L'usage de la salive

Au point où nous en sommes maintenant, je ne parlerai que d'un seul rite du baptême. C'est l'usage de la salive ; si nous examinons les mots eux-mêmes du rituel romain relatifs à cette cérémonie, nous verrons clairement que cet usage doit venir des mystères. Voici le récit de l'emploi qu'on en fait d'après l'évêque Hay (33) : le prêtre récite un autre exorcisme et à la fin touche avec un peu de salive l'oreille et les narines de celui qu'il baptise, en disant : "Epphata, c'est-à-dire ouvre-toi à une douce odeur ; Puisses-tu fuir, ô démon, car le jugement de Dieu est proche." Or, le lecteur demandera tout de suite : quel rapport possible, concevable, peut-il y avoir entre la salive et une douce odeur ? Si on rapproche soigneusement la doctrine des mystères chaldéens de cette déclaration, on verra que ce n'est point par hasard, quelqu'absolus et dépourvus de sens que ces termes puissent paraître, que la salive et une douce odeur ont été rapprochées. Nous avons déjà vu à quel point le paganisme connaissait les attributs et l'oeuvre du Messie promis, quoique toute cette connaissance de ces grands sujets servît à corrompre les esprits et à les garder dans la servitude. Il nous faut maintenant remarquer que s'ils connaissaient l'existence du Saint-Esprit, de même ils connaissaient son oeuvre, quoique leur connaissance de ce sujet fût également corrompue et grossière. Servius, dans ses commentaires sur la première Géorgique de Virgile, après avoir cité l'expression bien connue Mystica vannus lacchi, "l'éventail mystique de Bacchus" dit que cet éventail mystique symbolisait la purification des âmes (34). Mais comment un éventail pouvait-il être un symbole de la purification des âmes ? La réponse est qu'un éventail est l'instrument qui sert à produire le vent (35), et en Chaldée, nous l'avons déjà vu, le même mot veut dire à la fois vent et Saint-Esprit. Il est donc hors de doute qu'à l'origine le vent était l'un des divins emblèmes des patriarches, qui représentait la puissance du Saint-Esprit, comme notre Seigneur Jésus-Christ le dit lui-même à Nicodème, "le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d'où il vient ni où il va" (Jean III, 8). C'est pour cela que lorsqu'on représentait Bacchus avec l'éventail mystique, cela voulait dire qu'il était le puissant en qui résidait l'Esprit. De là vient l'idée de purifier l'âme au moyen du vent, suivant la description de Virgile qui représente les taches du péché comme étant enlevées de cette manière :

Elles expient dans des supplices leurs anciennes fautes, Quelques-unes suspendues dans les airs sont le jouet des vents (36).

C'est à cause de cela que les prêtres de Jupiter (qui était primitivement une autre forme de Bacchus, fig. 35) étaient appelés Flamens (37), c'est-à-dire souffleurs, ou dispensateurs du Saint-Esprit en soufflant sur leurs sectateurs. Or, dans les mystères, la salive était un autre symbole désignant la même chose. En Égypte, d'où le Système Babylonien vint dans l'Europe occidentale, le nom de l'Esprit pur ou purifiant était Rekh (38). Mais Rekh signifie aussi salive (39), de telle sorte que oindre de salive le nez ou les oreilles des initiés, d'après le système mystique, était au fond les oindre de l'esprit purificateur. Rome, en adoptant l'usage de la salive l'a emprunté à quelque rituel Chaldéen, dans lequel la salive était l'emblème désigné de l'Esprit ; c'est ce qui ressort clairement des détails qu'elle donne, dans ses formulaires autorisés, de la raison de cette onction faite sur l'oreille. "Nous oignons de salive les oreilles, dit l'évêque Hay, parce que, par la grâce du baptême, les oreilles de notre âme s'ouvrent pour entendre la Parole de Dieu et les inspirations de son Saint-Esprit (40)."

