CHAPITRE 4

Les traces de l’ancienne Église royale de Grande-Bretagne jusqu’à ses fondements apostoliques. — Saint Paul en Grande-Bretagne. — Ses liens avec la famille royale silurienne de Grande-Bretagne.

Nous avons vu deux raisons cardinales, chacune d’un poids et d’une étendue nationales, inclinaient l’esprit britannique à accepter le christianisme : la première, son identité sur de nombreux points importants avec le druidisme ; la seconde, son antagonisme intransigeant avec tout le système de la mythologie de l'État romain. La persécution romaine des deux religions les identifia encore plus dans l’esprit populaire. Nulle part donc, en Asie, en Afrique ou en Europe, les apôtres n’ont pu trouver un sol plus riche ou mieux préparé pour l’Évangile. Si nous ajoutons que la Grande-Bretagne était le seul pays à cette époque où le chrétien pouvait professer et pratiquer sa religion à l’abri de la persécution, nous concluons raisonnablement et antérieurement qu’un fort courant chrétien a dû s’établir à la fois de Jérusalem et de Rome dans cette île dès les premiers jours ou jours pentecôtistes de l'Église.

Nous évaluerons mieux la force des témoignages suivants si nous gardons fermement à l’esprit le fait que la grande Église britannique qu’Augustin a trouvée en 596 après J-C s’est établie en GRANDE-BRETAGNE et l’Irlande, était essentiellement orientale, proclamant par tous les usages où elle différait de Rome sa naissance directe et indépendante de Jérusalem et des apôtres eux-mêmes dans les premières affres du christianisme. C’est, en effet, une absurdité d’expliquer l’existence d’une telle Église, qui abonde en toutes les caractéristiques d’une institution ancienne, profondément ancrée dans l’esprit et le sol des indigènes, autrement que par une franche acceptation de son origine apostolique. Toutes les autres tentatives de solution échouent. Comment ces archevêchés, évêchés, diocèses, collèges chrétiens, églises paroissiales et fondations, maisons royales chrétiennes, généalogies de saints, monastères immenses et opulents, toute une nation de croyants, se sont-ils retrouvés en Grande-Bretagne ? Comment en sont-ils venus, lors de leur première rencontre avec le missionnaire de l’évêque de Rome, proclamer d’une seule voix : « Nous n’avons rien à voir avec Rome ; nous ne savons rien de l’évêque de Rome dans son nouveau caractère de pape ; nous sommes l’Église britannique, dont l’archevêque n’a de comptes à rendre qu’à Dieu, n’ayant pas de supérieur sur la terre.1" C’est là un de ces faits formidables qui se dressent devant nous comme une énorme montagne dans la plaine de l’histoire. Rome trouva là une Église plus ancienne qu’elle, dont les ramifications frappèrent jusqu’au cœur même du continent, dont les triomphes missionnaires en Italie même, dans la vie d’Augustin, furent plus grands que les siens parmi les Saxons britanniques ; car Colomba et ses compagnons des collèges primitifs d’Irlande étaient les évangélisateurs des conquérants barbares, les Lombards, de l’Italie septentrionale. L’Église gallicane ne faisait qu’un avec les Britanniques dans cette opposition aux hypothèses romaines. Les archevêques de Trèves étaient, comme nous l’apprennent les Chroniques de la Toungrense, toujours approvisionnés par la Grande-Bretagne. Trèves et Reims devinrent le siège des libertés gauloises, et c’est là que s’éleva, sous Hincmar, une résistance aussi puissante qu’en Angleterre à la suprématie italienne. Les Bretons n’ont jamais pu comprendre pourquoi, parce que Rome professait certaines vérités, elle s’arrogeait le despotisme spirituel sur tous ceux qui les détenaient. Il ne semble pas s’être inquiété de ses erreurs et de ses corruptions ; Il les considérait comme ses propres affaires, dans lesquelles, ne lui appartenant pas, il ne se mêlait pas. Cadvan, prince de Galles, s’exprime ainsi à l’abbé de Bangor : « Tous les hommes peuvent avoir les mêmes vérités, mais aucun homme n’est par là entraîné dans l’esclavage d’un autre. Si les Cymry croyaient tout ce que Rome croit, ce serait une raison aussi forte pour Rome de nous obéir que pour nous d’obéir à Rome. Il nous suffit d’obéir à la vérité. Si d’autres hommes obéissent à la vérité, doivent-ils donc nous être soumis ? C’est alors que la vérité du Christ a été rendue l’esclavage des hommes, et non la liberté.

Le soldat qui interrogea Augustin au chêne de la Conférence semble, de la même manière, traiter la question entre eux comme une question tout à fait distincte de la doctrine.

« Rome possède-t-elle toute la vérité ? »

« Tous. »

Et vous dites que oui, nos usages ne font que différer. Or, de deux hommes, si tous deux ont tous leurs membres et tous leurs sens complets, les deux sont égaux. Parce que les Romains ont des nez et que nous avons des nez, devons-nous nous couper le nez pour être Romains ? faut-il que tous ceux qui ont du nez soient soumis aux Romains ? Pourquoi donc tous ceux qui ont la foi devraient-ils être soumis à Rome parce qu’elle détient la foi ?

Ce raisonnement grossier et large permettait à tout chrétien de maintenir une quasi-identité dans la doctrine et les pratiques avec Rome, ou toute autre Église, sans admettre le moins du monde une quelconque revendication que Rome pourrait avancer sur la base d’une telle identité. Le Breton avait donc ses fêtes, ses processions, ses décorations florales, ses chœurs d’antiphonaires, ses cathédrales, ce qu’il avait en commun avec Rome, mais il les avait depuis des siècles avant qu’on n’entendît parler de la Rome papale. Et il aurait ridiculisé l’idée qu’il devait renoncer à une bonne chose parce que Rome l’avait aussi, comme il méprisait l’idée qu’une communauté dans de telles choses constituait l’ombre d’un titre de la part de Rome à son allégeance. Sa position, en effet, était très forte, tout à fait catholique, complètement anti-fanatique, et en même temps complètement anti-papale : et il en connaissait la force, reposant sur des monuments historiques qui ne pouvaient être ni ignorés ni détruits : autour de lui s’élevaient des cathédrales, des églises, des abbayes, des collèges, des « pierres impérissables de témoignage » que son Église était l’Église apostolique primitive de la Grande-Bretagne. que la papauté, avec toutes ses prétentions, était une nouveauté, une intrusion, une invention, une fable ; qu’il n’y a jamais eu un temps où les yeux du pèlerin chrétien ne se soient pas posés dans cette île sur de vastes preuves qui dénotent une Église qui n’est soumise à aucune autre Église sur la terre, construite sur ses propres fondements apostoliques, et qui ne reconnaît les Écritures apostoliques que pour sa règle de foi.2

