Chapitre 6
Le nazaréat, dévouement spécial à Dieu
Le Nazaréen (chap. 6) nous présente un autre caractère qui se rattache à la
marche par l’Esprit ici-bas : le dévouement spécial à Dieu. [6:2] Les Nazaréens
se séparaient spécialement pour être à l’Éternel. Christ en est l’exemple
parfait. L’Église devrait marcher sur ses traces. Les cas d’un appel spécial à
se dévouer au Seigneur rentrent dans cette catégorie.
Ch. 6 v. 1-8 —
Caractéristiques de la séparation pour Dieu
Ch. 6 v. 3-4 — Ne pas boire de vin
Séparation des joies justes de la nature et de la société
Trois choses caractérisaient cette séparation pour Dieu. [6:3-4] Le Nazaréen ne
devait pas boire de vin ; [6:5] il devait laisser croître ses cheveux ; [6:6-7]
il ne devait pas se souiller pour les morts. [6:3] Le vin désignait la joie
attachée aux plaisirs de la société, et réjouissant le cœur qui s’y livre : « Le
vin qui réjouit Dieu et les hommes » [(Jug. 9:13)]. Du moment où Christ entra
dans son ministère public, il fut séparé de tout ce en quoi la nature avait sa
juste part. Invité avec ses disciples à la noce de Cana [(Jean 2:2)], il dit à
sa mère : « Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme ? » [(Jean 2:4)]. Mais, de fait,
même ses disciples le connaissaient « selon la chair » [(2 Cor. 5:16)]. Ses
rapports avec eux, quand il s’agissait de leur capacité d’y avoir communion avec
lui, avaient pour base la présentation actuelle du royaume, venu en chair.
Christ séparé de tout
rapport selon la chair
Cependant, même quant à ces rapports selon la chair, il a dû prendre son
caractère de séparation et de nazaréat ; et quelque vraie que fût son affection
pour ses disciples, même dans cette sphère humaine, il a dû aussi être séparé de
cette joie, lui qui, voyant la réalité à travers leur faiblesse, avait toutes
ses délices dans les « excellents de la terre » [(Ps. 16:3)], dans ces petits du
troupeau qui s’attendaient à lui [(Zac. 11:11)]. Cette séparation s’exprimait
ainsi : « Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je le
boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père » [(Matt. 26:29)]. Il se
séparait, en effet, de ces entretiens que, tout misérables qu’ils fussent, son
amour avait désiré d’avoir avec eux. Il avait dit : « J’ai fort désiré de manger
cette pâque avec vous » [(Luc 22:15)]. Ces affections naturelles étaient déjà
reniées, parce que la consécration de Dieu était sur sa tête. « Qu’y a-t-il
entre moi et toi ? » avait-il dit à sa mère [(Jean 2:4)]. Ce n’est pas qu’il
n’eût pour elle la plus tendre affection ; mais maintenant il était séparé de
tout pour être à Dieu1.
1 La différence entre ces deux phases du caractère de Nazaréen, manifesté par Christ dans sa vie et dans sa mort, n’est pas si grande qu’il pourrait le sembler. Il fut toujours séparé aussi bien des joies humaines, que de tout mal : homme de douleurs et sachant ce que c’est que la langueur [(És. 53:3)] ; traversant, plein d’un saint amour, un monde de pécheurs ; cet amour refoulé au dedans de Lui, et lui étant mis ainsi à l’étroit [(Luc 12:50)] ; — l’expiation en ouvrit les écluses ! Il est maintenant, de fait, extérieurement, séparé des pécheurs [(Héb. 7:26)]. Le refus qu’il fait dès le chapitre 2 de l’évangile de Jean, de reconnaître les droits de sa mère, trouve sa place naturelle dans cet évangile, parce que Jean nous le présente, dès le commencement, comme séparé dans sa propre personne, et les Juifs comme un peuple rejeté.
