chapitre XXIII.

Hérode, pendant ce temps, faisait chercher Jean. Et il envoya quelques-uns de ses officiers à son père Zacharie disant : « Où as״tu caché ton Fils? » Et il répondit : « Je suis lé prêtre employé au service de Dieu, et je donne mon assistance dans le temple du Seigneur, je ne sais pas où est mon fils. » Et lès envoyés se retirèrent et rapportèrent cela à Hérode. Il dit avec colère : « C’est son fils qui doit régner sur Israël. » Et il envoya derechef vers Zacharie disant : « Parle avec franchise; où est ton fils? Ne sais-tu pas que ton sang est sous ma main? « Et lorsque les envoyés eurent rapporté à Zacharie les paroles du roi, il dit : « Dieu est témoin que j’ignore où est mon fils. Répands mon sang , si tu le veux. Dieu recevra mon esprit, car tu auras versé le sang innocent. Zacharie a été tué dans le vestibule du temple du Seigneur, auprès de la balustrade de l’autel. »

CHAPITRE XXIV.

Et les prêtres allèrent au temple à l’heure de la salutation. Et Zacharie ne fut pas au-devant d’eux pour leur donner la bénédiction, suivant l’usage. Ne le voyant pas paraître, ils craignaient d’entrer. L’un d’eux, plus hardi que les autres entra» et il revint annoncer aux prêtres que Zacharie avait été tué. Ils entrèrent alors, et ils virent ce qui avait été commis» et les lambris du temple poussaient des hurlements, et ils étaient fendus depuis le haut jusqu’en bas. Son corps ne fut pas trouvé » mais son sang formait, dans le vestibule du temple, une masse semblable à une pierre. Et ils sortirent épouvantés, et ils annoncèrent au peuple que Zacharie avait été tué. Et les tribus du peuple le pleurèrent trois jours et trois nuits. Après ces trois jours, les prêtres se réunirent pour désigner quelqu’un qui le remplaçât. Et le sort tomba sur Siméon. Et il lui avait été annoncé par l'Esprit-Saint qu’il ne mourrait point, avant d’avoir vu le Christ.

CHAPITRE XXV.

Moi, Jacques qui ai écrit cette histoire, je me retirai dans le désert, lors d’une sédition que suscita à Jérusalem un certain Hérode, et je ne revins que lorsque le tumulte fut apaisé. Je glorifie Dieu qui m’a donné la charge d’écrire cette histoire. Que la grâce soit avec ceux qui craignent Notre Seigneur Jésus-Christ, auquel gloire et puissance avec le Père éternel et le Saint-Esprit vivifiant, maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

NOTES.

(1) Sur ces offrandes, consulte! les Antiquités sacrées de Reland (part. III, ch. 7), ouvrage fort estimé, dont la sixième édition, celle de 1769, est celle qu'il faut préférer.

(2) Les Hébreux conservaient leurs généalogies avec un soin tout particulier, dont Perizonius a fait l’objet d’une disserta-lion spéciale. Chez diverses nations de l’antiquité, l’on retrouve des exemples de ces recueils généalogiques rassemblés avec exactitude et que l’on était admis à consulter. Synésius de Cyrène, dans sa cinquante-septième lettre, nous apprend qu’il y a eu recours pour suivre la filiation de ses ancêtres.

(3) Ce grand jour du Seigneur est certainement celui de Pane des grandes fêtes des Juifs, mais il serait malaisé de déterminer s’il s’agit de celle de Pâques, de celle delà Pentecôte ou de celle des Tabernacles. Ajoutons que les premiers chrétiens condamnaient aussi les jeûnes et les signes de deuil aux jours des fêtes solennelles.

(à) Les plaintes d’Anne se retrouvent, plus ou moins allé״ rées chez divers prédicateurs grecs; une homélie de Germain, patriarche de Constantinople, sur la présentation de Marie (Biblioth· Pair, Auctuar. Nov,, 1.1, col. 1416), les reproduit presque textuellement.

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(prêtre) prendra de Veau sainte dans un vase de terre, et le cohène prendra de la poussière du pavé de l’habitacle et h mettra dans l’eau, etc. » (Voir la Bible , traduction de M. Ca-ben, t. IV, p. 27.) Jos'phe (Antiq. jud,t liv. Ill, ch. 13) s’exprime ainsi : « Si la femme a manqué à la sagesse, qu’elle meure, la cuisse droite déluxée et le ventre en putréfaction. Mais si le mari n’a agi que par un excès d'amour ou par un penchant à la jalousie, qu’elle ait un enfant mâle dans le dixième mois. » Ni Josèphe, ni aucun antre ne parle de la punition du mari calomniateur; on reconnaît là l’esprit asiatique. Les Tal-mudistes disent que dans le cas où la femme serait innocente, si elle est stérile, el’e deviendra féconde, si elle enfante d’ordinaire péniblement, ses couches seront désormais faciles, et si elle a eu des enfants noirs, à l’avenir ils seront blancs. Grotius a laborieusement réuni tous les passages des anciens auteurs grecs ou latins où il est fait mention de certaines eaux aux«* quelles on attribuait la vertu de punir le parjure. Semblable usage existe encore chez divers peuples de la côte occidentale de l’Afrique.

u Joseph alla chercher au moment de l’accouchement deux accoucheuses du nom de Gelome et Salomé, la Vierge demanda qu’il fil entrer Gelome qui voulait la voir et la toucher suivant l’usage, et elle trouva la vierge Marie, vierge pure et nette; et elle dit que cela ne s’était jamais vu ni entendu, et que de même qu’elle était née vierge ainsi elle a conçu vierge, elle a accouché vierge et elle est demeurée vierge. Salomé qui restait dehors, entendant ces propos, dit que cela n’élait pas possible, et elle voulut le vérifier. La vierge Marie la laissa voir et tou* cher, et ses mains séchèrent, et Salomé se lamentait de ce qu’elle perdait l’usage de ses mains et de sa profession. Mais un ange resplendissant apparut et lui dit d’adorer et de toucher dévoiement le fils de Dieu qui la guérirait de toutes ses infirmités, ce qu’elle fit, et elle fut aussitôt guérie. (Chap. xxvt). »

Puisque nous avons eu l’occasion de parler de ce rare volume, nous allons donner une idée du contenu de quelques-uns des chapitres.

chapitre XIV»

Beauté corporelle de la Vierge Marie.

On peut croire que Dieu l’orna d’une complète et honnête beauté, quand il se résolut à habiter dans ce corps précieux, mais quoique formée de toute perfection, de toute beauté, de science et de vertu, jamais elle ne se glorifia, ne s’enorgueillit, ni n’eut vanité; elle ne devint point arrogante, comme cela est d’usage, d’où on peut conclure que Dieu la forma de ses mains et qu’il imprima en elle toutes les vertus et les beautés sans au-cüne tache (1).

chapitre XV.

Comment la Vierge fut nommée Reine.

La vierge Marie et ses compagnes étaient réunies; elles étaient toutes fort habiles à tisser et à faire toute sorte de ira-vail grand et noble. Quelques-unes donnèrent l’avis de jeter au sort la nature de leurs travaux afin qu’il décidât celle d’entr’el-les qui serait chargée de travailler la pourpre et que celle-là fût appelée Reine ; ce qui fut fait. Ainsi, par la grâce de Dieu, le sort désigna la douce vierge Marie qui fut ainsi couronnée et nommée Reine, ce qui s’accorde bien en la signification qu’elle devait être Reine du ciel et de la terre, comme dit la Sainte Écriture.

(1) A l’égard de la beauté de la Vierge, nous pourrions citer ici une pièce de vers du xit· sitcle, dont la singularité est grande et que M. Edclestand du Méril a publiée dans son impor-tant recueil des Poésies populaires latines du moyen-âge, d’a-près l' Essai de M. Croke on the history of rhyming latin verse. Nous nous en tiendrons à rapporter quelques lignes de ce chant où la naïveté va parfois jusquà l’indécence.

Fulcra dorso, patera pahs

Denliutnqae serio I

Paiera, pulcram aliorum

Formam rincis et olorum

Olorina facie.

Ave, Fulcra fauce, nare, Cajus nemo curax·ré Potest formam graphicis...

CHAPITRE XVI.

Comme les prêtres voulaient marier la glorieuse vierge Ma· rie» et comme elle refusa ayant fait à Dieu vœu de virginité.

chapitre XXIII.

Comment Marie étant enceinte, Joseph voulant partir et Ta-bandonner, un jour un ange lui apparut, lui annonçant comme quoi Marie était enceinte du fils de Dieu.

chapitre XIV.

Comment ayant été publié dans Jérusalem que Marie était enceinte, les prêtres appelèrent Joseph et Marie dans le temple pour savoir d’eux la vérité.

CHAPITRE XXXIV.

Jésus à deux ans ne voulait plus téter, il se sevra tout seul sans souffrir comme font les enfants; il portait de l’eau et du bois à sa mère, et quand il allait à la fontaine pour puiser de l’eau, jamais il ne cassait les vases.

(8) Hyde, dans son savant traité de Religiones ret. Persar., chap. 31, cherche à établir, par de nombreux arguments, que les mages venaient de la Perse.

(9) Circonstance qui ne se trouve que dans la version de Postel; le texte grec n’en parle point. Grégoire de Tours (de Miraculis, I. I, c. 1) et Haymon vont jusqu’à dire que l’étoile était tombée dans un puits à Bethléem et qu’on l’y voyait encore. À une heure de distance de Jérusalem est un puits qu’on appelle le puits de l'Étoile ou des Mages. Il est représenté dans la planche 105 (tome II, page 4A) du Journal d’un Voyage en Orient, par M. le comte d’Estourmel (Paris, 4 8i4). Maundrell en a parlé dans son Journey from Aleppo to Jerusalem, relation que le Manuel du Libraire qualifie d’excellente, et qui, après avoir vu le jour pour la prem;ère fois à Oxford < n 1699, a souvent été réimprimée ; il y en a diverses traductions françaises.

Saint Chrysoslôme dit que l’étoile s'arrêta sur le faîte de la maison où était l’enfant, puis sur sa tète et qu’ensuite elle disparut.

Quant aux motifs qui pouvaient amener Joseph a repudier Marie, Barlolocd a réuni, dans sa Bibliotheca rabbinica, L IV, p. 560, les opinions des Pères. Voir aussi dom Calmet, Com· mentaire sur la Bible, 1726, t. VII, p. 113.

 

ÉVANGILE DE THOMAS L'ISRAÉLITE.

C’est le seul écrit que nous possédions en grec de ceux, en assez grand nombre, qu’avaient composés au sujet des parents de Jésus et de sa nativité, des chrétiens mal dégagés des doctrines du judaïsme ou imbus des erreurs répandues dès les premiers siècles de l’église. Une portion de texte grec fut publiée pour la première fois et avec une exactitude scrupuleuse par Cotelier dans ses notes sur les Constitutions apostoliques, il l’avait trouvée dans un manuscrit du quinzième siècle, à la bibliothèque du roi. Déjà Richard Simon en avait dit quelque chose. (1) Fabricius reproduisit le texte et la version de Cotelier, en y joignant quelques notes. Mingarelli a donné plus tard le travail entier de Fabricius, et il s’est attaché à le compléter. Voir le douzième volume d'une Raccolta d'opuscoli scicntifici e filologici, imprimée à Venise en 1764.

(1) Ce laborieux et hardi critique s'exprime ainsi dans ses Nouvelles observations sur le texte du Nouv, Test, 0 Je mets au nombre de ces faux Évangiles un de ceux aUribués à saint Thomas dont j'ai trouvé un assez long fragment à la Bibliothè. que du roi ; quoique ce manuscrit ne soit pas vieux, on ne peut douter cependant que cette pièce ne soit ancienne et qu’elle n'ait été fabriquée par quelques gnostiques. 11 paraît qu’il avait existé également un Evangile attribué à saint Thomas l'apôtre» mais il n’en est rien parvenu jusqu’à nous. » Ce n’est pas ici le lieu d’examiner sur quels fondements repose la tradition qui fait de cet apôtre le premier missionnaire qui ait prêché la foi dans les Indes. On trouvera de nombreux témoignages recueillis à cet égard dans l’ouvrage de MM. Martin et Cahier sur les vitraux de la cathédrale de Bourges ( 48/H-4A, grand in-foliO, P· 134).

La bibliothèque impériale de Vienne possède un autre manuscrit de l'Évangile de Thomas ; d’après le début tel que le rapporte Lambéciusdans ses Comment, de Bibl. Cœsar. Vindob. livre VII , il présente, avec le manuscrit parisien, des différences sensibles.

Se servant d’un manuscrit conservé à Bologne, et qu’avait fait connaître Mingarelli, profitant d’un autre manuscrit du seizième siècle que renferme la bibliothèque de Dresde, Thilo a donné un texte bien supérieur à celui de ses devanciers ; il avoue cependant qu’il n’a pu bien établir certains passages qu'en recourant à la voie toujours un peu arbitraire des conjectures, et il regrette de n’avoir point découvert l’existence de quelque autre manuscrit qu’il aurait pu consulter avec profit.

L’Évangile de Thomas porte les traces d’une rédaction manichéenne. Origène dans sa première homélie sur saint Luc, cite comme ayant une certaine autorité un Évangile secundum Thomam et juxta Maihiam; ce passage a fort occupé les critiques, mais l’on s’accorde en général à y reconnaître un autre écrit que celui dont le texte nous est parvenu, et dont l’auteur est entièrement inconnu, texte où se rencontrent des formes de style qui ne permettent pas de le faire remonter au-delà du cinquième siècle.

 

Livre de Thomas l'Israélite, philosophe, sur les choses qu’a faites le Seigneur, encore enfant.

CHAPITRE Ier.

Moi, Thomas, Israélite, je m’adresse à vous tous qui avez été convertis des erreurs des païens à la foi chrétienne, afin que vous sachiez les merveilles de l’enfance de Notre Seigneur Jésus-Christ, et ce qu’il fit après qu’il fut né dans notre pays. Et ceci est le commencement :

chapitre II.