La conclusion générale à laquelle sont arrivés les auteurs qui ont déjà étudié cette dernière partie de notre question peut être donnée dans les paroles de Capellus : « Je ne connais guère d’auteur, depuis l’époque des Pères jusqu’en bas, qui ne soutienne que saint Paul, après sa libération, a prêché dans tous les pays de l’Europe occidentale, La Grande-Bretagne y compris. 3 « Du voyage de saint Paul en Grande-Bretagne, écrit l’évêque Burgess, nous avons des preuves aussi satisfaisantes que n’importe quelle question historique peut l’exiger. » 4 La même opinion est soutenue en substance par Baronius, les centuriateurs de Magdebourg, d’Alford ou de Griffith, à côté de Baronius, le plus érudit des historiens catholiques romains ; Les archevêques Parker et Usher, Stillingfleet, Camden, Gibson, Cave, Nelson, Allix, etc.

Préfaçons la catena authoritatum sur ce point par quelques témoignages généraux provenant de milieux très différents.

« Le berceau de l’ancienne Église britannique était un berceau royal, qui se distinguait en cela de toutes les autres Églises, car il provenait de la fille du roi d’Angleterre, Caractacus, Claudia Rufina, une vierge royale, la même qui fut plus tard l’épouse d’Aulus Rufus Pudens, le sénateur romain, et la mère d’une famille de saints et de martyrs. »5

« Nous avons des preuves abondantes que notre Grande-Bretagne a reçu la foi, et cela des disciples du Christ lui-même, peu de temps après la crucifixion du Christ. »6

« La Grande-Bretagne, sous le règne de Constantin, était devenue le siège d’une Église florissante et étendue. »7

« Nos ancêtres, vous vous en souviendrez, n’ont pas été généralement convertis, comme beaucoup voudraient le représenter, par les missionnaires romains. Les hérauts du salut qui ont implanté le christianisme dans la plupart des régions d’Angleterre ont été formés dans les écoles de théologie britanniques et étaient fermement attachés aux usages nationaux qui leur étaient parvenus de la plus vénérable antiquité.8

« La religion chrétienne a commencé en Grande-Bretagne dans les cinquante ans qui ont suivi l’ascension du Christ. »9

« La Bretagne, en partie par Joseph d’Arimathie, en partie par Fugatus et Damianus, fut de tous les royaumes le premier à recevoir l’Évangile. »10

« Nous ne pouvons avoir aucun doute sur le fait que le christianisme avait pris racine et prospéré en Grande-Bretagne au milieu du deuxième siècle. »11

Il est parfaitement certain qu’avant que saint Paul fût venu à Rome, Aristobule était absent en Grande-Bretagne, et il est avoué par tous que Claudia était une dame britannique.12

« La foi qui a été adoptée par la nation des Bretons en l’an de grâce 165, fut conservé inviolé, et dans la jouissance de la paix, jusqu’au temps de l’empereur Dioclétien.13

Retraçons maintenant notre chemin depuis l’époque de Bède le Vénérable, 740 APRÈS J-C, pas à pas, jusqu’à l’ère apostolique et aux apôtres eux-mêmes.

Au VIIe siècle, nous avons une galaxie d’évêques chrétiens en Angleterre, au Pays de Galles, en Irlande et en Écosse, dont les noms à eux seuls feraient un catalogue considérable.

En l’an 596 APRÈS J-C, la mission d’Augustin débarque dans le Kent, suivie de trois conférences avec les évêques de l’Église britannique. En 600 APRÈS J-C, Venantius Fortunatus, dans ses Hymnes chrétiens, parle de la Grande-Bretagne comme ayant été évangélisée par saint Paul.14

En 542 APRÈS J-C, Gildas écrit : « Nous savons certainement que le Christ, le vrai soleil, a donné sa lumière, la connaissance de ses préceptes, à notre île dans la dernière année du règne de Tibère César. »15

En 500-540 APRÈS J-C, nous avons diverses productions de bardes chrétiens, tels que Talièsin et Aneurin, émanant des cours des souverains chrétiens de Grande-Bretagne – l’une de ces dernières, « L’Enfant couronné » (c’est-à-dire le Christ), intéressante comme le plus ancien spécimen européen, de quelque longueur, de rimes en poésie : elle est composée dans l’ancienne langue britannique.

En l’an 408 APRÈS J-C, Augustin d’Hippone demande : « Combien d’églises n’y a-t-il pas érigées dans les îles britanniques qui se trouvent dans l’océan ? » 16 Vers le même temps, Arnobius écrit : « La parole de Dieu se déroule avec une telle rapidité que, bien qu’en plusieurs milliers d’années Dieu n’ait été connu que parmi les Juifs, maintenant, en l’espace de quelques années, sa parole n’est cachée ni aux Indiens de l’Orient, ni aux Bretons de l’Ouest. »17

Théodoret, en 435 APRÈS J-C, témoigne : « Paul, libéré de sa première captivité à Rome, prêcha l’Évangile aux Bretons et à d’autres en Occident. Nos pêcheurs et les publicains persuadèrent non seulement les Romains et leurs tributaires de reconnaître le Crucifié et ses lois, mais aussi les Bretons et les Cimbres (Cymry).18

Dans le même sens, dans son commentaire sur 2 Timothée iv. 16 : « Lorsque Paul fut envoyé par Festus pour son appel à Rome, il se rendit, après avoir été acquitté, en Espagne, et de là étendit ses excursions dans d’autres pays et dans les îles entourées par la mer. »

Il n’y a pas eu de témoignage plus explicite de la prédication de Paul en Grande-Bretagne, ni d’un endroit plus peu exceptionnel. Théodoret était évêque de Cyropolis, assista aux conciles généraux d’Éphèse (431 APRÈS J-C), contre les nestoriens, et de Chalcédoine, en 451 APRÈS J-C, composés de 600 évêques. En tant qu’excellent interprète de l’Écriture et écrivain de l’histoire ecclésiastique, il occupe à juste titre un rang élevé.

