LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
B. L'activité de
Jésus en Galilée.
29. Jésus comme médecin.
Déjà avant son incarnation, le Fils de Dieu s'est
révélé comme médecin. Bientôt après la sortie
d'Égypte, où il s'était montré le Roi et le
conducteur de son peuple, Il lui fait cette promesse
: Si tu écoutes attentivement la voix de l'Éternel
ton Dieu, et si tu fais ce qui est droit devant lui
; si tu prêtes l'oreille à ses commandements et si
tu gardes toutes ses ordonnances, je ne ferai venir
sur toi aucune des langueurs que j'ai fait venir sur
l'Égypte ; car je suis
l'Éternel qui te guérit (Exode
XV, 23-26).
Et bientôt après il fait la même promesse
: Vous servirez l'Éternel, et il bénira votre pain
et votre eau, et j'ôterai les maladies du milieu de
toi (Exode
XXIII, 25). Quant à ceux qui ne voudront pas
obéir à sa voix, l'Éternel les menace de diverses
maladies (Deutér.
XXVIII, 27). Ce qui était promis pour l'année
des restitutions, l'année favorable du Seigneur, le
Fils de Dieu fait homme veut l'accomplir. Il veut
délivrer de tout péché et de toutes ses
conséquences. Or, ces conséquences ne se montrent
pas seulement dans le manque de paix, dans les
déchirements de l'âme, mais aussi dans le corps, par
toutes sortes de souffrances et de maladies.
Si l'on est tenté de trouver étrange que
le Sauveur, dans son activité rédemptrice, consacre
tellement de temps et de forces aux guérisons des
malades, et si l'on incline à croire que ces
guérisons n'ont rien de commun avec son oeuvre de
Sauveur, c'est qu'on méconnaît l'étroite relation
qui existe entre la maladie et le péché. C'est
seulement par le péché que la maladie et la mort
sont entrées dans le monde, mais elles seront un
jour définitivement vaincues et supprimées. Le
Sauveur, qui délivre nos âmes du péché, de la mort
et de la puissance de Satan, veut et peut aussi
prendre soin de nos corps. Il nous a déjà promis par
les prophètes qu'il le fera :
Dites à ceux qui ont le coeur
troublé : Voici votre Dieu ; il viendra lui-même et
vous délivrera. Alors les yeux des aveugles seront
ouverts, les oreilles des sourds seront débouchées.
Alors les boiteux sauteront comme un cerf, la langue
des muets chantera avec triomphe(Esaïe
XXXV, 4-16).
Avec quel dévouement le Sauveur
consacrait son temps et ses forces à la guérison des
malades, c'est ce qu'il fait savoir aux messagers de
Jean-Baptiste prisonnier, afin que celui-ci reconnût
à ce signe que Jésus remplit pleinement sa mission
messianique. Sans doute, son principal but était
toujours le salut des âmes par le pardon des péchés
; mais pour que ce but fût atteint, il fallait qu'on
crût et qu'on eût confiance en sa personne, et les
guérisons des malades aidaient puissamment à faire
naître ces dispositions.
Le coeur humain est surtout sensible à
l'amour qui se traduit par la sympathie pour les
souffrances corporelles. Le Sauveur a montré sa
véritable gloire divine dans les guérisons qu'il a
opérées, en ce qu'il n'a pas usé des moyens dont se
servent les médecins de la terre, vu qu'il était en
même temps le remède, et qu'il a porté lui-même nos
maladies et s'est chargé de nos douleurs, afin que
nous ayons la guérison par ses meurtrissures (Esaïe
LIII). Aussi les enfants de Dieu le louent et
l'exaltent, parce que non seulement il. leur
pardonne toutes leurs iniquités, mais encore parce
qu'il les délivre de leurs infirmités (Ps.
CIII, 3. 4).
D'un autre côté, le Sauveur ne veut pas
user de sa toute-puissance pour faire disparaître
tout d'un coup les maladies. Une vie sans douleur
sur la terre, mais en même temps mondaine et
souillée, comblerait sans doute les voeux des
enfants du monde, mais ne cadrerait en aucune façon
avec les conditions posées par le Seigneur à
l'entrée dans le royaume des cieux. Là où il n'y a
pas de pardon des péchés, l'exemption des maladies
ne pourrait avoir d'autre signification que celle-ci
: c'est que la punition serait différée jusqu'après
la mort. De même que la maladie et les souffrances
ne sont venues dans le monde que comme une
conséquence nécessaire du péché, de même la
délivrance de la maladie et de la mort nepeut avoir
lieu qu'à la suite de la victoire complète sur le
péché, C'est alors seulement
que Dieu essuiera toutes
larmes de leurs yeux, que la mort ne sera plus,
qu'il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni travail ;
car ce qui était auparavant sera passé (Apoc.
