Introduction

Il y a une grande différence entre les œuvres des hommes et les œuvres de Dieu : le même examen minutieux et approfondi qui dévoile les défauts et les imperfections des unes, dévoile aussi les beautés des autres. Examinez au microscope l'aiguille la mieux polie par l'industrie de l'homme, vous y verrez bien des inégalités, bien des rugosités, bien des aspérités. Mais, examinez de la même manière les fleurs de nos champs ; le résultat est bien différent. Au lieu de voir diminuer leurs beautés vous en découvrirez de nouvelles et de plus délicates encore qui avaient échappé au simple regard ; elles nous font apprécier, à un point de vue que nous n'aurions pas soupçonné, le sens profond de ces paroles du Seigneur : "Apprenez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent ni ne filent, et cependant je vous dis que Salomon même dans toute sa gloire n'a point été vêtu comme l'un d'eux." (Matthieu VI, 29). La même loi se manifeste aussi quand on compare la Parole de Dieu aux oeuvres les plus parfaites de l'homme. Il y a des taches et des imperfections dans les productions les plus admirées du génie humain. Mais, plus on sonde les Écritures, plus on les étudie avec attention, plus on voit leur perfection ; on y aperçoit chaque jour de nouvelles beautés, et les découvertes de la science, les recherches des savants, les travaux des incrédules, tout conspire à la fois pour faire resplendir la merveilleuse harmonie de toutes leurs parties et la divine beauté qui en revêt l'ensemble.

S'il en est ainsi pour l'Écriture en général, on peut surtout le dire de l'Écriture prophétique. À mesure que se déroulent les plans de la Providence, les symboles prophétiques prennent des aspects plus beaux et plus audacieux. C'est surtout le cas pour le langage des prophètes qui forme la base et la pierre angulaire de notre travail. Aucun protestant éclairé n'a eu de peine à identifier la femme assise sur les 7 montagnes et portant au front cette inscription : "Le Mystère, la Grande Babylone" avec l'apostasie Romaine. Rome, seule entre toutes les villes du monde, a été fameuse à cause de sa situation sur 7 collines. Les poètes et les orateurs païens qui ne songeaient point à expliquer la prophétie, l'ont aussi appelée la cité aux 7 collines. Voici comment Virgile en fait mention : "Seule Rome est devenue la merveille du monde et seule dans son enceinte elle renferme 7 collines (1).” Properce en parle aussi de la même manière et ajoute un nouveau trait qui complète la description de l'Apocalypse : "la haute cité bâtie sur 7 collines qui gouverne le monde entier (2).'" Ces mots : "gouvernant le monde entier” sont exactement la contrepartie de la déclaration divine : ”Elle règne sur 17

les rois de la terre" (Apocalypse XVII, 18). Appeler Rome, "la cité aux 7 collines", était pour ses citoyens aussi caractéristique que de la désigner par son propre nom. C'est ainsi qu'Horace, parlant de Rome, la désigne uniquement par ses 7 collines, lorsqu'il invoque "les dieux qui ont mis leur affection dans ses 7 collines (3)". Martial nous parle dans le même sens des "7 montagnes qui gouvernent (4)". À une époque bien postérieure on se servait du même langage. Symmaque, préfet de la ville et dernier grand-prêtre païen, en qualité de représentant impérial, recommandant par lettre un de ses amis à un autre ami, l'appelle :

"De septem montibus virum (5)', un habitant des 7 montagnes, voulant dire par là (c'est l'opinion de tous les commentateurs), "un citoyen romain". Puisque ce trait caractéristique de Rome a été de tout temps bien marqué et bien défini, il a toujours été facile de prouver que l'Église, qui a son siège et sa capitale sur les 7 collines, peut à juste titre être appelée "Babylone" et considérée comme le siège principal de l'idolâtrie sous la Nouvelle Alliance, comme la Babylone antique était le principal siège de l'idolâtrie sous l'Ancienne. Mais si l'on rapproche les découvertes récentes faites en Assyrie, de l'histoire de la mythologie du monde ancien, que l'on connaît assez, mais que l'on comprend mal, on verra un sens encore plus profond dans le nom de la Grande Babylone. Il a toujours été reconnu que la Papauté n'est que du paganisme baptisé. Mais Dieu nous révèle maintenant ce fait : que le paganisme baptisé par Rome est, dans ses éléments essentiels, le même paganisme qui florissait dans l'antique Babylone lorsque Jéhovah ouvrit devant Cyrus les doubles portes d'airain et brisa les barreaux de fer.

Le langage même et les symboles de l'Apocalypse auraient pu nous préparer à affirmer d'avance que quelque lumière nouvelle et inattendue serait jetée d'une manière ou de l'autre sur cette période de l'Église de la grande Apostasie. - Dans les visions de l'Apocalypse, c'est précisément avant le jugement prononcé sur elle que pour la première fois Jean voit l'Église apostate portant sur le front le nom de la "Grande Babylone" (Apocalypse XVII, 5), Que signifie ce nom inscrit sur le front ? Cela ne prouve-t-il pas tout naturellement qu'avant la venue du jugement, son caractère véritable devait se développer si complètement, que toute personne ayant des yeux pour voir, et possédant le moindre discernement spirituel, serait forcée, comme par une démonstration oculaire, de reconnaître la merveilleuse appropriation de ce titre que l'Esprit de Dieu lui a appliqué ? Son jugement approche, cela est évident ; et à mesure qu'il approche, la Providence divine, d'accord avec la Parole de Dieu, démontre de plus en plus clairement qu'en effet Rome est la Babylone de l'Apocalypse ; que le caractère essentiel de son système, ses grands objets de culte, ses fêtes, sa doctrine, sa discipline, ses rites et ses cérémonies, sa prêtrise et ses ordres sont tous dérivés de l'antique Babylone, et qu'enfin le Pape lui-même est vraiment le descendant de Belshazzar. Dans la lutte qui a été soutenue contre les despotiques prétentions de Rome, on s'est trop souvent contenté de combattre et de repousser la présomption avec laquelle elle se vante d'être la mère et la maîtresse de toutes les Églises, la seule Église Catholique hors de laquelle il n'y a point de salut. Si jamais on a été excusable de la traiter ainsi, cette excuse n'existera plus. Si l'on peut justifier le principe que je viens d'établir, il faut lui arracher tout à fait son nom d'Église Chrétienne, car si c'est une Église du Christ, celle qui était assemblée cette nuit où le roi pontife de Babylone, au milieu de ses mille seigneurs, "louait les dieux d'or et d'argent, de bois et de pierre" (Daniel V, 4), alors l'Église de Rome a le droit de porter le nom d'Église Chrétienne ; dans le cas contraire, elle ne l'a pas ! Quelques personnes penseront que ma thèse est bien audacieuse ; mais ce livre a précisément pour but de la démontrer. Que le lecteur juge par lui-même si je n'apporte pas une évidence plus que suffisante pour justifier mon assertion.

(Georg., liv. II 531-335).

Chapitre 1

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