L’enfant Jésus étant âgé de cinq ans (1), jouait sur le bord d’une rivière, et il recueillit dans de petites fosses les eaux qui coulaient, et aussitôt elles devinrent pures et elles obéissaient à sa voix. Ayant fait de la boue, il s’en servit pour façonner douze oiseaux, et c’était un jour de sabbat. Et beaucoup d’autres enfants étaient là et jouaient avec lui. Un certain juif ayant vu ce que faisait Jésus, et qu’il jouait le jour du sabbat, alla aussitôt, et dit à son père Joseph : « Voici que ton fils est au bord de la rivière., et il a façonné douze oiseaux avec de la boue, et il a profané le sabbat. » Et Joseph vint à cet endroit, et ayant vu ce que Jésus avait fait, il s’écria : « Pourquoi as-tu fait, le jour du sabbat, ce qu’il est défendu de faire ? » Jésus frappa des mains et dit aux oiseaux : « Allez. מ El ils s’envolèrent en poussant des cris. Les Juifs furent saisis d’admiration à la vue de ce miracle, et ils allèrent raconter ce qu’ils avaient vu faire à Jésus.

CHAPITRE III.

Le fils d’Anne le scribe était venu avec Joseph, et prenant une branche de saule, il fit écouler les eaux que Jésus avait ramassées. Jésus voyant cela fut irrité et lui dit : « Homme injuste, impie et insensé, quel tort te faisait cette eau ? Tu vas être comme un arbre frappé de sécheresse et privé de racines, qui ne produit ni feuilles, ni fruit. י> Et aussitôt il se dessécha tout entier. Jésus s’en alla ensuite au logis de Joseph. Les parents de l’enfant qui s’était desséché le prirent dans leurs bras en déplorant le malheur qui le frappait dans un âge aussi tendre et ils le portèrent à Joseph contre lequel ils s’élevaient vivement de ce qu’il avait un fils qui faisait de semblables choses.

chapitre IV.

Jésus traversait une autre fois le village, et un en-faut, en courant, lui choqua l’épaule. Et Jésus irrité lui dit : « Tu n’achèveras pas ton chemin. » Et ans-sitôt l’enfant tomba et mourut. Des gens voyant ce qui s’était passé dirent ! « D’où est né cet enfant? chacune de ses paroles se réalise aussitôt. » Et les parents de l’enfant qui était mort s’approchèrent de Joseph, lui dirent : « Tu as un enfant tel que tu ne peux habiter le même village que nous, ou bien apprends-lui à bénir et non à maudire, car il fait périr nos enfants. »

chapitre V.

Et Joseph appelant à lui l’enfant, l’admonestait, disant : <׳ Pourquoi fais-tu ces choses-là? on prend.de h haine contre nous et nous serons persécutés. « Jésus répondit : « Je sais que les paroles que tu viens de prononcer ne sont pas de toi, mais de moi ; je me tairai cependant h cause de toi, mais eux, ils subiront leur châtiment. » Et aussitôt ses accusateurs devinrent aveugles, et ceux qui virent cela furent fort épouvantés, et ils hésitaient, et ils disaient : « Chacune de ses paroles est suivie d'effet, soit pour le bien, soit pour le mal et amène des miracles. » Et lorsqu'ils eurent vu que Jésus faisait semblables choses, Joseph se levant, le prit par l'oreille et la tira avec force (2). L'enfant fut courroucé et lui dit : « Qu’il te suffise de chercher et de ne pas trouver; tu as agi en insensé; ne sais-tu pas que je suis à toi î car je suis à toi pour que tu ne me molestes nullement.

chapitre VI.

Un maître d’école, nommé Zacchée qui était près d’eux entendit Jésus parler ainsi à son père, et il s’é״ tonna fort de ce qu’un enfant s’exprimât ainsi. Et peu de jours après il alla vers Joseph et il lui dit : « Ton enfant est doué de beaucoup d’intelligence ; confie-le-moi afin qu’il apprenne les lettres, et je lui donnerai en même temps tout genre d’instructions, lui enseignant surtout à respecter la vieillesse et à aimer les gens de son âge. " Et il lui enseigna toutes les lettres depuis l’alpha jusqu'à l’oméga, expliquant nettement et soigneusement la valeur et la signification de chacune. Et Jésus regardant le maître Zacchée, lui dit: « Toi qui ignores la nature de la lettre Alpha, comment enseignes-tu aux autres ce que c’est que le Bêta, Hypocrite, enseigne-nous d’abord, si tu le sais, ce que c’est que la lettre Alpha et alors nous te croirons quand tu parleras de la lettre Bêta. » Et il se mit alors à presser le maître de questions sur la première lettre de l’alphabet et Zacchée ne put donner de réponses satisfaisantes. Et, en présence de beaucoup d’assistants, l’enfant dit à Zacchée : « Écoute, maître, quelle est la position du premier caractère, et observe de combien de traits il se compose, et combien il en renferme d’intérieurs, d’aigus, d’écartés, de rejoints, d’élevés, de constants, d’homogènes, d’inégale mesure. » Et il lui expliqua les règles de la lettre A (3).

chapitre VII.

Lorsque Zacchée entendit l’enfant exposer tant de choses, il resta confondu de sa science et il dit aux assistant» :« Hélas! malheureux que je suis, je me suis donné un sujet de regret et j’ai attiré sur moi du déshonneur en attirant cet enfant chez moi; reprends-le, je t’en prie, mon frère Joseph ;je ne peux soutenir la rigueur de ses raisonnements, et je ne saurais m’élever jusqu’à ses discours. Cet enfant n’est pas né sur la terre; il peut avoir de l’empire sur le feu ; il a peut-être été engendré avant que le monde n’existât ; j’ignore quel est le ventre qui l’a porté et quel est le sein qui l’a nourri; je suis tombé dans une grande erreur; j’ai voulu avoir un disciple et j’ai trouvé que j’avais un maître ; je vois, mes amis, quelle est mon humiliation, car moi, qui suis un vieillard, j’ai été vaincu par un enfant, et mon âme sera abattue, et je mourrai à cause de lai, et dès ce moment, je ne puis plus le regarder en face. Et quand la voix publique dira que j’ai été vaincu par un enfant, qu’aurai-je à répondre et comment parlerai-je des règles et des éléments du premier caractère après tout ce qu’il en a dit? Je ne connais ni le commencement, ni la fin de cet enfant. Je t’en conjure donc, mon frère Joseph, ramène-le chez toi : il est quelque chose de grand, ou un Dieu, ou un ange, je ne sais. »

chapitre VIII.

Et comme les Juifs donnaient des conseils à Zacchée, l’enfant se mit à rire et il dit : « Maintenant que les choses portent leurs fruits et que les aveugles de cœur voient : je suis venu d’en haut pour les maudire et pour les appeler à des objets plus élevés, ainsi que m’en adonné l’ordre celui qui m’a envoyé à cause de vous. » Et lorsqu’il eut finit de parler, aussitôt tous ceux qui avaient été frappés de sa malédiction furent guéris. Et, depuis ce temps, personne n’osait provoquer sa colère de peur d’être maudit de lui et frappé de quelque mal.

chapitre IX.

Pou de jours après, Jésus jouait sur une terrasse, au sommet d’une maison, et l’un des enfants qui jouaient avec lui, tomba du haut du toit et mourut; les autres enfants voyant cela, s’enfuirent, et Jésus descendit seul. Et lorsque les parents de l’enfant qui était mort furent venus, ils accusaient Jésus de l’avoir poussé du haut du toit, et ils le chargeaient d’outrages. Et Jésus descendit du toit et il s’approcha du cadavre de l’enfant, et il éleva la voix, il dit : « Zénin. ( c’était le nom de l’enfant) lève-toi et dis moi si c’est moi qui t’ai fait tomber. » Et l’enfant se levant aussitôt, répondit : « Non, Seigneur, tu n’as point causé ma chute, et bien au contraire, tu m’as ressuscité. » Et tous les spectateurs furent stupéfaits. Les parents de l’enfant glorifièrent Dieu à cause du miracle qui s’était opéré et ils adorèrent Jésus.

CHAPITRE X.

Quelques jours après un jeune homme était occupé à fendre du bois, et sa hache lui échappa des mains, et elle lui fit au pied une profonde blessure, et il mourut ayant perdu tout son sang. Et comme l’on accourait vers lui et qu’il y avait une grande rumeur, Jésus alla avec les autres, et se faisant faire place, il traversa la foule, et il mit les mains sur le pied du jeune homme et aussitôt il fut guéri. Et il dit au jeune homme : « Lève-toi, fends du bois et souviens-toi de moi. » Et quand la foule eut vu ce qui s’était passé, tous adorèrent Jésus, en disant : « Vraiment, l’esprit de Dieu réside en cet enfant. »

CHAPITRE XI.

Lorsqu’il eut l’âge de dix ans, sa mère, lui donnant une cruche, l’envoya pour puiser de l’eau et pour la rapporter à la maison, et dans la foule, la cruche s’étant choquée, elle se brisa. Et Jésus étendit le manteau dont il était revêtu, il le remplit d’eau et le porta à sa mère. Et sa mère, voyant le miracle qu’il venait de faire, l’embrassa, et elle conservait dans son cœur le souvenir des merveilles qu’elle le voyait accomplir.

CHAPITRE XII.

Le temps des semences étant venu, l’enfant Jésus alla avec son père pour semer du blé dans leur pays, et tandis que Joseph semait, l’enfant prit un grain de froment et le mit en terre, et ce grain seul produisit cent choros de blé. Et, ayant réuni tons les indigents du village, il leur distribua du blé, et Joseph emporta ce qui resta. El Jésus avait huit ans lorsqu’il fit ce miracle.

CHAPITRE XIII.

Son père était charpentier et il fabriquait alors des jougs et des charrues. Et un homme riche lui commanda de lui faire un lit. Et comme la règle dont se servait Joseph pour mesurer le bois ne pouvait lui servir en cette circonstance, l’enfant lui dit: « Place par terre deux pièces de bois et rends-les égales à partir du milieu. » Joseph lit ce que lui avait recommandé l’enfant, et Jésus se tenant de l’autre côté, joignit le bois et il tira vers lui la pièce qui était la plus courte, et s’a-longeant sous sa main, elle devint égale à l’autre. Et son père Joseph voyant cela, fut dans l’admiration, et il dit, en embrassant l’enfant : « Je suis heureux que le Seigneur m’ait donné un tel enfant. י·

chapitre XIV.

Joseph voyant que l’enfant croissait en âge, voulut qu’il apprît les lettres, et il le conduisit à un autre maître. Et ce maître dit à Joseph : « Je lui enseignerai d’abord les lettres grecques et ensuite les lettres hébraïques. » Le maître connaissait toute l'habileté de l’enfant et il le redoutait; il écrivit cependant l’alphabet, et quand il voulut interroger Jésus, Jésus lui dit : « Si tu es vraiment un maître, et si tu as la connaissance exacte des lettres, dis-moi quelle est la force de la lettre alpha, et je te dirai quelle est la force de la lettre bêta. » Le maître irrité le poussa et le frappa à la tête. L’enfant courroucé de ce traitement, le maudit et aussitôt le maître tomba sans vie sur son visage. Et l’enfant revint au logis de Joseph, Joseph fut très-affligé et il dit à la mère de Jésus : « Ne le laisse pas franchir la porte dé la maison, car tous ceux qui provoquent son courroux sont frappés de mort. »

chapitre XV.

Et, quelque temps après, un autre maître, qui était parent et ami de Joseph, lui dit : « Conduis cet enfant à mon école; peut-être je réussirai à lui enseigner les lettres, en usant à son égard de bons traitements. » Et Joseph lui dit : « Prends le avec toi, frère, si tu l’oses. 0 Et il le prit avec lui avec crainte et regret; l’enfant allait avec allégresse. Et entrant avec assurance dans l’école, il trouva un livre qui était par terre, et le prenant, il ne lisait pas ce qui était écrit ; mais ouvrant la bouche, il parlait d’après l'inspiration de l’Esprit-Saint, et il enseignait la loi aux assistants. Et une grande foule l’entourait, et tous étaient dans l’admiration de sa science et de ce qu’un enfant s’exprimait de cette façon. Joseph, apprenant cela, fut effrayé, et il courut à l’école, craignant que le maître ne fût sans instruction. Et le maître dit à Joseph : « Tu vois, mon frère, que j’avais pris cet enfant pour disciple, mais il est plein de grâce et d’une extrême sagesse; je t’en prie, mon frère, ramène-le dans ta maison. » Quand !*enfant l’entendit, il sourit, et dit : « Parce que tu as bien parlé, et comme tu as rendu bon témoignage, celui qui a été frappé, sera guéri à cause de toi. » Et aussitôt l’autre maître fut guéri. Et Joseph prit l’enfant et il alla dans sa maison.

chapitre XVI.

Joseph envoya son fils Jacques pour lier du bois et pour le porter à la maison, et l’enfant Jésus le suivit. Et lorsque Jacques ramassait des branches d’arbre, une vipère le mordit à la main. Et lorsqu’il était au moment de périr, Jésus s’approcha, et il souffla sur la morsure, et aussitôt la douleur cessa, et le reptile creva, et Jacques demeura complètement guéri.

CHAPITRE XVII.

Par la suite, il advint que l’enfant d’un des ouvriers de Joseph tomba malade, et il mourut, et sa mère pleurait beaucoup. Jésus entendit le bruit des sanglots et du deuil, et il se hâta d’accourir, et lorsqu’il eut trouvé l’enfant mort, il lui toucha la poitrine, et il dit : « Je te commande, enfant, de ne point mourir; vis et reste avec ta mère. » Et aussitôt l’enfant se releva et rit Et Jésus dit à la mère : « Prends-le et donne4ui du lait, et souviens-toi de moi. » Et quand le peuple qui était là eut vu ce miracle, il disait : « Cet enfant est vraiment un Dieu ou l’ange de Dieu, car tout ce qu’il prescrit s’exécute aussitôt. יי Et Jésus s’en alla jouer avec les autres enfants.

CHAPITRE XVIII.

Quelque temps après, comme l'on construisait un édifice, il s’éleva un grand tumulte, et Jésus alla à cet endroit, et voyant un homme qui gisait sans vie, il lui prit la main et lui dit : « Je te le dis, homme, lève-toi, et reprends ton ouvrage. » Et aussitôt le mort se leva et l’adora. Et la foule fut frappée de stupeur, et elle disait : « Vraiment, cet enfant vient du ciel, et il a préservé bien des aines de la mort et il les préservera tout le temps de sa vie· »

chapitre XiX.