XXI, 4). C'est le Seigneur lui-même qui dit :
Voici, je vais faire toutes
choses nouvelles (XXI,
5). C'est par son activité et ses souffrances
qu'il amènera ce glorieux résultat : de nouveaux
cieux et une nouvelle terre. Chaque guérison de
malade, chaque fait miraculeux opéré par son
tout-puissant amour, devait être une prophétie de
cet heureux temps.
Le Sauveur n'a jamais renvoyé un malade
qui s'était adressé à lui, sans le guérir
complètement. Par ce moyen, il engageait les autres
malades à venir à lui. Et les miracles qu'il a faits
hier sont une garantie de ceux qu'il peut et veut
faire encore aujourd'hui. Ils étaient destinés, à
nous montrer ce que nous pouvons attendre de lui.
Ils nous prouvent que nous n'avons aucun besoin
qu'il ne puisse satisfaire.
.
30. Jésus guérit un lépreux.
(Matth.
VIII, 1-4 ;Marc
1, 40-45 ;Luc
V, 12-14)
Lorsque Jésus descendit de la montagne, une
grande foule de peuple le suivit. Et
voici un lépreux vint, se prosterna devant lui et
lui dit : Seigneur, si tu le veux, tu peux me guérir.
Les lépreux étaient les êtres les plus malheureux.
Dès qu'un homme était atteint de cette maladie, il
était arraché à sa famille et complètement exclu de
la société de ses semblables. Les maisons qui leur
étaient réservées, se trouvaient en dehors des
villes. C'est dans un de ces établissements que
devait vivre celui dont il est question dans ce
passage. C'est là qu'on leur portait leur nourriture
; car non seulement l'attouchement, mais même
l'haleine d'un lépreux communiquait la maladie. La
lèpre s'héritait comme le péché et conduisait
lentement mais sûrement à la mort.
Comme le péché, la lèpre était
inguérissable par les moyens humains. Le Dieu vivant
pouvait seul en délivrer. Lorsque Naaman, le chef de
l'armée du roi de Syrie, qui était lépreux, vint
auprès du roide Juda pour chercher la guérison,
celui-ci effrayé répondit : Suis-je Dieu pour
pouvoir guérir de la lèpre ? (2
Rois V, 6.) La surveillance de cette maladie
était confiée aux sacrificateurs. Dès qu'ils
remarquaient la présence de la lèpre dans un homme,
ils l'excluaient de la société, quelqu'un était-il
guéri, il fallait qu'il se montrât aux
sacrificateurs et se soumit à leur jugement. C'était
seulement lorsque ceux-ci l'avaient déclaré net,
qu'il pouvait rentrer dans sa famille.
Le lépreux qui s'adressait à Jésus
descendant de la montagne, avait probablement
entendu de loin ses enseignements. Et comme le
Seigneur prêchait par sa personne aussi bien que par
ses paroles, le lépreux mit sa confiance en lui. Il
crut que le prédicateur du royaume des cieux était
aussi le roi de ce royaume et avait les puissances
célestes à sa disposition. Il était parfaitement
convaincu que Jésus pouvait le guérir, mais
il n'était pas certain qu'il levoulût. Il
avait l'impression très juste que les puissances du
royaume des cieux ne peuvent être mises au service
que de ceux qui veulent y entrer, et que des
sentiments conformes à la nature de ce royaume
étaient nécessaires pour que les énergies de la
grâce exerçassent leur action salutaire. Il jette
sur lui-même un regard scrutateur, et son humilité
le conduit jusqu'aux limites du découragement ; mais
il reprend courage en regardant à ce Sauveur. Pauvre
en esprit, il expose simplement au Seigneur l'état
de son âme sans revêtir de belles paroles. Sa prière
muette sera immédiatement exaucée.
Cette parole :
Seigneur, si tu veux, tu peux me guérir,
apprenons à la prononcer avec ce pauvre lépreux.