Ch. 6 v. 5 — Laisser
pousser sa chevelure
Consécration à Dieu en abandonnant la dignité et les droits de l’homme
En second lieu, le Nazaréen laissait croître ses cheveux : c’était se négliger,
en s’abandonnant à la volonté de Dieu, faire abnégation de sa dignité et de ses
droits comme homme ; car la longue chevelure marquait, d’une part, dans un homme,
la négligence de sa propre personne [(1 Cor. 11:14)], et de l’autre
l’assujettissement, le pouvoir sur la tête1. C’était la consécration à Dieu par
l’abandon de la joie, de la dignité et des droits naturels de l’homme, (l’homme
étant considéré comme centre des affections qui lui sont propres) pour être
entièrement à Dieu.
1 1 Cor. 11:10.
Abandon par Christ de
sa position et ses droits comme homme, pour le service de Dieu
L’homme a une position comme le représentant et la gloire de Dieu, et, dans
cette position, il est entouré d’une multitude d’affections, de joies et de
droits qui ont en lui leur centre. Il peut abandonner cette position pour le
service spécial de Dieu, vu que le péché est entré dans toutes ces choses, qui,
loin d’être mauvaises en elles-mêmes, sont au contraire bonnes à leur place.
C’est ce que Christ a fait. Devenu Nazaréen, il n’a pas pris sa position comme
homme, ses droits comme Fils de l’homme ; mais, pour la gloire de Dieu, il s’est
complètement assujetti, soumis à tout ce que réclamait la gloire. Il s’est
identifié avec le résidu pieux du peuple pécheur qu’il avait aimé, et il est
devenu étranger aux enfants de sa mère [(Ps. 69:8)]. Il ne faisait rien qui ne
lui fût prescrit [(Jean 5:19)] ; il vivait de chaque parole qui sortait de la
bouche de Dieu [(Matt. 4:4)] ; il se séparait de tous les liens de la vie
humaine pour se dévouer à la gloire, au service de Dieu et à l’obéissance envers
Lui. Si, dans l’amour des siens, il a trouvé quelque consolation qui ne pouvait
être que bien petite et bien pauvre, il a dû y renoncer aussi, et à cet égard
comme à tout autre, il est devenu dans sa mort le Nazaréen par excellence, tout
seul dans sa séparation pour Dieu. L’Église aurait dû le suivre ; mais, hélas !
elle a bu des boissons fortes ; elle a mangé et bu avec les ivrognes ; elle
s’est mise à battre les domestiques de la maison [(Matt. 24:49)] !
Renoncement et
dévouement intérieurs pour le Seigneur
Le croyant peut être appelé à se renier lui-même, en renonçant, pour le service
précieux de son Sauveur, à des choses qui ne sont pas mauvaises en soi. Mais cet
acte s’accomplit intérieurement : « Ses nazaréens étaient plus purs que la neige
», dit Jérémie [(Lam. 4:7)]. Le dévouement est intérieur. Considérons ici ce à
quoi l’on s’expose quand on manque à cette séparation.
Ch. 6 v. 9-12 —
Manquement à la séparation
Perte de la puissance divine, comme Samson
Si nous nous sommes dévoués au Seigneur d’une manière qui lui soit agréable, la
jouissance accompagne ce dévouement dans la mesure du témoignage qui Lui est
rendu. Dieu est avec son serviteur selon son appel ; mais c’est un secret entre
son serviteur et lui, bien que d’autres en voient les effets extérieurs. [6:12]
Avons-nous manqué à cette séparation, tout est à recommencer. L’influence divine
et la puissance dans l’œuvre sont perdues. On peut ne rien avoir perdu à
d’autres égards ; on se lèvera comme Samson pour secouer ses liens ; mais on a
perdu sa force, sans le savoir [(Jug. 16:20)]. Dieu n’est plus avec nous. Le cas
de Samson est un cas extrême, mais solennel ; car il se peut que notre force
nous ait placés en présence du mal, et alors, si Dieu est avec nous, sa gloire
magnifique se manifeste ; mais s’il n’y est pas, l’ennemi a la triste occasion
de se glorifier au sujet de celui qui fut longtemps connu comme un champion de
Dieu, et en apparence au sujet de Dieu lui-même [(Jug. 16:23-24)]. Dans cette
seconde alternative, le secret intérieur, la vraie force de la séparation pour
Dieu, sont perdus.
