Introduction aux
Hagiographes (Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques)
Caractère particulier des Hagiographes
Aucun de ces livres ne suppose une rédemption accomplie
Les Chetubim, ou Hagiographes1, parmi lesquels je ne compte pas Daniel, quoique
son livre ait un caractère distinct de ceux des autres prophètes, forment une
partie spéciale et très intéressante de la révélation divine. Aucun d’eux ne
suppose une rédemption accomplie et connue, dans le sens où ce mot est pris dans
le Nouveau Testament, bien que tout repose sur elle, comme toute bénédiction du
reste. Dans le livre de Job (chap. 33:24), un unique passage présente une
application particulière du terme rédemption : « J’ai trouvé une propitiation »
(ou rançon, en hébreu Copher). Les Psaumes, nous le savons, annoncent
prophétiquement les douleurs et les souffrances par lesquelles la rédemption fut
accomplie.
1 Les Hagiographes, ou écrits sacrés, tel est le nom donné aux livres suivants : Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques.
Connaissance d’un
rédempteur futur, mais pas de la rédemption et du péché ôté
La rédemption par le sang, une fois accomplie, est connue par la foi, soit par
les Juifs, soit par les chrétiens. Ésaïe prophétise qu’Israël la reconnaîtra
pleinement, et nous savons que sous la loi il y en avait des ombres dans les
offrandes et les sacrifices. Mais la connaissance de la rédemption éternelle est
celle que possèdent les chrétiens, et qui sera la part des Juifs lorsqu’ils
verront Celui qu’ils ont percé [(Zach. 12:10)]. Jusqu’à la mort de Christ, le
voile n’avait pas été déchiré, et le lieu très saint restait inaccessible. Il y
avait une connaissance plus ou moins claire d’un Rédempteur — d’un Rédempteur
futur venant en personne ; on savait aussi que la faveur de Dieu reposait sur
ceux qui marchaient avec Lui, et il y avait la confiance de la foi en Lui et
dans ses promesses. Mais il n’existait pas cette connaissance du péché qui
conduit, lorsque Dieu est révélé, à la conscience que, comme état actuel, on est
exclu de sa présence ; on n’avait pas non plus la connaissance que le péché est
ôté, de telle sorte que nous sommes pleinement et pour toujours réconciliés avec
Dieu et amenés à Lui par l’efficacité de l’œuvre accomplie.
Expression des voies de
Dieu envers l’homme et Israël, en gouvernement
Sauf en ce que les Psaumes expriment touchant la délivrance future d’Israël par
la puissance de Dieu et les jugements qu’il exercera, les livres dont nous
parlons ne sont pas des prophéties des voies et des actes de Dieu. Ils
présentent l’expression divinement donnée des pensées et des sentiments de
l’homme sous le gouvernement de Dieu1 et la révélation de ce qu’est Dieu avant
que la rédemption fût pleinement connue. C’est surtout ce qui a eu lieu en
Israël ; c’est pourquoi ces livres sont, dans l’ensemble, l’expression variée
des voies de Dieu envers Israël. Cependant, ce qui y est présenté sous les
conditions révélées et les communications prophétiques en gouvernement direct2,
était ce qui, en principe, était vrai partout des voies de Dieu, quoique déployé
d’une manière spéciale envers ce peuple — la question de la justice positive de
l’homme étant ainsi soulevée en Israël par la loi, parfaite règle de vie pour
les fils d’Adam.
1 Ces pensées et ces sentiments deviennent ce qu’étaient ceux de Christ dans son humiliation et ses souffrances, et sont ainsi des prophéties de ces dernières, mais sous la forme des sentiments qu’il éprouvait en les endurant. Or cela est d’un prix infini pour nous.
2 En Israël. (Note du trad.)
Contenu particulier de
chacun des livres
Job, Dieu agissant pour le bien d’un homme pieux hors d’Israël
Le livre de Job nous offre l’exemple de la relation avec Dieu d’un homme pieux
en dehors d’Israël et, sans doute, avant que ce peuple eût paru sur la scène.
Nous y voyons comment Dieu agit pour le bien envers les hommes dans ce monde
mauvais ; mais, en résultat, ce livre, je n’en doute pas, devient clairement un
type d’Israël. Les voies de Dieu, telles qu’elles nous sont présentées en Job,
sont pleinement manifestées dans l’histoire de ce peuple. Et il est à remarquer
que, lorsque Job sent pratiquement l’impossibilité où est l’homme d’être juste
devant Dieu (Job 9:2, 30, 31), il se plaint d’être dans la terreur et de n’avoir
point d’arbitre entre Dieu et lui (v. 33, 34). Élihu, qui se place sur ce
terrain au lieu de Dieu, n’expose pas la rédemption, mais le gouvernement de
Dieu et le châtiment (chapitres 33, 36). C’est ainsi que Dieu agit souvent avec
l’homme.
