Introduction aux
Hagiographes (Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques)
Caractère particulier des Hagiographes
Aucun de ces livres ne suppose une rédemption accomplie
Les Chetubim, ou Hagiographes1, parmi lesquels je ne compte pas Daniel, quoique
son livre ait un caractère distinct de ceux des autres prophètes, forment une
partie spéciale et très intéressante de la révélation divine. Aucun d’eux ne
suppose une rédemption accomplie et connue, dans le sens où ce mot est pris dans
le Nouveau Testament, bien que tout repose sur elle, comme toute bénédiction du
reste. Dans le livre de Job (chap. 33:24), un unique passage présente une
application particulière du terme rédemption : « J’ai trouvé une propitiation »
(ou rançon, en hébreu Copher). Les Psaumes, nous le savons, annoncent
prophétiquement les douleurs et les souffrances par lesquelles la rédemption fut
accomplie.
1 Les Hagiographes, ou écrits sacrés, tel est le nom donné aux livres suivants : Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques.
Connaissance d’un
rédempteur futur, mais pas de la rédemption et du péché ôté
La rédemption par le sang, une fois accomplie, est connue par la foi, soit par
les Juifs, soit par les chrétiens. Ésaïe prophétise qu’Israël la reconnaîtra
pleinement, et nous savons que sous la loi il y en avait des ombres dans les
offrandes et les sacrifices. Mais la connaissance de la rédemption éternelle est
celle que possèdent les chrétiens, et qui sera la part des Juifs lorsqu’ils
verront Celui qu’ils ont percé [(Zach. 12:10)]. Jusqu’à la mort de Christ, le
voile n’avait pas été déchiré, et le lieu très saint restait inaccessible. Il y
avait une connaissance plus ou moins claire d’un Rédempteur — d’un Rédempteur
futur venant en personne ; on savait aussi que la faveur de Dieu reposait sur
ceux qui marchaient avec Lui, et il y avait la confiance de la foi en Lui et
dans ses promesses. Mais il n’existait pas cette connaissance du péché qui
conduit, lorsque Dieu est révélé, à la conscience que, comme état actuel, on est
exclu de sa présence ; on n’avait pas non plus la connaissance que le péché est
ôté, de telle sorte que nous sommes pleinement et pour toujours réconciliés avec
Dieu et amenés à Lui par l’efficacité de l’œuvre accomplie.
Expression des voies de
Dieu envers l’homme et Israël, en gouvernement
Sauf en ce que les Psaumes expriment touchant la délivrance future d’Israël par
la puissance de Dieu et les jugements qu’il exercera, les livres dont nous
parlons ne sont pas des prophéties des voies et des actes de Dieu. Ils
présentent l’expression divinement donnée des pensées et des sentiments de
l’homme sous le gouvernement de Dieu1 et la révélation de ce qu’est Dieu avant
que la rédemption fût pleinement connue. C’est surtout ce qui a eu lieu en
Israël ; c’est pourquoi ces livres sont, dans l’ensemble, l’expression variée
des voies de Dieu envers Israël. Cependant, ce qui y est présenté sous les
conditions révélées et les communications prophétiques en gouvernement direct2,
était ce qui, en principe, était vrai partout des voies de Dieu, quoique déployé
d’une manière spéciale envers ce peuple — la question de la justice positive de
l’homme étant ainsi soulevée en Israël par la loi, parfaite règle de vie pour
les fils d’Adam.
1 Ces pensées et ces sentiments deviennent ce qu’étaient ceux de Christ dans son humiliation et ses souffrances, et sont ainsi des prophéties de ces dernières, mais sous la forme des sentiments qu’il éprouvait en les endurant. Or cela est d’un prix infini pour nous.
2 En Israël. (Note du trad.)
Contenu particulier de
chacun des livres
Job, Dieu agissant pour le bien d’un homme pieux hors d’Israël
Le livre de Job nous offre l’exemple de la relation avec Dieu d’un homme pieux
en dehors d’Israël et, sans doute, avant que ce peuple eût paru sur la scène.
Nous y voyons comment Dieu agit pour le bien envers les hommes dans ce monde
mauvais ; mais, en résultat, ce livre, je n’en doute pas, devient clairement un
type d’Israël. Les voies de Dieu, telles qu’elles nous sont présentées en Job,
sont pleinement manifestées dans l’histoire de ce peuple. Et il est à remarquer
que, lorsque Job sent pratiquement l’impossibilité où est l’homme d’être juste
devant Dieu (Job 9:2, 30, 31), il se plaint d’être dans la terreur et de n’avoir
point d’arbitre entre Dieu et lui (v. 33, 34). Élihu, qui se place sur ce
terrain au lieu de Dieu, n’expose pas la rédemption, mais le gouvernement de
Dieu et le châtiment (chapitres 33, 36). C’est ainsi que Dieu agit souvent avec
l’homme.