Maint chrétien croit qu'il va de soi que le Seigneur
le secoure, et il reste fixé opiniâtrement sur son
besoin et sur l'idée de la puissance de Dieu, pour
lui arracher en quelque sorte l'exaucement de la
prière. Si une de ces coupables supplications est
exaucée, c'est plutôt un châtiment qu'une grâce.
Le pieux prédicateur U. avait un enfant
mortellement malade. Dans sa douleur il se
cramponnait avec violence à cet enfant, et s'écriait
: Seigneur, tu ne peux pas me prendre mon enfant, je
ne te le donnerai pas ! L'enfant guérit ; mais,
comme témoignage que son père avait mal prié, il
était idiot. Il est plus agréable à Dieu et plus
bienfaisant pour nous de prier comme le lépreux :Seigneur,
si tu le« veux, tu peux. Et Jésus, étendant la main,
le toucha et luidit : Je le veux, sois nettoyé ; et
incontinent il fut nettoyé de sa lèpre.
Le Seigneur fait encore continuellement la même
chose. Dans les sacrements, il étend sa main de
Sauveur vers la lèpre de nos péchés, nous touche et
nous dit : Je le veux, sois nettoyé ! Ne l'avez-vous
jamais senti ?
La défense faite à celui qui avait été
guéri de n'en parler à personne, avait probablement
pour but de le laisser vivre encore pour quelque
temps dans le silence avec la bénédiction qu'il
avait obtenue, afin que sa reconnaissance devint
d'autant plus grande et sa foi plus profonde. On
perd facilement une bénédiction lorsqu'on se hâte
trop d'en parler aux autres. Mais il faut qu'il se
montre au sacrificateur et offre le sacrifice
prescrit par la loi. Plusieurs ont trouvé étrange
que le Seigneur défende à l'un de parler de ce qu'il
lui a fait, tandis qu'il recommande à un autre de le
publier. C'est que le Seigneur traite chacun selon
son caractère. Les natures promptes à parler sont
condamnées au silence, tandis que les paresseux et
les timides sont poussés à s'avancer et à confesser
leur Sauveur, qui leur dit : Va et publie les
grandes choses que le Seigneur t'a faites (Marc
V, 19 ; Luc
VIII, 39).
.
31. Le centenier de Capernaüm.
(Luc
VII, 1-10 ; Matth.
VIII, 5-10).
Dans le récit relatif au centenier de Capernaüm,
nous suivrons le récit de St-Luc. Il ne diffère de
celui de St-Matthieu qu'en ce qu'il entre dans plus
de détails. Le fait que, d'après St-Luc, le
centenier envoya les anciens d'Israël à Jésus,
tandis que d'après St-Matthieu il vint lui-même et
présenta personnellement sa prière au Seigneur, ne
constitue nullement une contradiction. En tout cas,
ce furent les anciens d'Israël qui vinrent à Jésus,
comme étant les envoyés du centenier. D'un autre
côté, St-Matthieu pouvait être fondé à dire que le
centenier était venu lui-même à Jésus, puisque les
anciens ne firent que s'acquitter du message dont le
centenier les avait chargés.
Il y avait là un
centenier dont le serviteur, qui lui était fort
cher, était malade et s'en allait mourir. Et le
centenier, ayantentendu parler de Jésus, envoya vers
lui des anciens des Juifs pour le prier de venir
guérir son serviteur. L'affection du
centenier pour son esclave est liée avec sa foi, que
Jésus loue si fort dans la suite. Du moment que la
foi est de bon aloi, elle ne peut pas être séparée
de la charité. -Quiconque ne peut pas traiter ses
serviteurs avec amour, n'est pas digne d'avoir des
serviteurs fidèles. - La foi du centenier est humble
aussi, puisqu'il se juge indigne de paraître devant
Jésus et que pour cette raison, il envoie des
anciens des Juifs pour lui présenter sa prière.
Étant donc venus
vers Jésus, ils le prièrent instamment, disant qu'il
était indigne qu'on lui accordât cela. Car,
disaient-ils, il aime notre nation, et c'est lui qui
nous a fait bâtir la synagogue. Lorsqu'un
homme dit ou pense de lui-même qu'il est indigne, et
qu'au contraire ceux qui le connaissent lui rendent
le témoignage qu'il est digne, cet homme est dans la
bonne voie. Un grand honneur fut accordé à la
synagogue que le centenier avait fait construire,
car chaque fois que Jésus revenait dans sa ville, il
enseignait dans cette synagogue.