Lorsque Jésus eut l’âge de douze ans, ses parents allèrent, suivant l’usage, à Jérusalem pour la fête de Pâques, en compagnie d’autres personnes, et après la fête ils s’en retournèrent chez eux. Et tandis qu’ils cheminaient, l’enfant Jésus retourna à Jérusalem, et ses parents croyaient qu’il était avec ceux qui les accompagnaient. Et après avoir fait une journée de route, ils le cherchèrent parmi leurs parents et ne le trouvèrent pas ; alors ils revinrent a la ville pour le chercher , et le troisième jour ils le tramèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs, et les écoutant, et les interrogeant, et expliquant la loi. Et tous étaient attentifs et s’étonnaient de ce qu’un enfant embarrassât et pressât de questions les anciens et les mai-très du peuple, dissertant sur les points de la loi et sur les paraboles des prophètes. Et sa mère Marie, s’approchant de lui, lui dit : « Pourquoi as-tu agi ainsi, mon fils? Nous étions dans l’affliction et nous te cherchions. » Et Jésus lui dit : « Pourquoi me cherchiez-vous? Ne savez-vous pas qu’il faut que je sois avec ceux qui sont à mon père? » Alors les Scribes et les Pharisiens dirent à Marie : « Es-tu la mère de cet en-faut? » Elle répondit : « Je le suis. »Et ils lui dirent : « Tu es heureuse parmi toutes les femmes, car Dieu a béni le fruit de ton ventre ; nous n’avons jamais vu ni entendu tant de gloire, tant de sagesse et tant de vertu. «> Et Jésus se levant, suivit sa mère, et il était soumis à ses parents. Et sa mère conservait dans son cœur le souvenir de tout ce qui se passait. Et Jésus croissait en sagesse » en grâce et en âge. A lui gloire dans tous les siècles. Amen.

NOTES.

( 1 ) Augustin Giorgi, dans son Alphabetum thibetanum ( Rome, 1762, 4°» p. 385) croit qu'il faut lire sept ans; il se fonde sur ce que l’ûge indiqué au vingt-sixième chapitre de V Evangile arabe de l'Enfance et sur la similitude de cette légende avec celle de Mânes, dont la septième et la douzième année sont signalées par des événements remarquables. Ce savant regarde l'Évangile de Thomas comme une production manichéenne. Tous les manuscrits portent cinq ans, et nous avons dû conserver celte leçon.

(2) Chez les anciens, tirer quelqu’un par l’oreille était une façon de réprimande et d’admonition fort en usage. Virgile a dit dans sa sixième églogue : Cynthius aurem vellit et admonuit, Calpulnius et Ovide emploient des expressions analogues. Voir d’ailleurs Erasme sur le proverbe : Aurem vellere,

(3) Il s’agit ici du sens mystique de la lettre A, prise peut-être comme un symbole divin. Les expressions de notre légende se rapportent bien plus à la forme que présente en hébreu et surtout en arménien, la première lettre de l’alphabet qu'à celle qu'elle présente en grec, 11 n’est pas hors de propos de transcrire ici un passage du voyage de Chardin, ( L ix, p. 124, del'éditon de 1841). «Leurs légendes (celles des chrétiens répandus dans la Perse), contiennent tous les contes qu'il y a dans les légendes des chrétiens orientaux et notamment dans une légende arménienne, intitulée l'Évangile-Enfant ( de l'enfance?) qui n’est qu'un tissu de miracles fabuleux: comme entre autres que Jésus-Christ voyant Joseph fort affligé d'avoir scié un ais de cèdre trop court, il lui dit : Pourquoi êtes-vous si affligé ? donnez-moi l'ais par un bout et tirez l'autre ; et l'ais s’alongca. Qu'étant envoyé à l'école pour apprendre l'a b c, le maître lui voulant faire dire a, il s’arrêta et dit au maître : Apprenez-moi, auparavant, pourquoi la première lettre de l’ai-phabeth est ainsi faite ; sur quoi le maître le traitant de petit babillard, il répondit : Je ne dirai point a, que vous me disiez pourquoi la première lettre est ainsi faite. Le maître se mettant en colère, Jésus lui dit : Je vous l'apprendrai donc moi. La première lettre de l'alphabet est formée de trois lignes perpendiculaires sur une ligne diamétrale ( l'Α arménien est ainsi fait à peu près comme une M renversée ) pour nous apprendre que le commencement de toutes choses est une essence en trois personnes. »

Quant au sens mystérieux que les cabalistes se sont efforcés de trouver à une foule de lettres, de mots de la Bible, ce que nous connaissons de plus lucide à cet égard, c'est VExercitatio de cabbala que Theod. Hackspannius a placé à la suite de ses Miscellaneorum sacrorum libri duo, (Altdorphii, 1660, 8°, p. 282 et 519). Pour donner une idée de ces combinaisons puériles, nous ferons remarquer que le serpent d'airain est regardé comme l'emblème du Messie, parce que les lettres des mots narrasch (serpent), et machiach, (messie), prises dans leur valeur numérique, donnent le même chiffre, 358. On a rc-marqué que le mot berith (alliance, pacte) employé dans Jérémie (ch. 33, v. 25), donne la somme de 612, tout comme en hébreu le nom de Jésus et de Marie. On forme des mots avec les lettres majuscules d'une phrase entière, on en forme avec les premières lettres de chaque mot, l'anagramme multiplie ces combinaisons à l'infini, mais cette cabale qui cherche un sens mystique lout autre que le sens littéral, qui se perd dans ces permutations, ces combinaisons et ces calculs sur la valeur numérique des lettres de l'alphabet, est rejetée par les plus éclairés des docteurs hébreux; ceux-ci entendent par cabale une théosophie mystique, une philosophie spéculative : deux systèmes régnent dans cette cabale ; l'un a pris son origine lors de la captivité de Babylone ; les dogmes de Moïse s'y sont mêlés avec les croyances des Chaldéens et des Perses ; on y trouve la métempsycose, les génies des deux sexes, tenant le milieu entre l'ange et l'homme, etc. ; le second système, plus métaphysique, transaction entre le monothéisme de Moïse et le panthéisme des philosophes grecs, a pris naissance dans l'école d'Mcxandrie ; c'est une branche des doctrines gnostiques/On peut consulter d'ailleurs un article curieux de M. Munck, dans

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le Dictionnaire de la Conversation, et le travail important que M. Frank a publié en 1863. H avait déjà-été inséré en partie dans les Mémoires de l'Institut (Académie des Sciences mor. et polit. — Savants étrangers, t. 1, p. 195348־). Nous indique-rons aussi à des lecleurs intrépides ; Rcuchlin, de artecabalis-tica, liaguenæ, 4517, f°; Gaffarel, Abdita divinœ cabalœ mysteria, Paris, 1623, 4"ί le recueil de Pistorius, Artis caba-Ustica! scriptores, Bale, !587 f°; les quatre in-quarto qu’a compilés Knorr de Roscnroth, Cabala denudata, 1677-1684 ; de la Nauze, Mémoires sur l'antiquité el sur Corigine de la cabale, (Mém. de l'Acad. des inscript, t. ix, p. 37, ). L'érudi-tion allemande nous offre les écrits de KJeuker (sur l'origine et la nature de la doctrine de l'émanation chez les cabalistcs, Riga, 1786, 8°) de L. Beer ( Histoire et doctrines de toutes les sectes du judaïsme et de la cabale, Brünn, 1822, 2 vol. 8°), de A. Tholuck (de Qrtu cabalcc, Hamburghi, 18362 ,37־ part. 4°), de Freystadt, (Philosophia cabalistica et Pantheismus, Regiomont, 4832, 8°). Voyez aussi Schramm : Introductio in dialect, CabaUrorum. Helmst. 1732, 8°. On trouve des excm-pies de cette importance attachée aux lettres à des époques plus récentes que notre ère. — Le musée britannique possède un manuscrit copte, encore inédit ; c'est l'œuvre d'un prêtre nommé Alasius. Cet écrivain donnant un sens mystique à la forme et à !'arrangement des 1· Uns de l'alphabet grec, s'en sert comme d'une base où il appuie ses théories sur Dieu, Pâme humaine, l’origine du bien et du mal. Ajoutons enfin que le Sepher lecirah (ou livre de la Création), Tune des productions les plus anciennes et lis plus remarquables de la Kabale, (voir le Dictionnaire des Sciences Philosophiques, tome in, p. 383 , veut montrer dans les éléments de la parole, dans les matériaux indispensables du discours représentés par les vingt-deux let-très de l'alphabet hébreu, les mêmes rapports, les mêmes har-monies, les mêmes contrastes qui marquent le plan de la créa-lion. Cts vingt-deux lettres, combinées avec les dix premiers nombres, forment les trente-deux voix merveilleuses de la sagesse par lesquelles Dieu a formé le monde. Regardant la création comme un acte d’amour, une bénédiction, les Kabba-listes nous disent, comme un fait très-significatif, que la lettre par laquelle Moïse a commencé le récit de la Genèse entre la pre-inière aussi dans le mot qui en hébreu signifie bénir.

 

ÉVANGILE DE LA NATIVITÉ DE SAINTE MARIE.

Durant plusieurs siècles, cette légende jouit, en Orient, de la plus grande célébrité ; elle fut d’abord accueillie avec un peu plus de froideur en Occident One tradition , que l’on ne discutait point alors, l'attribuait à saint Mathieu, et voulait qu’elle eût été écrite en hébreu ; la traduction, qui s’en répandit vers le sixième siècle , fut donnée comme l’œuvre de saint Jérôme ; et les éditeurs des œuvres complètes de ce Père ont cru pouvoir l'admettre dans leurs éditions , tout en s’inscrivant en faux contre une assertion qui n’est plus susceptible d’avoir un seul partisan.

Cet Évangile est l’un des moins chargés de circonstances fabuleuses et de miracles supposés ; quelques-uns des récits qu’il renferme sont mentionnés et signalés comme dénués de fondement dans les écrits de divers Pères de l'Église, tels que saint Augustin et saint Jérôme. Tel qu’il nous est parvenu , nous penchons à le regarder comme rédigé au sixième siècle, et il fut en possession durant tout le moyen-âge d une célébrité soutenue. Au neuvième siècle, la célèbre rc-ligieuse de Gandesheim , Hroswitha (1), en rcproduisit les principaux traits dans un poème latin en vers hexamètres que nous rencontrons dans ses œuvres (Historia nalivatis laudabilisque conversationis in-tacta· Dei genitricis , ρ. 73 de l’édit, de 1707). Ils passèrent dans la Légende dorée ; ils figurèrent dans la Vie de Jésus-Christ, que composa Ludolphe le Saxon , prieur des Chartreux de Strasbourg, ouvrage dont la vogue fut extrême au quatorzième et au quinzième siècle (2). Les poètes les intercalèrent dans leurs vers, les artistes en multiplièrent les images.

L'Evangile de la nativité de Marie ne nous est parvenu qu’eu latin ; plusieurs fois réimprime dans des collections étendues, inséré dans les recueils spéciaux de Fabricius, de Jones, de Schmid et de Thilo, il présente partout un texte uniforme, et il ne paraît point qu’il en existe de manuscrits où se rencontrent des variantes dignes d'attention.

Nous pourrions ici, à l’exemple du docteur Bor-berg, placer en tête de la traduction de cet Évangile la correspondance échangée entre saint Jérôme et les évêques Chromatien et Héliodore ; ces lettres se trouvent dans un grand nombre de manuscrits joints à la composition qu’elles concernent; elles sont incontestablement sinon supposées, du moins défigurées par des interpolations, mais elles remontent à une époque éloignée (probablement au sixième siècle), elles ont longtemps passé pour authentiques, et, bien qu’on n’en connaisse pas le véritable auteur, on doit les regarder comme retraçant des opinions qui exercèrent un empire étendu et prolongé.

CHAPITRE. 1er.

La bienheureuse et glorieuse Marie toujours vierge, de la race royale et de la famille de David, naquit dans la ville de Nazareth, et fut élevée à Jérusalem, dans le temple du Seigneur. Son père se nommait Joachim et sa mère Anne. La famille de son père était de Galilée et de la ville de Nazareth , celle de sa mère était de Bethléem. Leur vie était simple et juste devant le Seigneur, pieuse et irréprochable devant les hommes : car, ayant partagé tout leur revenu en trois parts, ils dépensaient la première pour le temple et pour les ministres du temple ; la seconde, ils la distribuaient aux pèlerins et aux pauvres, et ils réservaient la troisième pour leurs besoins et pour ceux de leur famille. Ainsi chéris de Dieu et des hommes, il y avait près de vingt ans qu’ils vivaient chez eux dans un chaste mariage sans avoir des enfants (3). Ils firent vœu, si Dieu leur en accordait un, de le consacrer au service du Seigneur, et c’était dans ce dessein qu’à chaque fête de l’année ils avaient coutume d’aller au temple du Seigneur.

CHAPITRE II.

Or, il arriva que, comme la fête de la Dédicace approchait, Joachim monta à Jérusalem avec quelques-uns de sa tribu. C’était alors Isaschar qui était grand-prêtre. Lorsqu’il aperçut Joachim parmi les autres avec son offrande, il le rebuta et méprisa ses dons, en lui demandant comment étant stérile, il avait la hardiesse de paraître parmi ceux qui ne l’étaient pas, et disant que, puisque Dieu l’avait jugé indigne d’avoir des enfants, ses dons n’étaient nullement dignes de Dieu ; récriture portant :« Maudit celui qui n’a point engendré de mâle en Israël (4) ; » et il dit que Joachim n’avait qu’à commencer d’abord par se laver de la tache de cette malédiction en ayant un enfant, et qu’ensuite il pourrait paraître devant le Seigneur avec ses offrandes. Joachim, rempli de confusion de ce reproche outrageant, se retira auprès des bergers qui étaient avec ses troupeaux dans ses pâturages : car il ne voulut pas revenir en sa maison de peur que ceux de sa tribu qui étaient avec lui ne lui fissent le même reproche humiliant qu’ils avaient entendu de la bouche du prêtre (5).

chapitre III.

