CHAPITRE VI

 

LUTHER ET CARLSTADT

 

Luther n'a jamais prétendu critiquer l'Écriture sainte, le mot même de critique lui aurait déplu, et jamais homme ne fut moins historien que lui. Homme d'expérience et de vie religieuse, il voulait une assurance pour son âme altérée de salut et de vérité; mais en même temps homme de combat et de discussion, il cherchait une autorité incontestée sur laquelle il put s'appuyer dans la polémique; c'est ainsi qu'il se vit amené, dès ses premières luttes, à se prononcer sur la question du Canon, c'est-à-dire de l'autorité. C'est dans la célèbre dispute de Leipzig, en 1519, que Luther vit pour la première fois cette question se poser devant lui. Jean Eck lui objectait, pour défendre la doctrine du purgatoire, le passage bien connu du livre des Macchabées 1. Luther, qui connaît le mot de saint Jérôme, répond à son adversaire: « Il n'est pas question du purgatoire en un seul endroit de l'Écriture qui puisse faire autorité dans la discussion et servir de preuve, car le livre des Macchabées, n'étant pas dans le Canon, est puissant auprès des fidèles, mais ne vaut rien auprès des obstinés. — Mais, objecte Eck, l'Église a reçu de tels livres dans le Canon. — L'Église ne peut, répond Luther, donner à un livre plus d'autorité ou de force qu'il n'en a par lui-même... Un concile ne peut faire que ce qui n'est pas, par nature, de l'Écriture, soit de l'Écriture 2. »

 

1. 2 Macch. 12, 44 s.

2. Disputatio excell. theologorum Joh. Eccii et M. Lutheri, hist III, 129 et 137; Conciliuin non potest facere de Scriptura esse, quod non est de Scriptura natura sua.

 

La suite de la discussion avec Jean Eck devait mettre Luther en contradiction, non plus seulement avec les apocryphes de l'Ancien Testament, mais avec l'Épître de Jacques. « On nous oppose, dit-il l'année suivante dans les Résolutions qu'il écrivit contre Jean Eck, cette parole de l'Épître de Jacques: la foi sans les œuvres est morte. Mais d'abord le style de cette Épître est bien au-dessous de la majesté apostolique 1, et il ne peut se comparer en aucune manière à celui de saint Paul. Puis saint Paul ne parle que de la foi vivante, car la foi morte n'est pas une foi, mais une opinion ....» L'année suivante, dans le Traité de la captivité de Babylone, Luther, disputant sur le nombre des sacrements et répondant aux textes de saint Jacques qu'on lui oppose, s'exprime avec plus de vivacité encore: « Je ne veux pas rappeler que divers auteurs assurent avec beaucoup de probabilité que cette Épître n'est pas de l'apôtre Jacques, et qu'elle n'est pas digne de l'esprit des apôtres, bien qu'elle ait reçu de la coutume, quel qu'en soit l'auteur, son autorité. Si même elle était de l'apôtre Jacques, je dirais encore qu'il n'appartient pas à un apôtre d'instituer un sacrement de son autorité privée 2. »

 

1. Resolutiones Lutherianae super Propositionibus suis Lipsiae dispuatis (1519). Hist. III, 278: Stilus epistolae illius longe est infra apostolicant majestatem, nec cum Paulino ullo modo comparandus.

2. De Capt. Babyl. Ecclesiae praeludium (1520), hist. V, 111: Omitto enim, quod hanc Epistolam non esse Aposloli Jacobi, nec apostolico spiritu dignam, multi valde probabiliter asserant, licet consuetudine auctoritatem, cujuscunque sit, obtinuerit. Tamen, si etiam esset Apostoli Jacobi, dicerem, non licere Apostolum sua auctoritate sacramentum instituere....

