Pour montrer le rapport qu'il y a entre une contrée et une autre, et la persistance invétérée des anciennes coutumes, il est bon de remarquer que Jérôme, commentant les paroles d'Ésaïe que nous venons de citer, sur l'usage de dresser une table pour Gad et d'offrir des libations à Meni, déclare que de son temps (au IVe siècle), c'était encore la coutume dans toutes les villes et surtout en Égypte et à Alexandrie, de préparer des tables et de les charger de toutes sortes de mets recherchés et des coupes contenant du vin nouveau, le dernier jour du mois et de l'année : la foule en tirait des présages sur la fertilité de l'année (20). L'année égyptienne commençait à une époque différente de la nôtre ; mais c'est aussi exactement que possible (en remplaçant seulement le vin par le whisky) la manière dont on observe encore Hogmanay en Écosse, le dernier jour du mois de l'année. Je ne sais pas si on tire aucun présage de ce qui se fait alors, mais tout le monde, dans le sud de l'Écosse, sait parfaitement qu'à Hogmanay, ou la veille du nouvel an, parmi ceux qui observent encore les vieilles coutumes, on prépare une table, et que pendant qu'on offre des gâteaux et autres friandises, on distribue des galettes de gruau et de fromage à ceux qui n'en voient jamais qu'à cette occasion, et que la boisson forte entre pour une large part dans le menu du jour.
Là même où le soleil était l'objet favori du culte, comme à Babylone et ailleurs, il était adoré à cette fête, non seulement comme le globe du jour, mais comme le dieu incarné (21). - C'était un principe essentiel du système Babylonien, que le soleil ou Baal était le seul Dieu (22). Lors donc qu'on adorait Tammuz comme étant le Dieu incarné, cela voulait dire aussi qu'il était une incarnation du soleil. Dans la mythologie Hindoue, qui, on le sait, est essentiellement Babylonienne, ce fait ressort distinctement. Surya, ou le soleil, y est représenté comme étant incarné, et venant dans le monde pour soumettre les ennemis des dieux qui, sans cette naissance, n'auraient jamais été soumis (23).
Ce n'était donc pas une fête astronomique que les païens célébraient au solstice d'hiver. Cette fête s'appelait à Rome la fête de Saturne et la manière dont on la célébrait montre bien son origine. Organisée par Caligula, elle durait cinq jours (24). L'ivrognerie et la débauche se donnaient libre carrière, les esclaves étaient provisoirement émancipés (25), et avaient avec leurs maîtres toutes sortes de libertés (26). - C'était précisément de cette manière qu'on célébrait à Babylone, suivant Berose, la fête du mois Thebeth, correspondant à notre mois de décembre, ou en d'autres termes, la fête de Bacchus : C'était l'usage, dit-il, pendant les cinq jours qu'elle durait, que les maîtres fussent soumis à leurs serviteurs, et que l'un d'eux, vêtu comme un roi d'une robe de pourpre, gouvernât la maison (27). On appelait ce domestique ainsi vêtu, Zoganes (28), l'homme du plaisir et de la dissipation (l’origine du Père Noël) ; il correspondait exactement au "dieu du tumulte" qui dans les époques de ténèbres, fut choisi dans tous les pays catholiques pour présider aux fêtes de Noël. La coupe des festins de Noël a son contrepied dans "le festin de l'ivresse" à Babylone, et plusieurs autres coutumes encore observées à Noël ont la même origine.
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