Or, quand il y eut passé quelque temps, un jour qu’il était seul, l’Ange du Seigneur lui apparut avec une immense lumière (6). Cette vision l’ayant troublé, l’Ange calma sa crainte, lui disant : « Ne crains point, Joachim , et ne te trouble pas à mon aspect! car je suis l’Ange du Seigneur ; il m’a envoyé vers toi pour t’annoncer que tes prières sont exaucées, et que tes aumônes sont montées jusqu’en en sa présence. Car il a vu ta honte, et il a entendu le reproche de stérilité qui l’a été adresse injustement Or, Dieu punit le péché et non la nature ; c’est pourquoi lorsqu’il rend quelqu’un stérile, ce n’est que pour faire ensuite éclater ses merveilles et montrer que l’enfant qui naît est un don de Dieu, et non pas le fruit d’une passion désordonnée. Car Sara, la première mère de votre nation, ne fut-elle pas stérile jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans ? et cependant au dernier âge de la vieillesse elle engendra Isaac, auquel la bénédiction de toutes les na-lions était promise. De même Rachel, si agréable au Seigneur et si fort aimée du saint homme Jacob , fut longtemps stérile, et cependant elle engendra Joseph, qui devint le maître de l’Égypte et le libérateur de plusieurs nations prêtes à mourir de faim. Lequel de vos chefs a été plus fort que Samson, ou plus saint que Samuel ? et cependant ils eurent tous les deux des mères stériles. Si donc la raison ne te persuade pas par mes paroles, crois à la force des exemples qui montrent que les conceptions longtemps différées et les accouchements stériles n’en sont d’ordinaire que plus merveilleux. Ainsi ta femme Anne enfantera une fille et tu la nommeras Marie, elle sera consacrée au Seigneur dès son enfance, comme vous en avez fait le vœu, et elle sera remplie du Saint-Esprit, même dès le sein de sa mère. Elle ne mangera ni ne boira rien d’impur ; elle n’aura aucune société avec la foule du peuple au dehors, mais sa demeure sera dans le temple du Seigneur, de peur qu’on ne puisse soupçonner ou dire quelque chose de désavantageux sur elle. C’est pourquoi en avançant en âge, comme elle-même doit naître d’une mère stérile, de même cette Vierge incomparable engendrera le Fils du Très-Haut, qui sera appelé Jésus, et sera le Sauveur de toutes les nations selon l’étymologie de ce nom. Et voici le signe que tu auras des choses que je t’annonce. Lorsque tu arriveras à la porte d’or qui est à Jérusalem (7), tu y trouveras Anne ton épouse , Anne qui viendra au devant de toi, laquelle aura autant de joie de te voir qu’elle avait eu d’inquiétude du délai de ton retour. » Après ces paroles, l’Ange s’éloigna de lui.

chapitre IV.

Ensuite il apparut à Anne , l’épouse de Joachim , disant : « Ne crains point, Anne, et ne pense pas que ce que tu vois soit un fantôme. Car je suis ce même Ange qui ai porté en présence de Dieu vos prières et vos aumônes (8), et maintenant je suis envoyé vers vous pour annoncer qu’il vous naîtra une fille, laquelle sera appelée Marie, et qui sera bénie sur toutes les femmes. Elle sera remplie de la grâce du Seigneur aussitôt après sa naissance ; elle restera trois ans dans la maison paternelle pour être sevrée, après quoi elle ne sortira point du temple, où elle sera engagée au service du Seigneur jusqu’à l’âge de raison, servant Dieu nuit et jour par des jeûnes et des oraisons ; clic s’abstiendra de tout ce qui est impur ne connaîtra jamais d’homme, mais seule sans exemple, sans tache , sans corruption, celle Vierge, sans mélange d’homme, engendrera un fils, cette servante enfantera le Seigneur, le Sauveur du monde par sa grâce, par son nom et par son œuvre. Lève-toi donc, va à Jérusalem, et lorsque tu seras arrivée à la porte d’or, ainsi nommée parce qu’elle est dorée, tu auras pour signe au devant toi ton mari dont l’état de la santé te rend inquiète. Lors donc que ces choses seront arrivées , sache que les choses que je t’annonce s’accompliront indubitablement.

CHAPITRE V.

Se conformant donc au commandement de l’Ange, l’un et l’autre, partant du lieu où ils étaient, montèrent à Jérusalem, et, lorsqu’ils furent arrivés au lieu désigné par la prédiction de l’Ange , ils s’y trouvèrent l’un au devant de l’autre. Alors, joyeux de se revoir mutuellement et rassurés par la certitude de la race promise, ils rendirent grâce comme ils le devaient au Seigneur qui élève les humbles. C’est pourquoi, ayant adoré le Seigneur, ils retournèrent à leur maison, où ils attendaient avec assurance et avec joie la promesse divine. Anne conçut donc, et elle mit au monde une fille , et suivant le commandement de l’Ange, ses parents l’appelèrent du nom de Marie.

chapitre VI.

Et lorsque le terme de trois ans fut révolu et que le temps de la sevrer fut accompli, ils amenèrent au temple du Seigneur cette Vierge avec des offrandes. Or, il y avait autour du temple quinze degrés à monter (9), selon les quinze Psaumes des degrés. Car, parce que le temple était bâti sur une montagne, il fallait monter des degrés pour aller à l’autel de l’holocauste qui était par dehors. Les parents placèrent donc la petite bienheureuse Vierge Marie sur le premier degré. Et comme ils quittaient les habits qu’ils avaient eus en chemin, et qu’ils en mettaient de plus beaux et de plus propres selon l’usage, la Vierge du Seigneur monta tous les degrés un à un sans qu’on lui donnât la main pour la conduire ou la soutenir, de manière qu’en cela seul on eût pensé qu’elle était déjà d’un âge parfait. Car le Seigneur, dès l’enfance de sa Vierge, opérait déjà quelque chose de grand et faisait voir d’avance par ce miracle quelle serait la sublimité des merveilles futures. Ayant donc célébré le sacrifice selon la coutume de la loi, et accompli leur vœu, ils l’envoyèrent dans l’enclos du temple pour y être élevée avec les autres Vierges , et ils retournèrent à leur maison.

chapitre VII.

Or, la Vierge du Seigneur, en avançant en âge, profitait en vertus (10), et suivant !״expression du Psalmiste, « son père et sa mère l’avaient délaissée, mais le Seigneur prit soin d’elle. » Car tous les jours elle était fréquentée par les Anges, tous les jours elle jouissait de la vision divine qui la préservait de tous les maux et qui la comblait de tous les biens. C’est pourquoi elle parvint à l’âge de quatorze ans sans que non-seulement les méchants pussent rien découvrir de répréhensible eu elle, mais tous les bons qui la connaissaient trouvaient sa vie et sa manière d’agir dignes d’admiration. Alors le grand-prêtre annonçait publiquement que les Vierges que l’on élevait soigneusement dans le temple et qui avaient cet âge accompli s’en retournassent chez elles pour se marier selon la coutume de la nation et la maturité de l’âge. Les autres ayant obéi à cet ordre avec empressement , la Vierge du Seigneur, Marie fut la seule qui répondit qu’elle ne pouvait agir ainsi, et elle dit : « Que non-seulement ses parents l’avaient engagée au service du Seigneur, mais encore qu’elle avait voué au Seigneur sa virginité qu’elle ne voulait jamais violer en habitant avec un homme.» Le grand-prêtre fut dans une grande incertitude, car il ne pensait pas qu’il fallût enfreindre son vœu (ce qui serait contre l'Écriture, qui dit : « Vouez et rendez »), ni qu’il fallût se hasarder à introduire une coutume inusitée chez la nation; il ordonna que tous les principaux de Jérusalem et des lieux voisins se trouvassent à la solennité qui approchait, afin qu’il pût savoir par leur conseil ce qu’il y avait à faire dans une chose si douteuse. Ce qui ayant été fait, l’avis de tous fut qu’il fallait consulter le Seigneur sur cela. Et tout le monde étant en oraison , le grand-prêtre selon l’usage se présenta pour consulter Dieu. Et sur-le champ tous entendirent une voix qui sortit de l'oracle et du lieu de propitiation, qu’il fallait, suivant la prophétie d’Isaïe, chercher quelqu’un à qui cette Vierge devait être recommandée et donnée en mariage. Car on sait qu’Isaïe dit : « Il sortira une Vierge de la racine de Jessé, et de cette racine il s’élèvera une fleur sur laquelle se reposera l’esprit du Seigneur, l’esprit de sagesse et d’intelligence , l’esprit de conseil et de force , l’esprit de science et de piété, et elle sera remplie de l’esprit de la crainte du Seigneur. » Le grand-prêtre ordonna donc, d’après cette prophétie, que tous ceux de la maison et de la famille de David qui seraient nubiles et non mariés, vinssent apporter chacun une baguette sur l’autel, car l’on devait recommander et donner la Vierge en mariage à celui dont la baguette, après avoir été apportée, produirait une fleur, et au sommet de laquelle l’esprit du Seigneur se reposerait sous la forme d’une colombe.

CHAPITRE VIII.

Il y avait parmi les autres de la maison et de la famille de David, Joseph, homme fort âgé, et tous portant leurs baguettes selon l’ordre donné, lui seul cacha la sienne. C’est pourquoi, rien n’ayant apparu de conforme à la voix divine, le grand-prêtre pensa qu’il fallait derechef consulter Dieu, et le Seigneur répondit que celui qui devait épouser la Vierge était le seul de tous ceux qui avaient été désignés qui n’eût pas apporté sa baguette. Ainsi Joseph fut découvert Car lorsqu’il eut apporté sa baguette , et qu’une colombe, venant du ciel, se fut reposée sur le sommet, il fut manifeste pour tous que la Vierge devait lui être don· née en mariage. Ayant donc célébré les fiançailles se-Ion l’usage accoutumé (11), il se retira dans la ville de Bethléem, pour arranger sa maison et pourvoir aux choses nécessaires pour les noces. Mais la Vierge du Seigneur !Marie, avec sept autres Vierges de son âge et sevrées avec elle, qu’elle avait reçues du prêtre, s’en retourna en Galilée dans la maison de ses parents.

chapitre IX.

Or, en ces jours-là, c’est-à-dire au premier temps de son arrivée en Galilée, l’Ange Gabriel lui fut envoyé de Dieu pour lui raconter qu’elle concevrait le Seigneur et lui exposer la manière et l’ordre de la conception. Étant entré vers elle, il remplit la chambre où elle demeurait d’une grande lumière, et, la saluant avec une très-grande vénération, il lui dit : « Je te salue, Marie, Vierge du Seigneur, très-agréable à Dieu, pleine de grâce ; le Seigneur est avec toi ; ta es bénie par-dessus toutes les femmes, tu es bénie par-dessus tous les hommes nés jusqu’à présent. » Et la Vierge, qui connaissait déjà bien les visages des Anges, et qui était accoutumée à la lumière céleste, ne fat point effrayée de voir un Ange, ni étonnée de la grandeur de la lumière, mais son seul discours la troubla, et elle commença à penser quelle pouvait être cette salutation si extraordinaire, ce qu’elle présageait ou quelle fin elle devait avoir. L’Ange, divinement inspiré, allant au devant de cette pensée : « Ne crains point, dit-il, !Marie , comme si je cachais par cette salutation quelque chose de contraire à ta chasteté. C’est pourquoi, étant Vierge, tu concevras sans péché et tu enfanteras un fils. Celui-là sera grand, parce qu’il dominera depuis la mer jusqu’à la mer, et de· puis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. Et il sera appelé le Fils du Très-Haut, parce qu’en naissant humble sur la terre , il règne élevé dans le Ciel. Et le Seigneur Dieu lui donnera le siège de David son pèrer et il régnera à jamais dans la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin. Il est lui-même le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, et son trône subsistera dans le siècle du siècle. » La Vierge crut à ces paroles de l’Ange, mais, voulant savoir la manière, elle répondit : « Comment cela pourra-t-il se faire ? car, puisque, suivant !non vœu, je ne connais point d’homme, comment pourrai-je enfanter sans cesser d’être vierge? » Λ cela l’Ange lui dit : « Ne pense pas, !Marie, que tu doives concevoir d’une manière humaine. Car, sans avoir de rapport avec nul homme, tu concevras en restant vierge ; vierge, tu enfanteras; vierge, tu nourriras. Car le Saint-Esprit surviendra en toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre contre toutes les ardeurs de l’impureté. Car tu as trouvé grâce devant le Seigneur, parce que tu as choisi la chasteté. C’est pourquoi ce qui naîtra de toi sera seul Saint, parce que seul conçu et né sans péché, il sera appelé le Fils de Dieu. » Alors Marie, étendant les mains et levant les yeux, dit :« Voici la servante du Seigneur (car je ne suis pas digne du nom de maîtresse) ; qu’il me soit fait suivant ta parole. » (Il serait trop long et même ennuyeux de rapporter ici tout ce qui a précédé ou suivi la naissance du Seigneur. C’est pourquoi passant ce qui se trouve plus au long dans l’Evangile, finissons par ce qui n’y est pas si détaillé (1).

(1) Les mots entre parenthèses ont été ajoutés par récri vain qui, sons le nom supposé de saint Jérôme, a rédigé la tradur-tinn latine.

CHAPITRE X.

