chapitre XVI.

Deux jours s’étant passés, des mages vinrent de l’Orient à Jérusalem (18), apportant de grandes offrandes, et ils interrogeaient avec empressement les Juifs, demandant : ״ Où est le roi qui nous est né ? car nous avons vu son étoile dans l'Orient, et nous sommes venus pour l’adorer. » Cette nouvelle effraya tout le peuple, et Hérode envoya consulter les Scribes, les Pharisiens et les docteurs pour s’informer d’eux où le prophète avait annoncé que le Christ devait naître. Et ils répondirent : « A Bethléem, car il a été écrit : »Et toi, Bethléem, terre de Judas, tu n’es pas la moindre dans les principautés de Judas, car c’est de toi que sortira le chef qui gouvernera mon peuple d’Israël. Alors le roi Hérode appela les mages, et s’informa d’eux quand l’étoile leur avait apparu , et il les envoya à Bethléem, disant : « Allez, et informez-vous avec soin de cet enfant, et, lorsque vous l’aurez trouvé, venez me le dire, afin que j’aille l'adorer. » Les mages étant en chemin, l’étoile leur apparut, et, comme leur servant de guide, elle les précéda jusqu’à ce qu’ils arrivèrent à l’endroit où était l’enfant. Les mages, voyant l’étoile, furent remplis d’une grande joie. Et, entrant dans la maison, ils trouvèrent l’enfant Jésus couché dans les bras de Marie. Alors ils ouvrirent leurs trésors, et ils offrirent de riches présents à Marie et à Joseph. Et chacun d’eux présenta à l’enfant des offrandes particulières. L’un offrit de l’or, l’autre de l’encens, et l’autre de la myrrhe. Lorsqu’ils voulaient retourner auprès du roi Hérode, ils furent avertis en songe de ne pas revenir vers lui. Et ils adorèrent l’enfant avec une joie extrême, et ils revinrent dans leur pays par un autre chemin.

CHAPITRE XVII.

Lorsque le roi Hérode vit que les mages l’avaient trompé, son cœur s’enflamma de colère, et il envoya sur tous les chemins ; voulant les prendre et les faire périr, et comme il ne put les rencontrer, il envoya à Bethléem, et il fit tuer tous tes enfants de deux ans et au-dessous, suivant le temps dont il s’était informé auprès des mages. Et un jour avant que cela n’arrivât, Joseph fut averti par l’Ange du Seigneur, qui lui dit : « Prends Marie et l’enfant et mets-toi en route à Ira-vers le désert et va en Égypte. » Et Joseph fit ce que l’Ange lui prescrivait.

CHAPITRE XVIII.

Lorsqu’ils furent arrivés auprès d’une caverne et qu’ils voulurent s’y reposer, Marte descendit de dessus sa monture et elle portait Jésus dans ses bras. Et il y avait avec Joseph trois jeunes garçons, avec Marie une jeune fille qui suivaient le même chemin. Et voici que subitement il sortit de la caverne un grand nombre de dragons, et, en les voyant, les jeunes garçons poussèrent de grands cris. Alors Jésus, descendant des bras de sa mère, se tint debout devant les dragons ; ils l'adorèrent, et quand ils l'eurent adoré, ils se retirèrent. Et ce que le prophète avait dit fut accompli : « Louez le Seigneur, vous qui êtes sur la terre, dragons. » Et l'enfant marchait devant eux, et il leur commanda de ne faire aucun mal aux hommes. Mais Marie et Joseph étaient dans une grande frayeur, redoutant que les dragons ne fissent du mal à l'enfant. Et Jésus leur dit : « Ne me regardez pas comme n’étant qu’un enfant, je suis un homme parfait, et il est nécessaire que toutes les bêtes des forêts s’apprivoisent devant moi. מ   

chapitre XIX.

De même les lions et les léopards l’adoraient, et il en était accompagné dans le désert. Partout où Marie et Joseph allaient, ils les précédaient, leur montrant le chemin, et, baissant leurs têtes, ils adoraient Jésus. (19) La première fois que Marie vit les lions et les bêles sauvages qui venaient à elle, elle eut grand peur, et Jésus la regardant d’un air joyeux, lui dit : a Ne crains rien, ma mère, car ce n’est pas pour t’effrayer, mais pour te rendre hommage qu’ils viennent vers loi. » Et disant cela, il dissipa toute crainte de leur cœur. Les lions marchaient avec eux et avec les bœufs, les ânes et les bêtes de somme qui leur étaient nécessaires, et ils ne faisaient aucun mal, et ils restaient également , pleins de douceur, au milieu des brebis et des béliers que Joseph et Marie avaient amenés avec eux de la Judée. Ils marchaient au milieu des loups! et ils ne ressentaient nulle frayeur, et nul n’éprouvait aucun mal. Alors fut accompli ce qu’avait dit le prophète : " Les loups seront dans les mêmes pâturages que les agneaux, le lion et le bœuf partageront le même repas. » Et ils avaient deux bœufs et un chariot dans lequel les objets nécessaires étaient portés.

chapitre XX.

Il arriva que le troisième jour de la ״route, Marie fut fatiguée dans le désert parla trop grande ardeur du soleil. Et, voyant un arbre, elle dit à Joseph : « Reposons-nous un peu sous son ombre. » Joseph s’empressa de la conduire auprès de l’arbre, et il la fit descendre de sa monture. Et Marie s’étant assise, jeta les yeux sur la cime du palmier, et la voyant couverte de fruits, elle dit à Joseph : « Mon désir serait, si cela était possible, d’avoir un de ces fruits. » Et Joseph lui dit : « Je m’étonne que tu parles ainsi, lorsque tu vois combien sont élevés les rameaux de ce palmier. Moi, je suis fort inquiet à cause de l’eau, car il n’y en a plus dans nos outres, et nous n’avons pas les moyens de les remplir de nouveau et de nous désaltérer. מ Alors l’enfant Jésus qui était dans les bras de la vierge Marie, sa mère, dit au palmier : « Arbre, incline tes rameaux et nourris ma mère de tes fruits. »*Aussitôt, à sa voix, le palmier inclina sa cime jusqu’aux pieds de Marie (20), et, recueillant les fruits qu’il portait, tous s’en nourrirent. Et le palmier restait incliné, attcn-dant, pour se relever, l’ordre de celui à la voix duquel il s’était abaissé. Alors Jésus lui dit : « Relève-toi, palmier, et sois le compagnon de mes arbres qui sont dans le paradis de mon père. Et que de tes racines il surgisse une source qui est cachée en terre et qu’elle nous fournisse l’eau pour étancher notre soif. » Et aussitôt le palmier se releva ,et il commença à surgir d’entre ses racines des sources d’eau très-limpide et très-fraîche et d’une douceur extrême (21). Et tous voyant ces sources furent remplis de joie, et ils se désaltérèrent en rendant grâces à Dieu, et les bêtes apaisèrent aussi leur soit

chapitre XXI.

Le lendemain, ils partirent, et au moment où ils se remirent en route, Jésus se tourna vers le palmier, dit : « Je te dis , palmier, et j’ordonne qu’une de tes branches soit transportée par mes Anges et soit plantée dans le paradis de mon père. Et je t’accorde en signe de bénédiction qu’il sera dit à tous ceux qui auront vaincu dans le combat pour la foi : « Vous avez atteint la palme de la victoire. » Comme il parlait ainsi, voici que l’Ange du Seigneur apparut, se tenant sur le palmier, et il prit une des branches^ et il s’envola par le milieu du ciel, tenant cette branche à la main. Et les assistants, ayant vu cela, restèrent comme morts. Alors Jésus leur parla, disant : « Pourquoi votre cœur s’abandonne-t-il à la crainte? Ne savez-vous pas que cette palme que j’ai fait transporter dans le paradis, sera pour tous les saints dans un lieu de dÉliees, comme celui qui vous a été préparé dans ce désert? »

CHAPITRE XXII.

Et, comme ils cheminaient, Joseph lui dit : « Seigneur, nous avons à souffrir d’une extrême chaleur ן s’il te plaît, nous prendrons la route de la mer afin de pouvoir nous reposer en traversant les villes qui sont sur la côte. » Et Jésus lui dit : « Ne crains rien, Joseph ; j’abrégerai le chemin, de sorte que ce qu’il faudrait trente jours pour l'accomplir, vous l’achèverez en un jour. » Et tandis qu’il pariait encore, ils aperçurent les montagnes et les villes de l’Egypte, et, remplis de joie, ils entrèrent dans une ville qui s’appelait Sotine. Et comme ils n’y connaissaient personne, auprès de qui ils pussent réclamer l’hospitalité, ils entrèrent dans un Temple que les habitants de cette ville appelaient le Capitole, et où, chaque jour, il était offert des sacrifices en l’honneur des idoles.

CHAPITRE XXIII.

Et il advint que lorsque la bienheureuse Marie avec son enfant entra dans le Temple, toutes les idoles tombèrent par terre sur leur face, et elles restèrent détruites et brisées (22). Ainsi fut accompli ce qu’avait dit le prophète Isaïe : « Voici que le Seigneur vient sur une nuée, et tous les ouvrages de la main des Égyptiens trembleront à son aspect. »

chapitre XXIV.

Et lorsque le gouverneur de cette ville, Afrodisius apprit cela, il vint au temple avec toutes ses troupes et tous ses officiers. Lorsque les prêtres du Temple virent Afrodisius s’approchant avec toutes ses troupes, ils pensèrent qu’il venait exercer sa vengeance contre eux, parce que les images des dieux s’étaient renversées. Et lorsqu’il entra dans le Temple et qu’il vit toutes les statues renversées sur leur face et brisées, il s’approcha de Marie et il adora !*enfant qu’elle portait dans ses bras. Et quand il l’eut adoré, il adressa la parole à tous ses soldats et à ses compagnons, et il dit : « Si cet enfant n’était pas un dieu, nos dieux ne seraient pas tombés sur leur face à son aspect! et ils ne se seraient pas prosternés en sa présence ; ils le reconnaissent ainsi pour leur Seigneur. Et si nous ne faisons ce que nous avons vu faire à nos dieux, nous courrons le risque d’encourir son indignation et sa colère, et nous tomberons tous en péril de mort, comme il arriva au roi Pharaon qui méprisa les avertissements du Seigneur. » Peu de temps après, l’ange dit à Joseph : « Retourne dans le pays de Judas, car ceux qui cherchaient l’en-faut pour le faire périr sont morts. »

NOTES.

(1) C'est l’apôtre saint Jacques le Mineur, auquel Ton a également attribué le Protévangilc. Il fut évêque de Jérusalem; les Juifs le mirent à mort l’an 61 de notre ère. Voyez Tille-mont, t. I, p. 45 ; Ceillier, L I, p. 422, etc.

(2) Ce n’est qu’ici que le père de sainte Anne est nommé Acbar. D’après un passage d’un écrivain nommé HippQlythe et que l’on croit Hippolythe de Thèbcs, écrivain du dixième siècle, passage que rapporte Nicéphore dans son Histoire cédé-siastigue (I. II, c. 3), les parents d’Anne'se nommaient Malhan et Marie. Quelques autres auteurs grecs confirment cette assertion ; elle n’en a pas moins été révoquée en doute par de savants critiques. Les Musulmans disent qu’Anne était fille de Nahor. La vie de cette sainte se trouve dans l’immense recueil des Bollandistcs, tom. VI de juillet. Le moyen-âge broda sur ce fond si simple une foule d’incidents merveilleux. Une légende d’une Bible du treizième siècle qu’a citée M. Leroux de Lincy (Livre des Légendest p. 27), raconte que sainte Anne, étant enfant, recevait sa nourriture d’un cerf. L’empe-rcur Fanouel étant à la chasse, aperçut cet animal et se lança à sa poursuite. Le cerf alla se réfugier à côté de la jeune fille, et Fanouel la reconnut pour son enfant. — On a prétendu que le corps de sainte Anne fut apporté de la Palestine à Jérusalem en 710. — Le nom d’Anne, en hébreu Channah, signifie gracieuse. Saint Épiphane est le premier écrivain dans lequel ce nom se rencontre.

(3) Christophe de Vega, dans sa Théologie de Marie, établit de singulières coïncidences entre le début de la Genèse et l’histoire de ces deux époux ; on nous permettra de citer le commencement de ce passage : < In principio creavit Deus cœlum et terram (id est : Joachim et Annarn , Mariæ parentes) Terra autem erat inanis et vacua (Anna sterilis et infœcunda) et te-nebræ (addictio et confusio) erant super faciem abyssi (super faciem Annæ) et spiritus Domini ferebatur super aquas (super aquas lachrymarum Annæ ad consolandum eam). Dixit vero Deus î fiat lux (h. e. Maria, virgo benedicta), etc. ·

(A) En 1677, le pape Innocent XI condamna l'opinion d’un docteur napolitain, nommé Imperiali, lequel maintenait que sainte Anne était restée vierge, après avoir enfanté Marie. Voyez Tillemont, Hist. eccUs., t.1, p. J 69, édit, de Bruxelles, et le Dictionnaire de Bayle, aux mots Borri et Joachim. Selon le jésuite J. Xavier, auteur d’une Historia Christi en persan qu’un théologien calviniste, Louis de Dieu, prit la peine de traduire et qui, imprimée chez les Elzevirs en 1639, forme un in-A° de 636 pages, ce fut le 11 du mois de Siaheriarna, c’est-à-dire un vendredi, 11 septembre, que sainte Anne accoucha de Marie.

(5) Les circonstances de la présentation de Marie au tem-pie, lorsqu’elle eut trois ans, et de l’éducation qu’elle y reçut, se retrouvent dans une foule d’auteurs grecs, tels que George de Nicomédie, André de Crète, l’empereur Léon, Cedrène, Nicéphore et maint autre historien ou prédicateur. Le jésuite Théophile Raynaud, écrivain satirique et singulier, mais dont les œuvres trop complètes, en vingt volumes in-folio, trouvent aujourd’hui bien peu de lecteurs, a traité en détail tout ce qui se rapporte à la présentation de la Vierge, à ses épousailles et à son enfantement dans scs Dypticha Mariana. (Voir le tom. VII de ses œuvres. Lyon, 1657.)

(6) Cedrène, George de Nicomédie, l’auteur du Christus patiens, attribué à tort à saint Grégoire de Nazianze, et divers écrivains grecs, rapportent aussi que Marie recevait ses aliments de la main des Anges.

(7) La colombe était chez les Hébreux un symbole de virginité et de pureté; dans l’un des traités de la Mischna, de ce vaste recueil de traditions juives, cet oiseau est dépeint comme protégeant Israël (Patrona Israelis) ; il jouait un rôle dans le culte des Samaritains. (Voyez J.-C. Fricdcrich, de Columbd ded Samaritanorum (Lipsiæ, 1821, 8°); Aldovrande, dans le livre XV de son Ornithologia (Bononiœ, 1637, t. II, p. 353), a épuisé toutes les fables et tous les détails relatifs à la colombe.

12*

(8) Il est peu de traditions plus antiennes et plus Répandues que celle qui attribue un âge avancé "à Joseph lorsque Marie lui fui remise. Accipit Mariam viduus, aetatem agens circa 80 annorum 'et amplius, dit saint Épiphane i et il ajoute que Jo· seph avait quatre-vingt-quatre ans lorsqu’il revint de l’Égypte, et qu’il tnourut huit ans plus tard. Il était parvenu à cent onze ans lors de son décès, suivant son historien arabe.

(9) Origine est le preiûier écrivain ecclésiastique qui ait parlé dès enfants que saint Joseph avait eus d’une première femme. Saint Épiphane lui en donne six ; quatre garçons (Jacques, Joseph , Simon, Jude) et deux filles (Salomé et Marie). Hippolylhé de Thèbes conserve aux quatre fils ces mêmes noms, mais il appelle les filles Esther et Thamar. Sophronius en nomme trois, et l'une d’efies s'appelle Salomé, tout comme sa mère; d’autres écrivains désignent sous le nom d’Éscha la femme de saint Joseph. Helvidius donnait à Joseph quatre fils et des filles innombrables, c’est-à-dire dont il était impossible de préciser le nombre, les livres saints étant muets à cet égard. On consultera une note de l’édition de Thilo, p. 362-364, pour d’autres détails que leur longueur exclut de notre travail.

(10) On montrait à Pérouse l’anneau des épousailles de Joseph et de Marie. C’était une de ces trop nombreuses reliques qu’avait multipliées une piété crédule.

(11) Cette circonstance que Marie se trouvait auprès d’une fontaine, lorsque l’Ange lui apparut, se rencontre aussi chez plusieurs écrivains de l'Église grecque.

(42) Combefis, dans ses notes sur George de Nicomédie (Auctuar. nov.t L I, col. 1224 et seq.), discute la solidité de la tradition qui soumet Joseph et Marie à l’épreuve des eaux amères, épreuve dont nous dirons quelques mots plus loin.

(13) CeS récits relatifs aux sages-femmes qui assistèrent Marie se retrouvent dans un sermon de saint Zénon, évêque de Vérone, mort en 880; un moine grec du douzième siècle, Épi-phane, les reproduit dans son livre de la Vie de Marie, dont Mingarelli a donné le texte grec jusqu’alors inédit, dans les Anecdota litteraria d’Amadacti, t. Ill, p. 29, Saint Jérôme et divers écrivains du moyen-âge traitent tous ces détails de fa-blés; leur antiquité ·e démontre toutefois par des passages de-Clément d’Alexandrie (Stromates, lib. VIII) et de Suidas. Il existe une dissertation de G. H. Goez, imprimée à Lubeck, en 1707 : Num Maria, Filium Dei pariens, obstetricii ope fuerit usa? Le décret du pape Gelase mentionne, parmi les divers ou-wages qu’il frappe de réprobation, un Livre de sainte Marie et de la Sage-Femme»

(14) On retrouve dans une foule d’écrits la trace de la croyance que Marie enfanta dans une caverne. Saint Justin et Origène en ont parlé; Eusèbe, Théodoret, saint Épiphane, saint Jérôme et bien d’aùtres auteurs ecclésiastiques en ont fait mention. Socrate et Sozoïhène racontent dans leurs Histoi-'res ecclésiastiques que la mère de Constantin , Hélène, fit éri-ger un temple auprès de cette caverne. Au moyen-âge et à des époques plus rapprochées de nous, cette même caverne et l’é-glise qui la touche ont été visitées par un grand nombre de voyageurs. Adamannus, qui vivait à la fin du septième siècle, en parle dans son livre sur la Terre-Sainte ; Bède, Brocard (qui parcourut la Palestine en 1232), Radzivil (en 1583), Boger, d’Arvieux, Thévenot et une foule d’écrivains plus modernes les ont décrites.

(15) La présence du bœuf et de l’âne a été regardée comme un fait par divers écrivains de l'antiquité, entre autres par saint Jérôme; Baronius a essayé de l’établir sur des arguments que Casaubon s’est efforcé de détruire. Dès longtemps les ar-listes se sont conformés à la tradition vulgaire (voir le savant ouvrage de S. R. Münter ; Die Sinnbilder und Kunstvorstel-lungen der alten Christen ; Part. Il, p. 77), tradition qui se rattache à un passage du prophète Isaïe (ch. I, v. 3) : « Le bœuf connaît son acquéreur et l’âne la crèche de son maître. » Les sarcophages chrétiens des catacombes offrent divers exem-pies de pareilles représentations (voir Arringhi, Roma subter-ranca, 1.1, p. 185, 347, 349). On peut consulter encore Mo-lanus (Historia imaginum sacrarum, Liège, 1771, 4° p· 396), c Trombelli (de Cultu Sanctorum, t. Il, pars II, c. 37), Pru-dence (édition d’Arevalo, p. 211). Parmi de nombreux Ou-vrages italiens d’une mysticité peu éclairée, nous en indique-rons un du P.-L. Novarini : Paradiso di Betelemme, civè la vita di Cesu nd presepio (Verona, 1642, in-12).

(16) Eutychius, patriarche d’Alexandrie» mort en 740» et dont il reste» sous le titre de Rang de Pierres précieuses, une Histoire universelle, célèbre en Orient, Eutychius, disons-nous, compte Siméon parmi les Septante interprètes, il le confond avec Simon le Juste dont parie Joseph (Antiq, jucL, 1· XII, c. 2), et il dit qu’il vécut trois cent cinquante ans. On représente toujours Siméon revêtu d’habits sacerdotaux ; il est toutefois fort douteux qu'il ait été prêtre ; Léon Allatius, dans sa Diatriba de Simeontibus, a traité cette question avec une étendue que son importance ne réclamait pas·

(17) Cette expression vive et énergique se rencontre souvent chez les écrivains orientaux ; c'est ainsi que nous lisons dans un passage de l'historien persan Ferischta, traduit par M. J. Mohl (Journal des Savants, 1840, p· 394) : « Le sultan Alaëd-din Schah Bahmanni choisit la table des morts de préférence à ·on trône· »

(18) Les détails si peu circonstanciés que donnent les Évangélistes au sujet des Mages ne pouvaient suffire à l'imagination du vulgaire; la tradition rapporta, sur leur compte diverses particularités ; elle en fixa le nombre à trois pour personnifier en eux les habitants des trois parties de l'ancien monde; elle interpréta leurs offrandes dans un sens figuré; des écrivains du quatrième et du cinquième siècle leur donnent le titre pompeux de rois, et Terlullien le leur avait déjà octroyé. Toutefois, cette croyance ne s’accrédita pas fort vite, car les anciens sarcophages persistent à les représenter coiffés du bonnet phrygien et ne leur posent point de couronnes sur la tête. On prétendit ensuite que l'un d'eux était jeune, le second venu à l'âge viril et que le troisième était d’une vieillesse avancée. Pierre de Natalibus, écrivain du moyen-âge, va jusqu’à préciser i'àge de chacun d’eux ; vingt, quarante et soixante ans. Raphaël, obéissant à la tradition , a peint au Vatican l’un de ces souverains sous les traits d’un nègre. Il serait difficile d’indiquer à quelle époque on leur assigna les noms de Gaspard, de Balthazar et Melchior, mais ces dénominations se trouvent déjà sur une pein-turc du onzième siècle publiée dans le vaste recueil de Seroux d’Agincourt (Histoire de P Art par les Monuments, 1811-23, 6 vol. gr. in-fol.). Qn leur a donné pour royaumes Tarse, la Nubie et Saba ; selon des légendaires sans autorité, ils subirent

le martyre dans l’Inde, après avoir reçu le baptême des mains de saint Thomas. Cologne se vante de posséder leurs reliques, G· H. Goez a écrit une dissertation spéciale-: « de Reliquiis Magorum ad Christum conversorum (Lubeck, 171 A). D’après une autre tradition beaucoup moins répandue, les Mages avaient été au nombre de douze.

(19) Les légendes des saints rapportent un grand nombre d’exemples d’animaux obéissant à la voix de pieux personne· ges ; la vie de saint François offre en ce genre les traits les plus singuliers. Auguste, au rapport de Suétone, ordonna un jour de se taire à des grenouilles qui l’incommodaient de leur bruit, et depuis, elles ont gardé un silence complet.

