Introduction
Jonas, histoire du cœur de l’homme ayant reçu le témoignage de Dieu
Le livre du prophète Jonas nous offre une histoire susceptible d’être appliquée
à bien des sentiments qui naissent dans les cœurs dans tous les temps. Son
histoire personnelle, histoire d’une âme intègre au fond, mais qui n’avait pas
le courage de marcher franchement dans la volonté de Dieu, se mêle assez avec sa
prophétie pour rendre cette application individuelle assez facile et assez
naturelle. Cependant, l’histoire de Jonas est celle d’un témoin envoyé de la
part de Dieu, plutôt que d’un fidèle dans sa vie ordinaire. C’est l’histoire du
cœur humain, lorsque le témoignage de Dieu envers le monde lui a été confié, et
des voies souveraines et gouvernementales de Dieu à la suite de ce que ce cœur
produit. C’est ce qui fait que nous trouvons dans l’histoire de Jonas un tableau
de celle des Juifs sous ce rapport, et même à certains égards du Messie, sauf
que le Messie y est entré en grâce et y a été toujours parfait. Nous allons
signaler les grands traits que l’Esprit de Dieu a voulu faire ressortir dans ce
récit, car, sous ce rapport, cette prophétie est d’un profond intérêt.
Enseignements de
l’histoire de Jonas, dont le fait prophétique fournit le cadre
Il est évident que les faits prophétiques ne forment que l’occasion et le cadre
des grands principes qui en découlent, ou plutôt le fait prophétique, car la
prophétie se borne à la menace de la destruction de Ninive dans quarante jours
[(3:4)] , menace détournée par la repentance de cette ville [(3:10)]. C’est
l’histoire de Jonas qui fait la plus grande partie du contenu du livre.
Témoignage de Dieu,
grâce manifestée et cœur de l’homme
Jonas doit annoncer le jugement, mais ne peut supporter la grâce, par orgueil
Ninive, qui représente le monde dans sa grandeur naturelle, pleine d’orgueil et
d’iniquité, et oublieuse de Dieu et de son autorité, avait mérité le juste
jugement de Dieu [(1:2)]. C’est là l’occasion de tout le développement des voies
de Dieu qui se trouve dans ce livre. Jonas est appelé à annoncer ce jugement. La
misère de l’homme auquel le témoignage de Dieu est confié, est d’attacher à
lui-même l’importance du message dont il est chargé. Que Dieu le fasse dans sa
grâce, c’est ce que l’histoire de cette grâce nous fait voir ; que l’homme qui
en est chargé le fasse, ce n’est qu’orgueil et vanité. Il en résulte qu’il ne
peut pas supporter la grâce dont Dieu use envers les autres, ni aucune
communication de ses pensées ou de sa nature qui soit par un autre moyen que
lui, lors même que ce serait en grâce. C’est lui qui fait la chose, selon lui ;
c’est lui qui doit en avoir la gloire, et ainsi toutes les pensées qu’il a de
Dieu se limitent à son point de vue, à la portion que Dieu lui a confiée dans
son message. Comparez ce que nous avons vu dans les cas de Moïse et d’Élie,
serviteurs si éminents de Dieu. Le sentiment de cette suprématie de Dieu, qui
peut faire grâce, est trop fort pour le cœur. On ne peut pas le supporter, à
moins qu’on ne s’anéantisse à ses propres yeux, pour faire simplement la volonté
de Dieu quelle qu’elle soit ; on laisse alors à Dieu toute sa gloire, et s’il se
glorifie en faisant grâce, on l’en bénit du fond de son cœur. Autrement, on aime
à manier l’épée de sa vengeance, ce qui est plus en harmonie, hélas ! avec nos
propres cœurs, et fournit le moyen de s’attribuer beaucoup plus d’importance.
L’homme veut se venger
pour manifester sa puissance, mais Dieu seul fait grâce
Veux-tu que nous fassions descendre le feu du ciel comme l’a fait Élie ? [(Luc
9:54)] voilà l’expression naturelle du cœur ; car la vengeance est la
manifestation de la puissance. La grâce laisse l’homme qui a manqué, jouir de la
bonté ; elle se refuse à faire intervenir la puissance, en épargnant ceux contre
lesquels on aurait pu l’exercer ; d’un autre côté, Dieu seul peut faire grâce.
