HISTOIRE DE JOSEPH LE CHARPENTIER.
Cette légende fut publiée pour la première fois à Leipzig en 1722, par un érudit suédois, George Wallin ; il en donna le texte arabe d’après un manuscrit de la bibliothèque du roi à Paris (1) , il y joignit une version latine et des notes. Personne après lui ne s’occupa pendant longtemps du texte arabe ; Fabricius se borna à reproduire la traduction latine dans le tome II (p. 309-331) de son Codex pseudepigraphus Vet. Test, mais il supprima les notes de Wallin et il n’en mit point d’autres à leur place. Deux siècles avant l’éditeur Suédois, un dominicain d’Italie qui dédiait son ouvrage au pape Adrien· VI, Isidore de Isolants avait fait mention dans sa Summa de donis S. Josephi de la légende dont nous nous occupons ; elle était fort répandue parmi les Coptes ; divers auteurs ont parlé d’une version latine qui en fut faite, au milieu du xiv· siècle, sur un texte hébreu et qui paraît perdue.
Thilo a donné le texte arabe d’après une révision soigneuse, et il a fait disparaître bien des erreurs qu’avait laissées subsister son prédécesseur ; il a conservé celles de ses notes qui lui ont paru renfermer le plus d’intérêt. Wallin regardait cette légende comme antérieure au ive siècle; son style est d’une grande simplicité; il ne se ressent point de l’enflure et de la recherche métaphorique dont aucun des écrivains arabes que nous connaissons n’a su se préserver, il conserve toutefois de l’élévation ; il s’y rencontre des passages fortement empreints dé la couleur biblique; une foi vive, une teinte patriarcale y domine partout.
Par une fiction hardie, fauteur place son récit dans la bouche du Sauveur lui-même, et parfois aussi il parait s’énoncer en son nom personnel. Il y règne dans quelques phrases une obscurité qui résulte de lacunes ou d’erreurs de copistes ; nous nous sommes efforcés , sans nous écarter du texte, d’offrir toujours un sens aussi clair que possible, et nous avons profité, pour atteindre ce but, des conseils d’un orientaliste éclairé auquel nous avons soumis notre version. Un examen attentif fait reconnaître dans le texte arabe des locutions appartenant à l’idiôme vulgaire, et l’on est fondé à y voir une traduction faite vers le xii· siècle, sur une relation écrite en copte et restée inédite jusqu’à ce jour.
Une preuve de la haute antiquité à laquelle remonte la rédaction primitive de cette légende, c’est que les erreurs du millénarisme y ont laissé des traces. On sait que celte croyance fut très-répandue dans les deux premiers siècles et que des docteurs vénérables l’adoptèrent ou n’osèrent la condamner. Les millénaristes prétendaient que Jésus-Christ devait régner sur la terre avec ses saints dans une nouvelle Jérusalem, pendant raille ans avant le jour du jugement ; ce que certains d’entre eux racontaient de cet empire céleste ressemblait fort au paradis que se promettent les Musulmans. Gérinthe donna le premier de la vogue à cette opinion ; elle flattait trop les penchants de l’humaine espèce pour ne pas faire de nombreux prosélytes ן Papias l’épura et crut la démontrer par le 20e chapitre de l’Apocalypse. On peut consulter d’ailleurs l’Historia critica Chiliasmi de Corrodius. Un certain nombre de théologiens anglicans ont embrassé pareilles opi-nions. Tout récemment en 1842, le docteur J. Griffilhs, s’en est déclaré le champion le plus déterminé dans sa Défense du Millénarisme.
Les évangélistes parlent fort peu de saint Joseph; ce n’est que dans les premiers chapitres de saint Mathieu et de saint Luc qu’il en est fait mention en peu de mots. Il n’en est plus reparlé après le voyage à Jérusalem avec Jésus et Marie ; il était sans doute déjà mort lorsque Jésus-Christ commença à enseigner.
Au nom de Dieu, un en son essence et triplé en ses personnes.
Histoire de là mort de notre père, lé saint Vieillard Joseph, le charpentier; que ses bénédictions et ses prières nous protègent tous, ô frères. Ainsi soit-il !
Sa vie fut de cent onze ans (2), et son départ de ce monde arriva le vingtième du mois d'Abib qui répond au mois d’Ab (3). Que sa prière nous protège. Ainsi soit-il !
C’est notre Seigneur Jésus-Christ lui-même qui a raconté cette histoire aux saints ses disciples sur le mont des Oliviers, leur narrant tous les travaux de Joseph et la consommation de ses jours; les saints apôtres conservèrent ce discours et le laissèrent consigné par écrit dans la bibliothèque à Jérusalem. Que leur prière nous protège ! Ainsi soit-il !
Il arriva un jour que le Sauveur, notre Dieu, Seigneur et maître, Jésus-Christ, était assis avec ses disciples sur le mont des Oliviers et que tous étaient réunis ensemble, et il leur dit : O mes frères et mes amis, enfants du père qui vous a choisis parmi tous les hommes, vous savez que je vous ai souvent annoncé qu’il fallait que je fusse crucifié et que je mourusse à cause du salut d’Adam et de sa postérité, et afin que je ressuscite d’entre les morts. J’ai à vous confier la doctrine du Saint-Évangile qui vous a déjà été annoncée afin que vous la prêchiez dans le monde entier, et je vous couvrirai de la vertu d’en haut, et je vous remplirai de l’Esprit-Saint Vous annoncerez à toutes les nations la pénitence et la rémission des péchés. Car un seul verre d’eau, si un homme le trouve dans le siècle futur, est plus précieux et plus grand que toutes les richesses de ce monde entier, et l’espace que peut occuper un seul pied dans la maison de mon Père l'emporte en excellence et en valeur sur tous les trésors de la terre. Une seule heure dans l’heureuse habitation des justes donne plus de joie et a plus de prix que mille années parmi les pécheurs; car leurs gémissements et leurs plaintes ne cesseront point et leurs larmes n’auront point de fin, et ils ne trouveront à aucun moment ni consolation ni repos. Et maintenant, vous qui êtes mes membres honorables, allez, prêchez à toutes les nations, portez-leur la nouvelle loi, et dites-leur : Le Seigneur s’informe diligemment de l'héritage auquel il a droit; il est l’administrateur de la justice. Et les anges châtieront ses ennemis et combattront au jour de la bataille. Et Dieu examinera chaque parole oiseuse et insensée qu’auront dite les hommes et ils en rendront compte, car personne ne sera exempt de la loi de mortalité et les œuvres de chacun seront mises au grand jour au moment du jugement, soit qu’elles aient été bonnes, soit qu’elles aient été mauvaises. Annoncez cette parole que je vous ai dite aujourd’hui : Que le fort ne tire point vanité de sa force, ni le riche de ses richesses ; mais que celui qui veut être glorifié, se glorifie dans le Seigneur.
Il fut un homme dont le nom était Joseph qui était originaire de Bethléem, delà ville de Judas et de la cité du roi David (6). H était instruit et savant dans la doctrine de la loi, et il fut fait prêtre dans le Temple du Seigneur. Il exerça aussi la profession de charpentier en bois, et selon l’usage de tous les hommes, il prit une épouse. Et il engendra d’elle des fils et des filles, savoir : quatre fils et deux filles. Et les noms des fils sont Jude, Juste» Jacques et Simon. Les noms des deux filles étaient Assia et Lydia. L’épouse de Joseph le Juste mourut enfin, après avoir eu la gloire de Dieu pour but dans chacune de ses actions. Et Joseph, cet homme juste, mon père selon la chair, et le fiancé de Marie, ma mère, travaillait avec ses fils, s’occupant de son métier de charpentier.
Lorsque Joseph le Juste devint veuf, Marie, ma mère bénie, sainte et pure, avait accompli sa douzième année, ses parents l’avaient offerte dans le temple, lorsqu’elle n’avait que trois ans, et elle passa neuf ans dans le temple du Seigneur. Alors quand les prêtres virent que cette vierge sainte et craignant Dieu, entrait dans l’adolescence, ils parlèrent entre eux, disant : " Cherchons un homme juste et pieux auquel nous confierons Marie jusqu’au temps des noces, de crainte que si elle reste dans le temple, il ne lui arrive ce à quoi les femmes sont sujettes et que nous ne péchions en son nom et que Dieu ne s’irrite contre nous. »
Et immédiatement, envoyant des messagers, ils convoquèrent douze vieillards de la tribu de Judas. Et ils écrivirent les noms des douze tribus d’Israël. Et le sort tomba sur un pieux vieillard, Joseph le Juste. Et les prêtres dirent à ma mère bénie : « Va avec Joseph et demeure avec lui jusqu’au temps des noces. » Et Joseph le Juste reçut ma mère et il la conduisit dans sa maison. Et Marie trouva Jacques le mineur, et il était abattu et désolé dans la maison de son père à cause de la perte de sa mère, et elle en prit soin. Et de là vient que Marie a été appelée la mère de Jacques. Ensuite Joseph, la laissant dans sa maison, alla dans l'atelier où il exerçait la profession d’ouvrier charpentier. Et quand la Sainte-Vierge fut restée dans 8a maison deux ans, elle accomplit sa quatorzième animée.
Je l’ai chérie d’un mouvement particulier de la volonté, avec le bon plaisir de mon Père et le conseil de l'Esprit-Saint. Et j’ai été incarné en elle, par un mystère qui surpasse l'intelligence de toute créature. Et trois mois s’étant écoulés après la conception, l’homme juste , Joseph, revint de l’endroit où il exerçait son métier. Et quand il reconnut que la Vierge, ma mère, était enceinte, il fut troublé dans son esprit et il songeait à la renvoyer en secret. Et, dans sa frayeur, sa tristesse et l’angoisse de son cœur, il ne put ni boire, ni manger de ce jour.