(20) Martin le Polonais, dans sa Chronique, 1. Ill, p. 10A (je me sers de l’édition d’Anvers, 157A), rapporte toutes ces circonstances fabuleuses de la fuite en Egypte ; il dit que les dragons qui sortirent de la caverne étaient au nombre de deux; il raconte qu’un lion, perdant toute sa férocité, accompagna les fugitifs jusqu’au sein des cités égyptiennes ן il n’oublie pas le miracle de l’arbre incliné. Sozomène le narre aussi en ces termes au V· livre de son Histoire ecclesiastique : « De arbore quadam Perside dicta et apud Hermopolim Thebaidæ consti« tuta, ferunt quod multorum morbos pellet si vel fructus illius, vel folium, vel modica corticis portio ægrotis applicetur. Etenim de Ægyptiis dicitur quodJoseph, cum Herodem fugeret, sumptis ad se Christo et Maria sancta deipara, Hcrmopolim venerit et mox atque ingrederetur juxta portam, haec arbor Christi adventu attonita, cum maxima esset ad tellurem usque sese demiserit et adoraverit. » Selon une légende qui avait cours en Espagne, le démon s’était emparé de l’arbre pour rc-cevoir les adorations des peuples ; Jésus-Christ s’en étant approché, l’esprit impur fut chassé et précipité dans l’abîme ; l’arbre s’inclina alors pour rendre grâces au Seigneur. Rapportons ici une légende septentrionale que nous trouvons dans les Lettres si pleines d’intérêt de Μ. X. Marmier sur l’Islande ; « ün jour le Christ, environné des nuages de sa gloire, passait par les forêts sacrées des anciens Germains, tous les arbres s’inclinaient devant lui pour rendre hommage à sa Divinité. Le peuplier seul, dans son superbe orgueil, resta debout, et le Christ lui dit : · Puisque tu n’as pas voulu le courber devant mol, lu te courberas à tout jamais au vent du matin et à la brise du soir ! >

(21) Dans la Vie de lesuchrist avec ta mort et passion (A״, gothique), ouvrage que nous aurons l’occasion de citer plus loin, on retrouve un récit tout semblable, et nous le transeri-rons dans son vieux style naïf qui prête du charme à ces légendes : « Et quant ils eurent fort cheminé, la Vierge Marie fut lasse et auoit grand chault pour le soleil et, en passant par ung grand desert, nostre dame veit un arbre de palme beau et grand dessoubz lequel se voulut reposer en l’ombre et, quant Us j furent, Joseph la descendit de dessus l’asne ן quant elle fut descendue, elle regarda en haut et veit l’arbre tout plein de pommes et dist : Ioseph,ie vouldroye bien avoir du fruict de cet arbre car ien mangeroye volontiers, et loseph lui dist : Marie, le mesmerveille comment vous auez désir de manger de ce fruict Adonc Icsuchrist que se sevit au giron de sa mère, dist à l’arbre de palme qu’il s’inclinast et qu’il laissast manger à sa mère de son fruict à son plaisir. Et tout incontinent que lesu-christ eust oe dist, le palme s’inclina vers la Vierge Marie, et elle prit des pommes ce qu’il lui pleut et demoura cette palme encore inclinée vers elle et quant lesuchrist veit qu’il ne se dressait pas, il dist ; dresse toi, palme, et l’arbre se dressa» »

(22) La chute des idoles de l’Egypte n’est point une circonstance que l’on rencontre seulement dans les Évangiles apocry-plies ; elle est consignée dans divers auteurs anciens, tels que Suzomèue, Eusèbe, saint Alhanase ; Tillemont et le père Barrai, dans sou Historia Evangclica, out réuni force citations h ce sujet·

 

ÉVANGILE DE NICODÈME.

PRÉFACE.

Les Actes de Pilate ont joui dans les premiers tempe de L’Église d’une grande autorité ; St-Justin, Tertulien ״ Eusèbe et bien d’autres écrivains ecclésiastiques s’appuient de leur témoignage. Ce que ces divers auteurs rapportent comme se trouvant dans ces Actes se rencontre aussi dans la composition connue sous le nom d'Évangile de Nicodème, et qui se compose de deux parties bien distinctes ; la première s’étend jusqu’au seizième chapitre ; elle donne le récit de h condamnation, de la passion, de la sépulture et de la résurrection de Jésus-Christ, récit compilé d’après les Évangélistes, d’après les Actes de Pilate et grossi de quelques fables ; la seconde partie, chapitre 17 à 27, renferme le récit si remarquable des fils de Siméon, Carinus et Leucius, rappelés à la vie et racontant la descente de Jésus-Christ aux enfers et ce qui se passa alors entre les puissances de l’abîme, les patriarches et le Sauveur.

Cette légende est sans nul doute l’œuvre d’un écrivain de race juive qui voulait opposer à l’incrédulité des sectateurs de Moïse, le témoignage des contemporains de Jésus-Christ ; il est probable qu’il vivait au cinquième siècle, mais à cet égard, comme à celui de la langue dont il fit usage, on en est réduit à des conjectures plus ou moins hasardées. A l’exception d’un compilateur obscur que cite Léon Allatius, (De libris eccles. Grcec. p. 235), les auteurs grecs ne font nulle part mention de l'Évangile de Nicodème"; par contre, nous le voyons de bonne heure goûté et répandu dans tout l’occident. Grégoire de Tours est le premier qui en ait fait usage ; dans son Histoire des Francs, liv. 1, ch. 21 et 24, il l’analyse en détail; Vincent de Beauvais, Jacques de Voragine et une foule d’autres écrivains du moyen-âge, ont maintes et maintes fois recouru à cet écrit dont l’autorité n’est jamais suspecte à leurs yeux.

Remarquons aussi que la légende telle que la donne la seconde partie de l'Évangile en question , a été connue d’un grand nombre de docteurs de l’une et de l’autre église. Un auteur grec, Eusèbe d’Alexandrie, dans un discours publié pour la première fois par Augusti, la paraphrase avec énergie ; elle ne renferme guère une seule phrase que l’on ne pût mettre en regard de citations multipliées prises chez maint écrivain des premiers siècles. Thilo a discuté tous ces rapprochements dans un commentaire étendu que nous avons dû laisser de côté, notre intention étant d’écarter de notre travail tout ce qui ressemblerait à une discussion théologique.

Nous mentionnerons comme offrant des recherches de philologie assez étendues les travaux de W. Π. Brunn, Disquisitio hist. erit, de indole, œtate et usu libri apocr. vulgo inscrip. Evang. Ni cod, (Bor-lin, 1784, 8°), et ceux de Staudlîn, (Gotting. Bibl. der neuest, theol, liter, 1. 762 , et Number g lift. Zeit. 1794, n° 94 , p. 745). Ces divers ouvrages se rencontrent assez difficilement en France, mais on peut y suppléer en recourant à celui que nous allons indiquer.

Un écrivain dont les travaux déjà assez nombreux (1) témoignent d’une érudition solide et d’un goût bien rare pour des recherches sérieuses, M. Alfred Maury, a récemment inséré dans la Revue de philologie, de littérature et (Chistoire ancienne, tom. Il, n° 5, p. 428 à 442, une dissertation sur la date de l’Évangile de Nicodème et sur les circonstances auxquelles on peut attribuer la rédaction de cet ouvrage. Indiquons succinctement à quelles conséquences l’examen des textes amène M. Maury.

Le nom d’Amanias ou plutôt d’Emmaïas que l’auteur se donne paraît être le nom grécisé de Heneb, Cet auteur prétend avoir travaillé d’après un original hébreu , mais ce qui montre qu’il a suivi des écrits latins, c’est qu’il a intercalé, dans sa version grecque, des mots latins qu’il a seulement transcrits en caractères helléniques. Parmi les noms donnés aux prosélytes qui s’annoncent comme Juifs de nation, on trouve des noms latins que jamais n’ont portés des Israélites. En somme, la rédaction de la première partie de l'Évangile de Nicodème ne semble pas remonter bien au-delà du cinquième siècle. L’auteur se présente comme un Juif converti ; s’il dit vrai, il était peu instruit dans sa langue, et, loin d’avoir travaillé d’après un texte hébreu, il n’a fait qu’une compilation où des détails empruntés à un apocryphe latin ou du moins à des légendes latines plus anciennes sont mêlés à des faits racontés dans les Évangiles canoniques.

La seconde partie ne paraît point, comme l’ont pensé quelques critiques, une oeuvre distincte de la première, avec laquelle une main plus moderne l’aurait raccordée. La ressemblance du style, la liaison des idées, indique un seul et même auteur.

" Quant au fond du récit de la descente de Jésus» Christ aux enfers, il est évidemment puisé chez » les auteurs chrétiens des troisième et quatrième » siècles. En parcourant les ouvrages des Pères de cette » époque, on retrouve le même langage, les « mêmes figures oratoires ; seulement dans le pseudo-évangile le tableau s’est agrandi; il a pris des pro» portions plus fortes, et le côté allégorique a fait » place à l'interprétation littérale. » A l’appui de cette assertion, M. Maury met à côté de divers passages de l'écrit qui nous occupe, de nombreuses citations empruntées aux écrits de saint Cyrille de Jérusalem, de saint Jean Chrysostôme, de Firmicus Maternus, d’Qrigène, de saint Hippolyte, etc. Il montre que l’idée de presque tops les faits présentés dans la relation des prétendes fils de Siméon sont puisés chez les auteurs ecclésiastiques des troisième, quatrième et cinquième siècles » circonstance qui montre que cette composition est l’œuvre d’un Juif converti, ou du moins d’un chrétien imbu de croyances judaïques qui vivait à peu près de l’an 405 à 410 et qui s’est proposé de combattre indirectement l’opinion d’Apollinaire ; cet évêque de Laodicée, à la fin du quatrième siècle, rejeta le dogme de la descente aux enfers, dogme qui contrariait la doctrine qu’Apollinaire exposait au sujet de l'incarnation, il fut le chef d’une secte qui ne tarda pas à s’éteindre.

M. Maury remarque que les monuments figurés montrent que l’art chrétien emprunta ses sujets à l'Évan-gile de Nicodéme. 11 cite des diptyques publiés par Gori, (Thesaurus veter, diptych. tora, I, pi. ΙΑ, 30 et 51), qui représentent le Christ se penchant vers le fond de l’enfer représenté par un antre et en tirant par la main un des Saints qui s’élancent vers lui, ou bien foulant aux pieds le démon et allant délivrer les justes. Ailleurs, il marche sur les portes de l’enfer et délivre divers personnages dans lesquels on peut reconnaître Adam, Ève et le bon larron. Des sujets analogues se retrouvent dans l'Histoire de l’art par Seroux d’Agincourt, (peinture, pl. 52, et 69).

Ce serait une longue tâche que de vouloir entreprendre l’histoire littéraire d’une composition aussi célèbre durant des siècles, aussi répandue que l’Évangile de Nicodéme. Bornons-nous a en offrir une esquisse.

Le texte grec se trouve, très-défiguré par l’impéritie des copistes , dans quatre manuscrits conservés à la bibliothèque du Roi ; Thilo les a collationnés avec un soin scrupuleux et il s’est aidé des diverses leçons qu'ils présentent pour arriver à présenter le sens le plus naturel. Il s’est également servi de deux manuscrits grecs de la bibliothèque de Munich , l’un et l’autre incomplets, mais qui lui ont fourni de bonnes variantes, d’un manuscrit du Vatican , déjà publié par Birch, (Auctuar. p. 109 et 151), et d'un manuscrit de Venise où nous apprenons qu’à des époques peu éloignées, l’Évangile de Nicodème se lisait dans les églises grecques, non comme faisant partie de l’Écriture-Sainte, mais comme légende édifiante et digne de foi, comme l’œuvre d’un auteur respectable.

Quant au texte latin, Thilo a donné celui d’un manuscrit fort ancien de la bibliothèque du couvent d’Einseidlin, manuscrit qui paraît antérieur au dixièmc siècle et dont il a confronté les leçons nouvelles avec un grand nombre de manuscrits dispersés à Halle, à Rome, à Copenhague, à Paris; la bibliothèque royale en contient dix-huit (2) ; le savant allemand en a collationné six en entier; aucun ne lui a fourni un texte préférable à celui que donne le Codex Einsidlensis. Une multitude d’autres copies sont éparses dans toutes les grandes bibliothèques ; l’ancien catalogue de la Bodleyenne à Oxford en indique treize, mais aucun d’eux n’offre rien de nouveau.

C’est à l’ÉvangiIe de Nicodème qu’est due l’introduction dans les traditions armoricaines et dans les romans de la Table-Ronde du mythe célèbre du St-Graal, de ce vase sacré dans lequel Joseph d’Arimathie avait recueilli le sang précieux de son maître.

Le roman de l'enchanteur Merlin semble de son côté s’annoncer comme une suite de la seconde portion de l'Évangile dont nous parlons. Voici le début en prose de cette composition si populaire au moyen-âge.

« Molt fu iriés li anemis quant nostres sires ot es-» tôt en infer, et il en ot gité Ève et Adam et des» autres taut coin lui plot, et quant li deables virent » ce, si en orent mult grant paour , et mult lor vint » à grant mervelle, si s’assamblèrçnt luit et disent : » Qui est cil hons qui ci nous a esforchiés, etc, »

Dès son début l’imprimerie se hâta de répandre une légende qui avait donné tant d’ouvrage aux copistes. Les bibliographes en ont enregistré trois éditions latines exécutées en Allemagne avant 1500; il en existe d’autres de Leipzig, 1516; Venise, 1522; Anvers, 1528; Paris, 1545. Le texte de ces diverses éditions présente des différences qu’il serait fort inutile de discuter; nous dirons seulement que le plus mauvais de tous les textes est celui de l’édition de Fabricius ; il n’a été revu sur aucun manuscrit ; il paraît avoir été formé un peu à la hâte, d’après la confrontation de deux ou trois des anciennes éditions, sans que rien indique celles que l’éditeur a eues sous les yeux. Birch et Schmid ont donné, sans rien y changer, le texte de Fabricius, Jones a fait usage de celui que présente le recueil de Grynœus {Monumenta S. 5. Patrum, 1569), en y introduisant quelques corrections. Il n’est plus permis dorénavant de citer un autre texte que celui de l’édition de Thilo.

Les diverses nations de l’Europe s’empressèrent de s’approprier un ouvrage qui répondait si bien aux croyances de l’époque. Les versions de l'Évangile de Nicodème se multiplièrent rapidement et c’est un fait qu’il ne sera pas permis de négliger lorsque l’on voudra écrire l’histoire de la traduction au moyen-âge, travail curieux et bien propre à faire connaître le mouvement intellectuel du monde civilisé pendant quatre siècles.

Cette légende paraît surtout avoir joui d’une grande faveur en Angleterre ; de nombreuses traductions restées manuscrites, sont répandues dans les bibliothèques des Trois-Royaumes; l'hérésiarque Wiclef fut du nombre de ces translateurs. De 1507 à 1532 , l’on en connaît sept éditions imprimées à Londres chez Julien Notary, chez Winkin de Worde, chez J. Scott, et il existe aussi deux éditions sans daté, dont l’une fut exécutée à Rouen, chez J. Cousturier ; ce n'est pas le seul ouvrage publié alors en Normandie pour l’usage des lecteurs britanniques (3).

En 1767, une ancienne traduction anglaise parut à Londres 4 chez Joseph Wilsond qui rajeunit l'orthographe, mais qui ne s’expliqua point Sur l’origine de la légende qu’il publiait. Elle offre un récit qui s’écarte en maint endroit du texte latin tel que le donne Thilo; elle renferme des traits fabuleux et des détails singuliers qui paraissent avoir été ajoutés après coup. Nous en rapporterons le prologue :

« Il arriva dans la dix-neuvième année du règne » de Tibère César, empereur de Rome, et sous le » règne d’Hérode qui était roi de Galilée, la quatrième année du fils de Velom qui était conseiller de » Rome comme Olympias l’avait été deux cent deux ans » auparavant. Alors Joseph et Anne étaient élevés en » seigneurie au-dessus des juges, des magistrats, des » images et de tous les Juifs. Nicodème, qui était un digne prince, écrivit Cette histoire en hébreu, et » Théodose, l’empereur, la fit traduire de l’hébreu » en latin, et l’évêque Turpin la traduisit du latin en » français, et s'ensuit cette bienheureuse histoire, » appelée l'Évangile de Nicodème. »

Dans aucun des manuscrits latins. il n’est à ce que nous voyons, fait mention de Turpin, devenu si fameux au moyen-âge, comme le fidèle compagnon de Charlemagne et comme son historiographe. *

Dans un recueil d״ouvrages anglo-saxons que Ed. Thwaites mit au jour à Oxford en 1698, Ton trouve une version de l'Évangile de Nicodème, faite sur un texte latin tel que le présentent, avec peu de différences, tant de manuscrits.

Une traduction française d’une portion de cette légende, se rencontre dans un roman de chevalerie, où Ton n’irait pas la chercher, dans V Histoire du roi Perce forest י publiée à Paris, en 1528, en 3 volumes in-folio, réimprimée dans la même ville en 1531-1532. C’est ad 66e chapitre du 6e livre (feuillet 121 du 6e volume de la 1re édition ; feuillet 107 du tome 3 de la 2e), que se trouve l'extrait en question. Ce chapitre est intitulé : Comment le roy Arfaran sen alla en lysle de vie, publier la foy catholicque et racompîerau long la passion'et résurrection de Jésus-Christ au roy C a differ Descûsse et au roy Perce forest Dangïeterrc, à ta sage royne et aux autres, et du contenu des lettres que Pylateescrypuit à Claudius empereur de Romme. Le prêtre Nataël qui a eu pour maître Joseph i'Ala-rimathieet qui accompagne le roi Arfaran , lit devant une réunion choisie où se distinguent plusieurs têtes tourdnhécs ; la benoyste passion tout ainsi que Nicomedus la fist cscryprc mtit à mot, laquelle passion ; « ajouta-l-il : ·> jay sur moy escrypte de ma propre main , mal volontiers yrois sans lavoir.

Il sortit en 1497 , des presses de J. Trepperel, un écrit intitulé : Passion de N.-S.-Jésus-Christ, faicte et traitée par le bon maistre Gamaliel et Nicodemus son neveu ,et le bon chevalier Joseph Dabrimatie translatée du latin en français. Ce volume est orné de figures en bois assez jolies.

C’est un in-4° de 58 feuillets non chiffrés et dont le dernier, signé L iii, est suivi de trois feuillets non signés. Le titre du livre est ainsi conçu : a A loneur de Nostre-Seigneur-Ihesucrist a este translatée de latin en françoys la benoiste passion et resurrection par le bon maistre Gamaliel et Nichodemus son nepueu et le bon chcualier loseph Dabarimathie disciples de Ihesucrist laquelle sensuyt.

On lit au verso du premier feuillet :

« Cy commence la mort et passion de Ihesucrist laquelle fuct faicte et traitée par le bon maistre Gamaliel et Nicodemus son nepueu et le bon cheualier loseph Dabrimathie, disciples secrets de Notre-Seigneur.

» En celluy temps que Ihesucrist prit mort et passion en la cite de Hierusalem soubz la main de Ponce-Pylatc qui estait sénéchal de Hierusalem pour Iulius Cesar, empereur de Romme, et auoit son lieu en Hierusalem et en Ccsarie partout icelluy rogne, et auoit Pylale auec soy ung gentilhomme cheualier ( 2e feuillet recto) qui auoit nom Nicodemus, lequel auoit cent cheualiers soubz soy qui estaient aux gages de Tempe-reur pour garder la cité d’Ihlz, pour conseiller et ay-der à Pylale ; aussi estait ung maistre à Hierusalem qui lisait les loys de Moyse qui auoit nom Gamaliel, * qui estoit moult sage et Pylate et les outres luifs croioient fort son conseil et estait oncle de Nicodemus et aussi auoit là ung prudhomme qui auoit nom loseph Dabarimatie qui estoit né naturellement à Barimathie, et estoit luif et disciple de lhesucrist secrètement, car il ne osoit faire semblant pour doubte des luifz. Mais segretement il escoutoit les paroles de lhesucrist et estoit à ses sermons, uoulentiers aloit là où il sçauoit les amys de lhesucrist et quant Pilate auoit riens afai· res, il mandait Gamaliel, Nichodcmus et loseph et tout ce qu’ilz lui conseillait, il faisoit. מ

Rapportons une circonstance relatée au feuillet E ii :

" Comme apres que lhesucrist fut trespasse Annas et Cayphas allèrent autour de la croix veoir si estoit mort. Et tantost Annas et Cayphas et plusieurs aultres des luifz allèrent enuiron la croix pour veoir si Ihesu-crist estoit mort et les aultres non, et Cayphas dist à Centurion quil lui faillit percer le costé dune lance, et Centurion dist que riens nen ferait pour tout le monde, car il auoit veu les plus grands merueillesquc onques ne vit ne ouyt dire pour mort de nul homme, et tantost ung luif qui auoit nom Longis et estoit aueu-gle et si estoit un gentilhomme de Romme qui le prit par la main et luy dist : Veulx-tu recouruer la veue ; oui, dist-il, sil se peult faire, et le luifz print une longue lance et fist toucher le fer de la lance au coste de lhesucrist et lui dist quil boutast fort, et tantost en yssit sang et eauc meslee et descendit du long de la lance iusques aux mains de ce Longis et il en toucha ses yeulx, or tan tost apres quit eût touché à ses yculx, il vit clèrement et tous ceulx qui uirent le miracle cheurent par terre et disoîent que mal leur estoit pris, cdr ils auoient liüre à mort ïhesucrist, et ïoseph Dâbrimathie prist ung vaisseau là où il retint le sâng de Ïhesucrist et retint la lance et la mist en la cite de Hierusalem. מ

L’extrême rareté de ce livre nous fera pardonner les détails dans lesquels nous sommes entrés à son égard.

N’oublions pas un autre ouvrage du même genre :

La vie de Jesu-Crtet. — La mort et passion de lesucrist, laquelle fut composée par les bons et expers-maîtres, Nicodemus et Joseph d’Arimathie. — La destruction de Hierusalem et vengeance de nostre Saulveur et Rédempteur Jésus-Christ, faicte par Vespasien et Titus son fils. Lyon. J. de Chandeney, 1510. fi°. La première des trois parties dont ce compose ce volume, est mêlée de vers et de prose; elle se compose de 37 feuillets ; la seconde partie a 32 feuillets et la troisième 16.

En Italien, indépendamment de l'extrait qu’en donna d’après le français et de seconde main la dilet-tevole historia del valorossissimo Parsaforesto Re della gran Bretagne (Venise, 1558, 6 vol. 8°), l’É-tangile de Nicodème trouva divers traducteurs dont les travaux sont demeurés inédits. Lami indique comme se trouvant à la bibliothèque Riccardiana un Evangelîo diNicodemoCatal. 1756, (p. 181) et Nie ode me, Nar-razione della resurrezione di Christo. D’après Laini qui en parle dans son savant ouvrage de eruditione Apôstôlortihi (Florent 1738, p. 181), le premier de ces mânùscrits eàt une paraphrase plutôt qu’une traduction Adèle. Un manuscrit du Vatican (5420), contient une histoire de là passion de Jésus-Christ écrite en Italien par tin Juif Converti, du nom d’Isaac, et des emprunté considérables faits à la légende de Nicodéme s’y font remarquer.

Nous ne connaissons pas de Version espagnole ; mais en allemand il en existe de nombreuses, restées inédites et toutes plus ou moins Chargées d’interpolation. L’on connaît six éditions imprimées séparément ; deux sont sans date ; elles appartiennent au quinzième siècle; les autres virent le jour cri 1555,1616, 1676 et 1684· Aucune n’offre de particularités dignes de remarque, tin livret eh langue hollandaise sorti en 1671 dés presses dé Rotterdam, est intitulé : T Won-fâeflÿck Ëvangeiium van Nicodemus,

On n'a trouvé encore aucune traduction complète de l'Évangile de Nicodème dans quelques-uns des langues de l'Orient, mais la trace des récits qu’il renferme se rencontre dans divers auteurs syriens ou Coptes ; Assemani dans sa Bibliotheca Orientalis, (Rome, 1719-28, 4 vol. f°.) et Zoëga dans un ouvragé que nous allons avoir occasion dë citer, en ont fait mention ; des légendes puisées à la même source se montrent aussi dans divers manuscrits arméniens et arabes de la bibliothèque du Roi et de celle du Vatican. Nous donnerons ici la traduction du début d’une de tes relations arabes telle que l’illustre Silvestre de Sacy la fait passer en latin ; c’est celle du manuscrit n° 160 de la bibliothèque du Roi,

Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu ; le martyre de Pilate ; sermon qu’a corn-posé notre Père saint, digne de toute vénération, l’abbé Hériaque, évêque de Balmessa, sur la résurrection de Notre-Seigneur-Jésus-Christ d’entre les morts et sur les tourments qu’il a soufferts dans la ville de Jérusalem, lorsqu’il fut crucifié, sous Ponce-Pilate. Lorsque Notre-Seigneur, Dieu et Sauveur, eut été crucifié, les vénérables princes Joseph et Nicodème, le descendirent de la croix et le placèrent dans un sépulcre neuf La vierge Marie pleurait et désirait aller au sépulcre de son fils; mais elle ne pouvait le faire à cause de la peur qu’inspiraient les Juifs, c’était le jour du Sabbat qui vient après la sixième fête et, ce jour-là, personne ne pouvait sortir ni se livrer à quelqu’occupation que ce fût. Le matin de la première fête, la vierge Marie prit avec elle d’autres femmes et elle emporta des parfums pour oindre le sépulcre. Marie devança les autres femmes et elle vint au sépulcre avant que les ténèbres de la nuit fussent dissipées, et elle vit que la pierre qui fermait la porte du tombeau avait été ôtée. Et lorsqu’elle était frappée d’étonnement, elle vit deux Anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête, l’autre aux pieds de l’endroit où avait été posé le corps de Jésus, et ils lui dirent : « Femme, pourquoi pleures-tu? » Elle répondit: « Parce qu’ils ont enlevé le corps de mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis. » Et se retournant, elle vit Jésus qui lui dit : « Femme, quel est le motif qui le fait verser des larmes et pourquoi pleures״tu? etc·»

Dans la suite de son discours, l’écrivain oriental dit que tout ce qu’il raconte a été écrit par Gamaliel et Anne (Ananie), hommes pieux et doctes qui étaient avec Joseph et Nicodème et qui furent témoins de la passion ; il ajoute que Pilate obtint la palme du martyre, car il embrassa la foi de celui qu’il avait condamné, et Hérode, Payant envoyé à Rome, il y eut la tête tranchée.