L’Ecclésiaste montre un
monde sous le gouvernement de Dieu, sans relation connue avec Lui
Le livre de l’Ecclésiaste regarde le monde comme placé sous le même
gouvernement, et dans son présent état de chute. Il soulève la question de
savoir si, dans un tel monde, l’homme peut, par quelque moyen, trouver le
bonheur et le repos. Mais nous n’y trouvons nulle trace de la rédemption. On n’y
voit non plus aucune idée d’une relation connue avec Dieu. Dieu y est toujours
nommé Élohim et jamais Jéhovah. Craindre Dieu et garder ses commandements, y est
envisagé comme le tout de l’homme [(Eccl. 12:13)].
Cantique des cantiques
et Proverbes basés sur une relation avec Dieu, mais sans rédemption, comme dans
Romains
Le Cantique des Cantiques présente une relation directe avec le Seigneur, le
Fils de David. On y voit les ardentes affections qui appartiennent à la relation
avec Christ. Dans les Proverbes, nous avons un fil conducteur pour nous guider à
travers la scène mélangée et l’enchevêtrement des choses de ce monde. Ici, tout
est sur la base de la relation avec Jéhovah, Dieu (Élohim) n’étant mentionné
qu’une fois ou deux, de manière à ne pas affecter ce que nous venons de dire
(voir la note, page 11). Mais ni l’un ni l’autre de ces livres ne se place sur
le terrain d’une rédemption connue. Les Hagiographes attendent une rédemption
opérée en puissance. Au contraire, l’épître aux Romains commence par la colère
de Dieu révélée du ciel [(Rom. 1:18)] — et non par le gouvernement — colère
révélée du ciel contre toute impiété et toute iniquité là où était la vérité,
contre le gentil et contre le Juif1, puis l’apôtre introduit la rédemption, la
justification personnelle et la justice — la justice de Dieu. Le cas du gentil
et du Juif est traité à fond, et placé pleinement comme devant Dieu lui-même ;
la colère venant du ciel en est la conséquence nécessaire. Ensuite vient la
rédemption complète par le sang pour introduire au ciel, la grâce souveraine
régnant par la justice et nous donnant une place avec le second Adam, le
Seigneur venu du ciel [(Rom. 4:13)]. En même temps, nous est présenté le
résultat à venir pour Israël. Tout est rendu clair dans la lumière comme Dieu
est dans la lumière — son éternelle rédemption et les lieux célestes, bien que
finalement la terre soit aussi bénie. Mais nous sommes ici-bas étrangers et
pèlerins. C’est notre place en vertu même de la rédemption. Il en était de même
pour les Abraham et les David, mais c’était en n’obtenant rien de ce qui avait
été promis, ou en souffrant la persécution sous le gouvernement de Dieu sur la
terre, de sorte qu’après tout, dans cet ordre de choses, cette position devait
être difficile à comprendre pour l’un et pour l’autre. Toutefois la possession
finale du pays, leur héritage, l’héritier à venir, et le jugement des méchants,
toutes ces choses connues par révélation devaient concourir à enlever la
difficulté de leurs esprits.
1 Et remarquez ici que le Ps. 14 et És. 59, cités par l’apôtre comme preuve du péché du Juif, se terminent tous deux par la délivrance de Jérusalem par le moyen de la puissance. Dans l’épître aux Romains, il est fait face au péché au moyen de la justification par le sang.
Exercices de la foi en
rapport avec la situation de chacun
Difficultés liées à la position terrestre, même si Dieu y agit, mais non comme
rédempteur
Mais dans Job, les Psaumes et l’Ecclésiaste où sont exprimés les sentiments de
l’homme dans cette position, l’embarras qu’elle fait naître est pleinement
manifesté. La foi et la confiance en Dieu peuvent passer par-dessus, ou
persévérer à travers tout ; les témoignages prophétiques peuvent y faire face,
mais la difficulté est là, et cette terre est la scène de la réponse de Dieu à
ses promesses, quand bien même la foi soit parfois forcée de s’élever au-dessus
d’elle, nourrie par une confiance personnelle en Dieu. Mais à présent nous avons
une relation éternelle fermement établie par la rédemption avec Dieu notre Père,
sur une scène toute nouvelle où nous sommes amenés par le précieux sang de
Christ, dont l’effusion a glorifié Dieu lui-même et nous a réconciliés avec Lui,
bien que nous n’ayons pas encore la rédemption de nos corps. Tout cela était
alors inconnu. On avait beaucoup appris touchant Dieu, et c’était très précieux.