Mais vers le milieu du jour, le prince des anges, Gabriel, lui apparut en songe, exécutant l’ordre qu’il avait reçu de mon Père. Et il lui dit : Joseph, le saint fils de David, ne crains point de recevoir Marie pour ta fiancée. Car elle a conçu de l'Esprit-Saint et elle engendrera un fils qui aura le nom de Jésus. C'est lui qui gouvernera toutes les nations avec un sceptre de fer. » L’ange, ayant ainsi parlé, s’éloigna. Et Joseph , se levant de son sommeil , obéit à ce que lui avait prescrit l'ange du Seigneur. Et Marie resta avec lui.
Et, quelque temps s'étant écoulé, il parut un édit de l'empereur et roi Auguste, afin que chacun sur le monde habitable se fît inscrire dans sa propre ville. Et le juste vieillard, Joseph, se levant, prit avec lui la vierge Marie et ils vinrent à Bethléem ; le moment de sa délivrance approchait. Et Joseph inscrivit son nom sur le registre ; car Joseph, fils de David, dont Marie était la fiancée fut de la tribu de Judas. Et ma mère Marie m'enfanta dans une caverne, près du sépulcre de Rachel, femme du patriarche Jacob et mère de Joseph et de Benjamin.
Mais Satan alla et il annonça ces choses à Hérode, le grand-père d’Archelaüs (5). Et cet Hérode était celui qui ordonna de décapiter Jean, mon ami et parent. Il me fil alors chercher avec soin, pensant que mon royaume était de ce monde. Mais le pieux vieillard Joseph en fut averti en songe. Et se levant, il prit Marie, ma mère et elle m’emporta dans ses bras. Et Salomé se joignit à eux pour les accompagner dans leur voyage. Partant donc de sa maison, il se retira en Égypte. Et il y demeura une année entière, jusqu’à ce que le courroux d’Hérode se fût dissipé.
Hérode mourut d’une façon horrible, portant la peine du sang innocent qu’il avait versé lorsqu’il avait fait périr injustement des enfants dans lesquels il n’y avait point de péché. (6) Et cet impie et tyrannique Hérode étant mort, mes parents revinrent dans la terre d’Israël. Et ils habitèrent dans une ville de Galilée que l’on nomme Nazareth. Joseph, reprenant sa profession de charpentier, gagnait sa vie par le travail de ses mains; car il ne dut jamais sa nourriture au travail d’autrui, ainsi que l’avait prescrit la loi de Moïse.
Les années s’écoulaient, le vieillard s’avança grandement en âge. Il n’éprouva cependant aucune infirmité corporelle, la vue ne le quitta point et aucune des dents de sa bouche ne tomba. Et son esprit ne connut jamais un moment de délire. Mais, semblable à un enfant, il portait dans toutes ses occupations la vigueur de la jeunesse. Et il conservait ses membres entiers et exempts de toute douleur. Et sa vieillesse était fort fort avancée, car il avait atteint l’âge de cent onze ans.
Juste et Simon, fils aînés de Joseph, ayant pris des épouses, allèrent dans leurs familles, et ses deux filles se marièrent aussi et elles se retirèrent dans leurs maisons. Et il restait dans la maison de Joseph, Jude et Jacques le Mineur et la vierge ma mère. Et je demeurais avec eux, comme si j’avais été un de ses fils. J’ai passé toute ma vie sans avoir commis aucune faute. J’appelai Marie ma mère et Joseph mon père, et je leur étais soumis en tout ce qu’ils prescrivaient. Et je ne leur ai jamais désobéi, mais je me conformai Meurs volontés, comme le font les autres hommes qui naissent sur la terre. Et je n’ai jamais provoqué leur colère, ni ne leur ai opposé une parole dure ou une réponse qui montrât de l’irritation. Au contraire, je leur ai témoigné un grand attachement, les chérissant comme la prunelle de l’œil (7).
Il arriva ensuite que l’instant de la mort du pieux vieillard Joseph approcha et que vint le moment où il devait quitter ce monde comme les autres hommes qui sont assujettis h revenir à la terre. Et son corps étant près de sa destruction, l’ange du Seigneur lui annonça que l’heure de sa mort était proche. Alors la crainte s’empara de lui et son esprit tomba dans un trouble extrême. Et, se levant, il alla à Jérusalem. Et, étant entré dans le temple du Seigneur, et répandant des prières devant le sanctuaire, il dit :
O Dieu ! auteur de toute consolation, Dieu de toute miséricorde et Seigneur du genre humain entier,
Dieu de mon âme, de mon esprit et de mon corps, je t’adore en suppliant, ô mon Dieu et Seigneur; si mes jours sont déjà consommés et si le temps arrive où je dois sortir de ce monde, envoie, je te le demande, le grand Michel, le prince de tes anges. Et qu’il demeure avec moi afin que mon âme misérable sorte de ce corps débile sans souffrance, sans crainte et sans impatience, car un grand épouvantement et une violente tristesse s’emparent de tous les corps au jour de leur mort ,qu’ils soient mâles ou femelles, bêtes des champs ou des bois, qu’ils rampent sur la terre ou qu’ils volent dans Pair. Toutes les créatures qui sont sous le ciel et dans lesquelles est l’esprit do vie, sont frappées d’horreur, d’une grande crainte et d’une répugnance extrême , lorsque leurs âmes sortent de leurs corps. Maintenant, ô mon Dieu et Seigneur, que ton saint ange prête son assistance à mon âme et à mon corps, jusqu’à ce que leur séparation se soit opérée. Et que la face de fange, désigné pour me garder depuis le jour où j’ai été formé, ne se détourne pas de moi. Mais qu'il soit mon compagnon jusqu’à ce qu’il m'ait conduit à toi. Que son visage soit pour moi plein d’allégresse et de bienveillance et qu’il m’accompagne en paix. Ne permets pas que les démons dont l’esprit est formidable, s’approchent de moi sur le chemin par lequel je dois aller jusqu’à ce que je parvienne heureusement à toi. Et ne permets pas que les gardien! du Paradis m’en interdisent l’entrée. Et dévoilant mes fautes, ne m’expose pas à l’opprobre, en face de ton tribunal redoutable. Que les lions ne se précipitent pas sur moi. Et que les flots de la mer de feu que toute âme doit traverser ne submergent pas mon âme avant que je n’aie contemplé la gloire de ta divinité. O Dieu, juge très-équitable qui jugera les mortels dans la justice et qui traitera chacun selon ses œuvres, assiste-moi dans ta miséricorde et éclaire ma voie pour que je parvienne à toi. Car tu es la source abondante en tous biens et la gloire pour l’éternité. Ainsi soit-il !
Il arriva ensuite lorsque Joseph revint chez lui, dans la ville de Nazareth que, saisi par la maladie, il fut retenu au lit. Et le temps était venu où il devait mourir, ainsi que c’est le destin de tous les hommes. Et il éprouvait une vive souffrance de cette maladie, et c’était la première dont il eût été atteint depuis le jour de sa naissance. Et c’est ainsi qu’il avait plu au Christ d’ordonner les choses relatives à Joseph. Il vécut quarante ans avant de contracter mariage. Sa femme passa avec lui quarante-neuf ans, et quand ils furent écoulés, elle mourut. Un an après sa mort, les prêtres confièrent à Joseph, ma mère, la bienheureuse Marie, afin qu’il la gardât jusqu’au temps des noces. Elle resta deux ans dans sa maison et la troisième année de son séjour chez Joseph, étant âgée de quinze ans, elle m’enfanta sur la terre par un mystère qu’aucune créature ne peut pénétrer ni comprendre, si ce n’est moi, mon Père et l'Esprit-Saint, constituant avec moi une unique essence.
L’âge de mon père, ce vieillard juste, arriva ainsi à cent onze ans, mon père céleste Payant voulu. Et le jour auquel son âme se sépara de son corps, était le vingt-sixième jour du mois d’Abib. Il commença à perdre un or d’une splendeur éclatante, c'est-à-dire, son intelligence à la science. Il prit du dégoût pour les aliments et la boisson, et il perdit toute son habileté dans l’art de charpentier. Et il arriva le vingt-sixième jour du mois d’Abib que l’âme du vieillard Joseph le Juste fut inquiète pendant qu’il était en son lit. Car il ouvrit sa bouche., poussant des soupirs et il frappa ses mains l’une contre l’autre. Et il cria d’une voix élevée, parlant de cette manière :
Malheureux le jour auquel je suis né dans ce monde ! Malheureux le ventre qui m’a porté 1 Malheureuses les entrailles qui m’ont reçu ! Malheureuses les mamelles qui m’ont allaité! Malheureux les pieds sur lesquels je me suis soutenu ! Malheureuses les mains qui m’ont porté et m’ont élevé jusqu’à ce que j’eusse grandi ; car j’ai été conçu dans l’iniquité et ma mère m’a engendré dans le péché. Malheur à ma langue et à mes lèvres car elles ont parlé et elles ont proféré des paroles de vanité, de reproche, de mensonge, d’ignorance, de dérision, d’instabilité et d’hypocrisie ! Malheur à mes yeux, car ils ont contemplé le scandale! Malheur à mes oreilles, car elles se délectaient aux discours des calomniateurs! Malheur à mes mains, car elles ont pris ce qui n’était point leur propriété ! Malheur à mon ventre et à mes intestins, car ils ont voulu une nourriture dont l’usage leur était interdit ! Malheur à mou gosier qui, semblable à du feu, consumait tout ce qu’il trouvait! Malheur à mes pieds qui ont souvent cheminé dans des voies déplaisantes à Dieu ! Malheur à mon corps et malheur à mon âme rebelle à Dieu, son créateur ! Que ferai-je lorsque j’arriverai à l’endroit où je dois paraître devant le juge de toute équité et lorsqu’il me reprochera les œuvres que j’ai accumulées dans ma jeunesse! Malheur à tout homme qui meurt dans ses péchés ! Cette heure terrible qui a déjà frappé mon père Jacques, lorsque son âme s’envola de son corps, la voici! elle est proche. Oh! qu’aujourd'hui je suis misérable et digne de compassion. Mais Dieu seul est le directeur de mon âme et de mon corps ; qu’il en agisse avec eux selon son bon vouloir.