Chrysostome, patriarche de Constantinople, fournit (402 APRÈS J-C) des preuves cumulatives de l’existence d’un christianisme britannique pur. « Les îles britanniques, écrit-il, qui sont au-delà de la mer et qui se trouvent dans l’océan, ont reçu la vertu de la Parole. On y fonde des églises et on y érige des autels. Quand tu irais à l’océan, dans les îles Britanniques, tu y entendrais tous les hommes qui dissertent sur des choses tirées des Écritures, d’une autre voix, certes, mais pas d’une autre foi, d’une autre langue, mais du même jugement.19

« De l’Inde à la Grande-Bretagne, écrit saint Jérôme (378 APRÈS J-C), toutes les nations retentissent de la mort et de la résurrection du Christ. »20

En 320 APRÈS J-C, Eusèbe, évêque de Césarée, parle des missions apostoliques en Grande-Bretagne comme d’une question de notoriété : « Les apôtres passèrent AU-DELÀ de l’océan dans les îles appelées les îles Britanniques. »21

La première partie du IVe siècle est l’époque de Constantin le Grand et de sa mère Hélène. Gibbon, avec cette perversité qui l’assaillait comme une manie de traiter les faits principaux du christianisme, s’efforce de se persuader que Constantin et Hélène n’étaient pas des Bretons, mais des natifs de quelque village obscur de l’Orient22 ; son seul appui à une telle supposition étant le fragment d’un auteur anonyme, annexé à Ammien Marcellin. « L’homme doit être fou, dit Baronius, qui, en face de l’antiquité universelle, refuse de croire que Constantin et sa mère étaient des Bretons, nés en Bretagne. »1

L’archevêque Usher livre un catalogue de vingt autorités continentales dans l’affirmative, et non dans l’affirmative. Les panégyriques des empereurs, la généalogie de sa propre famille, telle qu’elle a été récitée par l’un de ses descendants, Constantin Paléologue, les annales et les traditions indigènes, toutes les circonstances de sa carrière, montrent que Constantin était un Breton, élevé dans les idées britanniques les plus fortes. « Il est bien connu, dit Sozomène, que le grand Constantin reçut son éducation chrétienne en Grande-Bretagne. » 2 « Hélène était incontestablement une princesse britannique », écrit Mélancthon. 3 « Le Christ, déclare le pape Urbain dans son Bref Britannia, a montré à Constantin le Breton la victoire de la croix pour son sceptre. » « Constantin, écrit Polydore Virgile, né en Grande-Bretagne, d’une mère britannique, proclamé empereur en Grande-Bretagne sans aucun doute, a fait de son sol natal un participant à sa gloire. » 4 Constantin était tout cela et plus encore : du côté de sa mère, il était l’héritier et le représentant de la dynastie royale chrétienne de Grande-Bretagne, comme un coup d’œil jeté sur le tableau à la page suivante servira à le montrer.

3Epistola, p. 189.

4Historic Brit., p. 381.

DYNASTIE ROYALE CHRÉTIENNE DE L’ANCIENNE GRANDE-BRETAGNE


 

La politique de Constantin, dans l’exécution de laquelle, pendant vingt ans, avec une sagesse admirable et un but inflexible, il fut soutenu par des armées levées pour la plupart dans ses États britanniques natals, consista à étendre à l'ensemble du monde romain le système du christianisme constitutionnel qui était établi depuis longtemps en Grande-Bretagne. Mais ses sympathies religieuses, aussi bien que celles de sa mère, étaient entièrement orientales et non romaines. C’étaient ceux de l’Église britannique. Ils tournaient autour de Jérusalem et de la Terre Sainte, et non de Rome. Constantin n’a fait que deux brèves visites, au cours de son long règne, dans la capitale italienne. Hélène a passé toutes ses années de déclin à restaurer les églises et les sites sacrés de Palestine. Les objets de la vie de Constantin sont bien expliqués par lui dans l’un de ses édits : « Nous prenons Dieu à témoin, le Sauveur de tous les hommes, qu’en assumant le gouvernement, nous ne sommes influencés que par ces deux considérations : l’union de l’empire dans une seule foi, et le rétablissement de la paix dans un monde déchiré par la folie de la persécution religieuse. » Considéré sous son triple caractère de général, d’homme d’État et de législateur, le fondateur britannique de la chrétienté laïque peut à juste titre être considéré comme le plus grand des empereurs romains. L’Église britannique fut représentée sous son règne par des évêques indigènes aux conciles d’Arles, 308 APRÈS J-C et Nice, 325 APRÈS J-C.5

5 L’archevêché d’York fut fondé, à la demande d’Hélène, par l’empereur Constance, 290 après J-C. Son deuxième archevêque, Socrate, fut martyrisé lors de la persécution de Dioclétien.

En 300 APRÈS J-C, la persécution de Dioclétien fit rage en Grande-Bretagne, mais fut arrêtée en un an par Constance Chlore, continuant à ravager le reste de l’empire pendant dix-huit ans. Nous avons donné ailleurs la liste des martyrs britanniques qui y périrent. Nous ne pouvons douter que nous ne nous trouvions, au cours de ces siècles, au milieu d’une Église aussi large et aussi profondément nationale que l’établissement protestant actuel ; en fait, sur un point essentiel, elle l’est encore plus, car l’Église nationale actuelle d’Angleterre n’est pas celle du peuple d’Écosse, du Pays de Galles ou d’Irlande, tandis que l’ancienne Église britannique a embrassé toutes ces populations dans son giron. Leurs noms mêmes indiquent le caractère national plus large de l’Église ancienne et primitive, l’une étant l’Église britannique, ou Église de Grande-Bretagne, l’autre l’Église d’Angleterre.

