La famille royale britannique à Rome. — L’Arimathéen, ou première introduction du christianisme en Grande-Bretagne

Après avoir ainsi établi le roi d’Angleterre et sa famille dans le Titulus, nous portons notre attention sur saint Paul, qui arriva à Rome pour la première fois lors de son appel à César, en L’AN 58. 13

13Jérôme dit que saint Paul fut envoyé à Rome la deuxième année de Néron, c’est-à-dire en l’an 56 de notre ère. à quelle date se trouvent Bède, Ivo, Freculphus Platina, Scaliger, Capellus, Cave, Stillingfleet, Alford, Godwin De Prœsulibus, Rapin, Bingham, Stanhope, Warner, Trapp. Nous croyons que c’est là la vraie date, et que son hypothèse serait plus favorable à la teneur de cet essai, car elle accorderait trois ans au lieu d’un pour l’entrevue de Rome entre saint Paul et Caractacus. Nous préférons cependant ne pas insister là-dessus.

Une Église chrétienne forte, célèbre pour son zèle et sa fidélité, existait à Rome avant la visite de saint Paul ou de tout autre apôtre. Nous savons, par de nombreux passages de l’épître aux Romains elle-même, qu’à l’époque de sa composition et de son expédition, saint Paul n’était pas encore allé à Rome. Parmi les membres de l’Église, cependant, il y avait non seulement des compagnons de travail et des amis les plus intimes, mais aussi des parents de l’apôtre. Certains de ces derniers, comme Andronic et Junia, s’étaient convertis avant lui. Hérodion est mentionné comme un autre parent. À propos de Rufus Pudens, qui est salué par son nom, se trouve une autre salutation qui est à l’origine d’une question intéressante, dont la bonne solution jetterait un flot de lumière sur cette partie de l’histoire de Paul et de Pudens : « Saluez Rufus, élu au Seigneur, et sa mère, que je regarde comme la mienne. » S’agit-il d’une relation naturelle ou spirituelle ? Nous sommes enclins à croire la première hypothèse. Un père ou une mère spirituel est, dans la phraséologie évangélique, la personne qui convertit un autre à Christ. La conversion de saint Paul a été opérée par le Christ lui-même par un miracle direct. En ce qui le concerne, les termes ne pouvaient s’appliquer à aucun être humain. La mère de Rufus était-elle donc aussi la mère de Paul ? Rufus et Paul étaient-ils demi-frères, le second, l’aîné, par un Hébreu, le premier, le cadet, par un second mariage avec un païen, ou un Romain prosélyte ? Cette mère était chrétienne, vivant avec Rufus, et est aussi appelée sa mère par saint Paul. Dans le palais de Rufus, lorsqu’il était à Rome, Paul passait la plupart de son temps, bien qu’il eût aussi sa propre maison de location. 2

Les enfants de Claudia et de Pudens, comme nous l’apprennent les martyrologes romains, furent élevés sur ses genoux, et nous trouvons dans la dernière scène de sa vie qui précéda son martyre, les seules salutations qu’il envoya à Timothée furent celles d’Éubulus, de Claudia, de Linus et de Pudens, la même famille le soignant évidemment jusqu’à la fin. Il y a, quelle que soit la manière dont nous décidons, une proximité dans le lien entre l’apôtre et la famille de Pudens qui a jusqu’ici échappé à l’observation et qui reste à expliquer. Et cela continua même après la mort, car les enfants de Pudens, qui souffrirent tous le martyre, furent enterrés à côté de l’Apôtre, comme dans un cimetière familial commun, dans la Via Ostiensis. Laissons en suspens la question de la nature de cette affinité, nous observons maintenant :

1. Pudens a été converti avant que saint Paul ne vienne à Rome, et par un autre chrétien que Paul.

2. Ce pasteur d’Hermas semble avoir été, à cette date très reculée, le pasteur du Titulus, qui constituait le lieu de réunion de l’Église des Gentils, ou Église des incirconcis. L’Église hébraïque, ou Église de la circoncision, se réunissait dans la maison d’Aquilas et de Priscille.3

3 Rom. xvi. 5.

3. Que la maison d’Aristobule est saluée, mais qu’Aristobule lui-même ne l’est pas, étant absent à ce moment-là de Rome. D’où les questions suivantes : Qui étaient les évangélisateurs de la famille de Claudia Britannica et de Pudens ? Où Aristobule était-il absent ? Était-ce en Grande-Bretagne ? La Grande-Bretagne a-t-elle été évangélisée à un degré quelconque avant que saint Paul ne vienne à Rome ? et si oui, par qui ? — Une enquête du plus haut intérêt.

La manière la plus juste de traiter le sujet de la première introduction du christianisme en Grande-Bretagne semble être d’établir une déclaration affirmative, de présenter les preuves qui existent à l’appui de cette affirmation, et de laisser au lecteur le soin de tirer la conclusion qu’elle confirme ou non. Nous écrivons en tant qu’investigateurs, non en dogmatiques, mais nos propositions doivent nécessairement prendre souvent la forme affirmative, ou nous ne serions que des négationnistes de l’histoire.

Notre déclaration prendra donc la forme suivante :

Le christianisme a été introduit pour la première fois en Grande-Bretagne par Joseph d’Arimathée, de 36 à 39 après J-C. suivi de Simon Zélotès, l’apôtre ; puis par Aristobule, le premier évêque des Bretons ; puis par saint Paul. Ses premiers convertis furent des membres de la famille royale de Silurie, c’est-à-dire Gladys, la sœur de Caràdoc, Gladys (Claudia) et Eurgen ses filles, Linus son fils, converties en Bretagne avant d’être emmenées en captivité à Rome ; puis Caràdoc, Bran et le reste de la famille se convertirent à Rome. Les deux berceaux du christianisme en Grande-Bretagne furent Ynys Wydrin, « l’île de cristal », traduit par par les Saxons Glastonbury, dans le Somersetshire, où Joseph s’installa et enseigna, et Siluria, où les premières églises et écoles, à côté d’Ynys Wydrin, furent fondées par la dynastie silurienne. Ynys Wydrin était aussi communément connu sous le nom d’Ynys Avàlon, et en latin " Domus Dei « , " Secretum Dei « .

Passons maintenant aux preuves consécutives de cette affirmation. Ils ont été rassemblés au prix de nombreuses recherches de divers côtés, mais le lecteur se souviendra qu’ils ne sont pas présentés comme décisifs. Toutes les preuves historiques doivent être régies par les temps et les circonstances. S’il est tel que l’époque et les circonstances de l’époque seules l’admettent, il a le droit d’être reçu en justice, et s’il y a lieu. aucune preuve contraire ne peut être apportée pour l’annuler, nous devons apporter, jusqu’à ce que cette preuve soit produite, un verdict de preuve. Dans d’autres cas historiques, les témoignages peuvent être plus forts et plus satisfaisants, mais nous devons nous contenter, dans tous les cas, de juger par les preuves que nous pouvons commander. À des époques où la littérature ou les preuves écrites n’avaient qu’une existence très limitée, la tradition et la croyance générale sont les principales sources auxquelles nous pouvons nous adresser pour connaître les faits généraux, leurs détails étant une considération mineure.

Le courant constant de la tradition européenne affirmait que la Grande-Bretagne avait été le premier pays d’Europe à recevoir l’Évangile, et que l’Église britannique était la plus ancienne des Églises du Christ dans ce pays. L’universalité de cette opinion est facilement démontrée.

I. Polydore Virgile, sous le règne d’Henri VII, et après lui le cardinal Pole (1555), tous deux catholiques romains rigides, affirmèrent au Parlement, ce dernier dans son discours à Philippe et à Marie, que « la Grande-Bretagne fut le premier de tous les pays à recevoir la foi chrétienne ». « La gloire de la Grande-Bretagne, remarque Genebrard, ne consiste pas seulement en ceci qu’elle a été le premier pays qui, à titre national, s’est publiquement déclaré chrétien, mais qu’elle a fait cette confession alors que l’empire romain lui-même était païen et cruel persécuteur du christianisme. »

II. Cette priorité de l’antiquité ne fut contestée qu’une seule fois, et cela pour des raisons politiques, par les ambassadeurs de France et d’Espagne, au concile de Pise, en 1417. Le Conseil l’a toutefois confirmé. Les ambassadeurs en appelèrent au concile de Constance, en 1419, qui confirma la décision de celui de Pise, QUI était un troisième temps confirmé par le Conseil de Sena, puis acquiesça. Cette décision stipulait que les Églises de France et d’Espagne devaient céder la place à l’Église de Bretagne, fondée par Joseph d’Arimathée « immédiatement après la passion du Christ ».4

4 « Statim post passionem Christi. » Compte rendu des plaidoiries au Conseil de Constance se trouvera dans un mince in-quarto, Disceptatio super Dignitatem Angliœ et Galliœ in Concilio Constantiano, Theod. Martin (Lovar. 1517).

Robert Parsons, le jésuite, dans ses Trois conversions de l’Angleterre, admet, comme la grande majorité des écrivains catholiques romains, que le christianisme est venu en Grande-Bretagne directement de Jérusalem. « Il semble que l’Église britannique ait été implantée à l’origine par des enseignants grecs, tels qu’ils sont venus d’Orient, et non par des Romains. » — Vol. I, p. 15. Les usages orientaux de l’Église britannique suffiraient à l’attester.

Nous pouvons donc accepter comme l’opinion générale de la chrétienté, la priorité au point de vue de l’antiquité sur toutes les autres de l’Église britannique. Cette opinion est bien « Le christianisme a été confessé en privé ailleurs, mais la première nation qui l’a proclamé comme leur religion, et qui s’est appelée chrétienne d’après le nom du Christ, a été la Grande-Bretagne. » 14

14Sabell. Enno., lib. VII. c. 5.