M. Dulaurier, dans un écrit que nous avons déjà cité, a traduit un fragment des Actes de saint André et de saint Paul, inséré par Zoëga dans son Catalogus codicum copticorum qui in museo Borgiano adservan-tur (Romœy 1810, folio).

Saint Paul raconte qu’ayant pénétré dans le sein de l’abîme, il a vu le lieu où résident les âmes.

« Le Sauveur est descendu dans l’Amentès; il en a » retiré toutes les âmes qui s’y trouvaient, il l’a rendu » désert ; les gardiens de l’Amentès pleurèrent sur le » Diable en ces termes : Tu te glorifiais d’être Roi ; » tu disais : c’est moi seul qui le suis. Nous voyons » bien maintenant que c’est faux, car celui qui est » ton Roi est venu ici et en a ramené toutes les âmes מ qui étaient soumises à ton pouvoir. — Alors le » Diable s’adressant aux légions infernales : O vous » puissances de mon empire, leur dit-il, qui pensez » qu’un autre l’emporte sur, nous, parce qu’il est » descendu en ces lieux, ne nous reste-t-il pas une » âme qu’il n’a pu délivrer?.... Écoute-moi (ô mon » frère André) כ je te dirai que j’ai vu les rues de » l'Amentès désertes, personne ne les habitait et les מ portes que le Seigneur avait brisées étaient en morceaux. Tu vois ce fragment de bois qui est dans » mes mains et que j’ai rapporté avec moi ; il formait » le seuil des portes que le Seigneur a détruites.

Moi, Émée, Hébreu, qui étais docteur de la Loi chez les Hébreux, étudiant les Divines Écritures ; m’appliquant dans la Foi, aux grandeurs des Écritures de Notre-Seigneur-Jésus-Christ, revêtu de la dignité du saint Baptême, et recherchant les choses qui se sont passées et qu’ont faites les Juifs sous le gouvernement de Ponce-Pilate; trouvant le récit de ces faits écrits en lettres hébraïques par Nicodème, je l’ai interprété en lettres grecques, pour le porter à la connaissance de tous ceux qui adorent le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et je l’ai fait sous l’empire de Flavius Théodose, la dix-huitième année et sous Valentinien Auguste. Vous tous, qui lîsé2 ces choses dans les livres grecs ou latins, je vous prie dé daigner intercéder pour moi, pauvre pécheur; afin que Dieu me soit propice et qu’il me remette tous les péchés que j’ai commis. Que le paix soit aux lecteurs, le salut à ceux qui entendront. C’est la fin de la préface.  

Ceci arriva dans la dix-huitième année de l’empire de Tibère, César, empereur des Romains, et d’Hérode, fils d’Hérode, empereur de Galilée, Fan dix-huitième de sa domination, le huit des calendes d’avril, qui est 10 vingt-cinquième jour du mois de mars sous le consulat de Ruffin et de Rubellion ; la quatrième année de la deux-cent-dcuxième olympiade, lorsque Joseph et Caïphe étaient grands-prêtres des Juifs ; et Nicodème écrivit alors eh lettres hébraïques, le récit de tout ce qui s’était passé lors du Crucifiement du Seigneur et après sa Passion (h).

chapitre Ier.

Anne, Caïphe, Summus, Dathan et Gamaliel, Judas, tévi, Neplitali, Alexandre, Syrus et les autres princes des Juifs, vinrent à Pilate contre Jésus, l’accusant de beaucoup d’actions mauvaises et disant < Nous le connaissons pont* le fils de Joseph le charpentier, et pour être né de Marie ; et il dit qu’il est Roi et Fils de Dieu; non-seulement cela, mais il viole le Sabbat, il veut détruire là loi de nos pères. Pilate dit : Quelles sont les mauvaises actions qu’il commet ? Les Juifs répondirent : « Nous avons pour loi de ne guérir personne le jour du Sabbat ; celui-ci a malicieusement guéri, le jour du Sabbat, des boiteux et des sourds, des impotents et des paralytiques, des aveugles, des lépreux et des démoniaques. » Pilate leur dit : « Comment l’a-t-il fait malicieusement? י> Et les Juifs lui répondirent :«C’est un magicien (5); et c’est au nom de Béelzébub, prince des démons, qu’il chassé les démons et que toutes choses lui sont soumises. » Pilate dit : « Ce n’est pas l’effet d’un esprit immonde, mais celui dè là puissance de Dieu, de chasser les démons. » Les Juifs dirent à Pilate : « Nous prions ta Grandeur d’ordonner qu’il comparaisse devant un tribunal, afin que tu l’entendes. » Pilate, appelant un messager, lui dit : « Que Jésus soit amené ici et traité avec douceur. » Le messager s’en alla, et trouvant Jésus, il l’adora, et étendit par terre le manteau qu’il portait, disant : « Seigneur, entre en marchant là-dessus, car le gouverneur l’appelle! » Les Juifs, voyant ce qu’avait fait le messager, dirent à Pilate avec de grandes clameurs : « Pourquoi ne lui as-tu pas fait donner, par la voix d’un héraut, l’ordre d’entrer au lieu de lui envoyer un messager. Car le messager le voyant l’a adoré et il a étendu par terre devant lui le manteau qu’il portait à la main (6) et il lui a dit : « Seigneur, le gouverneur te mande. » Pilate, appelant à lui le messager, lui dit: « Pourquoi as-tu agi ainsi? » Le messager dit : « Lorsque tu m’as envoyé de Jérusalem auprès d’Alexandre, j’ai vu Jésus assis sur un âne et les enfants des Hébreux, tenant des rameaux dans leurs mains, criaient :« Salut, fils de David; »d’autres étendaient leurs vêtements sur son chemin, en disant :«Salut à celui qui est dans les Cieux ; béni celui qui vient au nom du Seigneur ! » Les Juifs répondirent au messager en criant : « Ces enfants des Hébreux s’exprimaient en hébreu ; comment, toi qui es grec, as-tu compris des paroles dites en hébreu ? » Le messager répondit : J’ai interrogé un des Juifs et lui ai dit : Qu’est-ce qu’ils crient en hébreu ? Et il me l’a explique. » Pilate dit alors :Quelle est l’exclamation qu’ils prononcent en hébreu? Et les Juifs répondirent : Hosanna. » El Pilate dit: « Quelle en est la signification? » Et les Juifs répondirent : elle signifie : « Seigneur, salut ! » Et Pilate dit : « Vous-mêmes, vous confirmez que les enfants s’exprimaient ainsi ; en quoi le messager est-il donc coupable? » Et les Juifs se turent. Le gouverneur dit au messager : a Sors, et introduis-le. » Et le messager alla vers Jésus et lui dit : « Seigneur, entre, car le gouverneur t’appelle. » Jésus étant entré, les images que les porte-drapeaux portaient au-dessus de leurs enseignes, s’inclinèrent d’elles-mêmes et elles adorèrent Jésus (7). Les Juifs, voyant que les images s’étaient inclinées d’elles-mêmes pour adorer Jésus, crièrent fortement contre ,les porte-drapeaux. Alors Pilate dit aux Juifs : « Vous ne rendez pas hommage à Jésus, devant lequel les images se sont inclinées pour le saluer, mais vous criez contre les porte-enseignes, comme s’ils avaient eux-mêmes incliné leurs drapeaux et adoré Jésus. » Et les Juifs dirent : « Nous les avons vus agir de la sorte. מ Le gouverneur, appelant à lui les porte-drapeaux, leur demanda : « Pourquoi avez-vous fait cela ? <· Ils répondirent à Pilate : « Nous sommes des Payens et les esclaves des Temples ; comment aurions-nous voulu l’adorer? Les enseignes que nous tenions se sont courbées d’elles-mêmes pour l’adorer. » Pilate dit aux chefs de la Synagogue et aux anciens du peuple: « Choisissez vous ·mêmes des hommes forts et robustes et ils tiendront les enseignes, et nous verrons si elles se courberont d’elles-mêmes. » Les anciens des Juifs prirent douze hommes très-robustes et leur mirent les enseignes dans les mains, et les rangèrent en présence du gouverneur. Pilate dit au messager : « Conduis Jésus hors du Prétoire et intro-duis-le ensuite. » Et Jésus sortit du Prétoire avec le messager. Et Pilate, s’adressant à ceux qui tenaient les enseignes, leur dit en faisant serment par le salut de César : « Si les enseignes s’inclinent quand il entrera, je vous ferai couper la tête! » El le gouverneur ordonna de faire entrer Jésus une seconde fois. Et le messager pria derechef Jésus d’entrer, en passant sur le manteau qu’il avait étendu par terre. Jésus le fit, et lorsqu’il entra, les enseignes s’inclinèrent et l’adorèrent.

CHAPITRE II.

Pilate, voyant cela, la frayeur s’empara de lui et il commença à se lever de dessus son siège. El comme il songeait à se lever de dessus son siège, la femme de Pilate, nommée Procule (8), envoya vers lui pour lui dire : » Ne fais rien contre ce justes car j’ai beaucoup souffert cette nuit à cause de lui. » Pilate, entendant cela, dit à tous les Juifs :· Vous savez que mon épouse est payenne et qu’elle a construit pour vous de nombreuses Synagogues; elle m’a fait dire que Jésus était un homme juste» et qu’elle avait beaucoup souffert cette nuit à cause de lui. » Les Juifs répondirent à Pilate : « Est-ce que nous ne t’avions pas dit que c’était un enchanteur ? Voici qu’il a envoyé un songe à ton épouse (9). » Pilate, appelant Jésus, lui dit : « N’entends-tu pas ce qu’ils disent contre toi? et tu ne réponds rien. » Jésus répondit : « S’ils n’avaient point le pouvoir de parler, ils ne parleraient point; mais ils verront que chacun a la disposition de sa bouche, la faculté de dire des choses bonnes ou mauvaises. » Les anciens des Juifs dirent à Jésus : a Que voyons-nous? d’abord que tu es né de la fornication ; secondement que Bethléem a été le lieu de ta naissance, et qu’à cause de toi les enfants ont été massacrés ; troisièmement, que ton père et ta mère Marie se sont enfuis en Égypte, parce qu’ils n’avaient pas confiance dans le peuple. » Quelques-uns des Juifs qui se trouvaient là, et qui étaient moins méchants que lés autres, disaient: « Nous ne disons pas qu’il est issu de la fornication, car nous savons que Marie a été fiancée à Joseph, et il n’est pas né de la fornication. » Pilate dit aux Juifs qui disaient que Jésus était issu de la fornication i « Ce discours est mensonger, car il y a eu fiançailles ainsi que l'attestent des personnes d’entre vous.» Anne et Caïphe dirent à Pilate : « Toute la multitude crie qu’il est né de la fornication, et qu’il est un enchanteur. Ceux-ci Sont ses prosélytes et ses disciples. » Pilate appelant Anne et Caïphe leur dit : « Qu’est-ce que des prosélytes? » Ils répondirent: « Ce sont des fils (le Payeris, et maintenant ils sont devenus Juifs. » Lazare et Astère, et Antoine et Jacques, Zarus et Samuel, Isaac et Phinée, Crispus el Agrippa, Amenius et Judas dirent alors : « Nous lie sommes point des prosélytes, mais nous sommes enfants de Juifs et nous disons la vérité ; nous avons assisté âux fiançailles de Marie. » Pilate, s’adressant aux douze hommes qui avaient ainsi parlé, leur dit : « Je vous adjure, par le salut de César, de déclarer si vous dites la vérité, et s’il n’est pas lié de la fornication. » Ils dirent à Pilate: « Nous avons pour loi de ne point jurer, car c’est un péché ; ordonné à ceux-ci de jurer pour le salut de César que ce que nous disons est faux, et nous serons passibles de mort. מ Anne et Caïphe dirent à Pilate ;« Croirait-on ù ces douze hommes qui disent qu’il n’est pas né de là fornication, tandis que l’on ne nous croirait pas à nous tous qui disons qu’il est un enchanteur, et qu’il se dit Roi et Fils de Dieu ? » Pilate ordonna à tout le peuple de sortir et de s’éloigner des douze hommes qui avaient dit que Jésus n’était pas né de la fornication, et il fit mettre Jésus à part et il leur dit : « Pour quel motif les Juifs veulent-ils faire péril’ Jésus ?» Et ils lui répondirent : « Ils sont irrités parce qu’il opère des guérisons le jour du Sabbat. » Pilate dit : « Ils veulent donc le faire périr pour une bonne œuvre. » et ils répondirent : « Oui, Seigneur. »

CHAPITRE III.

Pilate, rempli de colère, sortit du Prétoire et dit aux Juifs : « Je prends le soleil à témoin que je n’ai trouvé aucune faute à reprendre à cet homme. » Les Juifs répondirent au gouverneur : « Si ce n’était pas un enchanteur, nous ne te l’aurions pas livré. » Pilate leur dit : « Prenez-le et jugez-le suivant votre loi. » Les Juifs dirent à Pilate : « Il ne nous est pas permis de faire périr qui que ce soit. »Pilate dit aux Juifs : »C’est à vous et non à moi que Dieu a dit : σ Tu ne tueras point. »Rentré au Prétoire, Pilate appela Jésus seul et lui dit : « Es-tu le Roi des Juifs! » Et Jésus répondant à Pilate, dit : « Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ? » Pilate répondit à Jésus : « Est-ce que je suis Juif? Ta nation et les princes des prêtres t’ont livré à moi, qu’as-tu fait ? » Jésus répondit : « Mon royaume n’est pas de ce monde; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient résisté, et je n’aurais pas été livré aux Juifs; mais mon royaume n’est pas ici. » Pilate dit : « Tu es donc Roi ? » Jésus répondit : « Tu le dis, car je suis Roi. Je suis né et je suis venu pour rendre témoignage à la vérité, et tous ceux qui prendront part à la vérité entendront ma voix. » Pilate dit : « Qu’est-ce que la vérité ? מ Et Jésus répondit : « La vérité vient du Ciel. מ Pilate dit : « Il n’y a donc pas de vérité sur la terre?» Et Jésus dit à Pilate :« Vois comme ceux qui disent la vérité sur la terre sont jugés par ceux qui ont le pouvoir sur la terre. »

CHAPITRE IV.

Pilate, laissant Jésus dans l'intérieur du Prétoire, sortit et alla aux Juifs et leur dit : « Je ne trouve en lui aucune faute. «Les Juifs répondirent : « Il a dit: Je puis détruire le Temple et le relever en trois jours. » Pilate leur dit : « Quel temple? » Les Juifs répondirent : « Celui que Salomon a mis quarante-six ans à bâtir; et il a dit qu’il pourrait le renverser et le relever en trois jours. » Et Pilate leur dit derechef : « Je suis innocent du sang de cet homme, voyez pour vous. » Les Juifs dirent : <c Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. » Pilate, appelant alors les anciens et les prêtres et les lévites, leur dit en secret : « N’agissez pas ainsi ; malgré vos accusations, je n’ai rien trouvé en lui digne de mort, dans ce que vous lui reprochez d’avoir violé le Sabbat. » Les prêtres, et les lévites et les anciens dirent à Pilate ; « Celui qui a blasphémé contre César est digne de mort. Lui, il a blasphémé contre Dieu. » Le gouverneur ordonna alors aux Juifs de sortir du Prétoire, et, appelant Jésus, il lui dit : « Qu’est-ce que je ferai à ton égard? » Jésus dit à Pilate : « Agis comme il f a été donné. » Pilate dit aux Juifs : « Comment m’a-t-il été donné? » Jésus répondit : « Moïse et les prophètes ont prédit cette Passion et ma Résurrection· » Les Juifs l'entendant dirent à Pilate : « Veux-tu écouter plus longtemps ses blasphèmes, notre loi porte que si un homme pèche contre son prochain, il recevra quarante coups moins un (10). et que le blasphémateur sera puni de mort. » Pilate leur dit : « Si son discours est blasphématoire, prenez-le et conduisez-le dans votre Synagogue, et jugez-le suivant votre loi. » Les Juifs dirent à Pilate : « Nous voulons qu’il soit crucifié. » Pilate leur dit : « Ce n’est pas. juste, » Et, regardant l’assemblée, il vit des Juifs qui pleuraient et il dit : « La foule ne veut pas toute entière qu’il meure. » Les anciens dirent à Pilate : « Nous sommes venus avec toute la foule pour qu'il meure. » Et Pilate dit aux Juifs : « Qu’a-t-il fait pour encourir la mort? » Et ils répondirent ; « Il a dit qu’i| était Roi elle Fils de Dieu. »

chapitre V.

Alors un Juif, du nom de Nicodème, se tint devant le gouverneur et dit : « Je te prie de me permettre, dans ta miséricorde; de dire quelques paroles. » Et Pilate lui dit : « Parle. » Et Nicodème dit : « J’ai dit aux anciens des Juifs, et aux Scribes, et aux prêtres, et aux lévites, et à toute la multitude des Juifs dans la Synagogue : Quelle plainte portez-vous contre cet homme? Il faisait de nombreux et d’éclatants miracles, tels que personne n’en fait ni n’en a fait. Renvoyez-le et ne lui faites aucun mal ; si ces miracles viennent de Dieu, ils seront stables, s’ils viennent des hommes, ils se détruiront. Moïse, que Dieu avait envoyé en Égypte, fit les miracles que Dieu lui avait ordonné d’opérer en présence de Pharaon; le roi d’Égypte. Et il y avait là des magiciens Jamnès et Mambrès, et ils voulurent faire les mômes miracles que Moïse, mais ils ne purent les accomplir tous, et les Égyptiens les regardèrent comme des Dieux. Mais, comme les miracles qu’ils avaient opérés ne provenaient pas de Dieu, ils périrent eux et ceux qui avaient cru en eux. Et maintenant, renvoyez cet homme, car il ne mérite point la mort » Les Juifs dirent à Nicodème : « Tu es devenu son disciple, et tu élèves la voix pour lui. » Nicodème leur dit : « Est-ce que le gouverneur qui parle aussi en sa faveur est son disciple? Est-ce que César ne l’a pas élevé en dignité pour rendre justice. «Les Juifs frémissaient de colère et ils grinçaient des dents contre Nicodème et ils lui dirent : « Accueille sa vérité et que ta part soit avec lui. » Et Nicodème dit : « Amen ; que j’aie part avec lui, ainsi que vous !édités. (11) »

CHAPITRE VI.

Un autre des Juifs s’avança et demanda au gouverneur la permission de parler, et Pilate dit :« Ce que tu veux dire, dis-le. » Et ce Juif parla ainsi : « Depuis trente-huit ans, je gisais dans mon lit et j’étais constant-ment en proie à de grandes souffrances et en danger de perdre la vie. Jésus étant venu, beaucoup de démoniaques et de gens affligés de diverses infirmités furent guéris par lui. Et quelques jeunes gens m’apportèrent dans mon lit et me menèrent à lui. Et Jésus me voyant fut touché de compassion, et il me dit : Lève-toi, prends ton lit et marche. Et aussitôt je fus complètement guéri; je pris mon lit et je marchai. » Les Juifs dirent à Pilate : « Demande-lui quel jour il fut guéri : » Et il répondit : « Le jour du Sabbat. » Et les Juifs dirent : « Ne disions-nous pas qu’il guérissait les malades et qu’il chassait les démons le jour du Sabbat?» Et un autre Juif s’avança et dit : « J’étais aveugle de naissance ; j’entendais parler et je ne voyais personne. El Jésus ayant passé, je m’adressai à lui en criant à haute voix : Fils de David, prends pitié de moi, et il eut pitié de moi, et il posa sa main sur mes yeux, et aussitôt je recouvrai la vue. » Et un autre s’avança et dit : « J’étais courbé et il m’a redressé d’un mot » Et un autre s’avança aussi et dit : « J’étais lépreux et il m’a guéri d’un mot. »

CHAPITRE VII.

Et une femme nommée Véronique dit : « Depuis douze ans j’étais affligée d’un flux de sang, et je touchai le bord de son vêtement (12) et aussitôt mon flux de sang s’arrêta. » Les Juifs dirent: « D’après notre loi, une femme ne peut venir déposer en témoignage (13).

CHAPITRE VIII.

Et quelques autres de la foule des Juifs, hommes et femmes, se mirent à crier : « Cet homme est un prophète, les démons lui sont assujettis! » Pilate leur dit: « Pourquoi les dénions ne sont-ils pas assujettis à vos docteurs? » Et ils répondirent : « Nous ne savons. »

D’autres dirent à Pilate : « Il a ressuscité Lazare, qui était mort depuis quatre jours, et il l’a fait sortir du sépulcre. » Le gouverneur, entendant cela, fut effrayé et il dit aux Juifs : « Que nous servira-t-il de répandre le sang innocent? »

chapitre IX.

Et Pilate, appelant Nicodème à lui et les douze hommes qui disaient que Jésus n’était point né de la fornication, leur parla ainsi :«Que ferai-je, car une sédition éclate parmi le peuple? » Et ils répondirent : « Nous ne savons; qu’ils voient eux-mêmes. מ Et Pilate, convoquant derechef la multitude, dit aux Juifs : « Vous savez que, suivant la coutume, le jour des azymes, je vous remets un prisonnier (16). J’ai en prison un fameux meurtrier, qui s’appelle Barrabas ; je ne trouve en Jésus rien qui mérite la mort Lequel voulez-vous que je vous remette? » Tous répondirent en criant : « Remets-nous Barrabas !» Pilate dit : «Que ferai-je donc de Jésus, qui est surnommé le Christ? » Ils dirent tous: « Qu’il soit crucifié! » Et les Juifs dirent aussi : « Tu n’es pas l’ami de César si tu remets en liberté celui qui se dit Roi et Fils de Dieu ; et tu veux peut-être que ce soit lui qui soit Roi au lieu de César. » Alors Pilate, ému de fureur, leur dit : « Vous avez toujours été une race séditieuse, et vous vous êtes opposés à ceux qui étaient pour vous. » Et les Juifs dirent : « Quels sont ceux qui étaient pour nous? » Et Pilate répondit : «Votre Dieu, qui vous a délivrés de la dure servitude des Égyptiens, et qui vous a conduits ù travers la mer comme à pied sec, et qui vous a donné 16 dans le désert la manne et la chair des cailles pour votre nourriture, et qui a fait sortir de l’eau d’un rocher pour vous désaltérer, et, malgré tant de faveurs, vous n’avez cessé de vous révolter contre votre Dieu, et il a voulu vous faire périr. Et Moïse a prié pour vous, afin que vous ne périssiez pas. Et vous dites maintenant que je hais le Roi. » Et se levant de son tribunal, il voulut sortir. Mais tous les Juifs crièrent ; « Nous savons que c’est César qui est Roi et non Jésus. Car les mages lui ont offert des présents comme 6 un Roi. Et Hérode, apprenant des mages qu’un Roi était né, voulut le (aire périr. Son père, Joseph, l’ayant su, l’amena, ainsi que sa mère, et ils s’enfuirent en Égypte. Et Hérode fit mourir les enfants des Juifs qui étaient nés à Bethléem. « Pilate, entendant ces paroles, fut effrayé ; et lorsque le calme fut rétabli parmi le peuple qui criait, il dit : a C’est donc lui qui est ici présent que cherchait Hérode î » Ils répondirent ;« C’est lui. ׳· Et Pilate, prenant de Peau, lava ses mains devant le peuple en disant ; « Je suis innocent du sang de cet homme juste ; songez à ce que vous faites. » Et les Juifs répondirent : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants !י> Alors Pilate ordonna d’amener Jésus devant le tribunal sur lequel il siégeait, et il poursuivit en ces termes, en rendant sentence contre Jésus : « Ta race t’a renié pour Roi. J’ordonne donc que |u sois d’abord flagellé, suivant les statuts des anciens princes. Il ordonna ensuite qu’il fût crucifié dans le lieu où il avait été arrêté, avec deux malfaiteurs, dont les noms sont Dismas et Gestas.