Ce furent les paroles que prononça Joseph, ce juste vieillard. Et moi, entrant et m’approchant de lui, je trouvai son âme véhémentement troublée, car il était livré à une grande angoisse. Et je lui dis : « Salut, Joseph, mon père, homme juste ; comment est ta santé ?» Et il me répondit : « Je te salue maintes fois, ô mon fils chéri ! La douleur et la crainte de la mort m’ont déjà entouré ; mais, aussitôt que j’ai entendu ta voix, mon âme a connu le repos. O Jésus de Nazareth, Jésus mon consolateur, Jésus le libérateur de mon âme, Jésus mon protecteur ! Jésus, ô nom très-doux dans ma bouche et pour ceux qui l’ai· ment ! Œil qui vois et oreille qui entends, exauce-moi. Moi, ton serviteur, je te vénère aujourd’hui en toute humilité, et je répands mes larmes devant toi. Tu es mon Dieu, tu es mon Seigneur, ainsi que l’ange me l’a annoncé bien souvent, et surtout en ce jour que mon âme flottait agitée en de mauvaises pensées, à cause de la pure et bénie Marie qui avait conçu, et que je songeais à renvoyer en secret. Et tandis que je méditais ce projet, voici que. par un mystère admirable. les anges du Seigneur m’apparurent pendant mon sommeil, me disant : O Joseph, fils de David, ne crains point de prendre Marie pour ta fiancée, et ne t’afflige pas de ce qu’elle a conçu, et ne profère pas à cet égard des paroles répréhensibles, car elle est enceinte par l’opération de l'Esprit-Saint, et elle engendrera un fils qui portera le nom de Jésus, et c’est lui qui rachètera les péchés de son peuple. Ne me reprends donc pas de ma faute, Seigneur, car j’ignorais les mystères de ta nativité. Je me souviens, Seigneur, du jour lorsqu’un enfant périt de la morsure d’un serpent. Ses parents voulaient te livrer à Hérode, disant que tu l’avais fait mourir. Mais tu le ressuscitas d’entre les morts, et tu le leur rendis. Alors, m’approchant de toi, et te prenant la main, je te dis : « Mon fils, prends garde à toi. » Mais tu me répondis : « N’es-tu pas mon père selon la chair? je l’enseignerai qui je suis. » Et maintenant, ô mon Seigneur et mon Dieu, ne t’irrite pas contre moi, et ne me condamne pas à cause de cette heure. Je suis ton esclave et le fils de ta servante. Toi. tu es mon Seigneur, mon Dieu et mon Sauveur, et très-certaine-ment le fils de Dieu,
Lorsque mon père Joseph eut ainsi parlé, il ne put pleurer davantage- Et je vis que la mort le dominait déjà. Et ma mère, la Vierge sans tache, se levant et s’approchant de moi, dit : « O mon fils chéri, ce pieux vieillard, Joseph, va trépasser. » Et je lui répondis : « O ma mère bien-aimée, cette même nécessité de mourir a été imposée à toutes les créatures qui naissent en ce monde, car la mort a obtenu son droit assuré sur tout le genre humain. Et toi, ma mère, et tout le reste des êtres humains, vous devez vous attendre à voir se terminer votre vie. Mais ta mort, ainsi que la mort de ce pieux vieillard, n’est point une mort, mais une entrée dans la vie qui est éternelle et qui ne connaît point de fin. Et le corps que j’ai reçu de toi est également sujet à la mort. Mais lève-toi, ma mère, digne de toute vénération, et approche-toi de Joseph, ce vieillard béni, afin que tu voies ce qui arrivera au moment où son âme se séparera de son corps. »
Et Marie, ma mère sans tache, alla donc, et elle entra dans l’endroit où était Joseph, et j’étais assis à ses pieds, le regardant Les signes de la mort apparaissaient déjà sur son visage. Et ce bienheureux vieillard, levant la tête, me regarda en fixant sur moi les yeux. Mais il n’avait nullement la force de parler, à cause de la douleur de la mort qui le tenait enveloppé, et il poussait de grands soupirs. Et je lins ses mains durant l’espace d’une heure entière. Et lui, ayant tourné son visage vers moi, me faisait signe de ne point l’abandonner. Ayant ensuite posé ma main sur sa poitrine, je pris son âme, déjà près de sa gorge, et au moment de sortir de sa retraite.
Quand ma mère, toujours vierge, vit que je touchais le corps de Joseph, elle lui toucha les pieds. Et les trouvant déjà privés de vie et refroidis, elle me dit : « O mon cher fils, ses pieds commencent déjà à se refroidir, et ils sont froids comme la neige. » Ayant ensuite réuni ses fils et ses filles, elle leur dit : « Venez, tous tant que vous êtes, et approchez de votre père, car il est certainement arrivé à son dernier moment. » Et Assia, fille de Joseph, répondit : « Malheur à moi, ô mes frères, car c’est la même maladie dont est morte notre mère bien-aimée. » Elle pleurait et poussait des cris de douleur, et tous les autres enfants de Joseph répandirent aussi des larmes. Et moi, et Marie, ma mère, nous pleurions avec eux.
Et me retournant vers le midi, je vis la mort qui s’approchait, et avec elle toutes les puissances de l’abîme, leurs armées et leurs satellites. Et leurs vêtements, leurs bouches et leurs visages jetaient du feu. Quand mon père Joseph les vit venir à lui, ses yeux furent inondés de larmes. Et, en même temps, il gémit d’une manière extraordinaire. Alors, voyant la violence de ses soupirs, je repoussai la mort et toute la foule de ses ministres dont elle était accompagnée, et j’invoquai mon père miséricordieux, disant :
O père de toute clémence, œil qui vois et oreille qui entends ! écoute mes supplications et mes prières pour le vieillard Joseph, et envoie Michel, le prince de tes anges, et Gabriel, le héraut de la lumière, et toute la lumière de tes anges, et que tout leur ordre chemine avec l’âme de mon père Joseph jusqu’à ce qu’ils te l’aient amenée. Voici l’heure où mon père a besoin de miséricorde. Et je vous dis que tous les saints, bien plus tous les hommes qui naîtront dans ce monde, qu’ils soient justes ou pervers, doivent nécessairement goûter la mort (8).
Michel et Gabriel vinrent donc vers l’âme de mon père Joseph. Et l’ayant prise, ils la plièrent dans un linceul éclatant. Il rendit ainsi l’esprit dans les mains de mon père le miséricordieux, et la paix lui fut accordée, et aucun de ses enfants ne sut qu’il s’était endormi. Mais les anges préservèrent son âme des démons de ténèbres qui étaient sur la route, et ils louèrent Dieu, jusqu’à ce qu’ils l’eurent conduite au lieu qu’habitent les justes.
Son corps resta étendu et sans couleur. Car, ayant approché mes mains de ses yeux, je les avais fermés; j’avais fermé sa bouche, et j’avais dit à la vierge Marie : « O ma mère, où est l’art auquel il s’est consacré pendant tout le temps qu’il a vécu en ce monde? Il a péri avec lui, et il est comme s’il n’avait jamais existé. » Quand les enfants de Joseph entendirent que je parlais avec ma mère, la Vierge sans tache, ils commirent qu’il avait expiré, et, versant des larmes, ils poussèrent des cris de douleur. Et je leur dis : « La mort de votre père n’est pas la mort, mais la vie éternelle. Car, délivré des tribulations de ce siècle, il est entré dans le repos éternel qui ne connaît point de fin. » Et quand ils entendirent ces paroles, ils déchirèrent leurs vêtements en pleurant.
Et quelques habitants de la ville de Nazareth et des gens de toute la Galilée, sachant leur désolation, vinrent à eux, et ils pleurèrent depuis la troisième jusqu’à la neuvième heure. Et, à la neuvième heure, ils allèrent tous à la chambre de Joseph, et ils emportèrent son corps, après l’avoir frotté de parfums précieux. Moi, j’adressais ma prière à mon père céleste, et cette prière est celle que j’écrivis de ma main avant que je ne fusse dans le sein de la vierge Marie, ma mère. Et dès que je l’eus finie, et que j’eus dit amen, une grande multitude d'anges apparut, et j’ordonnai à deux d’entre eux d'étendre une étoffe éclatante, et d’envelopper le corps de Joseph, le vieillard béni.