Joseph donc venant de la Judée dans la Galilée avait intention de prendre pour femme la Vierge avec laquelle il était fiancé. Car trois mois s’étaient déjà écoulés, et le quatrième approchait depuis le temps que les fiançailles avaient eu lieu. Cependant le ventre de la fiancée grossissant peu à peu , il commença à se manifester qu’elle était enceinte , et cela ne put pas être caché à Joseph. Car entrant auprès de la Vierge plus librement comme étant son époux, et parlant plus familièrement avec elle, il s’aperçut qu’elle était enceinte. C’est pourquoi il commença à avoir l’esprit agité et incertain; parce qu’il ignorait ce qu’il avait à faire de mieux. Car il ne voulut point la dénoncer, parce qu’il était juste, ni la diffamer par le soupçon de fornication, parce qu’il était pieux. C’est pourquoi il pensait à rompre son mariage secrètement et à la renvoyer en cachette. Comme il avait ces pensées, voici que l’Ange du Seigneur lui apparut eu songe, disant : « Joseph, fils de David, n’aie aucune crainte, et ne conserve aucun soupçon de fornication contre la Vierge, et ne pense rien de désavantageux à son sujet, et ne redoute point de la prendre pour femme. Car ce qui est né en elle, et qui tourmente actuellement ton esprit, est l’œuvre, non d’un homme, mais du Saint-Esprit. Car, seule entre toutes les Vierges, elle enfantera le Fils de Dieu, et lu l’appelleras du nom de Jésus, c’est-à-dire Sauveur, car c’est lui qui sauvera son peuple de leurs péchés. Joseph, se conformant au précepte de l’Ange, prit donc la Vierge pour femme ; cependant il ne la connut pas, mais en ayant soin chastement, il la garda. Et déjà le neuvième mois depuis la conception approchait, lorsque Joseph, ayant pris sa femme et les autres choses qui lui étaient nécessaires, s’en alla à la ville de Bethléem d’où il était. Or, il arriva, lorsqu’ils y furent, que le terme étant accompli, elle enfanta son fils premier-né, comme l’ont enseigné les Saints Évangélistes, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, étant Dieu avec le Père, le Fils et l’Esprit-Saint vit et règne pendant tous les siècles des siècles.

NOTES.

(1) Cette dixième muse, nom que lui décerna l’adfni-ration de ses contemporains, ne fut pas seulement une merveille pour la Saxe ; elle est une gloire pour l’Europe entière i dans la nuit poétique du mnyen-âge, on trouverait difficilement une étoile poétique plus éclatante. On nous saura gré d'indiquer à son égard les travaux si remarquables d’un critique aussi judicieux qu'instruit, M. Ch. Magnin; voyez la Revue des Deux-Mondes, 1839, tom. iv, la Biographie universelle, t. Lxvii, (où Hroswitha obtient les honneurs d'un article de 27 colonnes et demi), et l'édition spéciale du Théâtre de celte religieuse, Paris, 1843, 8״. Consultez aussi le Cours de littérature du moyen-âge. de M. Villemain, tom. 11, p. 258*264« T Histoire des langues romanes, par M. Bruce-Whyte, 1840, t. 1. p. 305407, un article de M. Philarète Chasles dans la Revue des Deux-Mondes, 15 août 1845; un autre de M. Cyprien Robert dans VUniversité Catholique, tom. vi, p. 419. Au sujet du travail de M. Magnin, consultez le Journal des Savants, octobre 1846 (article de M. Patin), et la Revue de Philologie, t. 1, p. 466.

(2) La première édition parait avoir été imprimée à Cologne vers 1470 ; c'est un in-folio de 373 feuillets ; Haïn, dans son Re pertorium biblio graphicum, 183t, n288-10296*10 ״, mentionne huit autres éditions latines antérieures à 1500. Ce livre fut Ira-duil dans toutes les langues de l'Europe, sans oublier le catalan; l'on en connaît cinq ou six éditions françaises. Il en fut imprimé à Lisbonne en 1495, une version portugaise en quatre vol. in-fol. ; l’auteur llorissait vers 1330.

(3) Quelques mystiques avaient cru pouvoir donner à sainte Anne le titre de vierge, ainsi que le remarque J. B. Thiers, ce fécond et caustique écrivain, dans son Traité des superstitions, ( tom. n. p. 302. ) Cette idée a trouvé fort peu de partisan*.

Bollandistes ont recueilli avec soin tout ce qui concerne sainte Anne. (Voiries Acta Sanctorum^ tom. vi de juillet, p. 233-297). Quant à la manière dont on peut et doit représenter cette sainte, consulter Molanus, Histor. imaginum sacra· rum.

(â) On chercherait en vain cette phrase dans les Ecritures, mais Ton y trouve, surtout dans les livres de Moïse j {Exode י xxni, 26; Deuter, vit, 14), le grand nombre des enfants mentionné comme un effet de la bénédiction céleste.

(5) On sait que chez diverses nations des peines étaient infligées aux célibataires. Voir ce qu'ont réuni à ce sujet les Bénédictins dans les notes de leur édition de saint Ambroise, torn, r, p. 1319.

(6) L'apparition de fange à Joachim pour lui annoncer la naissance de Marie, est également relatée dans saint Epiphane, {livres. LXXXlX,n. 5).

(7) Il paraît que cette porte était à l'orient de la ville et l’on conjecture < u'elle était en bronze de Corinthe. Des exemples de portes désignées sous le nom de portes d'or ou dorées seraient faciles à accumuler. Suivant le rabbin Petachia, qui parcourut l'Europe et l'Asie au douzième siècle, les portes de Babylone, hautes de cent coudées et larges de dix, étaient forgées d’un airain pur dont la splendide réverbération faisait brilla* cette cité comme une ville d'or. Il fallut les bronzer. Les chevaux croyant voir marcher devant eux d'inombrables escadrons, reculaient épouvantés.

(8) Le Talmud rapporte que les anges portent à Dieu les prières et les bonnes oeuvres des hommes, mais que les démons les attaquent en chemin et font leurs efforts pour que ces prié-res et ces actions méritoires n’arrivent point jusqu’au Seigneur. -

(9) Le prophète Ezéchiel a fait mention de ces quinze degrés, (ch. XL, 6 et 34). Josèphe en parle aussi dans son Histoire de la guerre judaïque. (V. 5.). Selon le rabbin Judas Léon, ils avaient une demi-coudée de hauteur et de largeur. On trouvera d'ailleurs dans un volumineux commentaire sur le prophète que nous venons de nommer, {//. Pradi et J. Ii. Villalpandi

Explanationes in Ezcchielem, Romp, 1596-1604» 3^01. in*־fol.) de longs détails sur le nombre de ces degrés leur hauteur, etc. Les psaumes graduels étaient ainsi appelés parce qu'ils étaient, on le croit du moins, solennellement chantés sur chaque degré, l’uu après l’autre; ce sont les psaumes 121435־. Nous connaissons à cet égard deux dissertations spéciales, celle de Tilling : de ratione inscriptionis XV Psalmorum qui dicuntur cantica adrensionum, Bremæ, 4765, à®, et celle de F. A. Clarisse : Specimen excgeticum de psalmis quindecim Ham· maaloth, Lugd. Bat. 4819. Voici à ce propos un petit conle extrait du Talmud. Lorsque David fit creuser les fondements du Temple, l’on trouva bientôt l’abîme des eaux qui occupent l’intérieur de la terre ; on craignit que le inonde ne fût Inondé! Achitophel écrivit le nom ineffable du Très-Haut sur une plaque d’airain, et dès qu’elle eut été po ée sur l’eau, l’abîme s’en* fonça tout d’un coup à une profondeur de seize mille coudées. Toutefois, comme la terre était alors menacée d’une stérilité complète, David fit chanter les quinze psaumes- graduels, et à chaque psaume, l’abîme montait de mille coudées, et c’est aussi de mille coudées qu’il est resté éloigné de h surface de notre planète. —Tout étrange qu’elle puisse paraître, cette histo** rielte est peu de chose à côté d’une foule d’autres que !·enfer-ment les écrits des rabbins. Il n’est point de livres qui trouvent maintenant moins de lecteurs que les ouvrages de ces vieuç docteurs israë ites; il faudrait pour les ouvrir Ja connaissance d'une langue que bien peu d’érudits sont en état de comprendre, et une patience à toute épreuve, car les sujets que di§çu-lent très-prolixeineut les doctes maîtres de la synagogue n’ont plus aujourd’hui le moindre intérêt Quelques laborieux inves^ tigateurs ont pris la peine de fouiller dans ces mines presqu’inex-plorées; mais personne ne s’en est occupé avec autant de zèle et de persévérance que le dominicain Bartolocci. Sa Bibliothca rabbinica, ( Rame, 4675-4693), ne forme pas moins de quatre volumes in-folio, auxquels rient s’adjoindre le volume publié en 169û par Jos. Imbonati : Bibliotheca latina hcbraica, sire de scriptoribus latinis qui contra Judœos scripsere. Nous avons parcouru ce vaste répertoire; nous y avons trouvé une foule de contes dignes des Mille et une Nulls, et parfois d’une extrême indécence. Bien plus que le latin, l’hébreu, dans les mots, brave toute honnêteté. Voici du moins deux faits pris à l'ou-vert tire du livre et qu’il est permis de transcrire.

En hora Salomon duxit in uxorem filiam Pharaonis, deseen-dit Gabriel et infixit calamum in mare et ascendit Iimus et super eam aedificata est mama Arx munita quæ Roma est. — Initio creatus est (Adam tant® molis) ut e terra ad cadum Usque pertingeret At qnando Angeli ministerii illum viderunt, commoti sunt timueruntque ; quid fecerunt ? ascenderunt omnes coram Deo in superiore (habitaculo) et dixerunt : Domine mundi, duæ potestates sunt in mondo. Tunc Deus posuit manum suam super caput Adæ, illumque ad mille cubitos redegit

Veut-on quelques autres échantillons de ce qu'affirment les écrivains qu’a analysés Bartolocci : Il y a 60,000 villes dans les montagnes de la Judée, et chacune contient 60,000 habitants. — 11 existe un oiseau dont la taille est telle que lorsqu’il vole, ses ailes interceptent la lumière du soleil. — Lorsque le Messie sera venu, Jérusalem acquerrera un développement immense ; il y aura 10,000 palais et 10,000 tours. Rabbi Siméon ben Jachia affirme que les boutiques des seuls marchands de parfams seront au nombre de 100,000. Alors chaque grain de raisin donnera trente tonneaux de vin. —Adam avait deux visages et une queue. — D’une épaule à l'autre de Salomon, la distance n’était pas moindre de soixante coudées. — D’un seul coup de hache, David tua huit cents hommes.

(10) Plusieurs écrivains, M. Peignot entre autres, ( Recher· ches historiques sur la personne et les portraits de Jésus-Christ et de Marie, Paris et Dijon, 1829, 8°), ont recueilli les témoignages épars, et contrôlé les opinions au sujet de la ligure, du teint, de la taille de Marie; selon l'Historia Christi du père Xavier, dont nous parlons ailleurs, elle était fort bien faite et brune; les yeux giands et tirant sur le bleu, les cheveux blonds. Maria fuit mediocris staturœ, triticei coloris, extensa facie; oculi ejus magni et vergentes ad caruleum, capillus ejus aureus. Manus et digiti ejus longi, pulchra forma, in omni· bus proportional a, ( p. 30 ) Voir aussi l'historico Nicéphore, 1. rr, ch. 23. 11 existe un Traité de N. Sacius, imprimé dans ses Opuscula (Antverpiæ, 1620), de pulchritudine B, Maria! virginis disseptatio quodlibetica.-

(11) L’usage était qu’il s’écoulât un certain temps entre la cérémonie des fiançailles et la célébration des noces. Tout cc qui regarde pareil sujet a été discuté fort savamment cl fort longuement dans l’ouvrage du docte Selden, homme d’Etat du temps de Charles Ier : Uxor hebraa^ livre dont nous connaissons trois éditions, Londres, 1616, Francfort, 1673 et 1695. Les œuvres complètes de cet érudit ont été recueillies par les soins de David Wilkins, Londres, 1726, 3 vol in-folio.

 

HISTOIRE DE LA NATIVITÉ DE MARIE ET DE L'ENFANCE DU SAUVEUR.

Celte légende, œuvre dans laquelle se reconnaît la main de quelque gnostique, fut attribuée par des copistes ignorants à saint Mathieu ; elle n’a point été inconnue à divers critiques, tels que Sixte de Sienne et Cotelier (Remarques sur les Constitutions apostoliques, vi, 17); les récits étranges qu’elle renferme détournèrent d’elle les érudits, et ce fut Thilo qui la publia le premier.

Le savant professeur de Halle pense quelle doit s’accorder, quant au fond du récit, avec un opuscule trois fois mis sous presse au quinzième siècle sous le titre à'Infantia Salvatoris, éditions d’une insigne rareté, sorties des presses de quelques typographes allemands, et qu’il n’a pu consulter ; elles ont échappé à toutes ses investigations.

Le texte, mis au jour en 1832, est tel que le donne un manuscrit sur velin du quatorzième siècle, conservé à la bibliothèque du roi, à Paris (n° 5559 A). Thilo transcrivit aussi une légende des miracles de l’enfance du Seigneur Jésus-Christ (manuscrit sur velin du quinzième siècle, 1V.&313), attribuée également à Jacques, fils de Joseph ; mais il n’a pas cru devoir la publier, car elle se borne en grande partie à répéter le récit du n° 5559 A, en y ajoutant quelques détails ridicules ou absurdes, et elle offre un texte telle-nient défiguré, qu’il est souvent fort difficile d’y découvrir un sens tant soit peu raisonnable. Nous croyons toutefois devoir rapporter les intitulés des quarante-huit chapitres qui forment cette relation des Miracles de l’enfance. Le lecteur se fera une idée assez juste des fables qu’accueillait une piété peu éclairée, et comme ces chapitres ont du moins le mérite d’être fort courts, nous en traduirons deux.

Chap. Ier. Du père et de la mère de la Sainte-Vierge !Marie.

Chap. II. De la séparation de Joachim d’avec Anne.

Chap. III. Du retour de Joachim auprès d’Anne.

Chap. IV. De la naissance de la bienheureuse Marie.

Chap. V. De l’action de grâces d’Anne.

Chap. VI. De la recommandation de la bienheureuse Marie.

Chap. VII. Du vœu de virginité de la bienheureuse Marie.

Chap. VIII. Comment la bienheureuse Marie fut remise à Joseph.

Chap. IX. De l’annonciation du Seigneur.

Chap. X. Du trouble de Joseph quand il s’aperçut de la grossesse de Marie.

Chap. XI. De la consolation qu’un ange apporta à Joseph.

Chap« XII. Des calomnies répandues par les Juifs contre Joseph et la bienheureuse Marie.

Chip. XIII. Du temps de la naissance dü Christ et des deux sages-femmes, des pasteurs et de l’étoile.

Chap. XIV. De la sortie de la bienheureuse Marie hors de le caverne, et de sa venue à la crèche.

Chap. XV. De la circoncision du Seigneur et de la venue des Mages à Jérusalem.

Chap. XVI. De l’épiphanie du Seigneur.

Chap. XVII« Du massacre des enfants et de la fuite de Joseph en Egypte.