Mais, dira-t-on, qu'y a-t-il de commun entre la salive et la douce odeur ? Je réponds : le mot Rekh, qui signifie le Saint-Esprit, et qui était clairement représenté par la salive, était intimement lié à Rikh qui veut dire un parfum odorant ou une douce odeur.

Ainsi, la connaissance des mystères donne le sens et l'explication sérieuse de la parole cabalistique adressée par le prêtre romain qui baptise à celui qu'il va baptiser, lorsqu'il lui frotte le nez et les oreilles, parole qui, autrement, n'aurait aucun sens : "Epphata, ouvre-toi à une douce odeur."

Tandis que c'était là la vérité primitive cachée sous la salive, cependant tout l'esprit du paganisme était si opposé à la spiritualité de la religion des patriarches et s'efforçait de la rendre si mutile et d'en détourner entièrement les hommes, tout en prétendant lui rendre hommage, que parmi la foule en général l'emploi magique de la salive devint le symbole de la plus grossière superstition.

Théocrite montre à quels rites avilissants il était mêlé en Sicile et en Grèce (41), et Perse flétrit ainsi le peuple de Rome de son époque, qui se confiait en ces rites pour écarter l'influence du mauvais oeil :


Fig. 35 — Le lecteur se rappellera que Jupiter, en Jupiter jeune ou Jupiter l'enfant, était adoré dans les bras de sa mère la Fortune, comme Vénus était adorée dans les bras de la déesse Babylonienne ou Horus, dans les bras d'Isis. De plus, Cupidon qui, comme fils de Jupiter, est Vejovis, c'est-à-dire le jeune     Jupiter,      est

représenté non seulement avec la coupe de vin de Bacchus, mais avec une guirlande de lierre autour de lui, comme marque distinctive de la même divinité.


Nos superstitions ont commencé avec notre vie ; La superstitieuse aïeule, ou le plus proche parent, Prend dans son berceau l'enfant nouveau-né Et commence par le purifier avec la salive ;

Elle lui frotte les tempes, le front, les lèvres, Prétendant que la puissance de la magie Doit le protéger par la vertu de la salive lustrale (42).

Nous voyons donc à quel point le baptême papal est la reproduction exacte du baptême Chaldéen ; mais il y a un autre point à noter qui complète la démonstration. Nous le trouvons dans la malédiction suivante, fulminée contre un homme coupable du crime impardonnable d'avoir quitté l'église de Rome et qui publia les raisons sérieuses de son action : "Puisse le Père, qui créa l'homme, le maudire ! Puisse le Fils qui a souffert pour nous le maudire ! Puisse le Saint-Esprit qui a souffert pour nous dans le baptême, le maudire (43) !" Je ne m'arrête pas à montrer combien cette malédiction est absolument et entièrement opposée à tout l'esprit de l'Évangile. Mais ce que je recommande à l'attention du lecteur, c'est cette affirmation étonnante que le Saint-Esprit a souffert pour nous dans le baptême. Sur quoi s'appuie-t-on dans l'Écriture pour avancer une pareille assertion ? Qu'est-ce qui a pu la faire naître ? Mais que le lecteur revienne à la personnalité Babylonienne du Saint-Esprit et il verra clairement le blasphème contenu dans un pareil langage. Suivant la doctrine Chaldéenne, Sémiramis, la femme de Ninus ou Nemrod, divinisée sous le nom de Reine des cieux, fut adorée, nous l'avons vu, comme Junon la colombe, en d'autres mots, le Saint-Esprit incarné Quand son mari fut renversé à cause de sa révolte blasphématoire contre la majesté céleste, ce fut quelque temps pour elle un sujet de douleur. Les fragments de l'histoire ancienne venus jusqu'à nous racontent sa frayeur et disent qu'elle s'enfuit, pour se sauver de ses ennemis. Dans les fables de la mythologie, cette fuite était mystérieusement représentée en harmonie avec les attributs de son mari. Les bardes grecs disaient que Bacchus, vaincu par ses ennemis, se réfugia dans les profondeurs de l'Océan (fig. 36).

