chapitre XXXII.

Elle s’en alla ensuite , après être restée trois jours auprès de Marie et elle vint dans une ville où résidait un prince qui avait épouse la fille d’un autre prince, mais lorsqu’il vil sa femme, il aperçut entre ses yeux les marques de h lèpre, ayant la forme d'une étoile et leur mariage avait été déclaré nul et non-valide. Et cette femme voyant la princesse qui se livrait au désespoir, lui demanda la cause de ses larmes, et la princesse lui répondit : « Ne t’informe pas de ma situation ; mon malheur est tel que je ne puis le révéler à personne. » La femme insistait pour le savoir, disant qu’elle connaîtrait peut-être quelque remède à y apporter. Elle vit alors les traces de la lèpre qui paraissaient entre les yeux de la princesse. «Moi aussi,» dit-elle, » j’ai été atteinte de cette même maladie et je m’étais rendue pour affaires à Bethléem. Là, j’entrai dans une caverne où je vis une femme nommée Marie et elle avait un enfant qui s'appelait Jésus. Me voyant atteinte de la lèpre, elle eut pitié de moi, et elle me donna l’eau dans laquelle elle avait lavé le corps de son fils. Je versai cette eau sur mon corps et je fus aussitôt guérie. » La princesse lui dit alors : « Lève-toi et viens avec moi et fais-moi voir Marie. » Et elle s’y rendit apportant de riches présents. Et quand Marie la vit, elle dit : « Que la miséricorde du Seigneur Jésus soit sur toi. » Et elle lui donna un peu de cette eau dans laquelle elle avait lavé son en-faut. Aussitôt que la princesse en eut répandu sur elle, elle se trouva guérie et elle rendit grâces au Seigneur, ainsi que tous les assistants. Le prince apprenant que sa femme avait été guérie, la reçut chez lui et célébrant de secondes noces, il rendit grâce à Dieu.

CHAPITRE XXXIII.

Il y avait au même endroit une jeune fille que Satan tourmentait ; l'esprit maudit lui apparaissait sous la forme d’un grand dragon qui voulait la dévorer et il avait sucé tout son sang de sorte qu’elle ressemblait à un cadavre. Et toutes les fois qu'il se jetait sur elle, elle criait, en joignant les mains au-dessus de sa tête et elle disait: « Malheur, malheur à moi, car il n’y a personne qui puisse me délivrer de cet affreux dragon. « Son père et sa mère et tous ceux qui l’entouraient et qui la voyaient, se livraient à l'affliction et répandaient des larmes, surtout lorsqu’elle pleurait et disait : « O mes frères et mes amis, n’y a-t-il donc personne qui me délivre de ce meurtrier? » La fille du prince qui avait été guérie de la lèpre, entendant la voix de cette malheureuse, monta sur le toit de son château et elle la vit, les mains jointes au-dessus de la tête, versant des larmes abondantes et tous ceux qui l'entouraient pleuraient aussi. Et elle demanda si la mère de cette possédée vivait encore. Et quand on lui eut répondu que son père et sa mère étaient tous deux en vie, elle dit : « Faites venir sa mère auprès de moi. » Et quand elle fut venue, elle lui demanda : « Est-ce ta fille qui est ainsi possédée? » Et la mère ayant répondu que oui, en versant des larmes, la fille du prince dit : « Ne révèle pas ce que je vais te confier ; j’ai été lépreuse, mais Marie, la mère de Jésus-Christ m’a guérie. Si tu veux que ta fille obtienne sa délivrance , conduis-la à Bethléem et implore avec foi l’assistance de Marie et je crois que tu reviendras pleine de joie ramenant ta fille guérie. » Aussitôt la mère se leva et elle partit et elle alla trouver Marie, et elle lui exposa l’état dans lequel était sa fille. Marie l'ayant écoutée lui donna un peu de l'eau dans laquelle elle avait lavé son fils Jésus et lui dit de la répandre sur le corps de la possédée. Elle lui donna ensuite un morceau des langes de l'enfant Jésus et elle lui dit : «< Prends ceci et montre-le à ton ennemi, toutes les fois que tu le verras, » et elle la renvoya ensuite en paix.

CHAPITRE XXXIV.

Lorsqu’après avoir quitté Marie, elles furent revenues dans leur ville et lorsque vint le temps où Satan avait coutume de la tourmenter, il lui apparut sous la forme d’un grand dragon et, à ,son aspect, la jeune fille fut saisie d’effroi. Et sa mère lui dit : « Ne crains rien, ma fille, laisse־le s’approcher davantage de toi et montre-lui ce linge que nous a donné Marie et nous verrons ce qu’il pourra faire. » Et quand le malin esprit qui avait revêtu la forme de ce dragon fut tout proche, la malade, toute tremblante de frayeur, mit sur sa tête et déploya le linge et il en sortit des flammes qui s’élançaient vers la tête et vers les yeux du dragon, et on entendit crier à haute voix :« Qu’y a t-il entre loi et moi, ô Jésus, fils de Marie? où trouverai-je un asile contre toi ? -Et Satan prit la fuite avec épouvante, abandonnant cette jeune fille, et depuis il ne lui apparut jamais. Et elle se trouva ainsi délivrée, et elle rendit dans sa reconnaissance des actions de grâce à Dieu, ainsi que tous ceux qui avaient été présents à ce miracle.

chapitre XXXV.

Il y avait dans cette même ville une autre femme dont le fils était tourmenté par Satan. Il se nommait Judas, et toutes les fois que le malin esprit s'emparait de lui, il cherchait à mordre ceux qui étaient près de lui, et, s’il était seul, il mordait ses propres mains et ses membres, La mère de ce malheureux entendant parler de Marie et de son fils Jésus, se leva, et tenant son fils dans ses bras, elle le porta à Marie. Sur ces entrefaites, Jacques et Joseph avaient conduit dehors l’enfant Jésus pour qu’il jouât avec les autres enfants, et ils s’étaient assis hors de la maison et Jésus avec eux. Judas s’approcha et s’assit à la droite de Jésus, et quand Satan commença à l’agiter comme d’ordinaire, il cherchait à mordre Jésus, et comme il ne pouvait l’atteindre, il lui donnait des coups dans le côté droit, de sorte que Jésus se mit à pleurer. Et, en ce moment, Satan sortit de cet enfant, sous la forme d’un chien enragé. Et cet enfant fut Judas Iscariote , qui trahit Jésus (13), et le côté qu’il avait frappé fut celui que les Juifs percèrent d’un coup de lance.

CHAPITRE XXXVI.

Lorsque le Seigneur Jésus eut accomplit sa septième année, il jouait un jour avec d’autres enfants de son âge et, en s’amusant, ils faisaient avec de la terre détrempée diverses images d’animaux, de loups, d’ânes, d’oiseaux, et chacun vantant son ouvrage, s’efforçait de l’élever au-dessus de celui de ses camarades. Alors le Seigneur Jésus dit aux enfants: «J’ordonnerai aux figures que j’ai faites de se mettre à marcher. » Et les enfants lui demandant s’il était le fils du Créateur, le Seigneur Jésus ordonnait aux images de marcher et elles avançaient aussitôt. Quand il leur commandait de revenir, elles revenaient. Il avait fait des images d’oiseaux et de passereaux qui volaient lorsqu’il leur enjoignait de voler et qui s’arrêtaient quand il leur disait de s’arrêter, et quand il leur présentait de la boisson et de la nourriture, elles mangeaient et buvaient. Quand les enfants se furent retirés et qu’ils curent raconté à leurs parents ce qu’ils avaient vu, ceux-ci leur dirent: « Evitez à l’avenir d’être avec lui, car c’est un enchanteur ; fuyez-le donc dorénavant, et ne jouez plus avec lui (14). »

CHAPITRE XXXVII.

Un certain jour le Seigneur Jésus jouant et courant avec les autres enfants passa devant la boutique d’un teinturier qui se nommait Salem ; il y avait dans cette boutique des étoffes appartenant à grand nombre d’habitants de la ville et que Salera se préparait à teindre de diverses couleurs; Jésus étant entré dans cette boutique prit toutes ces étoffes et les jeta dans la chaudière. Salem se retournant et voyant les étoffes perdues, se mit à pousser de grands cris et à réprimander Jésus, disant : " Qu’as-tu fait, ô fils de Marie ? tu as fait tort à moi et à mes concitoyens; chacun demandait la couleur qui lui convenait, et toi tu es survenu, et tu as tout perdu. » Le Seigneur Jésus répondit : « De quelque pièce d’étoffe que tu veuilles changer la couleur, je la changerai. » Et aussitôt il se mit à retirer les étoffes de la chaudière et chacune était teinte de la couleur que désirait le teinturier (15). Et les Juifs témoins de ce miracle, célébrèrent la puissance de Dieu.

CHAPITRE XXXVIII.

Joseph parcourait toute la ville, menant avec lui le Seigneur Jésus et on l'appelait pour confectionner des portes ou des cribles, ou des coffres, et le Seigneur Jésus était avec lui partout où il allait. Et toutes les fois que l'ouvrage que faisait Joseph devait être plus long ou plus court, plus large ou plus étroit, le Seigneur Jésus étendait la main, et la chose se trouvait aussitôt telle que l’avait désiré Joseph, de sorte qu’il n’avait point besoin de rien achever de sa propre main, car il n’était pas fort habile dans le métier de menuisier.

CHAPITRE XXXIX.

Un jour, le roi de Jérusalem le lit appeler et lui dit : ״ Je veux, Joseph, que lu me fasses un trône d’après la dimension de l'endroit où j’ai coutume de m’asseoir. » Joseph obéit, et aussitôt mettant la main à l’œuvre, il passa deux ans dans le palais jusqu’à ce qu'il eût achevé de fabriquer ce trône. Et lorsqu’il fut placé à l'endroit où il devait être, l’on vit que de chaque côté il manquait deux spithames à la mesure fixée (16). Alors le roi se mit en colère contre Joseph , et Joseph, redoutant le courroux du monarque, ne put manger et se coucha à jeun. Alors le Seigneur Jésus lui demandant quel était le motif de sa crainte, il répondit : « C’est que l'ouvrage auquel j’ai travaillé deux ans entiers est gâté. » Et le Seigneur Jésus lui répondit : « Reviens de ta frayeur et ne perds pas courage ; prends ce côté du trône et moi l’autre, pour que nous l’amenions à une mesure exacte. »Et Joseph ayant fait ce que prescrivait le Seigneur Jésus et chacun tirant fortement de son côté, le trône obéit et eut exactement la dimension que l’on désirait Les assistants, voyant ce miracle, furent frappés de stupeur et bénirent Dieu. Ce trône était fabriqué avec un bois qui existait dès le temps de Salomon, fils de David , et qui était remarquable par ses diverses formes et figures.