Mais le résultat actuel de la bénédiction de Dieu était pour Job plus de
chameaux, plus de brebis, et des filles plus belles [(Job 42:12-15)] ; dans les
Psaumes, c’est le jugement des ennemis et la délivrance par cette bonté qui
demeure à toujours ; c’est la terre mise en liberté sous le gouvernement
judiciaire du ciel ; dans l’Ecclésiaste, en voyant l’effet présent du
gouvernement, il faut que l’homme craigne Dieu, garde ses commandements et en
demeure là [(Eccl. 12:13)]. Nulle part on ne trouve une rédemption actuelle et
connue. Quelle différence, quelle immense différence cela fait ! « Comme il est,
Lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde » (1 Jean 4:17). Celui qui nous a
rachetés est monté vers son Père et notre Père, son Dieu et notre Dieu [(Jean
20:17)]. Les Proverbes et le Cantique des Cantiques ont, comme je l’ai dit, un
autre caractère, bien que se rapportant à la même scène : les Proverbes, qui ne
présentent pas les sentiments de l’homme au milieu de la scène de ce monde, mais
la direction de Dieu pour le traverser par l’expérience et la sagesse enseignée
par une autorité divine1 ; et le Cantique de Salomon, où l’on voit le cœur ravi
en dehors de toute la scène, bien qu’au milieu d’elle, et cela non par une
rédemption connue, mais par une affection dévouée pour le Messie, et par celle
du Messie pour Israël, affection produite dans le cœur par la révélation qu’il
donne de lui-même ; révélation de son amour pour Israël dans le but de faire
naître l’amour dans le cœur de celui-ci.
1 Le lecteur pourra être aidé pour discerner le caractère de ce livre et celui de l’Ecclésiaste en remarquant que, dans les Proverbes, c’est le nom de Jéhovah qui est toujours employé, sauf au chap. 25:2, où l’on trouve Dieu (Élohim), et au chap. 2:17, où il y a « son Dieu ». Mais cela n’est pas une exception ; c’est-à-dire qu’il y a une relation reconnue avec le Dieu révélé d’Israël. Mais dans l’Ecclésiaste, on ne trouve jamais le nom de Jéhovah. C’est toujours Élohim, le nom abstrait de Dieu sans aucune idée de relation ; c’est Dieu comme tel en contraste avec l’homme et chaque créature, et l’homme y est vu ayant découvert expérimentalement sa vraie place et son bonheur comme tel, sans la révélation d’aucune relation spéciale avec Dieu. Dans le livre de Job, l’éditeur, si je puis dire ainsi, ou l’historien qui donne les dialogues, se sert toujours du mot Jéhovah, mais dans le corps du livre, Job, sauf une fois en parlant du gouvernement de Dieu (chap. 12:9), et Élihu constamment, se servent du nom de Tout-Puissant, le nom révélé à Abraham, ou simplement du mot Dieu. Les amis de Job, en général, emploient ordinairement le mot Dieu, Éliphaz en particulier, parle du Tout-Puissant ; parfois c’est simplement il. Tsophar, à ma connaissance, ne se sert d’aucun nom. Le dialogue est caractérisé par les mots Dieu et Tout-Puissant.
Exercices de cœur pour
nous maintenant ici-bas, dans une position différente
Ces exercices de cœur ont leur place en nous maintenant, parce que nous sommes
dans le monde ; mais c’est dans la conscience que nous avons d’une rédemption
accomplie et de la sollicitude actuelle d’un Père saint, duquel les voies
parfaites, vues en Christ, sont le modèle de notre conduite. Nous pouvons
accepter avec joie d’être dépouillés de nos biens, sachant que nous avons des
biens meilleurs et permanents dans les cieux ; nous nous glorifions dans les
tribulations, parce qu’elles opèrent leur fin nécessaire et bénie, une espérance
qui ne confond point, et l’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par l’Esprit
Saint qui nous a été donné. Notre position est toute différente, et c’est une
position bénie.
J’espère que ces remarques nous aideront à comprendre les livres dont nous avons parlé. J’arrive aux livres eux-mêmes.