La menace de vengeance se lie, dans la pensée, à celui qui a reçu l’autorité
pour l’annoncer. On craint le message et le messager. Un homme gracié est plus
occupé de sa propre joie et de celui qui a fait grâce, que de celui qui a
apporté le message. Au reste, la grâce se rapporte à la frayeur qu’inspire le
jugement dont on est menacé. Or, si le messager n’est pas imbu lui-même de
l’esprit d’amour, il sent la présence d’un Dieu qui est au-dessus de ses pensées
; il s’en effraie, car il ne le connaît pas. Il craint pour sa propre importance
aussi, si ce Dieu est meilleur que son cœur petit ne le voudrait et que
n’exprime le message qui lui est confié.
Jonas fuit Dieu car son
cœur étroit en sent la grâce qui le rabaisse
Tel était le cas de Jonas, quoiqu’il craignit Dieu. Il s’enfuit de devant la
présence de l’Éternel, sentant qu’il ne pouvait pas compter sur Lui pour
satisfaire des exigences qui trahissaient toute la petitesse de son cœur étroit
(comparez les chapitres 1:3 ; 4:2).
L’homme aime les
pensées de Dieu quand il peut s’en donner de l’importance
On sent que Dieu est au-dessus des pensées de nos cœurs. D’un autre côté, la
vérité de Dieu nous plaît, lorsque nous pouvons nous en revêtir pour notre
propre importance. Il en a été ainsi d’Israël.
Image d’Israël se
glorifiant du témoignage de Dieu et s’opposant à la grâce
Israël a été le vase du témoignage de Dieu dans le monde, et s’en glorifia, se
revêtant d’honneur lui-même. La grâce envers les gentils lui a été
insupportable. C’est par son opposition à cette grâce qu’il a comblé la mesure
de son iniquité, et a fait venir la colère de Dieu sur lui (comparez És. 43:10,
et 1 Thess. 2:16).
Principes selon
lesquels le témoignage de Dieu peut être rendu
L’homme doit rendre témoignage ; mais, dans cette position, Israël y a failli
En outre, dans cette prophétie, sont exposés deux principes sur lesquels le
témoignage de Dieu peut, de fait, être rendu. En premier lieu, l’homme est
appelé à rendre témoignage, acte de fidélité à Dieu pour lequel il est
responsable. C’est la position dans laquelle nous avons déjà vu qu’était placé
Israël. Toute son histoire est à l’appui de cette pensée. Favorisé de Dieu par
sa proximité de Lui, Israël aurait dû offrir à tout le monde le témoignage de ce
qu’était le seul vrai Dieu. Mais incapable de saisir la grâce envers les gentils
(et en tout temps la maison de l’Éternel était une maison de prière pour toutes
les nations [(És. 56:7)]), il a failli, même dans le maintien de sa propre
fidélité ; et ainsi en dernier résultat, ce peuple qui était, comme peuple, le
seul moyen dans le monde de faire valoir le caractère de Dieu, a entraîné les
autres dans l’orage des jugements divins qui devaient tomber sur lui. C’est le
tableau que nous présente Jonas dans sa propre histoire, à sa première réception
du message de Dieu. C’est ce qui aura lieu à la fin des temps. Israël, infidèle
à Dieu au milieu des flots de ce monde, insensible par son incrédulité stupide
au jugement qui s’avance pour l’engloutir, entraînera toutes les nations dans
les résultats de son péché, jusqu’à ce que l’intervention de Dieu seul les amène
à reconnaître sa puissance et sa gloire.
Nécessité de faire
valoir le témoignage en grâce devant tous, sous peine de manquer dans la marche
Disons ici que cela est toujours vrai. Si ceux auxquels Dieu, dans sa grâce, a
confié un témoignage, ne font pas valoir ce témoignage en faveur des autres,
selon la grâce qui l’a accordé, ils manqueront bientôt à la fidélité dans la
marche qui leur est propre devant Dieu. S’ils reconnaissaient vraiment Dieu, ils
se sentiraient tenus à faire connaître son nom, à apporter aux autres la
bénédiction qui s’y trouve. S’ils ne connaissent pas sa gloire et sa grâce, ils
ne sauront certainement pas se maintenir dans leur marche devant Lui. Dieu étant
notre seule force et plein de bonté, il ne saurait en être autrement.
