ESCHATOLOGIE DE L'AMILLÉNARISME
Anthony A. Hoekema
Professeur de théologie systématique au séminaire théologique Calvin à Grand Rapids, Michigan.

Traduit, révisé et précisé avec des italiques par
Jean leDuc
Novembre 2025
Mise en pages par
Jean leDuc et Alexandre Cousinier
***
L'interprétation d'Apocalypse 20:1-6
L'interprétation des prophéties de l'Ancien Testament
Un bref aperçu de l'eschatologie amillénariste
LA VISION DE LA NOUVELLE TERRE
Quelques implications de l'eschatologie amillénariste
***
L'interprétation d'Apocalypse 20:1-6
L'interprétation des prophéties de l'Ancien Testament
Un bref aperçu de l'eschatologie amillénariste
Quelques implications de l'eschatologie amillénariste
La discussion sur la compréhension amillénariste du millénaire comprendra les sujets suivants: l'interprétation du livre de l'Apocalypse, l'interprétation d'Apocalypse 20:1-6, un regard sur deux passages de l'Ancien Testament généralement considérés comme prédisant un royaume millénaire terrestre, un bref aperçu de l'eschatologie amillénariste et un résumé de certaines des implications de l'eschatologie amillénariste.
Il convient d'abord de dire un mot sur la terminologie. Le terme « amillénarisme » n'est pas très flatteur. Il suggère que les amillénaristes ne croient pas en un quelconque millénium, ou qu'ils ignorent tout simplement les six premiers versets d'Apocalypse 20, qui parlent d'un règne millénaire. Aucune de ces deux affirmations n'est vraie. S'il est vrai que les amillénaristes ne croient pas en un règne terrestre littéral de mille ans qui suivrait le retour du Christ, le terme « amillénarisme » ne décrit pas fidèlement leur point de vue. Le professeur Jay E. Adams, du séminaire de Westminster à Philadelphie, a suggéré de remplacer le terme « amillénarisme » par l'expression « Millénarisme Réalisé ». 1 Ce dernier terme décrit assurément la position « amillénariste » plus précisément que le terme habituel, car les « amillénaristes » croient que le millénarisme d'Apocalypse 20 n'est pas exclusivement futur, mais est en cours de réalisation. L'expression « Millénarisme Réalisé » est cependant assez maladroite, car elle remplace un simple préfixe par un mot de trois syllabes. Malgré ses inconvénients et ses limites, je continuerai donc d'utiliser le terme plus court et plus courant d'amillénarisme. Le terme Pneumillénarisme conviendrai mieux, en ce qu'il décrit un royaume spirituel depuis la Pentecôte jusqu'à la fin des temps.
L'interprétation du livre de l'Apocalypse
Pour comprendre le contexte de la vision amillénariste du millénaire, il convient d'abord de s'interroger sur l'interprétation du livre de l'Apocalypse. Supposons, par exemple, que le livre de l'Apocalypse doive être interprété dans un sens exclusivement futuriste, se référant uniquement aux événements qui doivent se produire autour ou au moment de la seconde venue du Christ. Supposons également que ce qui est présenté dans Apocalypse 20 doive nécessairement suivre, dans l'ordre chronologique, ce qui est décrit au chapitre 19. Nous sommes alors pratiquement contraints de croire que le règne de mille ans décrit en 20:4 doit survenir après le retour du Christ décrit en 19:11. Mais si nous considérons Apocalypse 20:1-6 comme décrivant ce qui se déroule durant toute l'histoire de l'Église, à partir de la première venue du Christ, nous aurons une compréhension du millénaire d'Apocalypse 20 bien différente de celle qui vient d'être mentionnée. C'est pourquoi il faudra d'abord dire quelque chose sur la manière dont il faut interpréter le livre de l'Apocalypse.
Le système d'interprétation du livre de l'Apocalypse qui me semble le plus satisfaisant (bien qu'il ne soit pas sans difficultés) est celui connu sous le nom de parallélisme progressif , habilement défendu par William Hendriksen dans Plus que des conquérants, son commentaire sur l'Apocalypse.2 Selon ce point de vue, le livre de l'Apocalypse se compose de sept sections qui se déroulent parallèlement les unes aux autres, chacune d'elles décrivant l'Église et le monde depuis le moment de la première venue du Christ jusqu'à celui de sa seconde. Mais ici est la différence entre l'Amillénarisme et le Pneumillénarisme pour qui Jésus revint spirituellement le jour de la Pentecôte pour habiter le cœur de ses élus, et apparaitra à la fin des temps lorsqu'il surgira de ses élus en les transformant en son image parfaite. débutant la phase éternelle d'une nouvelle existence immortelle et sans fin d'une nouvelle création et d'une nouvelle race, dont Christ est le premier-né.
La première de ces sept sections se trouve aux chapitres 1 à 3. Jean voit le Christ ressuscité et glorifié marchant au milieu de sept chandeliers d'or. Obéissant au commandement du Christ, Jean entreprend alors d'écrire des lettres à chacune des sept Églises (des sept Convocations à renaitre, du terme ek-klesia appelé hors de ou appelé à sortir vers Christ, l'appel irrésistible du Bon Berger à ses brebis) d'Asie Mineure. La vision du Christ glorifié et les lettres aux sept Églises forment évidemment un tout. La lecture de ces lettres nous frappe par deux choses. Premièrement, elles font référence à des événements, des personnages et des lieux de l'époque où le livre de l'Apocalypse a été écrit. Deuxièmement, les principes, les recommandations et les avertissements contenus dans ces lettres ont une valeur pour l'Église de tous les temps. Ces deux observations, en fait, fournissent une piste pour l'interprétation du livre tout entier. Puisque le livre de l'Apocalypse s'adressait à l'Église du premier siècle de notre ère, son message faisait référence à des événements survenus à cette époque et était donc significatif pour les chrétiens de cette époque. Mais puisque le livre était également destiné à l'Église à travers les âges, son message est toujours d'actualité.
La deuxième de ces sept sections est la vision des sept sceaux, décrite aux chapitres 4 à 7. Jean est enlevé au ciel et voit Dieu assis sur son trône rayonnant. Il voit ensuite l'Agneau immolé prendre le livre scellé de sept sceaux des mains de celui qui était assis sur le trône. Les différents sceaux sont brisés et divers jugements divins sur le monde sont décrits. Dans cette vision, nous voyons l'Église souffrir et être persécutée, sur fond de victoire du Christ.
La troisième section, qui se trouve aux chapitres 8 à 11, décrit les sept trompettes du jugement. Dans cette vision, nous voyons l'Église vengée, protégée et victorieuse.
La quatrième section, chapitres 12 à 14, commence par la vision de la femme donnant naissance à un fils, tandis que le dragon attend de le dévorer dès sa naissance – une référence évidente à la naissance du Christ. Le reste de la section décrit l'opposition persistante du dragon (qui représente Satan) à l'Église. Cette section nous présente également les deux bêtes qui aident le dragon: la bête de la mer et la bête de la terre.
La cinquième section se trouve aux chapitres 15 et 16. Elle décrit les sept coupes de colère, illustrant ainsi de manière très vivante la dernière exécution de la colère divine sur ceux qui demeurent impénitents.
La sixième section, chapitres 17 à 19, décrit la chute de Babylone et des bêtes. Babylone représente la cité terrestre, les forces du sécularisme et de l'impiété qui s'opposent au royaume de Dieu. La fin du chapitre 19 décrit la chute et le châtiment final des deux auxiliaires du dragon: la bête surgie de la mer et le faux prophète, qui semble être identifié à la bête surgie de la terre (voir 16:13).
La septième section, chapitres 20 à 22, relate la fin du dragon, complétant ainsi la description de la défaite des ennemis du Christ. Elle décrit également le jugement dernier, le triomphe final du Christ et de son Église, ainsi que l'univers renouvelé, appelé ici « nouveau ciel » et « nouvelle terre ».
Notez que, bien que ces sept sections soient parallèles, elles révèlent également un certain progrès eschatologique. La dernière section, par exemple, nous transporte plus loin dans l'avenir que les autres. Bien que le jugement dernier ait déjà été annoncé en 1:7 et brièvement décrit en 6:12-17, il n'est exposé en détail qu'en 20:11-15. Bien que la joie finale des rachetés dans la vie future soit évoquée en 7:15-17, ce n'est qu'au chapitre 21 que nous trouvons une description détaillée et élaborée de la bénédiction de la vie sur la nouvelle terre (21:1-22:5). C'est pourquoi cette méthode d'interprétation est appelée parallélisme progressif .