CHAPITRE XL.

Un autre jour, le Seigneur Jésus alla sur la place et voyant les enfants qui s’étaient réunis pour jouer, il se mêla à eux ; l’ayant aperçu, ils se cachèrent et le Seigneur Jésus alla à la porte d’une maison et demanda à des femmes qui se tenaient debout à l’entrée où ces enfants avaient été. Et comme elles répondirent qu’il n’y en avait aucun dans la maison, le Seigneur Jésus dit : « Qu’est-ce que vous voyez sous cette voûte? Elles répondirent que c’étaient des béliers âgés de trois ans et le Seigneur Jésus s’écria : « Sortez, béliers, et venez vers votre pasteur. » Et aussitôt les enfants sortirent, ayant forme de béliers, et ils sautaient autour de lui, et ces femmes ayant vu cela, furent saisies d’effroi. Et elles adoraient le Seigneur Jésus, disant : « O Jésus! fils de Marie, notre Seigneur, tu es vraiment le bon Pasteur d’Israël, aie pitié de tes servantes qui sont en ta présence et qui ne doutent pas, Seigneur, que tu ne sois venu pour guérir et non pour perdre.» Ensuite, le Seigneur Jésus ayant répondu que les enfants d’Israël étaient parmi les peuples comme des Éthiopiens, les femmes dirent : « Seigneur, tu con* nais tontes choses et rien ne t’est caché ; nous te demandons et nous espérons de ta miséricorde que tu voudras bien rendre à ces enfants leur ancienne forme. » Et le Seigneur Jésus dit alors : « Venez, enfants, afin que nous allions jouer. » Et aussitôt, en présence de ces femmes, ces béliers reprirent la figure d’enfants.

CHAPITRE XLI.

Au mois d’Adar (17), Jésus rassembla les enfants et les fit ranger comme étant leur roi ; ils avaient étendu leurs vêtements par terre pour qu’il s’assît dessus, et ils avaient posé sur sa tête une couronne de fleurs, et comme des satellites qui accompagnent un roi, ils s’étaient rangés à sa droite et à sa gauche. Si quelqu’un passait par là, les enfants !*arrêtaient de force et lui disaient : a Viens et adore le roi, afin que tu obtiennes un heureux voyage. »

CHAPITRE XLII.

Sur ces entrefaites arrivèrent des hommes qui portaient un enfant sur une litière. Cet enfant avait été sur la montagne avec ses camarades pour chercher du bois, et, ayant trouvé un nid de perdrix, il y mit la main pour en retirer les œufs, et un serpent caché au milieu du nid le mordit, et il appela ses compagnons à son secours. Quand ils arrivèrent, ils le trouvèrent étendu sur la terre et comme mort, et des gens de sa famille vinrent et ils l’emportaient à la ville et quand ils furent arrivés à l’endroit où le Seigneur Jésus trônait comme un roi, les autres enfants l’entouraient comme étant de sa cour, et ces enfants allèrent au-devant de ceux qui portaient le moribond et leur dirent : « Venez et saluez le roi. » Comme ils ne voulaient point approcher à cause du chagrin qu’ils éprouvaient, les enfants les amenaient de force. Et quand ils furent devant le Seigneur Jésus, il leur demanda pourquoi ils portaient cet enfant; ils répondirent qu’un serpent l’avait mordu, et le Seigneur Jésus dit aux enfants : « Allons ensemble et tuons ce serpent. « Les parents de l'enfant qui était au moment de trépasser priant les autres enfants de les laisser aller, ceux-ci répondirent : « N’avez-vous pas entendu ce que le roi a dit : Allons et tuons le serpent, et ne devez-vous pas vous conformer à ses ordres? » Et, malgré leur opposition, ils faisaient rebrousser chemin à la litière. Lorsqu’ils furent arrivés auprès du nid, le Seigneur Jésus dit aux enfants : « N’est-ce pas là que se cache le serpent? » Et eux ayant répondu qu’oui, le serpent appelé par le Seigneur Jésus, sortit aussitôt et se soumit à lui. Et le Seigneur lui dit : « Va et suce tout le poison que tu as répandu dans les veines de cet enfant. » Le serpent, rampant, reprit alors tout le poison qu'il avait répandu, et le Seigneur l'ayant maudit, il creva aussitôt après et il mourut. Et le Seigneur Jésus toucha l’en-faut de sa main, et il fut guéri. Et comme il se mettait à pleurer, le Seigneur Jésus lui dit : « Cesse tes pleurs, lu seras mon disciple (18). « Et cet enfant fut Simon le Cananéen dont il est fait mention dans l’Évangile.

CHAPITRE XLIII.

Un autre jour Joseph avait envoyé son fils Jacques pour ramasser du bois, et le Seigneur Jésus s’était joint à lui comme sou compagnon, et quand ils furent arrivés à l’endroit où était le bois et lorsque Jacques se fut mis à en ramasser, voici qu’une vipère le mordit, et il commença à crier et à pleurer. Le Seigneur Jésus le voyant dans cet état, s’approcha de lui et il souilla sur l’endroit où il avait été mordu, et Jacques fut guéri sur-le-champ (19).

CHAPITRE XLIV.

Un jour, le Seigneur Jésus était avec des enfants qui jouaient sur un toit, et l’un de ces enfants vint à se laisser tomber et il expira sur le coup. Les autres enfants s’enfuirent et le Seigneur Jésus demeura seul sur le toit, et les parents du mort étant arrivés, ils dirent au Seigneur Jésus : « C’est toi qui as précipité notre fils du haut du toit. » Et comme il le niait, ils répétèrent encore plus fort : ״ Notre fils est mort et voici celui qui l’a tué. » Et le Seigneur Jésus répondit : « Ne m’accusez pas d’un crime dont vous ne pouvez apporter aucune preuve ; mais demandons à cet enfant lui-même qu’il mette la vérité au grand jour. » Et le Seigneur Jésus descendit et se plaça près de la tête du mort et dit à haute voix : « Zeinon, Zeinon, qui est-ce qui t’a précipité du haut du toit? » Et le mort répondit : « Seigneur, ce n’est pas toi qui as été la cause de ma chute, mais c’est quelqu’un qui m’a fait tomber. " Et le Seigneur ayant recommandé aux assistants de faire attention à ces paroles, tous ceux qui étaient présents louèrent Dieu de ce miracle (20).

CHAPITRE XLV.

Marie avait un jour commandé au Seigneur Jésus d’aller lui chercher de l’eau à un puits. Et lorsqu’il se fut acquitté de cette tâche, la cruche déjà pleine qu’il élevait se brisa. Et le Seigneur Jésus ayant étendu son manteau, porta à sa mère l’eau qu’il y avait recueillie, et elle fut frappée d’admiration, et elle conservait dans son cœur tout ce qu’elle voyait.

CHAPITRE XLVI.

Un autre jour, le Seigneur Jésus jouait sur le bord de l’eau avec d’autres enfants, et ils avaient creusé des rigoles pour faire couler l’eau, formant ainsi des petits bassins, et le Seigneur Jésus avait fait avec de la terre douze petits oiseaux et les avait placés autour de son bassin, trois de chaque côté. C’était un jour de sabbat, et le fils d’Hanon, le juif, survenant et les voyant ainsi occupés, leur dit : « Comment pouvez-vous un jour de sabbat, faire des figures avec de la boue !» Et il se mit à détruire leurs bassins. Et le Seigneur Jésus ayant étendu les mains sur les oiseaux qu’il avait faits, ils s’envolèrent en gazouillant. Ensuite lorsque le fils d’Hanon, le juif, s’approcha du bassin qu’avait creusé Jésus, afin de le détruire, l’eau disparut et le Seigneur Jésus lui dit : « Tu vois comme cette eau est séchée; il en sera de même de ta vie. » Et aussitôt l’enfant se dessécha.

CHAPITRE XLVII.

Un autre jour, comme le Seigneur Jésus rentrait le soir au bois avec Joseph, un enfant courant au devant de lui, le choqua avec violence, et le Seigneur Jésus fut presque renversé, et il dit à cet enfant: ״ Ainsi que tu m’as poussé , tombe et ne te relève pas. » Et à l'instant, l’enfant chut par terre et il expira.

CHAPITRE XLVIII.

Il y avait à Jérusalem un homme, nommé Zachée, qui instruisait la jeunesse. Et il disait à Joseph : « Pourquoi, Joseph , ne m’envoies-tu pas Jésus afin qu’il apprenne les lettrés ? » Joseph voulait se confer-mer à cet avis, et il en convint avec Marie. Ils menèrent donc l'enfant vers le maître, et , aussitôt que celui-ci l’eut vu, il écrivit un alphabet et lui dit de prononcer Aleph. Et quand il Veut fait, il lui demanda de dire Beth, Le Seigneur Jésus lui dit : « Dis-moi d’abord quelle est la signification de la lettre Aleph et alors je prononcerai Beth. » Et le maître se disposait à le frapper, mais le Seigneur Jésus se mit à lui expliquer la signification des lettres Aleph et Beth, quelles sont les lettres dont la forme est droite , celles dont elle est oblique, quelles sont celles qui sont doubles, celles qui sont accompagnées de points et celles qui en manquent, et pourquoi telle lettre en précède une autre et il dit beaucoup de choses que le maître n’avait jamais entendues et qu’il n’avait lues en aucun livre. Et le Seigneur Jésus dit au maître : a Fais attention à ce que je vais te dire. " Et il se mit à réciter clairement et distinctement Aleph , Beth, Gimel, Daleth, jusqu’à la fin de l’alphabet. Le maître en fut dans l’admiration, et il dit : « Je crois que cet enfant est né avant Noé; » et, se tournant vers Joseph, il ajouta : « Tu m’as conduit, pour que je l’instruise, un enfant qui en sait plus que tous les docteurs. » Et il dit à Marie : " Ton fils n’a nul besoin de notre enseignement« »

CHAPITRE XLIX.