Chapitre 1er
Jonas appelé à être témoin de Dieu devant un monde corrompu, et reculant devant
cela
[1:2] Le premier tableau donc qui nous est présenté, est celui de l’homme appelé
à être témoin de Dieu au milieu d’un monde orgueilleux et corrompu et faisant sa
volonté sans avoir égard à l’autorité ni à la sainteté de Dieu. Or, n’étant pas
lui-même assez près de Dieu pour entrer dans l’esprit de ses voies de sainteté
et d’amour, sachant qu’il est bon, il recule devant la tâche de représenter un
tel Dieu devant le monde. Se revêtir de son nom comme une gloire pour soi-même,
c’est à quoi Jonas le Juif ne se refusait pas ; mais porter le fardeau
qu’imposait le maintien d’un témoignage à un tel Dieu, si bon, si patient et si
saint, voilà ce qui coûtait trop au cœur impatient et orgueilleux de l’homme,
qui voulait sa propre volonté en jugement, si les autres ne le suivaient pas en
sainteté.
En contraste, Christ
accomplissant fidèlement son témoignage, dans le Ps. 40
On peut voir que, [1:2] bien que Jonas ait dû élever sa voix contre Ninive,
[1:3] c’est de la présence de l’Éternel qu’il s’est enfui, et non pas de devant
l’opposition charnelle de la ville. Christ, notre précieux Sauveur, a seul
accompli la tâche dont nous parlons. Il est le fidèle témoin. On peut comparer
le Psaume 40, où il est parlé de la manière dont il l’a entreprise et accomplie,
Lui qui était dans une gloire qui le mettait tellement au-dessus d’une telle
position, que la grâce souveraine seule pouvait l’y faire descendre, une gloire
cependant qui seule le rendait capable de l’entreprendre et de l’accomplir à
travers toutes les difficultés que la malice de l’homme mettait sur son chemin,
— Lui qui, quelle que fût sa gloire, accomplissait sa tâche, dans l’humilité de
l’obéissance, et cela jusqu’à la mort. Voyez au Psaume 40:1, 2, jusqu’où il est
allé et comment, en ne se garantissant de rien, il s’attendait à Dieu. Il se
fait homme pour accomplir cette tâche (v. 6-8) ; il l’a accomplie fidèlement
sans cacher la vérité et la justice de l’Éternel à la congrégation d’Israël (v.
10 et suivants) ; sous le poids profond de la position où il se trouvait à cause
de l’iniquité de l’homme et pour avoir pris en main la cause de son peuple, il
se remet aux tendres compassions de l’Éternel, et après avoir rendu témoignage
avec une patience parfaite, demande justice contre ses ennemis, les adversaires
du témoignage de Dieu [(Ps. 40:14-15)], demande convenable, car nous sommes ici
au temps de l’économie juive ou de jugement.
Jugements contre le
témoin infidèle faisant connaître Dieu parmi les gentils
[1:12] Nous avons vu que les jugements qui tombent sur le témoin infidèle étant
enfin reconnus par lui-même, [1:16] deviennent le moyen par lequel le nom de
l’Éternel est connu et adoré parmi les gentils.
Chapitre 2
Réjection et jugement du témoin infidèle, image du résidu d’Israël
Ici commence le second tableau du témoignage, la complète et entière réjection
du témoin envisagé comme dépositaire du premier message. [2:4] Il subit le
jugement de Dieu [2:5] et est jeté hors de sa présence [2:3] dans les
profondeurs du hadès. C’est le juste sort d’Israël, infidèle au témoignage de
Dieu et incapable de le rendre. Christ y est descendu dans sa grâce infinie,
étant rejeté parce qu’il était fidèle. On voit de la manière la plus claire
l’esprit du résidu d’Israël, dans la prière de Jonas. Les versets 7‑9 du
chapitre 2 nous le montrent avec la plus grande évidence.
Christ descendu dans la
mort comme Jonas, mais pour la vaincre et ressusciter
Effectivement, le résidu même d’Israël, tout en étant intègre par grâce, n’était
que chair. Le témoignage était confié à sa responsabilité, et il a succombé : la
chair était impuissante. La sentence de mort doit passer sur tout ce qui est de
l’homme. Il n’est que vanité, et s’il descend dans la mort, qui est-ce qui le
relèvera, qui est-ce qui fera d’un mort le témoin de Dieu ? Mais, grâces à Dieu,
Christ y est descendu, et, [2:1] comme Jonas a passé trois jours et trois nuits
dans le ventre d’un poisson, ainsi aussi le Fils de l’homme est descendu dans
les parties inférieures de la terre [(Éph. 4:9)], et y a passé trois jours et
trois nuits [(Matt. 12:40)]. Mais qui pouvait l’empêcher de se relever ? C’était
la mort qui devenait impuissante et non pas l’homme. Elle livrait combat à Celui
qui avait la puissance de la vie, et soit que nous considérions la puissance de
Dieu, aux yeux duquel Jésus avait mérité la résurrection, soit que nous
considérions la personne du fidèle Témoin lui-même, il n’était pas possible
qu’il fût retenu dans les liens du shéol. Il est non seulement le fidèle témoin,
mais le premier-né d’entre les morts [(Col. 1:18)].