 

De pareilles assertions mirent le feu aux poudres et soulevèrent contre lui l'opposition de Carlstadt. Carlstadt s'est-il trouvé blessé des jugements exprimés par Luther en 1519 sur l'Épître de Jacques, ou le désaccord secret de ces deux esprits, si différents en toutes choses, ne fut-il qu'accentué par leur dissentiment sur ce point? Nous savons que, dès l'origine, Carlstadt avait toujours été en défiance vis-à-vis de Luther, et qu'il avait souvent manifesté de la répugnance à le suivre dans ses hardiesses. La chose n'étonnera que ceux qui jugent Carlstadt sur sa renommée seulement. On peut croire que lorsqu'au printemps de 1520 le docteur ABC annonça un cours sur l'Épître de saint Jacques, Luther n'approuva pas son collègue, et que peut-être il s'en expliqua publiquement. Quoi qu'il en soit, les paroles pleines d'aigreur par lesquelles Carlstadt accuse Luther, dans son livre De Scripturis canonicis, daté du 8 août 1520, de ne combattre saint Jacques que par jalousie contre lui-même, montrent combien ce théologien irritable avait dû se sentir blessé personnellement par son puissant collègue, qu'il ose appeler homo ridiculus 2, et auquel il attribue des assertions que Luther n'a jamais pu avancer. Comment Luther aurait-il pu dire, ainsi que Carlstadt le lui reproche, que l'Épître de Jacques a saint Jérôme pour auteur ? Mais on ne peut douter qu'il n'y ait quelque question d'amour-propre blessé derrière ces paroles: « Ce bon maître, clemens ille dominus, avait-il le droit d'inspirer à mes auditeurs le dégoût de l'Épître de Jacques, et de les détourner de mes leçons ? » Il ne faut néanmoins pas chercher dans des querelles de personnes la cause véritable d'aussi profondes dissidences; de semblables divisions sont affaire de principes.

 

1. Voyez JAEGER, A. B. v. Carlstadt, Stuttgart, 1856, p. 92.

2. 90, CREDNER, p. 372.

 

Nous savons du reste que dès 1519, avant la dispute de Leipzig, et par conséquent avant que Luther eût attaqué l'autorité de saint Jacques, Carlstadt se déclarait prêt à écrire un livre De Scripturis canonis 1, et le livre qu'il a imprimé sous un titre analogue est l'oeuvre d'une pensée assez mûre pour qu'il nous soit défendu de croire qu'il est né d'une querelle passagère. L'étrange et remarquable ouvrage de Carlstadt trahit une tout autre recherche et révèle une tout autre direction de l'esprit, que nous n'avons trouvé chez Luther. Carlstadt, comme Luther, est homme de discussion, mais il est homme de raisonnement plus que de sentiment ou même de pensée. Il cherche une base solide et incontestée, un terrain de discussion, et il le trouve dans l'autorité et le canon des Écritures, et ce canon n'est pas pour lui déterminé par des opinions individuelles et variables, mais par le jugement de l'histoire 2:

 

« Ce n'est pas, dit Carlstadt, le nom de l'auteur qui fait l'autorité d'un livre, ce n'est pas l'incertitude au sujet de l'auteur qui le rend apocryphe, mais il faut que le canon contienne l'un et rejette l'autre.... Un livre est canonique, quand nous le trouvons au nombre des livres reçus... Nous appelons apocryphe un livre dont l'auteur nous est inconnu, et que le consentement général a retranché de la famille des livres sacrés. Car les livres tirent leur autorité, ou de leurs auteurs, ou de la coutume (vet ab usu)...

 

1. CREDNER, passage cité.

2. De Canonicis Scripturis libellas D. Andreae Bodenslein Carlosladii, Witt., A. D. MDXX, publié par CREDNER dans son beau livre Zur Geschichle des Kanons, Halle, 1847, p. 316 ss., et en extraits, dans un meilleur texte, par C. F. JÆGER, ouvrage cité, p. 92 ss.

 

Un livre n'est donc point apocryphe quand l'usage en est reçu aujourd'hui... S'il en est ainsi, nous ne pourrons pas admettre que l'on appelle apocryphes tous les livres dont l'auteur est incertain, puisque chacun sait que l'on a douté du nom de l'auteur de l'Épître aux Hébreux, qui pourtant est la plus docte de toutes, qui est en usage dans toutes les Églises chrétiennes, et qui est approuvée par le consentement universel... C'est pourquoi il faut reconnaître que l'accord universel et l'ancien usage ôtent à un livre le caractère apocryphe, donnent de l'autorité à des livres anonymes et sans maîtres, les mettent en lumière et les affranchissent de tout soupçon 1. » Parcourant ensuite la Bible avec saint Augustin, Carlstadt partage les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament en trois ordres. Avec un sens critique très-délicat, il nous enseigne, en passant, l'art de reconnaître les auteurs à leur style (quantum valeat stylus). « Je veux, dit-il, parler aux élèves 2, (à ceux que Luther détournait de son cours, ab auditorio).