CHAPITRE X.

Et Jésus sortit du Prétoire et les deux larrons avec lui. Et lorsqu’il fut arrivé à l’endroit qui s’appelle Golgotha, les soldats le dépouillèrent de ses vêtements et le ceignirent d’un linge, et ils mirent sur sa tête une couronne d’épines, et ils placèrent un roseau dans ses mains. Et ils crucifièrent également les deux larrons à ses côtés, Dismas à sa droite et Gestas à sa gauche. Et Jésus dit : « Mon père, pardonnez-leur et épargnez-les, car ils ne savent ce qu'ils font. » Et ils partagèrent entre eux ses vêtements. Et le peuple était présent et les princes, les anciens et les juges tournaient Jésus en dérision, en disant : « Il a sauvé les autres, qu’il se salive lui-même ; s’il est le fils de Dieu, qu’il descende de la croix. » Les soldats se moquaient de lui et il lui offraient pour boisson du vinaigre avec du fiel, en disant : « Si tu es le Roi des Juifs, délivre-toi toi-même. » Un soldat nommé Longin, prenant une lance, lui perça le côté et il en sortit du sang et de l’eau. (15)» Le gouverneur ordonna que l’on inscrivît sur un écriteau, suivant l'accusation des Juifs, en lettres hébraïques grecques et latines : « Celui-ci est le Roi des Juifs. » Un des larrons qui étaient crucifiés, nommé Gestas, lui dit : « si tu es le Christ, délivre-toi ainsi que nous. » Dismas lui répondant, le réprimanda, disant: N’as-tu point crainte de Dieu, toi qui es de ceux contre lesquels condamnation a été rendue? nous recevons le juste châtiment de ce que nous avons commis, mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et lorsqu’il eut repris son compagnon, il dit à Jésus : « Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton royaume. » Et Jésus lui répondit ; « En vérité, je te le dis, tu seras aujourd’hui avec moi en Paradis (16).

chapitre XI.

C’était vers la sixième heure du jour, et des ténèbres se répandirent sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Le soleil s’obscurcissant, voici que le voile du Temple se fendit du haut en bas en deux parties. Et vers la neuvième heure, Jésus s’écria à haute voix : « Hely, Hely, lama zabathani. » ce qui signifie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? Et ensuite Jésus dit : « Mon père, je remets mon esprit entre tes mains. » Et disant cela, il rendit l’esprit. Le centurion voyant ce qui s’était passé, glorifia Dieu, disant : « Cet homme était juste. » Et tous les assistants, troublés de ce qu’ils avaient vu, s’en retournèrent en frappant leurs poitrines. Et le centurion rapporta au gouverneur ce qui s’était passé ;le gouverneur l’entendant fut saisi d’une extrême affliction, et ils ne mangèrent ni ne burent ce jour-là. Et Pilate convoquant les Juifs, leur dit : « Avez-vous vu ce qui s’est passé? » Et ils répondirent au gouverneur : « Le soleil s’est éclipsé de la manière habituelle. « Et tous ceux qui étaient attachés à Jésus se tenaient au loin, ainsi que les femmes qui l’avaient suivi de Galilée. Et voici qu’un homme nommé Joseph, homme juste et bon, et qui n’avait point eu part aux accusations et aux méchancetés des Juifs, et qui était d’Arimathie, ville de Judée, et qui attendait le royaume de Dieu, demanda à Pilate le corps de Jésus. Et l’ôtant de la croix, il le plia dans un linceul bien net, et il le déposa dans un tombeau tout neuf qu'il avait fait cons-traire pour lui-même, et où nul n’avait été enseveli.

CHAPITRE XII.

Les Juifs, apprenant que Joseph avait demandé le corps de Jésus, le cherchaient ainsi que les douze hommes qui avaient déclaré que Jésus n’était pas né de la fornication, et Nicodème et les autres qui avaient paru devant Pilate, et qui avaient rendu témoignage des bonnes œuvres de Jésus. Tous se cachant, Nicodème seul se montra à eux, car il était prince des Juifs, et il leur dit : « Comment êtes-vous entrés dans la Synagogue ?» Et il lui répondirent : « Et toi, corn-ment es-tu entré dans la Synagogue lorsque tu étais attaché au Christ,? Puisses-tu avoir part avec lui dans les siècles à venir. » Et Nicodème répondit : « Amen, amen, amen. » Joseph se montra également, et leur dit : « Pourquoi êtes-vous irrités contre moi de ce que j’ai demandé à Pilate le corps de Jésus ? Voici que je l’ai déposé dans mon propre tombeau, et je l’ai enveloppé d’un linceul bien net, et j’ai placé une grande pierre à l’entrée de la grotte. Vous avez mal agi contre le juste que vous avez crucifié, et percé à coups de lance. »Les Juifs, entendant cela, se saisirent de Joseph et ils ordonnèrent qu'il fût retenu jusqu’à ce que la fête du Sabbat fût passée. » Et ils lui dirent :« En ce moment, nous ne pouvons rien faire contre toi, car le jour du Sabbat a lui. Nous savons que tu n’es pas digne de sépulture, mais nous abandonnerons ta chair aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre. « Joseph répondit : « Ces paroles sont semblables à celles de Goliath le Superbe, qui s’éleva contre le Dieu vivant et que frappa David. Dieu a dit par la voix du prophète : « Je me réserverai la vengeance. » Et Pilate , endurci de cœur, a lavé ses mains en plein soleil, en criant : « Je suis pur du sang dé ce juste. » Et vous avez répondu : Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. Et je crains maintenant que la colère de Dieu ne s’appesantisse sur vous et sur vos enfants ; comme vous l’avez dit. » Les Juifs! entendant Joseph parler ainsi, furent outrés de rage, et se saisissant de lui, ils renfermèrent dans tin cachot où il n’y avait pas de fenêtre. Anne et Caïphe placèrent des garder à la porte et posèrent leur sceau sur la clé. Et il tinrent conseil avec les prêtres et les lévites pour qu’ils se rassemblas-sont tous après le jour du Sabbat, et ils songèrent quel genre de mort ils infligeraient à Joseph. Et quand ils se furent réunis, Anne et Caïphe ordonnèrent que l’on amenât Joseph, et ôtant le sceau, ils ouvrirent la porte et ils ne trouvèrent pas Joseph dans le cachot où ils l’avaient enfermé; Et toute l'assemblée fut frappée de stupeur, car l’on avait trouvé la porte scellée. Et Anne et Caïphe se retirèrent (17).

chapitre XIII.

Tons étant remplis de surprise, un des soldats qui avait été mis pour garder le sépulcre, entra dans la Synagogue, et dit : « Tandis que nous veillions sur le tombeau de Jésus, la terre a tremble et nous avons vu l’Ange de Dieu qui a ôté la pierre du sépulcre et qui s’est assis sur elle. Et son visage brillait comme la foudre, ses vêtements étaient blancs comme la neige. Et bous sommes restés comme morts de frayent·. Et nous avons entendu l’Ange qui disait aux femmes venues au sépulcre de Jésus: Ne craignez point, je sais que vous cherchez Jésus le crucifié ; il est ressuscité, ainsi qu’il l’avait prédit. Venez, et voyez l’endroit où il avait été placé, et empressez-vous d’aller dire à ses disciples qu'il est ressuscité d’entre les morts, et qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez. » Et les Juifs Convoquant tous les soldats qui avaient été préposés à la garde du tombeau de Jésus, leur dirent : « Quelles sont ces femmes auxquelles l’Ange a parlé? Pourquoi ne vous êtes-vous pas saisis d’elles? מ Les soldats répondirent : « Nous ne savons quelles étaient ces femmes, et nous sommes restés comme morts tant l’Ange nous inspirait de crainte ; comment aurions-nous pu nous saisir de ces femmes? » Les Juifs dirent : « Vive le Seigneur ! nous ne vous croyons point » Les soldats répondirent aux Juifs :«Vous avez vu Jésus qui faisait tant de miracles et vous n’y avez pas cru, comment croiriez-vous à nous? Vous avez eu raison de dire : Vive le Seigneur ! car il vit le Seigneur que vous avez enfermé. Nous avons appris que vous avez emprisonné en un cachot, dont vous avez scellé la porte, ce Joseph qui a enseveli le corps de Jésus , et lorsque vous êtes venus pour le chercher, vous ne l’avez plus trouvé. Remettez-nous Joseph que vous avez enfermé, et nous vous remettrons Jésus que nous gardions dans le sépulcre. » Les Juifs répondirent : «Nous vous remettrons Joseph, remettez-nous Jésus; car Joseph est dans la ville d'Arimathic. » Les soldats répondirent : « Comme Joseph est à Arimathie, Jésus est en Galilée, ainsi que nous avons entendu l'Ange l’annoncer aux femmes. » Les Juifs entendant cela, craignirent, et ils se disaient entre eux : « Lorsque le peuple entendra ces discours, tous croiront en Jésus·· Et réunissant une grosse somme d'argent, ils la donnérent aux soldats, en disant : « Dites que tandis que vous dormiez, les disciples de Jésus sont venus pendant la nuit, et qu’ils ont dérobé son corps. Et si le gouverneur Pilate apprend cela, nous l’apaiserons à votre égard, et vous ne serez point inquiétés. » Les soldats prenant l’argent, dirent ce que les Juifs leur avaient recommandé.

chapitre XIV.

Un prêtre nommé Phinée, et Addas qui était maître d'école, et un lévite nommé Aggée, vinrent tous trois de la Galilée à Jérusalem, et ils dirent aux princes des prêtres et à tous ceux qui étaient dans la Synagogue .״ » Jésus que vous avez crucifié, nous l'avons vu qui parlait avec onze de ses disciples, assis au milieu d’eux sur le mont des Olives (18), et leur disant : « Allez dans le monde entier, prêchez à toutes les nations, baptisez les Gentils au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Et celui qui croira et qui sera baptisé, sera sauvé. Et quand il eut dit ces choses à ses disciples, nous l'avons vu monter au Ciel » En entendant cela, les princes des prêtres, cl les anciens , et les lé-vîtes dirent à ces trois hommes : «Rendez gloire au Dieu d’Israël et prenez-le à témoin que ce que vous avez vu et entendu est véritable. » Et ils répondirent : « Vive le Seigneur de nos pères, le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob, nous avons entendu Jésus parler avec scs disciples, et nous l’avons vu monter au Ciel ; nous disons la vérité. Si nous taisons que nous avons entendu Jésus tenir ces discours à ses disciples, et que nous l’avons vu monter au ciel, nous commettrons un péché. » Les princes des prêtres se levant aussitôt, leur dirent : « Ne répétez à personne ce que vous nous avez dit au sujet de Jésus. מ Et ils leur donnèrent une grosse somme d’argent. Et ils renvoyèrent trois hommes avec eux pour qu’ils fussent ramenés dans leur pays et qu’ils ne fissent aucun séjour à Jérusalem. Et tous les Juifs s’étant réunis se livrèrent entre eux à de grandes méditations, disant : « Quelle est cette merveille qui est survenue en Israël ? » Anne et Caïphe les consolant leur dirent : « Devons-nous croire aux soldats qui gardaient le monument de Jésus, et qui nous dirent qu’un Ange a ôté la pierre de la porte du monument? Peut-être ses disciples le leur ont dit et leur ont donné beaucoup d’argent pour les amener à s’exprimer ainsi et à laisser enlever le corps de Jésus. Sachez qu’il ne faut ajouter nulle foi aux paroles de ces étrangers, car ils ont reçu de nous une forte somme, et ils ont dit partout ce que nous leur avions recommandé de dire. Et ils peuvent bien être infidèles aux disciples de Jésus tout comme à nous. מ

chapitre XV.

Nicodème se levant, dit : « Vous parlez dans la droiture, enfants d’Israël. Vous avez entendu tout ce qu’ont dit ces trois hommes qui juraient sur la loi du Seigneur. Ils ont dit : « Nous avons vu Jésus qui parlait avec ses disciples sur le mont des Olives, et nous l’avons vu monter au Ciel. Et l'Écriture nous enseigne que le bienheureux Élie a été enlevé au Ciel, et Élisée, interrogé par les fils des prophètes qui lui demandaient : « Où est notre frère Élie? » leur dit qu’il avait été enlevé. Et les fils des prophètes lui dirent : « Peut-être l’esprit l’a enlevé et l’a déposé sur les montagnes d’iraël. Mais choisissons des hommes qui iront avec nous et parcourons les montagnes d’Israël 9 nous le trouverons peut-être. Èt ils prirent Élisée, et il marcha avec eux trois jours, et ils ne trouvèrent point Élie (19). Et maintenant, écoutez-moi, enfants d’Israël, et envoyons des hommes dans les montagnes d’Israël, car peut-être l'Esprit a enlevé Jésus, et peut-être le trouverons-nous, et nous ferons pénitence. » Et l’avis de Nicodème fut du goût de tout le peuple, et ils envoyèrent des hommes, et ceux-ci cherchèrent Jésus sans le trouver, et, étant de retour, ils dirent : « Nous n’avons point rencontré Jésus dans les lieux que nous avons parcourus, mais nous avons trouvé Joseph dans la ville d’Arimathie. מ Les princes et tout le peuple entendant cela, se réjouirent et ils glorifièrent le Dieu d’Israël de ce qu’on avait trouvé Joseph qu’ils avaient enfermé dans un cachot, et qu’ils n’avaient pas retrouvé. Et réunissant une grande assemblée, les princes des prêtres dirent : <׳ Comment pouvons-nous amener Joseph à nous et lui parler? » Et prenant du papier, ils écrivirent à Joseph , disant : « La paix soit avec toi et avec tous ceux qui sont avec toi. Nous savons que nous avons péché contre Dieu et contre toi. Daigne donc venir vers tes pères et tes fils, car ton enlèvement nous a remplis de surprise. Nous savons que nous avons entretenu contre toi un mauvais dessein, et le Seigneur t’a protégé, et il t’a délivré de nos mauvaises intentions. Que la paix soit avec toi, Seigneur Joseph, homme honorable parmi tout le peuple. » Et ils choisirent sept hommes amis de Joseph, et ils leur dirent : « Lorsque vous serez arrivés auprès de Joseph, donnez-lui le salut de paix, et remettez-lui la lettre. » Et les hommes arrivant auprès de Joseph, le saluèrent, et lui remirent la lettre. Et après que Joseph en eut fait lecture, il dit : « Béni soit le Seigneur Dieu qui a préservé Israël de l’effusion de mon sang. Sois béni, mon Dieu, qui m’as protégé de tes ailes. »Et Joseph embrassa les messagers et les reçut dans sa maison. Le lendemain, Joseph, montant sur son âne, se mit en route avec eux, et ilsarri-vèrent à Jérusalem. Et quand les Juifs apprirent sa venue, ils accoururent tous au-devant de lui, criant et disant : « La paix soit à ton arrivée, père Joseph ! » Et il leur répondit : « Que la paix du Seigneur soit avec tout le peuple. » Et tous l’embrassèrent Et Nicodème les reçut dans sa maison, les accueillant avec grand honneur et empressement. Le lendemain qui était le jour de la préparation, Anne et Caïphe et Nicodème dirent à Joseph : « Rends hommage au Dieu d’Israël, et réponds à tout ce que nous te demanderons. Nous étions irrités contre toi, parce que tu avais enseveli le corps du Seigneur-Jésus, et nous t’avons enfermé dans un cachot où nous ne t’avons pas retrouvé, ce qui nous a remplis de surprise et nous a pénétrés de frayeur jusqu’à ce que nous t’ayons revu. Raconte-nous donc, en présence de Dieu, ce qui s’est passé. » Joseph répondit : « Lorsque vous m’avez enfermé le jour de Pâques au soir, tandis que j’étais en oraison au milieu de la nuit, la maison fut comme enlevée dans les airs. Et j’ai vu Jésus resplendissant comme un éclair, et, saisi de crainte, je suis tombé par terre. Et, Jésus, me prenant par la main, m’a élevé au-dessus de terre et la rosée me couvrait. Et essuyant mon visage, il m’a embrassé et il m’a dit : « Ne crains rien, Joseph; regarde-moi, et vois, car c’est moi. » Et je regardai et je m’écriai : « O maître Élie ! » Et il me dit : « Je ne suis point Élie, mais je suis Jésus de Nazareth dont tu as enseveli le corps. » Je lui ai répondu : « Montre-moi le monument où je t’ai déposé. מ Et Jésus, me tenant par la main, m’a conduit à l’endroit où je l’avais enseveli. Et il m’a montré le linceul et le drap dans lequel j’avais enveloppé sa tête. Alors j’ai reconnu que c’était Jésus (20) et je l’ai adoré, et j’ai dit : « Béni celui qui vient au nom du Seigneur. » Jésus, me tenant parla main, m’a conduit à Arimathie dans ma maison, et m’a dit : « La paix soit avec toi, et de quarante jours, ne sors pas de ta maison, et je vais retourner vers mes disciples.

chapitre XVI.

Lorsque les princes des prêtres et les autres prêtres et les lévites eurent entendu ces choses, ils furent frappés de stupeur, et ils tombèrent par terre sur leurs visages comme morts, et revenus à eux, ils s’écriaient : « Quelle est cette merveille qui s’est manifestée à Jérusalem ? car nous connaissons le père et la mère de Jésus. » Un certain lévite dit : « Je sais que son père et sa mère étaient des personnes craignant Dieu et qu’ils étaient toujours en prières dans le Temple offrant des hosties et des holocaustes au Dieu d’Israël. « Et lorsque le grand-prêtre Siméon le reçut, il dit, le tenant dans ses mains: « Maintenant, Seigneur, renvoie ton serviteur en paix suivant ta parole, car mes yeux ont vu le Sauveur que tu as préparé en présence de tous les peuples, la lumière qui doit servir à la révélation faite aux nations et à la gloire de ta race d’Israël. » Et ce même Siméon bénit aussi Marie, la mère de Jésus, et il lui dit : « Je t’annonce au sujet de cet enfant qu’il est né pour la ruine et la résurrection de beaucoup et en signe de contradiction. Et le glaive traversera ton âme jusqu’à ce que les pensées des cœurs de beaucoup soient connues. » Alors les Juifs dirent : « Envoyons vers ces trois hommes qui disent qu’ils l’ont vu avec ses disciples sur le mont des Olives. » Quand ce fut fait et que ces trois hommes furent venus et qu’ils furent interrogés, ils répondirent d’une voix unanime : « Vive le Seigneur, Dieu d’Israël, car nous avons manifestement vu Jésus avec ses disciples sur le mont des Olives et lorsqu’il montait au ciel. » Alors Anne et Caïphe les prirent chacun à part et les questionnèrent séparément. Et confessant unanimement la vérité, ils dirent qu’ils avaient vu Jésus. Alors Anne et Caïphe dirent : « Notre loi porte : Dans la bouche de deux ou trois témoins, toute parole est valide. Mais ne savons-nous pas que le bienheureux Énoch plut à Dieu et qu’il fut transporté par la parole de Dieu, et la tombe du bienheureux Moïse ne se trouve pas et la mort du prophète Élie n’est pas connue. Jésus au contraire a été livré à Pilate, flagellé, couvert de crachats, couronné d’épines, frappé d’une lance et crucifié; il est mort sur la croix et il a été enseveli et l’honorable père Joseph a enseveli son corps dans un sépulcre neuf, et il atteste l’avoir vu vivant Et ces trois hommes certifient qu’ils l’ont vu avec ses disciples sur le mont des Olives et monter au ciel. »

CHAPITRE XVII.

Et Joseph se levant dit à Anne et Caïphe : « Vous êtes justement dans l’admiration, parce que vous apprenez que Jésus a été vu ressuscité et montant au ciel. Il faut encore plus s’étonner de ce que non-seulement il est ressuscité, mais qu’il a rappelé du sépulcre beaucoup d’autres morts, et qu’un grand nombre de personnes les ont vus à Jérusalem. Et écoutez-moi maintenant, car nous savons tous que le bienheureux grand-prêtre Siméon a reçu, de ses mains, Jésus enfant dans le Temple. Et ce Siméon eut deux fils, frères de père et de mère, et nous avons tous été présents lorsqu’ils se sont endormis (21),et nous avons assisté à leur ensevelissement. Allez donc et voyez leurs tombeaux, car ils se sont ouverts, et les fils de Siméon sont dans la ville d’Arimathie, vivant dans l’oraison. Quelquefois on entend leurs cris, mais ils ne parlent à personne et ils sont silencieux comme des morts. Venez, allons vers eux et emmenons-les devant nous avec les plus grands égards. Et si nous leur demandons avec instance, ils nous parleront peut-être du mystère de leur résurrection. » Tous entendant cela, se réjouirent, et Anne et Caïphe, Nicodème et Joseph et Gamaliel allant aux sépulcres, n’y trouvèrent point les morts, mais se rendant dans la ville d’Arimathie, ils les y trouvèrent agenouillés. Et les embrassant avec le plus grand respect et dans la crainte de Dieu, ils les conduisirent à Jérusalem dans la Synagogue. Et après que les portes furent fermées, prenant le livre de la loi, ils le posèrent dans leurs mains, les conjurant par le Dieu Adonaï et le Dieu d’Israël (22) qui a parlé par la loi et par les prophètes, disant : « Si vous savez que c’est lui qui vous a ressuscités d’entre les morts, dites-nous comment vous êtes ressuscités. » Carinus et Leucius entendant cette adjuration, tremblèrent de tous leurs corps, et, tout émus, ils gémirent du fond de leur cœur. Et, regardant au ciel, ils firent avec leur doigt le signe de la croix sur leur langue. Et aussitôt ils parlèrent, disant : Donnez-nous des tomes de papier afin que nous écrivions ce que nous avons vu et entendu. Et on les leur donna. Et, s’asseyant, chacun d’eux écrivit, disant :

CHAPITRE XVIII.

Jésus - Christ, Seigneur Dieu, résurrection des morts et vie, permets-nous d’énoncer les mystères par la mort de ta croix, parce que nous avons été conjurés par toi. Tu as ordonné de ne rapporter à personne les secrets de ta majesté divine tels que tu les a manifestés dans les enfers. Lorsque nous étions avec tous nos pères, placés au fond des ténèbres, nous avons soudain été enveloppés d’une splendeur dorée comme celle du soleil et une lueur royale nous a illuminés. Et, aussitôt, Adam » le père de tout le genre humain, a tressailli de joie ainsi que tous les patriarches et les prophètes, et ils ont dit : « Cette lumière, c’est l’auteur de la lumière éternelle qui nous a promis de nous transmettre une lumière qui n’aura pas de terme. »

chapitre XIX.

Et le prophète Isaïe s’est écrié, et a dit : « C’est la lumière du Père, le Fils de Dieu, comme j’ai prédit, lorsque j’étais sur les terres des vivants : la terre de Zabulon et la terre de Nephtalim. Au-delà du Jourdain, le peuple qui est assis dans les ténèbres verra une grande lumière ; et ceux qui sont dans la région de la mort, la lumière brillera sur eux. Et maintenant, elle est arrivée, et a brillé pour nous qui étions assis dans la mort. » Et comme nous tressaillions tous de joie dans la lumière qui a brillé sur nous, il survint à nous Siméon, notre père, et, en tressaillant de joie, il a dit à tous :« Glorifiez le Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, car je l’ai reçu nouveau-né dans mes mains dans le Temple, et, inspiré par l'Esprit saint ,je l’ai glorifié et j’ai dit : « Mes yeux ont vu maintenant le salut que tu as préparé en présence de tous les peuples ; la lumière pour la révélation des nations et la gloire de ton peuple d’Israël. » Toute la multitude des Saints, entendant ces choses, se réjouit davantage. Et, ensuite, il survint un homme qui semblait ermite, et, tous l’interrogeant : « Qui es-tu ? »> Il leur répondit, et il dit : « Je suis Jean (23), la voix et le prophète du Très-Haut, celui qui précède la face de son avènement afin de préparer ses voies, afin de donner la science du salut à Son peuple pour la rémission des péchés. Et le voyant venir à moi, j’ai été poussé par l'Esprit Saint, et j’ai dit : Voilà l'Agneau de Dieu ; voilà celui qui ôte les péchés du monde. Et je l'ai baptisé dans le fleuve du Jourdain, et j’ai vu l'Esprit saint descendre sur lui sous la forme d’une colombe. Et j’ai entendu une voix des Cieux qui disait : Celui-ci est mon fils bien-aimé, dans lequel j’ai mis toute ma complaisance, écoutez-le. Et maintenant, j’ai précédé sa face, je suis descendu vous annoncer que dans peu de temps le Fils de Dieu lui-même se levant d’en haut nous visitera en venant à nous qui sommes assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort (24).

chapitre XX.