L’Ecclésiaste montre un
monde sous le gouvernement de Dieu, sans relation connue avec Lui
Le livre de l’Ecclésiaste regarde le monde comme placé sous le même
gouvernement, et dans son présent état de chute. Il soulève la question de
savoir si, dans un tel monde, l’homme peut, par quelque moyen, trouver le
bonheur et le repos. Mais nous n’y trouvons nulle trace de la rédemption. On n’y
voit non plus aucune idée d’une relation connue avec Dieu. Dieu y est toujours
nommé Élohim et jamais Jéhovah. Craindre Dieu et garder ses commandements, y est
envisagé comme le tout de l’homme [(Eccl. 12:13)].
Cantique des cantiques
et Proverbes basés sur une relation avec Dieu, mais sans rédemption, comme dans
Romains
Le Cantique des Cantiques présente une relation directe avec le Seigneur, le
Fils de David. On y voit les ardentes affections qui appartiennent à la relation
avec Christ. Dans les Proverbes, nous avons un fil conducteur pour nous guider à
travers la scène mélangée et l’enchevêtrement des choses de ce monde. Ici, tout
est sur la base de la relation avec Jéhovah, Dieu (Élohim) n’étant mentionné
qu’une fois ou deux, de manière à ne pas affecter ce que nous venons de dire
(voir la note, page 11). Mais ni l’un ni l’autre de ces livres ne se place sur
le terrain d’une rédemption connue. Les Hagiographes attendent une rédemption
opérée en puissance. Au contraire, l’épître aux Romains commence par la colère
de Dieu révélée du ciel [(Rom. 1:18)] — et non par le gouvernement — colère
révélée du ciel contre toute impiété et toute iniquité là où était la vérité,
contre le gentil et contre le Juif1, puis l’apôtre introduit la rédemption, la
justification personnelle et la justice — la justice de Dieu. Le cas du gentil
et du Juif est traité à fond, et placé pleinement comme devant Dieu lui-même ;
la colère venant du ciel en est la conséquence nécessaire. Ensuite vient la
rédemption complète par le sang pour introduire au ciel, la grâce souveraine
régnant par la justice et nous donnant une place avec le second Adam, le
Seigneur venu du ciel [(Rom. 4:13)]. En même temps, nous est présenté le
résultat à venir pour Israël. Tout est rendu clair dans la lumière comme Dieu
est dans la lumière — son éternelle rédemption et les lieux célestes, bien que
finalement la terre soit aussi bénie. Mais nous sommes ici-bas étrangers et
pèlerins. C’est notre place en vertu même de la rédemption. Il en était de même
pour les Abraham et les David, mais c’était en n’obtenant rien de ce qui avait
été promis, ou en souffrant la persécution sous le gouvernement de Dieu sur la
terre, de sorte qu’après tout, dans cet ordre de choses, cette position devait
être difficile à comprendre pour l’un et pour l’autre. Toutefois la possession
finale du pays, leur héritage, l’héritier à venir, et le jugement des méchants,
toutes ces choses connues par révélation devaient concourir à enlever la
difficulté de leurs esprits.
1 Et remarquez ici que le Ps. 14 et És. 59, cités par l’apôtre comme preuve du péché du Juif, se terminent tous deux par la délivrance de Jérusalem par le moyen de la puissance. Dans l’épître aux Romains, il est fait face au péché au moyen de la justification par le sang.
Exercices de la foi en
rapport avec la situation de chacun
Difficultés liées à la position terrestre, même si Dieu y agit, mais non comme
rédempteur
Mais dans Job, les Psaumes et l’Ecclésiaste où sont exprimés les sentiments de
l’homme dans cette position, l’embarras qu’elle fait naître est pleinement
manifesté. La foi et la confiance en Dieu peuvent passer par-dessus, ou
persévérer à travers tout ; les témoignages prophétiques peuvent y faire face,
mais la difficulté est là, et cette terre est la scène de la réponse de Dieu à
ses promesses, quand bien même la foi soit parfois forcée de s’élever au-dessus
d’elle, nourrie par une confiance personnelle en Dieu. Mais à présent nous avons
une relation éternelle fermement établie par la rédemption avec Dieu notre Père,
sur une scène toute nouvelle où nous sommes amenés par le précieux sang de
Christ, dont l’effusion a glorifié Dieu lui-même et nous a réconciliés avec Lui,
bien que nous n’ayons pas encore la rédemption de nos corps. Tout cela était
alors inconnu. On avait beaucoup appris touchant Dieu, et c’était très précieux.