 

1. § 50, p. 348 s.: Quamobrenz neque nomen autoris firmum librum, neque incertus autor Apocryphum libellum facit, sed oportet, quod ilium Canon habeat, hunt vero respuat... Iccirco canonicum codicem diceinus, quem inter receptos libros connumeratum spectamus.... Dicitur auteur liber occultus, cujus authorem ignoramus et quern hominum consensus e librorum familia submovit. Nain libri capiunt autoritatem vel ab ipsis autoribus, vel ab usu... Proinde non est Apocryphus codex, cuius usus nunc est probatus.... Hoc si verum est, necessum est nos infitiari omnes libros apocryphos esse, de quorum autoribus ambigitur; quoniam guidon conspicuzcm fuerit, dubitatum, cuius sit Epistola ad Hebraeos, quae tamen, ut est doctissima, omnibus Christianorum ecclesiis usu vend, atque omnium consensu probatur.... Quapropter fatendum duco, quod totus consensus et antiquus usus apocryphiam sustollit, et libris annumsis xai adespotois autoritatem impertit, et, ut ita dicam, luce quadam illustratos ab omnibus suspitionum tenebris asserit.

2. Jam ego discipulos alloquar (§ 91, p. 373 et suiv.).

 

Pourquoi, leur dirai-je, méprisez-vous dans l'Épître de Jacques ce que vous n'oseriez pas dédaigner dans les Évangiles, dans les livres de Moïse, dans ceux des Prophètes... L'auteur de l'Épître de Jacques est incertain, je le sais, mais la dignité de l'Épître n'est point douteuse. Si l'incertitude du nom de l'auteur vous trouble à ce point, pourquoi ne rejetez-vous pas, dato repudii libello, la plus docte des Épîtres, l'Épître aux Hébreux? Les raisons sont pourtant les mêmes pour repousser l'une et l'autre. Quant à l'histoire, les Juifs ne savent qui a rédigé les livres de Moïse, et pourtant personne n'a jamais osé en mettre en doute l'autorité. Si vous permettez aux Juifs de recevoir les livres et de leur donner autorité, pourquoi refusez-vous le même droit aux Églises du Christ, s'il est vrai que l'Église n'est pas inférieure à la Synagogue? Je ne sais ce qui me retient de le dire (et ici Carlstadt se souvient de Luther), si c'était l'Évangile de Matthieu que j'avais entrepris d'expliquer, il aurait eu à souffrir la même injure pour le nom de Carlstadt, car on a pensé qu'il avait été écrit en chaldéen. » Le critique, passant en revue les livres du Nouveau Testament, exprime ses jugements sur eux. Il pense, avec Érasme, que l'Évangile de Marc pourrait s'appeler l'Évangile de Pierre, et que Marc « n'a pas écrit autre chose qu'un résumé de saint Matthieu 1. » « Le dernier chapitre de Marc, comme dit Érasme après saint Jérôme, a été ajouté après coup et est apocryphe 2... »

 

1. §, 129 et suiv. Marcus nihil aliud, quam compendium Matthaei scripsit, Welche Buecher, etc. : Für einen kurtzen begriff Matthei.

2. Est subditicium atque apocryphum.

 

Je sais bien que les anciens n'ont jamais jugé l'Épître de Jacques aussi sévèrement que de plus anciens n'ont jugé le dernier chapitre de Marc 1. » Carlstadt défend (§ 139) l'autorité des deux dernières Épîtres de Jean, qu'il attribue, comme Érasme, à Jean le presbytre. Il exprime un jugement digne de remarque sur les rapports du texte de nos Évangiles: « Je ne peux négliger cette remarque qu'il s'est glissé une grande erreur dans nos manuscrits, c'est que lorsque sur un même sujet un évangéliste a dit plus qu'un autre, on a cru pouvoir ajouter aux autres ce qui paraissait leur manquer; ou lorsque plusieurs évangélistes racontent autrement un même fait, celui qui avait lu un des quatre le premier, pensait devoir corriger les autres d'après celui-là. C'est ainsi qu'il s'est fait que tout est confondu dans nos livres 2, et que l'on trouve dans Marc beaucoup de traits de Lue et de Matthieu, dans Matthieu beaucoup d'éléments qui appartiennent à Jean et à Marc 3. »