Et lorsque le père Adam, premier formé, entendit ces choses, que Jésus a été baptisé dans le Jourdain, il s’écria, parlant à son fils Seth (25)« : Raconte à tes fils, les patriarches et les prophètes, toutes les choses que tu as entendues de Michel l'Archange , quand je t’ai envoyé aux portes du Paradis, afin de supplier le Seigneur de te transmettre son Ange pour qu’il te donnât de l’huile de l’arbre de miséricorde (26), et que tu oignis mon corps lorsque j’étais malade. » Alors Seth s’approchant des saints patriarches et des prophètes dit : « Moi, Seth, comme j’étais en oraison devant le Seigneur aux portes du Paradis, voilà que l’Ange du Seigneur, Michel (27), m’apparut, disant : J’ai été envoyé vers toi par le Seigneur, je suis établi sur le corps humain. Je te le dis, Seth, ne prie point dans les larmes, et ne demande pas l’huile de l’arbre de miséricorde, afin d’oindre ton père Adam à cause des souffrances do son corps, car, d’aucune manière, tu ne pourras en recevoir si ce n’est dans les derniers jours et si ce n’est lorsque cinq mille et cinq cents ans auront été accomplis; alors le Fils de Dieu! rempli d’amour, viendra sur la terre, et il ressuscitera le corps d’Adam, et ressuscitera en même temps les corps des morts. Et, à sa venue, il sera baptisé dans le Jourdain. Lorsqu’il sera sorti de l’eau du Jourdain, alors il oindra de l’huile de sa miséricorde tous ceux qui croient en lui et l’huile de sa miséricorde sera pour la génération de ceux qui doivent naître de l’eau et de l’Esprit saint pour la vie éternelle (28). Alors Jésus-Christ, le Fils de Dieu, plein d’amour, descendant sur la terre, introduira notre père Adam dans le Paradis auprès de l’arbre de miséricorde. » Tous les patriarches et les prophètes entendant ces choses que disait Seth, tressaillirent do grande joie.

chapitre XXI.

Et lorsque tous les Saints tressaillaient d’allégresse, voilà que Satan, le prince et le chef de la mort, dit au prince des enfers (29) : « Apprête-toi toi-même à prendre Jésus qui se glorifie d’être le Christ, Fils do Dieu, et qui est un homme craignant la mort, et disant ; Mon âme est triste jusqu’à la mort. Car il s’est opposé à moi en maintes choses, et beaucoup d’hommes que j’avais rendus aveugles , boiteux , sourds, lépreux, et

que j’avais tourmentés par différents démons, ii les a guéris d’une parole. Et ceux que je t’avais amenés morts, il te les a enlevés. »Et le prince du Tartare (30) répondant à Satan, dit : « Quel est ce prince si puissant, puisqu’il est un homme craignant la mort? Car tous les puissants de la terre sont ténus assujettis par ma puissance lorsque tu les a amenés soumis par ton pouvoir. Si donc tu es puissant, quel est ce Jésus qui, craignant la mort, s’oppose à toi? S’il est tellement puissant dans son humanité, je te le dis en vérité, il est tout-puissant dans sa divinité, et personne ne peut résister à son pouvoir. Et lorsqu’il dit qu’il craint la mort, il veut te tromper, et malheur sera pour toi dans les siècles éternels. » Satan, le prince de la mort, répondit et dit : « Pourquoi as-tu hésité et redouté de prendre ce Jésus ton adversaire et le mien? Car je l’ai tenté et j’ai excité contre lui mon ancien peuple juif, l’animant de haine et de colère ; j’ai aiguisé la lance de persécution , j’ai mêlé du fiel et du vinaigre , et je lui ai fait donner à boire, et j’ai fait préparer le bois pour le crucifier et des clous pour percer ses mains et ses pieds, et sa mort est proche, et je te l’amènerai assujetti à toi et à moi. » Et le prince de l’enfer répondit et dit : « Tu m’as dit que c’est lui qui m’a arraché les morts. Beaucoup sont ici que je retiens, et pendant qu’ils vivaient sur la terre, ils m’ont enlevé des morts, non par leur propre pouvoir, mais par les prières di* vines, et leur Dieu tout-puissant me les a arrachés. Quel est donc ce Jésus qui, par sa parole, m’a arraché des morts? C’est peut-être lui qui a rendu à la vie par la parole de son commandement, Lazare , qui était mort depuis quatre jours, plein de puanteur et en dissolution, et que je détenais mort. מ Satan, le prince de la mort répondit et dit : « C’est ce même Jésus. » Le prince des enfers, entendant cela, lui dit : « Je te conjure par ta puissance et la mienne, ne l’amène pas vers moi. Car lorsque j’ai entendu la force de sa parole, j’ai tremblé, saisi de crainte , et en même temps tous mes ministres impies ont été troublés avec moi. Nous n’avons pu retenir ce Lazare (31); mais , nous échappant avec toute l’agilité et la vitesse de l’aigle, il est sorti d’entre nous, et cette même terre qui tenait le corps privé de vie de Lazare l’a aussitôt rendu vivant Je sais ainsi maintenant que cet homme qui a pu accomplir ces choses , est le Dieu fort dans son empire, et puissant dans l’humanité, et il est le sauveur du genre humain, et si tu l’amènes vers moi, tous ceux que je retiens ici renfermés dans la rigueur de la prison, et enchaînés par les liens non rompus de leurs péchés, il les dégagera et il les conduira par sa divinité à la vie qui doit durer autant que l’éternité. »

chapitre XXII.

Et comme ils parlaient ainsi alternativement, Satan et le prince de l’enfer, il se fit une voix comme celle des tonnerres et le bruit de l’ouragan : « Princes, enlevez vos portes, et élevez-vous, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera. » Le prince do l’enfer entendant cela, il dit à Satan : « Eloigne-toi de moi et sors de mes demeures ; si tu es un puissant combattant, combats contre le Roi de gloire. Mais qu’y a-t-il de toi à lui? « Et le prince de l’enfer jeta Satan hors de ses demeures. Et le prince de l’enfer dit à ses ministres impies : « Fermez les cruelles portes d’airain et poussez les verrous de fer, et résistez vaillamment de peur que nous ne soyons réduits en captivité, nous qui gardons les captifs. » Mais en entendant cela, toute la multitude des Saints dit au prince de l’enfer d’une voix de reproche : « Ouvre tes portes, afin que le Roi de gloire entre. » Et David, ce divin prophète, s’écria en disant : « Est-ce qtfe, lorsque j’étais sur les terres des vivants, je ne vous ai pas prédit que les miséricordes du Seigneur lui rendront témoignage, et que ses merveilles l’annonceront aux fils des hommes, parce qu’il a brisé les portes d’airain et rompu les verrous de fer ? Il les a retirés de la voie do leur iniquité.» Et ensuite, un autre prophète, Isaïe, dit pareillement h tous les Saints : « Est-ce que, lorsque j’étais sur les terres des vivants, je ne vous ai pas prédit : Les morts s’éveilleront et ceux qui sont dans le tombeau se relèveront, et ceux qui sont dans la terre tressailleront de joie, parce que la rosée qui vient du Seigneur est leur guérison? Et j’ai dit encore : « Mort, où est ta victoire? Mort, où est ton aiguillon ? ׳> Tous les Saints entendant ces paroles d’Isaïe, dirent au prince des enfers : « Ouvre tes portes, maintenant, vaincu et terrassé, tu es sans puissance. » Et il se fit une voix comme celle des tonnerres, disant : « Princes, enlevez vos portes, et élevez-vous, portes infernales , et le Roi de gloire entrera. » Le prince de l’enfer voyant que deux fois ce cri s’était fait entendre, dit comme s’il était dans l'ignorance : « Quel est ce Roi de gloire ? » David , répondant au prince de l'enfer, dit : « Je connais les paroles de cette clameur , car ce sont les mêmes que j’ai prophétisées par l’inspiration de son esprit* Et maintenant ce que j’ai déjà dit, je te le répète : « Le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans le combat, c’est lui qui est le Roi de gloire, et le Seigneur a regardé du ciel sur les terres, afin d’entendre le gémissement de ceux qui sont dans les fers , et afin de délivrer les fils de ceux qui ont été mis à mort· Et maintenant, immonde et horrible prince de l’enfer, ouvre tes portes, afin que le Roi de gloire entre. » David, disant ces paroles au prince de l’enfer, le Seigneur de majesté survint sous la forme d’un homme, et il éclaira les ténèbres éternelles, et il rompit les liens qui n’étaient point brisés, et le secours d’une vertu invincible nous visita, nous qui étions assis dans les profondeurs des ténèbres des fautes, et dans l’ombre de la mort des péchés·

chapitre XXIII.

Le prince de l’enfer et la mort et leurs officiers impies voyant cela, furent saisis d’épouvante avec leurs cruels ministres, dans leurs propres royaumes, lorsqu’ils virent l’éblouissante clarté d’une si vive lumière, et le Christ établi tout d’un coup dans leurs demeures, et ils s’écrièrent en disant : « Ta nous a vaincus. Qui es-tu, toi que le Seigneur envoie pour notre confusion ? Qui es-lu , toi, qui sans atteinte de corruption, par l’effet irrésistible de ta majesté as pu renverser notre puissance? Qui es-tu, toi, si grand et si petit, si humble et si élevé, soldat et général, combattant admirable sous la forme d'un esclave ? Roi de gloire mort et vivant que la croix a porté mis à mort. Toi qui es demeuré mort étendu dans le sépulcre et qui es descendu vivant vers nous? Et toute créature a tremblé en ta mort, et tops les astres ont été ébranlés, et maintenant tu es devenu libre entre les morts, et tu troubles nos légions. Qui es-tu, toi, qui délies les captifs et qui inondes d’une lumière éclatante ceux qui sont aveuglés par les ténèbres des péchés? » Pareillement toutes les légions des démons frappées d’une semblable frayeur, crièrent avec, une soumission craintive et d’une voix unanime disant:« D’où es-tu, Jésus, homme si puissant et splendide en majesté, si éclatant, sans tache et par de crime? Car ce monde terrestre qui nous a toujours été assujetti jusqu’à présent, qui nous payait des tributs pour nos sombres usages, ne nous a jamais envoyé un mort tel que celui-ci, et n’a jamais destiné de pareils présents aux enfers? Qui es-tu donc, loi qui as ainsi franchi sans crainte les frontières de nos domaines, et non-seulement tu ne redoutes point nos supplices, mais de plus tu tentes de délivrer tous ceux que nous tenons dans nos fers ? Peut-être es-tu ce Jésus duquel Satan , notre prince, disait que par ta mort sur la croix, tu recevrais une puissance sans bornes sur le monde entier. » Alors le Roi de gloire, écrasant dans sa majesté la mort sous ses pieds et saisissant Satan, priva l’enfer de toute sa puissance et amena Adam à la clarté de sa lumière.

chapitre XXIV.

Alors le prince de l’enfer gourmandant Satan avec de violents reproches, lui dit (32) : « O Beelzébuth (33) prince de perdition et chef de destruction, dérision des Anges de Dieu, ordure des justes, qu’as-tu voulu faire ? Tu as voulu crucifier le Roi de gloire , dans la ruine et la mort duquel tu nous avais promis de si grandes dépouilles? Ignores-tu comment tu as agi dans ta folie? Car voici que ce Jésus dissipe par l’éclat de sa divinité toutes les ténèbres de la mort; il a brisé les profondeurs des plus solides prisons, et il délivre les captifs et il relâche ceux qui sont dans les fers ; voici que tous ceux qui gémissaient sous nos tour-monts, nous insultent et nous sommes accablés de leurs imprécations ? Nos empires et nos royaumes sont vaincus et la race humaine, nous ne lui inspirons plus d’effroi.

Au contraire, ils nous menacent et nous insultent, ceux qui, morts, n’avaient jamais pu montrer de superbe devant nous et qui n’avaient jamais pu éprouver un moment d’allégresse pendant leur captivité.

O Satan, prince de tous les maux, père des impies et des rebelles, qu’as-tu voulu faire ? Ceux qui depuis le commencement jusqu’à présent avaient désespéré du salut et de la vie: maintenant aucun de leurs gémissements ne se fait entendre, aucune de leurs plaintes ne résonne, et on ne trouve aucun vestige de larmes sur la face d’aucun d’eux. O prince Satan, possesseur des clés des enfers, tu as maintenant perdu par le bois de la croix ces richesses que tu avais acquises par le bois de la prévarication et la perte du Paradis, et toute ton allégresse a péri lorsque tu as attaché à la croix ce Christ, Jésus le Roi de gloire, tu as agi contre toi et contre moi. Sache désormais combien de tourments éternels et de supplices infinis tu dois souffrir sous ma garde qui ne connaît pas de terme. O Satan, prince de tous les méchants, auteur de la mort et source d’orgueil, tu aurais dû premièrement chercher un juste reproche à faire à ce Jésus, et comme tu n’as trouvé en lui aucune faute, pourquoi sans raison as-tu osé le crucifier injustement et amener dans notre région l’innocent et le juste? Et tu as perdu les mauvais, les impies et les injustes du monde entier. » Et comme le prince de l’enfer parlait ainsi à Satan, alors le Roi de gloire dit au prince de l’enfer : « Le prince Satan sera sous votre puis-sauce dans la perpétuité des siècles au lieu d'Adam et de ses fils qui sont mes justes » (34).

chapitre XXV.

Et le Seigneur, étendant sa main , dit : « Venez à moi, tous mes Saints, qui avez mon image et ma ressemblance. Vous qui avez été condamnés par le bois, le diable et la mort, vous verrez que le diable et la mort sont condamnés par le bois. מ Et, aussitôt tous les Saints furent réunis sous la main du Seigneur. Et le Seigneur, tenant la main droite d’Adam, lui dit : « Paix à toi avec tous tes fils, mes justes. » Adam, se prosternant aux genoux du Seigneur, le supplia en versant des larmes, disant d’une voix haute : « Seigneur, je te glorifierai, car tu m’as accueilli et tu n’as pas fait triompher mes ennemis au-dessus de moi. Seigneur, mon Dieu, j’ai crié vers toi, et tu m’as guéri, Seigneur. Tu as retiré mon âme des enfers, tu m’as sauvé en ne me laissant pas avec ceux qui descendent dans l’abîme. Chantez les louanges du Seigneur, vous tous qui êtes ses Saints, et confessez à la mémoire de sa sainteté. Car la colère est dans son indignation, et la vie dans sa volonté. » Et paiement tous les Saints de Dieu, se prosternant aux genoux du Seigneur, dirent d’une voix unanime : « Tu es arrivé, Rédempteur du monde, et tu as accompli ce que tu avais prédit par la loi et par tes prophètes. Tu as racheté les vivants par ta croix, et, par la mort de la croix, tu es descendu vers nous pour nous arracher des enfers et de la mort, par ta majesté. Seigneur, ainsi que tu as placé le titre de ta gloire dans le ciel, et que tu as élevé le titre de la rédemption, ta croix sur la terre; de même, Seigneur, place dans l’enfer le signe de la victoire de ta croix, afin que la mort ne domine plus. » Et le Seigneur, étendant sa main, fit un signe de croix sur Adam et sur tous ses Saints, et, tenant la main droite d’Adam, il s’éleva des enfers. Et tous les Saints le suivirent. Alors le prophète David s’écria avec force : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau, car il a fait des choses admirables. Sa droite et son bras nous ont sauvés. Le Seigneur a fait connaître son salut; il a révélé sa justice en présence des nations. » Et toute la multitude des Saints répondit, en disant : « Cette gloire est à tous les Saints. Ainsi soit-il. Louez Dieu. » Et alors le prophète Habacuc s’écria, disant : « Tu es sorti pour le salut de ton peuple, pour la délivrance de tes élus. » Et tous les Saints répondirent, disant : « Béni qui vient au nom du Seigneur, le Seigneur Dieu, et qui nous éclaire. Pareillement le prophète Michée s’écria, disant : « Quel Dieu y a-l-il comme toi, Seigneur, ôtant les iniquités et effaçant les péchés? Et maintenant tu contiens le témoignage de ta colère , car tu inclines davantage à la miséricorde. Tu as eu pitié de nous et tu nous as absous de nos péchés, et tu as plongé toutes nos iniquités dans l’abîme de la mort, ainsi que tu l’avais juré à nos pères dans les jours anciens. » Et tous les Saints répondirent, disant : « Il est notre Dieu à jamais et pour les siècles des siècles, il nous régira dans tous les siècles. Ainsi soit-il. Louez Dieu. » Et de même tous les prophètes récitant des passages de leurs anciens chants consacrés à la louange du Seigneur, et tous les Saints.

CHAPITRE XXVI.

Et le Seigneur, tenant Adam par la main, le remit à Michel Archange, et tous les Saints suivirent Michel. Il les introduisit tous dans la grâce glorieuse du Paradis (35), et deux hommes, anciens des jours, vinrent au-devant d’eux. Les Saints les interrogèrent, disant : « Qui êtes-vous, vous qui n’avez pas encore été avec nous dans les enfers et qui avez été placés corporellement dans le Paradis? » Un d’eux répondit : « Je suis Énoch (36) qui ai été transporté ici par la parole du Seigneur. Et celui qui est avec moi est Élie le Thesbite, qui a été enlevé par un char de feu. Jusqu’à présent nous n’avons point goûté la mort, mais nous sommes réservés pour l’avènement de l'Antéchrist, armés de signes divins et de prodiges pour combattre avec lui, pour être mis à mort dans Jérusalem, et, après trois jours et demi, pour être derechef enlevés vivants dans les nuées·

CHAPITRE XXVII.

Et tandis qu’Énoch et Élie parlaient ainsi aux Saints, voici qu’il survint un autre homme très-misérable portant sut ses épaules le signe de la croix. Et lorsque tous les Saints le virent, ils lui dirent : « Qui es-tu? ton aspect est celui d’un larron, et d’où vient que tu portes le signe de la croix sur tes épaules ? » Et leur répondant, il dit : « Vous avez dit vrai, car j’ai été un larron commettant tous les crimes sur la terre. Et les Juifs me crucifièrent avec Jésus, et je vis les merveilles qui s’accomplirent par la croix de Jésus Je crucifié, et je crus qu’il est le Créateur de toutes les créatures et le Roi tout-puissant, et je le priai, disant : Souviens-toi de moi, Seigneur, lorsque tu seras venu dans ton royaume. Aussitôt, exauçant ma prière, il me dit : « En vérité, je te le dis , tu seras aujourd’hui avec moi dans le Paradis. מ Et il me donna ce signe de la croix, disant : « Entre dans le Paradis en portant cela , et si l’Ange gardien du Paradis ne veut pas te laisser entrer , montre-lui le signe de la croix et dis lui : <׳ C’est Jésus-Christ, le Fils de Dieu , qui est maintenant crucifié, qui m’a envoyé. » Lorsque j’eus fait cela, je dis toutes ces choses à l’Ange gardien du Paradis. Et lorsqu’il me les entendit dire, ouvrant aussitôt, il me fit entrer et me plaça à la droite du Paradis, disant : « Attends un peu de temps, el le père de tout le genre humain, Adam, entrera avec tous ses fils, les Saints et les justes du Christ, le Soigneur crucifié. » Lorsqu’ils eurent entendu toutes ces paroles du larron, tous les patriarches d’une voix unanime, dirent : « Béni le Seigneur tout-puissant, Père des biens éternels et père des miséricordes, toi qui as donné une telle grâce à des pécheurs et qui les as introduits dans la grâce du Paradis, dans tes gras pâturages où réside la véritable vie spirituelle. Ainsi soit-il. "

CHAPITRE XXVIII.

Ce sont là les mystères divins et sacrés que nous vîmes et entendîmes, moi Carinus et moi Leucius, il ne nous est pas permis de poursuivre et de raconter les autres mystères de Dieu, comme Michel l’Archange le déclarant hautement, nous dit :« Allez avec vos frères à Jérusalem ; vous serez en oraisons criant et glorifiant la résurrection du Seigneur Jésus-Christ, vous qu’il a ressuscités avec lui d’entre les morts. Et vous ne parlerez avec aucun des hommes, et vous resterez, assis comme des muets, jusqu’à ce que l’heure arrive que le Seigneur vous permette de rapporter les mystères de sa divinité. » Michel l'Archange nous ordonna d’aller au delà du Jourdain, dans un lieu très-fertile et abondant où sont plusieurs qui sont ressuscités avec nous, en témoignage de la résurrection du Christ, parce que c’est seulement pour trois jours qu’il nous est permis, à nous qui sommes ressuscités d’entre les morts, de célébrer à Jérusalem la Pâque du Seigneur avec nos parents, en témoignage de la résurrection du Seigneur Christ, et nous avons été baptises dans le saint douve du Jourdain, recevant tous des robes blanches. Et, après les trois jours do la célébration de la Pâque , tous ceux qui étaient ressuscités avec nous ont été enlevés par des nuées ; ils ont été conduits au-delà du Jourdain, et ils n’ont été vus de personne. Ce sont les choses que le Seigneur nous a ordonné de vous rapporter ! et donnez-lui louange et confession, et faites pénitence, afin qu’il ait pitié de vous. Paix à vous dans le Seigneur Dieu Jésus-Christ et Sauveur de tous les hommes. Ainsi soit-il ! Ainsi soit-il ! Ainsi soit-il ! » Et après qu’ils curent achevé d’écrire toutes ces choses sur des tomes séparés de papier, ils se levèrent. Et Carinus remit ce qu’il avait écrit dans les mains d’Anne et de Caïphe et de Gamaliel. Et pareillement Leucius ce qu’il avait écrit sur le tome de papier, il le donna dans les mains de Nicodème et de Joseph. Et tout d’un coup ils furent transfigurés , et ils parurent couverts de vêtements d’une blancheur éblouissante, et on ne les vit plus. Et leurs écrits se trouvèrent égaux, n’étant ni plus ni moins grands et sans qu’il y eût même une lettre de différence. Toute la Synagogue des Juifs, entendant ces discours admirables de Carinus et de Leucius, fut dans la surprise, et les Juifs se disaient l’un à l’autre : « Véritablement, c’est Dieu qui a fait toutes ces choses, et béni soit le Seigneur Jésus dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il » Et ils sortirent tous avec une grande inquiétude, avec crainte et tremblement, et ils frappèrent leur poitrine, et chacun se retira chez soi. Toutes ces choses que les Juifs dirent dans leur Synagogue, Joseph et Nicodème les annoncèrent aussitôt au gouverneur, et Pilate écrivit tout ce que les Juifs avaient dit touchant Jésus, et mit toutes ces paroles dans les registres publics de son prétoire.

chapitre XXIX (37).