Jésus donc s'en
alla avec eux. Et comme il n'était plus guère loin
de la maison, le centenier envoya vers lui de ses
amis pour lui dire : Seigneur, ne l'incommode point,
car je ne suis pas digne que tu entres dans ma
maison ; c'est pourquoi aussi je ne me suis pas jugé
digne d'aller vers toi : mais dis seulement une
parole, et mon serviteur sera guéri. Car, quoique je
ne sois qu'un homme soumis à la puissance d'autrui,
j'ai sous moi des soldats et je dis à l'un : Va, et
il va, et à l'autre : Viens, et il vient, et à mon
serviteur : Fais cela, et il le fait. On
a voulu trouver une contradiction entre la prière
que le centenier fait adresser au Seigneur de venir
guérir son serviteur et celle de ne pas venir. Nous
pouvons facilement comprendre ces sentiments
opposés. D'abord le centenier, dans l'humble
sentiment de son indignité, ne s'adresse pas
personnellement à Jésus, mais lui envoie des anciens
d'Israël. Puis, lorsqu'il apprend que Jésus s'est
mis en chemin pour se rendre chez lui, cette pensée
lui vient à l'esprit : Qu'ai-je fait ? Qu'est-ce que
le Seigneur pensera de moi, que j'aie osé le prier
de venir dans ma maison ? Il voit le Sauveur dans sa
gloire, et alors toutes les maladies lui
apparaissent commeautant de serviteurs du Seigneur
qui vont et viennent à son commandement. Il fait
dire à Jésus : Mes serviteurs exécutent docilement
mes ordres, et je ne suis cependant qu'un homme,
tandis que tu es le Fils de Dieu.
Dis seulement une parole et
mon serviteur, sera guéri. Il a cette
confiance dans le Sauveur, qu'il peut guérir sans se
mettre personnellement en contact avec le malade, et
même malgré la distance qui le sépare de lui.
Jésus admire une pareille foi, et se
tournant vers la troupe qui le suivait :« Je vous
dis en vérité que je n'ai pas trouvé une si grande
foi en Israël. » La foi de la Cananéenne lui causa
la même joie. Il ne faut pas trouver étrange que le
Sauveur se laisse réellement arracher le secours
qu'elle lui demande, tandis qu'il l'accorde si
volontiers au centenier. Quel instituteur traite
tous ses élèves de la même manière ? Quel père use
des mêmes procédés d'éducation envers tous ses
enfants ? Dans ses guérisons, Jésus n'est pas
seulement médecin, il est aussi pasteur. Lui qui n'a
pas besoin que personne lui rende témoignage de ce
qui est dans l'homme, usait précisément, à l'égard
de chaque âme, des moyens qui pouvaient le plus
sûrement la conduire au but désiré : éveiller et
fortifier la foi en elle. Israël était orgueilleux,
le centenier païen était humble ; c'est pourquoi on
ne pouvait pas trouver en Israël la foi héroïque du
centenier, foi qui ne naît que dans les coeurs
brisés.
Saint Matthieu ajoute ici une parole
relative à l'accession des païens au royaume de Dieu
et à l'exclusion des Juifs (Matth.
VIII, 11-13). Dès le commencement, le Seigneur
voyait clairement que son peuple ne le recevrait
pas, qu'il était lui-même la pierre que les
architectes rejetteraient (Ps.
CXVIII, 22), et que son règne pousserait de plus
fortes racines parmi les païens qu'au sein de son
peuple d'Israël.
Du fait que dans les premiers temps de
son activité, le Seigneur parle du royaume des cieux
et du règne de Dieu, et seulement plus tard de
l'Église qu'il voulait fonder, on a conclu qu'il
espérait alors qu'Israël accepterait volontiers le
message du salut, et qu'ainsi la théocratie de
l'Ancien Testament se transformerait et deviendrait
le règne de Dieu sous l'économie du Nouveau
Testament. On a dit que c'est seulement en voyant
ses espérances déçues, qu'il avait changé son plan
et avait dirigé ses pensées sur la fondation de
l'Église. Cependant si, en nous basant sur Actes
1, 7, nous sommes pleinement autorisés à
admettre que le Sauveur, sous sa forme de serviteur,
ignorait les détails des événements qui devaient
surgir dans le développement de son règne pendant
les siècles futurs, nous porterions certainement
atteinte à sa dignité de Fils de Dieu, si nous
pensions que dès le commencement il a poursuivi un
faux but, et que les contours les plus généraux du
royaume qu'il venait fonder lui étaient inconnus.