Chap. XVIII. Comment Jésus dompta les dragons.

Chap. XIX. Comment les lions et les léopards suivi-rem Jésus.

Chap. XX. Du palmier qui s’inclina à la voix de Jésus.

Chap. XXL De la bénédiction du palmier et de la translation de son rameau.

Chap. XXII. Du chemin que raccourcit Jésus.

Chap. ΧΧΠΙ. Comment, à l’arrivée de Jésus en Egypte, les idoles tombèrent.

Chap. XXIV. De l’honneur qu’Afrosidisius rendit à Jésus.

Chap. XXV. Du poisson desséché rendu à la vie.

Chap. XXVI. Du rire de Jésus à cause des passereaux qui se battaient entre eux.

Chap. XXVII. De la sortie de Marie et de Jésus hors de l’Egypte.

Chap. XXVIII. De l’eau de pluie clarifiée, et des

dix oiseaux faits avec de la boue un jour de sabbat.

Chap. XXIX Du Pharisien mort à la voix de Jésus.

Chap. XXX. De l’enfant qui frappa Jésus livré à la mort, et de quelques personnes punies d’aveugle-ment.

Chap. XXXI. Gomment Jésus avertit Joseph de ne pas le toucher dans un moment de colère.

Chap. XXXII. De Zacchée, maître de Jésus et de ses paroles.

Chap. XXXIII. Comment Jésus ressuscita un en-fant qui jouait avec lui.                        ,

Chap. XXXIV. Comment, d’une seule parole, Jé-sus guérit le pied d’un homme qui l’invoquait avec confiance.

Chap. XXXV. Comment Jésus porta à la bienheu-reuse Marie de l’eau dans son manteau.

Chap. XXXVI. Du froment multiplié par Jésus.

Chap. XXXVII. Du bois étendu par Jésus.

Chap. XXXVIII. D’un certain maître de Jésus privé de la vie.

Chap. XXXIX. D’un autre maître de Jésus dont la charité fut cause que Jésus ressuscita le maître qui était mort.

Chap. XL. Comment Jésus guérit Joseph du venin d’une vipère.

Chap. XLI. Des sept lacs et des douze oiseaux, et des douze enfants que Jésus frappa de mort.

Chap. XLII. Du fils d’une certaine femme rendu à la vie par Jésus.

Chap. XLIII. Comment Jésus entra dans la ea-vernp de la lionne.

Chap. XLIV. Comment l’eau du Jourdain »ouvrit devant eux.

Chap. XLV. Comment un mort fut ressuscité par le suaire de Joseph.

Chap. XLVI. Comment Zacchée pria Joseph et Marie de confier Jésus à un maître nommé Lévi.

Chap. XLVII. Comment Jésus sanctifiait et bénissait les convives.

Chap. XLVIII. Glorification de Jésus et de Marie sa mère.

Voici maintenant les deux chapitres que nous avons promis; ce sont les XXVe et XXVIe.

« Et Jésus accomplit sa troisième année. Et comme » il vit des enfants qui jouaient, il se mit à jouer avec » eux ; et ayant pris un poisson desséché qui était imprégné de sel, il le posa dans un bassin plein d’eau, » et il lui ordonna de palpiter, et le poisson commença à palpiter. Et Jésus, adressant derechef la » parole au poisson, lui dit : « Rejette le sel que lu as » en loi, et remue-toi dans l’eau. » Et cela se fit ainsi. « Les voisins, voyant ce qui se passait, l’annoncèrent « à la veuve dans la maison de laquelle habitait Ma» rie. Et quand elle apprit ces choses, elle les renvoya avec précipitation de chez elle.

» Et Jésus, passant avec Marie sa mère dans la » place de la ville, vit un maître qui enseignait ses » élèves. Et voici que sept passereaux , se battant » entre eux, tombèrent du haut d’un mur dans le » sein du maître qui instruisait les enfants. Quand > Jésus vit cela, il se mit à rire. Le maître, s’en apercevant, fut rempli de colère, et il dit à ses disciples : « Allez, et amenez-le-moi. » Lorsqu’ils le lui eurent » conduit, il le saisit par son manteau, et il lui dit : « Qu’as-tu vu qui ait provoqué ton rira? » Et Jésus » dit : « Maître, voici ta main pleine de froment ; les « passereaux se disputaient pour le partage de ce froment. «

Donnons aussi le dernier chapitre ; une inspiration plus noble s’y fait sentir.

« Les Scribes et les Pharisiens dirent à la bienheureuse Marie : « Es-tu la mère de cet enfant? » Et » elle répondit : « Vraiment je le suis. » Et ils lui dirent : « Tu es bénie entre toutes les femmes, car « Dieu a béni le fruit de ton ventre en te donnant un » enfant si plein de gloire. Nous n’avons jamais vu ni » entendu dans un autre une sagesse égale à la » sienne. » Mais Marie conservait dans son cœur le » souvenir de tout ce que faisait Jésus parmi le peu» pie des Juifs, car il opérait de grands miracles, gué» vissant les malades, ressuscitant les morts, et faisant beaucoup d’œuvres merveilleuses. Et Jésus » croissait en taille et en don de sagesse. Tous ceux qui le connaissaient glorifiaient donc Dieu le père » tout-puissant, qui est béni dans les siècles des » siècles. Amen. »   

Un autre manuscrit de la bibliothèque du roi, n° 5560, contient à peu de chose près les mêmes récits; celui-ci s’annonce comme étant l’œuvre d’Onésime et de Jean l'Évangéliste.

Nous pourrions indiquer encore une copie moderne que possède la bibliothèque publique de Cambridge (F. f. 6, 54), et qui renferme une légende également partagée en quarante-huit chapitres, et presque identiquement la même que celle que nous venons d’analyser; nous pourrions mentionner divers autres manuscrits que renferment des bibliothèques d’Anglcterre ou d’Italie ; mais ces détails minutieux offriraient fort peu d'intérêt. Nous nous bornerons à dire deux mots d’un manuscrit du quinzième siècle que possède la bibliothèque médicéenne à Florence, et que Bandini a décrit (Catal. Cod. lat. Bibl. Medic., I, 523). 11 renferme divers opuscules de saint Jérôme, et l’on y trouve, page 248-255, une épure de saint Jérôme ou préface au livre de l'Enfance du Sauveur. Cet opuscule, dont la supposition est évidente, commence en ces termes ; * Un jour l’ange du Seigneur avertit en songe Joseph, » et il finit ainsi : « Que Jésus, qui le guérit, nous guérisse de nos péchés, et qu’il soit béni dans tous les siècles des siècles. » Comme ce fragment ne se trouve ni dans les éditions de saint Jérôme, ni dans le Codex de Fabricius, ni dans le volume de Thilo, nous avons jugé à propos d’en signaler l’existence.

Nous conviendrons que l'Histoire de la Nativité de Marie et de l'Enfance du Sauveur, telle que nous la faisons passer pour la première fois en un langage moderne, est une composition parfois puérile dont nous n’exagérons pas la valeur. Des deux parties dont elle se compose, et qui ne paraissent pas venir de la même source, la seconde, consacrée au récit des premières années de Jésus-Christ, est un tissu de contes que ne rachètent pas toujours quelques traits touchants, quelques passages naïfs; il y a bien plus de simplicité, bien plus de grâce dans la première partie consacrée à l'histoire de la Sainte-Vierge, et qui comprend les chapitres 1 à 17, en suivant, pour les traits principaux, le Protévangile de saint Jacques.

L’ouvrage se termine brusquement, et paraît dépourvu de conclusion ; il est à croire que ce que nous possédons ne forme qu’un fragment emprunté a une composition plus étendue.

PROLOGUE.

Moi Jacques (1), fils de Joseph, marchant dans la crainte de Dieu, j’ai écrit tout ce que j’avais vu de mes yeux survenir dans le temps de la nativité de la bienheureuse Marie et du Sauveur, rendant grâces à Dieu qui m’a donné la connaissance des histoires de son avènement, et montrant l'accomplissement des prophéties aux douze tribus d’Israël.

chapitre Ier.

Il y avait en Israël un homme nommé Joachim, de la tribu de Juda, et il gardait ses brebis, craignant Dieu dans la simplicité et la droiture de son cœur, et il n’avait nul souci, si ce n’est celui de ses troupeaux, dont il employait les produits à nourrir ceux qui craignaient Dieu, présentant de doubles offrandes dans la crainte du Seigneur, et secourant les indigents. Il faisait trois parts de ses agneaux, de ses biens et de toutes les choses qui étaient en sa possession ; il don-naît une de ces parts aux veuves, aux orphelins, aux étrangers et aux pauvres; une autre à ceux qui étaient voués au service de Dieu., et il réservait la troisième pour lui et pour toute sa maison. Dieu multiplia son troupeau au point qu'il n'y en avait aucun qui lui fût semblable dans tout le pays d'Israël. Il commença à faire ces choses dès la quinzième année de son âge. Lorsqu’il eut l’âge de vingt ans, il prit pour femme Anne, fille d’Achar (2), qui était de la même tribu que lui, de la tribu de Juda, de la race de David ; et après qu’il eut demeuré vingt ans avec elle, il n’en avait pas eu d’enfants (3).

chapitre II.

Il arriva qu’aux jours de fête, parmi ceux qui apportaient des offrandes au Seigneur, Joachim vint, offrant ses dons en présence du Seigneur. Et un scribe du Temple, nommé Ruben, approchant de lui, lui dit : « Il ne t’appartient pas de te mêler aux sacrifices que l’on offre à Dieu, car Dieu ne t’a pas béni, puisqu’il ne t’a pas accordé de rejeton en Israël. » Couvert de honte en présence du peuple, Joachim se retira du Temple en pleurant, et ne retourna pas à sa maison ; mais il s’en alla vers ses troupeaux, et il conduisit avec lui les pasteurs dans les montagnes, dans un pays éloigné ; et pendant cinq mois, Anne, sa femme, n’en eut aucune nouvelle. Elle pleurait dans ses prières, et elle disait .* « Seigneur tout-puissant, Dieu d’Israël, pourquoi ne m’avez-vous pas donné d*enfants, et pourquoi m’avez-vous ôté mon mari! j’ignore s’il est mort, et je ne sais comment faire pour lui donner la sépulture. » Et pleurant amèrement, elle se retira dans l’intérieur de sa maison, et se prosterna pour prier, adressant Ses supplications au Seigneur. Et se levant ensuite, élevant les yeux à Dieu, elle vit un nid de passereaux sur une branche de laurier, et elle éleva la voix vers Dieu en gémissant, et elle dit : « Seigneur Dieu tout-puissant, toi qui as donné de la postérité à toutes les créatures, aux bêtes, et aux serpents, et aux poissons, et aux oiseaux, et qui fais qu’elles se réjouissent de leurs petits, je te rends grâces, puisque tu as ordonné que moi seule je fusse exclue des faveurs de ta bonté ; car tu connais, Seigneur, le secret de mon cœur, et j’avais fait vœu, dès le commencement de mon voyage, que si tu m״avais donné un fils ou une fille, je te l’aurais consacré dans ton saint temple. ״» Et quand elle eut dit cela, soudain l’ange du Seigneur apparut devant sa face, lui disant : « Ne crains point, Anne, car ton rejeton est dans le conseil de Dieu, et ce qui naîtra de toi sera en admiration à tous les siècles, jusqu’à leur consommation. » Et lorsqu’il eut dit cela, il disparut de de-vaut ses yeux. Elle, tremblante et épouvantée de ce qu’elle avait vu une pareille vision, et de ce qu’elle avait entendu un semblable discours, entra dans sa chambre, et se jeta sur son lit comme morte, et durant tout le jour et toute la nuit, elle demeura en prières et dans une grande frayeur. Ensuite elle appela à elle sa servante, et lui dit : « Tu m’as vue frappée de viduité et placée dans la douleur, et tu n’as pas voulu venir vers moi. מ Et la servante répondit en murmurant : « Si Dieu t’a frappée de stérilité, et s’il a éloigné de toi ton mari, qu’est-ce que je dois faire pour toi? » Et, en entendant cela, Anne élevait la voix, et elle pleurait avec clameur.

CHAPITRE III.