John Nelson Darby
Job, chapitres 1 à 42
Idée générale du livre de Job
Importance des détails après avoir saisi l’idée générale du livre
Après ce que je viens de dire, le livre de Job n’exigera pas un long examen ;
non qu’il manque d’intérêt, mais l’idée générale une fois saisie, ce sont les
détails qui sont intéressants, et ici, les détails ne doivent pas nous arrêter.
Exercices d’un cœur se
débattant avec le mal, éclairé par la lumière divine
Nous trouvons, dans le livre de Job, une partie de ces exercices de cœur que
cette division du saint Livre nous présente. Ces exercices ne sont pas joyeux,
mais ce sont ceux d’un cœur qui, traversant un monde où se déploie la puissance
du mal, et cela sans être mort quant à la chair, n’ayant pas cette science
divine que donne l’Évangile, n’étant pas mort avec Christ quant à soi-même, ne
possédant pas Christ ressuscité, n’est pas en état de jouir en paix, quels que
soient ses combats, du fruit de l’amour parfait de Dieu, mais se débat avec le
mal dans la jouissance du seul vrai bien, lors même qu’il le désire ; tandis
que, par ces révélations mêmes, la lumière de Christ éclaire ces exercices, et
la sympathie de son Esprit et la part qu’Il y prend en grâce sont développées
d’une manière touchante. Ce que nous apprenons par eux, c’est ce que nous sommes
— non pas les péchés que nous avons commis. Ce n’était pas le cas de Job, mais
l’âme elle-même est placée devant Dieu.
Homme juste mis à
l’épreuve devant Dieu, et voies de Dieu pour sonder les cœurs
En Job, nous voyons l’homme mis à l’épreuve, l’homme, nous pouvons le dire, avec
la connaissance que nous avons maintenant, renouvelé par la grâce, juste et
intègre dans ses voies, mis à l’épreuve pour faire voir s’il peut se maintenir
devant Dieu en présence de la puissance du mal, s’il peut en lui-même avoir la
justice devant Dieu ; et, d’un autre côté, les voies par lesquelles Dieu sonde
les cœurs et les place dans la conscience de leur vrai état devant Lui.
Ch. 1 à 2 v. 10 —
Fidélité de Job à Dieu même dans l’épreuve par Satan
Ch. 1 v. 1-8 — Job, homme pieux au milieu d’un monde infidèle, béni par Dieu
Tout cela est d’autant plus instructif qu’il nous est présenté en dehors de
toute économie, de toute révélation particulière de la part de Dieu. C’est
l’homme pieux, tel que pouvait l’être un descendant de Noé, qui n’avait pas
perdu la connaissance du vrai Dieu, à une époque où le péché se propageait de
nouveau dans le monde, et où, en même temps, l’idolâtrie commençait à s’établir,
bien que le juge fût là pour la punir. Job était entouré de bénédictions et
possédait une vraie piété. [1:7] Satan, l’accusateur des serviteurs de Dieu, se
promène sur la terre, cherchant une occasion pour le mal, [1:6] et vient se
présenter devant Dieu parmi les anges de sa puissance, les « Bene-Élohim ».
[1:8] Dieu expose le cas de Job, objet de son gouvernement en bénédiction, de
Job fidèle dans sa marche.
Ch. 1 v. 9-12 — Dieu
est l’origine de ces voies, pour le bien de Job, Satan n’étant qu’un instrument
Il faut remarquer soigneusement ici que l’origine et la source de toutes ces
voies, ce ne sont plus les accusations de Satan, mais Dieu lui-même. Dieu savait
ce qu’il fallait à son serviteur Job, [1:8] et c’est lui-même qui présente son
cas et met tout en mouvement. Demande-t-il à Satan s’il a considéré son
serviteur Job, c’est que lui-même il l’a considéré. Satan n’est qu’un
instrument, un instrument ignorant quoique rusé, pour accomplir les desseins de
grâce de Dieu. [1:9-11] Les accusations ne peuvent réellement rien contre Job,
elles ne font que montrer leur fausseté par ce qu’il lui est permis de faire.
[1:12] Mais, jusqu’à un certain point, Job est laissé pour son bien à la volonté
de Satan afin de l’amener, lui Job, à connaître son propre cœur et à jouir aussi
plus intimement d’une relation pratique avec Dieu. Combien les voies de Dieu
sont bénies et parfaites ! Combien sont vains en définitive les efforts de Satan
contre ceux qui sont siens !
