NOTICE SUR LES ÉCRITS APOCRYPHES DE L'ANCIEN TESTAMENT.

Les théologiens appartenant à la communion réformée donnent le nom d’apocryphes aux portions de la Bible qui ne sont pas dans l’hébreu et qui se rencontrent seulement dans la version des Septante ; ce sont celles que l’église romaine a admises et qu’elle désigne sous le nom de deutèro-cünoniques.

Ces livres et portions de livrés que les protestants rejettent de leur canon sont :

Livres entiers : Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch et les Machabées.

Parties séparées : Esther depuis le v. h du chapitre X jusqu’au v. 24 du chap. XVI, fin de ce livre ; Da-nid, les v. 24 à 90 du chap. Ill et les chap. XIII et XIV.

Cette dénomination d’apocryphes, telle que l’emploient les réformés, produit une confusion fâcheuse, puisqu’ils la donnent, non-seulement aux deutéro-canoniques des catholiques, mais aussi aux livres regardés comme supposés par toutes les communions ; ils en font toutefois la distinction, puisqu’ils admettent fréquemment dans leurs Bibles les deutéro-canoniques, tandis qu’on n’y voit jamais figurer les livres supposés et rejetés du canon catholique.

Les deutéro-canoniques ont été réunis et commentés dans les éditions spéciales de J.-AV. Augusti (Leipzig, 1804,8°), et de H. E. Apel (ifcirf., 1836, 8°). Ils ont été l’objet d’une dissertation étendue de F.-G. Biovers, insérée dans le Journal (en allemand) de Bonner, (1835, cahier 13). On peut aussi, consulter à leur égard Eichhorn, Einleitung in die apokryphis- t cheu Schriften des alten Testaments (Leipzig, 1795, 8°), G. E. Reuss, Dissertatio polemica de libris V. T. apocryphis perperam plebi negatis quam publico (Argentorati, 1829, 4°).

Ce n’est point de ces écrits que nous nous occuperons ; nous nous en tiendrons à essayer de donner une idée des compositions entièrement supposées.

Nous ne nous arrêterons point aux écrits apocryphes dont les titres seuls nous sont parvenus. L’Évangile d'Ève dont parle saint Épiphane, les Prophéties d’Ève, les divers écrits attribués à Seth et dont parle l'Histoire des auteurs ecclésiastiques, de Dom Ceillier, (t. I, p. 467), ceux qu’on a mis sur le compte de son fils Énos, de Noé, de Sem, de Cham et de Cuïnan étaient des suppositions audacieuses ou des folies dont les sciences occultes fournissaient le sujet Leur perte ne doit exciter aucun regret.

Les Ébïonites lisaient sous le nom de Jacob un livre intitulé l'Échelle de Jacob que saint Épiphane dit avoir été rempli de rêveries. Le décret rendu par le pape Gelase réprouve un ouvrage intitulé le Testament de Jacob. Fabricius a publié cinq lettres adressées par Joseph à Pharaon et à ses conseillers, et on a attribué à ce patriarche un livre de magie intitulé : le Miroir de Joseph.

Quelques écrivains des premiers siècles citent parfois les livres d’Heldam et Modal, de Balaam, de Jamnès et Mambrès, de Marie, sœur de Moïse; ils font mention d’une Explication des noms sacrés attribuée à Phinéès, et d’un écrit de Samuel touchant les droits de la puissance royale. Tout cela a disparu, ainsi que l’Apocalypse d’Élie que connaissaient Origène et saint Jérôme.

Un prophète aussi célèbre qu’Élie avait dû attirer l'attention des faiseurs d’écrits apocryphes ; on l’avait présenté comme auteur d’une Histoire générale de tous les temps, d’une lettre au roi Joram et de trois autres ouvrages intitulés : le Grand Ordre d'Élie, le Petit Ordre d’Élie, et la Caverne d’Élie.

Nous suivrons l’ordre chronologique des personnages sous le nom desquels on a mis les écrits que nous allons passer en revue.

LIVRES ATTRIBUÉS A ADAM.

On a prétendu qu’Adam était l’auteur de quelques psaumes. Des rabbins ont voulu lui attribuer le 92ème, et d’après J. -E. Nieremberg {de Origine Sanctœ Scriptura , Lugduni, 1641), des visionnaires lui ont fait honneur de deux psaumes ou cantiques qu’il aurait composés, l’un après la création d’Ève, l’autre pour exprimer ses sentiments de pénitence après son péché; Fabricius les a insérés tout au long dans son recueil, (t. I, p. 21).

Une composition plus étendue et assez curieuse pour que nous nous y arrêtions un instant, c’est l'ouvrage connu sous le nom du Livre d'Adam ·9 il est conservé parmi une secte ou tribu qui habite aux environs du golfe Persique, et qu’on désigne sous le nom de Sabéens ou de Chrétiens de saint Jean. Il faut leur laisser la désignation de Mendaïtes qu’ils se donnent eux-mêmes et qui vient du mot de menda, science. Leur doctrine, amas confus de rêveries qu’il est peu facile d’analyser , semble avoir fait de nombreux emprunts aux gnostiques et aux cabbalistes·

La langue des Mendaïtes est un dialecte chaldaïque ou syriaque corrompu, à la connaissance duquel on ne peut espérer d’arriver qu’à l’aide d’une élude approfondie de l’hébreu des Talmudistes. L’alphabet se compose, comme les alphabets hébraïque et syriaque de 22 lettres; il a trois voyelles qui prennent place dans le corps de l’écriture, contrairement aux alphabets sémitiques.

C’est à un Suédois dévoué aux recherches sur l'Orient qu’est due la connaissance du Codex Nazaoevus, Liber Adami appelatus. M. Norberg le publia à Lund {Lundini-rGothorum}, en 1815, et il y joignit un lexique, divisé en deux parties. Le tout forme quatre volumes in-4°. Un savant illustre, auquel la littérature orientale doit en France et dans l’Europe entière ses derniers progrès et son plus vif éclat, M. Silvestre de Sacy (1), a rendu compte de cette publication importante dans trois articles du Journal

(1) Consulter, au sujet des travaux si multipliés de M. de Sacy ,]a Biographie des Hommes vivant s, t. v, p. 413, et la no· tice de M. Daunou, lue à Γ Académie des Inscriptions, séance du 10 août 1838· des Savants, juin et novembre 1819, mars 1820. Les recherches de cet infatigable érudit nous serviront de guide dans les détails que nous allons consigner ici.

Le Livre d’Adam est formé de deux parties , dont la première se compose de quarante-une pièces séparées et d’une longueur inégale; elles commencent presque toutes par cette formule : « Au nom de la Vie grande, merveilleuse, excellente... »

Une singularité assez notable des divers manuscrits du Livre d’Adam, c’est que les deux parties dont ils se composent commencent chacune à une extrémité du volume qu’il faut retourner pour passer de l’une à l'autre, disposition bizarre qu’une figure fera peut-être mieux comprendre que toutes les descriptions :

A, 1ere Partie.

B, 2e Partie.

Chacune des deux parties commence ainsi avec le premier feuillet du volume suivant le sens dans lequel on le tient, et elles se rencontrent par leur fin dans le corps du volume. La Bibliothèque du Roi possède quatre manuscrits du Livre d'Adam ou Sidra ladam. D’après Kæmpfer et autres écrivains, les Mendaïtes estiment que cet ouvrage a été envoyé de Dieu au premier homme par le ministère de l’ange Rasaël, afin qu’il y apprit, ainsi que ses descendants, à bien régler sa vie et à se rendre heureux.

Dans les deux premières pièces de la première par-lie du Livre d'Adam, il est fait mention de Noé, d’Abraham, de Moïse, de Salomon, de saint Jean-Baptiste, de Jésus-Christ, de la construction et de la ruine de Jérusalem, des chrétiens, des Manichéens et enfin de Mahomet. On trouve dans une autre, quoiqu’avec beaucoup d’altérations, la succession des rois de Perse de la dynastie des Sassanides et la conquête de la Perse par les Arabes. On y lit que les rois arabes succéderont aux rois de Perse et auront le pouvoir durant soixante-onze ans, ce qui reporte cet écrit à la fin du premier siècle de l'hégire, c’est-à-dire au huitième siècle de notre ère. Si l’on a égard à la parfaite identité des idées, de la langue et du style qui se fait remarquer dans tout le recueil, on tiendra pour démontré qu’il ne contient rien qui soit antérieur à l’époque que nous signalons.

M. Silvestre de Sacy pense que cette composition a reçu le nom de Livre d'Adam , parce qu’il y est fréquemment question de la formation d’Adam et de scs rapports avec les bons et les mauvais génies. Treize pièces, dans l’édition de Norberg, commencent par cette formule plus ou moins abrégée : « Au nom de la Vie... Que la santé, la pureté et la rémission des péchés soient accordées à moi, Adam-Zouhron , fils de Scharat ; à mon père Yahia-Bakhtiar, fils d’Anhar-Yasmin; à ma mère Scharat, fille d’Anhar; à ma femme Moudalal, fille de Scharat ; à ma seconde femme Samra, fille de Scharat; à mes enfants, Adam, Behram, Simat-Adam-Zouhron, Sam et Bayan, fils de Moudalal; à mes frères, Mehatam , fils de Scharat; Ram, fils d’Anhar , et Adam-Youhanna, fils d’Anhar-Yasmin. » Au premier abord, cette formule si souvent répétée et par laquelle commence le recueil, peut faire supposer que la désignation de Livre d'Adam vient de ce qu’Adam-Zouhron en est l'auteur ; cette hypothèse se trouve cependant détruite par le motif que ce nom d’Adam-Zouhron ne se rencontre que dans un seul des manuscrits de la Bibliothèque du Roi ; dans les trois autres, on lit des formules semblables à celle que nous avons transcrite, mais avec des noms différents, comme Behram , fils de Simat ; Ram-Bakthiar, fils de Havat, etc.

L’auteur, quel qu’il soit, du Livre d'Adam ne se présente pas comme positivement inspiré; il ne se donne nulle part le titre de prophète ou d’envoyé de Dieu ; mais il fait souvent parler les génies, il raconte des choses fort élevées au-dessus des connaissances de l’homme et de beaucoup antérieures à la création d’Adam et même à celle du monde ; on ne saurait donc douter qu’il ne se soit attribué l'inspiration divine ou qu’il n’ait du moins supposé qu’il puisait sa doctrine dans des livres révélés.

Dans les pièces qui composent la seconde partie du Livre d'Adam, c’est presque toujours le Mana, c'est-à-dire l’âme ou la substance spirituelle venue par l’ordre de la Vie suprême pour vivifier et animer le corps d’Adam, en s’unissant à la matière inerte et inanimée qui porte la parole. Cette partie présente moins de difficultés que la première, mais il faut avouer aussi qu’elle offre moins d’intérêt sous le point de vue de la doctrine et du système religieux des Mendaïtes. Elle n’est pas complète dans l’édition de Norberg, mais elle l’est dans les quatre manuscrits de la Bibliothèque royale.

De nombreuses singularités qui se rencontrent dans l'orthographe du dialecte des Mandait es en rendent la lecture et l'intelligence chose très-peu aisée. Diverses lettres sont confondues ; celles qui sont muettes dans la prononciation disparaissent des manuscrits; l’ordre des lettres radicales s’intervertit dans les mots; les lettres du même organe se substituent les unes aux autres, etc. Ces difficultés, qu’on peut appeler matérielles, sont toutefois peu de chose encore comparées à celles qui ont leur source dans les choses mêmes dont traite la plus grande partie du Livre d'Adam. C’est un sujet extrêmement obscur qui se compose tout entier d’idées fantastiques, de rêves d’une imagination en délire, d’actes et de raisonnements attribués à une infinité d’êtres d’une nature étrange et qui n’ont aucune réalité; des détails de la plus absurde cosmogonie, l'histoire enfin d’un monde imaginaire peuplé par des milliers de génies dont les noms mêmes sont autant d’énigmes presque toujours insolubles. La tâche de donner une traduction intelligible et claire d’un semblable ouvrage était des plus épineuses, et il ne faut pas s’étonner si Norberg n’y a point complètement réussi. il convient d’ailleurs, avec beaucoup de modestie, qu’il est loin d’être assuré d’avoir toujours bien restitué le texte et saisi le vrai sens. M. de Sacy lui reproche d’avoir donné une version qui souvent ne présente que des sens hasardés, des idées décousues et incohérentes , des mots latins substitués à ceux du texte et tout aussi obscurs que ceux de l’original dont l’obscurité est encore aggravée par le style pénible du traducteur.

Il nous reste à donner, d’après cette composition dont la lecture est si rebutante, une idée de la doctrine des Mandaites. Elle offre une foule d’emprunts faits aux opinions des Manichéens et des Gnostiques, et cependant ces sectaires sont ennemis déclarés du manichéisme et de toutes les écoles gnostiques.

Afin d’arriver à retracer une esquisse des opinions des Mandaïtes, M. Silvestre de Sacy s’est livré à une analyse d’une des pièces principales du premier livre d’Adam (la cinquième occupant 106 pages dans l’édition de Norberg, tom. ί,ρ. 131-237). Nous allons, d’après lui, en reproduire les traits principaux. Il faut quelque courage pour aborder l’étude de ces rêveries, mais elles occupent une place dans !״histoire de l’esprit humain.