Dans ce temps, un jeune homme apparut parmi les montagnes où Joachim faisait paître son troupeau, et lui dit : « Pourquoi ne retournes-tu pas auprès de ton épouse? » Et Joachim dit : « Je l’ai eue durant vingt ans; mais maintenant, comme Dieu n’a pas voulu que j’eusse d’elle des fils, j’ai été chassé du Temple avec ignominie : pourquoi retournerai-je auprès d’elle ? Mais je distribuerai par les mains de mes serviteurs aux pauvres, aux veuves, aux orphelins et aux ministres de Dieu les biens qui lui reviennent. » Et, lorsqu’il eut dit cela, le jeune homme lui répondit : « Je suis l’ange de Dieu, et j’ai apparu à ton épouse qui pleurait et qui priait, et je l’ai consolée; car tu l’as abandonnée accablée d’une tristesse extreme. Sache au sujet de ta femme, qu’elle concevra une fille qui sera dans le temple de Dieu, et l'Esprit saint reposera en elle, et sa bénédiction sera sur toutes les femmes saintes ; de sorte que nul ne pourra dire qu’il y eut auparavant une autre comme elle, et qu’il n’y aura dans la suite des siècles nulle autre semblable à elle, et son rejeton sera béni, et elle-même sera bénie, et elle sera établie la mère de la bénédiction éternelle.’ Descends donc de la montagne, et retourne à ton épouse, et rendez grâces tous deux au Dieu tout-puissant » Et Joachim l’adorant, dit : « Si j’ai trouvé grâce devant toi, repose-toi un peu dans mon tabernacle, bénis-moi, moi qui suis ton serviteur. » Et l’ange lui dit : « Ne dis pas que je suis ton serviteur, mais que je suis ton compagnon ; nous sommes les serviteurs d’un seul Seigneur ; car ma nourriture est invisible, et ma boisson ne peut être vue par les hommes mortels. Ainsi, tu ne dois pas me demander que j’entre dans ton tabernacle ; mais, ce que tu voulais me donner, offre-le en holocauste à Dieu. » Alors Joachim prit un agneau sans tache, et dit à l’ange : « Je n’aurais pas osé offrir un holocauste si ton ordre ne me donnait le droit d’exercer le saint ministère. » Et l’ange lui dit :« Je ne t’aurais pas invité à sacrifier, si je n'avais pas connu la volonté de Dieu. » Il se fit que lorsque Joachim offrit à Dieu le sacrifice, l’ange du Seigneur remonta aux deux avec l’odeur et la fumée du sacrifice. Alors Joachim tomba sur sa face, et il y resta depuis la sixième heure jusqu’au soir. Ses servi-tours et les gens à ses gages, venant et ne sachant quelle était la cause de ce qu’ils voyaient, s’effrayèrent, et croyant qu’il voulait se laisser mourir, ils s’approchèrent de lui, et le relevèrent de terre avec peine. Lorsqu’il leur eut raconté ce qu’il avait vu, ils furent saisis d’une extrême stupeur et d’admiration, et ils l’exhortèrent à accomplir sans différer ce que l’ange lui avait prescrit, et à retourner promptement auprès de sa femme. Et lorsque Joachim discutait dans son esprit s’il devait revenir ou non, il se fit qu’il fut surpris par le sommeil. Et voici que l’ange du Seigneur, qui lui avait apparu durant la veille, lui apparut pendant qu’il dormait, disant : « Je suis l’ange que Dieu t’a donné pour gardien ; descends sans crainte, et retourne auprès d’Anne, car les œuvres de miséricorde que tu as accomplies, ainsi que ta femme, ont été portées en présence du Très-Haut, et il vous a été donné un rejeton tel que jamais, ni les prophètes, ni les saints, n’en ont eu depuis le commencement, et tel qu’ils n’en auront jamais. » Et lorsque Joachim se fut éveillé de son sommeil, il appela à lui les gardiens de ses troupeaux, et il leur raconta son songe. Et ils adorèrent le Seigneur, et ils lui dirent : « Vois à ne pas résister davantage à l’ange de Dieu, mais lève-toi, partons, et allons d’une marche lente en faisant paître les troupeaux. » Lorsqu’ils eurent cheminé trente jours, l’ange du Seigneur apparut à Anne qui était en oraison, et lui dit : « Va à la porte que l'on appelle dorée, et rends-toi au-devant de ton mari, car il viendra à toi aujourd’hui. » Elle, se levant promptement, se mit en chemin avec ses servantes, et elle se tint près de celte porte en pleurant ; et lorsqu’elle eut attendu longtemps, et qu’elle était près de tomber en défaillance de cette longue attente, en élevant les yeux, elle vit Joachim qui venait avec ses troupeaux. Anne courut et se jeta à son cou, rendant grâces à Dieu, et disant : « J’étais veuve, et voici que je ne serai plus stérile, et voici que je concevrai. » Et il y eut grande joie parmi tous les parents et ceux qui les connaissaient, et la terre entière d’Israël fut dans l’allégresse de cette nouvelle.

chapitre IV.

Ensuite, Anne conçut (4), et neuf mois étant accomplis, elle enfanta une fille et elle lui donna le nom de Marie. Lorsqu’elle l’eut sevrée la troisième année (5), ils allèrent ensemble, Joachim et sa femme Anne, au temple du Seigneur, et, présentant des of-fraudes, ils remirent leur fille Marie, afin qu’elle fût admise parmi les vierges qui demeuraient le jour et là nuit dans la louange du Seigneur. Et lorsqu’elle fut placée devant le Temple du Seigneur, elle monta en courant les quinze degrés, sans regarder en arrière et sans demander ses parents, aigri que les enfants le font d’ordinaire. Et tous furent remplis de surprise à cette vue, et les prêtres du Temple étaient saisis d’étonnement

chapitre V.

Alors Anne, remplie de l'Esprit saint, dit en présence de tous : « Le Seigneur, le Dieu des armées, s’est souvenu de sa parole, et il a visité son peuple dans sa visite sainte, afin qu’il humilie les nations qui s’élevaient contre nous, et qu’il convertisse leurs cœurs à lui. Il a ouvert ses oreilles à nos prières, et il a éloigné de nous les insultes de nos ennemis. La femme stérile est devenue mère, et elle a engendré pour la joie et l’allégresse d’Israël. Voici que je pourrai présenter mes offrandes au Seigneur, et mes enne-rais voulaient m’en empêcher. Le Seigneur les a abattus de devant moi, et il m’a donné une joie éternelle. »

chapitre VI.

Marie était un objet d’admiration pour tout le peuple, car, lorsqu’elle avait trois ans, elle marchait avec gravité, et elle s’adonnait si parfaitement à la louange du Seigneur, que tous étaient saisis d’admiration et de surprise ; elle ne semblait pas une enfant, mais elle paraissait déjà grande et pleine d’années, tant elle vaquait à la prière avec application et persévérance. Sa figure resplendissait comme la neige, de sorte que l’on pouvait à peine contempler son visage. Elle s’appliquait au travail des ouvrages en laine, et tout ce que des femmes âgées ne pouvaient faire, elle l’expliquait, étant encore dans un âge aussi tendre. Elle s'était fixé pour règle de s’appliquer à l’oraison depuis le matin jusqu'à la troisième heure et de se livrer au travail manuel depuis la troisième heure jusqu'à la neuvième. Et depuis la neuvième heure, elle ne discontinuait pas de prier jusqu'à ce que l’Ange du Seigneur lui eût apparu, et elle recevait sa nourriture de sa main, afin de profiter de mieux en mieux dans l'amour de Dieu. De toutes les autres vierges plus âgées qu’elle et avec lesquelles elle était instruite dans la louange de Dieu, il ne s’en trouvait point qui fût plus exacte aux veilles, plus instruite dans la sagesse de la loi de Dieu, plus remplie d’humilité, plus habile à chanter les cantiques de David, plus gracieuse de charité, plus pure de chasteté, plus parfaite en toute vertu. Car elle était constante, immuable, persévérante, et, chaque jour, elle profitait en dons de toute espèce. Nul ne l’entendit jamais dire du mal, nul ne la vit jamais se mettre en colère. Tous ses discours étaient pleins de grâce et la vérité se manifestait dans sa bouche. Elle était toujours occupée à prier ou à méditer la loi de Dieu. Et clic étendait sa sollicitude sur ses compagnes, craignant que quelqu’une d’elles ne péchât en paroles, ou n’élevât sa voix en riant, ou ne fût gonflée d’orgueil, ou n’eût de mauvais procédés à l’égard de son père et de sa mère. Elle bénissait Dieu sans relâche, et pour que ceux qui la saluaient ne pussent la détourner de la louange de Dieu , elle répondait à ceux qui la saluaient : a Grâces soient rendues à Dieu ! » Et c’est d’elle que vint l’usage adopté par les hommes pieux de répondre à ceux qui les saluent : < Grâces soient rendues à Dieu ! » Elle prenaît chaque jour pour se substanter la nourriture qu’elle recevait de la main de l’Ange (6), et elle distribuait aux pauvres les aliments que lui remettaient les prêtres du Temple. On voyait très-souvent les Anges s’entretenir avec elle, et ils lui obéissaient avec la plus grande déférence. Et si une personne atteinte de quelqu’infirmité la touchait, elle s’en retournait aussitôt guérie.

chapitre VII.

Alors le prêtre Abiathar offrit des cadeaux considérables aux pontifes, afin que Marie fût donnée en mariage à son fils. Marie s’y opposait, disant : « Il ne peut pas être que je connaisse un homme ou qu’un homme me connaisse. » Les prêtres et tous ses parents lui disaient : « Dieu est honoré par les enfants comme il a toujours été dans le peuple d’Israël. » Marie répondit : « Dieu est d’abord honoré par la chasteté. Car, avant Abel, il n’y eut aucun juste parmi les hommes, et il fut agréable à Dieu pour son offrande, et il fut tué méchamment par celui qui avait déplu à Dieu. Il reçut toutefois deux couronnes, celle du sacrifice et celle de la virginité, car sa chair demeura exempte de souillure. Et, par la suite» Élie , lorsqu’il était en ce monde, fut enlevé, car il avait conservé sa chair dans la virginité. J’ai appris dans le temple du Seigneur depuis mon enfance qu’une vierge peut être agréable à Dieu. Et j’ai donc pris dans mon cœur la résolution de ne point connaître d’homme. »

chapitre VIII.

Il arriva que Marie atteignit la quatorzième année de son âge, et ce fut l’occasion que les Pharisiens dirent que, selon l’usage, une femme ne pouvait plus rester à prier dans le Temple. Et l’on se résolut à envoyer un héraut à toutes les tribus d’Israël, afin que tous se réunissent le troisième jour. Lorsque tout le peuple fut réuni, Abiathar, le grand-prêtre, se leva, et il monta sur les degrés les plus élevés, afin qu’il pût être vu et entendu du peuple entier. Et, un grand silence s’étant établi, il dit : « Écoutez-moi, enfants d’Israël, et que vos oreilles reçoivent mes paroles. Depuis que ce Temple a été élevé par Salomon, il a contenu un grand nombre de vierges admirables, filles de rois, de prophètes et de pontifes ; enfin, arrivant à l’âge convenable , clics ont pris des maris, et elles ont plu à Dieu en suivant la coutume de celles qui les avaient précédées. Mais , maintenant, il s’est introduit, avec Marie, une nouvelle manière de plaire au Seigneur, car elle a fait à Dieu la promesse de persévérer dans la virginité, et il me paraît que, d’après nos demandes et les réponses de Dieu, nous pourrons connaître à qui elle doit être confiée à garder. מ Ce discours plut à la synagogue, et les prêtres tirèrent au sort les noms des douze tribus d’Israël, et le sort tomba sur la tribu de Judas, et le grand-prêtre dit le lendemain : a Que quiconque est sans épousé vienne et qu’il porte une baguette dans sa main. » Et il se fit que Joseph vint avec les jeunes gens et qu’il apporta sa baguette. Et lorsqu’ils eurent tous remis au grand-prêtre les baguettes dont ils s’étaient munis, il offrit un sacrifice à Dieu, et il interrogea le Seigneur, et le Seigneur lui dit : « Apportez toutes les baguettes dans le Saint des Saints, et qu’elles y demeurent, et ordonne à tous ceux qui les auront apportées de revenir les chercher le lendemain matin, afin que tu les leur rendes. Et il sortira de l’extrémité d’une de ces baguettes une colombe qui s’envolera vers le ciel (7), et c’est à celui dont ce signe distinguera la baguette que Marie devra être remise à garder. » Le lendemain, ils vinrent tous, et le grand-prêtre, ayant fait l’offrande de l’encens, entra dans le Saint des Saints et apporta les baguettes. Et lorsqu’il les eut distribuées toutes, au nombre de trois mille, et que d’aucune d’elles il n’était sorti de colombe, le grand-prêtre Abiathar se revêtit de l’habit sacerdotal et des douze clochettes, et, entrant dans le Saint des Saints, il offrit le sacrifice. Et, tandis qu’il était en prières, l’Ange lui apparut, disant : « Voici cette baguette très-petite que tu as regardée comme néant ; lorsque tu l’auras prise et donnée, c’est en elle que se manifestera le signe que je l’ai indiqué. » Cette baguette était celle de Joseph, et il était vieux et d’un aspect misérable , et il n'avait pas voulu réclamer sa baguette, dans la crainte d’être obligé à prendre Marie. Et tandis qu’il se tenait humblement le dernier de tous, le grand-prêtre Abiathar lui cria d’une voix haute : « Viens , et reçois ta baguette , car tu es attendu. » Et Joseph s’approcha épouvanté, car le grand-prêtre l’avait appelé en élevant beaucoup la voix. Et lorsqu’il étendit la main pour recevoir sa baguette, il sortit aussitôt de l’extrémité de cette baguette une colombe plus blanche que la neige et d’une beauté extraordinaire, et, après avoir longtemps volé sous les voûtes du Temple, elle se dirigea vers les deux. Alors tout le peuple félicita le vieillard, en disant : a Tu es devenu heureux dans ton grand âge, et Dieu t’a choisi et désigné pour que Marie te fût confiée. » Et les prêtres lui dirent : " Reçois-la, car c’est sur toi que le choix de Dieu s’est manifesté. · Joseph, leur témoignant le plus grand respect, leur dit avec confusion : « Je suis vieux (8) et j’ai des fils (9) ; pourquoi m’avez-vous remis cette jeune fille! » Alors le grand-prêtre Abiathar lui dit : « Souviens-toi, Joseph, corn-ment ont péri Dathan et Abiron, parce qu’ils avaient méprisé la volonté de Dieu ; il t’en arrivera de même si tu te révoltes contre ce que Dieu te prescrit. » Joseph répondit : « Je ne résiste pas à la volonté de Dieu, je voudrais savoir lequel de mes fils doit l’avoir pour épouse. Qu’on lui donne quelques-unes des vierges, ses compagnes, avec lesquelles elle demeure en attendant. מ Le grand-prêtre Abiathar dit alors : « On lui accordera la compagnie de quelques vierges pour lui servir de consolation, jusqu’à ce qu’arrive le jour marqué pour que tu la reçoives (10). Car elle ne pourra pas être unie en mariage à un autre. » Alors Joseph prit Marie avec cinq autres vierges, afin qu’elles fussent dans sa maison avec Marie. Ces vierges se nommaient Rebecca, Saphora, Suzanne, Abigée et Zahel, et les prêtres leur donnèrent de la soie, et du lin, et de la pourpre. Elles tirèrent entre elles au sort quelle serait la besogne réservée à chacune d’elles. Et il arriva que le sort désigna Marie pour tisser la pourpre, afin de faire le voile du Temple du Seigneur, et les autres vierges lui dirent : « Comment, puisque tu es plus jeune que les autres, as-tu mérité de recevoir la pourpre? מ Et disant cela, elles se mirent, comme par ironie, à l’appeler la reine des vierges. Et lorsqu’elles parlaient ainsi entre elles, l’Ange du Seigneur apparut au milieu d’elles et dit : a Ce que vous dites ne sera pas une dérision, mais se vérifiera très-exactement » Elles furent épouvantées de la présence de l’Ange et de ses paroles, et elles se mirent à supplier Marie de leur pardonner et de prier pour elles.

chapitre IX.