Et, m’approchant de Joseph, je dis : « L’odeur de la mort et la puanteur ne domineront point en toi, et nul verne sortira de ton corps. Aucun de tes membres ne sera brisé, ni aucun cheveu arraché de ta tête, et il ne périra aucune portion de ton corps, mon père Joseph, mais il restera entier et sans corruption jusqu’au festin de mille ans. Et tout mortel qui aura eu soin de faire ses offrandes au jour de ta commémoration, je le bénirai et je le rétribuerai dans l’assemblée des vierges. Et quiconque aura donné de la nourriture aux indigents, aux pauvres, aux veuves et aux orphelins, leur distribuant le fruit du travail de ses mains le jour que l’on célèbre ta mémoire, et en ton nom, il ne sera point dénué de biens durant tous les jours de sa vie. Quiconque aura donné en ton nom à une veuve ou à un orphelin un verre d’eau pour se désaltérer, je lui accorderai que tu partages avec lui le banquet des mille ans. Et tout homme qui aura soin de faire ses offrandes le jour de ta commémoration, je le bénirai et je le lui rendrai dans l’assemblée des vierges (9), et je lui rendrai trente, soixante et cent pour un. Et quiconque retracera l’histoire de ta vie, de tes épreuves et de ta séparation du monde, et ce discours sorti de ma bouche, je le confierai à ta garde, tant qu’il demeurera en celte vie. Lorsque son âme désertera son corps, et qu’il lui faudra quitter ce monde, je brûlerai le livre de ses péchés (10), et je ne le tourmenterai d’aucun supplice au jour du jugement (11) ; mais il traversera la mer de feu, et il la franchira sans douleur et sans obstacle ; tel ne sera point le sort de tout homme avide et dur qui n’accomplira pas ce que j’ai prescrit. Et celui auquel il naîtra un fils, et qui lui donnera le nom de Joseph, n’aura point de part à l’indigence, ni à la mort qui ne finit point. »
Les principaux habitants de la ville se réunirent ensuite dans le lieu où était placé le corps du saint vieillard Joseph. Et, apportant avec eux des bandes d’étoffes, ils voulurent l’envelopper selon l’usage répandu parmi les Juifs. Mais ils trouvèrent que son linceul tenait à son corps si fortement que, lorsqu’ils cherchèrent à l’enlever, il resta sans pouvoir être déplacé, et il avait la dureté du fer, et ils ne purent trouver en ce linceul aucune couture qui en indiquât les extrémités ; ce qui les remplit d’un grand étonnement. Enfin, ils le portèrent auprès de la caverne, et ils ouvrirent la porte afin de placer son corps avec ceux de ses pères (12). Alors il me revint à l’esprit le jour où il cheminait avec moi vers l’Égypte, et je songeai à toutes les peines qu’il avait supportées à cause de moi, et je pleurai sa mort beaucoup de temps. Et, me penchant sur son corps, je dis :
« O mort qui fais évanouir tonte science et qui excites tant de larmes et tant de cris de douleur, certes c’est Dieu, mon père, qui l’a accordé cette puissance. Les hommes périssent à cause de la désobéissance d’Adam et de sa femme Eve, et la mort n’épargne aucun d’eux. Mais nul ne peut être ôté de ce monde sans la permission de mon père. Il y a eu des hommes dont la vie s’est prolongée jusqu'à neuf cents ans : mais ils ne sont plus. Et quelque longue qu’ait été la carrière de certains d’entre eux, tous ont succombé, et aucun d’eux n’a jamais dit : « Je n’ai pas goûté la mort » Et il a plu à mon père d’infliger cette peine à l’homme, et aussitôt que la mort a vu quel commandement lui venait du ciel, elle a dit : « J’irai contre l’homme, et je ferai autour de lui un grand ébranlement. » Adam ne s’étant point soumis à la volonté de mon père, et ayant transgressé ses ordres, mon père, courroucé contre lui, l’a livré à la mort, et c’est ainsi que la mort est entrée en ce monde. Si Adam avait observé les ordres de mon père, la mort n’aurait jamais eu d’empire sur lui. Pensez-vous que je ne pourrai pas demander à mon père de m’envoyer un char de feu pour recevoir le corps de mon père Joseph, et le transporter dans un séjour de repos où il habile avec les saints ? Mais cette angoisse et celte punition de la mort est descendue sur tout le genre humain à cause de la prévarication d’Adam. Et, c’est pour ce motif, que je dois mourir selon la chair, non à cause de mes œuvres, mais pour que les hommes que j’ai créés obtiennent la grâce. »
Ayant dit ces paroles, j’embrassai le corps de mon père Joseph, et je pleurai sur lui. Les autres ouvrirent la porte du sépulcre, et ils déposèrent son corps à côté du corps de son père Jacques. Et lorsqu’il s’endormit, il avait accompli cent onze ans; et il n’eut jamais aucune dent qui lui occasionna de la douleur dans la bouche, et ses yeux conservèrent toute leur pénétration ; sa taille ne se courba point, et ses forces ne diminuèrent pas. Mais il s’occupa de sa profession d’ouvrier en bois jusqu’au dernier jour de sa vie. Et ce jour fut le vingt-sixième du mois d’Abib.
Nous les apôtres, quand nous eûmes entendu notre Sauveur, nous nous levâmes remplis d’allégresse, et lui ayant rendu hommage en nous inclinant profondément, nous dîmes : « O notre Sauveur, tu nous as fait une grande grâce, car nous avons entendu des paroles de vie. » Mais nous sommes surpris du sort d'Énoch et d’Élie, car ils n’ont pas été sujets h la mort (13). Ils habitent la demeure des justes jusqu’au jour présent, et leurs corps n’ont point vu la corruption. Et ce vieillard Joseph, Je charpentier, était ton père selon la chair. Tu nous as ordonné d’aller dans le monde entier prêcher le saint Évangile, et tu as dit : « Annoncez-leur la mort de mon père Joseph, et célébrez, par une sainte solennité, le jour consacré à sa fête. Quiconque retranchera quelque chose de ce discours, ou y ajoutera quelque chose, il commettra un péché. » Nous sommes aussi dans la surprise de ce que Joseph, depuis le jour que tu es né à Bethléem, t'ait appelé son fils selon la chair. Pourquoi donc ne l’as-tu pas rendu immortel ainsi que le sont Énoch et Élie? Et tu dis qu’il fut juste et élu.
Notre Sauveur répondit et dit : « La prophétie de mon père s’est accomplie sur Adam à cause de sa dé-»obéissance, et toutes choses s’accomplissent selon la volonté de mon père. Si l’homme transgresse les préceptes de Dieu, et s’il accomplit les œuvres du diable en commettant le péché, son âge s’accomplit ; il est conservé en vie pour qu’il puisse faire pénitence et éviter d’être remis aux mains de la mort. S’il s’est appliqué aux bonnes œuvres, l’espace de sa vie est prolongé, afin que la renommée de sa vieillesse s’accroissant, les justes imitent son exemple. Lorsque vous voyez un homme dont l’esprit est prompt à se mettre en colère, ses jours seront abrégés, car ce sont ceux qui sont enlevés à la fleur de leur âge. Toute prophétie que mon père a prononcée touchant les fils des hommes, doit s’accomplir en chaque chose. Et pour ce qui concerne Énoch et Élie, ils sont encore en vie aujourd’hui, gardant les mêmes corps avec lesquels ils sont nés. Et, quant à mon père Joseph, il ne lui a pas été donné, comme à eux, de rester en son corps ; et quand même un homme aurait vécu beaucoup de myriades d’années sur cette terre, il serait pourtant forcé d’échanger la vie contre la mort. Et je vous dis, ô mes frères, qu’il fallait qu’Énoch et Élie revinssent en ce monde à la fin des temps, et qu’ils perdissent la vie dans le jour des épouvantements, de l’angoisse, de l’affliction et de la grande commotion ; car l’Antéchrist (14) tuera quatre corps, et il répandra le sang comme de l’eau, à cause de l’opprobre auquel ils doivent l’exposer, et de l’ignominie dont, vivants, ils le frapperont lorsque son impiété sera découverte. »
Et nous dîmes :« O Notre Seigneur, Dieu et Sauveur ! quels sont ces quatre que tu as dit que l’Antéchrist devait faire périr, parce qu’il s’élèveraient contre lui? יי Et le Sauveur répondit : « Ce sont Énoch, Élie, Schila et Tabitha. » Lorsque nous entendîmes les paroles de notre Sauveur, nous nous réjouîmes et nous nous livrâmes à l’allégresse, et nous offrîmes toute gloire et action de grâce à Notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ C’est à lui que sont dus gloire, honneur, dignité, domination , naissance et louange, ainsi qu’au Père miséricordieux avec lui et au Saint-Esprit, vivifiant maintenant et dans tous les temps et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il (15).
(1) Ce manuscrit est indiqué au Catalogue de 1739, t. 1. p. ill, sous le n° civ des manuscrits arabes; Ton y ajoute qu'il Fut transcrit l’an de nôtre ère 1299, et que Vansleb en fit Pac-quisition au Caire. Assemani mentionne un manuscrit de celte même légende comme se trouvant au Vatican, écrit en caraclè· res syriaques et Zoëga a parlé d’un autre manuscrit en langue copte, que renfermait la riche collection du cardinal Borgia. Il s’en rencontre au Vatican d’autres dans ce même dialecte. C'est d’après le manuscrit Borgia, n° cxxi, fragment de huit feuillets, allant de la page 65 à 80, que M. Edouard Dulaurier a traduit le récit de là mort de saint Joseph qu’il a inséré dans un opus-cule fort intéressant, mis au jour en 1835. ( Fragment des Rc-relations apocryphes de saint Barthélemy et de l'histoire des Communautés religieuses fondées par saint Pakhome, Paris, Impr. Royale, 1835, 8·, 48 pages). Nous reviendrons plus tard sur ce fragment.
(2) En rapprochant de ce chiffre le calcul qu'on trouve au chapitre xiv, il en résulte que Joseph mourut dix-huit ans après la naissance de Jésus-Christ, ce qui s'accorde à peu près avec l’assertion de saint Épiphane, qui place l'époque de son décès lorsque Jésus-Christ avait douze ans, (torn. 11, p. 1042 de l'édition de Petau).
(3) Le mois d'Abib chez les anciens Égyptiens a porté depuis le nom d’Epiphi; les Copies lui donnent celui de Gupti. et les Musulmans d'Elkupti; le mois d'Ab, usité chez les Syro-Chal-déens, correspond partie à juillet et partie à août.