11 existe deux principes de toutes choses ; ils sont éternels, indépendants l’un de l’autre et chacun d’eux ne doit qu’à lui-même son existence. Le premier est nommé Fira, et le second Ayar. La première production du Fira a été le Mana, le Seigneur de gloire, nommé aussi le roi de la lumière, et Youra, le Seigneur de la splendeur et de la lumière. Le Mana a produit d’autres Manas·, le Fira produisit aussi des millions de Fira et des myriades de Schekinta (ce dernier mot est chaldéen ; il signifie la majesté divine, rendue présente et habitant avec les hommes). Chacun de ces Fira de seconde classe a également produit des multitudes d’êtres. Tous se tiennent debout et louent le Mana, le Seigneur de gloire qui fait sa demeure dans l'Ayar, le Seigneur de la vie qui est dans le Jourdain, dans les eaux blanches produites par le Mana. De ce grand Jourdain ont été produits des Jourdains infinis et innombrables ; c’est lui aussi qui a produit la Vie, et de celle-ci sont venues une foule d’autres créatures. Il s’éleva parmi tous ces êtres des rebellions et des combats ; les rebelles furent vaincus et jetés a dans le séjour des ténèbres, dans la demeure » des méchants, dans le lieu où résident tous les cor-י rupteurs, dans l’espace habité par les dragons, vers י le gril du feu dévorant, vers le gril du brasier dont י les flammes s’élèvent jusqu’au firmament. » Le chef » des habitants des ténèbres, Our, lutte avec un génie céleste, envoyé du Mana, et portant, parmi beaucoup d’autres noms, celui de Manda-di-haï, la connaissance de la vie. Près de succomber, Our se hâte d’engloutir la terre, mais bientôt vaincu et lié, il est renfermé dans une tour environnée de sept murailles, munie de ,vingt-quatre tours et gardée avec le plus grand soin. Humilié, il reconnaît enfin la supériorité de l'envoyé céleste, et il sollicite son pardon. Il y a dans toutes ces rêveries un cachet poétique et sombre qui rappelle parfois l’Apocalypse et le chef-d’œuvre de Milton.

Ensuite le Manda-di-haï demande et obtient que Gabriel soit envoyé pour créer un nouveau monde à la place de celui que voulaient avoir pour leur domaine les génies rebelles. Il lui est révélé que la doctrine des sept planètes, celle des ^douze signes du zodiaque, enfin celle des cinq étoiles se succéderont dans le monde; après quoi, une nouvelle doctrine, une doctrine de vie, prendra la place de toutes les au-1res ; son fils chéri viendra qui desséchera l’abîme, formera le monde, l’éclairera, donnera la vie aux corps en les animant d’un souffle. Ces prédictions exaltent Our jusqu’à la fureur ; il s’agite dans sa prison, il ébranle les fondements de la terre. Le Manda-di-haï le frappe d’un coup de massue, lui ouvre le crâne, lui arrache des gémissements et des pleurs; puis, ayant posé à l’entrée du monde une porte et dressé un trône pour les bons, il retourne au séjour de la Vie qui le récompense par une augmentation de gloire et d’honneur.

Ici commence un nouveau récit, c’est la création du monde que nous habitons. Un génie, nommé Fétahil, un génie du sexe féminin, l'Esprit, mère d'Our, et une foule d’autres créatures fantastiques figurent dans cette étrange cosmogonie qu’il serait long et fastidieux de vouloir analyser. Ce qu’on parvient, non sans peine, à débrouiller au milieu de ces récits obscurs, c’est que l’empire de la terre et de la mer est resté aux mauvais génies ; ils sont toutefois dans la dépendance et sous les ordres des génies célestes. La durée des années sera déterminée par les douze signes, et depuis la formation d’Adam et du monde jusqu’à la fin des mondes, il y aura quatre cent quatre-vingt mille ans. Les génies rebelles font leur possible pour tromper et perdre Adam, mais le Manda-di-haï n’abandonne point le père du genre humain ; il le console au milieu des attaques que lui livrent ses ennemis, il le fortifie contre leurs attentats et contre le désordre produit par leurs malignes influences dans la nature. Il lui recommande de se garder des sept planètes et de ceux qui les adorent II lui révèle que les planètes s’étant partagé le zodiaque, ont introduit la mort dans le monde, cependant les âmes des fidèles et des justes monteront habiter le séjour de la lumière, mais celles des sept planètes et de leurs adorateurs demeureront liées et fixées à leur place jusqu’à ce qu’elles s’anéantissent. Chacun des douze signes , en prononçant une parole secrète, a produit dans le monde quelques espèces d’animaux, ou de végétaux, ou de phénomènes nuisibles et destructeurs, le tout dans l’intention de causer du dommage à la famille de la Vie, c’est-à-dire, au genre humain, mais, par la disposition du Manda-di-haï, toutes ces productions ont tourné au service et à la nourriture de la famille de la Vie.

Le récit qui occupe le commencement du tome II de l’édition de Norberg (p. 1-17) est assez singulier pour que !tous nous y arrêtions un instant. C’est la narration du voyage d’un génie qui visite tous les lieux où sont détenus les génies rebelles et leurs partisans. Il vient à la prison où sont enfermés les sectateurs du Messie ; ces âmes malheureuses font effort pour boire d’une eau à laquelle leurs lèvres ne peuvent atteindre. Elles se plaignent du sort cruel qu’elles éprouvent, tandis que, durant leur vie, elles ont revêtu ceux qui étaient nus et exercé toute sorte d’œuvres de charité. Il y a dans ce fragment des allusions manifestes à divers passages des Évangiles. Ailleurs (t 1, p. 321 ), on rencontre des traits qui rappellent les psaumes : « La Vie s’est manifestée à l'univers ; p l’éclair et la lumière de la Vie se sont levés ; la mer » l’a vu et a retourné en arrière ; le Jourdain a rétrogradé ; les montagnes ont bondi comme des cerfs et dos biches dans le désert ; les collines ont parlé » comme les filles des nuages ; les montagnes ont ou-» vert leur bouche, et chanté des hymnes de louanges, et les cèdres du Liban se sont brisés; la terre, » me voyant, a été ébranlée et a tremblé ; le roi de la » mer, à mon aspect, a retourné en arrière. Orner, » qui as-tu donc vu pour retourner ainsi en arrière? » Jourdain t qui as-tu donc vu pour rétrograder ainsi » dans ta marche? »

Jérusalem est fréquemment représentée dans le Livre d'Adam comme un séjour d’abomination et d’erreur ; sa fondation est attribuée aux sept planètes qui ont réuni leurs communs efforts pour la produire. Après avoir formé cette cité, elles y ont laissé la débauche et la corruption, et elles ont dit : « Quiconque habitera à Jérusalem, ne prononcera pas le nom de Dieu. » Il est remarquable que le récit de la destruction de Jérusalem attribue à cette catastrophe pour signe ou pour cause un aigle blanc qui vient se reposer sur cette ville ; cet aigle est sans doute l’emblème des armées romaines.

Le célibat inspire une vive horreur aux auteurs du Livre d'Adam; ils recommandent énergiquement le mariage, et d’ailleurs, dans l’idée comme dans l’expression, ils s’expriment toujours avec toute la crudité orientale. Il est enjoint aux Mandaïtes d’oindre, aux approches de la mort, leurs corps d’une huile pure; faute de quoi, leurs âmes ne pourront monter au séjour de la lumière et seront retenues en prison, jusqu’à ce qu’elles aient reçu soixante-un coups. Arrivées au signe de la lumière, lès âmes verront une multitude de vignes et boiront de la liqueur qu’elles produisent

Les Mandaïtes doivent prier trois fois par jour ; ils sont tenus de prêcher la doctrine de la Vie et de donner des vêtements aux pauvres. Ils sont astreints de se réunir dans le temple au lever du soleil le premier jour de la semaine, d’y conduire leurs femmes et leurs enfants. Ils répondent des fautes de leurs enfants jusqu’à ce que ceux-ci aient atteint l’âge de quinze ans. Les Mandaïtes justes et pieux ne demeureront pas éternellement sur la terre et ne seront point jugés comme les autres hommes ; ils ne seront point condamnés et précipités dans la grande mer de Souf (la mer Rouge), où seront jetés et où périront l'Esprit ( mère de Our), les douze signes et les sept planètes. Quant aux Mandaïtes infidèles, leurs âmes seront exclues du séjour de la lumière ; elles seront privées de tous les avantages qui leur avaient été accordés sur la terre et dont elles n’auront pas profité ; leur baptême remontera au lieu d’où il était descendu ; elles seront précipitées au plus profond des lieux ténébreux.

Nous nous sommes trop arrêtés peut-être sur les doctrines d’une secte bien restreinte et qui est menacée de s’éteindre dans la persécution et l'indigence.

M. Silvestre de Sacy qui en avait fait l’objet d’une étude patiente, ayant voulu savoir quelle était sa situation, reçut d’assez tristes détails; ils sont consignés dans une lettre de M. Raymond, vice-consul à Bassora, écrite en 1812.                  «

« Réduits au nombre de quatre à cinq mille, opprimés par les Persans et par les Turcs, les Sabéens vivent dans la misère et l'abaissement. Ils ont plusieurs scheikhs : un pour marier les filles vierges, un autre pour celles qui ne le sont pas ( le premier ne voulant pas se charger de cette cérémonie, y attachant une sorte de déshonneur), et un autre pour marier les veuves. Ils ne parlent, ni n’entendent le syriaque; la langue qu’ils employent est la langue écrite, celle de leurs livres. Ils n’ont aucune traduction de leur Sidra Adam an arabe, ni en turc, ni en persan. Il se marient entre eux et ne souffrent pas que leurs filles choisissent des époux hors de leur secte. Ils ne font plus de pèlerinage au Jourdain. Les Musulmans les maltraitent fort, dans le but de leur extorquer quelque argent »

livre d’énoch.

C’est ici le lieu de parler avec quelques détails de l’ouvrage le plus considérable qui figure au nombre des livres apocryphes de l’ancien Testament.

Le Livre d’Énoch a joui depuis une époque fort reculée d’une haute célébrité. La citation qu’en a faite l’apôtre saint Jude, dans son épître, a grandement contribué à attirer sur lui l'attention des érudits. Voici les paroles de l’apôtre. « Prophetavit autem de his septimus ab Adam Enoch, dicens : Ecce venit Dominus in sanctis millibus suis, facere judicium contra omnes , el arguere omnes impios de omnibus operibus impietatis eorum quibus impie egerunt, et de omnibus duris quæ locuti sunt contra cum pecca· toros impii, n C’est à leur égard qu’a prophétisé Énoch , le septième depuis Adam, disant : Voici le Seigneur qui va venir avec une multitude innombrable de scs saints, pour exercer son jugement sur les hommes et pour convaincre tous les impies de toutes les actions et impiétés qu’ils ont commises et de toutes les paroles injurieuses que ces pécheurs endurcis ont proférées contre lui.» Un auteur grec du vin· siècle, George Syncelle, en avait rapporté dans sa Chronogram phie un long passage ; Grabe dans son Specilegium Patrum (Oxford, 171 A), et Fabricius en avaient recueilli tous les fragments qu’ils avaient pu rencontrer, et d’après eux, Sondmarck et Rezcl avaient publié en 1769 une dissertation de libro Henochi prophetico et de prophetia Henochi, mais l’ouvrage ne fut bien connu que lorsque le célèbre voyageur Bruce en eut rapporté de l’Abyssinie trois manuscrits ; il céda l’un d’eux à la Bibliothèque du Roi, et un illustre orientaliste, M. Silvestro de Sacy, en fit usage pour une notice qu’il inséra au Magasin Encyclopédique (1800, tom. I, p. 369), elle contient une traduction latine de quelques chapitres. Bruce donna les deux autres manuscrits à la bibliothèque Bodleyenne à Oxford. En 1821,un dignitaire de l’église anglicane, professeur d’hébreu à l’université de cette ville, Richard Laurence, en publia une traduction (in-8°, xlvhi et 24/1 pages), sous le titre de Masha fa Henve Nubig·, the Book of Enoch the prophet ; l'introduction et les notes que cet érudit a jointes à sa traduction forment la partie la plus intéressante de son travail dont M. Silvestre de Sacy a rendu compte avec détail dans deux articles du Journal des Savants (septembre et octobre 1822, p. 545551, etp* 587-595).

Après avoir signalé les travaux dont le Livre d’Énoch a été !*objet, M. Laurence (1) établit que l'ouvrage retrouvé en Abyssinie dans une version éthiopienne, est le même que celui qu’a cité l’apôtre saint Jude, celui qui a été connu des écrivains ecclésiastiques de l'antiquité et dont plusieurs Pères ont invoqué le témoignage. Fabricius a indiqué une vingtaine d’auteurs différents qui en ont fait mention; on remarque parmi eux Scaliger, Grotius, Cave, et un grand nombre d'érudits allemands.

(1) Depuis cet érudit, d'autres écrivains se sont occupés du Livre dont nous parlons ; E. Murray a publié Enoch restitutus^ (Londres, 1830, 8°} ; et A. G. Hoffmann a mis au Jour à léna en 1833, une traduction allemande du Livre d'Énoch avec de très-amples commentaires. L’écrit traduit et annoté par M. Pi-chard, le Livre d'Énoch sur l’amitié, Paris, 1838, in-8°, est un recueil d’apophtegmes moraux, il n’a aucun rapport avec Tou-vrage découvert par Bruce.