C'est ainsi qu'en voyant la foi du centenier païen -
et il était encore au début de son ministère - il
annonçait que les païens auraient part au règne de
Dieu, tandis que les enfants du royaume, les Juifs,
seraient jetés dans les ténèbres du dehors.
Malgré cela, il ne cesse de chercher et
de travailler à sauver ce qui était perdu. Même plus
tard, lorsqu'il voit les jugements de Dieu prêts à
éclater sur Jérusalem, il prie encore pour elle avec
larmes. Il ne saurait donc être question d'erreur ou
d'illusion de la part du Seigneur. D'un autre côté,
lorsque plus tard il parlait de la fondation future
de l'Église, et même pendant les quarante jours qui
suivirent sa résurrection, alors que l'Église était
sur le point d'être fondée par le miracle de la
Pentecôte, Jésus parle encore à ses disciples du
royaume de Dieu. C'est que l'Église et le royaume de
Dieu ne diffèrent pas l'un de l'autre, au point que
l'un exclue l'autre. Le royaume de Dieu, qui
jusqu'ici se résume dans la personne de Jésus, comme
étant lui-même le salut, pénètre dans la vie de
l'humanité par l'activité de l'Église, et y prend la
forme qui lui est propre. L'Église est d'une part
l'instrument ordonné de Dieu pour établir son
royaume, et d'autre part, elle est elle-même la
réalisation provisoire de ce royaume.
Et Jésus dit au
centenier : Va, et qu'il te soit fait selon que tu
as cru ; et à l'heure même son serviteur fut guéri.
.
32. La guérison de la belle-mère de Pierre.
(Matth.
VIII, 14-18 ;Luc
IV, 38-39).
On ne peut pas établir d'une manière rigoureuse
la succession des miracles de Jésus, quoique dans
les faits, les évangélistes soient d'accord entre
eux. Il est vrai que tel évangéliste raconte
quelquefois des faits que tel autre omet. Il est
vrai aussi que le même événement est rapporté assez
souvent par plusieurs narrateurs, seulement il peut
être raconté par l'un avec des détails qu'un autre
passe sous silence. Mais, en tout cela, ils ne se
contredisent pas les uns les autres ; ils se
complètent plutôt, l'un rapportant ce que l'autre a
omis.
La guérison opérée dans la maison de
Pierre ne fut certainement pas le premier miracle
que Jésus fit à Capernaüm. Car Luc
IV, 38 dit expressément qu'ils le prièrent de
guérir la belle-mère de ce disciple, ce qui prouve
qu'on connaissait le pouvoir miraculeux qu'il
exerçait en faveur de ceux qui imploraient son
secours. S'étant donc
approché d'elle, il commanda à la fièvre, et la
fièvre la quitta, et incontinent elle se leva, et
les servit. Pierre et son frère André
étaient disciples de Jésus ; et bien qu'ils ne le
suivissent pas encore d'une manière permanente, ils
avaient certainement plus d'une fois interrompu
leurs occupations de pécheurs, pour écouter la
parole de vie qu'ils recueillaient de sa bouche.
Peut-être ces interruptions avaient-elles occasionné
plus d'un embarras dans la famille de Pierre.
Maintenant la maladie de sa belle-mère vient encore
les augmenter. Ils devaient faire l'expérience que
les familles pieuses ne sont pas exemptées de la
croix ni des maladies. Le coeur de cette femme était
peut-être déjà assailli par plus d'un chagrin. Le
Sauveur lui donne dans sa propre personne un signe,
auquel elle pourra reconnaître que sa maison ne sera
pas dans le besoin, par le fait que Pierre abandonne
tout pour le suivre. Aussi profite-t-elle
immédiatement de la santé qui lui est rendue, pour
témoigner son amour au Sauveur en le servant. Voilà
ce que nous devrions toujours faire nous-mêmes. Dans
nos maladies, nous promettons souvent au Seigneur de
le servir toute notre vie s'il nous rend la santé.