En continuant à remonter sur les traces de l’Église britannique, nous trouvons Origène, En 230 APRÈS J-C, faisant ainsi allusion à son existence : « La bonté divine de notre Seigneur et Sauveur est également répandue parmi les Bretons, les Africains et les autres nations du monde. »6

6Origène, Dans le Psaume cxlix.

En 230 APRÈS J-C, cependant, la Grande-Bretagne avait été réincorporée dans l’empire romain. Qu’en s’est-il passé dans l’affaire 192-198 APRÈS J-C, sous le règne de Commode, lorsqu’elle proclama son indépendance et que les légions anglaises élurent Albinus César ? L’Église était-elle alors confinée dans la province romaine des insurgés, ou bien les tribus britanniques obstinées – les Cymri, les Caledonii, les Pictes, qu’aucun effort de paix ou de guerre ne pouvait réussir à amener à reconnaître le droit d’un étranger de planter un pied hostile en Grande-Bretagne – étaient-elles dans son giron ? Tertullien, qui florissait pendant la guerre de Commode en Bretagne, que Dion Cassius appelle « la plus dangereuse dans laquelle l’empire ait été engagé de son temps », dit expressément que les régions de la Grande-Bretagne où les armes romaines n’avaient pas réussi à pénétrer professaient le christianisme pour leur religion. « Les extrémités de l’Espagne, les diverses parties de la Gaule, les régions de la Bretagne qui n’ont jamais été pénétrées par les armes romaines, ont reçu la religion du Christ.7 » Nous avons vu que l’Église britannique avait, longtemps avant l’époque de Tertullien, fondé les Églises de Gaule, de Lorraine et de Suisse, et que son missionnaires s’étaient rendus en Pannonie. En nous rapprochant de Rome même, nous constatons qu’à l’époque de Tertullien un missionnaire de l’Église britannique fonda, en 170 APRÈS J-C, l’Église de Tarente. C’était saint Cadval, qui a donné son nom à la cathédrale de Tarente. 8 C’est pourquoi non seulement l’Église britannique, En l’an 170 APRÈS J-C, elle embrassait la Grande-Bretagne romaine et indépendante, mais elle avait pris racine en France, en Suisse, en Allemagne et aux extrémités de l’Italie.

7 Tertullien, Déf. Fidei, p. 179.

8 Manuscrit Vélin de l’église de Tarente ; Catalogue des saints du Vatican, publié en 1641 après J-C  ; Moronus, De ecclesia Tarentina.

Venons-en maintenant à J-C 120-150, à l’époque des disciples des apôtres. Il est certain, d’après les lettres de saint Paul aux Romains et à Timothée, qu’il était dans les termes les plus intimes et les plus affectueux avec la mère de Rufus Pudens, avec Pudens lui-même, avec Claudia, sa femme, et Linus. Les enfants de Claudia et Pudens ont été instruits dans la foi par saint Paul lui-même. L’aîné fut baptisé Timothée, du nom de Timothée, évêque d’Éphèse, le « fils bien-aimé en Christ » de l’apôtre. Les quatre, Timothée, Novatus, Praxède, Pudentiana, avec leur père Pudens, scellèrent à différentes époques leur foi par leur sang à Rome, et furent, avec Linus, les premiers Bretons qui furent ajoutés à la glorieuse armée des martyrs. Et, Pudens excepté, ils n’étaient pas seulement des martyrs, mais des martyrs royaux ; non seulement des martyrs royaux, mais des martyrs du sang le plus patriotique et le plus héroïque de la Grande-Bretagne. Laissez-nous vous le confirmer par les preuves de l’antiquité primitive.

Le lecteur se souviendra que le « jour natal » d’un martyr est le jour de son martyre.

Pudens a souffert en 96 APRÈS J-C, Linus en 90 APRÈS J-C ; Pudentiana a souffert le jour anniversaire du martyre de son père, lors de la troisième persécution, en 107 APRÈS J-C ; Novatus lors de la cinquième persécution, en 139 APRÈS J-C, alors que son frère Timothée était absent en Grande-Bretagne, baptisant son neveu, le roi Lucius.9 Peu de temps après son retour de Grande-Bretagne, et dans une extrême vieillesse, vers sa quatre-vingt-dixième année, Timothée souffrit avec son compagnon d’armes Marcus dans la même ville de Rome, " ivre du sang des martyrs de Jésus « . Praxède, la sœur survivante, reçut sa couronne la même année. Claudia seule mourut de mort naturelle, dans le Samnium, avant aucun de ses enfant, en 97 APRÈS J-C, survivant à Pudens un an. Ils ont tous été enterrés aux côtés de saint Paul dans la Via Ostiensis.

9 Tous les auteurs s’accordent sur ce fait, bien qu’ils ne voient pas comment il s’ensuivait naturellement que les relations entre la maison royale de Bretagne et sa branche s’établissaient à Rome.

17 mai. Jour natal du bienheureux Pudens, père de Praxède et de Pudentiana. Il a été revêtu du baptême par les apôtres, et a veillé et gardé sa robe pure et sans ride jusqu’à la couronne d’une vie irréprochable.10

26 novembre. Fête de la naissance de saint Lin, évêque de Rome.11

17 mai. Fête natale de saint Pudentiana, la vierge, de la très illustre descendance, fille de Pudens, et disciple du saint apôtre saint Paul.12

20 juin. Fête natale de saint Novatus, fils du bienheureux Pudens, frère de saint Timothée l’ancien, et des vierges du Christ Pudentiana et Praxède. Tout cela a été instruits dans la foi par les apôtres.