Il est certain que les Églises primitives d’Angleterre, d’Irlande, d’Écosse et de Gaule formaient une seule Église, une seule communion, et qu’à l’avènement de la papauté, en 606 APRÈS J-C., par Rome, cette grande Église celtique, qui avait été auparavant en pleine communion avec la Rome primitive, refusa dans les termes les plus péremptoires de reconnaître ses nouvelles prétentions.

C’est, bien sûr, cette Église britannique primitive, et non l’Église romaine introduite par Augustin, en 596 après J-C., dans le Kent parmi les Saxons païens, qu’il faut comprendre cette priorité. Qu’une telle Église ait existé à l’échelle nationale, et qu’elle ait été complètement hostile à l’Église romaine sous sa nouvelle forme et dans ses usurpations en la personne d’Augustin, est si notoire, que nous pouvons nous passer de tous les témoignages, à l’exception de quelques-uns, pour prouver le fait. « Les Bretons, dit Bède,6 sont contraires à tout le monde romain, et ennemis des coutumes romaines, non seulement par leur messe, mais par leur tonsure. » Les Bretons refusèrent de reconnaître Augustin ou d’acquiescer à l’une de ses demandes. « Nous ne pouvons, disaient les évêques britanniques, nous écarter de nos anciennes coutumes sans le consentement et la permission de notre peuple. » Laurentius, successeur d’Augustin, parle encore plus amèrement de l’antagonisme de l’Église d’Écosse :

" Nous avons trouvé les évêques écossais pires encore que les Britanniques. Dagon, qui est venu ici dernièrement, étant évêque des Écossais, a refusé de manger à la même table, ou de coucher une nuit sous le même toit que nous." 15

6 Bède’s Hist. Frag., cité par Usher, « Ancient Irish Church », c. 4, Hist., lib. ii. c. 2. L’une des demandes d’Augustin était que l’Église britannique le reconnaisse comme archevêque. « À illi », dit Bède, lib. II. p. 112, « nihil horum se facturos neque ilium pro Archiepiscopo habituros esse respondebant ». Bède lui-même, on peut le supposer, d’après son propre témoignage en faveur de l’Église britannique et sa connaissance de son étendue et de ses institutions, a dû éprouver un certain étonnement devant cette demande d’un émissaire dont le seul établissement religieux en Grande-Bretagne était une église solitaire parmi les païens du Kent. « Les Bretons », écrit-il, lib. i. c. 4, « conservèrent la foi qu’ils avaient reçue sous le roi Lucius intacte et entière dans la paix et la tranquillité, jusqu’au temps de l’empereur Dioclétien. » Nicolas Trivet dit : « L’abbé Dinothus, de Bangor, traitait Augustin avec mépris. »

15Laurentii Epist. ad Papam ; Bède, Eccles. Hist., ii. c. 4.

Et la protestation de l’Église britannique elle-même, signée en son nom par l’archevêque de Saint-David, six évêques et l’abbé de Bangor, qui dirigea la conférence avec Augustin au Chêne d’Augustin, en 607, MET encore plus clairement en lumière le gouffre que le passage de l’Église romaine primitive à la papauté a formé entre les Églises jusque-là en pleine communion. Elle se présentait comme suit :

« Que l’on sache et que l’on déclare que nous sommes tous, individuellement et collectivement, disposés en toute humilité à nous en remettre à l’Église de Dieu, à l’évêque de Rome et à tout chrétien sincère et pieux, jusqu’à aimer chacun selon son degré, dans une charité parfaite, et à les aider tous, en paroles et en actes, à devenir enfants de Dieu. Mais quant à toute autre obéissance, nous n’en connaissons aucune que celui que vous appelez le Pape, ou l’Evêque des Évêques, puisse exiger. La déférence que nous avons mentionnée, nous sommes prêts à la lui rendre, comme à tout autre chrétien, mais à tous les autres égards, notre obéissance est due à la juridiction de l’évêque de Caerleon, qui est seul, sous Dieu, notre chef pour nous garder dans la voie du salut.8

8 manuscrits Hengwrt; Humphry Llwyd ; manuscrits Sebright; Cottonian Library (British Museum), Cléopâtre, E. i. 1.

Il ressort clairement de ces témoignages et d’autres semblables que la Grande-Bretagne... C’était un diocèse distinct de l’empire. 2. Qu’elle n’était soumise ni au patriarche de Rome, ni à aucune juridiction ecclésiastique étrangère. 3. Qu’il avait sa souveraineté en lui-même. 4. Qu’elle n’a jamais consulté le siège de Rome ni aucune puissance étrangère dans ses rites, sa discipline, son gouvernement ou la consécration des évêques et des archevêques. 5. Le Qu’elle ne reconnaissait d’autre supérieur que Dieu à son archevêque de Caerleon, ou de saint David.9

9 Spelmanni Concilia ; Sir Roger Twysden, Justification historique ; Brerewood, p. 113 ; Collier, vol. I, p. 6, etc. ; Gouvernement de l’évêque Lloyd, &c״ &c.

Jusqu’au XIIe siècle, on n’a pas pu trouver d’exemple où le métropolite britannique ait reçu le voile de Rome.

Les deux métropolites britanniques de Londres et d’York, Theon et Tediac, s’étaient retirés de leur siège épiscopal AU Pays de Galles en 586, dix ans seulement avant l’arrivée d’Augustin.

Dans la persécution de Dioclétien l’Église britannique a fourni la liste remarquable suivante de martyrs indigènes : — Amphibalus, évêque de Llandaff ; Albe de Verulam ; Aaron et Julius, prêtres de Caerleon ; Socrate, archevêque d’York ; Stephen, archevêque de Londres ; Augulius, son successeur ; Nicholas, évêque de Penrhyn (Glasgow) ; Melior, évêque de Carlisle, et plus de 10 000 communiants de différentes classes de la société.

Ses institutions religieuses étaient d’une immense ampleur. Guillaume de Malmesbury décrit les ruines de l’abbaye de Bangor Iscoed à son époque comme celles d’une ville, la plus vaste qu’il ait vue dans le royaume. Deux autres fondations britanniques en Angleterre ont conservé leur supériorité sur toutes les autres d’une date ultérieure, sous tous les changements de dirigeants jusqu’à la Réforme : St. Alban et Glastonbury. De tous les monastères, ceux-ci sont restés les plus populaires et les plus vénérés. 16

16Il est certain, dit Spelman (p. 18), que le peuple de cette province n’avait pas de serment aussi sacré que celui « de la vieille église » (Glastonbury), ne craignant rien tant que d’encourir la culpabilité de parjure en le prenant. L’église de Glastonbury, dès son antiquité, appelée par les Angles Ealde Churche, sentait la sainteté dès sa fondation. C’est là qu’arrivent des tribus entières des ordres inférieurs, qui se pressent sur tous les chemins. C’est là, dépouillés de leur faste, que se rassemblent les opulents. Il est devenu la résidence bondée des littéraires et des religieux. Il n’y a pas de coin de l’église où les cendres de quelque saint ne reposent pas. Le sol lui-même incrusté de pierres polies, et les côtés de l’autel, et même l’autel lui-même, au-dessus et au-dessous, sont chargés de la multitude des reliques. L’antiquité et la multitude des saints ont donné à l’endroit une telle sainteté que la nuit presque personne n’ose y veiller, ni le jour cracher par terre. Saint Patrick est enterré sur le côté droit de l’autel dans la « vieille église ». Les hommes d’Irlande le fréquentent pour embrasser les reliques. Saint David, cet homme célèbre et incomparable, y construisit et y consacra la seconde église. Il dort près de Saint-Patrick. — Guillaume de Malmesbury, b. i. c. 2. Saint Aidan a été enterré à côté de saint David.

En remontant notre chemin à partir de l’ère de Dioclétien, un consensus d’autorités fixe l’établissement national du christianisme en Grande-Bretagne vers le milieu du deuxième siècle. De L’AN 33 à l’an 150, il nous reste donc en chiffres ronds un espace de 120 ans pour la propagation de la foi et la conversion graduelle de la nation.

Tous les récits s’accordent à dire que la personne qui baptisa Lucius, ou Lleeuer Mawr, le monarque qui fonda ainsi l’Église, était son oncle, saint Timothée, fils de Pudens et de Claudia, qui fut élevé sur les genoux des apôtres.

L’enfance de Timothée nous ramène à Paul lui-même, à Claudia, à Pudens, à Linus, à Caractacus, à Bran et aux autres membres de la maison silurienne dans leur captivité à Rome.

Mais nous avons vu que Pudens et d’autres étaient chrétiens avant l’arrivée de Paul à Rome, ce qui porte les premières conversions britanniques à une date antérieure à l’an 58 DE NOTRE ÈRE.

Et c’est ainsi que nous arrivons dans les vingt-cinq ans qui suivent la crucifixion. C’est donc au cours de laquelle de ces années l’Évangile a-t-il été introduit pour la première fois en Grande-Bretagne ?

Gildas, l’historien anglais, qui florissait de 520 à 560 après J-C., dit expressément qu’elle fut introduite la dernière année du règne de Tibère César.11

11 Nous savons que le Christ, le vrai Fils, a donné sa lumière à notre île la dernière année de Tibère Césaris. — Histor. Britannique. Usher qualifie Gildas d'« auctor veracissimus ».

La crucifixion eut lieu dans la dix-septième année de Tibère. La dernière année de Tibère serait sa vingt-deuxième. Par conséquent, si nous suivons Gildas, le christianisme a été introduit en Grande-Bretagne cinq ans après la crucifixion, c’est-à-dire en l’an 38 DE NOTRE ÈRE.

Il s’agit certainement d’une période précoce, mais Gildas parle positivement : « ut scimus ». Elle coïncide avec la première persécution de l’Église par Saul de Tarse et sa dispersion générale. Ils étaient tous dispersés à l’étranger excepté les apôtres. 12 S’il y en a tous, Joseph d’Arimathie est du nombre d’entre eux. En ce qui concerne la date de Gildas comme point de départ, nous avons les témoignages suivants attribuant l’introduction du christianisme à Joseph d’Arimathie ou à peu près la même année :

1. Grégoire de Tours, dans l’Histoire des Francs13 : il florissait circiter de 544 à 595 après J-C. C’est un témoignage gaulois.