Mais le résultat actuel de la bénédiction de Dieu était pour Job plus de
chameaux, plus de brebis, et des filles plus belles [(Job 42:12-15)] ; dans les
Psaumes, c’est le jugement des ennemis et la délivrance par cette bonté qui
demeure à toujours ; c’est la terre mise en liberté sous le gouvernement
judiciaire du ciel ; dans l’Ecclésiaste, en voyant l’effet présent du
gouvernement, il faut que l’homme craigne Dieu, garde ses commandements et en
demeure là [(Eccl. 12:13)]. Nulle part on ne trouve une rédemption actuelle et
connue. Quelle différence, quelle immense différence cela fait ! « Comme il est,
Lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde » (1 Jean 4:17). Celui qui nous a
rachetés est monté vers son Père et notre Père, son Dieu et notre Dieu [(Jean
20:17)]. Les Proverbes et le Cantique des Cantiques ont, comme je l’ai dit, un
autre caractère, bien que se rapportant à la même scène : les Proverbes, qui ne
présentent pas les sentiments de l’homme au milieu de la scène de ce monde, mais
la direction de Dieu pour le traverser par l’expérience et la sagesse enseignée
par une autorité divine1 ; et le Cantique de Salomon, où l’on voit le cœur ravi
en dehors de toute la scène, bien qu’au milieu d’elle, et cela non par une
rédemption connue, mais par une affection dévouée pour le Messie, et par celle
du Messie pour Israël, affection produite dans le cœur par la révélation qu’il
donne de lui-même ; révélation de son amour pour Israël dans le but de faire
naître l’amour dans le cœur de celui-ci.
1 Le lecteur pourra être aidé pour discerner le caractère de ce livre et celui de l’Ecclésiaste en remarquant que, dans les Proverbes, c’est le nom de Jéhovah qui est toujours employé, sauf au chap. 25:2, où l’on trouve Dieu (Élohim), et au chap. 2:17, où il y a « son Dieu ». Mais cela n’est pas une exception ; c’est-à-dire qu’il y a une relation reconnue avec le Dieu révélé d’Israël. Mais dans l’Ecclésiaste, on ne trouve jamais le nom de Jéhovah. C’est toujours Élohim, le nom abstrait de Dieu sans aucune idée de relation ; c’est Dieu comme tel en contraste avec l’homme et chaque créature, et l’homme y est vu ayant découvert expérimentalement sa vraie place et son bonheur comme tel, sans la révélation d’aucune relation spéciale avec Dieu. Dans le livre de Job, l’éditeur, si je puis dire ainsi, ou l’historien qui donne les dialogues, se sert toujours du mot Jéhovah, mais dans le corps du livre, Job, sauf une fois en parlant du gouvernement de Dieu (chap. 12:9), et Élihu constamment, se servent du nom de Tout-Puissant, le nom révélé à Abraham, ou simplement du mot Dieu. Les amis de Job, en général, emploient ordinairement le mot Dieu, Éliphaz en particulier, parle du Tout-Puissant ; parfois c’est simplement il. Tsophar, à ma connaissance, ne se sert d’aucun nom. Le dialogue est caractérisé par les mots Dieu et Tout-Puissant.
Exercices de cœur pour
nous maintenant ici-bas, dans une position différente
Ces exercices de cœur ont leur place en nous maintenant, parce que nous sommes
dans le monde ; mais c’est dans la conscience que nous avons d’une rédemption
accomplie et de la sollicitude actuelle d’un Père saint, duquel les voies
parfaites, vues en Christ, sont le modèle de notre conduite. Nous pouvons
accepter avec joie d’être dépouillés de nos biens, sachant que nous avons des
biens meilleurs et permanents dans les cieux ; nous nous glorifions dans les
tribulations, parce qu’elles opèrent leur fin nécessaire et bénie, une espérance
qui ne confond point, et l’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par l’Esprit
Saint qui nous a été donné. Notre position est toute différente, et c’est une
position bénie.
J’espère que ces remarques nous aideront à comprendre les livres dont nous avons parlé. J’arrive aux livres eux-mêmes.
John Nelson Darby