(4) La Vie de saint Joseph a été écrite en italien, par le ca-pucin A. M. Aflailuli. Gerson a composé un long poème inti-tulé Josephina ; il se trouve au iv· tome des œuvres de ce célè-bre chancelier de !'Université parisiennne (édit, de Dupin,
Anvers, 1706, 5 vol. in-ί”). — Voyez (railleurs le recueil des Bollandistes, t. 111 de Mars, p. 4-25 et Tilleinont. Dans la Cité mystique de la visionnaire Marie d’Agreda , on lit que Joseph avait un siège parmi ceux des apôtres et qu’il devait juger le monde. La liste des ouvrages rela!ifs à saint Joseph serait fort étendue ; nous laisserons de côté ceux des jésuites Binet, Barry, Dansqueje, ReissetetBiver; le Josephus du bénédictin Ch. Sten· gel (Munich 1616), se recommande aux bibliophiles par les estampes qui l'accompagnent et qui sont dues au burin de Sa-deler; on cite aussi le Josephus gemma mundî de Philippe de Vliesberghe (Douay 1621), et les Tabules eminent ium S,Josephi qualilatum de Charles de Saint-Paul. (Paris, 1629). Toutes que l’on possède de plus authentique, au sujet de saint Joseph, a été 1 ecueilli avec soin par dom Calmet, dans une dissertation spéciale.
(5) Hérode eut d’autres fils, enlr'autres Philippe et Antipas, entre lesquels Auguste partagea les états de leur père, mais il n’est fait mention que d’Archelaüs, sans doute parce que ce fut lui qui entra , immédiatement après la mort d’Hérode, en pos-session de la majeure partie du royaume de Judée.
(6) Plusieurs historiens racontent qu’llérode, en proie à une fièvre lente qui lui brûlait les entrailles et couvert d’ulcères qui engendraient une multitude de vers, expira dans des douleurs atroces. Voir Josèphe, Antiquités, xvir, 8, et Guerre des Juifs, t. 1, ch. 21 ; Eusèbe, Hist, eccles., 1,8; Prideaux, Hist, des Juifs, 1755, tara, vi, p. 233; la Légende dorée, etc.
(7) Façon de parler qui se retrouve souvent dans les Écritu-res î voir le Deutéronome, ch. 32, v. 10; Psaume 17, v. 8: Za-charte, ch. 11, v. 11·
(8) On trouve dans saint Mathieu (ch. xvi. 28), cette même expression énergique : non gustabunt mortem ; il en est fait usage dans une ancienne traduction latine du Coran : omnis anima gustabit mortem,
χ9) Une légère correction de lettres substituerait dans le texte arabe le mot d’hommes pieux à celui de vierges. Il faut cepen-dant remarquer que dans plusieurs passages de l’Écriture, cette dernière expression désigne les fidèles ( Psalm, xlv. 15; Math, ixv. 1. Apocal, xiv. 4״)
(10) Ce livre, dans lequel sont écrits les péchés des hommes, est une tradition rabbinique et musulmane. Il sera apporté au jour du jugement et compulsé par Fange Gabriel, à ce qu’assu-rent les commentateurs du Coran.
Ce serait une recherche curieuse, mais qui nous entrai-nerait trop loin, d’examiner quelles ont été les images sous les-quelles l’art chrétien a représenté l'âme. La plupart des Pères Font regardée comme une substance complètement incorpo-relie, et cependant quelques docteurs lui attribuaient volontiers une forme. Le vulgaire lui donna toujours un corps. Dans une foule de bas-reliefs, de peintures, elle est représentée sous l’as-pect d’une petite figure humaine, et les hagiographes abondent en récits relatifs à des bienheureux dont on voit l’âme monter au ciel. Parfois elle s’envole sous la forme d’une colombe.
In 6gure de colomb volât a ciel,
dit un cantique roman. Voir Prudence, hymne jx, et les passa-ges des Acta sanctorum, qu’indique Μ. E. du Meril. (Poésies populaires latines du moyen-âge, p. 319).
Quant aux soins que prend l’archange Michel de l’âme de Jo-seph, nous remarquerons que l’auteur de l'Évangile que nous traduisons s’est conformé à des traditions répandues de son temps.« Les rabbins (ditM. Alfred Maury, Revue archéologique, ■ t. 1, p. 105), admettaient que saint Michel présente à Dieu les » âmes des justes. (Voir Targum. in Cantie. IV, 12, et Resbith » Chochmach, c. 3), et les Juifs lisent encore dans la prière pour » les morts, appelée Tsiddouk Haddin, c’est-à-dire justification » du jugement : L’archange Michel ouvrira les portes du sanc-» tu aire, il offrira ton âme en sacrifice devant Dieu. L’ange li-» bérateur sera de compagnie avec lui jusqu’aux portes de Fern-» pire où est Israël. »
(11) Le jour du jugement est aussi appelé par les écrivains Arabes, le jour de la rémunération, le jour de la discrétion, le jour de la séparation, le jour de la pondération, le jour de la ▼engeance. Il doit durer mille ans et même cinquante mille, se· Ion quelques traditions musulmanes.
Il existe un ouvrage fort singulier du père Hyacinthe Lefe-bure, intitulé : Traité du Jugement dernier, ou Procet cri· minci des réprouvez, accusez, jugés et condamnez de Dieu, se· ion les formalitez de la justice, contenant Γordre et la forme
de procéder, juger et condamner en matière criminelle, selon les lois divines, canoniques et civiles, (Paris, 1671, Λ °) M. Al-fred Maury duns ses Recherches sur l'origine des représenta·‘ tions figurées de ta psychostasie, (Revue archéologique, t. 1, p. 248), a donné une idée fort exacte de ce livre étrange dédié au chancelier de Prance, Pierre Séguier. « L’auteur décrit mi-» nutieusemcnt toutes les formes du jugement dernier, tout » comme il l’eût fait dans un traité de procédure criminelle. Les » différentes phases du jugement sont ponctuellement suivies de-» puis la dénonciation, l'audition des accusateurs des parties » plaignantes, jusqu’à la citation, l'information, la consultation. » On y trouve tout, !'emprisonnement des réprouvés, l'interro-» gatoire, le récolement et la confrontation des témoins, l'extrait > du procès criminel fait par les rapporteurs, la liste des juges > qui composent le tribunal; en un mot, le père Hyacinthe Le-» febure s'est attaché à nous initier aux plus légers détails de » ce jugement terrible. »
(12) Les Hébreux plaçaient les corps des défunts dans des ca-▼ernes et dans des caveaux taillés dans le roc et que fermaient des portes d'une confection très-soignée. Consultez à cet égard les curieuses planches du savant ouvrage de J. Nicolaï (Leyde! 1706, 4°) de sepulchris Hebrœorum,
(13) La question de l’assomption d’Énoch et d’Élie exigerait une trop longue discussion, si nous voulions rapporter les opi-nions des divers docteurs à cet égard. Quant à Énoch, nous ren-verrons au Codex pseudepigraphus vet. Test, de Fabricius, t. 1, p. 160-223, à une dissertation de dom Calmet, reproduite avec quelques changements dans la Bible de Vence (T. I. p. 366-384» édit, de 1779) et à l'introduction dont M. A. Pichard a fait précéder sa traduction du Livre d,'Énoch sur l* Amitié (p. 21-32· Paris, 1838. S®). Nous en dirons aussi quelques mots dans une de nos notes sur ?Évangile de Nicodéme, et nous ajouterons que dans les écrits de quelques alchimistes, on trouve le récit d'un voyage que fait Alexandre-le-Grand à la montagne du Paradis ; il y rencontre un vieillard couché sur un lit d’or massif ; c’est Énoch ; « avant que l’eau du déluge ne couvrît la terre » dit le patriarche au conquérant a je connaissais tes actions. » Le livre connu sous le nom d’Énoch et dont le texte éthiopien nous a été conservé, paraît avoir été composé ou retouché par quel-que sabéen ; les géants y sont représentés comme ayant une stature de trois cents coudées; une pierre énorme supporte les quatre coins de là terre et six montagnes formées de pierres précieuses, brûlent nuit et jour, au sud du monde que nous habitons. Dans cet amas de rêveries, il règne une poésie obs-cure, sombre et grandiose; reflet de celle de l’Apocalypse, elle est un nouveau témoin de cette préoccupation d’une autre vie, de cette foi à l’inconnu, à l'invisible dont la littérature de tous les pays et de tous les peuples porte des traces si remarquables.
(14) On formerait une bibliothèque assez considérable en réu-hissant les divers ouvrages auxquels l'Antéchrist a donné lieu. Ci-tons d’abord l’in-folio du jésuite Malvenda, trois fois réimprimé en 1603, 1621, 1647, et le Traité de l'Antéchrist, par Daneau, Genevève, 4577. Grataroli, l'un des plus célèbres médecins du xvi· siècle, a également consacré un long ouvrage à ce person-nage mystérieux. Des diverses idées émises sur sa naissance, une des plus singulières est celle d’un rabbin qui le fait naître dans le pays d'Edom du commerce d’un diable avec la statue de marbre d’une vierge.
Les bibliophiles recherchent fort un Traicté de l'advenement de Γ Antéchrist, sorli en 1492 des presses d’Ant. Vérard, leplus célèbre des typographes parisiens du xve siècle. Il existe, parmi les débris du vieux théâtre, une Farce de ΓAntéchrist et des trois femmes ; l’ennemi de Dieu n'intervient dans une querelle de balles que pour recevoir des coups de bâton et pour s'enfuir.
De 1676 à 4702, il y eut une vive controverse entre deux théologiens d'alors, Malot et Rondet ; le premier annonça l’ap-parilion de l'Antéchrist pour l’an 1849» l’autre la recula jusqu'à l'année 1860. Ce mésaccord de onze années occasionna un cer-tain nombre de brochures qui n'ont pas aujourd'hui beaucoup de lecteurs.