Nécessité de veiller
pour conserver la sainteté intérieure
Prenons garde, dans les choses ordinaires, au premier pas qui nous séparerait de
la sainteté intérieure. Si la grâce nous a appelés à une séparation pour un
service extraordinaire quelconque, préservons-nous de tout manque d’obéissance à
la parole de la croix, par laquelle nous sommes crucifiés au monde [(Gal.
6:14)], au péché [(Gal. 5:24 ; Rom. 6:11)], et à la loi [(Gal. 2:19)]1.
1 Ce sont les trois choses auxquelles la croix est appliquée dans l’épître aux Galates.
Nouvelle consécration
par le sacrifice, et perte du temps déjà passé
[6:12] Ordinairement, le Nazaréen infidèle revient par le sacrifice de Christ à
sa séparation ; il est de nouveau consacré à Dieu. [6:9] Mais tout ce qui nous
met en contact avec le péché produit son effet sur notre nazaréat. Nous perdons
la puissance attachée à la communion avec Dieu et à la présence spéciale de
l’Esprit avec nous, quelle que soit la mesure dans laquelle cette puissance nous
ait été accordée. [6:12] Hélas ! le temps qui a précédé est perdu ; il nous faut
recommencer. C’est encore une grande grâce, que tout privilège de servir Dieu ne
nous soit pas ôté ; mais il y a quelquefois des effets de notre infidélité qui
subsistent, lorsque la puissance nous est rendue. Un Samson aveugle a dû se tuer
en tuant ses ennemis [(Jug. 16:30)]. Il nous appartient, dans tous les cas, de
reconnaître immédiatement notre souillure, d’aller à Christ, et de ne point
prétendre être des Nazaréens extérieurement, lorsque nous ne le sommes pas aux
yeux de Dieu. Rien de plus périlleux que le service de Dieu, quand la conscience
n’est pas pure. Toutefois, souvenons-nous toujours que nous sommes sous la
grâce.
Ch. 6 v. 13-21 —
Accomplissement et fin du nazaréat
Liberté et non plus séparation, à la fin des temps
Fin de la séparation quand le mal sera ôté, et jouissance de la nature divine
[6:13] Cette séparation et ce renoncement ne sont pas pour toujours. Christ
lui-même ne sera pas toujours un Nazaréen. Il jouira d’une plénitude de joie
avec Dieu et les siens. Il dira : « Mangez, amis ; buvez abondamment, bien-aimés
! » [(Cant. 5:1)]. C’est par la puissance du Saint Esprit seule que nous sommes
séparés de ce qui est mauvais, et souvent même de ce qui est naturel, pour être
des vases de service et de jouissance, un témoignage à Dieu au milieu du mal. Le
temps viendra où, le mal étant ôté, nous pourrons nous abandonner à notre nature
; le temps où la puissance du Saint Esprit, en se déployant, ne produira que
joie, et où tout ce dont nous serons entourés sera en communion avec nous. Alors,
Christ prendra une place qu’il lui était impossible de prendre autrefois,
quoiqu’il fût l’homme parfaitement sociable, parfaitement accessible aux
pécheurs parce qu’il en était parfaitement séparé, parfaitement mis à part pour
Dieu intérieurement, parce qu’il avait renoncé à lui-même1 pour ne vivre que des
paroles de Dieu [(Matt. 4:4)].
1 Non pas, cela va sans dire, qu’il y eût aucune mauvaise nature en Lui à renier, comme c’est le cas pour nous ; mais il se reniait lui-même dans sa volonté et sa nature, dans lesquelles il n’y avait point de mal, comme, par exemple, lorsqu’il dit : « Femme, qu’y a-t-il entre moi et toi ? » [(Jean 2:4)]. Sur la croix, lorsque tout fut fini, il reconnut très particulièrement sa mère [(Jean 19:26-27)]. Le miel, pas plus que le levain, ne pouvait entrer dans le sacrifice [(Lév. 2:11)].