Ch. 1 v. 13 à 2 v. 10 —
Job justifié des accusations de Satan en perdant tout
[1:10] Satan attribue la piété de Job à la faveur évidente de Dieu et à sa
prospérité, à la haie de protection dont il l’a entouré. [1:12] Dieu livre tout
cela entre les mains de Satan. [1:15, 17] Celui-ci excite aussitôt la cupidité
des ennemis de Job, qui l’attaquent et le dépouillent de tout. [1:19] Ses
enfants même périssent par l’effet de la tempête qu’il est permis à Satan de
soulever ; [1:21] et Job, sans s’arrêter ni aux instruments, ni à Satan qui les
emploie, reçoit sans murmure la coupe amère de la main de Dieu lui-même. [2:4]
Satan suggère alors que l’homme abandonnerait tout pour se conserver lui-même.
[2:6] Dieu lui abandonne tout, sauf la vie de son serviteur. [2:7] Satan frappe
Job d’une affreuse maladie. [2:10] Job se soumet à la main de Dieu, et reconnaît
tous ses droits. Satan avait épuisé ses moyens de nuire à Job, et nous
n’entendons plus parler de lui. Mais il est beau de voir que Dieu a par ce moyen
complètement justifié Job des accusations de Satan. Job n’était pas hypocrite.
Il avait perdu tous les biens auxquels Satan attribuait sa piété, et cette piété
brilla plus que jamais. Satan peut dénoncer les motifs qui agissent dans la
chair, le mal qui est dans le cœur de l’homme et que lui-même excite, mais la
grâce qui se trouve en Dieu, son amour sans cause, et la grâce opérant dans
l’homme qui s’y confie et s’y repose, il n’en peut connaître ni la mesure ni la
puissance.
Manifestation du cœur
de Job par l’épreuve
Job doit être mis devant Dieu pour apprendre à se connaître
Mais les profondeurs du cœur de Job n’étaient pas encore atteintes ; et quelle
qu’ait pu être l’intention de Satan, c’est à cela que Dieu voulait en venir. Job
ne se connaissait pas. Quelle qu’eût été sa piété, il ne s’était, jusqu’alors,
jamais trouvé dans la présence de Dieu. Que de fois il arrive que, même dans une
longue vie de piété, la conscience n’a jamais été réellement placée devant Dieu.
On ignore encore la paix, telle qu’elle ne saurait être ébranlée, et la
véritable liberté. Il y a ce désir qui cherche Dieu ; il y a la nouvelle nature
; l’attrait de la grâce a été senti, néanmoins Dieu et son amour, tel qu’il est
réellement, ne sont pas connus. Si Satan est déjoué (la grâce de Dieu ayant
gardé le cœur de Job pour qu’il ne murmurât pas), Dieu a encore son œuvre à
faire. Ce que la tempête, suscitée par Satan contre Job, n’a pu faire, la
sympathie de ses amis l’accomplira. Pauvre cœur de l’homme ! L’intégrité et même
la patience de Job ont été manifestées. Satan n’a plus rien à dire. Dieu seul
peut découvrir ce que le cœur est réellement devant Lui. L’absence de toute
volonté propre, le parfait accord de la volonté de l’homme avec celle de Dieu,
une soumission absolue comme celle de Christ ; ces choses, Dieu seul peut en
faire l’épreuve et ainsi mettre à nu devant Lui le néant du cœur de l’homme.
C’est ce que Dieu a fait à l’égard de Job, en montrant en même temps qu’il
agissait dans ce cas en grâce pour le bien de l’âme qu’il aimait.
Comparaison des
expressions de Job et des Psaumes pour un affligé
En comparant les paroles de l’Esprit de Christ, dans les Psaumes, avec les
expressions de Job dans son affliction, on trouvera souvent, dans l’appréciation
des circonstances, des termes à peu près identiques ; mais, au lieu des plaintes
amères et des reproches adressés à Dieu, on entendra le langage de la soumission
d’un cœur qui reconnaît que Dieu est parfait dans toutes ses voies.
