Introduction
Caractère et esprit de la prophétie de Jérémie
Le livre du prophète Jérémie a un caractère différent de celui d’Ésaïe. On n’y
trouve pas le même développement que présente celui-ci sur les conseils de Dieu
à l’égard de cette terre. Il y a bien, il est vrai, des jugements relatifs aux
nations ; mais la majeure partie se compose de paroles adressées directement à
la conscience du peuple au sujet de son état moral au moment où le prophète lui
adresse la parole, et en vue du jugement qui le menace. Juda avait abandonné
l’Éternel ; car sa repentance sous Josias n’était qu’extérieure, et sous les
rois suivants sa dégradation fut complète. Le prophète avait le cœur surchargé
de douleurs, par l’effet de son amour pour le peuple, et du sentiment profond de
la relation de ce peuple avec l’Éternel, sentiment qui produisait un combat
continuel dans son âme déchirée par la pensée de la valeur du peuple en tant que
peuple de Dieu, et une sainte jalousie pour la gloire et les droits de Dieu que
son peuple foulait aux pieds. C’était une plaie incurable dans son cœur
[(15:18)]. Il avait intercédé pour le peuple, il s’était mis à la brèche pour
lui devant l’Éternel ; mais il voyait bien que tout était inutile, que le peuple
ne voulait pas de Dieu, et rejetait le témoignage dont il l’avait chargé. Dieu
lui-même ne voulait plus écouter les prières faites en faveur d’Israël [(7:16 ;
11:14 ; 14:11)]. C’est sous cette impression que Jérémie prophétise. Triste
tâche, en effet, qui faisait du prophète un véritable homme de douleur. Et
quoiqu’il pût toujours dire que, s’il se repentait, le peuple serait reçu en
grâce, il savait bien toutefois que le peuple ne pensait seulement pas à se
repentir. Deux choses le soutenaient dans un service si pénible (car quoi de
plus pénible que d’annoncer au peuple bien-aimé de Dieu son jugement, à cause de
son iniquité ?). Premièrement, l’énergie de l’Esprit de Dieu qui remplissait son
cœur et le forçait à annoncer le jugement de Dieu, malgré la contradiction et la
persécution auxquelles il était en butte. Puis, la révélation de la bénédiction
finale du peuple selon les conseils immuables de Dieu. Après avoir ainsi
brièvement indiqué l’esprit qui a présidé au témoignage rendu par Jérémie, dont
nous trouverons des preuves et des détails en parcourant ses prophéties,
examinons maintenant avec suite ces prophéties elles-mêmes.
Plan du livre
Ordre non chronologique des prophéties
Il est bien connu que, dans la traduction des Septante, l’ordre des prophéties
est bien différent de celui qui se trouve dans la bible hébraïque. Mais je ne
vois aucune raison pour ne pas accepter ce dernier. Il n’est pas douteux que
l’ordre chronologique n’y est pas observé ; les noms des rois1 dans la série des
chapitres en sont la preuve évidente. Mais il me semble que là même où il y a
une confusion chronologique, il existe un classement des sujets, et que ce
classement est selon la pensée du Saint Esprit.
1 Au chapitre 27, Jehoïakim devrait être Sédécias (voyez verset 12 et chapitre 28:1).
Ch. 1-24 — Plaidoyer
moral avec le peuple ; ch. 25 — Jugements par Nébucadnetsar
Les vingt-quatre premiers chapitres ont un caractère un peu différent de ceux
qui suivent. Jusqu’à la fin du chapitre 24, c’est un raisonnement, un plaidoyer
moral avec le peuple. Au chapitre 25, se trouve une prophétie formelle du
jugement de plusieurs nations par Nébucadretsar, et après cela, nous trouvons
des prophéties beaucoup plus distinctes l’une de l’autre, et liées à des détails
historiques.
Ch. 30-33 —
Bénédictions finales ; ch. 39-52 — Suite de la prise de Jérusalem et jugement
des nations
Les chapitres 30 à 33 sont des prophéties où abonde la promesse des bénédictions
assurées aux derniers jours. Depuis le chapitre 39, c’est le récit des
événements qui ont suivi la prise de Jérusalem, et celui du jugement de l’Égypte
et de Babylone.
Les différentes
prophéties de Jérémie
Distinguons maintenant les diverses prophéties que contient le livre de Jérémie,
chapitres 1, 2-6, 7-10, 11-13, 14-15, 16-17, 18-20, 21-24, 25, 26, 27 (lisez
verset 1 : Sédécias au lieu de Jehoïakim), 28, 29, 30-31, 32, 33 (celui-ci
cependant se lie au précédent), 34, 35, 36-37, 38, 39, 40-44, 45, 46, 47, 48,
ch. 49 v. 1-6, v. 7-22, v. 23-27, v. 28-29, v. 30-33, v. 34-39 ; ch. 50-51, ch.