Parmi les rares monuments de l’art dramatique au milieu de la période la plus obscure de l'histoire des lettres en Europe, parmi ces pieuses compositions latines antérieures aux mystè-res, il en est une dont l'Antéchrist est le héros. Le titre seul de celte pièce (Indus pasc kalis) indique qu’elle était destinée à être jouée lors de la fête de Pâques. Le bénédictin Bernard Pez la trouva dans un manuscrit de l'abbaye de Tegernsée ; il l’a pu-bliée dans son Thésaurus anecdotorum, tomé ir, part. 2, page 487. Donnons ici une courte analyse de ce drame à peu près inconnu ; il nous apprendra ce qu'était au xu״ siècle une de cet
tr ־ ־
— 47 -représentations dont se rehaussait la solennité d’une .grande fêle.
L’action 6e passe dans le temple du Seigneur; le roi des Francs, le roi des Grecs, le roi de Baby 10ne prennent place sur leqp sié-ges ; surviennent successivement la synagogue accompagnée d'un cortège de Juifs, le roi des Romains escorté d’un gros de sol-dais, le Pape suivi de son clergé, l'Église sous les traits d’une femme d’une stature imposante, ayant à sa droite la Miséri-Corde tenant un flacon d’huile, à sa gauche, la Justice munie ' d’une balance et d’une épée. Chacun prend place en chantant. Le roi des Romains envoie des députés à tous les autres monar* ques, afin qu’ils viennent lui rendre hommage, car, remarque-t-il judicieusement ;
Sicut script* tradunt historiogrsphoruru
Totus mundus fuerat fiscus Romanorum.
Chaque roi se soumet, excepté celui de Babylone ; il en ré-suite une grande bataille; le roi des Romains est vainqueur. Arrive alors l’Antéchrist armé de pied en cap; l'Hérésie et l'Hy-pocrisie l’accompagnent. Les hypocrites le reçoivent avec empres-sement, ils mettent son trône dans le temple, ils battent l'Église et la chassent. Tous les rois viennent s’incliner devant lui, excepté celui d’Allemagne. Pour convaincre celui ci de son pou-voir, l’Antéchrist guérit un lépreux, un boiteux, il ressuscite un soi-disant mort; le roi lui rend hommage, ainsi que la synago-gue. Arrivent les prophètes ; ils le taxent d’imposteur, la syna-gogue se repent ; elle s’écrie :
Noe erroris pœnitet, ad Fidem convertimur Quidquid nohie interet persecutor, patïmur.
L’Antéchrist la fait tuer, et, tout bouffi d'orgueil, il réunit autour de lui les rois, il leur dit :
llœc me a gloria quam dîu prædixere
Quà fruentur mecum quicumque meruere.
ces mots il se fait entendre un grand bruit sur la tête de l’Antéchrist; il tombe comme foudroyé; ses sectateurs s'en-fuient et l'Église triomphante se met à chanter : « Ecce homo qui non poiuil Deum adjutorem $uum. Ego autem ticut oliva fructifcra in dçrno Dei, »
Tel est le jeu de adventu et interitu Antechrùti ! nous n'a-vons pas été fâché de le citer comme un échantillon d'après lequel on peut se former une idée assez juste de ce qu'était l'art dramatique à l'époque qui précéda les croisades, et nous espé-rons qu'on nous pardonnera celte digression.
(15) Nous plaçons ici le fragment traduit par M. Dulaurier et dont nous avons déjà parlé précédemment. « En comparant le » récit de l’écrivain arabe avec ceux de l'auteur copte « remar-que fort judicieusement le traducteur, » on se convaincra que * l'ouvrage du premier n'est qu'une traduction abrégée de Γ0-» riginal égyptien. Cette composition se rattache trop évidem-* ment par le fond des idées aux doctrines théosophiques dont » l'Égypte fut la patrie, et par son style à ce caractère de simpli-9 cité qui est propre à la langue copte pour qu'il soit possible • de supposer que l'original n'ait pas été écrit en cet idiôme et » qu'il ait eu le jour ailleurs que sur les bords du Nil, »
Telle est la vie de Joseph, mon père chéri. Ce ne fut qu'à l'àge de quarante ans qu'il prit une femme; il vécut avec elle neuf ans. Après qu'il l'eut perdue, il resta deux ans dans la vi-duité. Ma mère en passa deux avec lui, depuis qu'il l'eut choi-sie pour sa compagne. Il lui avait été ordonné par les prêtres de la conserver intacte jusqu'à l'époque de la célébration de leur mariage. Ma mère me donna le jour au commencement de la troisième année qu'elle habitait la maison de mon père, et le quinzième de son âge. Elle me mil au monde dans une caverne qu'il est défendu de révéler, et qu'il est impossible de trouver; il n’est aucun homme au monde qui la connaisse, si ce n'est moi, mon Père et le Saint-Esprit.
Les années de la vie de mog père Joseph, dont la vieillesse fut bénie, sont au nombre de cent onze. Suivant la volonté de mon père, le jour de sa mort arriva le 26 du mois d'Épiphi.
1 Joseph, fl) malade à Nazareth , esl plongé dans la terreur • et le chagrin : il déplore ses péchés. Jésus arrive pour le con-9 soler ; Joseph lui adresse ses prières, l'appelle son Seigneur, » vrai Roi, Sauveur, Rédempteur, Dieu véritable et parfait, le » supplie de lui pardonner la pensée qu'il avait eue un jour de « renvoyer sa mère de chez lui, jusqu’à ce qu'un ange lui eût » assuré qu’elle avait conçu du Saint-Esprit: il le prie aussi » d’oublier qu'une fois, dans son enfance, il l'avait saisi par les
Ή Noth-e de Zncg.·*
• oreilles, parce qu״il avait ressuscité un enfant mort de la pi· > qûred’un cerasle, et cela pour lui apprendre qu'il devait s’abs-» tenir de toute action propre à lui attirer l’envie. A ces mots, p Jésus pleura en pensant à l’amertume de sa mort, au jour où n les Juifs doivent l'attacher à la croix pour le salut de tous les » les hommes. Bientôt après il appelle sa mère, et ils s’asseyent » ensemble, Jésus auprès de la tête de son père, et Marie à ses » pieds. 11 appelle aussi tous les fils et les filles de Joseph , et » dans leur nombre, Lysia leur aînée , ouvrière en pourpre : » tous pleurent sur leur père expirant, p
Ayant alors tourné mes regards vers la partie méridionale de la porte, j’aperçus l’Amentès qui était accouru de ce côté, c’est-à-dire le diable instigateur et artificieux de tous les temps. Je vis aussi une multitude de Décans, monstres aux formes variées, revêtus d’une armure de feu, si nombreux, qu’il eût été impos-sible de les compter, et vomissant du soufre et de la fumée par la bouche. Dès que mon père Joseph eut jeté les yeux sur ces êtres épouvantables, qui étaient venus auprès de lui, il les apér· çut terribles comme lorsque la colère et la fureur les animaient contre une âme qui vient de quitter son corps, surtout si c’est celle d’un pécheur dans laquelle ils ont trouvé la marque qui caractérise leur sceau. Mon père, à la vieillesse vénérable, en apercevant ces monstres autour de lui, fut saisi d’épouvante, et ses yeux laissèrent couler des larmes. Son âme voulut se réfu-gier dans des ténèbres épaisses ; et, cherchant un lieu pour se cacher, elle ne le trouva point. Dès que je vis que le trouble s’était ainsi emparé de l’âme de mon père, et que ses regards ne tombaient que sur des spectres aux formes les plus diverses et d’un aspect hideux, je m’avançai pour gourmander celui qui était l’organe du diable, ainsi que les légions infernales qui étaient accourues avec lui : elles s’enftiirent aussitôt à ma voix dans le plus grand désordre ; mais aucun de ceux qui étaient rassemblés autour de mon père n’eut connaissance de ce qui ve-naît de se passer, non plus que ma mère Marie. Dès que la Mort eut été témoin de la manière sévère dont j’avais traité les puis-sauces des ténèbres qui formaient son cortège ; dès qu’elle eut vu que je les avais mises en fuite, et qu’aucune d’elles n’était restée auprès de mon père Joseph, saisie de crainte à son tour, elle s’enfuit, et alla chercher un asile derrière la porte. J’a-dressai alors à mon Père bon une prière conçue en ces termes :
μ O mon père, toi qui es la source de toute bonté, toi l’au-leur de toute vérité, l'œil qui voit tout, l’oreille qui entend tout) écoute ton tils unique; exauce-moi ; je t'implore pour une de tes créatures, pour mon père Joseph. Fais descendre vers moi un de les grands chérubins, accompagné du chœur des an-ges, de Michel le dispensateur des biens, de Gabriel, celui de tes Éons resplendissants (1), qui est chargé de tes heureux mes-sages; qu'ils viennent prendre soin de l'âme de mon père, qu’ils la guident vers toi jusqu'à ce qu'elle ait traversé les sept Êons de lénèb*es, et qu'elle ait dépassé les voûtes obscures qui inspi-rent tant d'effroi, et où l’on a le spectacle de châtiments dont la vue inspire l’horreur ; que le fleuve de feu coule semblable à de Peau, que la mer aux ondes furieuses cesse d’être agitée, que ses flots deviennent tranquilles pour l'àme de mon père Joseph; car c’est maintenant que la miséricorde lui est nécessaire. » Je vous le dis à vous, qui êtes les saintes parties de moi-même, ô mes apôtres bénis, que tout homme qui est venu dans ce monde a connu le bien et le mal ; et, tant que dure sa vie, quelque grand qu’il soit à ses propres yeux, lorsqu'il est près de sa fin, il a besoin de la comf assion de mon Père céleste à l’heure de sa mort, à celle du voyage qui la suit, et au moment où il doit rendre ses comptes devant le tribunal redoutable. Mais je veil-levai sur les derniers moments de mon père Joseph, aux souve-nirs si purs. Lorsque j’eus dit Amen , ma mère le répéta après moi en un langage céleste, et aussitôt Michel et Gabriel, et le chœur des anges, descendirent du ciel, et se tinrent sur le corps de mon père Joseph. On entendit alors retentir sur lui des plain-tes et des gémissements, et je connus que sa dernière heure était arrivée. Il éprouva des douleurs semblables à celles d'une femme en mal d’enfant. La souffrance le tourmentait aussi fort qu’un vent violent et qu’un feu ardent qui dévore de nombreux ali-ments. Quant à la Mort, la crainte ne lui avait pas permis d’en-trer pour se placer sur Je corps de mon père Joseph, et pour opérer la fatale séparation, parce qu’en dirigeant scs regards dans l’intérieur de la maison, elle m’avait aperçu assis auprès de 8a tête et incliné sur ses tempes. Dès que je vis qu’elle hési-tait à entrer par suite de la frayeur que je lui inspirais, je fran. chis le seuil de la porte, et je la trouvai là, seule, et toute trem-blanle. Alors, m’adressant à elle ; « O toi, lui dis-je, qui es ac-
(1) Le* gn os tiques donnaient le nom d’Éona aux intelligences émanée! 4· Dieu. Virieutin <jm vivait à Alexandrie dans le second siècle de notre ère, en présenta une théorie complète. (Voir Matter. Hist, du Q nos ma S** édition t II, p 53.