Ils le conduisirent ensuite à un maître plus savant, et aussitôt qu’il l’eut aperçu : « Dis Aleph מ, lui demanda-t-il. Et lorsqu’il eut dit Aleph, le maître lui prescrivit de prononcer Beth. El le Seigneur Jésus lui répondit : " Dis-moi la signification de la lettre Aleph, et alors je prononcera! Beth. » Le maître irrité leva la main pour le frapper, et aussitôt sa main se dessécha et il mourut. Alors Joseph dit à Marie : « Dorénavant il ne faudra plus laisser l’enfant sortir de la maison , car quiconque s’oppose à lui, est frappé de mort. »

CHAPITRE L.

Lorsqu’il eut atteint l’âge de douze ans, ils le conduisirent à Jérusalem à l’époque de la fête , et la fête étant finie, ils s’en retournèrent, mais le Seigneur Jésus resta dans le temple , parmi les docteurs et les vieillards et les savants des fils d’Israël, qu’il interrogeait sur différents points de la science, et, à son tour, il leur répondait, et il leur demanda : « De qui le Messie est-il fils? » Et ils répondirent ג « Il est le fils de David. » Jésus répondit : « Pourquoi donc David, mu par l'Esprit-Saint, l’appelle-t-il son Seigneur, lorsqu’il dit : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : « Asseois-toi à ma droite pour que je mette tes ennemis sous tes pieds. » Alors un des chefs des docteurs l'interrogea, disant :« As-lu lu les livres Saints? » Le Seigneur Jésus répondit : « J’ai lu les livres et ce qu’ils contiennent, « et il leur expliquait récriture, la loi, les préceptes, les statuts, les mystères qui sont contenus dans les livres des prophéties, chose que l'intelligence de nulle créature ne peut comprendre. Et ce chef des docteurs dit : « Je n’ai jamais vu ni entendu une pareille instruction ; qui pensez-vous que cet enfant puisse être? »

CHAPITRE LI.

Ils se trouva là un philosophe savant dans l'astronomie, et il demanda au Seigneur Jésus, s’il avait étudié la science des astres. Et Jésus lui répondant exposait le nombre des sphères et des corps célestes, leur nature et leurs oppositions, leur aspect trine, quadrat et sextile, leur progression et leur mouvement rétrograde, le comput et la prognostication et autres choses que la raison d’aucun homme n’a scrutées.

CHAPITRE LII.

Il y avait aussi parmi eux un philosophe très-savant en médecine et dans les sciences naturelles, et lorsqu’il demanda au Seigneur Jésus s’il avait étudié la médecine, celui-ci lui exposa la physique, la métaphysique, l’hyperphysique et l’hypophysique, les vertus du corps et les humeurs et leurs effets, le nombre des membres et des os, des urines, des artères et des nerfs, les divers tempéraments, chaud et sec, froid et humide, et quels sont leurs résultats; quelles sont les opérations de l’âme dans le corps, ses sensations et ses vertus , les facultés de la parole , de la colère, du désir, la congrégation et la dispersion et d’autres choses que l’intelligence d’aucune créature n’a pu saisir. Alors ce philosophe se leva et il adora le Seigneur Jésus en disant : « Seigneur, désormais je serai ton disciple et ton serviteur. «

CHAPITRE  LIII.

Et tandis qu’ils parlaient ainsi, Marie survint avec Joseph , et depuis trois jours elle cherchait Jésus; le voyant assis parmi les docteurs, les interrogeant et leur répondant alternativement, elle lui dit : a Mon fils, pourquoi en as-tu ainsi agi à notre égard? ton père et moi nous t’avons cherché, nous donnant beaucoup de peine. Il « ׳ répondit : « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il convenait que je demeurasse dans la maison de mon père ? » Mais ils ne comprenaient pas les paroles qu’il leur adressait. Alors les docteurs demandèrent à Marie s’il était son fils, et, elle ayant répondu que oui, ils s’écrièrent : « O heureuse Marie , qui as enfanté un tel enfant. » Il revint avec eux à Nazareth , et il leur était soumis en toutes choses. Et sa mère conservait toutes ces paroles dans son cœur. Et le Seigneur Jésus profitait en taille, en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes.

CHAPITRE  LIV.

Il commença dès ce jour à cacher ses miracles , ses secrets et ses mystères, jusqu’à ce qu’il eut accompli sa trentième année, lorsque son père révéla publiquement sa mission aux bords du Jourdain, une voix venue du ciel ayant fait entendre ces mots : « C’est mon fils bien-aimé dans lequel j’ai mis toute ma complaisance, » et le Saint-Esprit ayant apparu sous la forme d'une colombe blanche«

CHAPITRE LV.

C'est lui que nous adorons humblement, car il nous a donné l'existence et fa vie, et il nous a fait sortir des entrailles de nos mères; il a pris pour nous le corps de l'homme, et il nous a rachetés, nous couvrant de sa miséricorde éternelle, et nous accordant sa grâce par son amour pour nous et par sa bonté· A lui la gloire, puissancet louange et domination dans les siècles éternels. Ainsi soit-il.

Fin de l'Évangile de l'Enfance tout entier, avec l'assistance du Dieu suprême» suivant ce que nous trouvons.

NOTES.

(1) La bibliothèque du Vatican, celle du Roi à Paris, renferment divers manuscrits de Γ Évangile de l'Enfance en arabe ou en syriaque.

(21 Ces ouvrages sont peu connus et fort rares, les Juifs les £.yant, dans la crainte de s’attirer des persécutions, soustraits avec un soin extrême, pux regards des chrétiens. Le savant orirnlalhte J.-B, de Rossi a mis au jour à Parme, en 1800, une Bibliotheca judaica anti - Christiana, vo’ume in-8° fort cu-vieux. J. C. Wagenseil avait déjà réuni quelques-uns de ces écri’s sous le titre de Tela ignea Satanœ, Altdorfi, 1681, 2 vol. in-â° ; il a compris dans cette collection le Toldos Jeschu, œuvre dictée par une haine aveugle, et écrit supérieur en impor· tance au Sefir Toledoch Jescuah, dont nous parlons duns une des notes qui vont suivre.

Voici une légende extraite d’un de ces livres si peu lus aujourd’hui. Jésus, Pierre et Judas, étant dans le désert, s’éga-rèrçnl, et ayant trouvé un berger couché sur la teire, ils lui demandèrent quelle roule Us devaient suivre, Celui-ci poussa la paresse jusqu’à ne pas se lever ; il se borna à étendre le pied du côté où il fallait se diriger. Peu après, ils rencontrèrent une bergère, et, lui ayant adressé pareilles questions, celle-ci les mena avec empressement jusqu’à un endroit où ils n’avaient plus qu’à suivre la bonne voie. Pierre pria Jésus de récompenser celle qui leur avait ainsi rendu service, et Jésus la bénit, lui dit qu’elle épouserait le berger nonchalant. Pierre ayant alors témoigné de la surprise, le Seigneur dit : « Une femme aussi active sauvera un mari aussi paresseux et qui serait bientôt perdu par sa fainéantise. Car je suis le Dieu compatissant qui règle les mariages d’après les œuvres des hommes. »

Un auteur arabe qui s’cst fort occupé de recueillir les légendes orientales au sujet des événements que racontent les Évangiles, Kessæus narre en ces termes!( s circonstances de l’accouchement de Marie : a Lorsque le moment de sa délivrance approcha, elle sortit au milieu de la nuit de la maison de Zacharie, et elle s’achemina hors de Jérusalem. Et elle vit un palmier desséché, et lorsque Marie se fut assise au pied de cet arbre, aussitôt il refleurit et se couvrit de feuilles et de verdure et il porta une grande abondance de fruits par l’opération de la puissance de Dieu. Et Dieu fit surgir à côté une source d’eau vive, et lorsque les douleurs de l’enfantement tourmentaient Marie, elle serrait étroitement le palmier de ses mains. »

Il existe un travail d’un savant d’outre-Rhin, Schmidt, sur les légendes extraites du Coran, et qui se rapportent au Sauveur : Sagen von Jesu aus der Coran, il est inséré dans la Bibliothèque pour la critique et l’exégèse du Nouveau-Testament et l'ancienne Histoire de L'Église, 1796, L 1, p. 110.

Au moyen-âge et jusqu'au xvne siècle, les procès pour pareil délit ne sout point rares. Nous indiquerons seulement celui d'Arnaud Hulis, abbé de Vezelai, accusé d'avoir empêché, par magie, le comte de Flandre, deronnailre son épouse. La comtesse déclara elle-même dans les interrogatoires qu'elle avait consenti au sortilège, à condition que l’empêchement ne dure-rail pas plus de deux ou trois jours. Elle déposa au greffe cri-miucl un petit drapelet et du fil blanc dans lequel toute la puis-sauce magique était contenue. ( Mayer, Galerie philosophique du xvi· siècle, 1783, t. 11, p. 234). Un jurisconsulte fort en renom de son temps, Damhoudère, veut que le coupable soit brûlé viC « Quiconque tue quelqu'un par sorcerie ou incantalion, c'est-à-dire par enchantement, il est à punir par le feu , comme est aussi celui qui, par sorcerie, fait que l'homme et la femme ne font génération, ou empesche que la femme ne fait enfants, et fait sécher le lait de la femme ou nourrice. ( Prati· que judiciaire, Paris, 1555, 8", p. 78). י Nonobstant cette sevé-rité, il ne manquait pas d’écrivains qui consignaient dans leurs ouvrages les moyens les plus efficaces pour .!rouble!· ainsi les ménages. D'après.Arnauld de Villeneuve, il faut, pour rendre un mari impuissant, placer sous son lit des testicules de coq ou

G*

de lion, tracer sur le lit certains caractères avec du sang de chauve-souris. Cet auteur affirme égal· ment que le cœur d'un vautour* rend l'homme qui le porte, aimable auprès des Rm-mes, gratum mulieribus, (llœffcr, Histoire de la chimie, t 1, p. 392). Des écrivains, fort judicieux d'ailleurs, n'ont point révoqué en doute la réalité de cet enchantement ; il n'y a qu'à lire dans le Traité des monstres d'Ambroise Paré, le chap, xxxiv, des noueurs d'esgudlettes, et au chap, χχχπ, cet illustre chirurgien s'exprime ainsi : « Il y en a qui rendent par leurs sor· cellerips les hommes si mal habiles à sacrifier à madame Vénus, que les pauvres femmes qui en ont bien affaire, pensent qu'ils soient chaslrez et plus que chaslrez. » Il existe des traités spéciaux. Traité de l'enchantement qu'on appelle vulgairement le nouement de l’esguillette, la Rochelle, 1591 (1). Discours pour savoir si on peut nouer l’aguillelte, et comme on la peut desnouer, sans date (2). Consulter pour des détails plus étendus.