2. Le pseudo-évangile de Nicodème14, supposé être une composition du IVe siècle. C’est la tradition orientale.

3. Maelgwyn de Llandaff, oncle de saint David. Son époque est celle de l’an 450 après J-C. Ses paroles étant remarquables, nous les insérons longuement : « Joseph d’Arimathée, le noble décurion, reçut son repos éternel avec ses onze associés dans l’île d’Avàlon. Il se trouve dans l’angle sud de la ligne bifurquée de l’Oratoire de l’Adorable Vierge. Il a avec lui les deux vases blancs d’argent qui ont été remplis du sang et de la sueur du grand prophète Jésus15.

Il s’agit d’un témoignage britannique, de quelqu’un qui connaît aussi personnellement l’intérieur de l’église d’Avàlon, ou Domus Dei, et l’endroit exact à l’intérieur de celui-ci du lieu de repos de Joseph. Le plus grand poids est dû au témoignage de Maelgwyn, car aucun fait n’est mieux établi que la reconstruction de la Domus Dei sur une échelle de cathédrale par son neveu, l’archevêque saint David. 17

17Dans les deux vascula argentea alba, pleines du sang et de la sueur du Sauveur versée sur la croix et à Gethsémani, nous avons le premier noyau de la célèbre légende et une quête du Saint-Gréal. Ils donnèrent le nom de l’île de cristal à Glastonbury. Les Bretons commémorent (écrit Forcatulus) que Joseph apporta avec lui le gage et le témoignage de la sainte Eucharistie, c’est-à-dire le calice qui fut utilisé par le Sauveur, et placé devant ses très saints hôtes les apôtres, et qui est conservé par eux (les Bretons) comme gage de la sécurité de la Grande-Bretagne, comme le palladium l’était de celui de Troie. Imperio et Philos., lib. vii. p. 989. Greal en anglais est une collection d’éléments ; Sant-Greal, les éléments sacrés.

4. Le manuscrit du Vatican, cité par Baronius dans ses Annales ecclésiastiques ad annum 35 (la même année où les Actes des Apôtres déclarent que tous, à l’exception des apôtres, ont été dispersés hors de Judée). Le manuscrit rapporte que, cette année-là, Lazare, Marie-Madeleine, Marthe, sa servante Marcella, Maximin, disciple, Joseph le Décurion d’Arimathée, contre lesquels le peuple juif avait tous des raisons particulières d’inimitié, furent exposés à la mer dans un vaisseau sans voiles ni rames. Le navire dériva finalement jusqu’à Marseille, et ils furent sauvés. De Marseille, Joseph et sa compagnie passèrent en Grande-Bretagne, et après y avoir prêché l’Évangile, ils moururent.17

5. Le Chronicon du Pseudo-Dextre, les Fragmenta de Haleca, archevêque de Saragosse, Freculphus et Forcatulus,18 livrent la même déclaration à partir de sources primitives de date inconnue. Cressy, Pitsæus, Sanders, Alford, les historiens catholiques romains, sont d’accord avec Gildas cette année-là, et avec les autorités ci-dessus, pour tenir Joseph d’Arimathie pour avoir été le premier qui ait prêché le Christ en Grande-Bretagne.

18 Lib. vii, p. 989.

6. Nous possédons d’abondantes preuves que la Grande-Bretagne était parsemée d’églises chrétiennes avant la fin du deuxième siècle, et quelle que soit la direction que prennent nos recherches, nous trouvons des autorités unanimes dans l’affirmation que l’église de Joseph à Avàlon, ou Glastonbury, était la première et la plus ancienne de ces églises, beaucoup affirmant qu’elle était la plus âgée ou la plus ancienne église chrétienne du monde entier. Il sera utile de transcrire les conclusions auxquelles sont parvenus les historiens qui ont traité de ce sujet avant nous.

L’église d’Avàlon, en Grande-Bretagne, n’a pas été construite par d’autres mains que celles des disciples du Seigneur eux-mêmes.

« L’église mère des îles britanniques est l’église d’Insula Avallonia, appelée par les Saxons Glaston. » — Huissier.

״ Si l’on en croit les auteurs anciens, cette église de Glastonbury est la plus ancienne église du monde. — Plus complet.

Il est certain que la Grande-Bretagne a reçu la foi dans le premier âge des premiers semeurs de la Parole. De toutes les églises dont j’ai étudié l’origine en Grande-Bretagne, l’église de Glastonbury est la plus ancienne. — Sir Henry Spelman.

S’il y avait eu le moindre doute sur ce point de priorité, il aurait certainement été contesté par quelque autre église de notre île, car il ne s’agissait pas d’une simple question de chronologie, mais d’une question qui entraînait avec elle d’énormes privilèges et avantages. Cela n’a jamais été contesté. Elle fut universellement admise : c'est sur elle que repose la longue série des chartes royales de l’église et du monastère, depuis celle du roi Arthur, neveu de son second fondateur, saint David, jusqu’à celle d’Édouard III. « La première église du royaume, bâtie par les disciples du Christ », dit la charte d’Edgar. « C’est la ville, dit la charte d’Ina, ou Ivor, qui fut la source et l’origine de la religion du Christ en Grande-Bretagne, construite par les disciples du Christ. »

Les tombes des rois, des saints, des évêques et des abbés saxons et britanniques, enterrées dans et autour de ses limites, confirment les chartes.

De la vérité générale de la mission arimathienne, il y a eu de nombreux partisans. Aucun auteur, en effet, qui a pris la peine d’en examiner les preuves, n’en rejette les faits essentiels. « Nous n’osons pas nier, écrit le caustique Fuller, la substance de l’histoire. » L’évêque Godwin, dans son style pittoresque, écrit : « Les témoignages de la venue de Joseph d’Arimathie sont si nombreux, si clairs et si prégnants, qu’un homme indifférent ne peut s’empêcher de discerner qu’il y a quelque chose là-dedans.19 » L’archevêque Usher la défend avec son érudition habituelle et avec une véhémence inhabituelle, comme si l’honneur de la Grande-Bretagne ecclésiastique reposait sur sa vérité. Le lecteur se fera son propre jugement.

19 Godwin, Catalogue des évêques, Præsul., p. 11.

Pour notre part, nous avons mis de côté les addenda et les crescenda, les légendes, les poèmes, les merveilles qui, après les siècles, moines, troubadours et historiens, se sont empilés haut et magnifiquement sur la fondation originelle. Ce fondement, en effet, devait avoir à l’origine une force, une profondeur et une solidité considérables pour supporter l’immense superstructure que la superstition et la littérature du moyen âge s’imitaient l’une l’autre en s’élevant au-dessus du simple tombeau du sénateur arimathéen dans l’île d’Avalon. Cette superstition était en pleine ascension à l’époque d’Augustin, en l’an 600 DE NOTRE ÈRE. « Dans les confins occidentaux de la Grande-Bretagne, écrit-il au pape, il y a une certaine île royale de grande étendue, entourée d’eau, abondant en toutes les beautés de la nature et les choses nécessaires à la vie. Les premiers néophytes de la loi catholique, Dieu les ayant préalablement connus, y trouvèrent une Église bâtie par aucun art humain, mais par les mains du Christ lui-même, pour le salut de son peuple. Le Tout-Puissant l’a manifesté par de nombreux miracles et visites mystérieuses qu’il continue à veiller sur elle comme sacrée pour lui-même et pour Marie, la mère de Dieu. 20 Le même édifice d’inventions a été bâti à toutes les époques, plus ou moins, sur le christianisme lui-même, mais nous ne nous opposons pas pour autant aux faits primitifs du christianisme. Sans entrer dans les détails, les caractéristiques cardinales de la première mission du christianisme en Grande-Bretagne, ou mission arimathienne, ont, à notre avis, droit à une acceptation et à un enregistrement historiques.

20 Epistolæ ad Gregorium Papam.

Nous considérons que ces traits cardinaux sont les suivants : Joseph et sa compagnie, comprenant Lazare, Marie, Marthe, Marcella et Maximin, vinrent à l’invitation de certains druides de haut rang,21 de Marseille en Grande-Bretagne vers 38, 39 après J-C., et étaient situés à Ynys Avalon, siège d’un cor druidique, qui leur fut ensuite donné gratuitement par Arviragus. C’est là qu’ils construisirent la première église, qui devint le centre et la mère du christianisme en Grande-Bretagne. C’est là aussi qu’ils terminèrent leur carrière mortelle, le caractère doux et conciliant de Joseph assurant la protection de la famille régnante et la conversion d’un grand nombre de ses membres. Joseph mourut et fut enterré en 76 après J-C.

L’église mesurait 60 pieds de long sur 26 de large, construite avec des piliers en bois et une charpente doublement acaciée à l’intérieur et à l’extérieur, et couverte de chaume avec de la paille.22 Cette simplicité pourrait avoir été l’effet d’une nécessité ou d’un dessein. La foi druidique exigeait trois éléments essentiels dans chaque temple : 1. Il doit être circulaire ; 2. Hyphré, ou sans toit au sommet, et ouvert sur les côtés ; 3. Ses matériaux doivent être des monolithes, de vastes pierres simples non taillées, non touchées par le métal. L’église d’Arimathæ s’élevait en antagonisme direct, quoiqu’humble, avec l’ancienne architecture cyclopéenne : elle était oblongue, elle était en bois, elle était couverte d’un toit et couverte. L’esprit druidique ne pouvait, sans un effort considérable, relier un tel bâtiment aux idées de religion et de culte. Il ne portait avec lui aucune image, aucun symbolisme de Dieu, de l’Infini et du Sans-Ténèbres. Le Breton qui se rendait à l’un des grands cors, Amesbury ou Stonehenge, avec leurs kilomètres d’obélisques, souriait avec pitié à l’ecclesia ou, comme il traduisait ce nouveau mot de l’Orient , aux eglwys du Wyr Israël (hommes d’Israël). Mais la religion druidique ne connaissait pas d’avortements aussi monstrueux que l’intolérance et la persécution. Il n’y a aucun exemple de persécution de la conscience ou de la connaissance par le druidisme. Un tel crime a été laissé à Rome, pour une religion d’importation étrangère. Jetant les yeux autour du cercle de l’horizon, puis vers le vaste dôme ouvert du ciel, le Britannique vit l’anneau extérieur, pour ainsi dire, la circonférence de son propre cor druidique ; Il reprendrait sa marche, essayant de découvrir quelque identification possible dans la nature entre un toit en pente oblongue et le temple de l’univers.