courue des parties méridionales, entre promptement, et accom-plis les ordres que t’a donnés mon Père. Aie soin surtout de mon père Joseph, comme tu conserverais la lumière qui éclaire tes yeux ; car c’est à lui à qui je dois la vie suivant la chair, et il a eu souvent à supporter des tribulations pour moi pendant mon enfance, fuyant d’un lieu dans un autre pour éviter les embûches d’Hérode ; j’ai reçu de lui des instructions comme tous les enfants en reçoivent de leurs parents pour leur utilité. » En ce moment Abbaton entra, et prenant l’âme de mon père Joseph, il la retira du corps qu’elle avait animé. C’était à l'heure où le soleil est prêt à se montrer sur l'horizon, le 26 du mois Épiphi, en paix. La vie entière de mon père Joseph a été de cent onze ans. Après quoi, Michel saisit les deux bouts d’un ta-pis de soie d’un grand prix , Gabriel prit les deux autres cxtré-mités, et, embrassant de leurs étreintes l’âme de mon père Jo-seph, ils la plaçèrenl dans ce tapis. Personne de ceux qui sié-gcaient auprès du mourant ne s’aperçut qu’il avait cessé de vivre, non plus que ma mère Marie. Je prescrivis alors à Ga~ briel et à Michel de veiller sur l’âme de mon père Joseph, et de la défendre des monstres ravissants qui allaient se trouver sur son passage. J’ordonnai aussi aux anges incorporels de la pré-céder en chantant des hymnes, jusqu’au moment où ils l’au· raient conduite dans les cieux auprès de mon Père bon.
Henry׳ Sike donna à Utrecht, en 1697, la première édition du texte arabe de cette légende. 11 l’établit, d’après un manuscrit qui se trouva dans la vente faite à Leyde de la bibliothèque du savant Golius. On ignore ce qu’est devenu ce manuscrit (1), peut-être a-t-il passé en Angleterre, car Sike s’était rendu en Hollande avec un anglais nommé Huntington, qui étudiait les langues orientales pour se préparer à un voyage dans le Levant, mais qui, plus tard, renonça à son projet, revint dans sa patrie, fut nommé professeur d’arabe à Oxford, et finit par se pendre de ses propres mains en 1712.
Sike regardait le texte arabe comme la traduction d’un original fort ancien écrit primitivement en grec ou en syriaque. Un auteur arabe, Ahmed-Ibn-Idris, cité par Maracci dans son travail sur le Koran, atteste que l’on croyait que l'Évangile de l'Enfance, regardé comme le cinquième des Évangiles, avait été rédigé par saint Pierre qui en avait recueilli les matériaux de la bouche de Marie.
Fabricius se contenta de donner la version latine de Sike en y joignant en marge de courtes notes assez insignifiantes; Thilo a réimprimé le texte arabe soigneusement corrigé, il a revu la traduction et il a conservé celles des notes du premier éditeur qui offraient le plus d’importance.
Nous connaissons quatre traductions allemandes de cet Évangile; la première vit le jour en 1699, sans indication de lieu et sans nom d’auteur ; la seconde , également anonyme, porte la date de 5738 (1789) à Jérusalem ; la troisième vit le jour en 1804 ; la quatrième fait partie du recueil déjà cité du docteur Bor-berg ( t. I, p. 135 et sniv.)
L’on a cru pouvoir attribuer la rédaction de l’Evangile de l'Enfance tel que nous le possédons à quelque écrivain nestorien ; il est de fait que celte légende a toujours joui chez ces sectaires de la plus grande faveur. On l’a retrouvée chez les chrétiens de Saint-Thomas, fixés sur la côte de Malabar et qui partagent les erreurs anathématisées par le concile œcuménique d’Éphèse. Les Arméniens en ont reproduit dans leurs divers écrits les principales circonstances.
A des époques d’ignorance, l’on ne manqua point d’attribuer cet Évangile à l’un des apôtres ; l’on désigna successivement saint Mathieu ou saint Pierre, saint Thomas ou saint Jacques comme l’ayant coin-posé, saint Irénée croyait que c’était l’œuvre de quelque marcosien, Origène y voit la main de Basilide, et saint Cyrille celle de quelque sectateur de Manès. Quoi qu’il en soit, ce recueil de traditions, plus ou moins hasardées, se retrouve dans tout l'Orient le même pour le fond des choses.
Il est facile de se rendre compte de la grande popularité dont a joui cet Évangile, en Égypte surtout, lorsque Ton réfléchit que c’est en Égypte même que se passent la plupart des faits qu’il relate. Les Coptes ont possédé un grand nombre d’ouvrages relatifs à ces mêmes événements ; Assemani mentionne dans sa bibliothéque orientale (t. II, 517, t. Ill, P. I, 286 et GAI ), une histoire de la fuite de la sainte Vierge et de saint Joseph en Égypte, faussement attribuée à Théophile d’Alexandrie.
Un prélat égyptien, Cyriaquc, évêque de Tabenne, se distingua par l’empressement qu’il mit à recueillir et h propager ces légendes si propres à charmer des auditeurs peu éclairés, mais de bonne foi ; la bibliothèque du Roi possède de lui deux copies d’une histoire de Pilate et deux sermons (manuscrit arabe, n° 143), dont le savant Sylvestre de Sacy, dans une lettre adressée à André Birch, et que celui-ci a publiée (Copenhague , 1815), a donné une analyse eu-rieuse ; on ne sera pas fâché de la retrouver ici.
Le premier de ces deux discours a pour objet de célébrer le jour où J. C. enfant accompagné de la sainte Vierge, de Joseph et de Salomé, au moment de sa fuite en Égypte, s’arrêta au lieu nommé, aujourd’hui le monastère de Baisous, situé à l’est de Banhésa. Le jour est le 25 du mois de Paschous. Suivant cette légende, l’enfant Jésus fit en ce lieu un grand nombre de miracles; entre autres choses, il planta en terre lés trois bâtons d’un berger et de ses deux fils, et sur-le-champ, ces bâtons devinrent trois arbres couverts de fleurs et de fruits, qui existaient encore du temps de Cyriaque. Cyriaque prétend avoir appris toutes ces particularités de diverses visions qu’eut un moine nomme Antoine, en conséquence desquelles il fit faire des fouilles en cet endroit; on y trouva un grand coffre fermé contenant tous les vases sacrés d’une église, avec une inscription, qui apprit que le tout avait été caché au commencement de la persécution de Dioclétien , par le prêtre Thomas, qui desservait cette église, l’ordre lui en ayant été donné dans un songe. Le coffre ouvert, on y trouva les vases sacrés, et un écrit que l’on lut et qui contenait toute l’histoire de l’enfant Jésus, avec ses parents en ce lieu, le 25 du mois de Paschous, et le récit de tous les miracles, par lesquels il y avait manifesté sa divinité. Cette relation était écrite de la main de Joseph, époux de la sainte Vierge. Elle est fort longue. Après l’avoir lue, Cyriaque fit bâtir, en ce lieu, une église, dont la construction fut encore accompagnée de visions, et la desserte confiée au moine Antoine. Cyriaque raconte en finissant, comment un homme qui avait souillé cette église et y avait commis des dégâts, fut tué à peu de distance de là par un monstre envoyé de Dieu. — Le second discours de Cyriaque a pour objet l’arrivée et le séjour de l’enfant Jésus et de ses parents en un lieu de h province de Cous, lieu nommé aujourd’hui le couvent brûlé. Le discours est fait pour être lu le 7 de Barmandi, jour anniversaire de l’arrivée de la sainte famille en ce lieu. Le tissu de celte légende est tout-à-fait semblable à celui de la précédente.
Transcrivons aussi un passage des voyages de Thévenot (liv. Π, ch. 75), où il est question des récits conservés parmi les chrétiens qui habitent sur les bords du Nil.