Bouchet, cinquième sérce, Joubert, Erreurs populaires, liv. H, chap. 3, Delrio, Controverses et recherches magiques, 1611, p. âl4416־> Dulaure, des Divinités génératrices, 1825, p. 288., etc.

(1) L’éphre dédicatoire est signé L. II. H. M. L‘E. Un bel exemplaire de ce volume rare כ été payé 50 francs à la vente de M. Nodier, en 1844.

(2) Un exemplaire deccl opuscule devenu introuvable, fait partie d'unrç-cueil curieux porté au catalogue de la bibliothèque de M. Leber (n" 2503 ), bibliothèque qui a été acquise en totalité par ta ville de Rouen, qui porte toutefois du fruit tous les ans ; on dit que la Vierge, passant par là avec son Fils Jésus et voyant que des gens la poursuivaient, ce figuier s'ouvrit, et la Vierge étant entrée dedans, il se referma $ puis, ces gens étant passés, il se rouvrit et resta toujours ainsi ouvert jusqu’à l’année 1658, que le morceau qui s’était séparé du tronc fut rompu. » Denon (Voyage en Égypte, t. 1, p. 05, édit, de 1802) mentionne des portes d’édi· fices arabes qui peuvent donner la mesure de l'indeslructibililé du bois de sycomore; il est resté dans son entier, tandis que le fer dont ces portes étaient revêtues a cédé au temps et a dis* paru complètement.

(fl) Voici ce qu’à cet égard on lit dans VHiitoire en persan que nous venons de mentionner : « Il reste un écrit que, lorsque les habitants de ce pays voulaient accroître ce jardin, ils y plantèrent beaucoup de ces arbres qui donnent le baume, mais ces arbres ne portèrent aucun fruit ; ils curent alors l'idée que cette stérilité cesserait si ces arbres étaient arrosés dans l'eau dans laquelle Jésus s'élail baigné ou qui avait lavé ses vêle-men Is. Ils amenèrent ainsi le ruisseau de ce jardin jusqu'au ruisseau qui s'écoulait de la fontaine de Jésus-Christ, et des deux ruisseaux l'on n'en lit qu’un. Et il advint que toutes les terres qui lurent arrosées de ces eaux produisirent le fruit qui donne le baume. »

(12) Kessæus ajoute au récit de la fuite en Égypte des dreons-tances puériles, mais que l'amour du merveilleux faisait circu· 1er de bouche en bouche dans tout l'OrienL

« Ils se mirent à aller de ville en ville. Et Joseph vit sur la route un grand lion qui se tenait à l'embranchement de deux chemins, et, comme ils en avaient peur, Jésus s'adressa au lion et lui dit î · Ce taureau, que tu songes à déchirer, appartient à un homme pauvre; va en un tel endroit et tu y trouveras le cadavre d'un chameau ; dévore-le. * Le lion alla vers le chameau et le dévora. «

>11$ altèrent ensuite à une multitude d’hommes assemblés et Jésus leur dit : · Vouh z-vous que je vous dise pourquoi vous êtes ici réunis ? Votre intention est d'entrer dans le palais du roi et de le piller; !nais n\n fûtes rien, car ce monarque est un homme pi< ux ; suivez-moi, et je vais vous montrer un tré· sor dont le propriétaire a accompli hier son dernier jour. » Ils !«suivirent, cl lorsqu'ils furent arrivés auprès d'un rocher,

— 10a —

Jésus leur dit : « Creusez là. » Et lorsqu'ils eurent creusé, ils trouvèrent une grosse somme d'argent et ils la partagèrent entre eux. מ

» Jésu% étant parti avec ceux qui étaient avec lui, vint dans une ville où il y avait un roi, et les habitants de celte ville étaient rassemblés devant une idole à laquelle ils adressaient des supplications en versant drs larmes. Jésus leur ayant demandé ce qu'ils avaient à agir ainsi, ils répondirent : « La femme du roi est en mal d enfant et ses couches sont accompagnées de grandes souffrances et de périls. » Jésus répondit : « Allez vers le roi el diles-lui que si je pos î la main sur le ventre de sa femme, elle sera aussitôt délivrée. « Quand cela eut été rapporté au roi, il ordonna d'introduire Jésus auprès de lui, et Jésus dit : * O roi, si, avant que celte femme n'accouche, je t'annonce ce qu'elle va enfanter, croiras-tu en mon Seigneur qui m'a créé sans que j’aie eu de père? י> Le roi ayant répondu qu’oui, Jésus dit : « Elle va mettre au monde un enfant d'une grande beauté dont une oreille sera plus longue que l'autre, et sur l'une de ses joues il y aura un signe noir et sur son dos un autre de même couleur. » Puis, ayant étendu la main vers le venire de la femme, il dit : « Sors, embryon, par la volonté de Dieu suprême qui a créé toutes choses et qui fournit à toutes ses créatures une nourriture abondante, מ La femme ayant mis au monde un enfant tel que Jésus l'avait annoncé, le roi voulait croire en Dieu, mais ses conseillers l’en détournèrent, en lui disant que tout cela était l'œuvre de la magie. Dieu suscita alors contre eux un grand orage venant du ciel avec un horrible fracas, cl ils prirent tous la fuite. מ

( 13) Nous relaterons au sujet de Judas un petit conte qui se trouve dans rz/ûtona de Jcsckuœ Nazeroni, (édit· d'Hulricli, Leyde, 1705, 8° p. 51), ouvrage d'un écrivain juif.

Jésus accompagné de Pierre et de Judas, s'arrêta un jour dans une hôtellerie; l'hôte n'avait qu'une oie à leur offrir. Jésus la prit et lui dit : « Celte oie est trop petite pour que trois personnes puissent la manger, allons dormir, et celui qui aura fait le meilleur rêve, la mangera seul. מ II allèrent se coucher, et au milieu de la nuit, Judas se leva, et il dévora l'oie. Le matin ils se réunirent et Pierre dit : »< Je me suis vu en songe au pied du trône de Dieu, le tout-puissant. 0 Jésus répondit : « Je suis le fils de Dieu tout-puissant, et j'ai rêvé que tu étais

assis près de moi. Mon songe a donc été supérieur au tien, et c’est à moi qu’il appartient de manger l’oie. ״ Judas dit alors : a Et moi j'ai en songe mangé l’oie. » Et Jésus chercha l’oie : mais inutilement, car Judas l’avait dévorée. ס

On peut consulter à l’égard du livre qui nous fournit cette historiette la curieuse liiblioleca Judaica anli-christiana de Rossi, n° 162. (Parme, 1800, 8"). Celte Historia ou Sephèr Toledoto Jescuah annotzeri est d’ailleurs un livre rare, et son auteur, demeuré inconnu, a vraiment trop peu d’importance pour mériter les épithètes outrageantes qu’entasse sur lui son édi-teur; en voici un échantillon : Certissimum est et sole me ri-diano clarius vanissimum illum hominem fuisse, b i pedum ne· quissimum, trifurciferum sceleribus cooperi issimum, satorem sertoremque scelerum et messorem maximum, mendacissi-mum inferni expurgamcnlum, Acherontis gloriam, etc.

Quant aux légendes relathes à Judas Iscariote, un savant dont nous avons déjà cité les remarquables travaux, Μ. E. du Mér.l a traité ce sujet dans ses Poésies populaires latines du moyen-âge, p. 324-340. a On a prétendu que Judas était sauvé, l’on est allé jusqu’à rechercher pieusement ses reliques ; voyez Gœsius, de cultu Juda’ proditoris, ( Lubeck, 1713, 4״)·

M. du Méril indique comme présentant certains rapports avec la légende de Judas le poème d’Herlmunn van der Aue, Gregorius uf dem Steine, Celte composition de 3752 vers, fut publiée pour la première fois par C. Gricth dans son Spicile-gium valicanum , (Prauonfeld , 1338, 8°, p. 180*303; voir les Wienner lahrbucher, 1840, t. lxxxix, p. 61-74)3 Oarl Kuch-manu en a donné une édition spéciale, (Berlin, 1838, 8°).

» Dieu dira à Jésus, Fils de Marie : a Souviens-toi des bien-faits que j’ai répandus sur toi et sur ta Mère lorsque je t’ai fortifié par l’esprit de sainteté, afin que tu parles aux hommes, enfant au berceau et à l’ûge plus avancé. — Je t'ai enseigné !'Écriture, la Sagesse, 1c Pentateuquc cl l'Évangile; tu formas de boue la figure d’un oiseau par ma permission ; tou souffla l'anima par ma permission. »

Kessæus s’exprime ainsi de son côté : a Alors le peuple disait : « C’est de la magie ; fais-nous voir un autre signe. י Et Jésus disait : e Que désirez-vous ? » Ils répondaient: « Indique-nous ce que nous avons déposé et ce que nous devons manger dans nos maisons. « Et quand il le leur eut dit, comme ils ne croyaient pas, il s’en alla, et, le lendemain, comme il revint parmi eux, ils disaient : « Voici que ce magicien est de retour.» Jésus, les entendant, en fut courroucé, et il dit : a O Dieu, tu sais qu'ils m’accusent de maléfice, ainsi que ma Mère ; punisles donc ainsi qu’iis le méritent. » Alors Dieu les changea en porcs, et, après qu’ils eurent vécu trois jours, ils moururent. Lorsque cela fut divulgué parmi les Juifs, ils voulurent tuer Jésus, mais ils ne le purent. »