Le tombeau de Joseph était gravé de l’épitaphe suivante, touchant par son esprit de foi, de paix et d’humilité :23

« Ad Britannos veni post Christum Sepelivi.

Docui. Quievi. »

De l’exemption perpétuelle des douze charrues de terre conférées par Arviragus à l’Église arimathienne, le Domesday Survey de 1088 fournit une curieuse confirmation. « La Domus Dei, dans le grand monastère de Glastingbury, appelée le Secret du Seigneur. Cette église de Glastingbury possède, dans sa propre villa, xii. des peaux de terre qui n’ont jamais payé d’impôts.1

1 " Domus Dei à Magno Glaston. monasterio quod secretum Domini vocatur, Ecclesia Glaston. Habet à l’IPSA Villa XII. hydas quæ nunquam geldaverunt. » — Domesday Surveyfol., p. 449.

Après 35-36 après J-C., Joseph disparaît du récit des Écritures.

Les ménologies et les martyrologes grecs et romains commémorent avec une jalousie scrupuleuse les nécrologies et les lieux de mort de tous les premiers personnages chrétiens de marque qui sont morts à l’intérieur du domaine de l’empire romain. Ils n’enregistrent nulle part celles de Joseph. Or, nous savons par Tertullien que la Grande-Bretagne était chrétienne avant d’être romaine. La Colombe a vaincu là où l’Aigle ne pouvait pas progresser. « Des régions de Grande-Bretagne qui n’ont jamais été pénétrées par les armes romaines, disent-il (192 après J-C.), ont reçu la religion du Christ. » Si cette affirmation était exacte, après que la guerre entre Rome et la Grande-Bretagne eut fait rage pendant un siècle et demi, de L’AN 43 à l’an 192 de NOTRE ÈRE – et d’un point de vue national, c’est un témoignage impartial, car Tertullien était un Africain – il est évident que la mission d’Arimathie a dû être fondée au cœur de la Grande-Bretagne indépendante. tout à fait hors du commun, donc, de l’empire romain. Et cette inférence concorde avec le reste de la preuve. Joseph mourut dans ces loca inaccessa Romanis. Sa mort n’a donc pas pu être relatée par les Églises grecques ou romaines.

On prétend que Lazare accompagnait Joseph. Le seul récit que nous possédons de lui au-delà du récit de l’Écriture 18 se trouve dans une très ancienne Triade britannique : « La Triade de Lazare, les trois conseils de Lazare : Crois en Dieu qui t’a fait ; Aime Dieu qui t’a sauvé ; Craignez Dieu qui vous jugera. 19 Il est difficile d’expliquer comment le nom et les conseils de Lazare ont pu se retrouver dans ces monuments commémoratifs typiquement britanniques, si ce n’est par sa présence et son enseignement en Grande-Bretagne.

18La tradition de l’Église de Lyon le fait retourner avec Marthe et Marie à Marseille, ville dont il devint le premier évêque, et y mourut.

19Triades de la Grande-Bretagne primitive.

Enfin, y a-t-il eu d’autres convertis éminents, en dehors de ceux de la famille silurienne, qui se sont faits à cette date très précoce en Grande-Bretagne ? Trois d’entre eux sont particulièrement mentionnés : Beatus, dont le prénom était Suétone, Mansuetus et Marcellus.

Beatus, né de parents nobles en Grande-Bretagne, y fut également converti et baptisé. Il est devenu le fondateur de l’Église helvétique. Il fixa sa mission à Underseven, sur le lac de Thoune, et disposa de tous ses biens pour racheter les prisonniers de guerre. Sa mort survint dans la cellule encore montrée à Underseven, en l’an 9620

20Théâtre. Magn. Britan., lib. vi. p. 9.

Mansuetus, né à Hibernia, converti et baptisé en Bretagne, fut ensuite envoyé de Rome avec saint Clément, plus tard le second évêque de Rome, pour prêcher l’Évangile en Gaule. Il fonda l’Église de Lotharingie. fixant sa mission à Toul, où, après avoir étendu ses travaux à l’Illyrie, il souffrit le martyre, 110 après J-C..5

Marcellus, un noble Breton, devint évêque de Tongres, puis évêque fondateur de Trèves, le diocèse qui, pendant des siècles, exerça la principale influence dans l’Église gauloise. On lui attribue la conversion de Linus, fils de Caractacus. 21

21Marcellus Britannus, Tungrorum episcopus postea Trevirorum Archiepiscopus, etc. — Mersæus, De Archiepiscopis Trevirensium.

C’est pourquoi, avant l’incorporation de la Grande-Bretagne à l’empire romain, alors que la guerre d’invasion faisait rage, nous avons devant nous ces faits remarquables : Une Église chrétienne jeune et vigoureuse, venant directement de Jérusalem et de l’Orient, et qui n’avait jamais touché ni traversé Rome, était en pleine et fructueuse œuvre au cœur de la Grande-Bretagne indépendante, sous la protection du souverain et de la famille même qui avaient conduit la guerre contre Rome. 2. Cette Église indigène, bien que si jeune, ne limite pas ses opérations à la Grande-Bretagne. Elle se ramifie de la Grande-Bretagne au continent, et devient, par l’intermédiaire de missionnaires nés dans le pays, l’Église-mère de la Gaule, de la Lotharingie et de l’Helvétie. La Providence, pour la plupart, travaille d’une manière très silencieuse, par des moyens naturels. Rien n’était plus naturel que Joseph et ses compagnons, pour qui, en tant que chrétiens, il n’y avait ni paix ni sécurité parmi leurs compatriotes ; pour qui, en tant que chrétiens et juifs, il n’y avait aucune assurance de leur vie dans aucune province romaine, devaient chercher refuge dans le seul royaume indépendant de l’Occident, dont la religion nationale, comme la leur, était destinée à être détruite sur le continent ; car, comme nous l’avons vu, les décrets d’Auguste, de Tibère et de Claude ont fait du druidisme un crime capital.7 Rien n’est plus naturel que Guiderius et Aviragus, sur l’intercession de druides influents, reçoivent et protègent ces réfugiés et, conformément à leurs propres principes druidiques, abandonnent la religion qu’ils ont professent l’acceptation ou le rejet volontaire de leurs sujets. Tout cela, nous le répétons, était très naturel, mais nous pouvons bien affirmer que la Providence travaillait dans la roue de la nature. Si le chauffeur était la Nature, l’ingénieur était la Providence. Sous cette réflexion en cache une autre. Quelles qu’aient été les erreurs du druidisme, c’était, dans ses principales vérités, une grande religion, formant de grands caractères véridiques. Sa maxime fondamentale était : « La vérité contre le monde » ; littéralement, contre « tout être ».8

Maintenant, si nous jetons seulement un œil sur la Grande-Bretagne, sur un druide Caractacus, Arviragus ou Claudia, écoutant de leurs trônes un missionnaire chrétien, parce qu’il professait apporter et prêcher la vérité, et Christ comme la Vérité, le Chemin et la Vie ; puis jeter l’autre sur un Pilate, en lui demandant, avec la plus profonde incrédulité en toute vertu et en toute bonté : « Qu’est-ce que la vérité ? » nous verrons d’un coup d’œil que la Grande-Bretagne était préparée, et que l’empire romain n’était pas préparé, au christianisme. Les esprits des Britanniques et des Romains étaient différents. Le druidisme s’est donc dissous dans le christianisme par l’action naturelle de ses propres principes. Aucune persécution jusqu’à la dixième, sous Dioclétien, n’atteignit la Grande-Bretagne, car le christianisme était devenu nationalité. Et Dioclétien fut arrêté en deux ans, sous sa propre responsabilité, au péril de la guerre civile, par Constance. C’est alors que Constantin se leva, avec une armée britannique qui jura de réprimer à jamais la persécution du christianisme. L’indice est national, britannique.

Le missionnaire suivant après Joseph fut l’apôtre Simon Zélotès. Il n’y a guère de doute, pensons-nous, sur ce point. Un Ménologique attribue le martyre de Zélotès à Perse en Asie, mais d’autres s’accordent à dire qu’il a souffert en Grande-Bretagne. Parmi ceux-ci, la principale autorité est Dorothée, évêque de Tyr, sous les règnes de Dioclétien et de Constance (300 après J-C.). Son témoignage nous paraît décisif : — Simon Zélotès parcourut toute la Mauritanie et les régions d’Afrique, prêchant le Christ. Il a finalement été crucifié, tué et enterré en Grande-Bretagne. 9 La crucifixion était une punition romaine pour les esclaves runagates, les déserteurs et les rebelles : elle n’était pas connue des lois britanniques. Nous concluons que Simon Zélotès souffrit dans l’est de la Bretagne, peut-être, comme l’affirme la tradition, dans les environs de Caistor, sous la préfecture de Caius Decius, l’officier dont les atrocités furent la cause immédiate de la guerre de Boadicée. Deux choses frappent l’investigateur de l’histoire chrétienne primitive : la manière merveilleuse dont la semence chrétienne pousse et fructifie dans des lieux inouïs ; l’indifférence des semeurs à perpétuer leur nom et leurs travaux. Ils semblent avoir été tout à fait satisfaits et bénis en semant Christ, puis en se reposant. L’épitaphe de Joseph d’Avalon exprimerait les sentiments de tous : DocuiQuievi״ J’ai enseigné, je suis entré dans mon repos. Aussi beau que cela soit en fait et en foi, c’est très insatisfaisant dans l’histoire. En tant que chrétiens, nous en ressentons la justesse ; en tant qu’écrivains, nous consacrons davantage à cette aspiration à l’immortalité sur la terre qui inspire les auteurs grecs et latins, et nous inspire aussi à les lire. Pourtant, les effets du principe chrétien sont sans aucun doute plus grands ; car c’est le principe qui nous rencontre face à face. C’est Christ ou soi-même. Nous arrivons dans un champ : le semeur l’a enfermé, a bâti autour de lui, y a semé une semence éprouvée, l’a confié à quelques hommes partageant les mêmes idées, et il disparaît.