Chapitre 3
Témoignage du ressuscité, Dieu revenant à Son caractère de bonté
[3:1] Et maintenant le second témoignage commence. Tout ce qu’Israël avait pu
être, tout ce qui tenait à l’homme responsable en lui-même en fait de
témoignage, a manqué pour toujours. Christ même, qui était fidèle, a été rejeté
; Israël, par conséquent, envisagé comme vase du témoignage de Dieu dans la
chair, est lui-même mis de côté. C’est le Ressuscité seul qui maintenant peut
rendre témoignage, et, nous pouvons ajouter, rendre témoignage à Israël
lui-même, qui est maintenant devenu l’objet de miséricorde, au lieu d’être vase
de promesse et de témoignage. Mais ceci fait rentrer Dieu, pour ainsi dire, dans
son caractère propre de bonté. Si Israël, comme homme juste, ne peut pas être le
vase du témoignage de la justice, et même comme pécheur l’a rejeté, Dieu revient
à son caractère de bonté comme fidèle Créateur, duquel du reste il n’est jamais
sorti au fond de son être, quoiqu’il ait mis l’homme à l’épreuve en le mettant
en relation avec Lui-même, en lui accordant tous les avantages possibles pour
voir s’il pouvait être un témoin de la justice de Dieu sur la terre. Jonas
savait au fond que cette bonté était là ; certes, lui et sa nation en avaient
fait l’expérience ; mais si la justice n’était pas sans miséricorde pour
glorifier celui qui portait le caractère de témoin de cette justice, si elle
n’était pas revendicatrice pour faire valoir la position du témoin, celui-ci
n’en voulait rien. Dès lors il en était incapable, car en effet Dieu était bon,
et un témoin de Lui, tel que Jonas l’aurait désiré, était impossible, — il n’eût
pas été vrai.
Grâce et miséricorde
envers les gentils
[3:10] C’est pourquoi la grâce, c’est-à-dire la révélation de la grâce,
s’identifie avec la bonté envers les gentils. Est-il Dieu des Juifs seulement
[(Rom. 3:29)] ? Non certes, mais aussi des gentils, et le rejet des Juifs comme
tels devient la réconciliation du monde. « Le même Seigneur est riche envers
tous ceux qui l’invoquent » [(Rom. 10:12)] « afin que les gentils glorifient
Dieu pour sa miséricorde » [(Rom. 15:9)]1.
1 Nous pouvons ajouter aussi que cette révélation de la grâce, dans son accomplissement, se rattache à la résurrection. Ceci, en effet, a une cause plus profonde, savoir l’état de l’homme dans sa nature, et cela a été mis en lumière, dispensationnellement, par le péché des Juifs en rapport avec Christ selon la chair.
Chapitre 4
Bonté de Dieu envers ceux qui se repentent, et égoïsme de Jonas qui s’y oppose
Dieu menace pour qu’on se détourne du mal, mais Jonas veut quand même le
jugement
C’est là le débat de Dieu avec Jonas à la fin. [4:1-2] Il veut refuser à Dieu le
droit de faire grâce à ses pauvres créatures, et insiste pour que Dieu exécute
la sentence sur le monde des gentils avec rigueur, sans même laisser lieu à la
repentance. [4:11] Dieu répond, non pas encore en développant les conseils de sa
grâce, mais en appelant aux droits de sa souveraine bonté, à sa nature, à son
propre caractère. Ninive a cru Dieu. Or, si Dieu menace, c’est afin qu’on se
détourne du mal, et ensuite qu’il épargne celui qui s’en sera détourné. Sans
cela, il n’y aurait pas besoin qu’il avertît le pécheur ; il n’aurait qu’à le
laisser mûrir pour le jugement, sans rien lui dire. Or, ce ne sont pas là les
voies de Dieu.