La citation faite par saint Jude constate que le Livre d’Énoch a été composé avant l'ère chrétienne; d’un autre côté, il ne saurait avoir été écrit avant la captivité de Babylone; l’auteur emprunte nombre d’idées et même d’expressions au Livre de Daniel Le traducteur anglais a cherché de son mieux à déterminer, au moyen d’explications de quelques passages allégoriques et passablement obscurs, que la composition de cet écrit se rapproche du commencement de 1ère chrétienne; et qu’elle a eu lieu durant les premières années du long règne d’Hérode-le-Grand. Toutefois, ainsi que l’observe fort judicieusement M. de Sacy, il peut rester une difficulté que M. Laurence ne s’est point dissimulée. Si le livre apocryphe mis par un faussaire sous le nom d’Énoch a été écrit à une époque bien peu éloignée de notre ère, comment, un siècle plus tard, au temps de saint Jude, avait-il acquis assez d’autorité pour que cet apôtre le citât Sous le nom du prophète Énoch ? On pourrait répondre à cette question d’une façon assez simple, mais tout-à-fait conjecturale ; c’est qu’un livre apocryphe sous le nom d’Énoch pouvait exister depuis deux ou trois siècles; des passages qui semblent se rapporter à des événements plus récents y auraient été ajoutés après coup et l’ouvrage aurait continué à porter le même nom. A l’appui de cette conjecture, on est en droit de faire remarquer que cet écrit se compose de plusieurs morceaux qui n’ont point entre eux un rapport bien sensible les uns avec les autres, et afin de remédier à d’évidentes transpositions, M. Laurence a cru devoir déplacer plus d’une fois un ou deux chapitres. Pour résoudre la difficulté que nous signalons, ce savant émet la pensée que l’époque assez récente du Livre d’Enoch pouvait être inconnue aux Juifs de la Palestine, parce que ce livre y avait été apporté d’une contrée éloignée comme un monument vénérable de l’antiquité et qu’il avait été reçu comme tel. C’est encore sur un argument pris du livre lui-même qu’il établit cette supposition. Voici la traduction de ce qu’il avance à ce sujet :

Le Livre d’Énoch est divisé en sections et en chapitres; la division en chapitres a été faite assez arbitrairement et il n’y a point uniformité à cet égard entre les trois manuscrits.

La division en sections est fondée sur les divisions naturelles et intrinsèques du livre. Donnons-en une idée. La première contient six chapitres et peut se considérer comme une sorte d’introduction. C’est là que se trouve le célèbre passage cité par Saint·Jude.

La seconde et la troisième section (ch. 7-17 ), renferment l’histoire des anges qui, descendus sur la terre, ont eu commerce avec les femmes, ont donné naissance à une race de géants impies, et ont révélé aux hommes les sciences occultes (1). C’est le passage rapporté par le Syncelle. Le nom d’Énoch ne se rencontre pas une seule fois dans la deuxième section qui a l’apparence d’un récit et non d’une vision ou d’une prophétie.

(1) Celte tradition remarquable est basée sur un passage célèbre de la Genèse, chap. VI, v. 1. Nous n’avons pas ici à nous occuper de lous les efforts qu’ont tentés les commentateurs et les interprètes, ni des opinions diverses qui se sont produites à cet égard. Nous signalerons seulement une dissertation spéciale de G.-C. Horst (Zauber-Bibliotkek, tom. v, p. 1-1 AO), (Mayence, 1825). Voir aussi dom Calmet, Commentaire tur la Bible, 1724, tom. 1, p. GO, J. de La Haye, Biblia maxima, 1660, tom. i, p. 71, et les commentateurs spéciaux de la Genèse, C. Hamer, 156A ; J. Férus, 1572; Pererius, 1574; Fer-nandicus, 1623, etc.

On doit voir dans la quatrième section (ch. 17-21), une suite du récit qui l’a précédée ; la cinquième ( ch. 22-37 ), offre une série de visions ; cinq anges expliquent successivent à Énoch les choses qui passent sous ses yeux.

Avec le commencement de la sixième section (ch. 37-45), commence une suite de visions qui ne se termine qu’avec la douzième section; celle-ci, assez peu étendue, ne renferme que deux chapitres (69 et 70) ; elle a pour objet l’enlèvement d’Énoch au séjour qu’habite la divinité, et sa présentation de-vaut la majesté divine. Cette partie du livre est surchargée de répétitions ; elle commence en ces termes :

« La vision qu’il vit, la seconde vision de sagesse que vit Énoch, fils de Jared , fils de Chalaléel, fils de Ganan (Cainan), fils d’Énos, fils de Seth, fils d’Adam» C’est ici le commencement de la parole de sagesse que j’ai reçue pour la déclarer et l'enseigner à ceux qui habitent sur la terre. Écoute depuis le commencement et comprends jusqu’à la fin les saintes choses que je profère en présence du Seigneur des esprits. Ceux qui nous ont précédés, ont trouvé bon de parler ; nous donc, qui venons après eux, ne cédons point le commencement de la sagesse. Jusqu’à l’époque actuelle, personne n’a été gratifié devant le Seigneur des esprits de ce que j’ai reçu, d’une sagesse proportionnée à la capacité de mon intelligence, et au bon plaisir du Seigneur des esprits; ce que j’ai reçu en don de lui, est une portion de la vie éternelle, étant compris dans cent trois paraboles que j’ai rapportées aux habitants du monde. מ

N. Silvestre de Sacy conjecture avec raison que ce nombre de cent trois est l’effet d’une erreur de copiste et qu’il faut lire trois paraboles.

Les sections treize, quatorze et quinze contiennent un traité de la marche du soleil et de la lune, de la division du temps en années, en mois, et en jours, des vents , de la lumière du soleil et de celle de la lune , traité rempli d’absurdités et où s’étale la plus complète ignorance. Il commence en ces termes :

" Le livre des révolutions des luminaires du ciel, suivant leurs diverses classes, leurs pouvoirs respectifs, leurs périodes, leurs noms, les places où ils commencent leurs cours, enfin leurs mois respectifs, toutes choses que m’a expliquées Uriel, le saint ange qui était avec moi, lui qui est chargé de leur conduite; exposition complète de ce qui les concerne, conformément à chaque année du monde, pour toujours jusqu’à ce que soit effectué un nouvel ouvrage qui sera éternel. »

Nous ne citerons plus de cette partie du livre qu’un passage duquel il résulte que l’auteur fait l’année solaire de trois cent soixante-quatre jours invariablement et l’année lunaire de trois cent cinquante-quatre, et qu’il semble connaître des périodes de trois, de cinq et de huit ans.

«La lune ramène toutes les années exactement, en sorte que leurs stations n’avancent ni ne retardent d’un seul jour, mais que le changement d’années a lieu, avec une exacte précision, en trois cent soixante-quatre jours. En trois ans, il y a mille quatre-vingt-douze jours. Quant à la lune, elle n’a en trois ans que mille soixante-deux jours; en cinq ans, elle a cinquante jours de moins que le soleil, car en ajoutant aux mille soixante-deux jours (ceux de deux années), cela fait en cinq ans, dix-sept cent soixante-dix jours ; les jours de la lune montent, en huit ans, à deux mille huit cent trente-deux jours. Car en huit ans» elle a quatre-vingts jours de moins que le soleil, et ces quatre-vingts jours sont la quantité dont (les années de la lune ) sont diminuées en huit ans. Alors l’année devient vraiment complète, conformément à la station des lunes et à la station du soleil qui se lève dans les différentes parties (du ciel) qui s’y lève et qui s’y couche pendant trente jours. Ce sont là les conducteurs des chefs de mille, qui président à toutes les choses créées, et toutes les étoiles , avec les quatre jours qui sont ajoutés et ne quittent jamais la place qui leur est assignée, conformément à la supputation complète de l’année. Ces quatre-là sont quatre jours qui ne sont point compris dans la supputation de l’année. »

La section seize (ch. 82-8Z1) s’ouvre par ces mots : « Jusqu’ici, mon fils Mathusalé, je t’ai raconté toutes les visions que j’ai eues avant toi, maintenant je vais te rapporter une autre vision que j’ai eue antérieurement à mon mariage. » Celte vision a pour objet le déluge.

On trouvera dans la dix-septième section (ch. 85-90)» le long récit d’un autre songe qu’Énoch a eu également avant son mariage et qu’il raconte à son fils. C’est une histoire emblématique du monde jusqu’à Abraham et du peuple juif; elle commence à la naissance de Caïn et d’Abel, et se termine au règne d’Hérode-le-Grand.

La dix-huitième section formée d’un seul chapitre, renferme une exhortation d’Énoch à ses enfants. Dans la dix-neuvième et dernière, le lecteur rencontre d’abord une prédiction abrégée de tout ce qui doit arriver depuis le patriarche jusqu'à la fin du monde, et l'établissement du règne parfait de la justice ; toute la durée des temps y est divisée en semaines, ce qui est incontestablement imité de Daniel. Le déluge arrive dans la seconde semaine, l'élection d’Abraham dans la troisième ; la destruction du temple et la captivité de Babylone appartiennent à la sixième ; la destruction de toute iniquité et le règne de la justice sont les caractères de la neuvième; le jugement général, suivi de l’apparition d’un ciel nouveau , est fixé au septième jour de la dixième semaine. Il n’est pas facile de reconnaître les événements attribués par l’auteur à la septième et à la huitième semaine, ce qui toutefois serait important pour fixer l’époque à laquelle a été composé le l'ivre d’Énoch ou du moins cette portion de l’ouvrage. Transcrivons ce passage dont les expressions semblent déceler une main chrétienne :

« Après cela , dans la septième semaine, il s’élèvera une génération perverse; ses œuvres seront en grand nombre, et toutes ses œuvres seront perverses. Durant la fin de cette semaine, le juste , choisi de la plante de l’éternelle justice, sera récompensé, et il leur sera donné (aux hommes) une septuple instruction concernant toutes les parties de la création. Ensuite, il y aura une autre semaine, la huitième, semaine de justice à laquelle sera donné le glaive pour exécuter le jugement et la justice contre tous les oppresseurs. Les pécheurs seront livrés entre les mains des justes, qui, pendant la fin de cette semaine, acquerront des habitations par un effet de leur justice, et la maison du grand roi sera construite et élevée pour toujours. » Il est à croire qu’il faut voir ici les Juifs dans cette génération perverse, Jésus-Christ dans l’élu ; le glaive doit indiquer la destruction de Jérusalem, et la maison du grand roi est le symbole de l’église chrétienne.

Les chapitres 93 à 104 sont des exhortations aux justes et des menaces aux pécheurs, enfin le chap. 105 contient le récit du mariage de Lamech, fils de Mathusalé, de la naissance de Noé et des prodiges qui l’accompagnèrent. Enoch, consulté par Mathusalé , explique ces prodiges ; il prédit le déluge et la corruption du genre humain qui ne fera que s’accroître après cette catastrophe.

M. Silvestre de Sacy, prenant en considération l’antiquité du Livre d’Énoch, l’usage qu’en ont fait des écrivains respectables, l’autorité dont il a joui, les discussions auxquelles il a donné lieu, pensait que ces motifs étaient suffisants pour faire désirer une édition du texte éthiopien et pour amener le public éclairé à accueillir avec faveur une traduction complète de cet écrit qu’un petit nombre de savants de profession seuls connaissent encore.

Quant à la première partie de ce vœu, un célèbre hébraïsant d’outre-Rhin, Gésénius, et le révérend Laurence, avaient promis de publier ce texte original » mais jusqu’à présent, il n’a point vu le jour; des publications semblables s’adressent à un si petit nombre d’érudits qu’un patronage efficace est indispensable pour décider un éditeur à en courir les risques.

Ce serait chose téméraire que d’entreprendre de faire passer eu notre langue la totalité du Livre qui nous occupe , mais du moins pouvons-nous en placer ici le début.

«Paroles de bénédiction d’Énoch qui a béni les élus et les justes qui doivent supporter le jour de l’affliction, rejetant les hommes pervers et impies. Énoch, cet homme juste qui était avec Dieu, prit la parole et dit lorsque ses yeux se furent ouverts et pendant qu’il contemplait la sainte vision dans les cieux : Voici ce que les anges m’ont fait voir :

C’est d’eux que j’ai entendu toutes choses, et c’est par leur secours que j’ai compris ce que je voyais, choses qui n’arriveront point dans la génération présente, mais dans une génération qui doit arriver dans un temps éloigné, relativement aux élus.

C’est pour eux que j’ai parlé et discouru avec Celui qui sortira de sa demeure, le Dieu du monde, saint et tout-puissant.

Qui foulera aux pieds la montagne de Sinaï, qui se montrera avec ses armées et se manifestera dans la force de sa puissance céleste.

Tous trembleront et seront saisis d’effroi.

Une grande crainte saisira les hommes jusqu’aux extrémités du monde. Les montagnes les plus élevées se troubleront, et les collines s’abaisseront, fondant comme le miel exposé à la flamme. La terre sera submergée, et tout ce qui est sur elle périra et le jugement viendra sur tous les hommes.

Mais il donnera la paix aux justes, il conservera les élus et il leur montrera la clémence.

Alors tous appartiendront à Dieu; ils seront heu-veux et bénis , cl la splendeur de la tète divine les il-laminera.

Voici qu’il vient avec dix mille de ses saints pour exercer le jugement et pour rejeter les impies et pour réprouver tout ce que les pécheurs et les impies ont fait et commis contre lui.

Tous ceux qui sont dans les deux ont connu leurs œuvres.

Ils ont su que les luminaires célestes ne changent pas leurs voies, que chacun se lève et se couche en son rang, chacun à son époque déterminée, ne transgressant pas les ordres qu’ils ont reçus.