Il est crucifié à des milliers de kilomètres de là, ne laisse aucun souvenir de lui-même, aucun message à la postérité, aucune trace sur la géologie de l’Église. En parcourant les épîtres apostoliques, nous sommes frappés par le maximum de censure, le minimum d’approbation transmis aux Églises. Nous sommes enclins à penser qu’ils avaient peu de force ou de vitalité. Mais quand nous étendons notre enquête à tout l’empire de Rome, nous sommes presque terrifiés par les chocs souterrains avec lesquels ces églises font partout tomber en terre le temple et la tour païens. Nous essayons de calculer et de valoriser cette puissance. Nous n’y parvenons pas. Le gouvernement romain échoua également. C’est une puissance inconnue, dont la source vient d’en haut.

3. À côté de Joseph et de Simon Zélotès vint Aristobule. « Il est parfaitement certain, écrit Alford,22 qu’avant que saint Paul fût venu à Rome, Aristobule était absent en Grande-Bretagne. » Nous avons vu qu’il n’était pas à Rome quand Paul écrivit son épître. Or, Aristobule devait être fort avancé en âge, car il était le beau-père de saint Pierre. Sa femme a été le sujet du miracle rapporté par saint Matthieu. Sa fille donna à Pierre un fils et une fille. Nous avons les preuves suivantes qu’il a prêché l’Évangile et qu’il a été martyrisé en Grande-Bretagne :

22Alford’s Regia Fides, t. I, p. 83. Alford, dont le nom propre était Griffiths, et qui prit le nom d’Alford en entrant dans la Compagnie des Jésuites, est, après Baronius, le plus savant des historiens catholiques romains. Sa Regia Fides est un merveilleux monument d’érudition et de recherche.

Les martyrologes des Églises grecques : « Aristobule était l’un des soixante-dix disciples, et un disciple de l’apôtre saint Paul, avec lequel il prêcha l’Évangile au monde entier et le servit. Il a été choisi par saint Paul pour être l’évêque missionnaire en terre de Bretagne, habitée par une race très guerrière et féroce. Par eux, il fut souvent flagellé, et traîné à plusieurs reprises comme un criminel à travers leurs villes, mais il convertit beaucoup d'entre eux au christianisme. C’est là qu’il fut martyrisé, après avoir bâti des églises et ordonné des diacres et des prêtres pour l’île.11

Haleca, évêque d’Augusta, dans le même sens : « La mémoire de nombreux martyrs est célébrée par les Bretons, en particulier celle de saint Aristobule, l’un des soixante-dix disciples. »12

Dorothée, en L’AN 303 : « Aristobule, dont l’apôtre parle dans son épître aux Romains, fut fait évêque en Bretagne. »13

Adonis Martyrologia : — « Jour natal d’Aristobule, évêque de Bretagne, frère de l’apôtre saint Barnabé, par lequel il fut ordonné évêque. Il a été envoyé en Grande-Bretagne, où, après avoir prêché la vérité du Christ et formé une Église, il a reçu le martyre.14

Les Achau britanniques ou Généalogies des saints de Bretagne : « Ceux-ci vinrent de Rome en Grande-Bretagne avec Brân le Bienheureux : Arwystli Hên (Senex), Ilid, Cyndaw, hommes d’Israël ; Maw, ou Manaw, fils d’Arwystli Hên.15

Selon le génie de la langue britannique, Aristobule devient Arwystli.

Un district du Montgomeryshire, sur la Severn, perpétue par son nom (Arwystli) la scène de son martyre.

Les Bretons devaient avoir Arwystli en personne parmi eux ; ils devaient être frappés par l’âge du vénérable missionnaire, sans quoi l’épithète Senex n’aurait pas fait partie de son nom.

Il y a plusieurs points à noter ici. La première, c’est qu’Aristobule fut envoyé en Grande-Bretagne par saint Paul avant que saint Paul ne vînt lui-même à Rome, et même avant que l’épître aux Romains fût écrite, car Aristobule, quand saint Paul l’écrivit, était parti pour sa mission. La large place accordée par les historiens romains aux guerres de Bretagne témoigne de l’intérêt que leur portait tout l’empire. La Grande-Bretagne était un terme familier dans tous les foyers. C’est sur elle que toute l’attention militaire s’était concentrée depuis quelques années. Le nom d’Arviragus était alors devenu aussi célèbre que celui de son cousin Caractacus : il était dans toutes les bouches ; et Juvénal ne pouvait suggérer aucune nouvelle qui eût été accueillie par le peuple romain avec une satisfaction plus vive que celle de sa chute :

« Notre grand ennemi Arviragus, le roi britannique en "car-borne", est-il tombé de son trône de bataille ? »

Il est donc certain que saint Paul, qui voyageait partout, se mêlant à toutes sortes de sociétés, devait connaître la Grande-Bretagne et les événements qui s’y déroulaient aussi bien que n’importe quel autre citoyen romain intelligent. Il y avait tout pour attirer son regard sur elle comme un champ de travail et d’entreprise évangélique.

Mais avons-nous des preuves bibliques que saint Paul à cette époque pensait de toute l’Europe occidentale ? Sans aucun doute, nous l’avons fait. Les commentateurs et les écrivains de sa vie se réfèrent généralement à sa visite en Espagne telle qu’elle avait été envisagée après son premier emprisonnement à Rome. Si l’on se réfère au passage du quinzième chapitre de l’épître, on montre, au contraire, que son voyage en Espagne n’était pas seulement médité avant qu’il ne vînt à Rome, mais que c’était son but principal en quittant l’Orient, son appel à Rome étant simplement en route. « j'irai vers vous lorsque je partirai pour aller en Espagne; et j'espère que je vous verrai en passant par votre pays, et que vous me conduirez là » 16 Il parle du voyage comme d’une chose décidée, qui passe par Rome. Littéralement, dans l’original, c’est : « J’espère vous voir en passant. » C’était donc l’Occident de l’Europe, au-delà de Rome, et non Rome elle-même, qui était la marque de l’apôtre, même à cette date relativement ancienne. Tous les incidents et les retards qui se produisirent entre cette date (56 AP. J-C.) et la fin de son premier emprisonnement à Rome, furent des interruptions de son plan d’opérations primitif. Sa destination était l’extrême Occident, et c’était en accord avec le commandement du Christ : « Je t’enverrai au loin vers les Gentils. » D’après les Écritures et l’opinion que nous y avons de l’esprit de Paul, nous croyons donc en droit de conclure qu’ayant déjà envoyé Aristobule dans la Grande-Bretagne, il avait l’intention de traverser lui-même l’Espagne, et de rejoindre de là son compagnon de travail dans notre île ; car il est clair qu’Aristobule a agi aussi entièrement sous les instructions de Paul en Grande-Bretagne que Tite en Crète ou Timothée en Asie Mineure. « Il a prêché l’Évangile avec saint Paul au monde entier, et l’a servi. »17

Il semble que Bran ait quitté Rome avec Aristobule, son fils Manaw, Hid, et Cyndaw, avant Caràdoc. Il était accompagné d’Eurgain, la fille aînée de Caràdoc, et de son mari Salog. seigneur du droit de Caer Salog (Salisbury), patricien romain. Hid établit sa mission sous la protection de Brân, de son petit-fils Cyllinus (fils aîné de Caràdoc), de Salog et d’Eurgain, au centre de la Silurie, à l’endroit du Glamorganshire connu depuis cette époque jusqu’à nos jours sous le nom de Llan-Ilid. C’est à ce Llan , ou « enclos consacré », que la princesse Eurgain fonda et dota le premier cor, ou chœur, chrétien de Grande-Bretagne. C’est de là que sont sortis plusieurs des plus éminents enseignants et missionnaires du christianisme jusqu’au Xe siècle. Des saints de cette cor, de Il y a successivement des catalogues dans les « Généalogies des Saints de Bretagne ».18

Les témoignages orientaux et occidentaux s’accordent ainsi à prouver la mission aristobulienne en Grande-Bretagne sous la sanction de Bran et de sa famille. Nous complétons la chaîne avec les deux éléments suivants, tirés de sources historiques :

« Les trois souverains bénis de l’île de Bretagne : — i. Brân, fils de Llyr Llediaith, qui le premier apporta la foi du Christ au Cymry de Rome, où il avait été sept ans otage de son fils Caràdoc, que les Romains mirent en prison, après avoir été trahi par le complot, la tromperie et la séduction d’Arèddig. 2. Lleuver, ou Leirwig (Lucius), fils de Coël, fils de saint Cyllin, fils de Caràdoc, fils de Brân, fils de Llyr Llediaith, dit Lleuver le Grand, qui fonda la première église de Llandaff, et donna le premier les privilèges du pays et de la nation à tous ceux qui professaient la foi en Christ. 3. Cadwalladr le Bienheureux, qui accorda une protection dans toutes ses terres aux chrétiens qui fuyaient les Saxons païens qui voulaient les tuer.19

19 Triades de l’île de Bretagne.

« Les trois priorités du Cymry : 1. Priorité en tant que premiers colonisateurs de la Grande-Bretagne ; 2. Priorité du gouvernement et de la civilisation ; 3. Priorité en tant que premiers chrétiens de Grande-Bretagne.20

Dans un ancien recueil de proverbes britanniques, nous trouvons certains dictons transmis par Brân et les premiers chrétiens de Grande-Bretagne :

« As-tu entendu la parole de Ilid,

Le saint de la race d’Israël ?