(15) Ce miracle est connu des Persans, ainsi que nous l’apprend un passage du Lexicon persicum d’Ange de la Brosse (Amst., 1684, in-fol.), au mot Tinctorius ars : « Il est relaté dans un livre apocryphe des Perses, intitulé : L'Enfance de Jésus-Christ, que le Sauveur a exercé le métier de teinturier, et qu’avec une seule teinture, il donnait aux étoffes diverses couleurs. C’est pourquoi, chez les Persans, il est vénéré des teinturiers comme leur patron, et une maison de teinturier s'appelle la boutique du Christ. » D'autre part, on lit dans Kessæus le passage suivant : « Et Marie forma le projet de le remettre aux mains d'un maître qui lui apprendrait le métier qu’il savait exercer. Elle le conduisit donc à un teinturier, et elle lui dit : « Reçois cet enfant et instruis-le dans ta profession. » Le teinturier l’accueillit et lui dit : « Quel est ton nom ?» Et il répondit : e Mon nom est Isa Ibn Marjam (Jésus, Fils de Marie). » Et il lui dit : « O Isa, prends une cruche, et, après que lu auras été à la rivière la remplir d’eau, remplis tous ces réservoirs, et prends ces matières colorantes. » Il lui fit ensuite l’énumération des teintures qu'il préparait dans les réservoirs et des couleurs dont il imprégnait les vêtements, et, l’ayant quitté, il se retira dans sa chambre. Jésus, venant aux réservoirs, les remplit d'eau, et il jeta dans un seul toutes les substances colorantes, et il jeta tous les habits dessus, et il s'en retourna auprès de sa mère. Le lendemain , le teinturier étant venu, et ayant vu ce qu’avait fait Jésus, il lui donna un souf-flet, en lui disant : a O Isa, tu m'as perdu et tu as gâté tous ces vêlements. » Isa lui dit : « Que cela ne te trouble point, mais dis-moi quelle est ta religion. » Et le teinturier répondit : « Je suis juif. » Isa répliqua : « Dis : il n'y a point d'autre Dieu que Dieu, et Isa est l'envoyé de Dieu ; étends la main et retire tous ces vêtements et chacun d'eux sera imprégné de la couleur que désirait le propriétaire. » Le teinturier crut en Dieu et en Isa, et il rendit à chacun ses habits teints ainsi qu'il lui avait été prescrit, et il persista dans la foi d'Isa, sur lequel paix et bénédiction. 0

(16) Il y avait diverses sortes de spithames ; la plus usitée de ces mesures correspondait à la moitié de la coudée grecque.

(17) Le mois d'Adar était le douzième de l'année hébraïque ; il correspondait partie au mois de février, partie à celui de mars.

(18) Kessæus rapporte ainsi les noms des douze disciples : SI-méon, Luc, Pierre, Thomas, Mathieu, Jean, Jacques, Jonas, Georges, Nannus, Noncin et Paul. Jésus étant sur le rivage de là mer, vit des hommes qui exerçaient le métier de foulons. ( le mot arabe correspond à fullones vestium dealbatores ) et il leur dit : a Quoi I vous nétoyez ces vêlements et vous n'en faites pas de même de vos cœurs. « Donc iis crurent en lui et ils furent les témoins de sa prophétie. »

(19) Parmi divers récits du même genre qui se rencontrent chez Kessæus, nous choisirons celui auquel il donne pour titre : Histoire d’un aveugle et d’un boiteux» « Waheb Ibn-El Mamba (auquel Dieu soit propice) dit : « Ceci est aussi un des miracles de Jésus. Un voleur entra dans le logis de Dahcan où demeuraient Marié et Joseph, et il emporta tout ce qui s'y trouvait. Dahcan, très-affligé , dit à Jésus : « Apprends-moi quel est celui qui m'a dérobé ma propriété. » Jésus répondit : « Fais réunir devant moi tous les gens de ta maison. מ Lorsque cela fut fait, Jésus dit : « Où est l'aveugle un tel et où est le boiteux ? » Et lorsqu'ils eurent été amenés devant lui, Jésus dit : a Voici les deux voleurs qui t'ont dépouillé de tous tes biens. ת Et le peuple étant frappé de surprise, Jésus dit : « Ce boiteux a été aidé des forces de l'aveugle et l'aveugle a été secondé par les yeux du boiteux ; l'un tenait de sa main une corde par la fe-nêlre, tandis que l'autre allait chercher les objets volés et le lui appui tait. ת Potocke rapporte un apologue à peu près semblable d’un aveugle et d'un boiteux, apologue que, suivant le livre Kcnzi al Asrar, Dieu doit proposer aux ho nmes au jour du jugement dernier, lorsque le corps et Time rejetteront mutuellement l’un sur l'autre le blâme de tous leurs péchés. Empruntons encore à Kessæus quelques circonstances qui se rattachent au miracle raconté dans le chapitre XXIX de la légende que nous traduisons; après avoir raconté que Moïse avait marché aussitôt sa naissance, qu'il avait dit à sa mère : Ma mère, ne sois pas inquiète de moi, car Dieu est avec nous. · Que, cette même nuit, on avait entendu dans le palais de Pharaon une voix qui s'écriait : « Moïse est né et le souverain de l’Égypte a péri. מ L'écrivain arabe ajoute que toutes les idoles de l'Egypte, tombant sur la face, se brisèrent aussitôt, et il poursuit en ces termes : « Sa mère, toutes les fois qu'elle sortait de chez elle pour scs occupations, le cachait dans un four dont elle bouchait l'orifice, afin de le dérober à tous les yeux. Un jour qu'elle était sortie après l'avoir mis dans le four, sa sœur, qui avait été chercher de la farine, alluma le feu afin de chauffer le four, car elle ignorait que Moïse s'y trouvait Quand la mère de Moïse revînt, elle fut presque morte de frayeur et elle s'écria : « Mon fils est dans le fourl » Et voyant que le four était tout embrasé , elle se frappa le visage et dit î « La prudence ne peut rien contre la destinée; vous avez brûlé mon fils 1 * Alors Moïse lui crie du milieu du four: a Ma mère, ne crains rien; Dieu m'a préservé du feu; étends les mains et retire-moi des flammes ; Dieu ne permettra pas qu’elles te fassent plus de mal qu'à moi. n Et sa mère le fit, et le feu ne la toucha point. »                                       ״

(20) Kessæus rapporte un peu différemment cette fable: Jésus croissait admirablement en âge, et un certain jour, comme il jouait avec des enfants, un de ces enfants sauta sur le dos d’un autre, et s'y tint comme à cheval, et l'ayant fait tomber avec le pied, il le tua. Les parents du mort accoururent et se saisissant des enfants parmi lesquels était Jésus, ils les menèrent devant le juge. Marie vint aussi, craignant pour son fils. El le juge demanda ·. « Qui est ce qui a tué cet enfant ?» Et ils répondirent : u C'< st Jésus qui l'a tué. » Alors le juge dit : a Pourquoi l’as-tu tué ? » Alors Jésus dit : « O juge, je vois que tu es un homme insensé ; lu devais d'abord t'enquérir si c'e4 moi qui l’ai tué ou non· n Le juge dit : «Je vois que tu es accompli de sa· gesse, mais quel est ton nom? · Et il répondit : « Je m’appelle Jésus, fils de Marie. י Le juge dit alors : « Pourquoi Vas-tu tué, ô Jésus? * Jésus répondit : « Ne t’ai-je pas déjà prévenu de ne point parler ainsi? » Ensuite Jésus s’approchant du mort, lui dit : « Lève-toi, par la permission de Dieu. » Et lorsqu’il se fut levé, il lui demanda : « Qui est-ce qui t’a fait périr? · Et le mort répondit : « C’est un tel qui m’a fait périr, mais Jésus n’a rien commis contre moi. » Et le mort retomba sans mouvement, et ils firent mourir à sa place l’enfant qui était cause de son trépas. »

Dénouement conforme à la loi du talion, toujours en vigueur dans l'Orient.

 

PROTÉVANGILE DE JACQUE8-LE-MINEUR,

Le nom donné a cette composition lui vient de ce qu’elle rend compte des événements qui précédèrent immédiatement la prédication de la religion chrétienne. Il est fait mention du Protévangile dans les Pères de l'Église les plus anciens , tels qu’Origène, St-Épiphane, St-Grégoire de Nysse; dès le second siècle St-Justin et St-Clément d’Alexandrie avaient parlé des fables qu’il renferme. Il nous est parvenu dans une rédaction grecque, œuvre sans doute de quelque écrivain de l'Orient Le savant et visionnaire Postel (1), l'ayant rencontrée dans le cours de ses voyages, en donna une traduction latine qui fut imprimée à Bâle en 1552, et qui reparut à Strasbourg en 1570. Cette publication suscita une vive controverse. Henry Estienne {Apologie pour Hérodote, chapitre 33), accusa avec chaleur Postel d’être lui-même l’auteur de l’ouvrage qu’il publiait et de l’avoir composé en dérision de la religion chrestienne, Hérold n’en reproduisit pas moins dans ses Orthodoxographa la version de Postel, et Néander, en 1564., en publia pour la première fois, le texte grec, sans faire connaître d’où lui venait le manuscrit dont il faisait usage, mais qui était assurément un autre que celui dont le premier traducteur s’était servi, car l’on remarque des différences notables entre la version de Postel et le texte tel que le donne Néander, et tel que l’ont reproduit Grynœus et Fabricius. Ce dernier ne crut pas devoir réimprimer les notes de Néander et cedes dont Bibliander avait accompagné le travail de Postel ; son texte grec est peu correct et Birch en a trop scrupuleusement transcrit les erreurs. Jones s’attacha au contraire au texte de Grynœus où se rencontrent des leçons préférables à celles de Fabricius.

(1) L'on nous saura gré de rapporter ici au sujet de G. Poste! quelques lignes échappées à la plume si savante et si ingénieuse, de M. Nodier, lignes perdues au bas des colonnes d'un journal qui n’est plus (te Temps, n° du 29 octobre 1835). « Poste! eut l'avantage d’être instruit dans tous les idiâmes savants de la terre; il était prodigieusement versé dans l'étude de toutes les choses qu'il est presque bon de savoir et d’une multitude d’autres qu’il aurait été fort heureux d’ignorer. On peut dire à sa louange que sa phrase serait assez nette, si ses idées l’étaient jamais. Deux préoccupations qui n'ont cessé de le dominer, et qui font, pour ainsi dire, l’âme de ses litres les plus célèbres, enlevèrent co prodigieux esprit à la culture des lettres utiles ; la première était la monarchie universelle sous le règne d'un roi français, rêve ambitieux d'un patriotisme extravagant que nous avons vu cependant tout près dé, sa réaliser ; le second était l'achèvement de la Rédemption imparfaite par l'incarnation de Jésus-Christ dans la femme, et à la mysticité près, nous savons que cette chimère n'a pas été entièrement abandonnée de nos jours. Au dix-neuvième siècle, Postel eût certainement tenu quelque place éminente dans les conseils secrets de l'Empereur et dans le con-claveSaint-Simonien, ce qui n’empêche pas qu’il y eut en lui un fou fanatique, un fou fantastique, un fou hyperbolique, un fou proprement, totalement et compétentement fou, comme parle Rabelais, et ce qui prouve peut-être qu’il y en avait deux. >

Il est singulier que jusqu’à Thilo, aucun éditeur n’ait pris la peine de consulter d’autres manuscrits; ils ne sont point rares ; la Bibliothèque du roi en renferme huit dont le laborieux professeur de Halle a compulsé toutes les variantes. Celles de deux manuscrits du Vatican étaient déjà connues grâces aux soins de Birch. Les bibliothèques de Vienne et d’Oxford possèdent aussi de nombreux manuscrits de cette légende, mais il ne paraît pas qu’il s’en rencontre un seul antérieur au dixième siècle.