Avons-nous tenu parole ?
Sur le soir, on
lui présenta plusieurs démoniaques dont il chassa
les mauvais esprits par sa parole. Il guérit aussi
tous ceux qui étaient malades, afin que s'accomplît
ce qui avait été dit par Esaïe le prophète : Il a
pris nos langueurs et s'est chargé de nos maladies.
Le repos que le Seigneur avait goûté dans le cercle
de la famille de Pierre, lui avait fait du bien.
Mais le bruit de sa présence se répandit rapidement
et de tous côtés on lui apporta des malades. Il leur
vint en aide à tous avec un infatigable amour. La
nuit même n'interrompt point les soins qu'il leur
prodigue. Il est jaloux de racheter chaque moment du
temps qui lui est assigné. Oh ! puissions-nous
prendre à coeur de suivre son exemple ! Le temps
passe, la mort approche, et nous rachetons si peu le
temps ! Nous sommes si peu zélés à servir nos
semblables avec un amour désintéressé ! Nous croyons
toujours avoir assez de temps ! - Le Seigneur, qui
s'est chargé de nos péchés, a aussi pris sur lui les
conséquences du péché, les douleurs du corps et la
mort qui est le fruit mûr de toutes les maladies de
l'humanité. Ceux-là portaient leurs malades à Jésus.
Avons-nous déjà fait la même chose ?
.
33. Les disciples de Jésus.
(Matth.
VIII, 18-32 ;Luc
IX. 57-62).
Le Sauveur est à l'apogée de son activité
rédemptrice, et il imprime à son action un puissant
mouvement qui saisit le peuple tout entier. Des
foules viennent à lui de toutes les contrées
environnantes, pour entendre sa parole et voir ses
oeuvres. Mais tous n'étaient pas travaillés et
chargés ; tous n'étaient pas pauvres en esprit et
altérés de justice. Beaucoup n'étaient mus que par
une oisive curiosité ; d'autres étaient poussés vers
lui par de fausses espérances messianiques. Peu
désiraient ardemment la consolation d'Israël. Mais
tous étaient puissamment attirés par la majesté et
la bonté de la personne de Jésus, par les actes
divins que ses mains accomplissaient et par les
paroles de vie qui découlaient abondamment de ses
lèvres sacrées. Les âmes abandonnées,languissantes,
dispersées, étaient le champ où la moisson mûrissait
; mais il n'y avait pas d'ouvriers. Le Seigneur en
avait déjà réuni quelques-uns autour de lui ; mais
il cherchait encore des yeux, parmi les foules qui
se pressaient sur ses pas, s'il n'en trouverait pas
de bien disposés à entreprendre cette moisson ; car
le travail devait s'étendre et se diversifier à
l'infini. Mais il ne pouvait employer à cette oeuvre.
des coeurs remplis d'espérances mondaines, comme
ceux qui voulurent plus tard le faire Roi, après
qu'il les eut rassasiés.
Fatigué par cette féconde activité, Jésus
désire se retirer dans le silence avec ses
disciples, et leur commande de se préparer à passer
de l'autre côté de la mer. Pendant qu'il se
dirigeait vers le rivage, un scribe, dont le coeur
avait été profondément remué par ses paroles,
s'offrit de le suivre. Il avait été convaincu par
les miracles du Seigneur que c'était bien lui qui
devait venir et qu'il ne fallait pas en attendre un
autre. Subitement décidé, il s'approche du Sauveur
et lui dit : Maître, je te
suivrai partout où tu iras. Un autre se
serait peut-être laissé éblouir par ce joyeux
enthousiasme, et aurait pu croire cet homme
parfaitement préparé à recevoir les choses divines,
et disposé à travailler avec joie dans le champ du
Seigneur. Nais Jésus sait que ces enthousiasmes, si
promptement allumés, ne sont souvent que des feux de
paille. Il ne repousse pas le scribe, mais il
l'exhorte à réfléchir avec calme, et l'engage à
calculer la dépense avant de commencer à bâtir.
Les renards ont des tanières,
les oiseaux de l'air ont des nids ; mais le Fils de
l'homme n'a pas où reposer sa tête. Voilà
l'existence qu'il faut accepter pour suivre Christ.