Ils voient que tout ouvrage de Dieu est immuable, se montrant à l’époque convenable. Ils regardent l’été cl l'hiver, observant que toute la terre est pleine d’eau et que les nuages, la rosée et la pluie la fécondent.

Ils voient comment les lacs et les rivières s'acquittent chacun de leurs fonctions.

Mais vous, vous ne supportez point patiemment et n’accomplissez pas les commandements du Seigneur, mais vous transgressez ses ordres, et vous foulez aux pieds sa grandeur, et il y a dans vos bouches souillées des paroles de malédiction contre sa majesté.

Vous, pervers de cœur, il n’y aura nulle paix en vous.

C’est pourquoi vous aurez vous-mêmes vos jours en exécration, et les années de vos vies périront ; des douleurs perpétuelles se multiplieront, et vous n’obtiendrez pas de grâce.

En ces jours vous échangerez, voire paix avec les malédictions éternelles de tous les justes, et les pécheurs vous exécreront perpétuellement

Les élus posséderont la lumière, la joie et la paix, et ils entreront, pour héritage, en possession de la terre.

Mais vous, impies, vous serez réprouvés.

Alors la sagesse sera donnée aux élus, qui vivront tous et qui ne retomberont pas dans le péché, cédant à !״orgueil ou à l'impiété, mais ils s’humilieront, possédant la prudence, et ils ne réitéreront pas la transgression.

Ils ne seront point condamnés pour tout le temps de leur vie, et ils ne mourront pas dans les tourments et dans l'indignation, mais la somme de leur vie s’accomplira, et ils vieilliront en paix, tandis que les années de leur félicité se multiplieront avec joie et en paix, pour l'éternité et pour toute l'existence de leur temps...

Il advint, après que les fils des hommes se furent multipliés en ces jours, qu’il leur naquit des filles d’une grande beauté.

Et lorsque les anges, les fils du ciel, les virent, ils furent pris d’amour pour elles, et ils se dirent entre eux : Allons, choisissons-nous des épouses de la race des hommes, et engendrons des enfants.

Alors leur chef Samyaza leur dit : Je crains que vous n’ayez pas le pouvoir d’accomplir ce dessein.

Et que je ne supporte seul le châtiment d’un crime aussi grave.

Mais ils lui répondirent, disant : Nous jurons tous.                  ·

Et nous nous obligeons par des serments mutuels que nous ne changerons point ce que nous proposons, mais que nous accomplirons ce que nous entreprendrons.

Et tous jurèrent et s’engagèrent par des serments mutuels.

Leur nombre était de deux cents qui descendirent sur le sommet du mont Armon.

Ce mont se nommait Armon parce qu’ils se lièrent par des serments (1).

(1) Rarmoz, en hébreu, venant de la racine Rarma, dont le sens est execrari, devovere.

Et voilà les noms des chefs : Samyaza, qui était le premier de tous, Urakabarameel, Akibeel, Tamid, Ramuel, Danel' Azkeel, Sarakuyal, Asael, Armers, Batraal, Anane, Zavebe, Samsaveel, Ertael, Turel, Jomiael, Arazial (2).

(2) Il serait facile, en parcourant les écrits des démonogra-phes, de dresser une très-longue liste des noms donnés aux es-prits infernaux. En voici quelques-uns que nous prenons au hasard : Phizareroth, Amileckar, Reymonzorackon, Amaze-rotli, Ariel, Aomodel, Barchiel, Orphaniel, Cadmuêl, Zad-kiel, etc. Ces noms, ainsi que les formules d'invocation, con-tenues dans les livres de magie, offrent un mélange d'hébreu et d'arabe corrompus, joints à des expressions qui paraissent for-mécs à plaisir, mais dont le fond se retrouve dans les idiômes de l'Orientî la langue grecque y laisse aussi sa trace. L’examen philologique de ces vocabulaires de l'autre monde pourrait conduire à quelques résultats dignes de l'attention des philolo-gués. Afin de donner à nos lecteurs une idée de cette langue factice, nous empruntons à la Magie Noire> d'Herpentil (ou-vrage imprimé au xvi® siècle), une adjuration adressée à l'un des compagnons de Lucifer ; « Megasas gclem alip Hecon ô Huram milus Helotim negiras amith Aresatos gem astas Per-musai Astor Aluchaz Hacub Salalaga Almelabde alcabel Algir mcasti Rabol Haguisi Tircbasalus megarton alasaff algir abolilback jnirastatos AKnzod raedagasi zakorip segirot Rargaslaton. »

Ils prirent des épouses avec lesquelles ils eurent commerce, leur enseignant la magie et les enchantements, et la division des racines et des arbres (1).

(1) Consulter le traité de G. Wernsdorf, Exerc. hist, crit, de commercio Angelorum cum filiabus hominum ab Judesis et Patribus Platonisantibus credito, Vitib, 1742,4°·

Et les femmes conçurent et elles enfantèrent des géants.

Lesquels avaient chacun trois-cents coudées de hauteur. Ils dévoraient tout le travail de l’homme jusqu’à ce qu’ils ne pussent se rassasier»

Alors ils se tournaient contre les hommes pour les dévorer.

Et ils commencèrent à donner la mort aux bêtes, aux reptiles, aux poissons, à se nourrir de leur chair, l’un après l’autre, et à boire le sang.

Alors la terre réprouva les injustes.

Azaziel enseigna aux hommes à fabriquer des épées, des boucliers et des cuirasses ; il leur apprit à fabriquer des miroirs, l’usage des parfums, des bracelets, des or-nements.des pierres précieuses et de toutes les couleurs.

L’impiété augmentait, l’impudicité croissait, et tous transgressaient et corrompaient leurs voies.

Amazarak enseigna tous les enchanteurs, Barkayal les observateurs des astres, Akibeel les signes et Asa-radel le mouvement de la lune.

Mais les hommes qui étaient opprimés par les géants crièrent, et leur voix monta au ciel.

Alors Michel et Gabriel, Raphaël, Suryal et Uriel, regardant du haut des deux, aperçurent la multitude du sang répandu sur la terre et toute l'iniquité qui se consommait sur elle, et ils se dirent l'un à l'autre : Voici que la voix des clameurs qu’ils ont poussées est montée jusqu'à nous.

La terre privée de ses enfants crie jusqu’à !a porte du ciel.

Et les âmes des hommes se plaignent, disant : Obtenez pour nous justice du Très-Haut Et ils disent à leur Seigneur et Roi : Tu es le Seigneur des Seigneurs, le Dieu des Dieux, le Roi des Rois. Le trône de ta gloire est dans tous les siècles, et ton nom est sanctifié et célébré dans l'éternité. Tu es béni et glorifié.

Tu as créé toutes choses ; tu as pouvoir sur toutes choses, et toutes choses sont ouvertes et dévoilées devant toi. Rien ne peut t’être caché.

Tu as vu ce qu’Azaziel a fait, comment il a enseigné tout genre d’iniquité sur la terre et révélé au monde les secrets du ciel.

La terre entière a été remplie de sang et d’iniquité, et voici que les âmes des morts crient et qu’elles se plaignent jusqu’à la porte du ciel.

Leurs murmures montent, et elles ne peuvent échapper à l'injustice qui se commet sur la terre. Tu as connu toutes choses, avant qu’elles existent.

Tu as connu ces choses et ceux qui les ont accomplies ; cependant tu ne nous as pas parlé.

Que convient-il donc que nous fassions à cause de cela?

Alors le Très-Haut, Grand et Saint parla.

Et il envoya Arsajulaljurem au fils de Lamech.

Disant : Annonce-lui en mon nom ; expose-lui la fin qui est proche ; car toute la terre périra ; les eaux du déluge la couvriront et détruiront tout ce qui est sur elle. Et enseigne-lui comment il peut se sous-traite et comment sa race doit s'étendre sur toute la terre.

Et le Seigneur dit h Raphaël : Lie les mains et les pieds d’Azaziel, et jette-le dans les ténèbres et place sur lui des pierres aigües.

Couvre le de ténèbres, voile sa face pour qu’il ne voie pas la lumière.

Et au grand jour du jugement ordonne qu’il soit jeté dans le feu.

Restaure la terre que les anges ont corrompue, et annonce-lui la vie, parce que je veux la vivifier de nouveau.

Tous les fils des hommes ne périront pas ; la terre a été corrompue par la doctrine d’Azaziel ; charge-le de tout le crime.

Le Seigneur dit à Gabriel : Va vers les méchants, les réprouvés et les fils de la fornication, et excite-les les uns contre les autres. Fais qu’ils périssent, se tuant mutuellement, car la durée des jours ne sera pas pour eux.

Le Seigneur dit à Michel : Va et annonce à Samyaza et à ceux qui sont avec lui, quel est leur crime, car ils se sont unis aux femmes et se sont souillés de leur impureté. Et quand tous leurs fils auront péri et qu’ils auront vu la perte de ceux qu’ils aiment, enchaîne sur la terre les esprits coupables jusqu’au jour du jugement et de la destruction , jusqu’au jugement qui amènera la consommation de toutes choses.

Alors ils seront Jetés au fond de l’abîme de feu , et ils seront enfermés pour l’éternité.

Fais périr tout oppresseur sur la face de la terre et quiconque fait le mal.

La plante de la justice et de la droiture apparaîtra ; elle fleurira dans l’éternité avec allégresse.

Et alors tous les saints rendront grâce et vivront jusqu’à ce qu’ils aient eu mille fils, et tout le temps de leur jeunesse s’accomplira en paix. Et, en ces jours, toute terre sera cultivée dans la justice ; elle sera toute plantée et comblée de bénédiction.

Elle sera plantée de vignes, et les vignes donneront du fruit à satiété ; toute graine qui sera semée, donnera mille mesures pour une, et une mesure d’olives donnera dix fois de l’huile.

Purge la terre de toute oppression, de toute injustice, de tout crime, de toute impiété et de toute impureté.

Alors tous les fils des hommes seront justes, et toutes les nations me rendront les honneurs divins ; toutes me béniront et m’adoreront.

La terre sera purgée de tout crime, de toute peine et de toute douleur , et je n’y enverrai plus de déluge.

En ces jours, j’enverrai les trésors de bénédiction qui sont dans le ciel, et je les ferai descendre sur la terre sur tous les ouvrages et travaux des hommes.

La paix et l’équité s’associeront avec les fils des hommes durant toute leur génération et pendant tous les jours du monde. »

Quelques mots encore sur divers passages du Livre d’Énoch et nous avons fini.

Au chapitre 57, il est fait mention des deux animaux gigantesques qui seront distribués aux élus pour leur servir de nourriture; l’un est mâle, c’est le Behémoth, il a pour séjour un désert inaccessible; l’autre est une femelle, le Léviathan; il habite dans les abîmes de la mer. L'apparition dans le livre d’Énoch de ces deux monstres sur lesquels les rabbins ont débité tant de fables (1) est une circonstance notable.

(1) Voir, au sujet de ces merveilleux animaux, Bochart, Ilierozoicon, liv* I, ch· VII. Quelques rabbins donnent au Léviathan une longueur de cinq cents stades ; ce sont les plus modestes. Bochart ajoute : « In tractatu Talmudico Bava Bu-thra, fol. 73, navis quædam in dorso ceti navigans iter ab una pinna ad alleram tertio die confecit. Taceo nugas de cetorum uno castrato, altero occiso et sale condito in adventum Messiæ quem talibus epulis, lauto convivio, suos excepturum sperant* י Des fables semblables avalent cours chez les Grecs; Athénée mentionne (liv. VIH), un poisson plus grand que Pile de Crète et destiné également à quelque banquet fantastique.

Le chapitre 68 renferme, ainsi que le fait remarquer M. Silvestre de Sacy, des détails curieux sur les secrets que les anges prévaricateurs ont enseignés aux hommes.

« L’un d’eux, Gadrel, est Celui qui séduisit Ève et qui révéla aux file des hommes les moyens de donner la mort, leur enseignant l'usage de l’épée, de la cuirasse et de tout instrument meurtrier.

» L’ange Penemue révéla aux fils des hommes l’amertume et la douceur.

- Il leur ouvrit tout le secret de la sagesse, il leur enseigna l’écriture et l’usage de l’encre et du papier.

» Aussi ceux qui depuis le commencement du monde jusqu’à ce jour ont erré , se sont multipliés.

» Car les hommes ne sont pas nés pour établir leur foi par l’emploi de l’encre et du papier, mais ils ont été créés pour demeurer justes et purs à !*exemple des anges.

» Kasyade enseigna aux fils des hommes toutes les sciences perverses des esprits et des démons; les secrets réprouvés pour faire périr les enfants dans le sein de leurs mères et pour livrer les hommes à la morsure des serpents. »

Les idées cosmographiques qu’émet l’auteur du Livre d'Énoch mériteraient peut-être, malgré leur absurdité, d’être l’objet d’une discussion, en ce qu’elles font connaître quelles furent, à cet égard, durant une longue période, les opinions répandues dans la Judée et la Syrie. Cette géographie fantastique, d’après laquelle sept fleuves immenses arrosent la terre formée de sept grandes îles qui sortent du sein de la mer, pourrait donner lieu à de curieux rapprochements. Ce système astronomique devrait être étudié comme trace des phases qu’a traversées la pensée humaine.

« Le soleil a deux noms : Orjares et Timas ; la lune en a quatre : Asonya, Ébla, Benase, Éraë. » Des anges, qu’Énoch désigne avec soin, président aux saisons, aux divisions de l’année, à la marche des étoiles.