Un autre jour, comme Marie était debout auprès d’une fontaine (11), l’Ange du Seigneur lui apparut, disant : « Tu es bien heureuse, Marie, car le Seigneur s’est préparé une demeure en ton esprit. Voici que la lumière viendra du ciel pour qu’elle habite en toi et pour que, par toi, elle resplendisse dans le monde entier. » Et le troisième jour qu’elle tissait la pourpre de scs doigts, il vint à elle un jeune homme dont la beauté ne peut se décrire. En le voyant , Marie fut saisie d’effroi et se mit à trembler, et il lui dit f <׳ Ne crains rien , Marie ; ta as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras et que tu enfanteras un Roi dont l'empire s’étendra non-seulement sur toute la terre, mais aussi dans les cieux, et qui régnera dans les siècles des siècles. Amen. »

CHAPITRE X.

Pendant que cela se passait, Joseph était à Capharnaüm , occupé de travaux de sou métier, car il était charpentier, et il y demeura neuf mois. Revenu dans sa maison, il trouva que Marie était enceinte, et il trembla de tous ses membres, et, rempli d'inquiétude, il s’écria et il dit : « Seigneur, Seigneur, reçois mon esprit, car il est mieux pour moi de mourir que de vivre. » Et les vierges qui étaient avec Marie lui dirent : a Nous savons que nul homme ne l’a touchée, nous savons qu’elle est demeurée sans tache dans la pureté et dans la virginité, car elle a été gardée de Dieu et elle est toujours restée dans l’oraison. L’Ange du Seigneur s’entretient chaque jour avec elle, chaque jour elle reçoit sa nourriture de l’Ange du Seigneur. Comment se pourrait-il faire qu’il y eût en elle quelque péché ? Car si tu veux que nous te révélions notre soupçon , nul ne l’a rendue enceinte, si ce n’est l’Ange du Seigneur. » Joseph dit : " Pourquoi voulez-vous me tromper et me faire croire que l’Ange du Seigneur l’ait rendue enceinte? Il se peut que quelqu’un ait feint qu’il était l’Ange du Seigneur, dans le but de la tromper. » Et, disant cela , il pieu-rail et disait : « De quel front irai-je au temple de Dieu? comment oserai-je regarder les prêtres de Dieu ? qu'est-ce que je ferai î » Et il songeait à se cacher et à renvoyer Marie.

chapitre XI.

Et lorsqu’il avait résolu de s’enfuir durant la nuit, afin d’aller se cacher dans des lieux écartés, voici que cette même nuit, l’Ange du Seigneur lui apparut durant son sommeil et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains point de prendre Marie pour ton épouse, car ce qu’elle porte dans son sein est l’œuvre de l'Esprit saint. Elle enfantera un fils qui sera nommé Jésus, il sauvera son peuple et il rachètera ses péchés. » Joseph, se levant, rendit grâces à Dieu , et il parla à Marie et aux vierges qui étaient avec elle, et il raconta sa vision, et il mit sa consolation en Marie, disant : « J’ai péché, car j’avais entretenu quelque soupçon contre toi. »

CHAPITRE XII.

Il advint ensuite que le bruit se répandit que Marie était enceinte. Et Joseph fut saisi par les ministres du Temple et conduit au grand-prêtre, qui commença, avec les prêtres, à le charger de reproches, disant : « Pourquoi as-tu fraudé les noces d’une Vierge si admirable que les Anges de Dieu avaient nourrie comme une colombe dans le temple de Dieu, qui n’a jamais voulu voir un homme et qui était si merveilleusement instruite dans la loi de Dieu ? Si tu ne lui avais pas fait violence, elle serait demeurée vierge jusqu’à présent. » Et Joseph faisait serment qu’il ne l’avait jamais touchée, Le grand-prêtre Abiathar lui dit : a Vive le Seigneur ! nous allons te faire boire l’eau de l’épreuve du Seigneur (12), et ton péché se manifestera aussitôt » Alors tout le peuple d’Israël se réunit, et sa multitude était innombrable. Et Marie fut conduite au Temple du Seigneur. Les pré-très et ses proches et ses parents pleuraient et disaient : « Confesse aux prêtres ton péché, toi qui étais comme une colombe dans le temple de Dieu et qui recevais ta nourriture de la main des Anges. » Joseph fut appelé pour monter auprès de l’autel, et on lui donna à boire l’eau de l’épreuve du Seigneur; lorsqu’un homme coupable l’avait bue, après qu’il avait fait sept fois le tour de l’autel du Seigneur, il se manifestait quelque signe sur sa face. Lorsque Joseph eut bu avec sécurité et qu’il eut fait le tour de l’autel, aucune trace de péché n’apparut sur son visage. Alors tous les prêtres et les ministres du Temple et tous les assistants le justifièrent, disant : a Tu es heureux, car tu n’as point été trouvé coupable. » Et, appelant Marie, ils lui dirent : « Toi, quelle excuse peux-tu donner ou quel signe plus grand peut-il apparaître en toi, puisque la conception de ton ventre a révélé ta faute? Puisque Joseph est purifié, nous te demandons que tu avoues quel est celui qui t’a trompée. Car il vaut mieux que ta confession t’assure la vie que si la colère de Dieu se manifestait par quelque signe sur ton visage et rendait ta honte notoire. » Alors Marie répondit sans s’effrayer : « S’il y a eu en moi quelque souillure ou s’il y a eu en moi quelque concupiscence d’impudicité, que Dieu me punisse en présence de tout le peuple, afin que je serve d’exemple de châtiment du mensonge. » Et elle approcha avec confiance de l’autel du Seigneur, et elle but l’eau d’épreuve, et elle fit sept fois le tour de l’autel, et il ne se trouva en elle aucune tache. Et comme tout le peuple était frappé de stupeur et de surprise en voyant sa grossesse et qu’aucun signe ne se manifestait sur son visage, divers discours commencèrent à se répandre parmi le peuple. Les uns vantaient sa sainteté, d’autres l’accusaient et se montraient mal disposés pour elle. Alors Marie, voyant que les soupçons du peuple n’étaient pas entièrement dissipés, dit à voix haute et que tous entendirent : a Vive le Seigneur Dieu des armées, en présence duquel je me tiens! je l’atteste que je n’ai jamais connu ni ne dois connaître d’homme, car, dès mon enfance, j’ai pris dans mon âme la ferme résolution, et j’ai fait à mon Dieu le vœu de consacrer ma virginité à celui qui m’a créée, et je mets en lui ma confiance pour ne vivre que pour lui et pour qu’il me préserve de toute souillure, tant que je vivrai. » Alors tous l’embrassèrent, en la priant de leur pardonner leurs mauvais soupçons. Et tout le peuple, et les prêtres et les vierges la reconduisirent chez elle, en se livrant a l’allégresse et en poussant des cris , et en lui disant : « Que le nom du Seigneur soit béni, car il a manifesté ta sainteté à tout le peuple d’Israël. »

chapitre XIII.

Il arriva , peu de temps après, qu’il y eut un édit de César-Auguste, enjoignant à chacun de retourner dans sa patrie. Et ce fut le préfet de la Syrie, Cyrinus, qui publia le premier cet édit. Il fut donc nécessaire que Joseph avec Marie se rendît à Bethléem , car ils en étaient originaires, et Marie était de la tribu de Judas et de la maison et de la patrie de David. Et lorsque Joseph et Marie étaient sur le chemin qui mène à Bethléem, Marie dit à Joseph : « Je vois deux peuples devant moi, l’un qui pleure et l’autre qui se livre à la joie. מ Et Joseph lui répondit : « Reste assise et tiens-toi sur ta monture et ne profère pas des paroles superflues. ״ Alors un bel enfant, couvert de vêtements magnifiques, apparut devant eux et dit à Joseph : « Pourquoi as-tu traité de paroles superflues ce que Marie te disait de ces deux peuples? Car elle a vu le peuple juif qui pleurait, parce qu’il s’est éloigné de son Dieu, et le peuple des Gentils qui se réjouissait, parce qu’il s’est approché du Seigneur, suivant ce qui a été promis à nos pères, Abraham, Isaac et Jacob. Car le temps est arrivé pour que la bénédiction dans la race d’Abraham s’étende à toutes les nations. » Et lorsque l’Ange eut dit cela, il ordonna à Joseph d’arrêter la bête de somme sur laquelle était montée Marie, car le temps de l’enfantement était venu. Et il dit à Marie de descendre de sa monture et d’entrer dans une caverne souterraine où la lumière n’avait jamais pénétré et où il n’y avait jamais eu de jour, car les ténèbres y avaient־ constamment de· meure. A l’entrée de Marie, toute la caverne resplendit d’une splendeur aussi brillante que si le soleil y était, et c’était la sixième heure du jour, et tant que Marie resta dans cette caverne , elle fut, la nuit comme le jour et sans interruption, éclairée de cette lumière divine. Et Marie mit au monde un fils que les Anges entourèrent dès sa naissance et qu'ils adorèrent, disant : « Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté! » Joseph était allé pour chercher une sage-femme, et lorsqu'il revint à la caverne, Marie avait déjà été délivrée de son enfant. Et Joseph dit à Marie : « Je t'ai amené deux sages-femmes, Zélémi et Salomé, qui attendent à l’entrée de la caverne et qui ne peuvent entrer à cause de cette lumière trop vive. » Marie, entendant cela, sourit Et Joseph lui dit : « Ne souris pas, mais sois sur tes gardes, de crainte que tu n’aies besoin de quelques remèdes. » Et il donna l’ordre à l’une des sages-femmes d’entrer. Et lorsque Zélémi se fat approchée de Marie, elle lui dit : a Souffre que je touche. » Et lorsque Marie le lui eut permis, la sagefemme s’écria à voix haute : « Seigneur, Seigneur, aie pitié de moi, je n’avais jamais soupçonné ni entendu chose semblable ; ses mamelles sont pleines de lait et elle a un enfant mâle, quoiqu’elle soit vierge. Nulle souillure n’a existé à la naissance et nulle douleur lors de l’enfantement. Vierge elle a conçu, vierge elle a enfanté, et vierge elle demeure. » L’autre sagefemme nommée Salomé, entendant les paroles de Zélémi, dit : « Ce que j’entends, je ne le croirai point, si je ne m’en assure. » Et Salomé, s’approchant de Marie, lui dit : « Permets-moi de te toucher et d’éprouver si Zélémi a dit vrai. מ Et Marie lui ayant permis, Salomé la toucha, et aussitôt sa main se dessécha. Et, ressentant une grande douleur, elle se mît à pleurer très-amèrement et à crier, et à dire : « Seigneur, tu sais que je t’ai toujours craint, et que j’ai toujours soigné les pauvres, sans acception de rétribution ; je n’ai rien reçu de la veuve et de l’orphelin, et je n’ai jamais renvoyé loin de moi l’indigent sans le secourir. Et voici que je suis devenue misérable à cause de mon incrédulité, parce que j’ai osé douter de ta vierge. מ Lorsqu’elle parlait ainsi, un jeune homme d’une grande beauté apparut près d’elle, et lui dit i « Approche de l’enfant, et adore-le, et touche-le de ta main, et il te guérira, car il est le Sauveur du monde et de tous ceux qui espèrent en lui. » Et aussitôt Salomé s’approcha de l’enfant, et l’adorant, elle toucha le bord des langes dans lesquels il était enveloppé, et aussitôt sa main fut guérie. Et, sortant dehors, elle se mit à crier et à raconter les merveilles qu’elle avait vues et ce qu’elle avait souffert, et comment elle avait été guérie ; et beaucoup crurent à sa prédication (13) 9 car les pasteurs des brebis affirmaient qu’au milieu de la nuit ils avaient vu des anges qui chantaient un hymne : « Louez le Dieu du ciel et bénissez-le, parce que le Sauveur de tous est né, le Christ qui rétablira le royaume d’Israël. » Et une grande étoile brilla sur la caverne depuis le soir jusqu’au matin, et jamais on n’en avait vu de pareille grandeur depuis l’origine du inonde. Et les prophètes, qui étaient en Jérusalem, disaient que cette étoile indiquait la nativité du Christ qui devait accomplir le salut promis, non-seulement à Israël, mais encore à toutes les nations.

CHAPITRE XIV.

Le troisième jour de la naissance du Seigneur, la bienheureuse Marie sortit de la caverne (14), et elle entra dans une étable , et elle mit l'enfant dans la crèche, et le bœuf et l'âne, l'adoraient (15). Alors fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : « Le bœuf connaît son maître, et l'âne la crèche de son Seigneur. » Ces deux animaux, l'ayant au milieu d’eux l'adoraient sans cesse. Alors fut accompli également ce qu’avait dit le prophète Kabame : « Tu seras connu au milieu de deux animaux. » Et Joseph et Marie demeurèrent trois jours dans cet endroit avec l'enfant.

chapitre XV.

Le sixième jour, la bienheureuse Marie entra à Bethléem avec Joseph, et trente-trois jours étant accomplis, elle apporta l'enfant au Temple du Seigneur, et ils offrirent pour lui une paire de tourtereaux et deux petits de colombes. Et il y avait dans le Temple un homme juste et parfait, nommé Siméon, et il était âgé de cent treize ans. (16) Il avait eu du Seigneur la promesse qu’il ne goûterait pas la mort (17) jusqu’à ce qu’il eût vu le Christ, fils de Dieu, revêtu de chair. Lorsqu’il eut vu l’enfant, il s’écria à haute voix, disant: «Dieu a visité son peuple, et le Seigneur a accompli sa promesse. » Et il s’empressa de vivre, et il adora l’enfant, et, le prenant dans son manteau, il l’adora de nouveau, et il baisait les plantes de ses pieds, disant : « Seigneur : renvoie maintenant ton serviteur en paix, suivant ta parole , car mes yeux ont vu le Sauveur que tu as préparé dans la présence de tous les peuples, la lumière pour la révélation aux nations, et la gloire de ton peuple d’Israël. »II y avait aussi dans le Temple du Seigneur une femme, nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Asser, qui avait vécu sept ans avec son mari, et qui était veuve depuis quatre-vingt quatre années ; et elle ne s’était jamais écartée du Temple de Dieu, s’adonnant sans relâche au jeûne et à l’oraison. Et s’approchant, elle adorait l’enfant, disant : « C’est en lui qu’est la rédemption du siècle. »