Si ce que nous avons déjà dit montre la politique charnelle suivie par Rome aux dépens de la vérité, les circonstances qui entourent la fête de l'Assomption montrent encore mieux l'audacieuse perversité et l'impiété de cette Église ; il faut noter que la doctrine à propos de cette fête, autant qu'il s'agit de la papauté, n'a pas été établie dans les âges de ténèbres, mais trois siècles après la Réforme, au milieu de toute la lumière si vantée du XIXe siècle. Voici sur quelle doctrine est fondée la fête de l'Assomption : la Vierge Marie, dit-on, n'a point connu la corruption en chair et en os, elle fut élevée au ciel, et maintenant elle est investie de toute puissance dans le ciel et sur la terre. Cette doctrine a été audacieusement exposée à la face du public anglais, dans une récente lettre pastorale de l'archevêque catholique romain de Dublin. Elle a maintenant reçu le sceau de l'infaillibilité papale, ayant été comprise dans le dernier décret blasphématoire qui proclame l'immaculée conception. Or, il est impossible de faire reposer une pareille doctrine sur un seul passage de l'Écriture. Mais, dans le système Babylonien la fable était déjà toute préparée. On y enseigne que Bacchus descendit dans l'enfer, arracha sa mère aux puissances infernales et l'emporta avec lui en triomphe dans les airs (1). Cette fable s'est répandue partout où s'est répandu le système Babylonien ; ainsi de nos jours comme aussi depuis un temps immémorial, les Chinois célèbrent une fête en l'honneur d'une mère qui fut arrachée par son fils au pouvoir de la mort et du tombeau. La fête de l'Assomption est célébrée dans l'Église Romaine le 15 août. La fête des Chinois fondée sur une légende semblable, observée avec des lanternes et des candélabres, comme le montre Sir J. F. Davis dans sa remarquable description de la Chine, se célèbre aussi au mois d'août (2). Or, lorsque la mère du Messie païen fut célébrée à cause de cette "Assomption", sous le nom de "colombe", elle fut adorée comme l'incarnation de l'Esprit de Dieu (3) avec lequel elle fut identifiée. Comme elle, elle fut regardée comme la source de toute sainteté et la grande purificatrice, et naturellement fut reconnue elle-même comme la Vierge mère, pure et sans tache (4). Sous le nom de Proserpine (avec laquelle elle fut identifiée quoique la déesse Babylonienne se distinguât d'elle à l'origine), tout en étant chantée comme la mère du premier Bacchus et comme étant la femme honorée de Pluton, elle est aussi invoquée, dans les hymnes orphiques, comme : Associée aux saisons, essence lumineuse, Vierge toute-puissante revêtue d'une lumière céleste (5).
Quel que soit l'auteur de ces hymnes, plus on les étudie, plus il devient évident, quand on les compare à la plus ancienne doctrine de la Grèce classique, que leurs auteurs comprenaient, et acceptaient en entier la théologie pure du paganisme. Pausanias, décrivant le bois de Carnasius, nous dit que Proserpine était adorée dans la Grèce païenne, quoiqu'on la connût comme femme de Pluton roi des enfers, sous le nom de la Sainte Vierge : ce bosquet contient une statue d'Apollon Carneus, de Mercure portant un bélier, et de Proserpine, fille de Gérés, qui est appelée la "Sainte Vierge (6)". La pureté de cette Sainte Vierge ne consistait pas seulement à ne point être coupable du péché actuel, mais elle se distinguait spécialement par sa conception immaculée, car Proclus dit : on l'appelle Coré "à cause de la pureté de sa nature et de sa supériorité immaculée (7)". S'étonnera-t-on dès lors de la dernière proclamation ? Il n'y a pas lieu de le faire. Ce n'est qu'en suivant, dans ses conséquences logiques, la doctrine païenne déjà adoptée et mélangée à tout le système de Rome, que ce décret a été lancé et que la Madone romaine a été formellement appelée dans le sens le plus complet de ce mot, "la Vierge immaculée" ! Peut-on douter dès lors que la Madone de Rome avec l'enfant dans ses bras et la Madone de Babylone ne soient qu'une seule et même déesse ! On sait fort bien que la madone romaine est adorée comme une déesse ; elle est même le grand objet du culte. Les chrétiens (d'Angleterre) ne se révolteront-ils pas à l'idée de tolérer plus longtemps ce monstrueux paganisme babylonien ? Quel état chrétien pourrait supporter que ses représentants votassent l'argent de la nation protestante pour encourager une idolâtrie si blasphématoire (8) ? Si l'esprit humain n'était pas aveuglé dans ses jugements, les hommes trembleraient à la seule pensée de commettre la faute que ce pays a commise ces dernières années en soutenant la corruption et la perversité de Rome !