Terminons en transcrivant le passage qui achève un écrit auquel on nous pardonnera de nous être arrêtés.

« Je conduirai vers une lumière éclatante ceux qui aiment mon saint nom, et je les placerai tous sur le trône de la gloire, et ils seront honorés pendant tous les temps qui ne connaissent point de fin, Car le jugement du Seigneur est équitable.

» Car il se montrera fidèle dans le domicile de la justice à ceux qui ont eu foi en lui. Et ils verront précipiter dans les ténèbres ceux qui sont nés dans les ténèbres. Les pécheurs pousseront des cris à cet aspect, mais les justes vivront dans la splendeur, et ce qui est écrit à leur égard s'accomplira aux jours et aux temps désignés.

« Ici se termine la vision d’Énoch le prophète. Que la bénédiction des prières et la grâce des temps prédestinés soit avec ceux qu’il aime. Ainsi soit-il ! »

 

LIVRES ATTRIBUÉS A ABRAHAM.

Il ne nous en est parvenu qu’un seul, le Sepher Iecirah. De nombreux rabbins n’ont pas hésité à l'attribuer à Abraham lui-même, et il a été imprimé plusieurs fois à Mantoue, à Prague, à Venise, à Sabionette, avec de très-amples commentaires hébraïques. Les manuscrits sont loin d’être rares, et ils présentent souvent dans le texte des variantes considérables. Sixte de Sienne et Buxtorf, remarquent que divers écrivains ont pensé, non sans quelque vraisemblance, qu’Akiba, mis à mort lors de la révolte des Juifs contre l'empereur Adrien, fut Vautour do cet écrit Guillaume Postel, cet visionnaire qui remua tant d’idées, ce penseur bizarre dont nous avons déjà parié, le publia le premier en latin à Paris, en 1552, en y joignant quelques notes. Le Sepher reparut dans la même langue à Bâle, en 1587 f étant compris dans la collection de J. Pistorius, Scriptores cabbalistici ! in-fol. >le texte hébreu vit le jour à Mautoue, en 1562, et parmi les éditions plus récentes, on peut en citer une sortie en 1642, des presses de Janson d’Amsterdam. Fabricius a réuni , pages 381-390, les témoignages de divers auteurs relatifs à cet écrit. Voulant le faire connaître par une analyse succincte, nous ne saurions mieux faire que d’insérer le jugement qu’un orientaliste éclairé émet sur son compte dans une publication récente (Dictionnaire des Sciences philosophiques, tom. III,p. 384).

« Le Sepher lecirah est une espèce de monologue « placé dans la bouche d’Abraham , et où nous apprenons comment le père des Hébreux a dû comprendre » la nature pour se convertir à la croyance du vrai Dieu. « Cette bizarre composition ne renferme que quelques pages écrites d’un style énigmatique et sentencieux comme celui des oracles ; mais sous cette obscurité étudiée et à travers le voile de l’allégorie, מ elle nous laisse apercevoir l’idée mère de la Kabbale. Elle nous montre tous les êtres , tant les esprits que les corps, tant les anges que les éléments » brute de la nature, l’unité sortant par degrés délimité » incompréhensible, qui est le commencement et la » fin de l’existence. C’est à ces degrés toujours les » mêmes , malgré la variété infinie des choses, c’est » à ces formes immuables de l’être, que le Sepher » lecirah donne le nom de Sephiroths ; elles sont au » nombre de dix. La première, c’est l’esprit du Dieu, » vivant en la sagesse éternelle, la sagesse divine identique avec le Verbe ou la parole. La seconde, c’est » le souffle qui vient de l’esprit, ou le signe matériel » de la pensée et de la parole ; en un mot, l’air dans » lequel, selon l’expression figurée du texte, ont été » gravées et sculptées les lettres de l’alphabet. La » troisième, c’est l’âme, engendrée par l’air, comme » l’air est engendré par la voix ou par la parole, l’âme » épaissie et condensée, produit la terre, l’argile, » les ténèbres et les éléments les plus grossiers de ce » monde. La quatrième des Sephiroths, c’est le feu » qui est la partie subtile et transparente de l’âme, » comme la terre en est la partie grossière et opaque. » Avec le feu, Dieu a construit le trône de sa gloire, » les roues célestes, c’est-à-dire, les globes semés » dans l’espace, les Séraphins et les anges. Avec tous » ces éléments réunis, il a construit son palais en son » temple qui n’est autre chose que l’univers. Enfin, » les quatre points cardinaux et les deux pôles nous » représentent les six dernières Sephiroths. Le monde, » selon le Sepher lecirah. n’est point séparé de son » principe, et les derniers degrés de la création for» ment un seul tout avec les premiers.....La conclusion dece livre, c’est l’unité élevée au-dessus de ט tout et regardée à la fin comme » substance et la » forme des choses ; c’est Dieu considéré comme la » source commune des lettres et des nombres dont les » uns nous représentent la nature des lettres, et les » autres leur argument, leurs combinaisons et leurs » rapports; c’est enfin le principe de l'incarnation » substitué ouvertement à celui de la création. »

D’autres ouvrages maintenant perdus ont été attribués à Abraham; on cite entre autres des traités sur la magie, sur l’astrologie et sur l’interprétation des songes, un testament rempli de fables, des prières contre les pies qui mangeaient les semences des terres des Chaldéens, un colloque avec le mauvais riche dont il est parlé dans l'Évangile. Origène fait mention d’un écrit où deux anges, l’un de justice, et l’autre d’iniquité, disputent sur la perte et le salut d’Abraham.

 

TESTAMENTS DES DOUZE PATRIARCHES.

Cette composition paraît remonter aux premiers siècles de l’ère chrétienne, elle a trouvé place dans les volumineux recueils, connus sous le nom de Bibliothèques des Pères. Ce nom de testament vient de ce que chacun des enfants de Jacob donne à l'approche de sa mort de sages préceptes, ou fait entendre des prophéties, transmettant ainsi à sa postérité un legs précieux. J. B. Grabe inséra ces écrits dans un recueil publié à Oxford en 1698; il y joignit une longue préface que Fabricius a reproduite (tom. I, p. /196-517). Il n’est pas douteux que l’auteur de cet ouvrage n’ait été un Juif converti. Origène l’a cité; nous allons essayer d’en donner une idée.

« Transcription du Testament de Ruben, ce qu’il manda à ses fils avant de mourir dans la cent-vingt-cinquième année de sa vie. Deux ans après la mort de Joseph, comme il était malade, scs enfants et les enfants de ses enfants, se réunirent pour aller le voir, et il leur dit: Mes enfants, je meurs et je vais dans la voie de nos Pères. Et voyant Judas, Gad et Asser, ses frères, il leur dit : Soulevez-moi, mes frères, pour que je dise à mes frères et à mes fils ce que j’ai de caché dans mon cœur, car mes forces m’abandonnent. Et il les embrassa, et dit en pleurant : Écoutez, mes frères et mes enfants, prêtez l’oreille aux paroles de Ruben, votre père. J’atteste aujourd’hui le Dieu du ciel, le suppliant que vous ne marchiez pas dans l’ignorance de la jeunesse et dans la fornication à laquelle je me suis livré et j’ai souillé le lit de mon père Jacob. Je vous dis que Dieu m’a frappé d’une grande plaie en mes entrailles durant sept mois, et si mon père Jacob n’avait pas prié pour moi le Seigneur, j’aurais péri. J’étais âgé de trente ans, lorsque je péchais ainsi en présence du Seigneur, et durant sept mois, j’ai été malade jusqu’à la mort, et, dans le choix de mon âme, j’ai fait pénitence pendant sept années en présence du Seigneur. Je n’ai point bu de vin, ni de bière, et il n’est point entré de chair dans ma bouche, et je n’ai goûté à aucune nourriture qui m’eût délecté , car je pleurais à cause de mon péché qui était grand.

Maintenant écoutez-moi, mes fils, afin que je vous révèle ce que, dans ma pénitence , j’ai vu des sept Esprits de l’erreur. Sept esprits ont été donnés contre l’homme par Béliar, et ils sont les chefs des œuvres 20 de la jeunesse, et sept esprits ont été donnés dans la création poor que toute œuvre de l’homme soit en eux. Le premier esprit est celui de la Vie, celui qui constitue l’existence. Le second esprit est la Vue, et c’est de lui que vient le désir. Le troisième esprit est l’Ouïe, d’où résulte l'instruction. Le quatrième esprit est l'Odorat, et c’est celui qui donne le plaisir qui accompagne l’inhalation de l’air et la respiration. Le cinquième est celui de l'Élocution, d’où résulte la connaissance. Le sixième est le Goût, qui amène l’absorption des aliments et des boissons , et qui fortifie les hommes. Le septième esprit est celui de la Génération, et c’est lui qui a amené le péché par suite de la concupiscence du plaisir et qui séduit la jeunesse, dont l’ignorance est grande ; il l’égare comme un aveugle qui tombe dans une fosse et comme une bête de somme qui se laisse choir dans un précipice. »

Le patriarche expose ensuite les opérations de ces Esprits et leur séjour dans diverses parties du corps humain ; il recommande à ses fils de ne point se laisser séduire par les femmes; il avoue le péché qu’il commit lorsqu’il trouva Balla ivre et endormie. L’ange révéla ce crime à Jacob, et Ruben n’osa ni regarder son père en face jusqu’au moment de sa mort, ni adresser la parole à aucun de ses frères. Il rappelle la tradition du Veillants (vigiles), qui ne résistèrent pas, avant le déluge, aux charmes des filles des hommes, et qui les trompèrent, en se montrant à elles sous les traits de leurs maris.

Siméon confesse qu’il avait voulu faire périr son frère Joseph, dont il était jaloux ; il recommande à ses enfants de se tenir en garde contre les Esprits d’erreur et d’envie.

Le testament de Levi roule sur le sacerdoce et sur l’orgueil ; il y est longuement question des anges et de leurs diverses fonctions(1). On remarque un passage qui a occupé divers savants. « Et l’ange m’ouvrit les portes du ciel, et je vis le Temple sainte et le Très-Haut sur le trône de la gloire. Et il me dit : a Levi, je t’ai donné les bénédictions du sacerdoce jusqu’à ce que je vienne habiter au milieu d’Israël. » Alors l’ange me conduisit sur la terre, et il me donna le bouclier et le glaive, et il me dit : « Venge dans Sichen ta sœur Dina, et je serai avec toi, car Dieu m’a envoyé. » Et j’ai tué en ce temps les fils d’Emmor, comme il est écrit dans les tables des cieux. »

(1) Le nombre des ouvrages relatifs aux anges est tel que J.-ïi.-Th. Grasse a pu remplir, de la simple énumération de leurs titres, neuf pages de sa Bibliotheca magica et 'piicuma-tica. (Leipzg, 1843). Voici Vindication de quelques-uns des principaux; nous nous garderons bien d'essayer d'en signaler ici le contenu :

Gasman, Angclographia, 1597·

Rhyzelius, Angelologia tripartita, 1722.

Engestroem, Angelologia judaica, 1737.

Ode, Comment, de Angelis, 1739.

MolineuSt de Hiérarchie, Angelica, 1646·

Cliemniüus, Distort· de Michaeli ArchtingeU cjpn diabolo certamine, 1653.

Ces tables des cieux ont été l’objet d’une dissertation spéciale de Dodwell que Fabricius a insérée tout au long dans son Codex pseudep. Ver., Test. t. I, p. 551559. Il pense que l’auteur du testament de Levi, a voulu parler de la loi mosaïque ; Richard Simon remarque dans sa Bibliothèque critique (t. II, cbap. 15), que les tables célestes où est écrit tout ce qui doit arriver dans l'univers sont une invention des gnostiques. Origène et Tertullien ont parlé d’une prière attribuée au patriarche Joseph où se trouvent ces mots mis dans la bouche de Jacob : « J’ai lu dans les tables du ciel tout ce qui vous arrivera à vous et à vos enfants. מ Guillaume Postel assure avoir vu dans le ciel écrit en lettres hébraïques tout ce qui est dans l’univers. Mais il est fort permis de regarder Postel comme un fou.

Le Testament de Judas a pour titre : Du courage, de l’avarice et de la fornication ; le patriarche y fait un long récit de ses exploits guerriers contre les habitants de la terre de Chanaan. Au sujet de son aventure avec Thamar, il cite une loi fort étrange en vigueur chez les Amorrhéens (1). En pénitence de son péché, il s’abstint jusqu’à sa vieillesse de vin et de viande ; il recommande l’humilité et il inculque l’horreur de l’ivresse.

(1) Thamar ornata sponsalibus ornamentis ad portam ci vitalis sedit. Lex enim Amorrhæorum est, nuptam præsidere in for· nicatione per septem dies juxta portam.

Issachar parle à ses enfants du danger de la gourmandise; il raconte l’histoire apocryphe d’un cadeau de mandragores changé entre Rachel et Lia. Il insiste sur les avantages du travail et sur l’importance de l'agriculture.

Les exhortations de Zabulon roulent sur la commisération et la miséricorde, vertus dont il a donné l’exemple en s’opposant au meurtre de Joseph ; celles de Dan concernent le mensonge et la colère. Nephtalim recommande à ses enfants la bienfaisance, Gad entretient les siens de la haine du péché et Aser des deux voies opposées : celle de la vertu et celle de la malice. Les récits et préceptes de Benjamin roulent sur la pureté de l’âme. Ces divers Testaments respirent une morale sage et irréprochable ; ils offrent un certain nombre de visions et de songes, cachet des écrits de ce genre.