Ces sept sections présentent une progression eschatologique, non seulement pour chacune d'elles, mais aussi pour le livre dans son ensemble. Si l'on admet que l'Apocalypse décrit la lutte entre le Christ et son Église, d'une part, et les ennemis du Christ et de l'Église, d'autre part, on peut dire que la première moitié du livre (chapitres 1 à 11) décrit la lutte sur terre, dépeignant l'Église persécutée par le monde. La seconde moitié, en revanche (chapitres 12 à 22), nous offre le contexte spirituel plus profond de cette lutte, décrivant la persécution de l'Église par le dragon (Satan) et ses complices. À la lumière de cette analyse, nous comprenons comment la dernière section du livre (chapitres 20 à 22) s'articule. Cette dernière section décrit le jugement qui s'abat sur Satan et sa fin définitive. Satan étant l'adversaire suprême du Christ, il est logique que sa fin soit relatée en dernier.
L'interprétation d'Apocalypse 20:1-6
Nous sommes maintenant prêts à passer à l'interprétation d'Apocalypse 20:1-6, le seul passage de la Bible qui parle explicitement d'un règne millénaire. Notons d'abord que le passage se divise évidemment en deux parties: les versets 1 à 3, qui décrivent la liaison de Satan; et les versets 4 à 6, qui décrivent le règne millénaire des âmes avec Christ.
L'interprétation prémillénariste de ces versets les considère comme décrivant un règne millénaire du Christ sur terre, qui interviendra après sa seconde venue. Or, il est vrai que la seconde venue du Christ a été évoquée dans le chapitre précédent (voir 19:11-16). Si l'on considère alors Apocalypse 20 comme décrivant ce qui suit chronologiquement ce qui est décrit au chapitre 19, on en conclurait que le millénaire d'Apocalypse 20:1-6 viendra après le retour du Christ.
Cependant, comme indiqué précédemment, les chapitres 20 à 22 constituent la dernière des sept sections de l'Apocalypse et ne décrivent donc pas ce qui suit le retour du Christ. Apocalypse 20:1 nous ramène plutôt au début de l'ère du Nouveau Testament.
Que cette interprétation soit correcte pour ces versets ressort clairement non seulement de ce qui a été développé précédemment, mais aussi du fait que ce chapitre décrit la défaite et le destin final de Satan. La défaite de Satan a certainement commencé avec la première venue du Christ, comme cela a déjà été clairement expliqué au chapitre 12:7-9. Que le règne millénaire décrit aux versets 4-6 précède la seconde venue du Christ est évident du fait que le jugement dernier, décrit aux versets 11-15 de ce chapitre, est présenté comme survenant après le règne millénaire. Non seulement dans l'Apocalypse, mais ailleurs dans le Nouveau Testament, le jugement dernier est associé à la seconde venue du Christ. (Voir Apocalypse 22:12 et les passages suivants: Mt 16:27; 25:31-32; Jude 14-15; et surtout 2 Thess 1:7-10.) Ceci étant le cas, il est évident que le règne de mille ans d’Apocalypse 20:4-6 doit se produire avant et non après la seconde venue du Christ. En fait il sagit d'un règne spirituel qui débuta à la Pentecôte avec le retour spirituel du Seigneur Jésus dans son ministère d'exaltation et d'habitation, débutant ainsi la période de l'Ek-klesia spirituelle ou anticipation du peuple d'élus qui forme le Temple de l'Esprit des vivants.
Examinons maintenant attentivement Apocalypse 20:1-6. Commençons par les versets 1 à 3, reproduits ici:
Et je vis un ange qui descendait du ciel, ayant la clé de l'abîme et tenant dans sa main une grande chaîne. Il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable ou Satan, et le lia pour mille ans. Il le jeta dans l'abîme, et le scella au-dessus de lui, pour l'empêcher de tromper davantage les nations jusqu'à ce que les mille ans soient accomplis. Après cela, il devait être libéré pour un court moment.
Ces versets décrivent la manière dont Satan est lié. Le dragon, clairement identifié ici comme « le diable ou Satan », est lié pour mille ans, puis jeté dans un lieu appelé « l'Abîme ». Le but de cette liaison est de « l'empêcher de tromper davantage les nations jusqu'à la fin des mille ans ».
Le livre de l'Apocalypse est rempli de nombres symboliques. Évidemment, le nombre « mille » utilisé ici ne doit pas être interprété au sens littéral, mais spirituel ou figuratif (2 Pierre 3:8,9). Puisque le nombre dix signifie la plénitude, et que mille est dix à la puissance trois, on peut considérer l'expression « mille ans » comme désignant une période complète, une très longue période de durée indéterminée. En accord avec ce qui a été dit plus haut sur la structure du livre et à la lumière des versets 7 à 15 de ce même chapitre (qui décrivent la « petite saison » de Satan, le combat final et le jugement dernier), nous pouvons conclure que cette période de mille ans s'étend de la première venue du Christ jusqu'à la veille de sa seconde venue ou apparition finale en ce monde de ténèbres.
Puisque l'« étang de feu » mentionné aux versets 10, 14 et 15 décrit manifestement le lieu du châtiment final, l'« Abîme » mentionné aux versets 1 et 3 ne doit pas être le lieu du châtiment final. Le mot « Abîme » doit plutôt être compris comme une description figurative de la manière dont les activités de Satan seront freinées durant la période millénaire pour la protection du peuple d'élus de Christ.
Que signifie alors l'enchaînement de Satan ? À l'époque de l'Ancien Testament, du moins après l'ère abrahamique, toutes les nations du monde, à l'exception d'Israël, étaient, pour ainsi dire, sous la domination de Satan. À cette époque, le peuple d'Israël bénéficiait de la révélation spéciale de Dieu, de sorte qu'il connaissait la vérité divine sur lui-même, sur sa nature pécheresse et sur la manière d'obtenir le pardon et le salut. À la même époque, cependant, les autres nations du monde ignoraient cette vérité et étaient donc dans l'ignorance et l'erreur (voir Actes 17:30), à l'exception d'une personne, d'une famille ou d'une ville qui entrèrent en contact avec la révélation spéciale de Dieu. On pourrait dire qu'à cette époque, ces nations furent trompées par Satan, comme nos premiers parents l'avaient été lorsqu'ils tombèrent dans le péché au jardin d'Éden.
Juste avant son ascension, cependant, le Christ a confié à ses disciples sa grande mission : « Allez, faites de toutes les nations des disciples » (Mt 28.19). On peut alors imaginer les disciples se poser une question troublante: comment pouvons-nous y parvenir si Satan continue de tromper les nations comme il l’a fait par le passé ? Dans Apocalypse 20.1-3, Jean donne une réponse rassurante à cette question. Sa réponse, paraphrasée, est la suivante: « Pendant l’ère de l’Évangile qui vient d’être inaugurée, Satan ne pourra plus continuer à tromper les nations comme il l’a fait par le passé, car il est lié. C’est pourquoi, durant toute cette période, vous, disciples du Christ, pourrez prêcher l’Évangile et faire de toutes les nations des disciples. »
Cela ne signifie pas que Satan ne peut faire aucun mal tant qu'il est lié. Cela signifie simplement ce que Jean dit ici: tant qu'il est lié, Satan ne peut tromper les nations de manière à les empêcher de connaître la vérité de Dieu. Plus loin dans le chapitre, on nous dit qu'une fois les mille ans écoulés, Satan sera libéré de sa prison et ira tromper les nations du monde afin de les rassembler pour combattre et, si possible, détruire le peuple de Dieu (versets 7-9), période de bouleversements idéologiques qui débuta officiellement au commencement des années 1960, avec la fin de Vatican II et la montée du mouvement dit Évangélique nommé aussi néo-catholicisme de par son universalité et de l'étendue de son poison doctrinale. Cependant, il ne peut le faire tant qu'il est lié. Nous concluons donc que le fait que Satan soit lié pendant l'ère de l'Évangile signifie, premièrement, qu'il ne peut empêcher la propagation de l'Évangile et, deuxièmement, qu'il ne peut rassembler tous les ennemis de Christ pour attaquer l'Église. Ne négligeons point qu'il est aussi écrit dans ce contexte que Satan sera relâché de sa prison, ce qui se produisit au début des années 1960 comme nous avons mentionné plus haut, marquant la fin du temps des nations et le dévoilement du christianisme contrefait, avec toute sa puissance de séduction.
Le Nouveau Testament contient-il une indication que Satan était lié lors de la première venue du Christ ? Effectivement. Lorsque les pharisiens accusèrent Jésus de chasser les démons par la puissance de Satan, Jésus répondit: « Comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses biens, sans avoir auparavant lié cet homme fort ? » (Mt 12,29). Il est intéressant de noter que le terme employé par Matthieu pour décrire la liaison de l’homme fort est le même que celui employé dans Apocalypse 20 pour décrire la liaison de Satan. On pourrait dire que Jésus a lié le diable lorsqu’il l’a vaincu dans le désert, refusant de céder à ses tentations. L’expulsion des démons par Jésus, comme il nous l’enseigne dans ce passage, était la preuve de ce triomphe. On pourrait objecter que la liaison de Satan mentionnée ici est rapportée en lien avec l’expulsion des démons plutôt qu’avec la prédication de l’Évangile. Mais je répondrai que l'expulsion des démons est une preuve de la présence du royaume de Dieu (Mt 12, 28) et que c'est précisément parce que le royaume de Dieu est venu que l'Évangile peut maintenant être prêché à toutes les nations (voir Mt 13, 24-30. 47-50).