22 août. Fête de la naissance de saint Timothée, fils de saint Pudens, dans la Via Ostiensis.13

21 septembre. Fête de la naissance de sainte Praxède, vierge du Christ, à Rome.14

Avons-nous, encore une preuve contemporaine directe, que Linus, le premier évêque de Rome, était le fils de Caractacus et le frère de Claudia Britannica ? Si l’on met de côté, pour un moment, les généalogies et les traditions britanniques, est-ce qu’un contemporain de St. Paul et Linus, à Rome même, affirme le fait? Sans aucun doute. Clemens Romanus, dont saint Paul est le témoin, dit dans son épître, dont l’authenticité n’a jamais été mise en doute, que Linus était le frère de Claudia : Sanctissimus Linus, frater Claudiæ.2Clemens succéda à Cletus dans les douze années qui suivirent la mort de Linus, comme troisième évêque de Rome. Il avait également été associé au missionnaire britannique Mansuetus, dans l’évangélisation de l’Illyrie. Ses sources d’information sont donc incontestables. Saint Paul vivait, selon toutes les preuves, chaque fois qu’il était à Rome, soit en liberté (libera custodid), soit libre, dans le sein de la famille Claudienne. Il n’y a aucun doute sur le fait que Claudia elle-même était purement britannique, et que Linus ait été son fils ou son frère, le caractère britannique de la famille et les liens d’affection étroits et familiaux entre cette famille et saint Paul sont également manifestes. La relation est, à bien des égards importants, plus intime entre saint Paul et l’esprit britannique – cet esprit étant l’influence dominante, parce que royale, en Grande-Bretagne – dans le cercle domestique et le culte familial du palais claudien à Rome, que lorsqu’il s’adressait au peuple britannique lui-même en Grande-Bretagne.

2Dans l’édition d’Oxford de Junius, publiée après J-C 1633, « Le fils de Claudia ». Apostol ci Patres, lib. vii. c. 47 ; Apostolici Constitutiones, c. 46. Les Constitutions apostoliques peuvent être ou ne pas être ce qu’elles sont le titre déduit ; mais aucun savant qui lira les opinions pro et contra, recueillies par Iltigius (De Patribus Apostolicis), Buddaeus (Isagoge in Theologiam) et Baratier (De Successione Primorum Episcoporum), ne leur assignera une date postérieure à l'an 150. La mention de Linus dans ces livres est ainsi conçue : ״ Au sujet des évêques qui ont été ordonnés de notre vivant, nous vous faisons savoir qu’ils sont ceux-ci : D’Antioche, Euodius ordonné par moi, Pierre ; de l’Église de Rome, Linus, le (fils) de Claudia, fut d’abord ordonné par Paul, et après la mort de Linus, Clemens le second, ordonné par moi, Pierre. » Lib. i. c. 46. Dans l’original, Λινος μ ν  Κλανδίας προωτος ύ π Πα λου. L’analogie exige que υἱς soit fourni, mais la relation aurait pu être si bien connue qu’elle rendre superflus αδελφος.

Mais Clemens Romanus ne nous prouve pas seulement que la famille que l’apôtre honorait ainsi de sa résidence et de son instruction constantes était britannique, que le premier évêque qu’il avait nommé à la tête de l’Église de Rome était de cette famille britannique, mais que saint Paul lui-même a prêché en Grande-Bretagne, car aucune autre interprétation ne peut être attribuée à ses paroles. ἐπὶ τ  τέρμα τῆς Δυοέως — « l’extrémité de l’Occident ». « Paul, après avoir été à l’extrémité de l’Occident, subit son martyre devant les chefs de l’humanité ; et ainsi délivré de ce monde, il s’en alla dans son lieu saint.»16

16Clément. Rom., Epistola ad Corinthios, c. 5Le passage in extenso est ainsi conçu : « Pour quitter les exemples de l’antiquité, et pour venir aux plus récents, prenons les nobles exemples de notre temps. Mettons devant nos yeux les bons apôtres. Pierre, par une injuste omission, subit non pas une ou deux, mais beaucoup de souffrances ; et ayant subi son martyre, il s’en alla à la place de gloire à laquelle il avait droit. Paul aussi, après avoir porté sept fois des chaînes, et avoir été chassé et lapidé, reçut le prix d’une telle endurance. Car il était le héraut de l’Évangile en Occident aussi bien qu’en Orient, et jouissait de l’illustre réputation de la foi en enseignant au monde entier à être juste. Et après avoir été à l’extrémité de l’Occident, il a souffert le martyre devant les souverains de l’humanité ; et ainsi délivré de ce monde, il s’en alla dans son lieu saint, l’exemple le plus brillant de fermeté que nous possédions.»

On peut suggérer que Linus, le premier évêque de Rome, était cependant autre que le frère de Claudia, mentionné par saint Paul. Ce n’est pas le cas ; car si les autorités ci-dessus ont permis qu’un doute subsiste, le témoignage d’Irénée quant à leur identité est concluant. « Les apôtres, écrit Irénée, En l’an 180, après avoir fondé et édifié l’Église de Rome, il confia à Linus le ministère de sa surveillance. C’est le Linus mentionné par Paul dans son épître à Timothée.17

17 Irenæi Opera, lib. iii. c. 1. Irénée, né en Asie, devint disciple de Polycarpe. évêque de Smyrne, puis prêtre de Lyon, d’où il fut envoyé comme délégué auprès des Églises asiatiques. Il succéda à Photinus dans l’évêché, et souffrit sous Sévère.

Nous ne sommes pas conscients que nous affirmerions quoi que ce soit d’improbable si nous considérions la domiciliation de saint Paul dans la maison de Pudens, ou le fait qu’il ait été soigné immédiatement avant son martyre par Pudens, Claudia et Linus, comme une preuve présumée supplémentaire de son séjour en Grande-Bretagne. Quoi qu’il en soit, nous remarquons que toutes les sympathies dont il était entouré, après son arrivée à Rome, dans la famille claudienne, toutes les influences de cette famille dans leur pays natal, le conduiraient en Grande-Bretagne de préférence à tout autre pays de l’Occident. C’était la grande île des Gentils, le centre et la source de leur religion, et, par l’intermédiaire de ses convertis royaux, une « porte puissante et efficace » pour sa conversion lui fut ouverte.

