officiels des prêtres, comme sur ceux des prêtres de Rome ; les rois le portaient à la main, comme signe de leur dignité ou de l'autorité qu'ils tenaient de la divinité (5). Les Vierges Vestales de la Rome païenne le portaient suspendu à leurs colliers, comme le font aujourd'hui les religieuses (6). Les Égyptiens faisaient de même, et plusieurs des nations barbares, avec lesquelles ils étaient en rapport, le faisaient aussi, comme le témoignent les monuments Égyptiens. Parlant des ornements de quelques-unes de ces tribus, Wilkinson dit : "La ceinture était parfois richement ornée : hommes et femmes portaient des boucles d'oreille ; souvent ils avaient une petite croix suspendue à un collier, ou au col de leur vêtement." (fig. 44) Cette dernière coutume ne leur était pas spéciale ; cette croix était aussi attachée ou peinte sur les robes de Rotnno, on peut en voir des traces dans les ornements de luxe de Rebo, ce qui montre qu'elle était déjà en usage au XVe siècle avant l'ère chrétienne (7).

Fig. 43


Il n'y a presque pas de tribu païenne où l'on ne trouve la croix. Elle était adorée par les Celtes païens longtemps avant l'incarnation et la mort de Christ (8). "C'est, dit Maurice, un fait remarquable et bien confirmé, que les Druides avaient coutume de choisir dans leurs bois l'arbre le plus grand, le plus beau, pour en faire un emblème de leur divinité ; ils coupaient les petites branches, et attachaient deux des plus fortes à la plus haute partie du tronc, de telle manière que ces branches s'étendaient de chaque côté comme les bras d'un homme, et présentaient avec le corps l'aspect d'une énorme croix ; sur l'écorce, en plusieurs endroits, ils gravaient aussi la lettre Tau (9)." Elle était adorée au Mexique longtemps avant que les catholiques romains n'y eussent pénétré ; on y élevait de grandes croix de pierre, sans doute au dieu de la pluie (10). La croix ainsi adorée par beaucoup de nations ou regardée comme un emblème sacré, était le symbole indubitable de Bacchus, le Messie Babylonien, car il était représenté ayant sur la tête un bandeau couvert de croix (fig. 45).

Fig. 44


Ce symbole du dieu Babylonien est aujourd'hui en honneur dans toutes les immenses landes de la Tartarie, où domine le Bouddhisme, et la manière dont on l'y représente fournit un commentaire frappant du langage dont Rome se sert pour désigner la croix. Bien que la croix, dit le colonel Wilford, dans les "Recherches asiatiques", ne soit pas un objet de culte chez les Bouddhas ou Bouddhistes, c'est leur devise et leur emblème favoris.

C'est absolument la croix des Manichéens, avec des fleurs et des feuilles. Cette croix qui produit des feuilles et des fleurs (et un fruit aussi, dit-on), est appelée l'arbre divin, l'arbre des dieux, l'arbre de la vie et de la connaissance, produisant ce qui est bon et désirable, et se trouve dans le Paradis terrestre (11) (fig. 46). Comparez ceci avec la manière dont Rome parle de la croix et vous verrez combien la coïncidence est exacte.

Dans l'office de la croix, elle est appelée l'arbre de vie, et on enseigne à ses adorateurs à l'invoquer ainsi : "Salut, ô croix, bois triomphal, véritable salut du monde, de tous les arbres il n'en est point un seul dont les feuille, les fleurs, les boutons puissent être comparés aux tiens ! Ô croix, notre seule espérance, augmente la justice de l'homme pieux, et pardonne les fautes du pécheur (12)." Peut-on croire en lisant le récit scripturaire de la crucifixion, que ce récit ait jamais pu se transformer en cette bizarrerie de feuilles, de fleurs et de boutons, qu'on trouve dans l'office romain. Mais si on considère que la croix Bouddhiste, comme celle de Babylone, était l'emblème certain de Tammuz, qui était connu comme la branche de gui, ou celui qui guérit tout, il est facile de voir pourquoi l'initiale sacrée est couverte de feuilles, et pourquoi Rome, en l'adoptant, l'appelle, le "remède qui maintient la santé, guérit les maladies et fait ce que le pouvoir seul de l'homme ne pourrait jamais faire".

Fig. 45 — Agrandissement de la tête de la figure 22, p. 77. Relisez, p. 230, à propos de la cérémonie du vendredi saint à    Rome,     le    culte

de la croix de feu, et vous verrez le vrai sens de ce culte.


Or ce symbole païen paraît s'être introduit tout d'abord dans l'Église chrétienne d'Égypte et dans l'Afrique entière. Une déclaration de Tertullien vers le milieu du IIIe siècle montre à quel point l'Église de Carthage était alors infectée du vieux levain (13). L'Égypte en particulier, qui n'a jamais été entièrement évangélisée, semble avoir, la première, introduit ce symbole païen. La première forme de ce qu'on appelle la croix chrétienne, découverte en Égypte sur des monuments chrétiens, est évidemment le Tau païen, ou signe de vie égyptien. Que le lecteur lise avec soin ce passage de Wilkinson :

Fig. 46 — Les deux croix supérieures     sont     des

étendards de nations païennes et barbares de l'Orient. La croix noire du milieu est le Tau sacré des Égyptiens, ou le signe de vie. Les deux croix inférieures sont des croix Bouddhistes.


"On peut citer un fait bien plus curieux concernant ce caractère hiéroglyphique (le Tau), c'est que les premiers chrétiens l'ont adopté au lieu de la croix, qui, plus tard, lui fut substituée ; ils le mettaient en tête des inscriptions comme on le fit plus tard pour la croix. Car, bien que le docteur Young ait des scrupules à croire les déclarations de Sir A. Edmonstone, d'après lequel on la trouve aussi dans les sépulcres de la grande oasis, je puis affirmer que ce dernier a raison et que beaucoup d'inscriptions avec un Tau en tête sont conservées encore aujourd'hui sur les premiers monuments chrétiens (14)." Voici évidemment ce qu'il faut conclure de cette déclaration : en Égypte, la première forme de ce que plus tard on appela la croix, n'était autre chose que la Crux Ansata, ou le signe de la vie, porté par Osiris et tous les autres dieux égyptiens ; que l'anse ou manche fut plus tard mis de côté et devint le simple Tau ou la croix ordinaire comme on l'a aujourd'hui et que, en la mettant sur les tombes, on n'avait nullement l'intention de rappeler la crucifixion du Nazaréen, mais c'était simplement le résultat d'un profond attachement aux anciens symboles païens, attachement toujours puissant, chez ceux qui, malgré le nom et la profession de chrétiens, sont encore, dans une large mesure, païens de coeur et de sentiments... C'est là et là seulement l'origine de l'adoration de la croix.

Cela paraîtra sans doute bien étrange et bien incroyable à ceux qui ont lu l'histoire de l'Église, comme beaucoup le font, même parmi les protestants, à travers des lunettes romaines ; cela semblera surtout incroyable à ceux qui se rappellent la fameuse histoire de la croix apparaissant miraculeusement à Constantin.

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