« Pas de folie, mais finit dans la misère. »

As-tu entendu la parole du noble Brân :

Les bienheureux, à tous les renommés ?

« Il n’y a de bien que Dieu lui-même. »

As-tu entendu la parole de Caràdoc :

Le fils exalté du noble Brân ?

« L’oppression persistante à amener la mort. » "

Nous avons, à ce stade de l’enquête, deux berceaux distincts du christianisme en Grande-Bretagne : la mission de Joseph à Avàlon, et le Cor-Eurgain à Llan-Ilid dans le pays de Galles, le premier protégé par Arviragus, le second favorisé par la famille de Caràdoc, son cousin. Nous ne pouvons raisonnablement douter que des liens très intimes unissaient ces deux missions chrétiennes. Saint Barnabé, Aristobule son frère, et Joseph étaient membres de l’Église de Jérusalem – ils étaient des cent vingt qui la constituaient avant le jour de la Pentecôte – la même union spirituelle, la même amitié, la même foi, un seul cœur, un seul esprit, un seul baptême, une seule espérance, un seul Seigneur, les uniraient en Grande-Bretagne comme à Jérusalem. Les deux établissements étaient hors de Rome, tous deux parmi les États libres de la Grande-Bretagne. Au-delà de la Silurie, chez les Ordovices, la protection de Brân ne profita pas à Aristobule : Joseph venait directement de Jérusalem, et était donc considéré avec faveur ; Aristobule est venu de Rome, de la métropole de l’ennemi national, et est tombé, peut-être plutôt victime de ce fait qu’un martyr de la religion. En Silurie même, la famille royale avait de la peine à réconcilier ses sujets avec la présence d’hommes qui se rattachaient de quelque manière que ce fût, même légèrement, à Rome, tant la haine des envahisseurs était inapaisable, si facile à mal comprendre et à confondre tous les obstacles de leur ville. Toutes les ouvertures de paix faites par le gouvernement romain à cette province rebelle furent sévèrement rejetées ; la rigueur et la douceur furent également rejetées. « La race des Silures, observe Tacite, ne devait être changée ni par la clémence ni par la sévérité. »21 Même après le traité qui incorporait la Grande-Bretagne à Rome (118 après J-C.), les deux tiers de l’ensemble des forces militaires de l’île continuèrent d’être stationnées sur les frontières du Pays de Galles, à Chester et à Caeleon. La même opposition obstinée à l’étranger caractérisait la même race en Occident à la fin de l’époque saxonne. « Il est certain, écrit Kemble, que ni les Romains ni les Saxons n’ont produit d’effet digne d’être mentionné sur la race et la langue cymriques à l’ouest de la Severn. Nous voyons en effet le peu d’effet que tous les siècles ont produit depuis lors, bien qu’il n’y ait qu’un fleuve qui sépare les deux races, sur la langue britannique."22

Il fallait donc faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice, dans ces circonstances, de la protection royale. Entre-temps, cependant, le cor a continué à s’enraciner. La famille royale elle-même resta ferme dans la profession du christianisme. Cyllinus, qui exerçait les fonctions de régent en l’absence de son père Caràdoc, fit baptiser tous ses enfants. Le nombre de convertis a augmenté et de plus en plus d’enseignants sont arrivés de

Grèce et Rome. La notice suivante de saint Cyllinus est extraite des registres de famille de Jestyn ap Gwrgant, prince de Glamorgan, au XIe siècle :

« Cyllin ab Caràdog, un roi sage et juste. De son temps, beaucoup de Cymry embrassèrent la foi en Christ par l’enseignement des saints de Cor-Eurgain, et beaucoup d’hommes pieux des pays de Grèce et de Rome étaient en Cambrie. C’est le premier des Cymry qui a donné des noms aux enfants ; car auparavant, les noms n’étaient donnés qu’aux adultes, et alors de quelque chose de caractéristique dans leur corps, leur esprit ou leurs manières.23

23 Gwehelyth lestyn ap Gwrgant.

Néron avait succédé à Claude le 28 septembre de L’AN 53. Il était dans sa dix-septième année, et resta quelque temps sous l’influence de Sénèque, philosophe stoïcien de profession, mais usurier dans la pratique. Le capital de ce ministre s’élevait à quinze millions de livres sterling d’argent moderne. Il avança deux millions de cette somme aux Iceni de Grande-Bretagne pour la sécurité de leurs édifices publics. Nous doutons que Rothschild ou n’importe quel capitaliste moderne avance la moitié de la somme pour des bâtiments tels que ceux que l’on peut trouver aujourd’hui dans les anciens comtés d’Icenic. Le roi des Iceni était Prasutagus, sa reine Victoria (en anglais, Vuddig ou Boeddig - Boadicée). Tacite parle de lui comme d’un souverain dont la richesse était notoire à Rome — longâ clarus opulentiâ.

Le commerce entre la Grande-Bretagne et le continent continua d’être vigoureusement conduit. Tacite nous apprend que le grand emporium étranger était Londres, ville dont les annales anglaises ont fait remonter la fondation 270 ans avant celle de Rome, c’est-à-dire en 1020 AV. J-C.1 Plus de 80 000 citoyens romains, selon les historiens romains, périrent dans la guerre de Boadicée, dont le plus grand nombre résidait à Londres. Une garnison romaine stationnée dans le prétoire, qui s’étendait le long de la Tamise, depuis le temple de Diane, où se trouve aujourd’hui Saint-Paul, jusqu’au Bryn Gwyn, ou mont Blanc, où se trouve la Tour, protégeait leurs biens et leurs intérêts. Il était tout aussi facile pour un apôtre de trouver son chemin en Grande-Bretagne que pour n’importe lequel de ces 80 000 hommes, parmi lesquels il devait y avoir une bonne proportion de chrétiens. Le citoyen romain pouvait voyager de Babylone à Londres le long de la grande route militaire de l’empire, plus lentement il est vrai, mais avec moins d’inconvénients civils sous forme de passeports et d’arrêts, et non moins de sécurité qu’un Anglais ne peut le faire aujourd’hui. Ce n’était pas dans l’Europe médiévale, divisée entre un millier d’États et de barons indépendants en maraude, ni dans les étendues sauvages d’un nouveau monde, mais sur toute la longueur et la largeur d’un empire possédant un système de routes tracé avec une habileté d’ingénierie consommée, et restant, jusqu’à l’invention des chemins de fer, sans rivaux sur une grande échelle. que les premiers prédicateurs de l’Évangile devaient voyager. L’iter romain de Babylone les conduirait, sous la protection d’une seule loi, d’un seul gouvernement, sans frontière, à Calais. Tout l’empire était un réseau d’artères reliées entre elles, le long desquelles un voyageur pouvait se promener de n’importe où en n’importe où sous la protection ombrageuse des Aigles des Césars. Ce n’est qu’après avoir traversé la Manche que le vacarme et la terreur de la guerre assaillirent ses sens. La paix qui régnait dans toute l’Europe était si profonde, en effet, jusqu’à la brève agitation civile qui eut pour résultat de placer la famille de Vespasien sur le trône, que les annalistes romains sont forcés, faute d’événements nationaux, de remplir page après page de scandales de cour, de débauches et de cruautés personnelles des empereurs. Ces empereurs étaient des despotes créés par la démocratie contre l’oligarchie ; ils occupaient la même position que les Tudors des temps ultérieurs en Grande-Bretagne. Quand un noble élevait la tête au-dessus de ses semblables, comme Tarquin et les coquelicots, ils l’abattaient sans remords et sans scrupules. Un amoureux de l’ancien temps oligarchique, tel que Tacite, stigmatiserait à juste titre de telles exécutions comme des meurtres judiciaires, et en transmettrait les auteurs à l’exécration de la postérité. La population dans son ensemble n’a pas été affectée ; l’éclair passa au-dessus d’eux ; et, en retour, c’était le poignard de l’oligarque dans la chambre, et non le tumulte populaire, que redoutait le César. Il marchait dans les rues comme un simple citoyen sans gardes, mais il se rendait au Sénat armé. Pendant ce temps, Ostorius Scapula en Grande-Bretagne subit une défaite contre Arviragus à Caervèlin, près de Caerleon. Épuisé de corps et d’esprit par les vicissitudes harassantes de la guerre, il demanda à être rappelé. Il fut remplacé par Didius Gallus, qui fonda Cardiff, encore appelée par le Gallois Caer Dydd, « le château de Didius ». Après un court commandement, Didius céda la place à Veranius, sous lequel les armées romaines furent repoussées derrière la ligne de forteresses de Plauti, et leur quartier général fixé à Verulam. Veranius fut remplacé par Suetonius Paulinus, second Fabius Cunctator, et considéré comme le plus habile tactitien au service des Romains. 2 Il avait sous ses ordres les neuvième, quatorzième, vingtième (vicesima valens victrix) et seconde (Augusta) légions.

2 « Cunctator naturâ, nemo rei militaris callidior habe batur. » — Hist. de Tacitilib. xiv, c. 20.