Le patriarche Joseph était trop célèbre pour qu’on ne lui attribuât point quelques ouvrages de plus qu’à ses frères. On le fit auteur de divers écrits sur la magie et sur l’interprétation des songes, écrits qui subsistent encore parmi les manuscrits grecs que possèdent quelques vastes dépôts, et qui certainement ne trouveront jamais d’éditeur. Son Testament concerne l’affection fraternelle et la charité; c’est un écrit d’un mérite véritable, et il a attiré l'attention d’un littérateur aussi judicieux qu’instruit Nous avons déjà eu l’occasion de le citer. M. Saint-Marc Girardin a fait de l’histoire apocryphe de Joseph le sujet d’une notice qui, après avoir paru dans un journal, a trouvé place dans ses Essais de littérature et de morale (18Z!5, t. n, p. 109 — Hl ). Nous ne reproduirons point ces pages remarquables ; nous ferons ressortir seulement, d’après elles, quelques-uns des traits les plus frappants de cette autobiographie du patriarche.

« Le soir que je fus vendu par mes frères, les Ismaëlites me demandèrent qui j’étais, et moi, pour ne » pas accuser ni humilier mes frères, je répondis que » j’étais leur esclave. Alors le chef de la troupe me regarde et me dit : Tu n’étais point leur esclave, ton » visage te dément. Et il me menaça de mort si je ne » disais la vérité : J’étais leur esclave, répondis-je, et » je me tus. »

La discrétion et la vertu de Joseph frappent moins ici que la résignation avec laquelle il accepte l’esclavage. L’auteur du Testament n’a pas l’idée qu’il puisse y avoir du mérite en cette soumission. C’est un trait notable des mœurs antiques. Être réduit à l'esclavage, c’était un malheur dont nul ne devait se croire préservé.

La Genèse ne fait point un récit détaillé de la passion que la femme de Putiphar éprouva pour Joseph. Dans l’écrit apocryphe, il en est autrement. Joseph veut exhorter ses fils à la chasteté ; il raconte quelles attaques ont assailli la sienne, et combien de pièges et d’embûches lui a tendus l'Égyptienne, dont l’amour violent et agité, menace, supplie, passe brusquement d’un sentiment à on autre, et résiste à sept années entières de refus.

« Que de fois elle me menaça de la mort Puis, à » peine avait-elle ordonné de me punir, elle démentait » ses ordres, elle me rappelait auprès d’elle pour me menacer encore. Elle me disait ! Tu seras mon maître, » le maître de tous mes biens, tu seras mon seigneur » et mon roi. Mais moi je me souvenais des commandements de mes pères, et rentrant dans ma chambre, » je priais le Seigneur et je jeûnais.

» Un jour elle me dit : Tu ne veux pas m’aimer î eh « bien ! je tuerai mon mari, et alors je t’épouserai. — » Quand j’entendis ces paroles, saisi de douleur, je déchirai mes vêtements, et je dis : Femme, respecte le » Seigneur, et ne fais point cette méchante action, ne » perds pas ton âme. Si tu persistes, je dénoncerai מ ta pensée impie à tout le monde. Elle me pria en » grâce de ne point révéler sa faute, et elle s’éloigna. » Puis elle m’envoya, pour m’apaiser, des présents.

» Son mari la voyant ainsi abattue, lui dit : Pourquoi ton visage est-il désolé? Elle répondit : Je souffre du cœur, et ma respiration m’étouffe. A peine » était-il sorti qu’elle accourut à moi : Si tu ne m’aimes, dit-elle, je m’étrangle, ou je me jette dans un » puits, dans un précipice. Je la regardais, l’esprit de » Bélial la possédait. Je priai le Seigneur , et je dis à » l'Égyptienne : Pourquoi es-tu troublée et hors de toi, » tes péchés t’aveuglent. Souviens-toi que si tu te tues, » Setho, la concubine de ton mari, frappera tes enfants et détruira ta mémoire dans la maison. — Ah! » répondit-elle, tu m’aimes, puisque tu prends intérêt » à ma vie et à mes enfants. »

Voici les réflexions que suggère ce passage à M. Saint-Marc Girardin :

« Ceci me semble sublime ! vos enfants auront une » belle-mère ! Cette seule parole renverse toutes les idées » de l’amante désespérée. Voilà son cœur changé. Ses » enfants frappés par Sethol Quel discours, quelle éloquence contre le suicide ont valu ce mot-là ? Cette » femme qui venait furieuse, possédée par l’esprit » d’impureté, un mot l’a attendrie, un mot l’a guérie ; » elle se souvient qu’elle est mère , elle ne veut plus » mourir, elle se reprend à aimer la vie, elle espère » encore, elle espère même que Joseph l’aimera un jour, » et pourquoi ? c’est qu’il a pris intérêt à sa vie et à » ses enfants. Ce mélange des sentiments divers qui » l'agitent est naturel et touchant; elle est mère, à la » fois, et amante.

» L’Égyptienne était belle, c’est Joseph lui-même » qui le dit, et cela à son lit de mort, à cent-dix ans, » entouré de ses enfants, et les exhortant à la chasteté. Homère n’a fait nulle part un plus grand éloge » de la beauté d’Hélène qu’en montrant les vieillards » de Troye, ravis d’admiration quand ils la voient » passer. N’est-ce rien, pour témoigner de la beauté » de la femme de Putiphar, que ce souvenir de Joseph » mourant à cent-dix ans? »

Le Talmud parle aussi des épreuves auxquelles fut soumis Joseph ; il raconte que la femme de Putiphar lui offrit mille talents d’argent qui furent repoussés avec indignation.

Fabricius a recueilli une autre légende relative à Joseph et qui raconte son mariage avec la belle Asseneth, fille de Pétéphris, un des satrapes de Pharaon. M. Saint-Marc Girardin a donné une analyse étendue de ce récit plus gracieux et plus riche d’imagination que ne le sont en général les écrits des légendaires. C’est un petit roman chrétien qui débute comme un conte des Mille et une Nuits, par la description des richesses contenues dans une tour où résidait Asseneth. Cette tour était entourée d’une grande tour circulaire, dont les murs, fort élevés, et construits de pierres énormes, livraient passage à quatre portes en fer que gardaient constamment dix-huit jeunes hommes armés. Pétéphris, instruit de l'arrivée de Joseph, le propose pour époux à sa fille ; la fière princesse le rejette avec indignation ; die veut s'unir au fils d'un roi ; mais à peine a-t-elle aperçu celui qu’elle a dédaigné qu’elle sent son cœur se troubler ; ses genoux tremblent et elle se met à gémir. Joseph prie le Seigneur de la bénir, et Asseneth, émue de joie, de douleur, de crainte, retourne dans son appartement, elle déteste les faux dieux qu’elle a adorés et jette toutes ses idoles par une fenêtre. L’amour se mêle ainsi à la conversion religieuse ; on ne saurait démêler ce qui opère le plus dans le cœur d’Asseneth, de la grâce de Dieu ou de la beauté de Joseph ; les deux sentiments se confondent ; ils sont aussi imprévus l’un que l’autre. Joseph s’est absenté, mais un ange visite la princesse, lui ordonne de quitter les vêtements de deuil dont elle s’est revêtue, et lui donne un rayon de miel blanc comme la neige et d’une délicieuse odeur; ce miel est celui que font les abeilles du paradis avec le suc des roses du ciel; il sera donné à ceux qui auront renoncé aux idoles. L’ange disparaît ensuite, mais, au même instant, arrive Joseph ; Asseneth se hâte d’aller à sa rencontre, et, l’ayant salué, elle lui dit les paroles de l’envoyé céleste et elle lui lave les pieds. Pharaon s’empressa de consentir au mariage de son ministre favori avec la princesse. La noce dura sept jours entiers avec de grandes fêtes, et, pendant ces sept jours, personne ne travailla en Égypte; mais tout le monde s’y livra à l’allégresse (1).

(1) On lira avec plaisir, dans la Revue Indépendante ,U vin, livraisons du 10 et 25 mai 1847, un travail du docteur Perron, intitulé : Joseph, fils de Jacob, légende arabe.

 

LIVRES ATTRIBUÉS A SALOMON.

La grande célébrité do Salomon le désignait tout naturellement comme auteur d’une foule d’écrits apocryphes. Fabricius a inséré dans son recueil, d’après Eusèbe (Préparai, Evang, ) deux lettres que ce monarque aurait adressées au roi d’Égypte Va-phra, et au roi de Tyr, do Sidon , de la Phénicie, afin de leur demander des ouvriers qui travailleraient à la construction du Temple de Jérusalem. Chacun de ces souverains annonce, dans sa réponse, qu’il envoie quatre-vingt mille ouvriers. Josèphe־ raconte que le roi de Tyr adressa à Salomon des questions énigmatiques et que le fds de David résolut, d’une façon aussi profonde qu’ingénieuse, les problèmes sur lesquels son attention était appelée. On lui a attribué des livres de magie et do démonologie, des traités sur l’interprétation des songes, des ouvrages sur les vertus et propriétés des plantes et des pierres précieuses. Un prétendu testament de Salomon, rempli de niaiseries au sujet des diables et des esprits, se trouve dans les manuscrits grecs de la Bibliothèque du Roi ; Ducange l’a cité dans ses notes sur l'historien Zonaras, et Gaul-min dans les remarques qu’il a jointes au traité de Psellus (de operationibus Dœmonum), Des odes, conservées dans quelques manuscrits sous le nom de Salomon, sont évidemment l’œuvre de quelques gnostiques cl ont été composées au second et au troisième siècle de notre ère. Elles sont l’objet d’une notice de M. Champollion, dans le Magasin Encyclopédique , 1815, tome 2 , p. 383.

C’est sans doute à la réputation qu’eut Salomon d’être grand devineur d’énigmes, qu’est due l’idée mère d’une composition bizarre, fort goûtée au moyen-âge et qui se compose d’une série de questions et de sentences échangées entre le roi d’Israël et un certain Marcolphe ou Marcou, espèce de rustre» de bouffon grossier qui toutefois embarrasse souvent le monarque et en triomphe par moments. Il existe nombre d’éditions latines de cet opuscule exécutées â la fin du quinzième siècle, sous le titre de Collationes ou Dyalogus Salomonis et Mar cul fi. On en connaît aussi plusieurs éditions françaises*, l’une d’elles, in-8° de A feuillets, a été réimprimée à Paris en 1833 à quinze exemplalres seulement ; une autre est de 7 feuillets, et un exemplaire s’est payé 92 francs à la vente Nodier en 1844 (n° 570). D’au-très textes de cet opuscule se trouvent dans divers manuscrits· M. Crapelet dans scs Proverbes et dictons populaires ( Paris 1832, grand 8e) l'a publié (p. 189-200)» d’après le manuscrit de la Bibliothèque nationale en 1830 ; Méon dans son recueil de Fabliaux, (1823, t. 1, p. 426), en a publié une autre version en 136 strophes qui se font distinguer par un ton beaucoup plus libre. Les trouvères paraissent s’être donné carrière sur cet écrit; les uns lui conservent un ton grave et sévère, les autres se laissent aller à une crudité de pensées cl à une naïveté d’expressions qui choquent aujourd’hui les oreilles les moins difficiles. Ce cachet de cynisme et de satire violente contre les femmes, se rencontre surtout dans une réduction de 160 strophes fort originales et fort vives, mais dont la reproduction est impossible. Voici du moins, d’après le texte qu’a suivi M. Crapelet, quelques exemples qui feront juger de cet échange de réparties où Salomon exprime des sentences morales, des adages fort sages, tandis que Marcolfe riposte dans le même sens par des dictons populaires :

Qui saiges h0m sera

Ja trop ne parlera,

Ce dit Salomons.

Qui ja mot ne dira

Grant noise ne fera, ,

Marcol li respont.

En yver pelîçon

Mais par le grant chant, non ,

Ce dit Salomons.

Bien doit porter baston

Qui a voisin felon,

Marcol li respont.

On peut consulter d'ailleurs pour d'autres détails, l’Anate-tabiblion, par le marquis D. R. (Du Roure) 1836,1.1, p. 182 ; le Livre des Proverbes français, par M. Leroux de Lincy, 1842, t. i, p. xxxi, la Bibliographie parémiologique de M· G· Duplessis, 1847, p. 112, etc. Quant à de nombreuses éditions allemandes, flamandes ou en langues du Nord, U y a d'amples détails dans !״ouvrage de J, G. Th. Grasse, Lehrbueh einer li· terargeschichte, 1842, torn, in, p. 466· Ajoutons qu'il existe en anglo-saxon des dialogues entre Saturne et Salomon ; un sa· rant connu par de nombreux travaux, J. Kemble, se prépare depuis longtemps à publier cette production jusqu'à présent inédite, et qui offre un véritable intérêt.

 

L’ASCENSION D’ISAIE, LE PROPHÈTE.

Cet écrit a été publié, d’après un texte éthiopien, par le docteur Laurence (Oxford, 1819, in-8°), avec une traduction anglaise. Il a reparu à Gottingue en 1832, avec une préface et des notes, par les soins de J.-Ch.-L. Giescler, et Gfroërer lui a fait voir le jour pour la troisième fois en le comprenant dans ses Prophetœ veteres pseudepigraphi (Stuttgart, 18A0, p. 155), et en reproduisant à la suite du texte, partagé en onze chapitres, et occupant 23 pages, les notes de Laurence et une dissertation de ce même savant sur l’époque à laquelle fut composé ce livre et sur l’intérêt qu’il présente. Les Abyssiniens ont pour lui la plus grande estime, et ils le rangent parmi les écrits canoniques. Il offre, de même que le livre d’Énoch, une série de ces visions mystérieuses toujours si goûtées des nations de !Orient et des peuples du moyen-âge. Il suffira d’en traduire le commencement et d’analyser rapidement le surplus.