Pendant ce temps, Caractacus continuait à résider à Aber Gweryd, aujourd’hui St. Donat’s Major (Lian Ddunwyd), dans le Glamorganshire, où il avait construit un palais, plus Romano. Tout invitait Paul en Grande-Bretagne, à suivre l’évêque qu’il avait déjà chargé de l’œuvre de l’Évangile dans cette ville, et à être l’hôte de la mère royale de Claudia. Si l’on considère le concours de circonstances qui favorisait maintenant l’exécution de son projet de visiter l’Europe occidentale, nous trouverions beaucoup plus extraordinaire que l’apôtre ne soit pas venu en Grande-Bretagne que nous ne le faisons ici. Lorsqu’à cette preuve circonstancielle nous ajoutons les témoignages écrits que nous avons produits d’Eusèbe, de Théodoret, de Clemens et d’autres, qu’il a positivement prêché en Grande-Bretagne, nous voyons de bonnes raisons d’être d’accord avec la conclusion de l’évêque Burgess, bien que l’évêque n’ait eu qu’une partie des preuves que nous avons recueillies devant lui : « Que nous possédons comme preuve substantielle, comme tout fait historique peut l’exiger, du voyage de saint Paul en Grande-Bretagne. 3

3L’ancien manuscrit du Merton College, à Oxord, qui prétend contenir une série de lettres échangées entre saint Paul et Sénèque, fait plus d’une allusion à la résidence de saint Paul en Silurie.

La grande collection d’archives et de manuscrits britanniques a été déposée à Verulam jusqu'en 860 après J.-C, descendue jusqu’à nos jours, une lumière inestimable aurait été jetée sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres sujets d’intérêt naturel. Parmi ces œuvres figuraient les Poèmes et les Hymnes de Claudia. Voir Matthieu de Westminster, Guillaume de Malmesbury, « Vie d’Eadmer ».

Il y a six années de la vie de saint Paul à expliquer, entre sa libération de son premier emprisonnement et son martyre à Aquæ Salviæ sur la route d’Ostie, près de Rome. Une partie certainement, la plus grande partie peut-être, de cette période, se passa en Grande-Bretagne, en Silurie ou Cambrie, au-delà des limites de l’empire romain ; et de là le silence des écrivains grecs et latins à ce sujet.

Est-ce qu’une partie de sa doctrine ou de son enseignement en Grande-Bretagne est parvenue jusqu’à nous ? Tout cela serait sûr d’être transmis sous une forme britannique, et très probablement sous cette forme triadique dans laquelle les druides, les enseignants religieux de la Grande-Bretagne, ont donné leur enseignement. Or, nous trouvons dans l’ancienne langue britannique certaines triades qui n’ont jamais été connues autrement que sous le nom de « triades de l’apôtre Paul ». On ne les trouve pas totidem verbisque ce soit en entier ou en fragment, dans ses épîtres, mais la morale inculquée est, bien sûr, tout à fait à l’unisson avec le reste de sa prédication évangélique.

Triades de l’apôtre Paul

« Il y a trois sortes d’hommes : l’homme de Dieu, qui rend le bien pour le mal ; l’homme des hommes, qui rend le bien pour le bien et le mal pour le mal ; et l’homme du diable, qui rend le mal pour le bien.

« Trois sortes d’hommes sont les délices de Dieu : les doux ; les amoureux de la paix ; les amoureux de la miséricorde.

« Il y a trois marques des enfants de Dieu : la douceur ; une conscience pure ; patients souffrant de blessures.

« Il y a trois devoirs principaux exigés par Dieu : la justice envers tout homme ; amour; humilité.

« C’est en trois endroits que l’on trouvera le plus de Dieu : là où Il est le plus recherché ; où Il est le plus aimé ; là où il y a le moins de soi.

« Il y a trois choses qui suivent la foi en Dieu : une conscience en paix ; l’union avec le ciel ; ce qui est nécessaire à la vie.

Trois façons dont un chrétien punit un ennemi : En lui pardonnant ; en ne divulguant pas sa méchanceté ; en lui faisant tout le bien qui est en son pouvoir.

« Les trois principales considérations d’un chrétien : De peur qu’il ne déplaise à Dieu ; de peur qu’il ne soit une pierre d’achoppement pour l’homme ; de peur que son amour pour tout ce qui est bon ne se refroidisse.

« Les trois luxes d’une fête chrétienne : ce que Dieu a préparé ; ce qui peut être obtenu avec justice pour tous ; ce que l’amour pour tous peut oser utiliser.

« Trois personnes ont les prétentions et les privilèges des frères et sœurs : la veuve ; l’orphelin ; l’étranger.19

19Anciennes triades britanniques ; Triades de l’apôtre Paul.

La simplicité évangélique de ces préceptes, qui contraste si fortement avec les inventions et les superstitions monastiques et médiévales, favorise l’acceptation traditionnelle de leur origine paulinienne. Leur conservation est due au Cor de Ilid.

La fondation de la grande abbaye de Bangor Iscoed est attribuée par tradition à saint Paul. Sa discipline et sa doctrine étaient certainement connues sous le nom de « Règle de Paul » (Pauli Regulaet au-dessus de chacune des quatre portes était gravé son précepte : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. » Ses abbés se considéraient comme ses successeurs ; C’étaient toujours des hommes du plus haut rang de la société, et généralement du sang royal. Bède et d’autres auteurs affirment que le nombre de moines s’élève à 2 100. Les érudits s’élevaient à plusieurs milliers. Pélage en fut le vingtième abbé. Saint Hilaire et saint Benoît l’appellent « Mater omnium monasteriorum », la mère de tous les monastères. Le premier monastère égyptien a été fondé par Pacôme, en 360 après J.-C. 4

4 "Pelagius heresiarchus ex Britanniâ oriundus famati illius collegii Bangorensis præpositus erat in quo Christianorum philosophorum 2,100 militabant suarum manuum laboribus juxta Pauli doctrinam victitantes." — Vita Pelagii, p. 3.