L’expression de Protévangile, c’est-à-dire de premier évangile, paraît avoir été forgée par Postel, elle ne se rencontre dans aucun manuscrit. C’est sous le nom de Jacques !,Hébreu que cette légende est désignée dans quelques anciens écrivains, et ce n’est qu’à une époque d’ignorance qu’on l’attribua à l’apôtre saint Jacques. Plusieurs des faits qu’elle relate sont consignés dans de graves écrivains de l’église grecque, tels qu’André de Crète qui vivait au septième siècle, Germain , patriarche de Constantinople, St-Jean Damascène, Georges, archevêque de Nicomédie, Photins et divers autres prédicateurs dont les homélies sont éparses dans le vaste recueil de Combefis. ( Nova auct. Bibi. Patrum, Paris 1672, 2 vol. in-folio ). Plusieurs de ces récits sont même demeurés dans les liturgies de l’église grecque , preuve de leur popularité et de la confiance avec laquelle ils étaient reçus.

Il existe au Vatican, à la bibliothèque du roi à Paris et dans d’autres grands dépôts des traductions arabes, syriaques ou coptes de l’évangile St-Jacques ; elles n’ont point vu le jour.

Cet écrit présente les mœurs du peuple Juif sous un aspect qui ne manque point de vérité ; les plaintes de Ste-Anne au sujet de sa stérilité sont remplies de vivacité et de mouvement ; dans le cantique qu’elle chante en présentant sa fille au temple a il faut reconnaître des lambeaux poétiques, fragments tronqués et perdus dont la forme lyrique et l’entraînement tranchent d’une façon si nette sur le fond du récit.

Dans son état actuel, quelques passages de cette légende ont pu faire soupçonner qu’elle avait été retouchée par un de ces gnostiques qui condamnaient le mariage, qui maintenaient que le corps de Jésus-Christ n’avait été qu’un fantôme, une apparence formée d’une substance éthérée et céleste.

CHAPITRE Ier.

On lit dans les histoires des douze tribus d’Israël♦ que Joachim était fort riche et il présentait à Dieu de doubles offrandes, disant en son cœur : « Que mes biens soient à tout le peuple, pour la rémission de mes péchés auprès de Dieu, afin que le Seigneur ait pitié de moi. » La grande fête du Seigneur survint et les fils d’Israël apportaient leurs offrandes (1) et Ruben s’éleva contre Joachim, disant : « Il ne t’appartient pas de présenter ton offrande, car tu n’as point eu de progéniture en Israël. «Et Joachim fut saisi d’une grande affliction et il s’approcha des généalogies (2) des douze tribus en disant en lui-même : « Je verrai dans les tribus d’Israël si je suis le seul qui n’ait point eu de progéniture en Israël. ״ Et en recherchant il vit que tous les justes avaient laissé de la postérité, car il se souvint du patriarche Abraham auquel, dans ses derniers jours, Dieu avait donné pour fils Isaac. Joachim affligé ne voulut pas reparaître devant sa femme; il alla dans le désert et il y fixa sa tente et il jeûna quarante jours et quarante nuits, disant dans son cœur : « Je ne prendrai ni nourriture ni boisson, mais ma prière sera ma nourriture. ״

chapitre II.

Sa femme Anne souffrait d'un double chagrin et elle était en proie à une double douleur, disant : « Je déplore mon veuvage et ma stérilité. » La grande fête du Seigneur survint et Judith, la servante d’Anne, lui dit : a Jusques à quand affligeras״ tu ton âme ? Il ne t’est pas permis de pleurer, car voici le jour de la grande fête (3). Prends donc ce manteau et orne ta tête. Tout aussi sûre que je suis ta servante, tu auras l’apparence d’une reine. » Et Anne répondit : * Éloigne-toi de moi ; je n’en ferai rien. Dieu m’a fortement humiliée. Crains que Dieu ne me punisse à cause de ton péché. » La servante Judith répondit : « Que te dirai-je , puisque lu ne veux pas écouter ma voix? C’est avec raison que Dieu a clos ton ventre afin que tu ne donnes pas un enfant à Israël. » Et Anne fut très-affligée, et elle quitta ses vêtements de deuil ; elle orna sa tête et elle se revêtit d’habits de noces. Et, vers la neuvième heure, elle descendit dans le jardin pour se promener, et, voyant un laurier, elle s’assit dessous et elle adressa ses prières au Seigneur, disant : « Dieu de mes pères, bénis-moi et écoute ma prière, ainsi que tu as béni les entrailles de Sara et que tu lui as donné Isaac pour fils. «

chapitre III.

En regardant vers le ciel, elle vil sur le laurier le nid d’un moineau et elle s’écria avec douleur :«Hélas! à quoi puis-je être comparée ? à qui dois-je la vie pour être ainsi maudite en présence des fils d’Israël? Ils me raillent et m’outragent et ils m’ont chassée du temple du Seigneur. Hélas! à quoi suis-je semblable ? je ne peux être comparée aux oiseaux du ciel, car les oiseaux sont féconds devant vous, Seigneur. Je ne peux être comparée aux animaux de la terre, car ils sont féconds. Je ne peux être comparée ni à la mer, car elle est peuplée de poissons, ni à la terre , car elle donne des fruits en leur temps et elle bénit le Seigneur (4). ״

chapitre IV.

Et voici que l’ange du Seigneur vola vers elle, loi disant : « Anne, Dieu a entendu ta prière; lu concevras et tu enfanteras et ta race sera célèbre dans le monde entier. » Anne dit : « Vive le Seigneur, mon Dieu ; que ce soit un garçon ou une fille que j’engendre, je l'offrirai au Seigneur, et il consacrera toute sa vie au service divin. » Et voici que deux anges vinrent lui disant : « Joachim, ton mari, arrive avec scs troupeaux. » L’ange du Seigneur descendit vers lui, disant : « Joachim , Joachim, Dieu a entendu ta prière, ta femme Anne concevra. » Et Joachim descendit et il appela ses pasteurs, disant : « Apportez-moi dix brebis pures et sans taches, et elles seront au Seigneur mon Dieu. Et conduisez ·moi douze veaux sans taches, et ils seront aux prêtres et aux vieillards de la maison d’Israël, et amenez-moi cent boucs et ces cent boucs seront à tout le peuple. » Et voici que Joachim vint avec ses troupeaux, et Anne était à la porte de sa maison et elle aperçut Joachim qui venait avec ses troupeaux, elle courut et se jeta à son cou, disant : « Je connais maintenant que le Seigneur Dieu m’a bénie, car j’étais veuve et je ne le suis plus; j’étais stérile et j’ai conçu. » Et Joachim reposa le même jour dans sa maison.

CHAPITRE V.

Le lendemain, il présenta ses offrandes eu se disant en son cœur : « Si le Seigneur m’a béni, qu’il y en ait pour moi un signe manifeste sur la lame des ornements du grand-prêtre. »Et Joachim offrit ses dons et il regarda la lame ou bephoil, lorsqu’il fut admis à l’autel de Dieu et il ne vit pas de péché en lui. Et Joachim dit : « Je sais maintenant que le Seigneur m’a exaucé et qu’il m’a remis tous mes péchés. » Et il descendit justifié de la maison du Seigneur et il vint dans sa maison. Anne conçut et le neuvième mois elle enfanta et elle dit à la sage-femme : « Qu’ai-je enfanté? » et l’autre répondit : « Une fille, » Et Anne dit : « Mon âme s’est réjouie à cette heure. » Et Anne allaita son enfant et lui donna le nom de Marie.

chapitre VI.

L’enfant se fortifia de jour en jour. Lorsqu’elle eut six mois, sa mère la posa à terre pour voir si elle se tiendrait debout Et elle fit sept pas en marchant et elle vint se jeter dans les bras de sa mère. Et Anne dit : « Vive le Seigneur mon Dieu; tu ne marcheras pas sur la terre jusqu’à ce que je t’ai offerte dans le temple du Seigneur. » Et elle fit la sanctification dans son lit, et tout ce qui était souillé, elle l’éloignait de .sa personne, à cause d’elle. Et elle appela des filles juives sans tache et elles soignaient l’enfant. Et quand elle eut accompli sa première année, Joachim donna un grand festin et il convia les princes des prêtres et les scribes et tout le sénat et tout le peuple d’Israël. Et il offrit des présents aux princes des prêtres et ils le bénirent, disant : « Dieu de nos pères, bénis cette enfant et donne-lui un nom qui soit célébré dans toutes les générations. » Et tout le peuple dit : « Amen, ainsi soit-iL *» Et les parents de Marie la présentèrent aux prêtres et ils la bénirent, disant : « Dieu de gloire, jette tes regards sur celte enfant et accorde-lui une bénédiction qui ne connaisse aucune interruption. » Et sa mère la prit et lui donna le sein et elle entonna on cantique, disant : « Je chanterai les louanges du Seigneur mon Dieu, car il m’a visitée et il m’a délivrée des outrages de mes ennemis. Et le Seigneur Dieu m’a donné un fruit de justice multiplié en sa présence. Qui annoncera aux enfants de Ruben que Anne a un nourrisson? Écoutez, vous les douze tribus d’Israël, apprenez ,que Anne nourrit. » Et elle déposa l’enfant dans le lieu de sa sanctification et elle sortit et elle servit les convives. Quand le festin fut terminé, ils se retirèrent pleins de joie et ils lui donnèrent le nom de Marie, en glorifiant le Dieu d’Israël (5)«

CHAPITRE VII.