Intégrité de Job, qui
en faisait sa justice et s’y complaisait, manifestant son orgueil
Job était intègre, mais il commençait à faire de son intégrité sa justice,
démonstration évidente qu’il n’avait jamais été vraiment dans la présence de
Dieu. La conséquence en a été que, bien qu’il raisonnât plus juste que ses amis,
et montrât un cœur qui sentait réellement beaucoup plus qu’eux ce que Dieu
était, il osait attribuer à Dieu l’injustice et lui prêter le vouloir de le
tourmenter sans cause (voyez les chap. 19 ; 23:3-13 ; 13:15-18 ; 16:12). Dans le
chap. 29, on voit aussi que son cœur s’était arrêté à sa marche juste et
bienfaisante, qu’il s’y complaisait, qu’il en faisait l’éloge, et que son
amour-propre s’en nourrissait. « Quand l’œil me voyait, il me rendait témoignage
» [(29:11)]. Dieu l’a amené à dire : « Maintenant mon œil t’a vu : c’est
pourquoi j’ai horreur de moi » [(42:5-6)]. Et c’est par ces chapitres (29, 30,
31), où il exprime la bonne opinion qu’il a de lui-même, que Job termine son
discours. Le fond de son cœur était vidé. Il était satisfait de lui-même : la
grâce de Dieu avait bien agi en lui d’une manière qui le rendait aimable, mais
n’étant pas en la présence de Dieu qui manifeste la perfidie du cœur humain,
cette perfidie avait pour effet actuel de rendre Job aimable à ses propres yeux.
S’il (chapitre 9) reconnaît l’iniquité de l’homme (car qui pourrait le nier, et
surtout quel cœur converti le ferait ?), c’est dans l’amertume de son âme, parce
qu’il est inutile à l’homme de vouloir être juste devant un tel Dieu. Qu’il
s’agît de l’orgueil du cœur de Job qui ne pouvait supporter d’être vu dans un
tel état par ceux qui avaient connu sa grandeur, état que l’orgueil aurait pu
supporter seul par opiniâtreté, ou qu’il s’agît de la sympathie qui en
affaiblissant sa fierté, l’avait laissé en pleine conscience de son misérable
état, le chap. 6, ainsi que tous les discours de Job, démontre que c’étaient la
présence et les discours de ses amis qui furent le moyen de faire ressortir ce
qui était dans son cœur. On voit aussi, chap. 30, que l’orgueil de son cœur
avait été mis à découvert.
Répliques données à
Job, jusqu’à la conclusion par Dieu même
Froide appréciation du gouvernement de Dieu par les amis de Job, alors que lui
regarde vers Dieu
Quant aux amis de Job, il n’y a pas grand-chose à en dire. Ils insistent sur la
doctrine que le gouvernement terrestre de Dieu serait actuellement une pleine
manifestation et une pleine mesure de sa justice et de la justice de l’homme qui
aurait dû y correspondre ; doctrine qui démontrait une ignorance totale de ce
qu’est la justice de Dieu, de ce que sont ses voies, ainsi que l’absence de
toute vraie connaissance de ce que Dieu est, ou de ce que l’homme est comme
pécheur. On ne voit pas non plus chez eux un cœur mû, dans ses sentiments, par
la communion avec Dieu. Leurs arguments sont une fausse et froide appréciation
de la justice exacte de son gouvernement, comme manifestation adéquate de ses
relations avec l’homme, quoiqu’ils emploient plusieurs lieux communs que même
l’Esprit de Dieu admet comme justes. Lors même que, dans l’appréciation que Job
fait de lui-même, il ne soit pas devant Dieu, il juge tout cela avec justesse.
Il fait voir que, bien que Dieu n’approuve pas les méchants, les circonstances
dans lesquelles on les trouve souvent renversent les raisonnements de ses amis.
On voit en lui un cœur qui, tout en étant rebelle à Dieu, compte sur Dieu et
aimerait à le trouver et qui, aussitôt qu’il peut, en quelques mots se
débarrasser de ses amis qui, il le sent bien, ne comprennent rien ni à son cas,
ni aux voies de Dieu, se tourne vers Dieu (quoiqu’il ne le trouve pas, et qu’il
se plaigne que sa main s’appesantisse sur lui), comme dans ce beau et touchant
chap. 23, et dans les arguments contenus aux chap. 24 et 21, sur le gouvernement
de Dieu. C’est-à-dire qu’on voit un homme qui a goûté que le Seigneur est bon
[(1 Pier. 2:3)], dont le cœur, froissé sans doute et insoumis, réclame pour
Dieu, parce qu’il le connaît, des qualités que les froids raisonnements de ses
amis ne savaient pas Lui attribuer ; un cœur qui se plaint amèrement de Dieu,
mais qui sent que, une fois auprès de Lui, il le trouverait tel qu’il se le
représentait et non pas tel que le représentaient ses amis, ou tels qu’ils
étaient eux-mêmes — s’il pouvait le trouver, il ne serait pas comme eux, Dieu
mettrait des paroles en sa bouche ; un cœur qui repoussait avec indignation
l’accusation d’hypocrisie, car Job sentait qu’il regardait vers Dieu, qu’il
l’avait connu et avait agi par rapport à Lui, quoique Dieu trouvât bon de lui
rappeler son péché.