À leur retour de mission, les soixante-dix dirent à Jésus: « Seigneur, même les démons se soumettent à nous en ton nom. » Jésus répondit: « J'ai vu Satan tomber du ciel comme un éclair » (Lc 10.17-18). Il va sans dire que ces paroles ne doivent pas être interprétées littéralement. Elles doivent plutôt être comprises comme signifiant que Jésus voyait dans les œuvres de ses disciples un signe que le royaume de Satan venait de recevoir un coup fatal, qu'en réalité, Satan était lié, que son pouvoir était restreint. Dans ce cas précis, la chute ou la liaison de Satan est directement associée à l'activité missionnaire des disciples de Jésus.
Un autre passage qui relie la restriction des activités de Satan à l’action missionnaire du Christ est Jean 12:31-32:
« C'est maintenant le temps du jugement sur ce monde ; maintenant le prince de ce monde sera chassé. Mais moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi ». Il est intéressant de noter que le verbe traduit ici par « chassé » ( ekballo ) dérive de la même racine que le mot utilisé dans Apocalypse 20:3: « Il [l'ange] le jeta [Satan] dans l'abîme. » Plus important encore, cependant, est l'observation selon laquelle le fait que Satan soit « chassé » ou « rejeté » est ici associé au fait que non seulement les Juifs, mais aussi les hommes de toutes nationalités seront attirés vers le Christ crucifié.
Nous voyons donc que l'enchaînement de Satan décrit dans Apocalypse 20:1-3 signifie que, tout au long de l'ère de l'Évangile dans laquelle nous vivons actuellement, l'influence de Satan, bien que non anéantie, est si limitée qu'il ne peut empêcher la propagation de l'Évangile aux nations du monde. À cause de l'enchaînement de Satan à l'ère actuelle, les nations ne peuvent conquérir l'Église, mais c'est l'Église qui conquiert les nations.
Passons maintenant aux versets 4 à 6, le passage traitant du règne millénaire. Or ces versets se lisent ainsi:
Je vis des trônes sur lesquels étaient assis ceux à qui avait été donné le pouvoir de juger. Et je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause de leur témoignage en faveur de Jésus et à cause de la parole de Dieu. Ils n'avaient adoré ni la bête ni son image, et n'avaient pas reçu sa marque sur leur front ni sur leur main. Ils revinrent à la vie et régnèrent avec le Christ pendant mille ans. (Les autres morts ne revinrent à la vie qu'après la fin des mille ans.) C'est la première résurrection. Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection ! La seconde mort n'a aucun pouvoir sur eux, mais ils seront prêtres de Dieu et du Christ, et ils régneront avec lui pendant mille ans.
Nous avons noté précédemment que les versets 1 à 3 parlent d'une période de « mille ans ». Nous observons maintenant que les versets 4 à 6 font également référence à une période de mille ans. Bien qu'il soit possible de comprendre les « mille ans » des versets 4 à 6 comme décrivant une période différente des « mille ans » des versets 1 à 3, rien ne nous y oblige. Nous pouvons donc supposer sans risque que les versets 1 à 3 et 4 à 6 concernent la même période de « mille ans ». Cette période, comme nous l'avons vu, couvre toute la dispensation du Nouveau Testament, depuis la première venue du Christ jusqu'à la veille de sa seconde venue.
Examinons maintenant de plus près le verset 4 : « Je vis des trônes sur lesquels étaient assis ceux à qui avait été donné le pouvoir de juger. » La première question à laquelle nous devons nous attaquer est: où sont ces trônes ? Leon Morris souligne que dans le livre de l’Apocalypse, le mot « trône » est utilisé quarante-sept fois et que tous ces trônes, sauf trois (2:13 ; 13:2 ; 16:10), semblent être au ciel. 4 Si l’on ajoute à cela le fait que Jean voit « les âmes de ceux qui avaient été décapités », nous sommes confortés dans la conclusion que le lieu de la vision de Jean s’est maintenant déplacé au ciel. On peut donc dire que, si la période de mille ans décrite dans ces six versets est la même partout, les versets 1 à 3 décrivent ce qui se passe sur terre pendant cette période, et les versets 4 à 6 décrivent ce qui se passe au ciel.
Jean voit ceux qui ont reçu l'autorité de juger (littéralement, ceux à qui le jugement a été donné) assis sur des trônes. Le livre de l'Apocalypse s'intéresse beaucoup aux questions de justice, en particulier pour les chrétiens persécutés. Il est donc très significatif que, dans la vision de Jean, ceux qui sont assis sur des trônes reçoivent l'autorité de juger. La description de Jean les décrivant comme « assis sur des trônes » est une manière concrète d'exprimer l'idée qu'ils règnent avec Christ (voir la dernière partie du v. 4). Apparemment, ce règne inclut l'autorité de juger. On ne nous dit pas s'il s'agit simplement d'approuver et d'être reconnaissant pour les jugements rendus par Christ, ou si cela signifie que ceux qui sont assis sur les trônes ont la possibilité de porter leurs propres jugements sur les questions terrestres. Quoi qu'il en soit, le règne avec Christ décrit ici inclut apparemment une part à l'activité de jugement de Christ (voir Dn 7:22).
Nous nous demandons ensuite: Qui est assis sur ces trônes ? La réponse se trouve dans la suite du verset: « Et je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause de leur témoignage en faveur de Jésus et à cause de la parole de Dieu. » Puisque Jean nous dit avoir vu « les âmes de ceux qui avaient été décapités », il est clair qu'il ne parle pas de personnes encore vivantes sur terre. Certes, le mot rendu ici par « âmes », psuchai , peut parfois être utilisé pour décrire des personnes encore vivantes sur terre, comme par exemple dans Actes 2:41: « Et il y eut en ce jour-là environ trois mille âmes ajoutées. » Mais dans Apocalypse 20:4, ce sens du mot psuchai ne fonctionne pas. On ne peut traduire tas psuchas ton pepelekismenon par « le peuple de ceux qui avaient été décapités » ou par « les hommes de ceux qui avaient été décapités ». Ici, le mot psuchai doit désigner les âmes des personnes décédées. Ce texte est, en fait, une sorte de parallèle avec un passage antérieur d'Apocalypse 6:9: « Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l'autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et du témoignage qu'ils avaient rendu. »
Si l'on se demandait comment Jean pouvait voir les âmes des morts, la réponse est qu'il a eu une vision. On pourrait tout aussi bien se demander: comment Jean a-t-il pu voir un ange saisir le diable et l'enchaîner pour mille ans ?
Jean voit les âmes de ceux qui ont été décapités à cause de leur témoignage en faveur de Jésus et de la parole de Dieu. Autrement dit, il voit les âmes des martyrs – des croyants qui ont subi le martyre en raison de leur fidélité au Christ. Lorsque Jean écrivit l'Apocalypse, de nombreux chrétiens étaient martyrisés pour leur foi. Il va sans dire que la vision rapportée ici apporterait un grand réconfort aux proches de ces martyrs: Jean voit leurs âmes assises sur des trônes célestes, participant au jugement.
« Ils n'avaient adoré ni la bête ni son image, et n'avaient pas reçu sa marque sur leur front ou sur leur main. » La Nouvelle Version Internationale traduit ces mots comme s'il s'agissait d'une description plus détaillée des martyrs mentionnés dans la clause précédente. Il existe cependant une autre possibilité, celle véhiculée par la traduction de l'American Standard Version: « et ceux qui n'adorèrent ni la bête ni son image, et ne reçurent pas la marque sur leur front et sur leur main. » Plus tôt dans le livre, les adversaires incroyants du Christ et de son royaume étaient décrits comme ceux qui adoraient la bête ou son image et qui recevaient la marque de la bête sur leur front ou sur leur main (voir 13:8, 15-17; 14:9-11). À l'inverse, les croyants restés fidèles à leur Seigneur sont décrits comme ceux qui remportèrent la victoire sur la bête (15:2) ou qui n'adorèrent ni la bête ni son image (13:15). Je suppose donc que, dans la clause que nous examinons maintenant, Jean décrit un groupe plus large que les seuls martyrs. Par « ceux qui n'avaient pas adoré la bête ni son image et n'avaient pas reçu sa marque », Jean entend tous les chrétiens restés fidèles au Christ et ayant résisté aux puissances antichrétiennes – autrement dit, tous les chrétiens, ceux qui étaient restés fidèles jusqu'au bout. Ceux qui étaient morts en martyrs constituaient une partie de ce groupe, mais pas le groupe entier. (Bien que Jean ne parle pas ici spécifiquement d'« âmes », on peut supposer sans risque qu'il parle toujours des âmes des croyants décédés, puisqu'il a commencé par parler des âmes des martyrs mis à mort.)