 

« On ne croit pas que l'Épître adressée aux Hébreux soit de Paul, car le style et la langue en sont trop différents, mais elle est, suivant Tertullien, de Barnabas, suivant d'autres, de l'évangéliste saint Luc, ou de Clément, l'évêque de Rome, dont on prétend qu'il a mis en ordre et rédigé de sa plume les pensées de Paul.... Paul, hébreu, avait écrit en hébreu aux Hébreux 4... Cette Épître contient certains passages qui paraissent favoriser les hérétiques, mais personne n'a osé, pour cela, la rejeter tout entière...

 

1. § 131, p. 395.

2. Quod mixta sint omnia apud nos.

3. § 142, p. 399.

4. § 144, p. 400 : Epistola autem quae fertur ad Hebraeos non dus creditur, propter styli sermonisque distantiam; sed vel Barnabae, iuxta Tertulianum, vel Lucae Evangelistae iuxta quosdam, vel Clementis, Rhomanae ecclesiae Episcopi, quem aiunt sententias Pauli proprio ordinasse et ornasse stylo... Scripserat (Paulus) ut Hebraeus Hebraeus hebraice...

 

Dans mon opinion, tout ce qui est dans cette Épître doit être respecté comme les lois, les décrets et les oracles de Dieu, car il ne suit pas, de ce que l'auteur est incertain, que l'autorité de l'Épître soit douteuse 1. »

 

« L'Épître de Jacques le Juste, évêque de Jérusalem, dit le frère du Seigneur, a été, assure-t-on, écrite par un autre sous le nom de ce disciple, mais peu à peu, comme dit saint Jérôme, avec le progrès du temps elle a acquis de l'autorité... Jacques a écrit, sur les œuvres et sur la foi, des choses que nous ne saurions, sans mauvaise volonté, nous refuser à voir dans saint Paul, dans les Évangiles et chez les Prophètes 2. »

 

« L'Apocalypse, dit Carlstadt dans le livre allemand qu'il écrivit peu de temps après son célèbre traité, est de tous les livres du troisième degré le moindre... Le style, la langue et le discours, le genre et la manière de ce livre de la Révélation sont, à mon sentiment, différents absolument des autres livres de saint Jean, quant à la puissance, au génie, au caractère et à la convenance.

 

1. § 146, p. 401: Habet illa epistola quaedam, quae haereticis patrocinari videntur, non tamen idcirco eam quispiam totam,fuit ausus repudtare... Neque etiam protinus sequitur: ambigitur de autore, igitur et de autoritate epistolae.

2. § 147, p. 401 : ... Quae et ipsa ab alio quodam sub nomine eius aedita asseritur. Licet paulatim procedente tempore obtinuerit autoritatem... 148, p. 402) Scripsit quaedam Jacobus de operibus et fide, quae in Paulo, in Evangeliis, in prophetis, nisi conniveamus, cernere coqimur...,

 

Plus loin, Carlstadt dit: Il y manque « le fil et la trame » de saint Jean, (dess fatem und tuchs); pourtant je ne veux pas la rejeter, non plus que ceux du troisième degré, mais en marquer la différence. Si quelqu'un veut la rejeter, qu'il le fasse à ses risques et périls 1. »

 

Dans ce même livre, il dit nettement: « Le dernier chapitre de Marc n'est pas de la Bible (das letzt capitel Marci ist unbiblisch). Il ne s'était pas exprimé ainsi dans son livre latin, et dans le livre allemand, le dernier chapitre de Marc est le seul passage du Nouveau Testament qui figure parmi les apocryphes, bien au-dessous de l'Apocalypse, qui est « le dernier des livres (das aller niderst buch) ».