Dans quelle langue saint Paul a-t-il prêché en Grande-Bretagne ? Cette question, si elle était approfondie, ouvrirait une enquête intéressante mais difficile. Chaque apôtre, par l’inspiration pentecôtiste, possédait la maîtrise de toutes les langues connues alors dans le monde. Cette faculté surnaturelle faisait partie de la « puissance d’en haut » avec laquelle ils étaient et la reconnaissance linguistique de leur mission divine. Nous n’avons aucune preuve du fait que Paul a prêché en langue britannique ; nous n’en avons pas non plus qu’il ait jamais prêché en latin ; Pourtant, en tant qu’apôtre, il devait être familier avec les deux langues. Nous en déduisons qu’il prêchait souvent dans les deux cas. Les druides, dans leurs écrits sacrés, utilisaient l’alphabet bardique, de quarante-deux caractères ; mais dans leurs transactions civiles, comme nous l’apprend César, l’alphabet grec. Saint Paul a écrit toutes ses épîtres en grec, et le grec a continué, quelque temps après l’âge apostolique, la langue de l’Église de Rome. La famille royale de Grande-Bretagne était, comme nous l’avons vu, ardemment attachée à la littérature grecque et latine. Cymbeline et Llyr, l’ancienne génération, avaient reçu d’Auguste César lui-même leur éducation, qui devait nécessairement être la plus élevée que Rome pût donner. Caractacus doit, à moins que nous n’ayons recours à la supposition assez violente que Claude, qui a entendu, et Tacite, qui a enregistré, son discours, étaient compétents en anglais, se sont prononcés en latin. 5 Il est certain que Paul s’est servi de la langue du peuple pour prêcher au peuple. Le canon qu’il a établi pour l’Église de Corinthe était celui qu’il pratiquait lui-même : « si je ne sais point ce qu'on veut signifier par la parole, je serai barbare à celui qui parle; et celui qui parle, me sera barbare. ... j'aime mieux prononcer dans l'Eglise cinq paroles d'une manière à être entendu j'aime mieux prononcer dans l'Eglise cinq paroles d'une manière à être entendu6 Il devait donc, selon cette règle, prêcher aux Bretons dans leur langue vernaculaire.

5Claudia elle-même était l’auteure d’un volume d’épigrammes, d’un volume d’élégies et d’un volume de poèmes sacrés ou d’hymnes. Des copies de ceux-ci ont été conservées dans la bibliothèque de Verulam jusqu’au XIIIe siècle.

6 1 Cor. 14,19 : C’était l’usage habituel des chrétiens, depuis les temps les plus reculés, de lire les Écritures en langue vulgaire, et ce n’est qu’à l’époque de Charlemagne que le latin devint la langue des offices de l’Église. Voir l’Historia Dogmatica d’Usher. Il n’y a pas deux causes qui aient autant contribué à la déclinaison du christianisme et au progrès du mahométisme que la suppression par l’Église de Rome des Écritures vernaculaires et son adoption du culte des images.

Par la conversion de la dynastie britannique en ses divers membres, une classe très importante de prophéties s’est accomplie. De même, les expressions « au bout de la terre », « du bout de la terre », « les îles éloignées », employées par Ésaïe, sont précisément celles dont les auteurs romains se servaient aussi pour désigner la Bretagne.

Depuis la captivité de Caractacus et la vie de saint Paul dans la famille de sa fille Claudia à Rome, jusqu’à la transformation de l’empire romain en chrétienté, l’histoire de la dynastie royale de Grande-Bretagne en relation avec l’Église du Christ est en effet une vérification longue, continue et exacte des prophéties scripturaires.23

23 Nous joignons quelques-unes de ces prophéties :

« C’est peu de chose que tu me sois serviteur pour rétablir les tribus de Jacob, et pour délivrer les captifs d’Israël; c’est pourquoi je t’ai donné pour lumière aux nations, afin que tu sois mon salut jusques au bout de la terre... Les rois le verront, et se lèveront, et les principaux aussi, et ils se prosterneront devant lui... Voici, ceux-ci viendront de loin; et voici, ceux-là viendront de l’Aquilon, et ceux-là de la mer... Et les rois seront tes nourriciers, et les princesses, leurs femmes, tes nourrices... LÈVE-TOI, sois illuminée : car ta lumière est venue, et la gloire de l’Eternel s’est levée sur toi. les nations marcheront à ta lumière, et les rois à la splendeur qui se lèvera sur toi... tes fils viendront de loin, et tes filles seront nourries par des nourriciers, étant portées sur les côtés... Et les fils des étrangers rebâtiront tes murailles, et leurs rois seront employés à ton service... Et tu suceras le lait des nations, et tu suceras la mamelle des rois ... Car je mettrai une marque en eux, et j’enverrai ceux d’entre eux qui seront réchappés, vers les nations,... vers les îles éloignées... ils posséderont éternellement la terre; savoir, le germe de mes plantes. » Ésaïe xlix, lx, Ixvi.

Contre l’Église britannique elle-même, aucune accusation de doctrine hérétique n’a jamais été avancée, bien que l’hérésiarque, le prince même des hérétiques, Pélage, ait été nourri dans son sein. Le témoignage réticent de Bède est, sur ce point, décisif. Tandis que les Églises chrétiennes d’Asie, d’Afrique et du continent européen Envahie par de fausses doctrines, l’Église britannique grandit et couvrit de son ombre toute la nation, sans être troublée pendant quatre siècles par aucune racine d’amertume. Il est raisonnable d’en déduire que les fondations d’une telle Église ont été posées très profondément et fidèlement par les mains de sages maîtres d’œuvre. Selon la fondation s’élevait la superstructure, reposant sur ces quatre piliers : saint Paul, Simon Zélotès, Joseph, Aristobule. Son grand évangéliste du IIe siècle, saint Timothée, baptiseur de son neveu le roi Lucius et de sa noblesse à Winchester, avait également reçu la foi de la bouche de Paul lui-même. Cette unanimité de foi dans les fondateurs s’imprima sur l’Église qu’ils fondèrent, qui « persévéra dans les choses qu’elle avait apprises et dont elle avait été assurée, sachant de qui elle les avait apprises ».