Ch. 32-37 — Élihu
explique les voies du Dieu Tout-puissant pour l’homme
Mais ces affections spirituelles n’empêchaient pas Job de se faire de la
conscience de son intégrité un vêtement de propre justice, qui lui cachait Dieu
et qui même cachait Job à lui-même. Il se déclare plus juste que Dieu (10:7, 8 ;
16:14-17 ; 23:11-13 ; 27:2-6). Élihu lui reproche ces choses, et, d’un autre
côté, lui explique les voies de Dieu. Il lui fait voir que Dieu visite l’homme
et le châtie, afin que, soumis et brisé, s’il se trouve quelqu’un pour lui faire
voir le point de contact moral entre son âme et Dieu [(33:23)], point où son âme
serait vraiment dans l’intégrité devant Lui1, Dieu puisse agir en grâce et en
bénédiction, et le délivrer du mal qui pesait sur lui. Élihu continue en lui
montrant que, si Dieu châtie, il convient que l’homme se présente devant Dieu,
afin d’apprendre en quoi il a mal fait. Enfin, il fait voir que les voies de
Dieu sont justes, que Dieu ne retire pas ses yeux de dessus le juste [(36:7)],
que s’il est dans l’affliction, Dieu lui montre ses fautes [(36:8-9)] ; que si,
lorsque Dieu lui ouvre l’oreille à la discipline [(36:10)], il se tourne vers
Dieu avec obéissance, il recevra prospérité [(36:11)], qu’au contraire les
hypocrites périront [(36:13-14)]. Le premier cas qu’Élihu présente (chap. 33) a
trait aux voies de Dieu à l’égard des hommes. Il réveille leur conscience sur
leur état et met un frein à leur orgueil et à leur volonté propre. Dieu châtie
et humilie l’homme. Le second cas se rapporte particulièrement au juste (chap.
36) ; c’est le cas d’une transgression positive, mais qui se trouve dans un
juste devant Dieu, un juste duquel il ne retire pas ses yeux [(36:7)], et dans
lequel il ne tolère pas l’iniquité. Mais dans le premier cas, l’homme est sur le
chemin de la destruction. C’était ce cas2 qui exigeait un interprète qui plaçât
l’homme dans l’intégrité devant Dieu [(33:23)]. Enfin, Élihu insiste sur la
puissance insondable du Dieu Tout-Puissant.
1 Ceci est un point très important. Dieu peut bénir d’une manière directe par la lumière de sa grâce, quand l’âme est amenée, dans sa vraie place, à voir ce qu’elle est réellement à ses yeux. Alors, quel que soit son état, il peut la bénir eu égard à cet état, avec un surcroît de lumière et de grâce. Si je me suis éloigné de Lui, et que j’aie été insouciant dans la marche, dès le moment que j’ai la conscience de mon éloignement, il peut bénir pleinement et directement. Mais il faut que l’âme soit amenée à reconnaître son état, autrement Dieu ne pourrait pas s’y associer, et il n’y aurait pas de bénédiction réelle. Car l’état sensible de l’âme ne répond pas à son état réel devant Dieu.
2 Dans ce cas, il peut y avoir une première conviction de péché ou, comme c’était le cas de Job, la connaissance de soi-même là où le moi n’a jamais été réellement jugé.
Ch. 38-42 — Job en
présence de Dieu, et but de Dieu pour lui atteint]
Jéhovah prend alors la parole et, s’adressant à Job, continue à parler sur ce
sujet. Il fait sentir à Job son néant. [39:37] Job se reconnaît vil [39:38] et
déclare qu’il veut se taire en présence de Dieu. L’Éternel reprend son discours,
[42:3] et Job reconnaît qu’en voulant parler de ce qu’il ne comprenait pas, il
avait obscurci le conseil. Mais maintenant, plus soumis encore, il exprime
ouvertement son véritable état. [42:5] Autrefois il avait entendu parler de
Dieu, maintenant son œil l’avait vu, [42:6] c’est pourquoi il a horreur de
lui-même, et il se repent dans la poussière et dans la cendre. Tel est l’effet
d’avoir vu Dieu et de se trouver en sa présence. L’œuvre de Dieu était
accomplie, cette œuvre de sa parfaite bonté qui n’avait pas voulu laisser Job
sans lui donner la connaissance de lui-même et sans le placer devant Dieu même.