Fig. 36 — La figure du taureau coupé est un autre symbole de ce qui

est représenté par le gros arbre coupé (fig. 27, p. 147.), c'est-à-dire Nemrod comme le puissant mis en pièces au milieu de sa gloire et de sa puissance.

L'homme-taureau le symbolise car, prince et taureau ont le même nom. Le poisson au-dessus du taureau indique la transformation qu 'il devait subir à sa mort : l'histoire de Mélikerta, qui avec sa mère Ino, fut jetée dans la mer et devint une déesse de la mer n 'est qu 'une autre version de l'histoire de Bacchus, car Ino était sa nourrice. Or, sur la seconde médaille, Mélikerta, appelée Paloemon, monte triomphalement sur un poisson, après ses épreuves, avec un sapin ou un pin, symbole de Baal-Berith, dieu de l'alliance (voir p. 147.)

Le nom Ghelas, au-dessus du taureau coupé et du poisson est équivoque. Appliqué au poisson, il vient de ghela, se réjouir ou bondir de joie, comme les dauphins font dans la mer. Appliqué à la divinité représentée par le poisson et le taureau, il vient de gheda, révéler, car elle était le révélateur de la bonté et de la vérité.

Voici ce que dit Homère :

"Ce héros jadis poursuivit les nourrices du délirant Bacchus sur le mont sacré de Nyza ; frappées par l'homicide Lycurgue, les Bacchantes laissent tomber leurs thyrses ; le dieu effrayé se plonge dans les flots de la mer et Thétis le reçoit tout tremblant dans son sein, tant les menaces d'un homme l'ont saisi d'épouvanté (44)." En Égypte, nous l'avons vu, Osiris identifié à Noé était représenté comme passant au travers des eaux, alors qu'il fut vaincu par Typhon, son grand ennemi, ou le méchant. Les poètes représentaient Sémiramis comme partageant son malheur et cherchant de la même manière un refuge assuré. Nous avons déjà vu que sous le nom d'Astarté elle était, disait-on, sortie de l'oeuf merveilleux qu'on trouve flottant sur les eaux de l'Euphrate. Manilius nous dit, dans ses poésies astronomiques, le motif qui la porta à se réfugier dans ces eaux. Vénus plongea dans les eaux de Babylone, dit-il, pour éviter la colère de Typhon aux pieds de serpent (45). Puisque Vénus, Uranie, ou Dioné (46) la colombe céleste, plongea par suite de son profond désespoir dans ces eaux de Babylone, qu'on remarque, d'après la doctrine chaldéenne, à quoi cela revient. Cela veut dire, ni plus ni moins, que le Saint-Esprit incarné entra dans ces eaux, en proie à une grande tribulation, et cela, afin que ces eaux fussent propres à donner une vie nouvelle et la régénération par le baptême aux adorateurs de la Madone Chaldéenne, non seulement par le séjour temporaire du Messie au milieu d'eux, mais par l'efficace de l'Esprit qui venait ainsi s'y mêler. Nous avons la preuve que la vertu purificative des eaux, qui dans l'opinion païenne avaient le pouvoir de purifier l'âme de la corruption et de la régénérer, venait en partie de ce que le dieu médiateur, le dieu du soleil et le dieu du feu, passait dans ces eaux, pendant son humiliation et son séjour au milieu d'elles ; la papauté a gardé cette coutume jusqu'à aujourd'hui, coutume qui vient de cette persuasion. Quant à ce qui concerne le paganisme, les extraits suivants de Potter et d'Athenasus sont assez éloquents. Chaque personne, dit Potter, qui venait aux sacrifices solennels (des grecs) était purifiée par l'eau.