Après cela Pilate, étant entré dans le Temple des Juifs, assembla tous les princes des prêtres et les scribes et les docteurs de la loi, et il entra avec eux dans le sanctuaire du Temple; et ordonna que toutes les portes fussent fermées, et il leur dit : « Nous avons appris que vous possédez dans ce Temple une grande collection de livres ; je vous demande de me les montrer. » Et lorsque quatre des ministres du Temple eurent apporté ces livres, ornés d’or et de pierres précieuses, Pilate dit à tous : « Je vous conjure par le Dieu votre Père, qui a fait et ordonné que ce Temple fût bâti, de ne point taire la vérité. Vous savez tout ce qui est écrit dans ces livres ; mais dites-moi maintenant si vous trouvez dans les Écritures que ce Jésus que vous avez crucifié est le Fils do Dieu qui doit venir pour le salut du genre humain, et expliquez - moi combien d’années devaient s’écouler avant sa venue. » Étant ainsi pressés, Anne et Caïphe firent sortir du sanctuaire tous les autres qui étaient avec eux, et ils fermèrent eux-mêmes toutes les portes du Temple et du sanctuaire, et ils dirent à Pilate :« Tu nous demandes, par l’édification de ce Temple, do te manifester la vérité et de te rendre raison des mystères. Après que nous eûmes crucifié Jésus, ignorant qu’il était le Fils de Dieu, et pensant qu’il accomplissait ses miracles par quelqu’enchantement, nous tînmes une grande assemblée dans ce Temple. Et, conférant entre nous sur les merveilles qu’avait accomplies Jésus, nous avons trouvé beaucoup de témoins de notre race qui ont dit qu’ils l’avaient vu vivant après la passion de sa mort, et nous avons vu deux témoins dont Jésus a ressuscité les corps d’entre les morts. Ils nous ont annoncé de grandes merveilles que Jésus a accomplies parmi les morts, et nous avons entre nos mains leur récit par écrit. Et c’est noire coutume que chaque année, ouvrant ces livres sacrés devant nôtre Synagogue, nous cherchons le témoignage de Dieu. Et nous trouvons dans le premier livre des Septante (38) où Michel Archange parle au troisième fils d’Adam le premier homme, mention des cinq mille cinq cents ans après lesquels doit descendre du ciel le Christ, le Fils bien-aimé de Dieu, et nous avons considéré que le Dieu d’Israël a dit à Moïse ג « Faites-vous une arche d’Alliance de la longueur de deux coudées et demie, de la hauteur d’une coudée et demie, de la largeur d’une coudée et demie. Dans ces cinq coudées et demie, nous avons compris et nous avons connu dans la fabrique de l’arche du vieux Testament que dans cinq milliers et demi d’années Jésus-Christ devait venir dans l’arche de son corps, et, ainsi que nos Écritures l’attestent, qu’il est le Fils de Dieu, et le Seigneur Roi d’Israël Car, après sa passion, nous, princes des prêtres, saisis d’étonnement à l’aspect des miracles qui s’opéraient à cause de lui, nous avons ouvert ces livres, examinant toutes les générations jusqu’à la génération de Joseph et de Marie, mère de Jésus, pensant qu’il était de la race de David, nous avons trouvé ce qu’a accompli le Seigneur ; et quand il eut fait le ciel et la terre et Adam le premier homme jusqu’au déluge , il s’écoula deux mille deux cent douze ans. Et depuis le déluge jusqu’à Abraham neuf cent douze ans. Et depuis Abraham jusqu’à Moïse quatre cent trente ans. Et depuis Moïse jusqu’au roi David cinq cent dix ans. Et depuis David jusqu’à la transmigration de Babylone cinq cents ans. Et depuis la transmigration de Babylone jusqu’à l’incarnation de Jésus-Christ quatre cents ans. Et ils font ensemble cinq milliers et demi d’années (39), et ainsi il apparaît que Jésus que nous avons crucifié, est Jésus-Christ, Fils de Dieu, vrai Dieu et tout-puissant. Ainsi soit-il. »

NOTES.

(1) Indépendamment des savants et nombreux articles quo M. Maury a donnés à h Hevue Archéologique, à [*Encyclopédie Nouvelle publiée par MM. Didot, nous possédons de lui deux ouvrages qui attestent des recherches laborieuses et d’érudition solide ; Essai sur les légendes pieuses du moyen-dye, 1843, In-8*j les Nées d* moyen-dye, 1843» In4?,

(2) Les manuscrits grecs de la bibliothèque du Roi, qui ren-ferment le texte de !1Évangile de Nicodème, portent les nu-méros 770, 929, 1021 et 808. Thilo les décrit en détail, p. cxv cxxvn de son Introduction, et il s’étend amplement sur quatre autres manuscrits auxquels il a eu recours, (deux de Munich, un de Venise, un du Vatican ), ainsi que sur divers manuscrits latins.

(3) Les anciennes éditions de la traduction anglaise de \'É· vangile de Nicodème, sont des livres excessivement rares, et que les bibliophiles britanniques couvrent de guinées ; à la vente de lord Blandford, en 1811, un exemplaire de l’édition de 1511 s’éleva à 22 livres sterling 11 shellings (570 fr.).

(4) Dans plusieurs manuscrits, ce préambule présente di-verses variantes que Thilo a eu soin de relever ( p. 500) ; il se trouve aussi quelques différences dans certains de ces noms propres; ainsi au lieu de Summas que donnent les manuscrits latins, des codices grecs portent Siméon, et d’autres Noîmes ( abréviation sans doute de Noïménios, nom qui se retrouve au 1er livre des Macchabées, chap, xu, v. 16).

(5) L’accusation de magie devait avoir de la gravité aux yeux de Pilate, chargé des pouvoirs de l’empereur. Tibère sé-vissait contre les enchanteurs, ainsi que l'attestent Suétone (Vie de Tibère, ch. 36), Tacite (Annales, I. II, ch. 32) et Dion Cas-sins (1. LVII, ch. 15).

(6) L’usage d’étendre par terre des vêtements et des manteaux au-devant d’un personnage qu’on voulait honorer, se retrouve chez diverses nations· J· Nicolai en a fait le sujet d’une disser-talion spéciale : de subsiratione vestium (Giessen, 1701 ) ; voir aussi M· de Roa, Singularia Scriptura, L II, ch» 7, et les notes des commentateurs sur le verset 8 du ch. xxi de saint Mathieu.

(7) Get hommage rendu par les drapeaux rappelle la légende que nous avons déjà, signalée et d’après laquelle des arbres« l’inclinant d’eux-mêmes, avaient salué l’enfant Jésus lors de la fuite en Égypte,                   *

(8) Quelques anciens auteurs ont donné à l’épouse de Pilate le nom de Procla ou de Claudia Procula, ils ont pensé qu’elle avait eu foi en Jésus-Christ. Les Abyssiniens l’appellent Abro-cia, ainsi que le remarque Ludolphe (Lcxic, Æthiop. p. 541 ). L’église grecque l’a mise au rang des saintes et célèbre sa fête le 27 octobre. Voir à cet égard la longue note de ״Thilo, p. 522. Selon une tradition répandue parmi les Coptes, Pilate s’était converti et avait souffert le martyre. S’il faut s’en rapporter à d’autres légendes, dépossédé de son gouvernement et relégué dans la Gaule, 11 se serait tué de désespoir à Vienne, en Dau-phiné.On trouve en plusieurs endroits de l’Europe des montagnes qui portent le nom de Pilate, et que les habitants du pays rattachent à son histoire, ( voir Salverte, Essai sur les noms pro· pres, t. Il, p. 291). Nous pourrions citer de nombreux écrits relatifs à ces légendes; nous nous en tiendrons à indiquer les poésies latines et allemandes, contenues dans IMnrei^erdeMone, 1835, col. 421-426.

(9) Le songe de la femme de Pilate a été l’objet d’interprétations diverses de la part des Pères et des anciens écrivains co clésiastiques. Thilo a rassemblé, à cet égard, nombre de passages d’Origène, de saint Ambroise, de saint Hilaire, etc.

(40) Deces trente-neuf coups, treize devaient être donnés sur l'épaule droite, treize sur l’épaule gauche, treize au-dessus des épaules. S. A. O thon a réuni dans son Lexicon iïctbbini-cum, p. 244, nombre de passages relatifs à cette flagellation. .Elle fut conservée en vigueur jusqu’à des temps rapprochés de nous, car Uriel Acosta, penseur indépendant et hardi, la subit à Amsterdam, vers le milieu du xvn· siècle.

(11) Nicodème mourut peu de temps après la passion de Jésus-Christ. Gamaliel le fît inhumer à côté de saint Étienne. C'est peut-être ce qui a porté le patriarche de Constantinople Phodus à croire que Nicodème avait été victime de la même persécution. L’église l'honoré seulement comme confesseur, le 3 août.                            ·          -

(12) St Mathicirfchap. rx. 20) n'a point fait connaître le nom de cette femme. Selon un sermon attribué à tort à saint Ambroise, (Serm. hl, in append, edit. Benedict, dim libellus de Salom. c. 5) c'était Marthe, la sœur de Lazare. Eusèbe dit que c’était une femme idolâtre et qu’elle érigea en mémoire du ml-racle une statue qu’il a vue de ses yeux. Selon Philostorge et Sozomène, l’empereur Julien fît renverser cette statue. Nous renvoyons d'ailleurs à une assez longue note de Tbilo, p. 561, à Dom Calmel, (Commentaire sur la Bible, 1726, tom. Vil, p. 83), et à Fabricius, t. II, p. A45-455 ; ce dernier rapporte, en grec et latin, une prétendue lettre de l’hémorhoïsse au roi Hé-rode, d'après la Chronographie dé Jean Malala (Oxford, 1691, p. 305.) M. Maury pense que c'est dans l'évangile de Nicodème que Malala a pris le nom de Bspovix^, Veronica, qui depuis a généralement été donné par les légendaires à l'hémorhoïsse.

(13) Chez les Juifs, avant qu'un accusé fût livré au supplice, un héraut demandait à haute voix s'il n'y avait pas de témoins qui vinssent déposer en faveur de son innocence. Voir le traité Sanhédrin, dans la Mîschna, édition de Surenhusius, torn, iv, p. 233·

(IA) Cette coutume de délivrer des prisonniers à l'occasion de quelques grandes fêtes, existait chez les Romains et chez les Athéniens. Elle fut en vigueur lors des solennités de Pâques, â la cour des premiers empereurs chrétiens. Remarquons en passant qu'il n'y a pas longtemps un juriscousule célèbre, M. Dupin aîné, a discuté la légalité et la régularité de la procédure instruite contre le Sauv eur. (Jésus devant Caïphe et Pilate, Paris, 1828, in-18); il a combattu des assertions émises par M. Salvator, et que celui-ci a cherché à soutenir dans une seconde édit. (1838) de son ouvrage (Jésus-Christ et sa doctrine, tom. Π, note b, p. 520). Indiquons aussi aux bibliophile» le Trésor ad-mirabte de la sentence de Pilate contre Jésus-Christ, trouvée miraculeusement, écrite sur parchemin, dans ta ville d*Aquila, traduit de Γitalien, Paris, 1581, in-8°, opuscule de 24 feuillets, dont il y a une autre édition, Paris, 1621, (de 16 pages), et dont il a été fait, en 1839, à la librairie deTeclicner, uneréim-pression fac-similé, Selon l'inventeur de cette pièce, indigne que la critique s'en occupoun instant, on la découvrit dans un vase de marbre, enclos de deux autres vases, l'un de fer et l'autre de pierre.

(15) On trouve dans la Chronique de Martin le Polonais, ( 1· in, p. 113), divers récits fabuleux relatifs à ce Longin. On a prétendu qu'il avait été enseveli dans l'ile Barbé, au confluent de la Saône et du Rhône. Des actes nullement authentiques ont été inscrits sous son nom dans le recueil des Bollandistes, au 45 mars. Voyez d'aUleurs Th. Bartholinus, de Latere Christi aperto, cap. vi, ej, Thilo, p. 586.

(16) Les Grecs célébraient la fête du bon larron, le 10 des calendes d'avril, les latins le 8. Consultez la collection des Bol-landistes, au 25 mars. La croix sur laquelle il mourut fut longtemps conservée, dit-on, dans !'île de Chypre. César de Nostradamus, fils du célèbre prophète, a composé un petit poème, intitulé Dymas, ou le Bon Larron, Tholose, 1606·

(17) Ces récits, relatifs à Joseph d’Arimathic, ont passé dans les épopées chevaleresques $ c'est lui qui a été prêcher la foi dans la Grande-Bretagne. Les Grecs célèbrent sa fêle le 31 juillet; il* figure au calendrier romain sous la date du 17 mars. Sa vie est tout au long dans le recueil des Bollandistes, L II, de mars, p. 507 et suiv.

(18) Thilo donne, p. 618-622, une note fort étendue au sujet du mont des Olives; nous croyons qq'il suffira de l'indiquer.

(19) Les écrivains rabbiniques abondent en récits d'appari-lions fort apocryphes d'Élie. Voir l'ouvrage d'Eisenmenger, Ju-daïsmum detectum, t. I, p. 11 et suiv., t. II, p. 402-407, Franc· fort, 1700, 2 vol. in-4°,

(20) Dans Grégoire de Tonrs, où se retrouve la même hls-toire, ce n'est pas Jésus mais un Ange qui vient délivrer Jo-sepli.

(21) Chez les Pères et chez les écrivains du moycn-Agc, s'endormir se rencontre mainte et mainte fois comme synonyme de mourir.

(22) Gassendi rapporte une ancienne formule de serment se-Ion laquelle les Juifs juraient par le Dieu père, Adonaî, par le Dieu qui apparut à Moïse dans le buisson ardent, et par toute la loi que Dieu a enseignée à Moïse, son serviteur, — Quant aux noms de Carinus, de Leucius, Beausobrc et M. Maury les rapprochent de celui du faussaire Leucius Ou Lucius qui vi-vait à la fin du premier siècle ou au commencement du second. Il est à croire que fauteur de !*Évangile de Nicodèmc a pu prendre dans quelque œuvre apocryphe, à laquelle s’attachait le nom de ce faussaire, l'idée d’attribuer à deux personnages de ce nom, sa relation de la descente aux enfers.

(23) Origène est, je crois, le premier écrivain ecclésiastique qui ait fait mention de l’allocution que saint Jean-Baptiste adresse, en sa qualité de précurseur du Sauveur, aux âmes dé-tenues dans les prisons de l’enfer. (Voir le L II, p. 495 de l’é-dition des Bénédictins, Paris, 1733-59, 4 vol, in-folio). Nous pourrions rapporter ici, ainsi que sur chacune des phrases de l’écrit que nous traduisons, une foule de passages extraits des Pères de l'Église et des écrivains ecclésiastiques, mais ces dis-eussions théologiques ne seraient nullement à leur place. Nous renvoyons ceux qu'elles intéresseraient aux notes hérisées de grec de l’édition de Thilo et au livre de Dietelmayer : Historia dogmatica de descensu Christi ad inferos. Nous signalerons la dissertation de Scmlcr : De vario et impari veterum studio in recolenda historia descensus ad inferos, ainsi qu’à celle d’Ittig : de evangelio mortuis annuntiato, M. Alfred Maury, dans la dissertation que nous avons déjà citée, a discuté plusieurs de ces passages des Pères. Nous mentionnerons seu-lement les circonstances de l’apparition de saint Jean-Baptiste sous les traits d’un ermite ן plus tard nous reverrons le bon larron porter les traces de son crucifiement, preuve de l’opinion généralement répandue dans l’antiquité que l’âme, affranchie du corps, en conservait toutefois la forme et les signes distine-tifs. N’omettons pas de dire que parmi les manuscrits du musée Britannique, il s’en trouve un en langue copte écrit au septième ou huitième siècle; il parait avoir quelque analogie avec l'Évangile de Nicodème, et des érudits le regardent comme une traduction d’un écrit de Valentin, le chef d’une des plus illustres écoles gnosllques de P Égypte. L’auteur de cet ouvrage dont la forme est dramatique, suppose que Jésus-Christ, après sa résurrec-lion, passe douze années avec ses disciples, leur développant, dans une suite d'instructions, une révélation supérieure, et la science du monde des intelligences. — On sait que les ,biblio-thèques de l’Angleterre possèdent des manuscrits coptes d’une haute importance, intitulés : la Fidèle Sagesse, les Mystères du, monde invisible! etc. La publication de ces écrits éclairerait la philosophie des premiers siècles du christianisme, et jetterait de la clarté sur les doctrines du gnosticisme, doctrines encore imparfaitement connues, malgré les travaux d’érudits tels que Neander et M. Matter. On trouvera, à l'égard de ces composi-lions en copte, quelques renseignements malheureusement trop courts, dans une brochure deM. Dulaurier que nous avons déjà citée à propos de l’histoire de Joseph : Fragment des révélations apocryphes de saint Barthélemy (Paris, impr. royale, 1835}· Voir aussi la lettre de ce judicieux érudit au ministre de l’instruction publique, du 24 octobre 1838, (Moniteur de la même année, p. 2408).

(24) Parmi les diverses opinions relatives à la délivrance des patriarches, il faut citer, à cause de sa singularité, celle des Marcionites. Selon celte secte de gnostiques, Caïn et ceux qui lui ressemblaient, les habitants de Sodome, les Égyptiens et tous ceux enfin qui avaient marché dans les voies de l’iniquité, avaient seuls été sauvés par le Seigneur, lors de sa descente aux enters, à l’exclusion d’Abel, d’Énoch, de Noé, des imitateurs d’Abraham et des prophètes.

(25) Il a circulé nombre de légendes fabuleuses au sujet de ce patriarche ; on lui a attribué divers écrits. Georges Syncelle raconte, d’après la Petite Genèse (livre attribué à Esdras), que Seth fut instruit par les Anges de la venue du Sauveur et de la marche des choses futures, et qu’il en fit part à scs en-fants· Des rabbins prétendent qu’Adam envoya Seth aux portes du Paradis demander à l’Ange une branche de l’arbre de vie ; et, de cette branche, enfoncée en terre, il naquit un bel arbre qui fournit successivement la verge d’Aaron, celle de Moïse, le bois que Moïse jeta dans les eaux pour les rendre douces, le support qui soutint' le serpent d’airain. Le moyen-âge forgea là-dessus un récit merveilleux, d’après lequel le tronc de cet arbre, après avoir été employé à la construction du Temple de Solomon , donna le bols de la vraie croix, récit qui se trouve entre autres ouvrages, dans V Histoire de la pénitence d'Adam* traduit du latin en français par Colard Mansion, typographe de Bruges, au sujet duquel M. Van Praêt a publié des Recher-chcs intéressantes. D’autres écrivains modifiant quelques cin· constances de ce récit, racontèrent que l’arbre ne put s’adapter à aucune portion du Temple, et qu’on le plaça sur un fleuve où il servait de pont ; la reine de Saba ne voulut point mettre le pied dessus, parce qu’elle savait que le rédempteur du monde devait souffrir sur ce bois. Les Juifs le jetèrent dans un égoût, lequel devint la piscine miraculeuse dont il est question dans l'Évangile (saint Jean, chap. 5). Voir un passage d’Adelphus, cité dans le Thesaurus hymnologicus de Daniel, t. Iî. p. 80, et dans les Poésies populaires latines du moyen-âge, deM. Edeles-tand du Méril, p. 320·

(26) Indiquons ici un passage des Recognitions de saint Clément (1.1. c. 45), ouvrage du premier siècle, où il est donné une explication mystique de cette onction de l’huile, provenant de l’arbre de vie. Dans la cérémonie du baptême, chez les Ophites, hérétiques antérieurs à Origène, le néophyte disait : « Oignez-moi du baume blanc de l’arbre de vie. » Selon les écrivains juifs, l’arbre de, vie, ainsi que tout ce qui était dans le Paradis terrestre, a été transporté dans le ciel; le livre d’Énoch (édit. d’Oxford, 4821) le dit formellement (chap. XXIV. 1-11 ; XXXI. i-v ; ). On peut recourir aux passages qu’a réunis Schœtt-genius dans ses Horcc Heb, et T aim. p. 4095. Puisque nous avons parlé de l’arbre de vie, notons, qu’au dire de quelques rabbins, celui qui était au milieu des jardins de l’Éden était si gros qu’il aurait fallu cinq cents ans à un homme tel que nous, pour en faire le tour.

(27) Les écrits les plus anciens indiquent l'Archange Michel comme le protecteur des Israélites et des chrétiens. Hermas, dans le livre du Pasteur, l’appelle le défenseur et le chef des fidèles; Sophorinus, archevêque de Jérusalem, dans son discours de l’excellence des Anges, ( inséré dans la Bibliothèque des Pc· res, édit, de Lyon, t. XII, p. 240), le qualifie de prince établi sur tout le genre humain, de saint archi-satrapc, de conservateur du corps, celui qui éclaire toute créature et qui introduit les âmes au del.

(28) Quelques sectes des premiers siècles, les Montanisles, entre autres, poussèrent l’idée de la nécessité et de reflicacité du baptême jusqu’à baptiser les cadavres d’individus morts avant d’avoir pu recevoir ce sacrement. Voyez Vossius, Dissert, de baptismo, Wall, History of pœdobatism, Munter, de an· liquit, eccles, gnosticorum, Selon ’un théologien grec, Théodore Abucaras, tous les saints de l'Ancien Testament furent baptisés par le mélange de sang et d’eau qui s’écoula du côté de Jésus-Christ.

(29) Cette distinction entre Satan et le prince de l’enfer se retrouve dans quelques ouvrages des anciens auteurs ecclésiastiques et dans divers écrits apocryphes, notamment dans les actes de saint Thomas que Thilo a publiés en 1823, avec un commentaire, d’après un manuscrit, resté inédit, de la bibliothèque du rot

(30) L’expression de Tartare se retrouve dans quelques poètes ecclésiastiques. Fulbert, de Chartres, disait, au dixième siècle, dans son hymne pour la fête de Pâques : « Quam devo· rarat improbus Prœdam refudit Tartarus ; » et nous trouvons dans une pièce de vers attribué à tort, sans doute, à Victorin, de Poitiers : e A sedibus imis Tartarus evomuit proceres, פ Si quelque lecteur tenait à connaître tous les passages des Pères, où reparaissent ces description de l’enfer que le vulgaire interprédit à la lettre, renvoyons-le avec M. Maury, à deux ouvrages de Mamachi, de animabus justorum in sinu Abrahœ, anté Christi mortem! Romæ, 1766, 2 vol. in-4°, et deT.-L.Kœnig, Die Lchre von Christi, Hœllcnfahrt, Francfort, 1842.

(31) Il a existé des livres attribués à Lazare, mais ils sont perdus.

(32) Beausobre, dans son Ilistoire du Manichéisme (r, 374) s'exprime ainsi au sujet de ce discours : a C’est le plus bel endroit de la pièce. L’orateur y prêle au prince du Tartare toute son éloquence. Il lui prête même des sentiments qui feraient croire qu’il y a encore quelques principes de justice aux en· fers. »

(33) Après Beelzebuth, quelques manuscrits portent l’épi· thèle de tricapitinus ou tricapitus, Ce qui rappelle un passage du Kidduschin, folio 29· — « Le rabbin Acha passa la nuit

dans un cimetière, et bientôt le démon lui apparut, cl il avait la forme d’un démon à sept têtes· > Le chien à trois têtes, le Cerbère des Grecs est chargé de la garde de l’enfer chrétien, dans un des hymnes grecs de Synésius, évêque de Ptolémaïs, mort vers 430; on le retrouve comme l’emblème du diable sur une des colones de l’église de Saint-Martin, à Tarascon.

(34) Nous pourrions rapporter ici nombre de passages d’écri-vains eccléslatiques et d’anciens prédicateurs qui s’accordent avec les récits del’Êvangile de Nicodème, non-seulement pour le fond des choses, mais encore pour les mots ; il suffira d’en avoir prévenu une fois.

(35) La plupart des docteurs des 4e, 5· et 6e siècles, ont cru qu’il s’agissait ici du Paradis terrestre, ils le représentaient comme existant encore sur la terre. Quelques écrivains l’ont placé dans l'île de Taprobane ou de Ceylan. Albert-le-Grand rapporte qu’il est aux extrémités de l’Inde, sur une montagne tellement élevée, qu’elle atteint jusqu’à la lune. Il est digne de remarque que c'est en effet dans l’Inde que se trouvent les ci-mes de l'Himalaya, les pics les plus altiers et les plus inaccessi-blés sur la surface de notre planète. D’autres, tels que Pierre Lombard, le Maître des sentences, se bornent à placer le jardin d’Éden sur une montagne que les eaux du déluge n’ont pu re-couvrir. Il serait long et fastidieux de rechercher les diverses places que l’on a données au Paradis terrestre; les Musulmans le mettent dans le septième ciel, Hardoin, aux environs de Damas, Heidegger, dans la vallée du Jourdain, Reland, dans l'Armé-nie, Fregge, sur les bords de la mer Caspienne, Marignola dans les Maldives, liasse, sur les rives de la Baltique, Rudbeck, en Suède, et Schulz, dans les régions polaires.