Dieu de jugement connu
à la fin par la tribulation d’Israël déjà annoncée
Et on peut remarquer que ce n’est pas ici la foi à l’Éternel, comme dans le cas
des marins effrayés [(1:16)]. L’effet des grandes tribulations qui tomberont sur
Israël, aux derniers jours, comme un jugement sur l’infidèle témoin de
l’Éternel, fera connaître ce Dieu de jugement, et fera aussi que le grand nom de
l’Éternel sera glorifié par toute la terre (ch. 1:14, 16). À l’égard des
derniers jours, nous avons vu que c’est ici le témoignage de tous les prophètes,
ainsi que celui des Psaumes (*).
(*) Voyez És. 66 ; Ézéch. 36:36 ; 37:28 ; 39:7, 23 ; Zach. 2:11 ; 14:1 et une foule d’autres passages.
Voyez Ps. 9:15, 16 ; 46 ; 83:18 et les Psaumes qui terminent le livre.
La reconnaissance de
son péché et du jugement de Dieu par Sa parole amène le pardon
Ici, c’est simplement Dieu. [3:5] Les habitants de Ninive crurent Dieu. C’est
l’effet de la parole de Dieu sur leur conscience. [3:8] Ils reconnaissent leur
iniquité et s’en détournent ; ils reconnaissent le jugement de Dieu pour juste
et sa parole pour vraie, [3:10] et Dieu les pardonne et n’exécute pas son
jugement. Au reste, c’est selon ses voies, ainsi qu’il les a fait connaître par
Jérémie [(18:1-10)].
Égoïsme de Jonas
cherchant sa gloire plutôt qu’à faire connaître Dieu dans Sa grâce
Le Dieu de bonté a pitié des créatures de ses mains, lorsqu’elles s’humilient
devant Lui et tremblent à l’ouïe de ses justes jugements. Mais Jonas ne se
soucie pas d’elles, mais de sa réputation de prophète. Triste cœur de l’homme,
si incapable de s’élever jusqu’à la bonté de Dieu ! Si Jonas avait été plus près
de Lui, il aurait senti que c’était précisément là le Dieu qu’il annonçait, tel
qu’il avait appris à l’aimer en le connaissant. Il aurait pu dire : Maintenant
les Ninivites connaîtront, en effet, le Dieu dont je me glorifie de porter le
témoignage, et ils seront heureux. Mais Jonas ne pense qu’à lui-même, et
l’égoïsme affreux de son cœur lui cache le Dieu de bonté, fidèle à son amour
envers ses pauvres créatures. Le chapitre 4:2 montre cet esprit de Jonas dans
toute sa laideur. La grâce de Dieu est insupportable à l’orgueil de l’homme ; sa
justice, à la bonne heure, on s’en revêtira pour sa propre gloire ; car l’homme
aime la vengeance qui s’allie à la puissance qui l’exécute. Il faut que Dieu
annonce la justice ; il ne sauve pas dans le péché ; il fait connaître le péché
à l’homme pour le réconcilier avec Lui, afin que sa restauration soit réelle,
soit celle de son cœur, de sa conscience avec Dieu ; mais c’est pour se faire
connaître en lui faisant grâce.
Bonté souveraine de
Dieu, envers le pécheur et envers Son prophète égoïste
Cependant Dieu est au-dessus de toute la misère de l’homme, [4:6] et il traite
Jonas lui-même avec bonté, [4:11] mais en lui faisant sentir cependant qu’il ne
renoncera pas à sa bonté, à sa nature, pour satisfaire à l’irritation du cœur de
l’homme. [4:6] Il soulage Jonas désappointé par le non accomplissement de ses
paroles, et l’égoïsme de Jonas trouve ses délices dans ce soulagement. Il oublie
presque sa vengeance dans la satisfaction qu’il éprouve en étant abrité de
l’ardeur brûlante du soleil. Sorti pour voir quel serait le sort de la ville
dont la repentance contrariait son méchant cœur, il se réjouit dans son
irritation, du kikajon que Dieu lui a préparé. Mais quel témoignage à la
profonde iniquité de la chair ! La repentance du pécheur, son retour à Dieu,
irrite le cœur. C’est bien cela, car la ville est épargnée à cause de sa
repentance. Dieu frappera-t-il celui qui vient à Lui humilié de sa faute ? Celui
qui ne connaît pas le cœur de l’homme ne comprendrait pas comment une telle
parole : « L’amour ne se réjouit pas de l’injustice » [(1 Cor. 13:6)] a pu avoir
son application. La voilà dans le cas d’un prophète. Voyez la même histoire avec
la même application et la même patience de Dieu, dans le cas du frère aîné de
l’enfant prodigue [(Luc 15:25-32)]. [4:10] Mais, si l’homme est content de ce
qui soulage sa misère, et s’irrite même en égoïste lorsqu’il voit que ce qui le
soulage est détruit, [4:11] Dieu n’épargnerait-il pas les œuvres de ses mains,
et n’aurait-il pas, comme un Dieu de bonté, compassion de ce qu’il a fait ?