La Parole de Dieu n'a-t-elle pas condamné dans les termes les plus énergiques et les plus terribles la Babylone du Nouveau Testament ? Et n'a-t-elle pas aussi déclaré que ceux qui participent aux péchés de Babylone participent aussi à ses châtiments ? (Apocalypse XVIII, 4). Le grand nombre regarde en général le péché d'idolâtrie comme une faute comparativement légère et sans aucune portée. Mais ce n'est pas ainsi que le Dieu des cieux le considère. Quel est de tous les commandements celui qui est accompagné des menaces les plus solennelles et les plus terribles ? C'est le second : "Tu ne te feras point d'image taillée ni aucune ressemblance des choses qui sont là-haut au ciel, ni ici-bas sur la terre ni dans les eaux plus basses que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles et ne les serviras point : car je suis l'Éternel ton Dieu, un Dieu fort et jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la 3e et à la 4e génération de ceux qui me haïssent." (Deutéronome V, 8, 9 ; Exode XX, 4, 5). Ces paroles viennent de la bouche même de Dieu ; elles ont été écrites par la main même de Dieu sur la pierre, non pas seulement pour l'instruction de la race d'Abraham, mais de toutes les tribus et de toutes les générations de la terre, et aucun commandement n'est suivie d'une pareille menace ! Or, si Dieu a menacé de punir le péché d'idolâtrie par-dessus les autres péchés, et si nous voyons ces terribles châtiments de Dieu s'appesantir sur notre nation, tandis que le péché crie au ciel contre nous, ne devons-nous pas rechercher avec le plus grand soin si parmi tous nos autres péchés nationaux qui sont à la fois graves et nombreux, celui-là ne constitue pas la première et capitale offense ? Et pourquoi donc ne nous prosternerions-nous pas devant les rochers et les pierres ? Oui, si nous, qui professons une doctrine opposée, nous encourageons, si nous nourrissons, si nous maintenons une idolâtrie que Dieu a si affreusement menacée de sa colère, notre faute, au lieu d'en être amoindrie, en est d'autant plus grande, car c'est un péché contre la lumière ! Or, les faits sont évidents pour tous. Il est notoire qu'en 1854 une idolâtrie anti-chrétienne a été incorporée dans la constitution anglaise d'une manière telle, que pendant un siècle et demi il n'en avait point été introduit de semblable. On sait aussi, que depuis, ce pays a été frappé de plusieurs châtiments successifs. Faut-il regarder cette coïncidence comme purement accidentelle ? Ne faut-il pas plutôt y voir l'accomplissement de la menace prononcée par Dieu dans l'Apocalypse ? C'est là aujourd'hui une question excessivement pratique. Si notre péché à cet égard n'est pas reconnu par notre nation, s'il n'est pas confessé avec repentance, s'il n'est pas rejeté bien loin, si au contraire, nous l'augmentons encore, si maintenant, pour la première fois depuis la Révolution, tandis que nous confiant visiblement au Dieu des batailles pour le succès de nos armes, nous l'affrontons ouvertement en envoyant dans nos camps des prêtres d'idoles ; nous pourrons avoir des fêtes nationales et des journées d'humiliation innombrables ; Dieu ne peut pas les accepter ; elles peuvent nous accorder un répit temporaire, mais nous pouvons être certain que le Seigneur ne fera point cesser sa colère et que son bras sera encore étendu (9) !
1. APOLLODORE, liv. III, ch. 5, p. 266. La déesse adorée à Babylone comme Mère, était la femme de Ninus, le grand dieu, prototype de Bacchus. Un pendant à cette histoire est celle d'Ariadne, femme de Bacchus. Le vêtement de Thétis, dit Bryant (vol. II, p. 99), contenait une description de cérémonies célèbres dans les premiers siècles et un récit de l'apothéose d'Ariadne, dépeinte, qu'elle qu'en soit la signification, comme enlevée au ciel par Bacchus. On raconte une histoire analogue à propos d'Alcmène, mère du grec Hercule, distinct de l'Hercule primitif et une des formes de Bacchus : c'était un grand buveur et ses coupes sont proverbiales (MULLER, Les Doriens, vol. I, p. 462). La mère d'Hercule ressuscita Jupiter (père d'Hercule), dit Muller, releva Alcmène d'entre les morts et l'amena aux Îles des bienheureux, pour être la femme de Rhadamante. (ibid. p. 443).
2. La Chine, vol. I, p. 354-355.
3. Voir p. 121.
4. PROCLUS dans TAYLOR, Notes sur Jamblique, p. 136.
5. Hymnes Orphiques, H. 28, p. 109. "Ces hymnes, disent quelques critiques, ont été composés par des Néo-Platoniciens après l'ère chrétienne ; ils ont corrompu la doctrine de leurs prédécesseurs." J'en doute. Dans tous les cas, je n'avance rien de ce que je leur emprunte qui ne soit confirmé par la plus haute autorité.
6. PAUSANIAS, liv. IV, Messenica, ch. 33, p. 362.
7. PROCLUS, dans une note additionnelle, TAYLOR, Hymnes orphiques, p. 198.
8. Il est déplorable que tous les chrétiens en général semblent être si insensibles à la crise actuelle de l'Église et du monde, ou au devoir qui leur est imposé comme témoins de Christ, de témoigner pratiquement contre les péchés publics de la nation. S'ils avaient besoin d'être stimulés pour accomplir plus énergiquement ce devoir, qu'ils lisent un excellent et opportun petit livre tout récemment paru, intitulé : Interprétation originale de l'Apocalypse, où les déclarations de l'Apocalypse concernant le caractère, la vie, la mort, la résurrection des deux témoins sont brièvement, mais fortement exposées.
9. Le paragraphe ci-dessus parut d'abord au printemps de 1855, alors que l'empire contemplait avec stupéfaction les horribles et navrants désastres de Crimée, causés simplement par ce fait que dans ce pays éloigné, les hommes éminents ne pouvaient faire cause commune et qu'enfin on fixa un jour d'humiliation. Le lecteur peut juger si oui ou non les événements qui ont eu lieu depuis ont affaibli notre raisonnement. Les quelques années d'impunité qui se sont écoulées depuis que la révolte de l'Inde, avec toutes ses horreurs, a été apaisée, montrent la patience de Dieu. Mais si l'on méprise cette patience (ce qui a évidemment lieu, tandis que la faute va en s'aggravant) l'issue finale ne doit qu'en être plus terrible !
Chapitre 4
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