(36) Nous avons déjà parlé d’Énoch, et nous renvoyons à une longue note de Thilo״ p. 755-791, ceux qui seraient curieux de rechercher les diverses opinions émises au sujet de ce patriar-chc. Nous ajouterons que, selon une tradition fort répandue parmi les Hébreux, Moïse aurait été enlevé vivant au ciel, ainsi qu’Éuoch et ainsi qu’Élie, et qu’il a existé un livre apocryphe de ?Assomption de Moïse. On a prétendu également que Jéré-mie avait été exemptée la loi commune du trépas, et qu’il re-viendrait sur la terre avec Élie. (Voir saint Hilaire, conc. 20 in Matthœuin^ et Bartolocci, Bibliotheca rabbinica, L IV p. 513).

Quant ù Énoch et aux écrits qui lui sont attribués, nous ajouterons les indications suivantes à celles qui sont contenues dans une de nos notes sur V Histoire de Joseph : G. S. Sand״ mark, De libro Enochi prophetico, Lund, 1769,4°; J· Bezel et Dencll, de prophetia Enochi, ibid* 1760, 4® î Silvestre de Sacy, Notice du livre d'Énoch, traduit de CÉthiopien en latin, dans le Magasin Encyclopédique, 1800, t. I, p· 3695 The book of Enoch the prophet , an apocryphal, production discovered at the close of the last century in Abyssinia now first translated from an Ethiopicmss. byR, Laurence,Oxford (1821), 1833,8°; R. Murray, Enoch restitutus, Londres, 1833, 8°. A. C. Hoffmann, Das Buch Enoch, Jena 1838, 8°. Nous remarquerons aussi que les Arabes ont donné à Énoch le nom d’Edris j Enoch dictus Edris propter multiplex studium ; dimisit enim ei altis-simus triginta volumina, (Hottinger, Hist. orient. 1. I, c. 3 ), Abulpharage affirme que d’anciens auteurs grecs (graci antiquiores) assuraient que ce patriarche était le même qu’IIermès, dit Trismégiste. Plusieurs écrits nous sont parvenus sous le nom de ce dernier personnage dont l’existence est entourée d’épaisses ténèbres. On peut consulter à cet égard J. G. Rœser, Dissert. de Ilermcte, ( Vileberg. 1636, 4°)» Baumgarten Crusius: de libror, hermetic, indole atque origine. (Jenæ, 1827, 4° )· Quant aux livres qui lui sont attribués, ils sont au nombre de deux, (Pimander, de sapientia et potestate Dei; Asclepius, de voluntate divina ) ; le premier fut traduit en latin par Marsile Ficin, et cette traduction, imprimée en 1471, fut souvent reproduite au seizième et au dix-septième siècle. Le texte grec fut publié pour la première fois à Paris, en 1551, chez Adrien Tur-nèbe.On en connaît deux traductions françaises par G. du Préau, Paris, 1549, et par F. de Foix de Candalle, Bordeaux, 1571, in-8°. Chacune d’elles ont eu les honneurs de la réimpression. ( Au sujet de ces diverses éditions, consulter le Manuel du Libraire, 1843, t. III, p. 363). M. Ravaisson, dans son travail sur la métaphysique d’Aristote, t. II, p. 481, s’exprime ainsi à l’égard de ses écrits : « Ils sont apocryphes, mais ils ne sont pas »toutefois aussi récents que quelques auteurs l’ont supposé. Le »Pymandrc est évidemment l’œuvre d’un chrétien, la doctrine »de l'Asclepius, livre important et peu étudié, présente de sin-»guliers rapports avec celle de Philon et des cabalistes. »

(37) Ce chapitre n’existe point en grec et dans une partie des manuscrits latins, il est l’œuvre d’une main plus récente ן l’ignorance de l’auteur se trahit lorsqu’il raconte que Pilate, un payen, put entrer, sans empêchement, dans le sanctuaire du Temple.

(38) Il y a lieu de croire que cette expression de Septante se rapporte aux 70 livres, que la tradition attribuait à Esdras; le premier d'entre eux, connu sous le nom de la Petite-Genèse, renfermait les dialogues de l'Archange Michel avec Seth.

(39) Remarquons que si l’on additionne ces diverses périodes, Ton trouve 496â et non 55OO.ans. D’autres manuscrits portent des chiffres un peu différents, mais aucun n’a eu l’habileté de tomber juste·

 

AUTRES ÉVANGILES ET ÉCRITS APOCRYPHES.

L’érudition moderne, en fouillant avec un soin scrupuleux dans les auteurs des premiers siècles du christianisme, a reconnu l’existence d’une cinquantaine d’Évangiles apocryphes ; Fabricius (Cod. apocryph. N. Test. t. I, p. 335-386) a pris la peine d’en indiquer les titres, d’en réunir les fragments, dont l’importance est d’ailleurs bien peu de chose. Des érudits allemands, Simler, Stroth, Weber, Emmerich et d’autres encore, ont appliqué à ces écrits perdus l’extrême patience qui caractérise les philologues d’outre Rhin. Ainsi que Fa fort bien avancé un ingénieux académicien, c’est lorsqu’il s’agit de ces bribes, de ces fragments d’auteurs dont le bagage entier a péri dans le naufrage des temps, que se déploie l’esprit de précision et d’analyse des laborieux professeurs des Universités germaniques ; les auteurs dont tout paraissait anéanti, fors le nom, retrouvent des investigateurs et presque des sauveurs. On rassemble les moindres vestiges, on rapproche, on discute les plus légers témoignages. Celles de ces monographies, très-méritoires, et même utiles d’ailleurs, qui se rattachent au sujet qui nous occupe, ne sauraient être que très-succinctement indiquées ici.

Le plus remarquable des Évangiles apocryphes aujourd’hui détruits paraît avoir été l'Évangile des hébreux, c’est-à-dire des chrétiens judaïsants , compilation rédigée en Palestine et dont les Évangiles authentiques formaient la base, mais qui en différait dans les détails ; plusieurs Pères, saint Jérôme, saint Épiphane, Eusèbe, en ont parlé ; elle fut adoptée par diverses sectes gnostiques, telles que les Ébionites et les Nazaréens. Justin, martyr (ainsi que le remarque M. Matter, dans son Histoire du Gnosticisme, III, 15,1843), semble n’avoir connu d’autre Évangile que celui des Hébreux ; il en a conservé dans ses écrits un assez grand nombre de fragments qu’a recueillis Stroth dans un Mémoire qui fait partie du Répertoire (en allemand) de littérature biblique, d’Eichhorn, tom. I, p. 1-59·

L'Évangile de saint Philippe, tout-à-fait perdu pour nous, semble devoir être rangé parmi les documents les plus curieux des théories des carpocratiens gnostiques. « Il professait le panthéisme le plus prononcé, et il attestait une sollicitude singulière pour le recueillement et la concentration de toutes les semences de lumière répandues, éparpillées dans le monde· Il montre les rapports intimes de cette école avec celle des Ophites et quelques autres. » (Matter, t II, p. 206.)

L’Évangile de Marcion (1) est l’objet de détails étendus dans l’ouvrage de M. Matter que nous venons de citer (tom. II, p. 239). Celte composition aétél’ob-jet d’un grand nombre d’écrits publiés en Allemagne. Elle offrait, quant au fond, le même texte que l’Évan* gile de saint Luc, mais plus concis et plus simple, par suite des mutilations arbitraires que Marcion avait fait subir aux paroles du saint. D’après Tertullien, il n’at* tribuait son Évangile à aucun auteur spécial, il n’était sans doute pas fâché de laisser croire qu’il remontait bien plus haut que les évangélistes ; ses successeurs enseignèrent que cet écrit avait été dicté par Jésus-Christ lui-même, et qu’après la Passion , il avait été rédigé par saint Paul. Nous ne saurions nous étendre ici sur les mutilations, sur les interpolations qu'offrait TÉvangile de Marcion ; les deux premiers chapitres de saint Luc étaient rejetés , ainsi que la majeure partie du troisième, les neuf premiers versets du treizième, la parabole de V Enfant prodigue, etc. : Arneth (Ueber das Evang. von Marcion, Linz, 1809), Gratz (Ueber Marcionis Evang., Tubingen, 1808), Hahn (Das Evang. Marcions, Kœnigsberg, 1823), M. Matter, etc. , ont signalé, chapitre par chapitre, verset par verset, la manière dont Marcion avait émondé l'Évangile de saint Luc.

(1 ) Cet hérésiarque célèbre naquit à Sinople ; il parait avoir d’abord été élevé dans le polythéisme ; il en vint à se persuader que le Dieu de l’Ancien Testament était un autre que celui du Nouveau. De tous les systèmes des écoles gnostiques, le sien fut à la fois le moins hétérodoxe et le plus ascétique. Il ne se borna pas à retoucher l'Évangile de saint Luc, il soumît à une révision analogue les épîtres des apôtres. Ses doctrines, ses travaux ont donné lieu ù de longues discussions où nous ne devons point entrer. Voir le Dictionnaire de Bayle, celui des Hérésies'de Pluquet, la dissertation de Schelling : De Marcionc epistolarum Pauli emendatore, Tuhingæ, 1795·

Eusèbe (Hist, eccles., 1. I, ch. 13) raconte qu’Abgare, roi de l’Osrhoënne, se trouvant atteint d’une maladie grave, écrivit à Jésus-Christ pour lui demander de le guérir, et en reçut une réponse. Cet historien rapporte celte correspondance qu’il dit avoir tirée des archives de la ville d’Édesse. Elle a été citée par saint Ephrem, saint Grégoire, Théodore Studite et quelques autres anciens écrivains ecclésiastiques. Il serait fort inutile d’insister sur la supposition de ces lettres dont nous allons donner le texte.

Abgare, roi d’Édesse, à Jésus Sauveur, qui est apparu à Jérusalem. « J’ai appris les guérisons que » vous faites sans les secours des herbes ni des remèdes, que vous rendez la vue aux aveugles, que » vous faites marcher les boiteux, que vous guérissez » la lèpre, que vous chassez les démons et les esprits » immondes, que vous délivrez des maladies les plus » invétérées, et que vous ressuscitez les morts. Ayant » appris toutes ces choses, je me suis persuadé, » que vous étiez Dieu, ou le fils de Dieu qui étiez descendu sur la terre pour y opérer ces merveilles. » C’est pourquoi je vous écris pour vous supplier de » me faire l’honneur de venir chez moi et de me gué» rir de la maladie dont je suis tourmenté. J’ai ouï » dire que les Juifs murmurent contre vous et qu’ils » vous tendent des pièges. J’ai une ville qui, bien que » fort petite, ne laisse pas d’être assez propre, et qui » suffira pour nous deux. »

« Vous êtes heureux, Abgare, d’avoir cru en moi » sans m’avoir vu ; car il est écrit de moi que ceux » qui m’auront vu ne croiront pas, afin que ceux qui » ne m’auront pas vu croient et soient sauvés. A l’égard de ce que vous me priez de vous aller trouver, » il faut que j’accomplisse ce pourquoi j’ai été envoyé, » et qu’après cela je retourne vers celui qui m’a envoyé. Lorsque j’y serai retourné, j’enverrai un de » mes disciples qui vous guérira et qui vous donnera » la vie à vous et à tous les vôtres. »

Quelques hérétiques des premiers siècles fabriquèrent divers ouvrages qu’ils n’hésitèrent pas à donner comme étant de Jésus-Christ lui-même, et qui furent rejetés immédiatement comme apocryphes. Les Priscillianistes citaient un hymne qu’ils avaient en haute estime; saint Augustin (Epist. 2ST) montre que celte pièce ne méritait aucune attention. Le même Père parle aussi d’une prétendue lettre de Jésus-Christ dont s’autorisaient les Manichéens, et de livres de magie que de hardis faussaires affirmaient avoir été adressés à saint Pierre et à saint Paul.

On trouvera, sur un sujet que nous nous bornons à indiquer, des détails étendus dans les dissertations spéciales de B. Gumaelius (Lund., 1732) et de J. Semler (Halle, 1759), ainsi que dans la notice en allemand de W. F. Rinck, insérée dans le Morgenblatt, 1819, n° 110. Amaducci a donné place dans ses Anecdota litteraria (Rome, 1773, 111-8°) à une prétendue lettre de Jésus-Christ à saint Pierre. Nous signalerons encore comme pouvant être consultés à cet égard les travaux de A. Wesslenius, De Scriptis Christo serv. de magia tributis dissert, duce (Lund., 1724-26), de J.-C. Michaelis, Exercitatio theol. crit. de eo, num Christus dominus aliquid scripserit (dans les Symbol. Ulter. Brcmens.), de C.-F. Sartorius, Causarum cur Christus scripti nihil reliquerit, disquisitio (Lipsiæ, 1815).

On n’a point oublié d’attribuer également quelques écrits apocryphes à la mère de Jésus. Une prétendue lettre, adressée aux habitants de Messine, a joui d’une assez grande célébrité, et au dix-septième siècle même, plusieurs écrivains en ont soutenu l’authenticité. Le jésuite Inchofer chercha à la démontrer dans un gros volume in-folio (Epist. B. Mariée ad Messan. veritas vindicata. Messanæ, 1629), lequel fut réimprimé avec quelques changements à Viterbe en 1631, et que le pape Alexandre VIÏ mit à l’index. Un autre moine, P. Belli, soutint la même thèse dans un autre in-folio. (Gloria Messancnsis, sive de epist. deipara* virginis ad Messan. diss. Messanæ, 16A7).

« Marie vierge, fille de Joachim , très - humble » servante de Dieu, mère de Jésus-Christ le crucifié, » de la tribu de Judas, de la race de David, à tous les » habitants de Messine, salut, et la bénédiction de » Dieu le père tout-puissant.

» Vous tous inspirés par une foi vive, vous nous avez » adressé des envoyés, ainsi que l’atteste un document » public. Vous reconnaissez notre Fils pour le Fils de » Dieu et pour Dieu-homme; vous confessez qu’il est » monté au ciel après sa résurrection, et vous suivez » la voie de vérité que vous ont enseignée les prédications de l’apôtre Paul. C’est pourquoi nous vous » bénissons, ainsi que votre ville, dont nous voulons » être la protectrice éternelle. L’année de notre » Fils /12, le trois des nones de juillet, à Jérusalem. »

Une prétendue lettre de la Vierge, adressée aux Florentins, a du moins le mérite d’être fort courte. « Florence, ville chérie de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ et de moi, conserve la foi, applique-toi à » l'oraison, fortifie-toi dans la patience : c’est ainsi » que tu obtiendras le salut éternel auprès de Dieu. »

Fabricius a donné place dans son recueil des apocryphes à une lettre de Marie à saint Ignace ; mais nous nous reprocherions de nous arrêter à des écrits aussi peu dignes d’attention.

Eusèbe parle d’actes qui portaient le nom de saint Paul ; les Manichéens avaient une composition du même genre mise sous le nom de saint Pierre et de saint Paul ; les actes de saint André, de saint Thomas, de saint Jean, l’écrit intitulé Mémoire des apôtres, sont cités par divers anciens auteurs ecclésiastiques, !nais ils n’ont jamais eu la moindre autorité, et aujourd’hui ils sont perdus. On trouve dans là bibliothèque des Pères, tome I, pag. 206, deux livres sous le nom de saint Lin touchant la passion de saint Pierre et de saint Paul, et une vie de saint Jean attribuée à Prochore, l’un des sept premiers diacres. La vaste collection des Acta sanctorum, réunis par le jésuite Bollanduset ses continuateurs (1), renferme des actes du martyre de saint Mathias, qui sont annoncés comme traduits de l’hébreu (tom. III de février, p. 442) ; le même recueil contient, sous la date du 25 avril et sous celle du 1er mai, des actes de saint Marc et de saint Barnabé. Il serait sans intérêt de donner ici les titres d’autres actes du même genre et les épîtres faussement attribuées à divers apôtres; nous n’avons, sur la plupart de ces écrits, que des in-dicalions assez vagues (Voir Ceillier, Tillemont, Dupin, etc., etc.). Les actes de saint Paul et de sainte Thède, publiés dans le Spicilegium Patrum primi seculi qu’a édité Grabe (Oxford, 1698), présentent un mérite réel qu’a fort bien fait ressortir un ingénieux académicien. (Voir une notice de M. Saint-Marc Girardin, insérée dans la Revue de Pans en 1829, et reproduite dans les Essais de littérature et de morale, 1845, t. II, p 86. A des récits de scènes d’intérieur et de ménage pleines de naïveté, succèdent des récits empreints du double caractère de merveilleux d’une part, et de vérité de mœurs de l’autre. Le rôle tout nouveau que jouaient les femmes dans la société qui se substituait à celle qu’avait faite le paganisme, y est retracé d’une manière saisissante et pleine d’intérêt).

(1) Commencée en 1643, interrompue en 1794· Ce recueil si précieux pour !*histoire se poursuit derechef. Le 54* volume (7· d’octobre) a paru à Bruxelles en 1845. On trouve sur les travaux des Bollandistes une intéressante notice dans la Biblio· t trique de Vficole des Charles, L n, 6« livraison.

Une épître, attribuée à saint Barnabé, nous est parvenue en entier; sa supposition n’est pas douteuse; les critiques les plus éclairés sont unanimes à cet égard, mais toutefois elle mérite qu’on s’y arrête un instant.

Le texte grec n’est pas complet, mais une version fort ancienne y supplée. H. Menard la publia le premier en grec et en latin, et il y joignit un commentaire étendu (Paris, 1645, in-4°) ; Vossius la reproduisit avec de nouvelles notes à la suite de son édition des Lettres de saint Ignace (Amst., 1646; Lyon, 1680) ; J. J. Mader en donna une nouvelle édition.

(Helmstadt, 1655, in-4°). Ou la retrouve dans le recueil de Cotelier (Patres Apostolici), dans les Varia sacra d’Et. Lemoine, dans la Bibliotheca Patrum de Galland (t. I, p. 3), à la suite de l’édition du Pasteur d’Hennas donnée par J. Fell (Oxford, 1685), etc. Elle a été l’objet de divers travaux spéciaux, notamment de la part d’Ullmann (Abhandlung ûber den Brief des Barnabas dans ses Theol. Stud, und Krit., t. I), de J.-C. Roerdam, Comm. de authentia epist. Barnabœ (Hafniæ, 1828), de B. Henke, Comm, de epist. quœ Barnabœ tribuitur (Jcnæ, 1827). On peut consulter aussi les ouvrages relatifs aux anciens autours ecclésiastiques, tels que ceux d’Oudin, de Le Nourry, de Cave, de Dupin, etc., etc.

Cette épître peut se partager en deux parties. La première commence par quelques paroles pleines de charité et de tendresse à l’égard de ceux auxquels l’écrivain s’adresse ; il montre ensuite, par l’autorité des prophètes, que Dieu a rejeté les sacrifices de la loi ancienne pour faire place à l’oblation humaine de la loi nouvelle, c’est-à-dire aux sacrifices d’un cœur contrit et humilié. Il fait voir par les mêmes autorités que les jeûnes ne sont point agréables à Dieu sans la pratique des autres bonnes œuvres ; que les derniers temps prédits par Daniel sont venus ; que le sceau de l’alliance des Juifs avec le Seigneur est rompu ; que Jésus-Christ est véritablement fils de Dieu ; que sa venue et sa mort avaient été annoncées longtemps auparavant; que c’est par la croix que Jésus-Christ a triomphé, et que celui qui met en elle son espérance vivra éternellement. Il prouve׳ ensuite que la vraie circoncision est celle des oreilles et du cœur qui rend dociles et obéissants. Il parle des animaux défendus par les lois» et il en tire des allégories morales. Il relève le mystère de l’eau qui, en plusieurs endroits des prophètes, représente l’eau du baptême. Il applique de même au mystère de la croix plusieurs passages des prophètes, entre autres celui où il est parlé du serpent d’airain. Le pseudo-apôtre enseigne que les six jours de la création signifient autant de milliers d’années (1), et que Dieu terminera tout en six mille ans. Ensuite viendra le septième jour auquel le Fils de Dieu viendra juger les impies. A l’occasion du temple de Jérusalem qui vient, dit-il, d’être ruiné, il montre que Dieu a un autre temple, c’est-à-dire notre cœur qui devient le temple de Dieu lorsque sa grâce commence à habiter en nous.

(1) L’opinion que le monde devait subsister six mille ans, chacun des jours de la création correspondant à un cycle de dix siècles, est fort ancienne, elle se maintint longtemps et jusque dans le moyen-âge. Peu satisfaits de ce calcul qu'ils ont trouvé trop simple, des esprits inquiets et rêveurs se sont évertués à fixer la date exacte du dernier jour, à pénétrer un mystère qu'assiégeait une curiosité pleine d’alarmes. Les uns assignèrent au monde autant d'années de durée qu'il y a de versets dans le psautier, 2537 environ ; les autres calculèrent que la grande catastrophe devait avoir lieu lorsque l'Annonciation tomberait le vendredi-saint, circonstance qui se produisit en 992 et qui causa une frayeur universelle. Des docteurs plus modernes ont voulu aborder un problème insoluble en cherchant le moment de la venue de l'Antéchrist. Nicolas Cressant l'avait fixée à l'an 1734, Pierre d’Ailly à 1789, Cardan à l'an 1800 ; Pic de la Mirandole l'a reculée jusqu'à 1994· Un ministre protestant qui passa sa vie à méditer sur l'Apocalypse, Brannbom, crut découvrir que le prophète du mensonge, né en l'an 86, était encore plein de vie en 1613 et qu’il devait se manifester vers 1700, et mourir en 1711. Divers auteurs anglaisent successivement fixé la fin du monde à l'an 1836, à l'an 2000, à l'an 3430· Il en a été dit quelque chose dans les Notices et extraits de quelques ouvrages écrits en patois, 1840, p. 158.

La seconde partie renferme les préceptes d’une morale très-pure. L’écrivain distingue d’abord deux voies très-différentes entre elles, celle de la lumière et celle des ténèbres. A l’une président les anges de Dieu, à l’autre les anges de Satan. Voici quelle est la voie de lumière et les moyens qu'il faut prendre pour arriver à la vie : Vous aimerez celui qui vous a créé, et vous glorifierez celui qui vous a racheté de la mort; vous détesterez tout ce qui est désagréable aux yeux de Dieu ; vous haïrez toute hypocrisie ; vous ne violerez point les commandements de Dieu ; vous ne vous élèverez point, mais vous serez humble ; vous ne vous attribuerez point de gloire ; vous ne formerez point de mauvais desseins contre votre prochain ; vous ne commettrez ni fornication, ni adultère, ni aucune autre impudicité ; vous ne vous servirez point de la parole que Dieu vous a donnée pour exprimer quelque ira-pureté que ce soit; vous serez paisible et doux; vous pardonnerez à votre frère ; vous aimerez votre prochain plus que votre propre vie ; vous ne ferez point périr un enfant, ni avant, ni après sa naissance ; vous instruirez vos enfants, dès leurs plus tendres années, dans la crainte du Seigneur; vous ne serez point avare, cl votre cœur ne sera point attaché aux grands, mais vous rechercherez la compagnie des humbles et des justes; vous recevrez comme des biens les accidents qui vous arriveront; vous vous préserverez de la duplicité du cœur et de langue, car elle conduit à la mort ; vous serez soumis au Seigneur et aux princes comme à l’image de Dieu, c’est-à-dire comme à ceux qui le représentent sur la terre, et vous aurez pour eux de la crainte et du respect ; vous ne commanderez point avec aigreur à vos esclaves qui ont en Dieu la même espérance que vous, de peur que vous ne perdiez la crainte de Dieu, notre maître commun, qui, sans avoir égard au mérite de personne, est venu chercher ceux dont son esprit avait préparé les cœurs; vous ferez part à votre prochain de tous les biens que vous possédez, sans vous imaginer que rien vous appartient en propre, car si vous êtes en société pour des choses incorruptibles, ne devez-vous pas y être bien plus pour des objets corruptibles ? Vous ne serez point trop prompts à parler, car la langue est un piège de mort ; évitez d’ouvrir les mains pour recevoir, et de les fermer pour ne point donner ; vous chérirez comme la prunelle de vos yeux tous ceux qui vous annoncent, jour et nuit, la parole du Seigneur ; vous chercherez à voir les fidèles, et vous vous appliquerez à les consoler par vos discours et par vos écrits, mettant tous vos soins à contribuer au salut des âmes ; vous travaillerez de vos mains pour racheter vos péchés ; donnez sans hésitation ou murmure à quiconque vous demandera, et vous verrez que Dieu saura bien vous récompenser ; vous ne mettrez point la division parmi vos frères, mais vous procurerez la paix entre ceux qui sont en contestation ; vous confesserez vos péchés, et vous ne vous présenterez point devant Dieu pour lui adresser vos prières avec une conscience impure et souillée. Voilà la voie de lumière.