Certes, il n’écoutera pas le cœur de l’homme pour faire taire sa bonté envers
ceux qui en ont besoin. Rien de plus touchant, de plus beau, que le dernier
verset de ce livre, où Dieu fait voir cette force, cette nécessité suprême de
son amour. Si les menaces de sa justice se font entendre, et doivent se faire
entendre et s’exécuter, cet amour, lorsque l’homme reste dans sa rébellion,
demeure dans le calme de cette parfaite bonté que rien ne peut altérer, et qui
saisit l’occasion de se montrer, lorsque l’homme lui permet, pour ainsi dire, de
le bénir, dans le calme de la perfection auquel rien ne peut échapper, qui
observe tout pour agir selon sa propre nature, jamais troublé, — le calme de
Dieu lui-même, essentiel à sa perfection, duquel dépendent toute notre
bénédiction et toute notre paix.
Conclusion
Gouvernement de Dieu envers les hommes comme Créateur
Il est bien de remarquer ici que le sujet dont s’occupe ce livre n’est pas le
jugement des secrets des cœurs au grand jour, mais le gouvernement de Dieu à
l’égard des hommes sur la terre. Il en est ainsi d’ailleurs de tous les
prophètes. On peut remarquer aussi que Dieu, dans ce livre, se révèle comme Dieu
créateur, — Élohim. Nous savons que les créatures mêmes soupirent encore sous
l’effet du péché [(Rom. 8:22)]. Elles n’échappent pas, elles non plus, à la
bonté et aux sympathies de Dieu. Il est bon envers elles : pas un passereau ne
tombe à terre sans Lui [(Matt. 10:29)]. Le temps viendra où la malédiction sera
ôtée, et où, affranchies de la servitude de la corruption, elles jouiront de la
liberté de la gloire des enfants de Dieu. Si Dieu devient notre Père, s’il prend
le caractère de l’Éternel qui jugera Israël et accomplira à son égard ses
promesses et ses conseils, malgré le monde entier, il ne cesse jamais d’être le
Dieu créateur, et n’abdique pas l’un de ses caractères pour en prendre un autre,
pas plus qu’il ne les confond, car ils révèlent sa nature et ce qu’il est.
Docilité finale de
Jonas pour rapporter tout ce livre
Il est doux de voir, enfin, après tout, la docilité de Jonas à la voix de
l’Éternel, manifestée par l’existence de ce livre, — de voir celui-là même qui a
failli, servir d’instrument à l’Esprit, pour faire ressortir ce qui en est du
cœur de l’homme, vase du témoignage de Dieu, et (en contraste avec le prophète
fidèle à raconter toutes ses fautes) la bonté de Dieu à laquelle il n’a pu ni
atteindre, ni se soumettre.
Deux emplois du signe
de Jonas dans le Nouveau Testament
On peut remarquer que le cas de Jonas est employé, dans le Nouveau Testament, de
deux manières, qu’on ne doit pas confondre : comme témoin, par la parole de
Dieu, au milieu du monde, service auquel le Seigneur compare le sien [(Luc
11:29-32)] ; et ensuite, comme dans le ventre du poisson, circonstance que Jésus
prend comme figure du temps qu’il a demeuré lui-même dans le tombeau [(Matt.
12:40)]. Il était signe aux Ninivites par sa prédication, ainsi que Jésus au
milieu des Juifs, plus durs d’oreille et de cœur que ces païens éloignés de
Dieu. Il est signe, en ce qui lui est arrivé à la suite de son refus de rendre
témoignage, de ce qui devait arriver à Jésus, lorsqu’il a porté la peine de
l’iniquité de ce peuple, et qu’il est devenu témoin de la grâce, étant
ressuscité d’entre les morts, et en même temps, occasion de jugement pour ceux
qui l’ont rejeté. Nous avons vu que, dans son histoire, Jonas est une
remarquable figure morale d’Israël, — au moins de la conduite d’Israël.
Commentaire entier
John Nelson Darby