« Et il arriva, dans la vingt-sixième année du règne d’Ezéchias, roi de Judas, qu’il appela Manassé son fils unique.

Et il l’appela en présence d’Isaïe, fils d’Amos le prophète, et en présence de Josheb, fils d’Isaïe, afin de lui transmettre les paroles de justice que le roi lui-même avait méditées.

Paroles qui concernent les jugements éternels et les tourments de 1’enfer, qui est le territoire éternel, et les anges et les principautés, et les puissances de l’enfer.

Et Isaïe vit ses révélations qu’il raconta à son fils Josheb, et il dit au roi Ezéchias : <״ Aussi vrai qu’il est vivant, Dieu dont le nom n’est pas transmis au monde, et aussi vrai qu’est vivant l'Esprit qui parle par moi, tous ces préceptes et tous ces conseils seront oubliés de ton fils Manassé, et Berial habitera en lui et il livrera mon corps aux tortures. »

En entendant ces paroles, Ezéchias pleura abondamment, et il déchira ses vêtements, et il répandit de la cendre sur sa tête, et il tomba la face contre terre.

Et il résolut en son âme de faire périr son fils Manassé.

Mais Isaïe lui dit : Le Seigneur ne veut pas que ta accomplisses ton dessein, car je suis appelé pour que ma vocation s’accomplisse, et je posséderai l’héritage de mon bien-aimé.

Et il advint, après la mort d’Ezéchias, que Manassé régna. Il ne garda pas en son souvenir tes préceptes de son père, mais il les oublia et il cessa d’honorer le Dieu de son père, et il honora Satan, ses anges et ses puissances.

Et il tourna son cœur au servira de Serial.

Et l'ange d'iniquité, qui est la puissance de ce mande, est Serial, dont le nom est Matabunkus.

Et il mettait sa joie en Jérusalem à cause de Manassé, et il se plaisait à contempler l'iniquité qui s’était répandue sur Jérusalem.

Et Fart de la magie et des enchantements., des augures et de la divination, la fornication «et l'adultère, et la persécution dos Saints, «’étaient multiplies par la conduite de Manassé et de Belkira, et de Tabias le juge.

Et Isaïe, voyant l’iniquité qui prévalait à Jérusalem, s'éloigna et alla résider à Bethléem en Judée.

Mais là aussi il régnait une grande injustice, et il se retira dans les montagnes.

Et Michéa le prophète, et Ananias te vieillard, et Joel, et Habbakuk, et Josheh, son fils, et beaucoup de fidèles et de croyants se retirèrent sur les montagnes.

Tous se couvraient d’un cilice, «et tous étaient prophètes, ne possédant rien à eux, car ils étaient nus, et ils pleuraient, se livrant à l'affliction à cause de l'erreur d’Israël.

Et ils n’avaient d’autre nourriture que les ׳plantes qu’ils cueillaient sur la montagne , et ils habitèrent deux ans parmi les montagnes et les collines.

Ils allèrent ensuite dans la plaine, et il y avait un Samaritain du nom de Belkira, de la race de Zédéchias, fils de Canaan, prophète menteur dont l'halatation fut à Bethléem.

Et Belkira connut et vit le lieu de la résidence d'Isaïe, des prophètes qui étaient avec lui, car il habitait dans la région de Bethleem, et il adhéra à Manassé.

Et il annonçait des mensonges dans la ville de Jérusalem, et beaucoup d'habitants s'étaient associés à lui.

Et il arriva que Shalmanezer, roi d'Assyrie, vint, et qu'il conquit Samarie, et qu'il emmena les neuf tribus du peuple en captivité, et qu'il les conduisit dans les provinces des Mèdes et sur le grand fleuve de l'Euphrate. Ce jeune homme vint à Jérusalem du temps d'Ezéchias, roi de Judas, et il ne marcha point dans la voie de son père, le Samaritain, parce qu'il craignait Ezéchias.

Et il se trouva sous le règne d’Ezéchias qu’il proférait à Jérusalem des paroles impies.

Et un serviteur d’Ezéchias l’accusa, mais il se relira en secret dans la région de Bethléem.

Et Belkira accusa Isaïe et les prophètes qui étaient avec lui, disant : « Isaïe et ceux qui sont avec lui prophétisent contre Jérusalem et contre les villes de Judas, afin qu'elles soient saccagées, et contre Benjamin pour qu'il soit réduit en captivité, et contre toi, Seigneur roi, pour que tu sois  chargé de chaînes.

» Mais ils prophétisent faussement contre Israël et Judas.

»Et cet homme qu’on appelle Isaïe dit : J’ai vu ce qu’il n’a pas été donné au prophète Moïse de voir.

מ Moïse dit : Il n’est personne qui voie Dieu et qui vive.

» Mais Isaïe dit : J'ai vu Dieu et je vis.

’ » Sache donc, ô roi, que ces prophètes sont des menteurs, et Isaïe a donné à Jérusalem le nom de Sodome, et celui du peuple de Gomorre, aux pria-ces de Judas et de Jérusalem. »

Et Belkira accusa souvent Isaïe et les prophètes auprès de Manassê.

Et Berial habita dans le cœur de Manassé et dans le cœur des princes de Judas, et de Benjamin, et des satellites, et des conseillers du roi.

Et le discours de Belkira lui plut beaucoup.

Et il envoya, et il fit arrêter Isaïe.

Car Berial était très-irrité contre Isaïe à cause de la vision et de la révélation qu’il avait manifestée , et parce qu'il avait annoncé l'avènement du Bien-Aimé venant du septième ciel, et sa transformation sous les traits d'un homme, et sa doctrine qu'il fera prêcher par ses douze apôtres, et son rejet par les fils qui le tortureront et l'attacheront à une croix, de compagnie avec des hommes auteurs d'iniquité.

Et, dit Isaïe, ils seront douze qui accepteront avec l’accusation portée contre loi, et il y aura des hommes qui seront constitués gardiens de son sépulcre.

Et l’ange de l'Église chrétienne qui existera dans les cieux aux derniers jours, et les anges de l'Esprit-Saint.

Et l'Archange Michel descendront tous pour que son sépulcre s’ouvre le troisième jour.

Et le Bien-Aimé, assis sur les épaules des Séraphins, viendra, et il enverra ses douze disciples.

Et ils enseigneront à tous les peuples et à toutes les nations la résurrection du Bien-Aimé, et ceux qui croiront au crucifiement seront sauvés, et sa résurrection sera dans le septième ciel d’où il viendra.

Et beaucoup qui croiront en lui parleront par l’Esprit-Saint.

Et beaucoup de signes et de miracles s’accompliront dans ces derniers jours.

Et ses disciples conserveront sa foi aimée et pure, et la doctrine de son avènement enseignée par les douze apôtres.

Et il y aura beaucoup de disputes sur son avènement.

Et dans ces jours, il y aura beaucoup d’hommes qui chériront les dignités en manquant de sagesse.

Et il y aura beaucoup de vieillards iniques et de pasteurs oppresseurs de leurs troupeaux, et ils seront rapaces, et les pasteurs saints ne se livreront pas assidûment à l'accomplissement de leurs, devoirs.

Et beaucoup changeront l’habit honorable des Saints pour l’habit des amis de l’or, et il y aura souvent, en ces jours, acception de personne, et ils aime-vont les honneurs de ce monde.

Et il y aura souvent des calomnies et des calomniateurs, et l'Esprit-Saint s’éloignera d’une foule d’hommes.

Et, en ces jours, il n’y aura pas de nombreux prophètes, et ceux qui annoncent les choses justes et vraies seront persécutés.

A cause de l'esprit de mensonge et de fornication, qui se sera répandu sur la terre, et les hommes avides d'or, et jaloux de dominer, concevront en grand courroux contre h vérité.

Et il y aura au milieu d’eux une grande haine parmi les pasteurs et parmi les vieillards, tes uns contre les antres.

Car il y aura une grande jalousie dans les derniers jours.

£t ils négligeront les prédictions des prophètes qui furent avant moi, et ils négligeront mes visions pour se livrer à l'ébullition de leurs cœurs.

Écoutez donc, 6 Ezéchias, et Josheb, mon fils; ce sera l’âge des jours qui seront donnés à ces hommes.

Et, après qu’il sera écoulé, Berial descendra, le grand ange, te roi de ce monde qu'il possède depuis le temps de la première collocation, et il descendra de son firmament sous les traits d'un homme, d’un roi impie, assassin de sa mère.

Et il arrachera la plante qu'ont plantée les douze apôtres du Bien-Aimé.

€et ange Berial, ce roi viendra, et toutes tes puis-sauces de ce monde viendront avec lui, et elles le serviront en tout ce qu'il voudra.

Et, à sa voix, te soleil se lèvera durant b nuit, et il fera que la lune paraisse à b sixième heure.

Et il fera tout ce qu'il voudra faire en ce monde, et il opprimera le Bien-Aimé, et il dira : ·׳ Je suis Dieu, et nul n’a été avant moi. »

Et tous les hommes en ce monde croiront en lui.

Et ils lui offriront des sacrifices, et ils le serviront, disant qu’il est Dieu, et qu'il n'y en a point d’autre que lui.

Et beaucoup de ceux qui s’étaient réunis pour recevoir le Bien·Aimé se convertiront à* lui.

Et la puissance de ses prodiges se manifestera en toute ville et en toute région.

Et il érigera sa statue en toute ville, et il dominera trois ans, sept mois et vingt-sept jours»

Et, après trois cent trente-trois jours, te Seigneur viendra avec ses anges et avec ses puissances ; il descendra du septième ciel environne de splendeur , et il traînera Berial et ses puissances dans la gehenne.

Et il donnera le repos à ceux qui se trameront errants en ce monde, aux fidèles adorateurs de Dieu et le soleil rougira.

Et tous ceux qui, ayant eu foi en h», auront maudit Serial et son royaume seront revêtus des habits qu'ils avaient au septième ciel.

Et la voix du Bien-Aimé réprimandera avec colère ce ciel et cette terre, et les montagnes et les collines, et les villes et les déserts, et le septentrion et l'imago du soleil, et la lune et tous les lieux où Berial se sera montré et se sera manifesté en ce monde. Et la résurrection et le jugement s'accomplira parmi eux en ces jours, et le Bien-Aimé fera que te feu s'élève et qu’il consume tous tes méchants, et ils seront comme s’ils »’avaient pas été créés.

Et le surplus de la narration de la vision est écrit dans la vision de Babylone.

Et le surplus de ma vision du Seigneur est écrit en paraboles dans mes paroles, dans le livre de mes prophéties publiques.

Et ce qui touche à la descente du Bien-aimé dans les enfers est écrit dans la section où le Seigneur dit : « Ainsi que mon fils sera doué de sagesse. » Et le tout est écrit dans les psaumes, dans les proverbes de David, fils de Jessé, et dans les proverbes de son fils Salomon, et dans les paroles de Koreh et d’Etan l’Israelite, et dans les paroles d’Asaph et dans les autres psaumes qu’a dictés l’Ange...

Vision que vit Isaïe, fils d’Amos, dans la vingtième année du règne d’Ezéchias; roi de Judas.

Et Isaïe, fils d’Amos., vint de Galilée avec Josbeb, son fils, à Jérusalem vers Ezéchias.

Et le roi s’assit sur son lit, et on lui apporta son trône, mais il ne voulut point s’asseoir.

Et lorsqu’Isaïe commença à parler avec le roi Ezéchias de la foi et delà justice, tous les princes d’Israël étaient assis, ainsi que les eunuques et les conseillers du roi, et il y avait trente prophètes, et les fils des prophètes vinrent des extrémités du royaume et des champs, lorsqu’ils apprirent qu’Isaïe était venu de la Galilée vers Ezéchias.

Et ils vinrent pour le saluer et pour entendre ses paroles.

Et, afin que sa main restât sur eux, et pour qu’ils prophétisassent, et pour qu’il entendît leur prophétie, et tous se tinrent debout en présence d’Isaïe.

Et lorsqu’Isaïe parlait, devant Ezéchias, de la foi et de la justice, tous entendirent la porte qui se referma et la voix de l'Esprit.

Et. lorsqu’ils l’entendirent, tous tombèrent à genoux et s’inclinèrent devant la voix de l'Esprit-Saint, et ils louèrent le Dieu de justice qui réside dans le monde supérieur et qui habite dans le sanctuaire.

Et, tandis qu’Isaïe parlait, inspiré par l'Esprit-Saint, et que tous l’écoutaient en silence , son esprit fut élevé au-dessus de soi, et il ne voyait pas ceux qui étaient devant lui.   

Et ses yeux étaient ouverts et sa bouche se taisait, et son âme était élevée au-dessus d’elle-même.

Il respirait cependant, car il vit une vision.

Et l’ange qui avait été envoyé pour la lui montrer, ne fut pas de ce firmament ni du nombre des anges glorieux de ce monde , mais il vint du septième ciel.

Et le peuple qui s’était joint à l’assemblée des prophètes, crut que le saint Isaïe avait été enlevé.

Et la vision qu’il vit ne fut pas de ce monde, mais du inonde qui est célé à tout œil humain.