Quand Marie eut deux ans, Joachim dit à Anne , son épouse : « Conduisons-la au temple de Dieu, afin d’accomplir le vœu que nous avons formé et de crainte que Dieu ne se courrouce contre nous et qu’il ne nous ôte cette enfant. » Et Anne dit : « Attendons la troisième année, de crainte qu’elle ne redemande son père et sa mère. » Et Joachim dit : « Attendons. » Et !3enfant atteignit l’âge de trois ans et Joachim dit : « Appelez les vierges sans tache des Hébreux et qu’elles prennent des lampes et qu’elles les allument, et que l’enfant ne se retourne pas en arrière et que son esprit ne s’éloigne pas de la maison de Dieu. » Et les vierges agirent ainsi et elles entrèrent dans le temple. Et le prince des prêtres reçut l’enfant et il l’embrassa et il dît : « Marie, le Seigneur a donné de la grandeur à ton nom dans toutes les générations, et, à la fin des jours, le Seigneur manifestera en toi le prix delà rédemption des fils d’Israël. י Et il la plaça sur le troisième degré de l’autel, et le Seigneur Dieu répandit sa grâce sur elle et elle tressaillit de joie en dansant avec ses pieds et toute la maison d’Israël la chérit.

chapitre VIII.

Et ses parents descendirent, admirant et louant Dieu de ce que l’enfant ne s’était pas retournée vers eux. Marie était élevée comme une colombe dans le temple du Seigneur et elle recevait de la nourriture de la main des anges. Quand elle eut atteint l’âge de douze ans, les prêtres se réunirent dans le temple du Seigneur et ils dirent : « Voici que Marie a passé dix ans dans le temple ; que ferons-nous à son égard, de peur que ta sanctification du Seigneur notre Dieu n’éprouve quelque souillure ?» Et les prêtres dirent au prince des prêtres : « Va devant l’autel du Seigneur et prie pour elle, et ce que Dieu t’aura manifesté, nous nous y conformerons. » Le prince des prêtres, ayant pris sa tunique garnie de douze clochettes entra donc dans le Saint des Saints et il pria pour Marie. Et voici que l’ange du Seigneur se montra à lui et lui dit : σ Zacharie, Zacharie, sors et convoque ceux qui sont veufs parmi le peuple et qu’ils apportent chacun une baguette et celui que Dieu désignera par un signe sera l’époux donné à Marie pour la garder. » Des hérauts allèrent donc dans tout le pays de Judée, et la trompette du Seigneur sonna et tous accouraient.

CHAPITRE IX.

Joseph ayant jeté sa hache » vint avec les autres. Et s’étant réunis, ils allèrent vers le grand-prêtre, après avoir reçu des baguettes. Le grand-prêtre prit les baguettes de chacun, il entra dans le temple et il pria et il sortit ensuite et il rendit à chacun la baguette qu’il avait apportée, et aucun signe ne s’était manifesté, mais quand il rendit à Joseph sa baguette, il en sortit une colombe et elle alla se placer sur la tête de Joseph. Et le grand prêtre dit à Joseph : « Tu es désigné par le choix de Dieu afin de recevoir cette vierge du Seigneur pour la garder auprès de toi. Et Joseph fit des objections disant : « J’ai des enfants et je suis vieux, tandis qu’elle est fort jeune ; je crains d’être un sujet de moquerie pour les fds d'Israël » Le grand-prêtre répondit à Joseph : « Crains le Seigneur ton Dieu et rap-pelle-toi comment Dieu agit h l’égard de Dathan, d’Abiron et de Coreh , comment la terre s’ouvrit et les engloutit, parce qu’ils avaient osé s'opposer aux ordres de Dieu. Crains donc, Joseph, qu’il n’en arrive autant à ta maison. » Joseph épouvanté reçut Marie et lui dit : « Je te reçois du temple du Seigneur et je te laisserai au logis, et j’irai exercer mon métier de charpentier et je retournerai vers toi. Et que le Seigneur te garde tous les jours. »

chapitre X.

Et il y eut uue réunion des prêtres et ils dirent : Faisons un voile ou un tapis pour le temple du Seigneur. » Et le prince des prêtres dit : « Appelez vers moi les vierges sans tache de la tribu de David. יי Et l’on trouva sept de ces vierges. La prince des prêtres vit devant lui Marie qui était de la tribu de David et qui était sans tache devant Dieu. Et il dit : « Tirez au sort laquelle filera du fil d’or et d’amianthe et de fin lin et de soie et d’hyacinthe et d’écarlate. » Et la vraie pourpre et l’écarlate échurent â Marie par le sort, et les ayant reçus, elle alla en sa maison. Et, dans ce même temps, Zacharie devint muet et Samuel prit sa place. Jusqu’à ce que Zacharie t’adressa derechef la parole, ô Marie. El Marie, ayant reçu la pourpre et l’écarlate , se mit à filer.

CHAPITRE XI.

Et, ayan! pris une cruche, elle alla puiser de l’eau. el voici qu’elle entendit une voix qui disait : « Je te salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi; tu es bénie parmi toutes les femmes. » Marie regardait à droite et à gauche afin de savoir d’où venait cette voix. Et, étant effrayée, elle entra dans sa maison, et elle posa la cruche, et ayant pris la pourpre« elle s’assit sur son siège pour travailler; Et voici que l’ange du Seigneur parut en sa présence, disant : « Ne crains rien, Marie; tu as trouvé grâce auprès du Seigneur. » Et Marie l’entendant, pensait en elle« même : « Est-ce que je concevrai de Dieu et enfante-terai-je comme les autres engendrent? » Et l’ange du Seigneur lui dit : « Il n’en sera point ainsi, Marie, car la vertu de Dieu te couvrira de son ombre , et le Saint naîtra de toi, et il sera appelé le fils de Dieu. Et tu lui donneras le nom de Jésus; il rachètera son peuple des péchés qu’il a commis. Et ta cousine Élizabeth a conçu un fils dans sa vieillesse, et celle qu’on appelait stérile est dans son sixième mois, car il n’est rien d’impossible à Dieu. » El Marie lui dit : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il en soit pour moi selon ta parole. »

CHAPITRE XII.

Et ayant terminé la pourpre et l’écarlate, elle les porta au grand-prêtre. Et il la bénit, et il dit : « O Marie, ton nom est glorifié et tu seras bénie dans toute la terre. » Et Marie, ayant conçu une grande allégresse, alla vers Élizabeth, sa cousine, et elle frappa à sa porte. Élizabeth l’entendant, courut à sa porte et elle aperçut Marie, et elle dit : « D’où me vient que la mère de mon Seigneur se transporte près de moi ? Ce qui est en moi s’est élancé et t’a bénie. » Et les mystères que l’archange Gabriel avait annoncés à Marie étaient cachés pour elle. Et regardant au ciel, elle dit : « Que suis-je donc pour que toutes les généra-lions m’appellent ainsi heureuse. » De jour en jour, son ventre s’enflait, et Marie, saisie de crainte, se retira dans sa maison et se cacha aux regards des enfants d’Israël Et elle avait seize ans, lorsque cela se passait.

CHAPITRE XIII.

Le sixième mois de sa grossesse étant venu , voici que Joseph revint de son travail de charpentier, et, entrant dans sa maison, il vit que Marie était enceinte, et, baissant la tête, il se jeta par terre, et il se livra à une grande désolation, disant : « Comment me justifierai-je devant Dieu? Comment prierai-je pour celte femme? je l’ai reçue vierge du temple du Seigneur Dieu, et je ne l’ai pas gardée. Quel est celui qui a fait cette mauvaise action dans ma maison et qui a corrompu cette vierge? L’histoire d’Adam ne s’est-elle pas reproduite pour moi ? car dans l’heure de sa gloire, le serpent entra, et il trouva Eve seule, et il l’a trompée; et vraiment il m’en est arrivé de même. » Et Joseph se releva de dessus le sac sur lequel il s’était jeté, et il dit à Marie : « O toi qui étais d’un tel prix aux yeux du Seigneur, pourquoi as-tu agi de la sorte, et pourquoi as-tu oublié le Seigneur ton Dieu, toi qui as été élevée dans le Saint des Saints? Toi qui recevais la nourriture de la main des anges, pourquoi as-tu ainsi manqué à tes devoirs? » Marie pleurait très-amèrement, et elle répondit : « Je suis pure, et je n’ai point connu d’homme. יי Et Joseph lui dit : ״· Et d’où vient donc que tu as conçu? » Et Marie répondit : « Vive le Seigneur mon Dieu ; je le prends à témoin que je ne sais point comment il en est ainsi. יי

CHAPITRE XIV.

Et Joseph, frappé de stupeur, pensait en lui-même : « Qu'est-cc que je ferai d’elle? » Et il dit : <· Si je cache son péché, je serai trouve coupable se-Ion la loi du Seigneur; si je l’accuse et si je la traduis devant les fils d’Israël , je crains que ce ne soit point juste et que je ne livre le sang innocent à la condamnation de la mort? Qu’est-ce donc que je ferai d’elle? Je la quitterai en secret. » Et il se livrait à ses pensées durant la nuit. Voici que l’ange du Seigneur lui apparut pendant son sommeil, et loi dit : « Ne crains pas de garder cette femme ; celui qui naîtra d’elle est l’œuvre du Saint-Esprit, et tu lui donneras le nom de Jésus; il rachètera les péchés de son peuple. י׳ Et Joseph se leva et il glorifia le Dieu d’Israël.

chapitre XV.