Liberté dans cette vie,
traversée avec l’aide du Saint Esprit
Telle est la vie de Dieu ici-bas. Ce qu’il a créé ne saurait être mauvais. Qu’il
nous garde de le penser ! Une semblable assertion est à coup sûr un signe des
derniers temps [(2 Tim. 3:1-2)]. Christ pouvait penser à sa mère avec tendresse,
lorsque l’œuvre de son âme sur la croix était achevée [(Jean 19:26-27)]. Mais le
Saint Esprit intervient comme une puissance étrangère à cette vie, et prend
l’homme pour la lui faire traverser selon cette puissance, de sorte que plus
l’homme y est étranger lui-même, plus il est en état de montrer, et montre en
effet, de la sympathie pour ceux qui la traversent selon Dieu. Toute autre chose
n’est que principe monacal. Si nous sommes vraiment libres au dedans, nous
pouvons sympathiser avec ce qui est au dehors ; si nous ne sommes pas libres,
nous nous ferons moines, dans la vaine espérance d’obtenir cette liberté.
Communion finale,
conséquence et aboutissement du sacrifice de Christ
[6:13] Enfin, lorsque le vœu du nazaréat était accompli, [6:14-15] tous les
sacrifices étaient offerts, [6:18] et les cheveux de la tête du Nazaréen étaient
brûlés dans le feu qui consumait le sacrifice de prospérités, type de la pleine
communion, résultat du sacrifice de Christ. Lorsque, au temps fixé par Dieu, le
sacrifice de Christ aura obtenu, dans ses effets, son efficace pleine et entière,
la puissance qui produit l’énergie de la séparation s’absorbera dans la
communion, qui sera l’heureuse conséquence de ce sacrifice. Nous sommes heureux
de savoir que la puissance du Saint Esprit, employée actuellement en grande
partie à mettre un frein aux convoitises de la chair, sera alors tout entière
une puissance de joie en Dieu, et de communion avec tout ce dont nous serons
entourés.
Joie du peuple de Dieu
dans Sa communion, à la fin
Parlons maintenant des voies de Dieu, quand le nazaréat est terminé. [6:20]
Alors le résultat de l’œuvre de Christ sera produit ; toute l’efficace variée de
son sacrifice sera reconnue ; son peuple entrera dans la communion de sa joie ;
le vin sera bu dans l’allégresse. Jésus lui-même attend ce moment-là [(Matt.
26:29)]. Je crois que cela s’applique particulièrement à son peuple ici-bas, au
résidu juif dans les derniers jours. Sa participation au Saint Esprit sera joie
et délices. Quelque chose de pareil nous attend, mais d’une manière encore bien
meilleure. Seulement nous anticipons jusqu’à un certain point cette joie, car le
Saint Esprit produit ces deux choses : la joie de la communion, et la séparation
solitaire pour le service de Dieu. C’est un peu ce que l’apôtre veut dire dans
ces paroles aux Corinthiens : « La mort agit en nous, et la vie en vous » [(2
Cor. 4:12)]. Toutefois, l’on peut toujours dire de tous les chrétiens : « Je
voudrais bien que vous régnassiez, afin que nous aussi, nous régnassions avec
vous ! » [(1 Cor. 4:8)].
Ch. 6 v. 22-27 —
Bénédiction de l’Éternel sur le peuple
Ayant placé le peuple autour de Lui [(chap. 2)], l’ayant compté nom par nom
[(chap. 1)], ayant arrangé le service [(chap. 3-4)], purifié le camp (chose
distincte de la purification des individus souillés, sujet qui appartient au
Lévitique) [(chap. 5)], ayant enfin montré la vraie position du serviteur dévoué
(position qu’Israël aurait pu prendre, et qu’a prise Christ, vrai serviteur mis
à part pour Dieu) [(chap. 6)], [6:27] Dieu met, en terminant, sa bénédiction et
son nom sur le peuple. [6:24] La bénédiction le place sous la garde, [6:25] sous
la grâce [6:26] et dans la paix de l’Éternel ; [6:24] et, en effet, l’Éternel
les bénissait d’abord d’une manière générale ; [6:25] puis, en faisant luire sa
face sur eux, il les faisait jouir de sa grâce ; [6:26] enfin, en levant sa face
sur eux, il leur assurait la paix.