Voyons maintenant les mots les plus controversés du passage : « Ils revinrent à la vie et régnèrent avec Christ pendant mille ans. » Les interprètes prémillénaristes, dispensationalistes ou non, comprennent ces mots comme faisant référence à une résurrection littérale d’entre les morts et trouvent donc dans ce passage la preuve d’un règne millénaire du Christ sur terre, après sa seconde venue. Est-ce la bonne interprétation du passage ?
Il faut reconnaître que le mot grec rendu par « revenu à la vie », ezesan , peut désigner une résurrection physique (voir, par exemple, Mt 9:18; Rom 14:9; 2 Cor 13:4; Apoc 2:8). La question est cependant de savoir si c'est bien ce que ce mot signifie ici.
Que Jean parle ici d'une sorte de résurrection ressort clairement de la deuxième phrase du verset 5: « C'est la première résurrection », mots qui se réfèrent évidemment à la vie et au règne avec Christ du verset 4. Mais cette « première résurrection » est-elle une résurrection physique, une résurrection du corps d'entre les morts ? Évidemment non, puisque la résurrection du corps d'entre les morts est mentionnée plus loin dans le chapitre comme distincte de ce qui est décrit ici (voir vv. 11-13). Ce n'est qu'en croyant à deux résurrections corporelles – l'une des croyants au début du millénaire et l'autre des incroyants après le millénaire – que l'on pourra comprendre l' ezesan du verset 4 comme se référant à une résurrection corporelle. Puisque les Écritures enseignent clairement ailleurs une seule résurrection corporelle qui inclura à la fois les croyants et les incroyants (voir Jn 5:28-29; Actes 24:15), ce qui est décrit dans la dernière clause du verset 4 doit être autre chose que la résurrection physique ou corporelle qui est encore à venir.
Que signifient donc les mots « ils revinrent à la vie et régnèrent avec Christ pendant mille ans » ? L’indice a déjà été donné au verset 4a. Jean y dit: « Je vis des trônes sur lesquels étaient assis ceux à qui avait été donné le pouvoir de juger. » Le reste du verset indique clairement que ceux qui étaient assis sur ces trônes étaient les âmes de personnes mortes en martyrs pour la foi et d’autres chrétiens restés fidèles à Christ jusqu’à la fin de leur vie. C’est ce groupe que Jean voit comme « vivant et régnant avec Christ ». Bien que ces croyants soient morts, Jean les voit comme vivants, non pas physiquement, mais au sens où ils jouissent de la vie au ciel en communion avec Christ. Cette vie est une vie de grand bonheur (voir les paroles de Paul en Phil. 1:23 et 2 Corinthiens 5:8). C'est une vie où ils siègent sur des trônes, participant au règne du Christ sur toutes choses, et même à son jugement ! Ce règne céleste est l'accomplissement d'une promesse rapportée plus haut dans le livre: « À celui qui vaincra, je donnerai le droit de s'asseoir avec moi sur mon trône, comme moi-même j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône. » (3:21.
Nous pouvons apprécier l'importance de cette vision en nous rappelant qu'à l'époque de Jean, l'Église était cruellement opprimée et fréquemment persécutée. Il serait réconfortant pour ces croyants de savoir que, malgré la mort de nombreux chrétiens, certains ayant même été cruellement exécutés en martyrs, ces derniers étaient désormais véritablement vivants au ciel, vivant et régnant avec Christ. Jean poursuit en disant que cette vie et ce règne avec Christ continueront pendant les mille ans, c'est-à-dire pendant toute l'ère de l'Évangile, jusqu'à ce que Christ revienne ressusciter les corps de ces croyants.
Rien dans ces versets n'indique que Jean décrive un règne millénaire terrestre. La scène, comme nous l'avons vu, se déroule au ciel. Rien n'est dit aux versets 4 à 6 de la terre, de la Palestine comme centre de ce règne, ni des Juifs. Le règne millénaire d'Apocalypse 20:4 est un règne spirituel avec Christ au ciel, celui des âmes des croyants décédés. Ce règne n'est pas à attendre dans le futur; il est en cours maintenant et le sera jusqu'au retour ou apparition finale du Christ. Par conséquent, l'expression « millénarisme réalisé » décrit bien le point de vue défendu ici, si l'on se souvient que le millénaire en question n'est pas terrestre, mais céleste.
La phrase suivante, le verset 5a, est entre parenthèses et est donc correctement placée entre parenthèses: « Les autres morts ne revinrent pas à la vie avant la fin des mille ans. » J’ai déjà expliqué pourquoi je ne crois pas que ces mots décrivent une résurrection corporelle qui doit avoir lieu après le millénium. Le mot ezesan (vivit ou revint à la vie), tel qu’il est utilisé dans cette phrase, doit signifier la même chose que dans la phrase précédente. Jean parle ici des morts incrédules, les « autres morts », par opposition aux morts croyants qu’il vient de décrire. Lorsqu’il dit que les autres morts ne vécurent pas ou ne revinrent pas à la vie, il veut dire exactement le contraire de ce qu’il vient de dire à propos des morts croyants. Les morts incrédules, dit-il, n'ont ni vécu ni régné avec Christ durant cette période millénaire. Alors que les croyants, après leur mort, jouissent d'une vie nouvelle au ciel avec Christ, partageant son règne, les incrédules, après leur mort, ne partagent rien de cette vie ni de ce règne.
Que cela soit vrai tout au long de la période de mille ans est indiqué par les mots « jusqu'à la fin des mille ans ». Le mot grec traduit ici par « jusqu'à », achri , signifie que ce qui est dit ici était vrai pendant toute la durée de la période de mille ans. L'emploi du mot « jusqu'à » n'implique pas que ces morts incrédules vivront et régneront avec Christ après la fin de cette période. Si tel était le cas, nous nous serions attendus à une déclaration claire en ce sens. (Pour un exemple de ce genre de déclaration, voir Apoc. 20:3.) Plutôt, ce qui arrive aux morts incrédules après la fin des mille ans est ce qui est appelé au verset 6 « la seconde mort ». Quand il est dit au verset 6 que la « seconde mort » n'a pas de pouvoir sur les morts croyants, cela implique que la « seconde mort » a du pouvoir sur les morts incrédules. Que signifie « la seconde mort » ? Le verset 14 explique : « C'est la seconde mort, l'étang de feu ». La seconde mort signifie donc le châtiment éternel après la résurrection du corps. En ce qui concerne les morts incrédules, il y aura donc un changement après la fin des mille ans, mais ce sera un changement non pas pour le meilleur mais pour le pire.
Jean poursuit en disant : « C'est la première résurrection. » Ces paroles décrivent ce qui est arrivé aux morts croyants que Jean décrit à la fin du verset 4, avant la parenthèse que nous venons de mentionner. À la lumière de ce qui précède, nous devons comprendre ces paroles comme décrivant non pas une résurrection corporelle, mais plutôt le passage de la mort physique à la vie céleste avec Christ. Cette transition est ici appelée « résurrection », un usage inhabituel du mot, certes, mais parfaitement compréhensible compte tenu du contexte précédent. L'expression « première résurrection » implique qu'il y aura bien une « seconde résurrection » pour ces morts croyants – la résurrection des corps qui aura lieu au retour du Christ à la fin de la période millénaire.
Jean dit maintenant, au verset 6: « Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection. » Les mots suivants expliquent cette béatitude: « La seconde mort n'a aucun pouvoir sur eux. » La seconde mort, comme nous l'avons vu, signifie le châtiment éternel. Ces paroles concernant la seconde mort impliquent que la « première résurrection » que Jean vient de mentionner n'est pas une résurrection corporelle. Car si les croyants étaient ici considérés comme ayant été ressuscités physiquement, avec des corps glorifiés, ils jouiraient déjà de la pleine et entière félicité de la vie à venir, et il serait inutile de dire que la seconde mort n'a aucun pouvoir sur eux.
« Mais ils seront prêtres de Dieu et de Christ, et ils régneront avec lui pendant mille ans » (v. 6b). Durant toute cette période de mille ans, donc, les morts croyants adoreront Dieu et Christ comme prêtres et régneront avec Christ comme rois. Bien que Jean ne pense ici qu'à la période de mille ans qui s'étend jusqu'au retour du Christ, les derniers chapitres de l'Apocalypse indiquent qu'après le retour du Christ et la résurrection de la chair, ces morts croyants pourront adorer Dieu, le servir et régner avec Christ d'une manière encore plus riche qu'actuellement. Ils adoreront et serviront alors Dieu pour toute l'éternité, dans une perfection sans péché, avec des corps glorifiés sur la nouvelle terre.