Le scribe Anne vint à Joseph et lui dit : « Pourquoi ne t’es-tu pas rendu à l’assemblée? » Et Joseph lui répondit : « J’étais fatigué du chemin que je venais de faire, et j’ai voulu prendre du repos le premier jour.« Et le scribe s’étant retourné, vit que Marie était enceinte, et il s’en alla en courant vers le grand-prêtre, et il lui dit : ׳- Joseph, auquel tu ajoutes foi, a gravement péché. » Et le grand-prêtre dit : « Qu'y a-t-il ? ״ Et le scribe répondit : « Il a souillé la vierge qu’il avait reçue du temple du Seigneur, et il a fraudé la loi du mariage, et il s’est caché devant les enfants d’Israël. » Et le prince des prêtres répondit : « Est-ce que Joseph a fait cela? » Et le scribe Anne dit : « Envoie des ministres, et ils verront que Marie est enceinte. » Et les ministres allèrent, et ils trouvèrent que le scribe avait dit vrai. Et ils conduisirent Marie et Joseph pour être jugés, et le grand-prêtre dit : « Marie, comment as-tu agi ainsi, et pourquoi as-tu perdu ton âme, toi qui as été élevée dans le Saint des Saints, qui as reçu la nourriture de la main des anges, qui as entendu les mystères du Seigneur et qui t’es réjouie en sa présence ? » Elle pleurait très-amèrement, et elle répondit : « Vive le Seigneur mon Dieu ; je suis pure en présence du Seigneur, et je ne connais point d’homme. » Et le grand-prêtre dit à Joseph : « Pourquoi as-tu agi ainsi ?» Et Joseph dit : « Vive le Seigneur Dieu et vive son Christ; je les prends à témoin que je suis pur de tout commerce avec elle. » Et le grand-prêtre répondit : « Ne rends point un faux témoignage, mais dis la vérité; tu as dérobé ses noces et tu l’as caché aux fds d’Israël, et tu n’as pas courbé la tête sous la main du Tout-Puissant, afin que ta race fût bénie. »

chapitre XVI.

Et le grand-prêtre dit encore : « Rends cette vierge que tu as reçue du temple du Seigneur. » Et Joseph répandait beaucoup de larmes, et le grand-prêtre dit : «Je vous ferai boire l’eau de la conviction du Seigneur, et votre péché se manifestera à vos yeux. » (6) Et ayant pris l’eau, le grand-prêtre en fit boire à Joseph, et l’envoya sur les lieux hauts, et Joseph en revint en pleine santé. Marie en but aussi, et elle alla dans les montagnes, et elle revint sans avoir éprouvé aucun mal. Et tout le peuple fut frappé de surprise, de ce qu’il ne. s’était point manifesté en eux de péché. Et le grand-prêtre dit : « Dieu n’a point manifesté votre péché, et je ne vous condamnerai pas. » Et il les renvoya absous. Et Joseph prit Marie, et il la ramena chez lui, plein de joie et glorifiant le Dieu d’Israël.

chapitre XVII.

L’empereur Auguste rendit un édit pour que tous ceux qui étaient à Bethléem eussent à se faire enregistrer. Et Joseph dit : « Je ferai enregistrer mes fils, mais que ferai-je à l’égard de cette femme ? Comment la ferai-je inscrire? La ferai-je inscrire comme mon épouse? Elle n’est pas mon épouse, et je l’ai reçue en dépôt du temple du Seigneur. Dirai-je qu’elle est ma fille? Mais tous les enfants d’Israël savent qu’elle n’est pas ma fille. Que ferai-je donc à son égard »? El Joseph sella une ânesse, et il fit monter Marie sur cette ânesse. Joseph et Simon suivaient à trois milles. Et Joseph s’étant retourné, vit que Marie était triste, et il dit : « Peut-être ce qui est en elle, l’afflige. » Et s’étant retourné de nouveau , il vit qu’elle riait, et il lui dit : « O Marie, d’où vient donc que ta figure est tantôt triste et tantôt gaie ?» Et Marie dit à Joseph : « C’est parce que je vois deux peuples de mes yeux, l'un pleure et gémit , l’autre rit et se livre à la joie. » Et étant arrivés au milieu du chemin, Marie lui dit : « Fais-moi descendre de mon ânesse, parce que ce qui est en moi me presse extrêmement; « et Joseph la fit descendre de dessus l'ânesse et il lui dit : « Où est-ce que je t’amènerai, car ce lieu est désert? »

chapitre XVIII.

Et trouvant en cet endroit une caverne, il y fit entrer Marie, et il laissa son fils pour la garder, et il s’en alla à Bethléem chercher une sage-femme. El lorsqu’il était en marche, il vit le pôle ou le ciel arrêté, et l’air était obscurci, et les oiseaux s’arrêtaient au milieu de leur vol. Et regardant à terre, il vit une marmite pleine de viande préparée, et des ouvriers qui étaient couchés et dont les mains étaient dans les marmites. Et, au moment de manger, ils ne mangeaient pas, et ceux qui étendaient la main, ne prenaient rien, et ceux qui voulaient porter quelque chose à leur bouche, n’y portaient rien, et tous tenaient leurs regards élevés en haut. Et les brebis étaient dispersées, elles ne marchaient point, mais elles demeuraient immobiles. Et le pasteur, élevant la main pour les frapper de son bâton, sa main restait sans s’abaisser. Et regardant du côté d’un fleuve, il vit des boucs dont la bouche touchait l’eau, mais qui ne buvaient pas, car toutes choses étaient en ce moment détournées de leur cours.

CHAPITRE XIX.

Et voici qu’une femme descendant des montagnes, lui dit : « Je te demande où tu vas? » Et Joseph répondit : « Je cherche une sage-femme de la race des Hébreux. » Et elle lui dit : « Es-tu de la race d’Israël ?» Et il répliqua que oui. Elle dit alors : « Et quelle est cette femme qui enfante dans cette caverne ? « Et il répondit : « C’est celle qui m’est fiancée. » Et elle dit : « Elle n’est pas ton épouse ?» Et Joseph dit : « Ce n’est pas mon épouse, mais c’est Marie qui a été élevée dans le temple du Seigneur» et qui a conçu du Saint-Esprit. » Et la sage-femme lui dit : « Est-ce que c’est véritable ? » Et il dit : « Viens-le voir. » Et la sage-femme alla avec lui. Et elle s’arrêta quand elle fut devant la caverne. Et voici qu’une nuée lumineuse couvrait cette caverne. Et la sage-femme dit : « Mon âme a été glorifiée aujourd'hui, car mes yeux ont vu des merveilles. » Et tout d’un coup la caverne fut remplie d’une clarté si vive que l’œil ne pouvait la contempler, et quand cette lumière se fut peu à peu dissipée, l’on vit l’enfant. Sa mère Marie lui donnait le sein. Et la sage-femme s’écria : « Ce jour est grand pour moi, car j’ai vu un grand spectacle. » Et elle sortit de la caverne, et Salomé fut au devant d’elle. Et la sage-femme dit à Salomé : « J’ai de grandes merveilles à te raconter ; une vierge a engendré, et elle reste vierge. » Et Salomé dit : « Vive le Seigneur mon Dieu ; si je ne m’en assure pas moi-même , je ne croirai pas. »»

chapitre XX.

Et la sage-femme, rentrant dans la caverne , dit a Marie : « Couche-toi, car un grand combat t’est réservé. » Salomé l’ayant touchée, sortit en disant : « Malheur à moi, perfide et impie, car j’ai tenté le Dieu vivant. Et ma main brûlée d’un feu dévorant tombe et se sépare de mon bras. » Et elle fléchit les genoux devant Dieu , et elle dit : « Dieu de nos pères, sou-viens-toi de moi, car je suis de la race d’Abraham , d’Isaac et de Jacob. Et ne me confonds pas devant les enfants d’Israël, mais rends-moi à mes parents. Tu sais, Seigneur, qu’en ton nom j’accomplissais toutes mes cures et guérisons, et c’est de toi que je recevais une récompense. » Et l’ange du Seigneur lui apparut et lui dit : « Salomé, Salomé, le Seigneur t’a entendue; tends la main à l’enfant, et porte-le; il sera pour toi le salut et la joie. » Et Salomé s’approcha de l’enfant et elle le porta dans ses bras, en disant : « Je t’adorerai, car un grand roi est né en Israël. » Et elle fut aussitôt guérie, et elle sortit de la caverne justifiée. Et une voix se fit entendre près d’elle, et lui dit : « N’annonce pas les merveilles que tu as vues, jusqu’à ce que l’enfant soit entré à Jérusalem. (7)

CHAPITRE XXI.

Et voici que Joseph se prépara à aller en Judée. Et il s’éleva un grand tumulte à Bethléem, parce que les mages vinrent, disant : « Où est celui qui est né le roi des Juifs? Nous avons vu son étoile dans l'Orient, et nous sommes venus pour l’adorer. » (8) Et Hérode, entendant cela, fut troublé, et il envoya des émissaires auprès des mages. Et il convoqua les princes des prêtres, et il les interrogea, disant : « Qu’y a-t-il d’écrit au sujet du Christ ? Où doit-il naître ? « Et ils dirent : « À Bethléem en Judée, car c’est écrit. » Hérode les renvoya, et il questionna les mages, disant : « Apprenez-moi où vous avez vu le signe qui indique le roi nouveau-né ? » Et les mages dirent : « Son étoile s’est levée brillante, et elle a tellement surpassé en clarté les autres étoiles du ciel que l’on ne les voyait plus. Et nous avons ainsi connu qu’un grand roi était né en Israël, et nous sommes venus l’adorer. » Hérode leur dit : « Allez, et informez-vous de lui, et si vous le trouvez, venez m’en informer afin que j’aille l’adorer. » Et les mages s’en allèrent, et voici que l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les conduisit jusqu’à ce qu’elle entra dans la caverne, et elle s’arrêta au-dessus de l’entrée de la caverne. (9) Et les mages virent un enfant avec Marie sa mère, et ils l’adorèrent. Et tirant des offrandes de leurs bourses, ils lui pré-semèrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Et l’ange les ayant informés qu’ils ne devaient pas retourner vers Hérode , ils prirent un autre chemin pour revenir dans leur pays.

CHAPITRE XXII.

Hérode voyant que les mages l’avaient trompé, fut saisi de fureur, et il envoya des meurtriers mettre à mort tous les enfants qui étaient à Bethléem, âgés de deux ans et au-dessous. Et Maris, apprenant que l’on massacrait les enfants, fut remplie de crainte; elle prit l’enfant, et l'ayant enveloppé de langes, elle le coucha dans la crèche des bœufs. Élizabeth, informée que l’on cherchait Jean, s’enfuit dans les montagnes, et elle regardait autour d’elle pour voir où elle le cacherait, et elle ne trouvait aucun endroit favorable. Et elle dit à voix haute et en gémissant: « O montagne de Dieu , reçois la mère avec le fils. מ Et aussitôt la montagne qu’elle ne pouvait gravir, s’ouvrit et les reçut. Une lumière miraculeuse les éclairait, et l’ange du Seigneur était avec eux et les gardait.