 

Enfin, partageant en trois classes les livres du Nouveau Testament comme de l'Ancien, et mettant au premier rang les Évangiles et les Actes, et au second les Épîtres incontestées, le critique place au troisième degré d'autorité les Épîtres de Jacques, la deuxième de Pierre, les deux dernières de Jean et celle de Jude, qui « ont eu une autorité apostolique et divine depuis les premiers temps qui ont suivi ceux des Apôtres », et l'Épître aux Hébreux et l'Apocalypse, qui « ont obtenu un caractère sacré bien des années après la mort des Apôtres, et surtout à Rome ».

 

1. Doch ist kit wissen, das unter alien buechern die (der) drift ordenung Apocalipsis Johannis das geringst ist,... das der stilus, red, und sermon, gemuet und art dess buechs der heimlichen o fenbarung der macht, ingenij, und art und schicklichkeit (so in and ern buechern Johannis Apostoli) gespiirt und vermerkt, meins bedunckes fast uneinlich ist und nit gleich.

 

Quant aux apocryphes de l'Ancien Testament, ils ne sont a ni divins ni bibliques », mais Carlstadt convient, dans son livre allemand, avec une naïveté qui est relevée par un fort bon style, qu'ils peuvent être invoqués contre des ennemis inoffensifs et désarmés, « tels que cordeliers et deschaux 1 », et ne peuvent que faire nombre et augmenter la troupe. « Dans une armée, dit-il dans son livre allemand 2, les soldats n'ont pas tous une armure, et pourtant les capitaines n'en renvoient aucun. Il en est ainsi des livres compris dans l'ordre exposé ci-dessus et des autres qui sont en dehors de cet ordre, et qui ont été écrits et mis en usage bien des années avant la naissance de Jésus-Christ. Les livres de la Bible sont les soldats armés et bons pour la guerre; les autres sont nus, sans armure et faibles, mais ils augmentent la troupe, ils servent à la parade et ils sont bons pour les engagements d'avant-garde 3. Pour faire parade, pour engager le combat, on joue, on s'escrime, on escarmouche 4. Mais quand la bataille est engagée et qu'on en est aux grands coups, il ne faut pas de jeu, mais on a besoin de gens plus habiles. Il en est ainsi des livres de la Sapience et des autres semblables, ils servent bien à l'avant-garde et la parade, mais pour la grande guerre, pour la bataille et les coups, ils sont trop faibles. Ils ne blessent pas à mort, ils ne font pas l'ennemi prisonnier, ils ne font pas un hérétique de celui qui les repousse 5 ».

 

1. Ais Bafiisser holtzschuger seind.

2. Welche bucher heilig und Biblisch seind, etc. Andres Bodenstein von Carolstadt, Doctor, s. l., Im iar M. D. XXI, in-40, 12 ff. Cette édition n'est pas mentionnée par Jæger. La première est de 1520. Cf. de Scr. Can., 118, p. 391.

3. Die andre obvermelt seind bloss naçket und schwach, aber sy meren den haujfen, und dienen zu dem parat und vorfechten nit ubel.

4. Paterer velitari milites fragiliores.

5. Sy machen auch niemants zu einem ketzer, dero sy leugnet.

 

Peut-on plus directement contredire la pensée de Luther que Carlstadt n'a fait dans plusieurs des passages que nous avons cités? Sa définition même du Canon, nous n'avons pas eu besoin de le faire remarquer, est l'opposé de celle de Luther. Néanmoins son livre ne paraît avoir exercé aucune influence sur Luther ni sur ses contemporains. Érasme, auquel Carlstadt doit à peu près toute son érudition, avait déjà, sur les questions de critique, exprimé des jugements analogues, et ses opinions mêmes n'étaient pas nouvelles, car il n'a guère fait que répéter les jugements des Pères. Luther avait assez d'Érasme pour former dans sa solitude les jugements qu'il a exprimés si haut. Il eut le bon sens de ne pas répondre aux attaques personnelles de Carlstadt. Mais ce qu'il a peut-être deviné plutôt qu'il ne l'a compris, c'est que la réforme du docteur Bodenstein se basait sur l'histoire et non sur le sentiment, sur la critique et non sur la foi. Car telle est toute la différence des deux esprits et des deux méthodes. La thèse de Carlstadt, inaperçue et oubliée, devait être reprise par Pighius et par les Jésuites, elle devait devenir la doctrine de l'Église catholique avant de servir de point de départ aux travaux de la critique moderne.