Telle est donc l'interprétation amillénariste d'Apocalypse 20:1-6. Ainsi compris, le passage ne parle pas d'un règne terrestre du Christ sur un royaume principalement juif. Il décrit plutôt le règne au ciel avec le Christ des âmes des croyants décédés. Leur règne s'étend entre leur mort et la seconde venue du Christ.
L'interprétation des prophéties de l'Ancien Testament
Il existe une différence fondamentale entre la méthode d'interprétation biblique employée par les prémillénaristes et les amillénaristes. Les prémillénaristes, en particulier ceux de tendance dispensationaliste, sont attachés à ce que l'on appelle communément l'interprétation « littérale » des prophéties de l'Ancien Testament. John F. Walvoord, éminent porte-parole du point de vue dispensationaliste prémillénariste, définit la méthode herméneutique de cette école d'interprétation:
La position prémillénariste est que la Bible doit être interprétée dans son sens grammatical et historique ordinaire dans tous les domaines de la théologie, à moins que des raisons contextuelles ou théologiques ne montrent clairement que telle n’était pas l’intention de l’auteur. 1
Dans sa discussion de ce principe, Walvoord admet que parfois un passage de l'Ancien Testament contient des indications que certaines parties ne doivent pas être interprétées littéralement mais au sens figuré - par exemple, la « verge de sa bouche » avec laquelle le Christ est censé frapper la terre dans Ésaïe 11:4.2
Les amillénaristes, quant à eux, estiment que, si de nombreuses prophéties de l'Ancien Testament doivent être interprétées littéralement, beaucoup d'autres doivent l'être de manière non littérale.3 En résumé, un amillénariste pourrait souscrire à la définition de la méthode herméneutique prémillénariste donnée par Walvoord. La différence entre un interprète amillénariste et un interprète prémillénariste apparaît lorsque chacun tente d'indiquer quelles prophéties doivent être interprétées littéralement et lesquelles doivent l'être de manière non littérale. Sur cette question, les opinions divergent largement.
Ce court chapitre ne nous permet pas d'approfondir ces différences d'interprétation. Il nous sera toutefois utile d'examiner brièvement deux passages de l'Ancien Testament que les prémillénaristes considèrent généralement comme préfigurant un futur règne millénaire terrestre. Ce faisant, nous constaterons que l'interprétation prémillénariste de ces deux passages représentatifs n'est en aucun cas la seule possible.
Regardons tout d’abord Ésaïe 11:6-9 tel que rendu par la Bible dénaturée et tendancieuse New Scofield:
Le loup habitera avec l'agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau; le veau, le lionceau et le bétail qu'on engraisse seront ensemble, et un petit enfant les conduira. La vache et l'ourse paîtront, et leurs petits se coucheront ensemble. Le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. Le nourrisson jouera sur le trou de l'aspic, et l'enfant sevré posera sa main sur le trou de la vipère. Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte; car la terre sera remplie de la connaissance de l'Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent.
Dans la Bible New Scofield de 1967, le titre au-dessus d'Ésaïe 11, qui couvre les versets 1 à 10, se lit comme suit: « Le royaume davidique doit être restauré par Christ: son caractère et son étendue. » Une note de bas de page au verset 1 se lit comme suit: « Ce chapitre est une image prophétique de la gloire du royaume futur, qui sera établi lorsque le fils de David reviendra dans la gloire. » Il est donc évident que la Bible New Scofield interprète ce passage comme décrivant le futur âge millénaire.
John F. Walvoord, un prémillénariste contemporain représentatif, partage cette interprétation du chapitre:
Ésaïe 11 brosse un tableau saisissant du règne du Christ sur terre, une scène qui ne saurait être confondue avec l'époque présente, l'état intermédiaire ou l'état éternel si on l'interprète au sens littéral. Telle qu'elle est présentée, elle décrit la terre millénaire… La description [que l'on trouve dans ce chapitre]… décrit des animaux tels que des loups, des agneaux, des léopards, des chevreaux, des veaux, des lionceaux, créatures terrestres et non célestes, et les dépeint en outre dans une période de tranquillité telle que seule la terre millénaire peut l'être.
On comprend aisément que si l'on croit en un futur millénaire terrestre, on verra ce millénaire décrit dans ces versets. Une telle interprétation n'est cependant pas la seule possible. Nous savons que la Bible prédit qu'à la fin des temps, il y aura une nouvelle terre (voir, par exemple, Ésaïe 65:17; 66:22; Apoc. 2:1:1). Pourquoi ne pourrions-nous donc pas interpréter les détails de ces versets comme des descriptions de la vie sur la nouvelle terre ?6 Cela est particulièrement probable compte tenu de la vision panoramique et globale véhiculée par le verset 9: « La terre sera remplie de la connaissance de l'Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent. » Pourquoi ces mots devraient-ils être interprétés comme s'appliquant uniquement à une période de mille ans précédant la nouvelle terre ? Ne représentent-ils pas la perfection ultime de la création divine ?
L’autre passage de l’Ancien Testament que je voudrais citer à ce propos est Ésaïe 65:17-25, également cité de la Bible New Scofield:
(17) Car voici, je crée
de nouveaux cieux et une nouvelle terre; et les premiers ne seront plus
rappelés, et ils ne viendront plus à l'esprit.
(18) Mais soyez dans l'allégresse et réjouissez-vous à jamais de ce que je crée;
car voici, je crée Jérusalem pour la joie, et son peuple pour l'allégresse.
(19) Je me réjouirai à Jérusalem, et je ferai de mon peuple de l'allégresse; et
on n'y entendra plus ni pleurs ni cris.
(20) Il n'y aura plus en elle d'enfant de jours, ni de vieillard qui n'ait
accompli ses jours; car l'enfant mourra à cent ans, mais le pécheur, à cent ans,
sera maudit.
(21) Ils bâtiront des maisons et les habiteront; ils planteront des vignes et en
mangeront le fruit.
(22) Ils ne bâtiront plus pour qu'un autre l'habite; ils ne planteront pas pour
qu'un autre en mange; car les jours de mon peuple seront comme les jours des
arbres, et mes élus jouiront longtemps de l'ouvrage de leurs mains.
(23) Ils ne travailleront pas en vain, et leurs enfants ne seront pas
malheureux; car ils sont la postérité des bénis de l'Éternel, et leur postérité
avec eux.
(24) Avant qu'ils n'appellent, je répondrai ; et avant qu'ils parlent,
j'entendrai.
(25) Le loup et l'agneau paîtront ensemble, et le lion mangera de la paille
comme le taureau, et le serpent aura la poussière pour nourriture. Il ne se fera
ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte, dit l'Éternel.
Dans la Bible New Scofield, le titre au-dessus du verset 17 se lit comme suit: « Nouveaux cieux et nouvelle terre ». Le titre au-dessus des versets 18 à 25, en revanche, se lit comme suit: « Conditions millénaires sur la terre renouvelée, la malédiction levée ». Il semble que les éditeurs de cette Bible, bien que contraints d'admettre que le verset 17 décrit la nouvelle terre finale, restreignent le sens des versets 18 à 25 afin qu'ils ne se réfèrent qu'au millénaire qui doit précéder la nouvelle terre finale. Walvoord, de la même manière, comprend Ésaïe 65:17-19 comme décrivant l'état éternel 7 et les versets 20 à 25 de ce chapitre comme décrivant les conditions durant le millénium 8.
On peut observer une fois de plus que si l'on ne croit pas à un futur millénaire terrestre, la lecture de ces versets ne nous forcera certainement pas à l'accepter. Si, en revanche, on y croit, il est fort possible qu'il soit décrit ici. Mais pour y parvenir, il faudra surmonter un obstacle exégétique assez sérieux.
On ne peut trouver une description du millénium dans ce passage qu'en négligeant délibérément ce que l'on trouve aux versets 17-18. Le verset 17 parle sans ambiguïté des nouveaux cieux et de la nouvelle terre (que l'Apocalypse décrit comme marquant l'état final). Le verset 18 appelle le lecteur à « se réjouir éternellement » – et pas seulement pendant mille ans – dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre dont il vient d'être question. Ésaïe ne parle pas ici d'une nouveauté qui ne durera pas plus de mille ans, mais d'une nouveauté éternelle ! Ce qui suit, au verset 19, est directement lié au précédent: « Je me réjouirai à Jérusalem, et je ferai de mon peuple mon allégresse; on n'y entendra plus ni pleurs ni cris » (voir Apoc. 21:4). Il n’y a aucune indication qu’à ce stade, ou au verset 18 ou 20, Ésaïe passe soudainement à une description d’un âge millénaire précédant la création des nouveaux cieux et de la nouvelle terre !