Le but de la discipline était atteint, [42:12] et Job est entouré de plus de
bénédictions qu’auparavant.
Voies de Dieu envers
l’homme, qui ne peut se tenir devant Lui
Nous avons cette double leçon : d’un côté, l’homme ne peut point se tenir en la
présence de Dieu ; de l’autre, nous voyons les voies de Dieu pour l’instruction
de l’homme intérieur. C’est en outre, un tableau des voies de Dieu à l’égard des
Juifs sur la terre.
Œuvre de Dieu en Job
pour qu’il apprenne à connaître son cœur
Dieu poursuit Son œuvre jusqu’à ce que Job se connaisse, mais Satan a disparu
Le livre de Job nous donne évidemment aussi l’enseignement de l’Esprit sur le
rôle de Satan dans les voies et dans le gouvernement de Dieu, à l’égard de
l’homme sur la terre. Remarquons aussi les soins fidèles et parfaits de Dieu de
qui tout provenait (quelle qu’ait été la malice de Satan), parce qu’il voyait
que Job en avait besoin. [1:8] Nous constatons que c’est Dieu lui-même qui place
le cas de Job devant Satan et que celui-ci disparaît de la scène, car il s’agit
ici non des tentations qu’il produit dans l’homme, mais de son action sur la
terre. Or si Dieu s’était arrêté aux afflictions extérieures, Job aurait eu un
nouveau motif de satisfaction personnelle. L’homme aurait pu juger ces
afflictions bien suffisantes, mais le mal du cœur de Job, c’était de s’arrêter
aux fruits de la grâce en lui, ce qui n’aurait fait qu’augmenter la bonne
opinion qu’il avait déjà de lui-même ; bienfaisant dans la prospérité, il eût
été aussi patient dans l’adversité. Ainsi Dieu continue son œuvre, afin que Job
puisse se connaître.
Fond du cœur de Job
dévoilé par la sympathie de ses amis et son orgueil
La sympathie de ses amis (car on supporte seul et de la part de Dieu, en sa
présence, ce que l’on ne supporte pas lorsqu’on peut s’en plaindre aux hommes)
ou l’orgueil qui n’est pas éveillé quand nous sommes seuls, mais qui est blessé
lorsque d’autres ont le spectacle de notre misère, ou peut-être les deux choses
ensemble, renversent l’esprit de Job, [3:3] et il maudit le jour où il est né.
Le fond de son cœur est dévoilé. C’était ce dont il avait besoin.
Raison de l’affliction
de l’homme pieux, pour être humilié et mis à sa place
Nous avons ainsi l’homme placé entre Satan l’accusateur et Dieu. Il ne s’agit
pas de la révélation divine de la justice éternelle, mais de ses voies à l’égard
de l’âme des hommes dans ce monde. L’homme pieux passe par l’affliction. La
raison devait en être donnée : les amis affirment que ce monde est l’expression
adéquate du juste gouvernement de Dieu, par conséquent, Job qui a fait une
grande profession de piété est un hypocrite. Il le nie formellement, mais sa
volonté non brisée s’élève contre Dieu. Il a plu à Dieu de le faire, et Job n’y
peut rien. Seulement il est sûr que s’il trouvait Dieu, il mettrait des paroles
en sa bouche. Il a dit du bien de Dieu quoiqu’il fût dans la rébellion et qu’il
pensât que sa bonté procédait de lui-même. Il affirme encore que bien qu’il y
eût un gouvernement, ce monde ne l’a pas fait voir, comme l’ont dit ses amis ;
mais il n’est pas brisé devant Dieu. Élihu entre en scène, comme interprète, un
entre mille [(33:23)] (et combien ils sont rares pratiquement !), et il montre
la discipline de Dieu à l’égard de l’homme et à l’égard du juste, et reprend les
deux côtés avec intelligence. Alors Dieu paraît et met Job à sa place en se
révélant Lui-même, mais il reconnaît les sentiments justes de Job envers lui.
[42:7] Il remet les amis à leur vraie place [42:8] et Job doit intercéder pour
eux. Job humilié peut être abondamment béni. Cette connaissance de soi-même
devant Dieu est de toute importance ; jusqu’alors nous ne sommes jamais ni
humbles, ni défiants de nous-mêmes.
Commentaire entier
John Nelson Darby