L’expression de Tacite, que la Grande-Bretagne avait longtemps été le champ d’emploi des grands généraux et des armées choisies de l’empire,3 on peut facilement le comprendre en relisant simplement les noms des commandants romains qui furent successivement chargés de la conduite de la guerre : Aulus Plautius, Geta, Vespasien et Titus, Ostorius Scapula, Suetonius Paulinus, Cerealis, Julius Frontinus, Julius Agricola, Sallustius, Lucullus, sous lesquels l’île fut perdue, et les armées romaines se retirèrent une seconde fois sur le continent, EN 86 ; depuis cette époque jusqu’en 118 après J-C., nous n’avons qu’un seul nom romain dans l’histoire britannique, Neratius Marcellus. De 43 à 86 après J-C., soixante batailles rangées ont été livrées. « La série d’invasions et de conflits sanguinaires », observe Smith dans ses « Anciennes religions »4, « entre les Romains et les Bretons n’a d’équivalent à aucune époque ni dans aucun pays. » « Nous sommes en mesure de percevoir, écrit Richardson, d’après l’histoire partielle fournie par les envahisseurs eux-mêmes, que la conquête n’a jamais été plus chèrement tentée que dans le cas de la Grande-Bretagne par les Romains. Aucun peuple n’a été contesté avec plus de bravoure, à n’importe quel âge, chaque centimètre carré du pays et se rendirent avec plus d’obstination que par les pères aborigènes de cette île. Ils étaient devenus une nation très peuplée, si versée dans la tactique militaire qu’elle rencontrait les armées qui avaient porté les bannières romaines sur les parties les plus célèbres et les plus intellectuelles du monde, à des conditions si formidables, que la victoire à chaque rencontre ne valait guère mieux que la défaite. Ils avaient des lois et des institutions bien établies, se distinguaient par un ardent amour de la liberté, pour la défense duquel ils manifestaient en toute occasion le plus haut degré de valeur et de dévouement. Il est certain qu’ils révéraient les lois par lesquelles ils avaient été longtemps gouvernés, et qu’ils rendaient un profond hommage à la mémoire de leurs ancêtres : et nous ne pouvons pas moins leur accorder de crédit une énergie inébranlable contre les mercenaires et les pillards implacables du monde, contre les armes expérimentées desquels ils ont dû lutter. Il faut être un barbare lui-même pour supposer qu’une telle nation puisse être barbare. L’idée est tout simplement ridicule.5

Cette résistance ferme aux armes romaines était principalement due à la religion nationale, au druidisme, qui agissait alors à peu près de la même manière que le protestantisme sur l’esprit britannique lors de l’invasion papiste de l’Armada. Le druidisme avait été persécuté par la Rome païenne sur le continent comme le protestantisme à l’époque Tudor l’était par la Rome papale : tous deux avaient leur quartier général et leur forteresse en Grande-Bretagne, tous deux avaient des points communs admirablement adaptés au penchant et au génie indigènes de la race britannique ; les deux étaient des religions de liberté ; et tous deux étaient complètement identifiés à l’indépendance et à la grandeur britanniques. Le druide, en effet, considérait la religion mythologique romaine avec à peu près le même mélange de mépris et de haine qu’un protestant fort fait encore le système d’image et les pratiques de l’inquisition de la papauté. « Lorsque les Romains, observe Cleland, prirent pied en Grande-Bretagne, ils trouvèrent dans le druidisme un ennemi constant et implacable de leur usurpation. Ils auraient été heureux d’introduire leur religion, mais jusque-là il y avait un obstacle invincible dans l’horreur et le mépris des indigènes pour une religion formée par une corruption de leurs propres allégories ; ce qui rendait le nom de leurs dieux païens aussi familier que le dit Jules César, mais dans un sens qui les excluait de la réception dans un divin.6

6 Cleland’s Ancient Celtica, p. 13.

Le Britannique s’aperçut bientôt que le christianisme et le druidisme étaient les deux religions persécutées par Rome. Les préjugés de l’assemblée contre les premiers, parce que la mission aristobulienne venait de Rome, laissait place à de fortes prédilections en sa faveur. Une classe nombreuse de Bretons, il est vrai, se souciait aussi peu alors qu’aujourd’hui de la religion en elle-même, mais ils étaient d’ardents patriotes, et druidiques parce que patriotes ; ils étaient indifférents à ce qu’était la religion nationale, à condition qu’elle soit complètement anti-étrangère, anti-romaine, qu’elle soit tout à fait britannique. Rien n’a donc autant servi à recommander le christianisme et à l’étendre en Grande-Bretagne que sa persécution par Rome. L’oppression commune a poussé les deux religions dans les bras l’une de l’autre, et les a finalement unies dans une union si indissoluble, que nous ne pouvons plus séparer dans le christianisme britannique l’élément druidique de l’élément chrétien. Deux événements se produisirent alors qui couronnèrent la haine nationale contre les armes et la religion de Rome, et, au même degré, disposèrent le druidisme à identifier ses souffrances avec celles du christianisme : ce furent l’outrage de Boadicée et le massacre de Menaï.

Des ordres furent donnés de Rome à Suetonius Paulinus d’extirper, à tout prix, le siège principal du druidisme parmi les Cymry, ou Bretons de l’Ouest. Sénèque, qui agissait encore, à certains égards, comme conseiller de Néron, exigeait en même temps le remboursement de son prêt aux Icènes, en lui faisant payer des intérêts exorbitants. Le sénat d’Icénique s’y opposa ; Sur quoi Caïus Dèce, préfet romain de Caistor, reçut l’ordre de prendre possession de tous les temples, châteaux et palais appartenant à l’État. Ces ordres furent vigoureusement exécutés. Le roi Prasutagus, mourant au milieu de ces mesures, laissa Néron cohéritier, avec ses deux filles, des trésors qu’il avait accumulés. Sous prétexte que tout le trésor royal tombait sous la dénomination de propriété publique, Dèce se mit à le saisir. Les légionnaires prirent d’assaut le palais, firent les outrages les plus inhumains à la personne de la reine Victoria et de ses filles, et emportèrent les trésors au Castra. Non content de ces atrocités, Dèce confisqua, en violation directe du traité claudien, les domaines d’un grand nombre de blaenorion, ou noblesses d’Icenic . Les Icènes envoyèrent Vénus à Arviragus, l’adjurant le protectorat romain, et se mettant eux-mêmes et les Coraniaïdes à sa disposition. Pendant ce temps, Suétone, par des marches forcées le long de la route de Wyddelian, avait atteint les rives du Menai. De part et d’autre s’étendaient les myvyrionou collèges, et les cimetières de l’ancienne religion, dont les tumuli sont encore visibles. C’est là que reposaient, entre les remparts de Snowdon, la montagne sacrée, la Sion de Cymru et les eaux bleues de l’Atlantique inexploré, les pères de l’île britannique : des chefs dont les cendres n’avaient jamais été profanées par le piétinement d’un ennemi étranger pendant quinze cents ans ; les archidruides, dépositaires de la sagesse de l’Orient ; rois dont les noms cimbriques avaient répandu la terreur sur les continents de l’Europe et de l’Asie. À travers ces sanctuaires de tant et de si anciennes mémoires, retentissait maintenant la marche réglée des légions postales de Rome. Anglesey était alors connu sous le nom de Môn, et ecclésiastiquement, à cause du nombre de bosquets druidiques qui la recouvraient, s’étendant jusqu’à la marge du Menai, sous le nom d’Ynys Tywyll, l’île sombre. Le massacre des prêtres et des prêtresses druidiques qui s’ensuivit est décrit de manière imagée par Tacite. C’était une surprise totale. Effectuant le passage du Menai, en face de la résidence actuelle du marquis d’Anglesey (Plas Newydd), Seutonius livra les collèges à la flamme et leurs pensionnaires à l’épée, la résistance tentée par l’armée indigène sur place étant facilement vaincue. Les myvyrion furent rasés avec le sol, et pendant de nombreuses nuits et de nombreux jours, les eaux du Menai furent illuminées de l’éclat des conflagrations du luci sacré  les lieux de prédilection de la méditation et de la philosophie druidiques. Tacite s’efforce de pallier cet ignoble assassinat en masse des ministres du culte, en déclarant que les druides avaient l’habitude de sacrifier les prisonniers de guerre romains sur leurs autels. Les Romains eux-mêmes, nous le savons, après les avoir exhibés en triomphe, massacrèrent tous les rois et chefs captifs dans les cachots Tarpéiens, tandis que les soldats étaient condamnés par milliers à s’égorger les uns les autres sur l’autel public, ou dans l’arène du cirque, dans les jeux de gladiateurs – même les vestales souriant sur les holocaustes sanguinaires. L’immolation, d’autre part, des prisonniers romains par les druides, repose sur l’affirmation solitaire d’un ennemi qui, avec une indifférence aussi scandaleuse à la vérité, qualifie presque à la même page la religion chrétienne elle-même de superstition destructrice.23 La nouvelle du massacre ne fut pas plus tôt répandue dans toute la Grande-Bretagne qu’elle excita la nation à la frénésie. À partir de ce moment, la guerre devint une guerre de religion ; une croisade accompagnée de toutes les cruautés affreuses et impitoyables de part et d’autre qui ont eu dans tous les temps distingué ces hostilités.24 Les Icènes et les Coranides avaient entièrement perdu le nom de Bretons, et leur oppression seule aurait pu être considérée comme un juste châtiment, mais le massacre de Menaï fondit tous les autres sentiments en un torrent d’indignation et d’horreur universelles. Boadicée se trouva bientôt à la tête de 120 000 hommes d’armes. Les récits romains nous frappent vivement par la profonde obscurité dans laquelle leurs forces étaient plongées, par les lourdes ombres des désastres à venir. Les présages sont enregistrés. À Colchester, la statue de la Victoire, comme celle de Dagon à Joppé, tomba à la renverse et fut brisée en morceaux. Une pythonisse, agitée, comme Cassandre à la veille de la chute de Troie, avec l’esprit inextinguible de la divination, fit retentir les rues du cri : « La mort est proche. » Dans le sénat, le cri de guerre anglais, poussé par des langues invisibles, épouvanta et dispersa les conseillers. Les théâtres retentissaient des secousses et des gémissements d’un champ de bataille. Dans les eaux de la Tamise apparaissait le mirage d’une colonie romaine renversée et en ruines. Le chenal entre Douvres et Calais coulait à marée haute avec du sang. À marée descendante, les sables révélaient, en longues lignes, les empreintes de dossiers de cadavres disposés pour l’inhumation. Le massacre de Menaï avait, en effet, terrifié la conscience de ses auteurs, comme il avait excité les passions de toute la population druidique. Vers cette époque, le retour de Caràdoc en Silurie, quoique tenu par une stipulation solennelle qu’il observait fidèlement, de ne plus porter les armes contre Rome, augmenta l’agitation générale. L’armée britannique, rassemblée à Caer Llyr (Leicester) sous les ordres de Venusius, fut haranguée par Boadicée en personne. Boadicée était une proche parente de Claudia. Nous avons vu cette dernière princesse cultiver les belles-lettresouvrir son palais à Martial et aux lettrés de la capitale de l’Europe, recevoir des apôtres, établir la première Église chrétienne dans sa propre maison, unir les grâces de la religion à l’art raffiné et aux hautes réalisations personnelles. C’est la dame royale chrétienne, telle qu’on doit s’attendre à la trouver, présidant, entourée de l’élite de la société romaine, la maison d’un sénateur romain possédant de vastes possessions et de puissantes relations. Dion Cassius nous donne une image sœur de sa cousine la reine druidique, dans des circonstances très différentes au cours de la même année en Grande-Bretagne. C’est une composition grandiose et imposante, tout à fait unique dans l’histoire. La Grèce et Rome ne nous montrent rien de semblable. La Pucelle d’Orléans, dans les temps plus modernes, est la seule façon de l’aborder, mais tous les traits terribles sont supplantés par la Pucelle d’Orléans. De plus, il n’y a pas d’autre choix Nous voyons une reine, piquée à la folie par les torts qui touchent le plus près à la féminité, conduisant toute une nation au combat ; le sentiment de l’injure a changé toute sa nature en celle d’une Bellone, une déesse incarnée de la guerre, et elle ne vit que pour la vengeance. À ses yeux, chaque Romain est un monstre déjà condamné. Elle eût été moins qu’une femme pour ne pas ressentir son déshonneur, plus qu'une humaine pour ne pas avoir haleté à l'heure du châtiment. « Boadicée, écrit Dion, monta au tribunal du général ; sa stature dépassait la taille ordinaire d’une femme ; son aspect lui-même était porteur de terreur ; Son regard était calme et recueilli, mais sa voix était devenue grave et impitoyable. Ses cheveux, tombant en longues tresses d’or jusqu’aux hanches, étaient rassemblés autour de son front par une couronne d’or ; elle portait une robe de tartan qui lui allait bien près de la poitrine, mais au-dessous de la taille et qui s’élargissait en plis lâches comme une robe ; Au-dessus, il y avait une chlamyde, ou manteau militaire. Dans sa main, elle portait une lance. Elle s’est adressée aux Britanniques de la manière suivante. — Nous ne donnons que sa péroraison : —