Mais la voie de ténèbres est oblique et pleine de malédictions, car c’est le chemin qui conduit à la mort éternelle et au supplice. Là sont les maux qui perdent les âmes, l’idolâtrie, l’audace, l’esprit d’élévation, l’hypocrisie, la duplicité de cœur, l’adultère, l’orgueil, le meurtre, l’apostasie, la tromperie, la malice, l'impudence, l’avarice, le mépris de Dieu. Ceux qui marchent dans cette voie persécutent les bons ; ils haïs«-sent la vérité, ils aiment le mensonge, ils ne connaissent point la récompense de la vertu, ils ne s’attachent point à faire le bien, ils ne rendent point la justice à la veuve et à l’orphelin, ils veillent, non pour marcher dans la crainte de Dieu, mais pour faire le mal. Loin d’eux la douceur et la patience ; ils chérissent les choses vaines, ils aiment l’intérêt, ils sont sans pitié pour le pauvre, et ne se mettent point en peine de celui qui souffre, ils sont toujours prêts à médire, ils corrompent et défigurent l’ouvrage de Dieu, ils sont les défenseurs des riches, les juges iniques des pauvres, et ils se livrent eux-mêmes à toutes sortes de crimes.

L’auteur conclut en exhortant les fidèles à la pratique des préceptes qu’il leur donne, et il finit par ces paroles : Je vous salue, vous qui êtes des enfants de charité et de paix; que le Seigneur de la gloire et de toute grâce soit avec vous.

Une prétendue correspondance de saint Paul avec Sénèque a longtemps été admise sans contestation comme chose authentique. Elle a trouvé place dans les anciennes éditions du philosophe, romain, notamment dans celle de Naples, 1484 ; Venise, 1492, etc., etc.

Érasme l'a admise dans l'édition de 1529, mais en la signalant comme controuvée. Fabricius indique quelques écrivains qui s’en sont occupés, et il l’a placée dans son Codex apocryphus (t. I, p. 892-904)4 Ces lettres sont au nombre de treize ; huit émanent de Sénèque; elles sont fort courtes; l’apôtre donne des conseils de morale, et fait ressortir les erreurs du paganisme. C. W. Loescher a écrit une dissertation spéciale : De Pauli ad Senecam epistolis, Witemberg, 1694, in-4·. (1).

(1) Citons aussi l’opuscule de F.-G. Gelpeker : Tract at iun-cula de familiaritate guœ Paulo apostolo, cum Seneca philo' sopho interfuisse videtur vcrisimillima. Lips. 1813, â®. Des détails assez étendus se rencontrent sur le même sujet, dans VHistoire abrégée de la littérature romaine, par Schell, L II, p. 445. Les quatorze lettres en question ont été conservées dans le tome IV de ?édition de Sénèque (p. 464-479), qui fait partie de la bibliothèque latine de Lemaire.

Pour ne rien omettre, nous signalerons encore la prétendue lettre de saint Paul aux habitants de Laodicée, une seconde épître aux Éphésiens, et une troisième épître aux Corinthiens, dont le texte a été conservé en arménien. Publiée par Wilkins à Amsterdam, en 1715, cette dernière se retrouve plus complète dans la Grammaire anglaise et arménienne de C. Aucher (Venise, 1819, p. 117). Ces divers écrits ont d’ailleurs été publiés dans le recueil de Fabricius, où une lettre de saint Pierre à saint Jacques a de même obtenu quelques pages. Cotelier l’avait déjà insérée dans ses Patres apostolici. En explorant minutieusement les anciens auteurs ecclésiastiques, on découvre de fugitives indications relatives à d’autres épîtres attribuées. à quelques apôtres ; mais ces renseignements bien vagues, ces traces d’écrits sans importance et complètement perdus, ne doivent pas sortir du cercle des dissertations spéciales.

Nous ne devons point passer sous silence, en irai-tant des écrits qui racontent l’histoire légendaire des apôtres, une composition d’une longue étendue, divisée en dix livres et intitulée Histoire du combat apostolique; elle a été mise au jour sous le nom d’Abdyas, évêque de Babylone, ordonné, à ce qu’il raconte lui-même, par saint Simon et saint Jude. L’auteur de cette composition supposée est resté inconnu; une version latine nous en est parvenue, et le traducteur porte le nom imaginaire de Jules l’Africain. Il prétend qu’il a travaillé sur une traduction grecque, qu’Eu-trope, disciple d’Abdyas , avait, faite d’un texte écrit primitivement en hébreu , mais de fréquents latinismes et l’insertion littérale d’un passage de la traduc-lion faite par Ruffin de Y Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, établissent évidemment que cette Histoire du combat apostolique a été écrite dans la langue de Rome. Elle parut pour la première fois dans le recueil de W. Lazius. Collect, rar. Nonum. (Basile® > 1551, fol., Paris, 1566, 8° ) ; Fabricius l’a reproduite dans le tom. II de son Codex apocryphus où elle n’occupe pas moins de 340 pages. Dans cette foule de fables et de miracles controuvés, que l'Église a rejetés comme indignes de foi, on retrouve sans peine l’indice des idées qui circulaient parmi les chrétiens des premiers siècles. Ces récits de martyres et de prodiges, se répétant de bouche en bouche , s’enrichissant à mesure qu’ils se répandaient, étaient les poèmes populaires des néophytes de la foi nouvelle. Afin de montrer tout le charme, que ce merveilleux naïf avait alors, nous traduirons en l’abrégeant, la narration que fait Abdyas du combat, c’est-à-dire du martyre d’un des évangélistes.

a Mathieu surnommé Lévi et fils d’Alphée fut au rang des publicains, et fut appelé par Notre Seigneur-Jésus-Christ qui le mit au nombre de ses disciples ; il arriva ensuite au sommet de l’apostolat, et avant l’ascension au ciel du Seigneur, il n’accomplit rien de particulier en outre des fonctions des autres apôtres, mais après qu’il eut été éclairé du Saint-Esprit et qu’il eut reçut l’ordre d’aller prêcher !*Évangile sur la terre, il prit pour sa part l’Éthiopie, et s’y étant transporté, il résidait dans une grande ville qui s’appelle Nadaver, où régnait le roi Æglippus ; il advint que deux magiciens, nommés Zaroës et Aphaxat, en imposaient tellement au monarque par les merveilles qu’ils accomplissaient, qu’il les regardait comme étant des Dieux. Et le roi avait en eux une confiance sans bornes, et non-seulement les habitants de la ville, mais encore ceux des provinces les plus éloignées de l’Éthiopie venaient pour les adorer. Car ils faisaient que les hommes étaient subitement hors d’état de se mouvoir, et qu’ils restaient comme paralysés aussi longtemps que le voulaient ces magiciens. Ils privaient aussi de la vue et de l’ouïe ceux qu’il leur plaisait de traiter de la sorte. Ils ordonnaient aux serpents de mordre, chose que savent aussi accomplir les Marses (1), et au moyen de leurs enchantements, ils guérissaient beaucoup de maladies. Et ils étaient l’objet d’une grande vénération de la part des Éthiopiens, par ce que, comme dit le vulgaire , la peur inspire plus de respect pour les méchants que l’amour n’en fait concevoir pour les bons.

(1) Peuple du Latium. Il serait facile de rapporter ici des passages d’anciens auteurs au sujet de celle idée populaire.

Mais Dieu ayant pitié des hommes, envoya contre eux son apôtre Mathieu; étant entré dans la ville, il commença à découvrir leurs sortilèges. Il guérissait, au nom de Jésus-Christ, tous ceux qu’ils frappaient de paralysie; il rendait la vue à ceux qu’ils avaient aveuglés et à ceux qu’ils en avaient privés. Il plongeait dans le sommeil les serpents qu’ils excitaient à nuire aux hommes et en faisant le signe du Seigneur, il guérissait ceux qui avaient été mordus. Un eunuque éthiopien, nommé Candace, qui avait été baptisé par l’apôtre Philippe, ayant vu ces choses, tomba à ses pieds et dit en l’adorant : Dieu a jeté ses regards sur cette ville afin de la délivrer de la main de deux magiciens que des insensés croient être des Dieux. Il reçut l’apôtre dans sa maison, et tous ceux qui étaient les amis de l’eunuque Candace y venaient, et écoutant la parole de vie, ils croyaient au Seigneur Jésus-Christ. Et chaque jour un grand nombre de personnes, voyant que le disciple de Dieu guérissait tous les maux que faisaient les magiciens, recevaient le baptême. Car ces magiciens frappaient les hommes afin de les guérir ensuite et de se faire ainsi vénérer, mais Mathieu, l’apôtre de Jésus-Christ, guérissait non-seulement ceux qui avaient été victimes de la malice de Zaroës et d’Aphaxat, mais encore tous ceux qu’on apportait devant lui ,quelles que fussent les maladies dont ils étaient affligés. Et il prêchait au peuple la vérité de Dieu de telle manière que tous admiraient son éloquence.

L’eunuque Candace qui l’avait accueilli avec la plus grande affection, l’interrogea, disant : Je te prie de me dire comment, étant libre de naissance, tu sais les langues grecque, égyptienne et éthiopienne, si bien que ceux qui sont nés dans ces contrées ne parlent pas aussi bien que toi. L’apôtre répondit : Tous les hommes n’avaient eu d’abord qu’un même langage, mais leur présomption fut si grande qu’ils voulurent élever une tour d’une hauteur telle qu’elle parvînt au sommet du ciel. Le Seigneur tout-puissant confondit leur présomption en faisant qu’ils ne se comprenaient plus l’un l’autre lorsqu’ils se parlaient. Car ils survint une diversité de langages, et l’accord qui régnait entre eux et qu’avait fourni l'uniformité de langage se rompit. Le Fils de Dieu tout-puissant voulut montrer quel genre d’édifice il fallait élever pour parvenir au ciel, et il nous a envoyé, à nous les douze disciples, l’Esprit-Saint, et lorsque nous étions réunis dans une même salle, l'Esprit-Saint est venu sur nous, et nous avons été enflammés comme l’est le fer au contact du fou. Et lorsque cette splendeur eut cessé et que nous sommes revenus de notre effroi, nous avons commencé à parler aux gentils en diverses langues et à annoncer les merveilles de la naissance du Christ qui est le Fils de Dieu, et dont personne ne connaît l’origine avant les siècles. Nous avons dit comment il était né du sein de la Vierge Marie , et comment il avait été nourri et élevé , comment il avait été tenté, comment il avait souffert, avait subi la mort, avait été enseveli, et comment il était ressuscité le troisième jour. Et il est monté au ciel pour s’asseoir à la droite de Dieu, le Tout-Puissant, et il viendra juger tous les hommes. Nous autres, les disciples de Jésus le crucifié, nous savons en perfection, non-seulement les quatre langues que tu indiques, mais encore toutes celles en usage parmi les gentils. Et quelle que soit la nation chez laquelle nous nous rendons, nous possédons complètement sa langue. Ce n’est pas avec des pierres, mais avec les vertus du Christ que s’élève la tour où sont admis tous ceux qui sont baptisés au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et par le moyen de laquelle ils peuvent arriver au ciel.

Tandis que l’apôtre les instruisait de la sorte, quelqu’un vint dire que les magiciens arrivaient avec plusieurs dragons (1). Ces dragons étaient couverts d’écailles, et leur souffle émettait une odeur de feu, et ils lançaient par les narines des vapeurs de soufre qui faisaicnt périr les hommes. Mathieu, ayant appris cela , fit le signe de la croix et marcha avec calme au-devant d’eux. Candace voulut l’arrêter et faisant fermer les portes , il dit : Adresse la parole par la fenêtre à ces magiciens; mais l’apôtre répondit : Fais ouvrir les portes, fais-les ouvrir et regarde par la fenêtre l’audace de ces magiciens. Et l’apôtre sortit, et les magiciens venaient vers lui précédés chacun d’un dragon, mais ces deux dragons, à l’aspect de Mathieu, vinrent se coucher à ses pieds et s’endormirent El il dit aux magiciens : Où est votre puissance? Si vous le pouvez, réveillez ces dragons. Si je n’avais pas prié mon Seigneur Jésus-Christ, ils auraient déployé contre vous toute la fureur que vous aviez voulu exciter contre moi. Ils resteront endormis jusqu’à ce que tout le peuple se soit rassemblé, et je leur ordonnerai ensuite de retourner dans leur asyle, sans faire de mal à personne. Zaroës et Aphaxat s’efforcèrent vainement de réveiller les dragons ; ils ne purent ni leur faire ouvrir les yeux ni les amener à se mouvoir. Et le peuple adressait ses prières à l’apôtre, disant : Nous te supplions, Seigneur, de délivrer notre ville de ces animaux. Et l’apôtre répondit : Ne craignez rien ; je leur enjoindrai de se retirer en toute douceur. Et se tournant vers les dragons, il dit : Au nom de Jésus-Christ, mon Seigneur, qui a été conçu de l'Esprit-Saint et qui est né de la Vierge Marie, que Judas a livré aux Pharisiens et qui a été crucifié, qui est ressuscité le troisième jour, et qui, après nous avoir, durant quarante jours, répété les instructions qu’il nous avait données, est monté, en notre présence, au ciel d’où il viendra juger les vivants et les morts, je vous ordonne, dragons , de retourner dans vos asyles sans faire aucun mal à nul homme, à nul quadrupède ou à nul vivant. Et, à sa voix, les dragons, élevant la tête , se mirent à s’éloigner, et ils sortirent de la ville en présence de tout le peuple, et jamais ils ne se montrèrent derechef.

(1) Le dragon reparaît sans cesse dans les légendes, dans les récite poétiques, dans les romans du moyen-âge. On le retrouve dans toutes les circonstances de la vie publique et privée de nos ancêtres et dans les histoires dont se nourrissait une piété cré-dute. Nous avons entrepris, sur la biJgrapkMm dragon, quel* ques recherches qui compléteront peut-être, ce qu’ont déjà exposé Bochart (IJierozoieon, part. H, liv. Ill, ch. XIV), et L. Bossi : dei basilischi, dragoni ed altri animali creduli favo-losi, (Milano, 1771), ainsi que M. F. de Saint-Génois, des Dragons an moyei^âge ( Gand, 1840 ). Voir dans les Traditions tératologiques de M. Berger de Xiorly, (p. 441-455), le chapitre intitulé : La propriété des Dragons, extrait d’an manuscrit de la Bibliothèque du Roi.

Ensuite l’apôtre parla au peuple en ces mots : Écoutez, mes frères et mes enfants, et vous tous qui voulez délivrer vos âmes du véritable dragon, c’est-à-dire du diable. Dieu m’a envoyé vers vous pour votre salut afin que renonçant à la vanité des idoles, vous vous convertissiez à celui qui vous créa. Dieu ayant fait l’homme, le mit dans un paradis de délices avec son épouse qu’il avait formée d’une de ses côtes. Le paradis est au-dessus de toute les montagnes et proche du ciel, et il ne s’y trouve rien qui puisse être funeste à l’homme. Les oiseaux ne s’y épouvantent point de l’aspect et du bruit de l’homme ; il n’y vient ni épines, ni ronces; les roses, les lys et les autres fleurs ne se flétrissent pas ; on n’y est point sujet à la fatigue du travail et nulle infirmité ne vient y détruire la santé ; la tristesse, le deuil et la mort n’y ont aucune place. Les voix des anges s’y font entendre et enchantent les oreilles. Le serpent ne s’y rencontre point, et ni le scorpion, ni les mouches, ni aucun animal fâcheux pour l’homme ne s’y trouve. Les lions, les tigres et les léopards y vivent en parfaite intelligence avec les hommes ; et lorsqu’il donne quelque ordre aux animaux ou aux oiseaux, ils s’empressent de l’exécuter, obéissant avec respect à l’être ami de Dieu. Quatre fleuves y coulent, l’un d’eux se nomme le Géon , le second, le Physon, le troisième, le Tigre, le quatrième» l’Euphrate. Ils abondent en parfum de toute espèce. La face du ciel n’est jamais obscurcie par des nuages.

Tandis que l’apôtre parlait ainsi , on entendit tout-à-couple bruit d’un grand tumulte; c’était celui d’une foule de peuple qui pleurait la mort du fils du roi. Les magiciens s’efforcèrent de le ressusciter, mais, ne pouvant y parvenir, ils tentèrent de persuader au roi qu’il avait été enlevé par les Dieux pour être admis dans leur assemblée, et qu’il fallait lui élever une statue et un temple. L’eunuque Candace, ayant appris ces choses, s’approcha de la reine et lui dit :« Ordonne qu’on garde ces magiciens, et je te prie de faire venir Mathieu, l’apôtre de Dieu, et s’il ressuscite ton fils, tu commanderas qu’on brûle vifs ces hommes; car ils sont cause de tout le mal qui survient en notre ville. » Et quelques officiers du roi furent envoyés auprès de Mathieu, et ils l'introduisirent avec honneur auprès du monarque. Quand Mathieu parut, la reine Euphœnisse se prosterna à ses genoux cl dit : « Je te reconnais pour l’apôtre que Dieu a envoyé pour le salut des hommes, et pour le disciple de celui qui ressuscitait les morts et qui guérissait toutes les maladies. Viens et invoque son nom sur mon fils qui est mort, et je crois que si tu le fais il revivra. «L’apôtre lui dit :« Tu n’as pas encore entendu de ma bouche la prédication de mon Seigneur Jésus-Christ, et comment peux* tu dire que tu crois? Sache que ton fils te sera rendu. » El étant entré, il éleva les mains au ciel et il dit : Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob qui, pour nous racheter, as envoyé du ciel sur la terre ton Fils unique, chargé de nous convertir de nos erreurs et de nous montrer le Dieu véritable, souviens-toi des paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ ton Fils. En vérité, je vous dis que tout ce que vous demanderez en mon nom à mon Père, il vous l'accordera. Afin que les na-lions connaissent qu’il n’y a que toi de Tout-Puissant et que cette assertion de ma bouche est vraie, que cet enfant se lève. Et, prenant la main du mort, il dit : Au nom de mon Seigneur Jésus-Christ le crucifié, lève-toi, Euphranor. —Et l'enfant se leva aussitôt. Le cœur du roi se troubla à ce spectacle, et il ordonna aussitôt de porter à Mathieu des couronnes et de la pourpre. Et il envoya des hérauts dans la ville et dans les diverses provinces de l'Éthiopie, disant : Venez à. la ville et voyez Dieu qui est caché sous l'aspect d’un homme.

Et une grande multitude étant venue avec des torches, des autels et de l'encens, et tout ce qui sert aux sacrifices, Mathieu, l'apôtre de Dieu, parla en ces termes : Je ne suis point un Dieu, mais je suis le serviteur de Jésus-Christ, mon Seigneur, le Fils du Dieu tout-puissant qui m’a envoyé vers vous, afin qu’abandonnant l'erreur de vos idoles, vous vous convertissiez au Dieu véritable. Si vous me regardez comme un Dieu, moi qui ne suis qu’un homme, combien ne devez-vous pas avoir plus de foi en ce Dieu dont j’avoue que je suis le serviteur, et au nom duquel j’ai rendu la vie au fils de votre roi. Otez de devant mes yeux cet or, cet argent et ces couronnes et employez-en h valeur à élever au Seigneur un temple où vous vous rassemblerez pour entendre la parole de Dieu. — Et quand il eut parlé, onze mille hommes se mettant à l’ouvrage, achevèrent en trente jours la construction d’une église consacrée au Seigneur. Et Mathieu lui donna le nom d’Église de la Résurrection, parce qu’une résurrection avait été la cause qui l’avait fait édifier. Mathieu y passa vingt-trois ans, il ordonna des prêtres et des diacres, il plaça des évêques dans les villes de l’Éthiopie et il y fonda de nombreuses églises. Il baptisa le roi Æglippus et la reine Euphœnisse et son fils Euphranor qui avait été ressuscité et sa fille Iphigénie, qui consacra sa virginité à Jésus-Christ Les mages, saisis d’effroi, s’étaient enfuis vers la Perse. Il serait long de raconter combien l’apôtre guérit d’aveugles et de paralytiques, combien il délivra de possédés et ressuscita de morts, combien il détruisit d’idoles et de temples érigés en leur honneur.

Le roi Æglippus, accablé de vieillesse, étant allé vers le Seigneur, son frère Hyrtacus devint maître du royaume. Il voulut prendre pour épouse Iphigénie, la fille du roi défunt, qui s’était consacrée à Jésus-Christ et qui avait reçu le saint voile des mains de l’apôtre : elle était déjà à la tête d’une congrégation de plus de deux cents vierges, et le roi espérait que l’apôtre la déciderait à accéder à ses désirs. Il lui dit : Prends la moitié de mon royaume, si Iphigénie consent à m’épouser. — L’apôtre lui répondit : Conformément à la louable pratique de ton prédécesseur, qui se rendait chaque jour de Sabbat à l’assemblée où je prêchais la parole de Dieu, fais réunir toutes les vierges qui sont avec Iphigénie et tu entendras les louanges que, de-vaut le peuple, je donnerai au mariage et comme je dirai qu’une union sainte est agréable à Dieu. Hyrtacus, ayant entendu ces paroles, fut rempli de joie et s’empressa de faire réunir une grande assemblée, pensant que l’apôtre engagerait Iphigénie à l’épouser. »

L’apôtre, loin de se rendre aux désirs du monarque, prononce un éloge chaleureux de la virginité ; il émet ainsi une doctrine qu’on retrouve chez les premiers Pères et qui irrita, qui étonna le monde ancien, au״ quel pareilles idées ne s’étaient jamais offertes.

Hyrtacus se relire exaspéré et il envoie un de ses satellites qui frappe d’un coup d’épée et par derrière l’apôtre, tandis qu’il célébrait la messe. Le peuple furieux veut brûler le palais, mais les prêtres et les diacres calment sa colère. Iphigénie leur remet tout ce qu’elle possède d’or et d’argent, en leur recommandant de le distribuer aux pauvres. Hyrtacus a recours aux magiciens, mais leur pouvoir est sans effet; il tente de faire mettre le feu au monastère où Iphigénie s’est retirée, י mais un grand vent s’élève et pousse les flammes sur le palais du roi ; il est entièrement consumé. Hyrtacus, atteint d’une éléphantiasis, qui couvre son corps d’ulcères, se perce d’une épée, et son fils est livré à un démon terrible.

Nous nous croyons dispensé d’analyser l’histoire des autres apôtres, telle que la raconte Abdyas, et nous finirons cette portion de notre travail en disant quelques mots des autres ouvrages qui pouvaient se joindre au cycle des pseudo-évangiles.

Divers écrits avaient été composés sous le nom d’Apocalypse, et attribués à quelques apôtres; ils ont complètement disparu. l'Apocalypse de saint Pierre, jouissait, dans diverses églises, d’une telle estime que, d’après le témoignage de Sozomène ( Histoire eccles. 1. vn, ch. 19) on en faisait le vendredi une lecture publique.

Une Apocalypse de saint Paul était en usage parmi les gnostiques, et Lambécius indique, comme se trouvant parmi les manuscrits grecs de la bibliothèque de Vienne, une Apocalypse de saint Jean différente de celle que l'Église a approuvée. L'Apocalypse de saint Thomas n’est connue que par le décret du pape Gelase, qui la met au rang des ouvrages supprimés, avec celle que les sectateurs de Manès avaient forgée sous le nom de saint Étienne.

Il existe des liturgies sous le nom des apôtres ou de leurs disciples. Fabricius les a insérées dans son recueil des apocryphes du N. Test. Renaudot les avait déjà placées dans sa Collectio liturgiarum orientalium Paris, 1716. Dom Ceillier entre à leur égard, dans son Histoire dès auteurs sacrés, (Tom. I, p. 507 et suiv.), dans des détails assez étendus; il démontre qu’elles ne peuvent remonter au-delà du quatrième siècle. Monsieur Saint-Marc Girardin, dans l’ouvrage que nous avons déjà cité (L II, p. 66 et suit.) les a comparées à la liturgie des sacrifices payons, montrant ainsi comment les chrétiens changaient et épuraient, par l’esprit de la religion nouvelle, les rites du polythéisme.