Il n'y a là ni logement commode, ni aise, ni
honneurs, ni bien-être à espérer : c'est une vie
pleine de renoncement et d'abnégation. Nous ignorons
si après cela, le scribe eut encore le courage de
suivre Jésus ; ce qui est certain, c'est qu'il avait
grand besoin de s'éprouver lui-même.
Bientôt après, et encore avant d'entrer
dans la barque, le Seigneur rencontre un autre homme
qui ne se hâte pas, comme le premier, de lui offrir
de le suivre. Il faisait déjà partie des disciples
de Jésus, mais ne s'était pas encore décidé à le
suivre d'une manière permanente. Il est dans une
disposition semblable à cellede Philippe, auquel le
Seigneur fut obligé de dire :« Suis-moi ». Ce sont
des natures difficiles à émouvoir, indécises,
lentes, disposées à la réflexion, qui n'ont pas à
souffrir de passions violentes, mais qui, en
revanche, tombent facilement dans la paresse, et
aiment par-dessus tout leur commodité. C'est un
homme ainsi disposé que nous avons devant nous. À
l'appel du Seigneur, il fait une réponse évasive.
Seigneur, permets que j'aille
auparavant ensevelir mon père. Le
Seigneur presse ce disciple de se décider, afin de
faire naître dans cette âme engourdie une prompte et
ferme résolution. Laisse les morts ensevelir leurs
morts, et toi, va annoncer le règne de Dieu. Jésus
ne lui permet pas de s'éloigner, car il sent que
l'enterrement du père, avec ses cérémonies
compliquées, pourrait bien entraîner l'enterrement
de la décision du disciple. Jésus a tenu en honneur,
pour lui-même, le cinquième commandement (Luc
II, 51), et l'a aussi enseigné (Matth.
XV, 4). Mais lorsque, comme c'est ici évidemment
le cas, l'enterrement du père dispute au Sauveur le
premier rang, alors il faut appliquer cette parole
:« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi,
n'est pas digne de moi (Matth.
X, 37).
Un troisième se présenta encore et dit :
Je te suivrai, Seigneur,
mais permets-moi auparavant de prendre congé de ceux
qui sont dans ma maison. Cet homme se
sent attiré vers Jésus, mais son coeur est encore
attaché aux membres de sa famille. L'amour de la
famille est certainement agréable à Dieu, mais
lorsque les membres d'une famille ne l'aiment pas,
lorsqu'ils se placent comme un mur de séparation
entre un coeur et le Sauveur, alors les adieux,
pleins d'amère douceur, peuvent bien facilement
devenir des adieux faits au Sauveur lui-même. C'est
ce danger que le Seigneur veut prévenir : Celui qui
met la main à la charrue, et qui regarde derrière
lui, n'est pas propre pour le royaume de Dieu. Celui
qui veut cultiver l'amour naturel, même l'amour de
la famille, au détriment de l'abandon complet de
soi-même au Seigneur, celui-là n'est pas propre pour
le royaume de Dieu. Le désir de prendre congé des
siens était un regard jeté en arrière, tandis qu'on
avait déjà mis la main à la charrue. La femme de
Loth regarda aussi en arrière et fut changée en une
statue de sel (Gen.
XIX, 26). Déjà hors des murs de Sodome, qui
allait être détruite, elle périt pour avoir regardé
derrière elle ; car dans ce regard, se trahit le
regret que l'éloignement de cette ville laissait
dans son coeur. Que le Seigneur préserve cet homme
d'un sort pareil !
La merveilleuse sagesse du Seigneur, qui
sonde les coeurs, et qui traite chacun selon ses
dispositions particulières et ses dons naturels,
nous apparaît ici exceptionnellement claire et
glorieuse. Trois hommes se présentent à lui ; tous
les trois demandent la même chose : être admis au
nombre de ses disciples. Le premier est sévèrement
tenu éloigné, le deuxième est amicalement encouragé
; le troisième est sérieusement poussé en avant.
Quelle consolation pour nous ! Comme cette conduite
du Sauveur nous encourage à nous abandonner à Lui
avec la plus entière confiance et à nous dire : Le
Seigneur découvre de loin ma pensée. Il connaît ma
nature et tous mes péchés. Il sait ce qui m'est
nécessaire et par quelles voies il doit me conduire,
pour me faire atteindre le but. Heureux sommes-nous
d'avoir un pareil Maître ! |