« Je te remercie ! Je t’adore ! Je t’en appelle d’une femme à une femme, ô Andraste ! Je ne règne pas, comme Nitocris, sur les bêtes de somme, comme le sont les nations efféminées de l’Orient, ni, comme Sémiramis, sur les commerçants et les trafiquants, ni, comme l’homme-femme Néron, sur les esclaves et les eunuques – telle est la science précieuse que ces étrangers introduisent parmi nous – mais je règne sur les Bretons, peu versés dans l’art et la diplomatie, mais nés et formés au jeu de la guerre. des hommes qui, pour la cause de la liberté, mettent leur vie en jeu, la vie de leurs femmes et de leurs enfants, leurs terres et leurs biens. Reine d’une telle race, j’implore ton aide pour la liberté, pour la victoire sur des ennemis infâmes par la mollesse des torts qu’ils infligent, par leurs perversions de la justice, par leur mépris de la religion, par leur cupidité insatiable ; un peuple qui se complaît dans des plaisirs peu virils, dont les affections sont plus à redouter et à abhorrer que leur inimitié. Ne laissez jamais un étranger régner sur moi ou sur mes compatriotes : ne laissez jamais l’esclavage régner dans cette île. Sois pour toujours, ô déesse de la virilité et de la victoire, souveraine et reine en Grande-Bretagne. 9

23 Supposons que nous n’en sachions pas plus sur la dispensation juive et sur le sacerdoce lévitique que ce que nous trouvons dans les auteurs grecs et latins, il faut avouer que nous devrions rester dans l’ignorance la plus totale, ou embrasser des idées fausses très absurdes. On peut cependant ajouter que les Grecs étaient également injustes envers les Romains, car aucun écrivain grec ne daigne mentionner le nom d’aucun de leurs auteurs, ni même supposer qu’ils aient eu de la littérature.

24Dans la guerre de Boadicée, dit Tacite, on ne fit ni ne demanda de quartier de part et d’autre : « Neque enim capere aut venumdare aliudve quod belli commercium sit, » etc. xiv. c. 29—39.

9 Dion CassiusXiphilini Excerptaimprimé dans le gouvernement Monumenta Britannicaad an. 58, 59.

Colchester fut emporté lors du premier assaut de l’armée britannique. Le temple, garni par les vétérans, résista deux jours, puis connut le même sort. Petilius Cerealis, lieutenant romain, fut vaincu, avec la perte de la neuvième légion, à Coggeshall (Cocci Collis). Cerealis lui-même, avec quelques cavaliers, s’enfuit dans le camp. La ville municipale de Verulam a ensuite été prise d’assaut, éventrée et incendiée. Londres avait reçu dans ses murs une garnison romaine, sous le nom de colonie. C’est contre elle que l’armée britannique, maintenant portée à 230 000 hommes, dirigea sa vengeance. Une bataille fut livrée et perdue pour sa défense, à Ambresbury, entre Waltham et Epping. 25 Ceux des habitants qui en possédaient s’enfuirent, à l’approche de la reine d’Angleterre, à Regnum et à Rutupium. Les autres, y compris les citoyens romains et les marchands étrangers, se réfugièrent avec la garnison dans les fortifications du prétoire, qui s’étendait du temple de Diane au mont Blanc. Les remparts furent escaladés, la ville incendiée, les édifices publics et privés réduits en cendres, les murailles rasées, et plus de 40 000 habitants passés au fil de l’épée. Laissant derrière elle ce terrible exemple d’une métropole en conflagration, éteint de sang, Victoria se dirigea vers l’ouest pour intercepter Paulinus. Tacite n’enregistre que deux engagements, Dion de nombreux engagements, entre elle et les forces romaines. Son épithète britannique, Buddig, ou Vuddig (les Victoriens), implique que dans plus d’une bataille, le succès a suivi son étendard. Tacite situe la dernière bataille à la lisière de la forêt d’Epping, ce qui est une erreur flagrante. Les traditions britanniques le placent sur la route de Wyddelian, près de la ville moderne de New-market, dans le Flintshire. Les noms encore attachés aux différents sites du champ confirment cette affirmation. Voici le « Flic Paulinus », la « Colline des Flèches », la « Colline du Carnage », le « Creux du Malheur », le « Plateau de la Mêlée », le « Creux de l’Exécution », le « Champ du Tribunal », le « Creux de Pas de Quartier ». Un demi-mille plus loin se trouve un monolithe, la « Pierre de la Lamentation », et sur la route de Caerwys se trouvait autrefois – maintenant transférée à Downing – la « Pierre de la tombe de Vuddig ». En parcourant les pages de Dion, nous lisons la description d’un conflit tel que ces noms le suggèrent, une mêlée mortelle de légionnaires, d’auxiliaires, d’archers, de cavaliers, d’auriges, mêlés et se balançant dans tous les courants enivrants d’un combat long et désespéré. Vers le coucher du soleil, la fortune de la journée fut décidée en faveur des Romains. Les Bretons, repoussés sur leurs retranchements, en laissèrent un grand nombre de morts sur le champ de bataille, ou des prisonniers entre les mains de l’ennemi. Ils se préparèrent cependant à renouveler le conflit, mais dans l’intervalle, Victoria mourut, empoisonnée selon Tacite, dans le cours de la nature selon l’historien grec, qui ajoute que ses obsèques étaient célébrées avec une magnificence extraordinaire. Sa mort n’affecta guère l’esprit et les ressources des Bretons de l’ouest et du nord, qui continuèrent les hostilités avec une vigueur infatigable sous les ordres d’Arviragus, de Venusius et de Gwallog, ou Galgacus. (11) Harcelé par les mêmes inquiétudes qui avaient miné la constitution d’Ostorius Scapula, Paulinus, à l’expiration de l’année 61, résigna son commandement à Petronius Turpilianus. Ailleurs, tout l’empire romain continuait à jouir de la tranquillité, la Syrie à l’exception des troubles dont Corbulon apaisa en peu de mois les troubles. Quel que fût l’empereur qui occupât le trône, le service militaire ne manqua jamais de généraux de la plus haute capacité. La guerre durait maintenant dix-huit ans, et la province romaine était encore limitée par l’Exe et la Severn à l’ouest et le Humber au nord. Même à l’intérieur de ces lignes, ses limites fluctuaient avec le succès des revers ou des armes impériales.12

25L’emplacement du camp de Boadicée est approché par l’ancienne rue de l’Hermine par le Camlet (Champ de bataille). Sa figure est décrite dans le Colchester de Cromwell, vol. I, p. 32, comme irrégulière, contenant douze acres, entourée de douves et de hauts remparts, envahie par les chênes et les charmes.

Nous avons observé ailleurs que la résistance vaillante et victorieuse de la Grande-Bretagne aux invasions romaines était principalement due à l’esprit patriotique et aux doctrines élevées en ce qui concerne l’indestructibilité de l’âme que respirait leur religion druidique. Sénèque fut la cause indirecte de la guerre de Boadicée. Son neveu Lucain, dans le premier livre de Pharsale, attribue l’intolérance britannique de la mort à l’enseignement druidique dans les lignes fines suivantes :

Certe populi quos despicit Arctus.

Felices errore suo, quos ille timorum

Maximus baud urget, lethi pour un an. Inde ruendi

In ferrum mens prona vivis animæque capaces

Mortis et ignavum rediturae parcere vitae.”

Cicéron avait déjà noté le fait auparavant : ״ In prcelio morituri exultant Cimbri. — Tuscul. Disp., lib. ii.

12 « Non poterant Britanni sub Romana ditioni teneri », c’est l’aveu franc des Augustini Scriptores, p. 68.