À cet effet, on plaçait ordinairement, à l'entrée des temples, un vaisseau plein d'eau sacrée (47). Comment cette eau était-elle sanctifiée ? On la consacrait, dit Athenasus, en y plongeant une torche enflammée qu'on prenait sur l'autel (48). La torche enflammée était le symbole spécial du dieu du feu et, par la lumière de cette torche, si indispensable pour consacrer l'eau sainte, nous pouvons aisément voir d'où venait en grande partie la vertu purificative de l'eau de la mer aux vagues retentissantes qui disait-on, était si efficace pour purifier de la faute et de la souillure du péché (49), grâce au dieu soleil qui se réfugia dans ses eaux.

Or, l'église Romaine emploie encore la même méthode pour consacrer l'eau du baptême. Le témoignage peu suspect de l'évêque Hay ne laisse aucun doute sur ce sujet. Elle est bénie (l'eau gardée dans les fonts baptismaux) la veille de Pentecôte, parce que c'est le Saint-Esprit qui donne aux eaux du baptême le pouvoir et l'efficace pour sanctifier nos âmes, et parce que le baptême de Christ se fait par le Saint-Esprit et par le feu (Matthieu III, 11). En bénissant les eaux on met dans le vase une torche allumée (50). Il est donc évident que l'eau baptismale de Rome capable de régénérer est consacrée exactement comme l'était l'eau du paganisme qui régénérait et purifiait. À quoi sert-il à l'évêque Hay de dire, avec l'intention de sanctifier la superstition, et de rendre possible l'aspotasie, que ce rite est destiné à représenter le feu de l'amour divin, qui se communique à l'âme par le baptême, et la lumière du bon exemple que devraient donner tous ceux qui sont baptisés (51) ? Voilà l'explication qu'on donne de cette pratique ; mais un fait domine encore, le voici : tandis que la doctrine romaine sur le baptême est purement païenne dans les cérémonies du baptême papal, on pratique encore aujourd'hui l'un des rites essentiels de l'ancien culte du feu, exactement comme le pratiquaient les adorateurs de Bacchus, le messie babylonien. De même que

Rome conserve le souvenir du dieu du feu passant à travers les eaux et leur communiquant sa puissance, de même quand elle parle de l'Esprit-Saint souffrant pour nous dans le baptême, elle rappelle de la même manière le rôle que le paganisme assignait à la déesse Babylonienne, lorsqu'elle se jeta dans les eaux. Le chagrin de Nemrod ou de Bacchus lorsqu'il était dans les eaux était un chagrin méritoire. La douleur de sa femme en qui habitait merveilleusement le Saint-Esprit, était de la même nature. La douleur de la Madone plongée dans ces eaux, alors qu'elle fuyait la colère de Typhon, était l'angoisse féconde qui enfantait les enfants de Dieu. Ainsi dans l'extrême ouest, Chalchivitlycue, la déesse des eaux chez les Mexicains et la mère de tous les régénérés, était représentée comme purifiant de leur péché originel les enfants nouveau-nés, et les enfantant de nouveau dans le monde (52). Or, le Saint-Esprit était à Babylone l'objet d'un culte idolâtre sous la forme d'une colombe. Sous la même forme et avec une idolâtrie semblable le Saint-Esprit est adoré à Rome. Quand donc nous voyons, contrairement à tous les principes scripturaires, que le Saint-Esprit a souffert pour nous dans le baptême, nous voyons clairement ce que ce Saint-Esprit représente. Ce n'est pas autre chose que Sémiramis, l'incarnation même de la dépravation et de la souillure.

Opera, p. 245.

d'Adonis, délivré par Vénus, des régions infernales, après y être demeuré pendant un an, mais comme cette scène se passe en Égypte, il est évident qu'il fait allusion à Osiris, qui était l'Adonis des Égyptiens.

p. 127).

Chapitre 4

Doctrine et discipline

Article 2

206