Après avoir ainsi d’abord parcouru les religions de l’ancien monde à la naissance du christianisme, et ensuite retracé l’introduction de celui-ci et ses progrès dans la Grande-Bretagne, une vue à vol d’oiseau nous montrera les Églises suivantes, composant l’Église catholique soixante-six ans après l’Incarnation : — En Palestine : Jérusalem, Samarie, Césarée, Lydda ; en Assyrie — Babylone ; en Syrie — Antioche, Damas ; en Asie Mineure, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystre, Éphèse, Smyrne, Sardes, Thyatire, Pergame, Philadelphie, Césarée en Cappadoce ; Laodicée, Colosse, Galatie ; en Grèce, Athènes, Corinthe, Thessalonique, Bérée, Philippes, Crète ; en Égypte : Alexandrie ; en Italie, à Rome ; en Gaule — Lyon ; en Grande-Bretagne : Cor Avàlon (Glastonbury), Cor Salog (Old Sarum), Cor Ilid (Lian Ilid) en Silurie.

La force du témoignage en faveur de la résidence de saint Paul en Grande-Bretagne peut être plus clairement estimée en le comparant à celui de saint Pierre à Rome. Le plus ancien témoignage en faveur de ce dernier est celui d’Irénée, évêque de Lyon, en 180 APRÈS J-C,1 avant quoi nous ne trouvons aucune indication dans les Écritures ou dans les auteurs ecclésiastiques que saint Pierre ait jamais visité ou ait jamais eu l’intention de visiter Rome, qui, en tant qu’Église païenne sur laquelle saint Paul revendiquait la juridiction de la manière la plus aiguë,2 n’était certainement pas du ressort de l’apôtre de la circoncision. La Grande-Bretagne, au contraire, était dans la province de Paul, placée déjà, comme Éphèse et la Crète l’avaient été, par Paul lui-même sous l’un de ses évêques, Aristobule. Si nous devons admettre que saint Pierre a fondé l’Église romaine en personne, à plus forte raison sommes-nous contraints par des preuves infiniment plus fortes de reconnaître que saint Paul en personne a fondé l’Église britannique. 7

1 Irenæi Opera, lib. iii. c. 1 : « Matthieu publia son Évangile parmi les Hébreux dans sa propre langue tandis que Pierre et Paul étaient occupés à évangéliser et à fonder l’Église chrétienne à Rome. »

2 « la charge d'apôtre, afin de porter tous les gentils à croire en son nom; entre lesquels aussi vous êtes... afin de recueillir quelque fruit aussi bien parmi vous, que parmi les autres nations. » — Rom. i. 5, 13·

7 Si nous voulions fortifier à partir de preuves catholiques romaines les fondements apostoliques de l’Église britannique, ou insister sur le fait qu’elle peut, avec autant de justice, au moins que l’Église romaine, revendiquer saint Pierre parmi ses fondateurs, il ne serait pas difficile d’apporter les preuves affirmatives des autorités catholiques romaines sur ce point. Corneille à Lapide, en répondant à la question : « Comment saint Paul n’a-t-il pas salué saint Pierre dans son épître aux Romains ? », déclare : « Pierre, banni de Rome avec le reste des Juifs par l’édit de Claude, était absent en Grande-Bretagne. » (Corneille à Lapide, dans Argumentum Epistolœ St. Pauli ad Romanos, c. xvi.) Eusèbe Pamphile, si l’on peut ajouter foi à la citation qu’il a faite d’un L’auteur indigne de confiance, Siméon Métaphraste, déclare que saint Pierre a été en Grande-Bretagne aussi bien qu’à Rome. La vision à laquelle se réfère saint Pierre, 2 Pi. i. 14 : « sachant que dans peu de temps je dois en déloger, comme notre Seigneur Jésus-Christ lui-même me l'a déclaré », on dit qu’il lui apparut en Grande-Bretagne à l’endroit où se trouvait autrefois l’église britannique de Lambedr (Saint-Pierre), et où se trouve maintenant l’abbaye de Saint-Pierre de Westminster. Lambeth est peut-être une corruption de Lambedr. Mais cette question se situe entre les auteurs catholiques romains et leur propre Église, qui ne mettra guère le sceau de son infaillibilité sur une position qui place l’Église britannique sur son propre rocher spécial.

De la vie de saint Paul après avoir quitté la Grande-Bretagne, aucun détail n’est parvenu jusqu’à nous. Après avoir visité l’Asie, nous le retrouvons, dans la dernière scène de sa vie, rendu au sein de la famille royale britannique à Rome. Dans ses adieux à Timothée, il lui envoie les salutations de Pudens, Linus et Claudia. Ceux-ci, avec celui d’Eubule, cousin de Claudia, sont les seuls noms des frères qu’il mentionne ; ceux-ci le servaient la veille de son martyre, ceux-là l’assistaient lorsqu’il se trouvait dans le quartier du licteur d’État à Aquæ Salviæ, un peu hors de Rome, et ceux-ci ont consigné ses restes de leurs propres mains dans le tombeau de la famille Pudentinienne sur la route d’Ostie. Comme son divin Maître, « il a fait son sépulcre avec les riches dans sa mort ». Linus, Claudia, Pudens et leurs quatre enfants, lorsque Dieu, au temps fixé, les appela à recevoir la même couronne de la Croix, furent enterrés à ses côtés : les autres convertis royaux, Brân, Caractacus, Cyllinus et Eurgain, moururent paisiblement en Bretagne, et furent enterrés dans le cimetière de la Croix. Ilid en Silurie. Tous, rois, héros, apôtres, martyrs, saints, étaient unis dans le royaume de lumière, dans la joie de leur Seigneur.4

4Bède était un adhérent très fervent de la nouvelle Église papale, introduite en 596 après J-C, par Augustin en Grande-Bretagne, mais l’honnêteté et la simplicité de son caractère ont fait de son histoire à bien des égards un récit très gênant et odieux pour ladite Église. Qu’est-il advenu des restes de saint Pierre et de saint Paul ? À Rome, on prétend encore les exposer, mais Bède – et il faut se rappeler qu’il est un saint canonisé dans le calendrier romain – déclare expressément que les restes des corps des apôtres Pierre et Paul, des martyrs saint Laurent, saint Jean, saint Grégoire et saint Paneras, furent, à la sollicitation du roi Oswy au pape Vitalien : retiré de Rome en Angleterre, et déposé à Cantorbéry en 656 après J-C , la lettre du pape Vitalien à Oswy est conservée. (Bedce Hist., lib. III, c. 29.) Leurs restes, s’il y en a, reposent donc sur le sol britannique.