Et Isaïe, après qu’il eut vu cette vision, l'annonça à Ezéchias et à Josheb, son fils, et aux autres prophètes qui étaient venus.

Et il advint, dit-il, que tandis que je prophétisais selon le témoignage que tu as entendu , j’ai vu un ange éclatant d’une gloire que je ne pourrais décrire, et sa gloire n’était pas comme celle des anges que j’avais déjà vus.

Et, lorsque je le contemplais, il me prit par la main et me dit : « Qui es-tu et quel est ton nom !» et la faculté me fut donnée de converser avec lui.

Et il me dit : « Lorsque tu monteras graduellement je ferai de même, et je te montrerai ta vision pour laquelle je suis envoyé; tu comprendras ainsi qui je suis, mais tu ne sauras pas mon nom; car il faut que ton âme revienne dans ton corps , et tu verras ce que je ferai quand tu monteras, car c’est pour cela que je suis envoyé. »

Et je me réjouis de ce qu’il me parlait de la sorte.

Et il me dit : « Ne te réjouis-tu pas de ce que je te parle avec douceur? Et tu verras avec quelle douceur et quelle bonté te parlera celui qui m’a envoyé.

Et tu verras son père qui m’élève en puissance, car c’est pour f éclairer au sujet de ces choses que j’ai été envoyé du septième ciel. »

Et lui et moi nous montâmes au firmament, et je vis là Samaël et les puissances, et il y eut un grand combat avec les forces de Satan, et une lutte entre eux.

Et il en était sur la terre de même que là-haut, parce que la ressemblance de ce qui s’accomplit dans le firmament se montre sur la terre.

Et je demandai à l’ange : « Quelle est celte que-relie ? »

Et il me dit : י II en a été ainsi depuis la création du monde, jusqu’à ce tempe, et ce combat durera jusqu’à ce que vienne celui que tu verras. »

Et il fit ensuite que je pusse monter au-dessus du firmament, dans le ciel.

Et je vis le trône qui était au milieu, et à droite et à gauche se tenaient les anges.

Et tous les anges qui étaient à droite brillaient d’une gloire extraordinaire* et nul ne pouvait leur être comparé.

Et tous* d’une même voix* louaient le Seigneur. Et ceux qui étaient à gauche faisaient entendre, après eux. leurs louanges; mais leur éclat n’était pas comme la splendeur des autres anges.

Et j’interrogeai l’ange qui me conduisait, lui disant : « A qui s’adressent ces louanges! »

Et il me dit: " A la gloire du septième ciel, à celui qui réside dans le sanctuaire et à son Bien-aimé qui m’a envoyé.

Et il m’éleva au deuxième ciel et la hauteur de ce ciel était comme celte qui sépare la terre du firmament.. .

11 serait trop long et peu intéressant de transcrire l’ascension d’Isaïe dans chaque ciel toujours supérieur en éclat à celui qu’il surmonte. Parvenu dans le septième ciel* le prophète se prosterne devant un trône sur lequel est assis te Christ, tout resplendissant d’une gloire ineffable et entouré des patriarches et d’une multitude d’anges et de saints. L’ange lui annonce ensuite les principaux événements delà vie de Jésus, et les circonstance de la Passion et de la Résurrection.

 

QUATRIÈME LIVRE D’ESDRAS.

Une traduction arabe de cet ouvrage gisait parmi les manuscrits de la bibliothèque Bodleyenne à Oxford ; l’orientaliste Grégory la signala le premier dans le cours du XVIIe siècle. Ockley, professeur de langue arabe à Γ Université de Cambridge, la fit passer en anglais, et sa version parut dans le quatrième volume de l'ouvrage de Whiston : Primitiva Christianitas re-diviva (Londres, 1711). Ce texte arabe n’a jamais été imprimé. Ludolphe a cité une traduction éthiopienne dans son Lexicon œddopicolatinum (Francfort, 1699), et cette traduction, dont nul autre critique n'avait parlé, a fini par attirer les regards du docteur Laurence, dont nous avons déjà cité les travaux au sujet du Livre d’Énoch et des visions d’Isaïe. Il publia à Oxford, en 1820, le texte éthiopien, en le faisant suivre d’une double version en latin et en anglais, et d’un commentaire ; il y joignit une introduction où il discute l’antiquité de cet ouvrage. On ne saurait douter qu’il n’ait été composé à une époque reculée, car on le trouve cité dans saint Clément d’Alexandrie (Stromates, livre III). La version éthiopienne ne contient pas ,les deux premiers et les deux derniers chapitres du livre ; la traduction arabe, faite avec beaucoup de liberté, est plutôt une paraphrase. L’une et l’autre présentent avec le texte latin des différences sur lesquelles il serait de peu d’intérêt d’insister.

Saint-Jérôme n’a point traduit le quatrième livre d’Esdras, et on le rencontre rarement dans les manuscrits latins de !’Écriture. Sur 187 manuscrits conservés à Oxford, et au Musée Britannique, sept seulement l’ont offert aux recherches de Laurence. Les variantes qu’ils présentent entre eux, et que cet érudit développe avec détail, ne sauraient nous arrêter. La traduction latine de Laurence et sa dissertation ont été reproduites dans les Prophetœ veteres de Gfroerer, p. 66-168.

Saint Ambroise semble avoir fait une estime particulière du quatrième (livre d’Esdras ; dans son traité de la bonne mort, il en cite, à diverses reprises, des expressions, afin de montrer quel est l’état futur des âmes après le trépas. Mais saint Jérôme l’a rejeté comme apocryphe, et le concile de Trente a confirmé cette sentence. Jusqu’alors, il avait trouvé place dans les Bibles qu’avait reproduites l’imprimerie. L’Église d’Abyssinie paraît le regarder comme canonique, et, dans un ouvrage qui, selon Bruce, a été composé vers le milieu du xiiie siècle, elle professe pour lui la plus haute estime. Dans l'Organon Beatœ Maria Virginis! on Ht ces mots : « Ouvre ma bouche pour célébrer la virginité de la mère de Dieu, comme tu as ouvert la bouche d’Ezras, lequel, durant quarante jours, n’a point pris de repos, parce qu’il travaillait sans relâche à écrire les paroles de la loi et des prophètes que Nebucadnezar, roi de Babylone, avait fait brûler. » Un peu plus loin, Ezras est placé immédiatement au nombre des prophètes, après Isaïe et Jérémie. Il en est parlé en ces termes : « Ezras, trente ans après que les villes d’Israël eussent été détruites, et que les enfants de Sion eussent été conduits en captivité, commença à pleurer sur Sion. Et lorsqu’il versait des lar-mes amères en songeant à la destruction de la loi et à la captivité des Lévites, Sion se présenta à lui avec une figure resplendissante comme les rayons du soleil, et les bases des collines furent ébranlées tandis qu’elle parlait. Ezras fut consolé en voyant la splendeur de cette gloire, maïs il n’aperçut? point, ê Vierge, la véritable clarté de ton visage. Il vit le crépuscule, et non le soleil, il vit une étincelle, et non la lampe dont elle émanait, it ne contempla pas la lumière de la vérité qui est en toi et dont sertit le Fils de la justice dissipant les ténèbres, r

Les opinions des critiques sont tain» d'être unanimes au sujet de la religion de l'auteur du livre qui nous occupe. Les uns l'ont regardé comme Juif, d’autres ont pensé que c’était un chrétien qui avait abjuré te Judaïsme, d'autres enfin ont cru qu'il appartenait à la secte des Montanistes. Ceux-ci ont pensé qu’il vivait avant notre ère; ceux*là Font reporté au second siècle.

Laurence montre que, d’après les louanges pompeuses que donne l’écrivain au peuple Hébreu, d’après les fables rabbiniques dont on. retrouve chez lui la trace, notamment an sujet du Behemoth et du Léviathan, on ne saurait douter qu'il n’ait appartenu à la religion de Moïse. Rien n’indique qu'il ait été chrétien, si ce n’est un passage ou se trouve le nom de Jésus ; mais ce passage se rencontre précisément dans un chapitre que n’offre ni la version arabe, ni la traduction éthiopienne, et qu’il est très-permis de regarder comme une interpolation.

La principale partie du livre d'Esdras se compose de visions fort obscures pour la plupart; Gfroerer y trouve avec raison, ce nous semble, des allusions faites après coup aux événements survenues pendant le 1er siècle de notre ère.

D’après le critique allemand , lorsque Fauteur parle d'an aigle ayant douze ailés et trois têtes silencieuses* it>faut entendre les neuf premiers des Césars, depuis Jules César jusqu’à Vitellius, les trois prétendants à l’empire, qui se livrèrent, entre le règne de Galba et celui de Vitellius, à des tentatives infructueuses, et les trois empereurs de la famille des Flavius, c’est-à-dire, Vespasien, Titus et Domitien ; les huit petites plumes désignent des souverains de h Judée ou des chefs îles Juifs lors de leurs guerres avec les Romains. Laurence est d'avis que ces allusions, bien difficiles à saisir, se rapportent à des circonstances antérieures aux dernières époques de la république romaine.

Quoi qu’il en soit, le quatrième livre d’Esdras est loin d'être indigne d’attention ; il tient place parmi les restes si peu nombreux des travaux de l'esprit humain dans la Palestine à une époque des plus intéressantes; il fait connaître quelles étaient, parmi les Israélites, les idées relatives au Messie.

Ce n’est point le seul écrit apocryphe qu’on ait mis sur le compte d’Esdras. M. Boissonnade a inséré dans les Notices et Extraits des manuscrits de la bibtiothèque du roi (t. XI, 2e partie, p. 186), un calendologe écrit en grec, rempli de superstitions astrologiques et météréologiques; l’ignorance la plus noire a seule pu consentir à reconnaître un prophète pour auteur de ces pitoyables rêveries.

Nous allons maintenant traduire le début du quatrième livre d’Esdras; il ne saurait être question de le reproduire ici en entier.

« La trentième année de la ruine de notre ville, j'etais à Babylone, moi, Satael, qui sais appelé Ezras, et je me suis troublé lorsque je reposais sur mon lit; ma face s’est dévoilée et mes pensées montaient sur mon cœur·

Parce que j’ai vu la dévastation de Sion et la joie de ceux qui habitaient à Babylone.

Et mon esprit se livra à une grande agitation.

Et je commençais à parler au Très-Haut, proférant des paroles pleines de crainte, et je lui dis : « O Seigneur, mon Dieu, n’as-tu pas dit le commencement quand tu as créé la terre ?

Et n’as-tu pas commandé à la poussière et produit Adam dans un corps mortel ; et l’œuvre de tes mains s’est accomplie en lui.

Et n’as-tu pas soufflé en lui l’esprit de vie, et n’est-il pas devenu vivant devant toi ?

Et tu l’as placé dans le paradis que ta droite avait planté avant que la terre eût été créée.

Et tu lui as imposé une injonction équitable, et il y a contrevenu.

Et tu as ensuite créé la mort en lui et en ses générations.

Et, de lui, sont nés des peuples et des tribus, et des familles, et des générations dont le nombre est infini.

Et chaque nation a marché dans sa volonté, et ils ont péché devant toi, et ils ont abjuré ta foi.

Tu as donc fait venir le déluge sur la terre et sur les habitants de ce monde, et tu les as détruits, et le supplice est devenu leur part; tu leur as infligé le déluge comme tu avais infligé la mort à Adam.

Mais, parmi eux, tu as préservé un homme avec sa famille, et, de lui, sont venus tous les justes.

Et après que les hommes qui habitaient sur la terre ont commencé à multiplier et à s'accroître, leurs enfants se sont trouvés fort nombreux et ont formé beaucoup de peuples et de tribus.

Et, derechef, ils se sont mis à pratiquer l'impiété plus encore que leurs prédécesseurs.

Et après qu'ils eurent accompli l'iniquité en ta présence, tu as choisi l'un d'eux dont le nom était Abraham, et tu l'as chéri, et tu as formé avec lui un pacte éternel, promettant de ne pas abandonner sa race jusqu'à ce qu’elle sortît de l'Égypte.

Et tu as conduit ses descendants sur le mont de Sinaï, et tu as incliné les cieux, et tu as agité la terre, et tu as remué le monde ; tu as fait trembler l'abîme et ta as troublé la mer.,..·

Lorsque je suis venu ici, j’ai vu des impiétés sans nombre, et mon âme a vu beaucoup d’apostats.

Voici que depuis trente ans mon cœur s’étonne de ce que tu souffres leurs péchés et de ce que tu épargnes ceux qui font les œuvres d'impiété ; tu as rejeté ton peuple et conservé tes ennemis.

Est-ce que Babylone est moins coupable que Sion ?

Est-ce qu'une autre nation t'a connu, si ce n’est Israël?

J’ai passé à travers les nations, et je les ai trouvées se livrant à l’allégresse, et ne se souvenant pas de ta loi et de tes préceptes.

Pèse dans la balance nos iniquités et celles de ceux qui habitent dans le monde, afin que tu saches chez lesquels se trouve cette parcelle qui fait tourner le plateau.

Et un ange me répondit : il avait été envoyé vers moi, et son nom était Uriel.

Et il me dit: Est-ce que ton cœur ne s’est pas livré à la surprise de ce que tu pouvais comprendre le conseil de la majesté du Très-Hau?

Et je lui répondis, et lui dis : Oui, Seigneur.

Et il ne dit : J’ai été envoyé pour te montrer trois voies, et pour proposer, devant toi, trois comparaisons.

fin

 

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