Au verset 25, en effet, nous avons une description du monde animal qui nous rappelle l'image de l'état final d'Ésaïe 11. À la fin de ce verset, nous entendons un écho de ce que l'on trouve en 11:9: « Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte, dit l'Éternel. » 9 Quelle belle description de la nouvelle terre ! On ne verra ici le millénaire qu'à condition d'avoir préalablement mis ses lunettes millénaires !
Un bref aperçu de l'eschatologie amillénariste
Une critique courante de l'eschatologie amillénariste est qu'elle est trop négative, consacrant principalement son énergie à s'opposer et à réfuter les systèmes eschatologiques avec lesquels elle n'est pas en accord. Laissant de côté la question de la véracité de cette critique, j'aimerais ici contrer le négativisme de certaines eschatologies amillénaristes en esquissant brièvement quelques affirmations positives formulées par des théologiens amillénaristes. Ainsi, nous pourrons appréhender l'eschatologie amillénariste dans sa globalité, plutôt que comme une simple interprétation du millénaire d'Apocalypse 20.
Cette esquisse couvrira deux domaines: premièrement, ce que l’eschatologie amillénariste enseigne à propos de l’eschatologie inaugurée; deuxièmement, ce qu’elle enseigne à propos de l’eschatologie future. Par eschatologie inaugurée, j’entends cet aspect de l’eschatologie déjà présent, à l’époque de l’Évangile. Le terme « eschatologie inaugurée » est préféré à celui d’« eschatologie réalisée » car, si le premier terme rend pleinement justice au fait que la grande incision eschatologique dans l’histoire a déjà été faite, il n’exclut pas un développement ultérieur et une consommation finale de l’eschatologie dans le futur. Lorsque nous parlons d’« eschatologie inaugurée », nous affirmons que, pour le croyant du Nouveau Testament, des événements eschatologiques importants ont déjà commencé à se produire, tandis que d’autres événements eschatologiques sont encore à venir.
En ce qui concerne l’eschatologie inaugurée, l’amillénarisme affirme donc ce qui suit:
1. Le Christ a remporté une victoire décisive sur le péché, la mort et Satan. En menant une vie sans péché et en mourant sur la croix en sacrifice expiatoire pour nos péchés, il a vaincu le péché. En subissant la mort puis en ressuscitant victorieusement du tombeau, il a vaincu la mort. En résistant aux tentations du diable, en obéissant parfaitement à Dieu, et par sa mort et sa résurrection, il a porté un coup fatal à Satan et à ses armées maléfiques. Cette victoire du Christ fut décisive et définitive. Le jour le plus important de l'histoire n'est donc pas la seconde venue du Christ, qui est encore à venir, mais sa première venue, qui appartient au passé. Grâce à la victoire du Christ, les enjeux ultimes de l'histoire sont déjà tranchés. Ce n'est plus qu'une question de temps avant que cette victoire ne soit portée à son apogée.
2. Le royaume de Dieu est à la fois présent et futur. Les amillénaristes ne croient pas que le royaume de Dieu soit principalement un royaume juif impliquant la restauration littérale du trône de David. Ils ne croient pas non plus qu'en raison de l'incrédulité des Juifs de son époque, le Christ ait reporté l'établissement du royaume à son futur règne millénaire terrestre. Les amillénaristes croient que le royaume de Dieu a été fondé par le Christ lors de son séjour terrestre, qu'il est à l'œuvre dans l'histoire actuelle et qu'il est destiné à être révélé dans sa plénitude dans la vie future. Ils comprennent le royaume de Dieu comme le règne de Dieu, agissant de manière dynamique dans l'histoire humaine par Jésus-Christ. Son but est de racheter le peuple de Dieu du péché et des puissances démoniaques, et enfin d'établir les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Le royaume de Dieu ne signifie rien de moins que le règne de Dieu en Christ sur tout l'univers créé.
Le royaume de Dieu est donc à la fois une réalité présente et une espérance future. Jésus a clairement enseigné que le royaume était déjà présent durant son ministère terrestre : « Mais si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, alors le royaume de Dieu est venu vers vous » (Mt 12,28). Lorsque les pharisiens demandèrent à Jésus quand viendrait le royaume de Dieu, il répondit : « Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à se faire remarquer ; on ne dira pas non plus : « Il est ici ! » ou « Il est là ! » car voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous (Lc 17,20-21). Mais Jésus a aussi enseigné que le royaume de Dieu était, en un sens, encore à venir, tant dans des paroles précises (Mt 7,21-23 ; 8,11-12) que dans des paraboles eschatologiques (comme celles des Noces, de l'Ivraie, des Talents, des Vierges sages et des Vierges folles). Paul fait également des déclarations décrivant le royaume comme à la fois présent (Rom 14,17 ; 1 Co 4,19-20 ; Col 1,13-14) et futur (1 Co 6,9 ; Gal 5,21 ; Éph 5,5 ; 2 Tm 4,18).
Le fait que le royaume de Dieu soit présent d'une certaine manière et futur d'une autre implique que nous, les sujets de ce royaume, vivons dans une sorte de tension entre le « déjà » et le « pas encore ». Nous sommes déjà dans le royaume, et pourtant nous attendons avec impatience sa pleine manifestation; nous partageons déjà ses bénédictions, et pourtant nous attendons sa victoire totale. Puisque le moment exact du retour du Christ est inconnu, l'Église doit vivre avec un sentiment d'urgence, consciente que la fin de l'histoire pourrait être très proche. En même temps, cependant, l'Église doit continuer à planifier et à œuvrer pour un avenir sur cette terre présente, qui pourrait encore durer longtemps.
En attendant, le royaume de Dieu exige de nous tous un engagement total envers le Christ et sa cause. Nous devons considérer toute vie et toute réalité à la lumière de l'objectif de la rédemption, non seulement des individus, mais de l'univers tout entier. Cela implique, comme l'a dit un jour Abraham Kuyper, célèbre théologien et homme d'État néerlandais, qu'il n'existe pas un pouce de l'univers dont le Christ ne dise: « Il est à moi. »
Cet engagement total implique également une philosophie chrétienne de l'histoire : toute l'histoire doit être considérée comme la réalisation du dessein éternel de Dieu. Cette vision du Royaume inclut une philosophie chrétienne de la culture : l'art et la science, reflétant la gloire de Dieu, doivent être pratiqués pour sa louange. La vision du Royaume inclut également une vision chrétienne de la vocation : tous les appels viennent de Dieu, et tout ce que nous faisons au quotidien doit être fait pour sa louange, qu'il s'agisse d'études, d'enseignement, de prédication, de commerce, d'industrie ou de travaux ménagers.
Une source fréquente de tension parmi les évangéliques aujourd'hui est la question de savoir si l'Église doit se préoccuper principalement d'évangélisation ou d'action sociale et politique. Une vision juste du Royaume, me semble-t-il, nous aidera à maintenir l'équilibre sur cette question. Il va sans dire que l'évangélisation – amener les gens au Royaume de Dieu – est l'une des tâches essentielles de l'Église. Mais puisque le Royaume de Dieu exige un engagement total, l'Église doit aussi se préoccuper au plus haut point de la mise en œuvre des principes chrétiens dans tous les domaines de la vie, y compris politique et social. L'évangélisation et l'engagement social ne doivent donc jamais être considérés comme des options entre lesquelles les chrétiens peuvent choisir ; tous deux sont essentiels à une obéissance totale au Royaume.
3. Bien que le dernier jour soit encore à venir, nous sommes maintenant dans les derniers jours.
Cet aspect de l'eschatologie, souvent négligé dans les milieux évangéliques, est un élément essentiel du message du Nouveau Testament. Quand je dis « nous sommes maintenant dans les derniers jours », je comprends l'expression « les derniers jours » non seulement comme une référence à la période précédant immédiatement le retour du Christ, mais comme une description de toute la période comprise entre sa première et sa seconde venue. Les auteurs du Nouveau Testament étaient conscients d'être déjà dans les derniers jours au moment où ils parlaient ou écrivaient. Pierre l'a explicitement affirmé dans son sermon du jour de la Pentecôte, en citant la prophétie de Joël concernant l'effusion de l'Esprit sur toute chair dans les derniers jours (Actes 2:16-17). Il disait ainsi en substance: « Nous vivons maintenant les derniers jours prédits par le prophète Joël. » Paul exprimait la même idée lorsqu'il décrivait les croyants de son époque comme ceux « sur qui la fin des temps est arrivée » (1 Co 10, 11). Et l'apôtre Jean disait à ses lecteurs qu'ils vivaient déjà « la dernière heure » (1 Jn 2, 18). À la lumière de ces enseignements du Nouveau Testament, nous pouvons effectivement parler d'une eschatologie inaugurée, tout en nous rappelant que la Bible parle aussi d'une consommation finale des événements eschatologiques dans ce que Jean appelle communément « le dernier jour » (Jn 6, 39-40, 44, 54 ; 11, 24 ; 12, 48). Le dernier jour mentionné n'est pas celui de la fin des temps, mais la fin de la nation d'Israël lors de la destruction de Jérusalem et du temple par les armées romaines en l'an 70.