52. Le dernier chapitre n’est pas de Jérémie lui-même.
Sentiments de Jérémie,
et leur expression
Affliction du prophète témoignant contre le peuple, image de celle de Jésus en
grâce
Rien de plus frappant en fait d’affliction que celle du prophète. Il est
angoissé ; son cœur est brisé. On voit aussi que Dieu a choisi un esprit
naturellement faible, facilement abattu et découragé, en le remplissant de sa
force, afin que la misère, les plaintes, l’écrasement du cœur, cette indignation
d’un caractère faible qui sent l’oppression sans pouvoir s’en délivrer ni la
surmonter, s’exprimant devant Lui, rendissent témoignage contre le peuple, dont
la méchanceté invétérée appelait sa vengeance. L’affliction du Christ, dont
l’Esprit inspirait celle de Jérémie, était infiniment plus profonde ; mais sa
communion parfaite avec son Père a fait que les angoisses, qui dans le cas de
Jérémie ont éclaté en plaintes, n’ont été exprimées par Jésus qu’en secret à son
Père. Il est très rare d’en trouver l’expression dans les évangiles. Jésus y est
tout entier en grâce pour les autres1. Dans les Psaumes, nous voyons davantage
ce qui se passait dans son cœur. Dans le cas de Jérémie, il était convenable que
cette angoisse du résidu fidèle fut exprimée devant Dieu. Pour ce qui est du
Seigneur, sa perfection absolue et le calme qui accompagne la perfection dans
ses voies par la présence de Dieu, quelles que soient d’ailleurs les angoisses
intérieures du cœur, ne permettaient pas qu’il se répandît en plaintes devant
les hommes. Il rend grâces en même temps qu’il adresse des reproches. La
sympathie pour les autres convenait à la position de Jésus. On voit que le
précieux Sauveur n’y a jamais manqué.
1 Comp. Matt. 26, où la chose se voit de la manière la plus frappante. Il est bien précieux de voir en Christ ce résultat parfait, et en même temps tout ce qui se passait dans son cœur comme homme, sensible qu’il était aux circonstances extérieures et ainsi profondément exercé dans son âme intérieurement. Le travail intérieur parfait, produit une tranquillité parfaite dans la marche au dehors, Dieu étant pleinement introduit dans tous deux. Si nous évitons, en quoi que ce soit, d’aller jusqu’au fond des choses avec Dieu, le cœur n’est pas capable d’agir pour Lui ; il ne l’est que si tout était en ordre : et alors seulement la paix accompagne nos actions. Combien il est précieux cependant de voir la réalité de la nature humaine de Christ dans tous les exercices intimes de son esprit.
Épanchement du cœur de
Jérémie, représentant le résidu fidèle
Mais il convenait aussi que le Saint Esprit nous présentât l’épanchement du cœur
du fidèle qui avait besoin de cette sympathie. Ce n’est pas qu’il n’y eut de la
faiblesse dans le cœur qui s’épanchait ; mais si l’Esprit s’en rendait l’organe,
il est évident qu’il devait l’exprimer tel qu’il était. Sans cela, c’eût été
inutile et faux. Jérémie, par conséquent, intervient personnellement dans les
prophéties, beaucoup plus que cela n’a lieu pour tout autre prophète1. Il
représente le peuple dans sa vraie position devant Dieu, tel que Dieu peut le
reconnaître, étant devant Lui dans ce caractère afin de voir si, recevant de
Dieu ce qui s’appliquait à cette position et exprimant les sentiments qu’elle
inspirait, il était possible d’atteindre la conscience et d’attirer le cœur du
peuple. Il est bien entendu que l’expression de ces sentiments était selon
l’Esprit, et qu’elle s’accompagnait des prophéties les plus directes et les plus
positives sur la manière dont le peuple devait être traité de la part de Dieu.
Il est bon de remarquer aussi qu’une grande partie de ce livre s’adresse à Dieu
et non au peuple. Cette position de Jérémie comme représentant des vrais
intérêts du peuple ou du résidu devant Dieu, fait qu’il est envisagé quelquefois
comme s’il était Jérusalem elle-même, et d’autres fois comme un résidu qui en
est séparé et mis à part pour Dieu.
1 Jonas offre quelque chose d’analogue ; mais les circonstances du prophète ne forment chez lui qu’un épisode, et ne se lient pas au témoignage dont il était chargé, si ce n’est par le seul principe de la grâce.
Temps et chronologie
des prophéties
Longue durée de prophétie, pendant toute la période de décadence du peuple
Mais ces points seront développés plus convenablement, quand nous en viendrons
aux passages qui m’en ont suggéré la pensée. La période pendant laquelle Jérémie
a prophétisé, a été assez longue ; elle embrasse tout le temps de la décadence
d’Israël, depuis l’année qui a suivi celle où Josias commença à purifier
Jérusalem et tout le pays, jusqu’à la destruction finale de la ville par l’armée
des Chaldéens, et même elle se prolonge un peu au delà, et finit à l’époque où
le prophète fut entraîné en Égypte. Cette période qui dépasse quarante ans a été
tout entière de détresse et d’angoisses. Car, malgré la piété réelle de Josias,
la réforme du peuple ne fut qu’extérieure, ainsi que nous allons le voir, en
sorte que cette apparence de piété ne faisait que rendre plus grande l’angoisse
de celui qui envisageait les choses avec les pensées et les sentiments de Dieu.
« Et l’Éternel ne se détourna pas de sa grande colère, à laquelle les péchés de
Manassé avaient donné lieu » [(2 Rois 23:26)]. Cependant la prophétie distingue
les deux périodes, savoir : le règne de Josias, et ceux des rois ses
successeurs.
Pas de date ou d’ordre
chronologique pour les premiers chapitres
Il n’y a pas de date indiquée pour les vingt premiers chapitres. Il est probable
que la plupart d’entre eux ont été révélés sous le règne de Josias. Des
raisonnements moraux, la peine de cœur du prophète, et des avertissements
solennels sur l’invasion qui viendrait du nord, en font le sujet. Les chapitres
20 à 24 n’ont pas d’ordre chronologique, et sont composés de prophéties données
probablement à diverses époques. Ils contiennent le jugement des différentes
branches de la maison de David, l’une après l’autre, ainsi que celui des faux
prophètes qui trompaient le peuple ; ils se terminent par la révélation du sort
si différent de ceux qui avaient été emmenés captifs à Babylone, et de ceux qui
entouraient Sédécias à Jérusalem.
John Nelson Darby