Le fait que nous vivions maintenant dans les derniers jours implique que nous goûtons déjà aux prémices des bénédictions eschatologiques – que, comme le dit Paul, nous possédons déjà « les prémices de l'Esprit » (Romains 8:23). Cela signifie que nous, croyants, devons nous considérer non pas comme des pécheurs impuissants, impuissants face à la tentation, mais comme de nouvelles créatures en Christ (2 Corinthiens 5:17), comme des temples du Saint-Esprit (1 Corinthiens 6:19) et comme ceux qui ont définitivement crucifié la chair (Galates 5:24), dépouillé le vieil homme et revêtu le nouveau (Col 3:9-10). Tout cela implique d'avoir une image de nous-mêmes principalement positive plutôt que négative. Cela implique également de considérer nos frères chrétiens comme ceux qui sont en Christ avec nous et pour lesquels nous devons donc remercier Dieu.
4. En ce qui concerne les mille ans d'Apocalypse 20, nous sommes désormais dans le millénium. Plus tôt dans le chapitre, des preuves ont été avancées pour étayer la thèse selon laquelle les mille ans d'Apocalypse 20 s'étendent de la première venue du Christ jusqu'à la veille de sa seconde venue, où Satan sera libéré pour une courte période. Cette position amillénariste sur les mille ans d'Apocalypse 20 implique que les chrétiens d'aujourd'hui profitent des bienfaits de ce millénaire, puisque Satan a été lié pour toute la durée de cette période. Comme nous l'avons vu, le fait que Satan soit désormais lié ne signifie pas qu'il n'est plus actif dans le monde aujourd'hui, mais que, durant cette période, il ne peut tromper les nations, c'est-à-dire empêcher la propagation de l'Évangile. Autrement dit, le fait que Satan soit lié pendant cette période rend possibles les missions et l'évangélisation. Ce fait devrait certainement être une source d'encouragement pour l'Église sur terre. Malheureusement cette position ne prend pas en considérations plusieurs faits: 1- La fondation du faux Israël en 1948 (restauration de l'ancien empire des Khazars) et la guerre de six jours pour la reprise de Jérusalem en 1967. 2- Satan fut relâché de sa prison au début des années 1960 vers la fin du Concile de Vatican II en 1965. et l'apogée du mouvement dit Évangélique avec son poison doctrinale, débutant la Grande Apostasie. 3- L'Évangile proclamé de nos jours est le faux évangile du libre-choix et de prospérité, d'un faux Jésus et d'un faux Dieu à trois têtes, d'une fausse Église et de faux ministères, et d'une Bible dénaturée et polluée qui supporte l'orthodoxie de l'AntiChrist qui siège à Rome. Ce qui importe le plus est qu'elle ignore complètement le fait que déjà revenu spirituellement le jour de la Pentecôte pour habiter le cœur de ses élus et débuter le temps des nations et le royaume spirituel de la grâce du salut.
Les amillénaristes enseignent également que durant cette même période millénaire, les âmes des croyants décédés vivent et règnent désormais avec Christ au ciel, en attendant la résurrection de leur corps. Leur état est donc celui de la béatitude et du bonheur, même si leur joie ne sera complète qu'à la résurrection de leur corps. Cet enseignement devrait certainement apporter du réconfort à ceux dont les proches sont morts dans le Seigneur.
En ce qui concerne l’eschatologie future, l’amillénarisme affirme ce qui suit:
1. Les « signes des temps » ont une pertinence à la fois présente et future. Les amillénaristes croient que le retour du Christ sera précédé de certains signes : par exemple, la prédication de l’Évangile à toutes les nations, la conversion de la totalité d’Israël, la grande apostasie, la grande tribulation et la venue de l’Antéchrist. Ces signes, cependant, ne doivent pas être considérés comme se référant exclusivement à la période précédant immédiatement le retour du Christ. Ils ont été présents d’une certaine manière dès le début de l’ère chrétienne et le sont encore aujourd’hui. Cela signifie que nous devons toujours être prêts pour le retour du Seigneur et que nous ne devons jamais, dans nos pensées, repousser le retour du Christ à un avenir lointain.
Les amillénaristes croient cependant aussi que ces « signes des temps » connaîtront un accomplissement final et décisif juste avant le retour du Christ. Cet accomplissement ne prendra pas la forme de phénomènes totalement nouveaux, mais plutôt d'une intensification de signes déjà présents.
2. La seconde venue du Christ sera un événement unique. Les amillénaristes ne trouvent aucun fondement scripturaire à la division dispensationaliste de la seconde venue en deux phases (parfois appelées parousie et révélation ), séparées par une période de sept ans. Nous comprenons le retour du Christ comme un événement unique.
3. Au retour du Christ, il y aura une résurrection générale, tant des croyants que des incroyants. Les amillénaristes rejettent l'enseignement prémillénariste courant selon lequel la résurrection des croyants et celle des incroyants seront séparées de mille ans. Ils rejettent également l'opinion de nombreux dispensationalistes selon laquelle il y aura jusqu'à trois ou quatre résurrections (car, outre les deux résurrections mentionnées précédemment, les dispensationalistes enseignent également qu'il y aura une résurrection des saints de la tribulation et une résurrection des croyants morts pendant le millénium). Nous ne voyons aucune preuve scripturale de ces résurrections multiples .
4. Après la résurrection, les croyants encore en vie seront soudainement transformés et glorifiés. Cet enseignement se fonde sur ce que Paul dit dans 1 Corinthiens 15:51-52 : « Écoutez, je vous dis un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés, en un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette. La trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés. » (LSG).
5. L'« enlèvement » de tous les croyants a maintenant lieu. Les croyants qui viennent d'être ressuscités, ainsi que les croyants vivants qui viennent d'être transformés, sont maintenant enlevés dans les nuées pour rencontrer le Seigneur dans les airs (1 Thessaloniciens 4:17). La Bible enseigne clairement qu'un tel « enlèvement » aura lieu. Mais j'ai mis le mot « enlèvement » entre guillemets afin de distinguer la conception amillénariste de l'enlèvement de la vision dispensationaliste. Les dispensationalistes enseignent qu'après l'enlèvement, l'Église entière sera enlevée au ciel pour une période de sept ans, tandis que ceux qui sont encore sur terre subiront la grande tribulation.
Les amillénaristes ne voient aucune preuve scripturale d'une telle période de sept ans ni d'un transfert de l'Église de la terre au ciel durant cette période. Les corps de croyants ressuscités et glorifiés n'appartiennent pas au ciel, mais à la terre. Le mot traduit par « rencontrer » dans 1 Thessaloniciens 4:17 ( apantesis ) est un terme technique utilisé à l'époque du Nouveau Testament pour décrire l'accueil public réservé par une ville à un dignitaire en visite. Les gens quittaient habituellement la ville pour accueillir le visiteur de marque, puis retournaient avec lui dans la ville. 5 En se basant sur l'analogie véhiculée par ce mot, Paul dit simplement ici que les croyants ressuscités et transformés sont enlevés dans les nuées à la rencontre du Seigneur qui descend, ce qui implique qu'après cette rencontre, ils reviendront avec lui sur terre.
6. Vient ensuite le jugement dernier. Alors que les dispensationalistes enseignent généralement qu'il y aura au moins trois jugements distincts, les amillénaristes ne sont pas d'accord. Ces derniers ne voient dans les Écritures qu'un seul Jour du Jugement, qui aura lieu au retour du Christ. Tous les hommes devront alors comparaître devant le tribunal du Christ.
Le but du jugement dernier n'est pas principalement de déterminer la destinée finale des hommes, car à ce moment-là, cette destinée finale a déjà été fixée pour tous les hommes, à l'exception de ceux qui sont encore en vie au retour du Christ. Le jugement aura plutôt un triple objectif : premièrement, il révélera la glorification de Dieu dans la destinée finale assignée à chacun ; deuxièmement, il indiquera définitivement et publiquement la grande opposition historique entre le peuple de Dieu et ses ennemis ; et troisièmement, il révélera le degré de récompense ou de châtiment que chacun recevra.
7. Après le jugement, l'état final est inauguré. Les incroyants et tous ceux qui ont rejeté le Christ passeront l'éternité en enfer, tandis que les croyants entreront dans la gloire éternelle sur la nouvelle terre. Le concept de la nouvelle terre est si important pour l'eschatologie biblique qu'il ne faut pas s'y attarder. De nombreux chrétiens s'imaginent passer l'éternité dans un paradis éthéré, alors que la Bible nous enseigne clairement qu'il y aura une nouvelle terre. Lorsque l'Apocalypse nous annonce que la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, descendra du ciel sur la nouvelle terre (21:2), que Dieu habitera désormais avec les hommes (21:3) et que le trône de Dieu et de l'Agneau sera dans la nouvelle Jérusalem (22:3), il nous enseigne, au sens figuré, que dans la vie à venir, le ciel et la terre ne seront plus séparés, mais fusionneront. Ainsi, dans l'état final, les croyants glorifiés seront à la fois au ciel et sur la nouvelle terre, puisque les deux ne feront alors qu'un.
LA VISION DE LA NOUVELLE TERRE
Lorsqu'on garde clairement à l'esprit la vision de la nouvelle terre, de nombreux enseignements bibliques commencent à former un modèle significatif. Comme nous l'avons vu, la résurrection du corps appelle une nouvelle terre. La portée cosmique de l'œuvre du Christ implique que la malédiction qui s'est abattue sur la création à cause du péché de l'homme (Genèse 3:17-19) sera un jour levée (Romains 8:19-22) ; ce renouveau de la création signifie qu'il y aura bel et bien une nouvelle terre. La Bible contient également des promesses précises concernant la nouvelle terre. Nous avons déjà examiné la prédiction d'Isaïe concernant la nouvelle terre en 65:17 (voir 66:22). Jésus a promis que les doux hériteront de la terre (Matthieu 5:5). Pierre parle de nouveaux cieux et d'une nouvelle terre où la justice habitera (2 Pierre 3:13). Et les anciens et les êtres vivants que Jean voit dans la vision céleste rapportée dans Apocalypse 5 chantent un cantique de louange à l'Agneau victorieux qui comprend ces paroles : « Tu as fait d'eux [ceux que tu as achetés par ton sang] un royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu ; et ils régneront sur la terre » (Apocalypse 5:10).
À la lumière de l'enseignement biblique sur la nouvelle terre, de nombreuses prophéties de l'Ancien Testament concernant le pays de Canaan et l'avenir du peuple de Dieu s'accordent parfaitement. Le quatrième chapitre de l'épître aux Hébreux nous apprend que Canaan était une figure du repos sabbatique du peuple de Dieu dans la vie future. L'épître de Paul aux Galates nous apprend que tous ceux qui sont en Christ sont inclus dans la descendance d'Abraham (Galates 3:29). En lisant Genèse 17:8 (« Je te donnerai, à toi et à ta descendance après toi, le pays où tu séjournes, tout le pays de Canaan, en possession éternelle; et je serai leur Dieu » [LSG]), avec cette compréhension de l'élargissement de ces concepts par le Nouveau Testament, nous y voyons une promesse de la nouvelle terre comme possession éternelle de tout le peuple de Dieu, et pas seulement des descendants d'Abraham. Et lorsque, à la lumière de cet enseignement du Nouveau Testament, nous lisons Amos 9:15 (« Je les planterai dans leur pays, et ils ne seront plus arrachés du pays que je leur ai donné, dit l'Éternel, ton Dieu » [LSG]), nous ne nous sentons pas obligés de restreindre le sens de ces mots à l'Israël national et à la terre de Palestine. Nous les comprenons comme une prédiction de la demeure éternelle de tout le peuple de Dieu, Gentils comme Juifs, sur la nouvelle terre dont Canaan était une figure. Les amillénaristes ne ressentent donc pas le besoin d'un millénaire terrestre pour assurer l'accomplissement de prophéties de ce genre ; ils voient ces prophéties comme annonçant le glorieux avenir éternel qui attend tout le peuple de Dieu.
Ainsi, lorsque les prémillénaristes accusent les amillénaristes d'enseigner un royaume futur purement spirituel et sans rapport avec la terre, ils ne représentent pas correctement la vision amillénariste. Les amillénaristes croient que les prophéties de l'Ancien Testament, qui prédisent que la terre promise sera la possession éternelle du peuple de Dieu, que le loup habitera avec l'agneau et que la terre sera aussi remplie de la connaissance du Seigneur que le fond de la mer par les eaux, s'accompliront non seulement pour mille ans, mais pour l'éternité ! Cette interprétation, croyons-nous, nous offre une compréhension plus riche, plus large et plus pertinente de ces prophéties que celle qui limite leur signification à la description d'un millénaire terrestre précédant l'état final.
Quelques implications de l'eschatologie amillénariste
En conclusion, quelles sont les implications de l'eschatologie amillénariste pour notre compréhension théologique ? J'en mentionnerai quatre:
1. Ce qui unit l'Ancien et le Nouveau Testament est l'unité de l'alliance de grâce. Les amillénaristes ne croient pas que l'histoire sacrée doive être divisée en une série de dispensations distinctes et disparates, mais voient une seule alliance de grâce traverser toute cette histoire. Cette alliance de grâce est toujours en vigueur aujourd'hui et culminera avec la cohabitation éternelle de Dieu et de son peuple racheté sur la nouvelle terre.
2. Le royaume de Dieu est au cœur de l'histoire humaine. Prédit et préparé dès l'Ancien Testament, il a été établi sur terre par Jésus-Christ, a été étendu et développé à l'époque du Nouveau Testament et au cours de l'histoire ultérieure de l'Église, et sera finalement consommé dans la vie à venir.
3. Jésus-Christ est le Seigneur de l'histoire. Cela signifie que toute l'histoire est sous son contrôle et se révélera finalement soumise à son dessein. Nous devons donc nous préoccuper non seulement de jouir des bénédictions de notre salut, mais aussi de servir joyeusement le Christ comme Seigneur dans tous les domaines de notre vie.
4. Toute l'histoire tend vers un but : la rédemption totale de l'univers. L'histoire n'est pas dénuée de sens, elle est pleine de sens. Bien que nous ne soyons pas toujours capables de discerner le sens de chaque événement historique, nous savons quel en sera le dénouement ultime. Nous attendons avec impatience la nouvelle terre, partie intégrante d'un univers renouvelé où la création divine accomplira enfin et pleinement le dessein pour lequel il l'a appelée à l'existence : la glorification de son nom.
Tout cela implique qu'en ce qui concerne l'histoire du monde, les amillénaristes adoptent une position d' optimisme sobre et réaliste. La croyance au règne actuel du Christ, à la présence du Royaume de Dieu et à la marche de l'histoire vers son but s'accompagne d'une reconnaissance réaliste de la présence du péché en ce monde et du développement croissant du royaume du mal. L'eschatologie amillénariste anticipe un aboutissement de l'apostasie et des tribulations avec l'apparition finale d'un Antéchrist personnel avant le retour du Christ. Les amillénaristes ne s'attendent pas à voir la société parfaite se réaliser à l'époque actuelle.
Or, sachant que la victoire du Christ sur le mal a été décisive et que le Christ est désormais sur le trône, l'optimisme – l'optimisme chrétien – domine dans l'eschatologie amillénariste. Cela signifie que nous ne considérons aucune crise mondiale comme totalement irréversible et aucune tendance sociale comme absolument irréversible. Cela signifie que nous vivons dans l'espérance – une espérance fondée sur la foi et qui s'exprime dans l'amour.
L'eschatologie amillénariste nous offre donc une vision réaliste, mais fondamentalement optimiste, du monde et de la vie Ce texte a surement été écrit avant la première et la deuxième guerre mondiale, etc. etc., car depuis nous vivons dans le pessimisme). C'est une eschatologie passionnante, exaltante et stimulante. Elle nous offre une vision inspirante de la souveraineté du Christ sur l'histoire et du triomphe ultime de son royaume.
Notes
Voir Anthony A.
Hoekema, Le chrétien se regarde (Grand Rapids, Michigan : William B. Eerdmans,
1975).
Notez, par exemple, comment Jean nous dit que l’esprit de l’Antéchrist est déjà
dans le monde à son époque (1 Jn 4:3).
GC Berkouwer, dans son récent livre, Le Retour du Christ (Grand Rapids, Michigan
: William B. Eerdmans, 1972), montre comment l'Écriture nous demande de penser
aux « signes des temps » comme ayant une pertinence tout au long de l'ère
chrétienne (pp. 235.59).
La preuve biblique d'une résurrection unique et générale a été donnée ci-dessus
dans l'exposé d'Apocalypse 20:1-6. Pour des preuves supplémentaires contre une
résurrection multiple, voir L. Berkhof, Systematic Theology (Grand Rapids,
Michigan : William B. Eerdmans, 1941), p. 724-727.
Gerhard Kittel, éd., Dictionnaire théologique du Nouveau Testament , trad. et
éd. Geoffrey Bromiley (Grand Rapids, Michigan : William B. Eerdmans, 1964), I,
380-81.
Voir l'excellent chapitre sur la nouvelle terre dans Berkouwer, pp. 211-34.