« Les Coptes ont plusieurs histoires fabuleuses tirées des livres apocryphes qu’ils ont encore parmi eux. Nous n’avons rien d’écrit de la vie de Notre-Seigneur, durant son bas-âge, mais eux, ils ont bien des particularités, car ils disent que tous les jours il descendait un ange du ciel, qui lui apportait à manger, et qu'il passait le temps à faire avec de la terre de petits oiseaux, puis il souillait dessus, et les jetait après en Pair, et ils s’envolaient. Ils disent qu’au jour de la cène on servit à Notre-Seigneur un coq rôti, et qu’alors Judas étant sorti pour aller faire le marché de Notre-Seigneur, il commanda au coq rôti de se lever et de suivre Judas; ce que fit le coq, qui rapporta ensuite à Notre-Seigneur que Judas l’avait vendu, et que pour cela ce coq entrera en paradis. «
Vansleb qui parcourut l'Égypte au dix-septième siècle, rapporte diverses légendes analogues à celle-ci ; on montre encore, observe-t-il , un olivier que l’on dit être venu d’un bâton que Jésus avait enfoui en terre, l’on parle d’une fontaine qu’il fit paraître tout d’un coup pour étancher la soif dont souffrait Marie, et tous les malades qui burent de cette eau miraculeuse furent guéris.
Nous montrerons dans les notes dont nous accompagnerons l'Évangile de l'Enfance, combien les Musulmans y ont ajouté de traditions empreintes de l'imagination orientale ; les écrits des docteurs juifs out également reproduit quelques-uns des récits de notre légende ; c’est ainsi que le Toldos Jeschu, l’un des ouvrages que les rabbins ont essayé de diriger contre le christianisme (2), mentionne les oiseaux que Jésus formait avec de la boue et qu’il animait de son souffle ; le même ouvrage donne le nom d’Elchanon comme celui du maître qui instruisit le fils de Marie ; d’après un passage un peu obscur, il est vrai, de la Gemare de Babylone (3), il se serait appelé Josué fils de Pérachia.
Parmi les traductions de l'Évangile de l’Enfance en diverses langues, nous ne pouvons omettre celle qui vers le treizième siècle, eut lieu dans l’idiome du midi de la France ; M. Raynouard en a publié des extraits à la fin du premier volume de son Lexique 7־0־ man ; nous pensons qu’il ne sera pas sans intérêt de rencontrer ici un de ces extraits d’une composition qui mériterait d’être publiée en entier :
Au nom du Père, et du Fils, et de !״Esprit-Saint, Dieu unique.
Avec le secours et l'assistance du Dieu tout-puissant, nous commençons à écrire le livre des miracles de notre Sauveur, maître et Seigneur Jésus-Christ, lequel s’appelle l'Évangile de l'Enfance, dans la paix du Sauveur. Ainsi soit-il.
Nous trouvons dans le livre du grand-prêtre Joseph qui vécut du temps de Jésus-Christ (et quelques-uns disent que son nom était Caïphe) que Jésus parla lorsqu’il était au berceau et qu’il dit à sa mère Marie : moi que lu as enfanté , je suis Jésus , le fils de Dieu, le Verbe, ainsi que te l’a annoncé l’ange Gabriel et mon père m’a envoyé pour le salut du monde.
L’an trois cent soixante-neuf de l'ère d’Alexandre» Auguste ordonna que chacun se fit enregistrer dans sa ville natale. Joseph se leva donc et conduisant Marie son épouse, il vint à Jérusalem, et il se rendit à Bethléem pour se faire inscrire avec sa famille dans l’endroit où il était né; lorsqu’ils furent arrivés tout proche d’une caverne , Marie dit à Joseph que le moment de sa délivrance était venu et qu’elle ne pouvait aller jusqu’à la ville י « mais, » dit-elle,» entrons dans cette caverne. » Le soleil était au moment de se cocher. Joseph se hâta d’aller chercher une femme qui assistât Marie dans l’enfantement, et il rencontra une vieille Israélite qui venait de Jérusalem et la saluant, il lui dit : « entre dans cette caverne où tu trouveras une femme au moment d’accoucher. » (4)
Et après le coucher du soleil, Joseph arriva avec la vieille devant la caverne et ils entrèrent. Et voici que la caverne était toute resplendissante d’une clarté qui surpassait celle d’une infinité de flambeaux et qui brillait plus que le soleil à midi. L’enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche, tétait le sein de sa mère Marie. Tous deux restèrent frappés de surprise à l’aspect de cette clarté, et la vieille demanda à Marie : « Est-ce que tu es la mère de cet enfant? » Et Marie ayant répondu affirmativement, la vieille lui dit : « Tu n’es pas semblable aux filles d’Ève, » et Marie repartit : « De même qu’il n’y a parmi les enfants aucun qui soit semblable à mon fils, de même sa mère est sans pareille parmi toutes les femmes. » La vieille dit alors : « Madame et maîtresse, je suis venue pour acquérir une récompense qui dure à jamais, « et Marie lui répondit : « Pose tes mains sur l’enfant. » Lorsque la vieille l’eut fait, elle fut purifiée, et quand elle fut sortie, elle disait : « Dès ce moment, je serai la servante de cet enfant, et je serai vouée à son service durant tous les jours de ma vie. »
Ensuite, lorsque les bergers furent arrives, (5) et qu’ayant allumé le feu , ils se livraient à la joie, les armées célestes leur apparurent, louant et célébrant le Seigneur, la caverne eut toute ressemblance à un temple auguste, où des rois célestes et terrestres célébraient la gloire et les louanges de Dieu à cause de la nativité du Seigneur-Jésus-Christ. El cette vieille Israélite voyant ces miracles éclatants, rendait grâces à Dieu, disant : « Je vous rends grâce, ô Dieu, Dieu d’Israël, parce que mes yeux ont vu la nativité du Sauveur du monde (6) ».
Lorsque le temps de la circoncision fut arrivé, c’est-à-dire, le huitième jour, époque à laquelle la loi prescrit que le nouveau-né doit être circoncis, ils le circoncirent dans la caverne, et la vieille Israélite recueillit le prépuce (d’autres disent que ce fut le cordon ombilical qu’elle recueillit ) et le mit dans un vase d’albâtre rempli d’huile de vieux nard. Et elle avait un fils qui faisait commerce de parfums, et elle lui donna ce vase, en disant : « Garde-toi de vendre ce vase rempli de parfum de nard, lors même qu’on t’en offrirait trois cents deniers. » C’est ce vase que Marie la pécheresse acheta et qu’elle répandit sur la tête et sur les pieds de Notre Seigneur Jésus-Christ, en les essuyant de ses cheveux. Quand dix jours se furent écoulés, ils portèrent l’enfant à Jérusalem , et à l’expiration de la quarantaine, ils le présentèrent dans le temple au Seigneur, en donnant pour lui les offrandes que prescrit la loi de Moïse où il est dit : " Tout enfant mâle qui sortira du ventre de sa mère sera appelé le saint de Dieu. »
Le vieillard Siméon vit l’enfant Jésus brillant de clarté comme une colonne de lumière, tandis que la Vierge Marie, sa mère, le portait dans ses bras et qu’elle ressentait une extrême joie et une foule d’anges formaient comme un cercle autour de lui, célébrant ses louanges et l’accompagnant, ainsi que les satellites d’un roi vont à sa suite. Siméon s’approchant’ donc avec empressement de Marie et étendant ses mains vers elle, disait au Seigneur Jésus : « Maintenant, Seigneur, votre serviteur peut se retirer en paix suivant votre parole, car mes yeux ont vu votre miséricorde et ce que vous avez préparé pour le salut de toutes les nations, pour la lumière de tous les peu-pies et la gloire de votre peuple d’Israël. » La prophétesse Anne était aussi présente , et elle rendait grâces à Dieu, et elle vantait le bonheur de Marie.
Et voici ce qu’il arriva , tandis que le Seigneur Jésus était né à Bethléem, ville de Judée, au temps du roi Hérode, des mages vinrent des pays de l'Orient, à Jérusalem, ainsi que l’avait prédit Zoradascht (6), et ils apportaient avec eux des présents , de l’or, de l’encens et de la myrrhe, et ils adorèrent l’enfant, et ils lui firent hommage de leurs présents. Alors Marie prit un des linges dans lesquels l’enfant était enveloppé et le donna aux mages qui le reçurent comme un don d’une inestimable valeur. Et à cette même heure, il leur apparut un ange sous la forme d’une étoile qui leur avait déjà servi de guide, (7) et ils s’en allèrent en suivant sa clarté jusqu’à ce qu’ils fussent de retour dans leur patrie.
Les rois et les princes s’empressèrent de se réunir autour des mages, leur demandant ce qu’ils avaient vu et ce qu’ils avaient fait, comment ils étaient allés et comment ils étaient revenus et quels compagnons de route ils avaient eus? Les mages leur montrèrent le linge que Marie leur avait donné ; c’est pourquoi ils célébrèrent une fête, ils allumèrent du feu suivant leur usage, et ils l’adorèrent, et ils jetèrent ce linge dans les flammes, et les flammes l’enveloppèrent Le feu étant éteint, ils en retirèrent le linge tout entier et les flammes n’avaient laissé sur lui aucune trace. lisse mirent alors à le baiser et à le poser sur leurs têtes et sur leurs yeux, disant : « Voici sûrement la vérité ! quel est donc le prix de cet objet que le feu n’a pu ni consumer, ni endommager? « Et le prenant, ils le déposèrent avec grande vénération dans leurs trésors.
Hérode voyant que les mages ne retournaient pas vers lui, réunit les prêtres et les docteurs., et il leur dit : « Enseignez-moi où doit naître le Christ ». Et lorsqu’ils lui eurent répondu que c’était à Bethléem, ville de Judée, Hérode commença à méditer en son esprit le meurtre du Seigneur Jésus. Alors un ange apparut à Joseph dans son sommeil, et il lui dit : « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, et réfugie-toi en Égypte. » Et au chant du coq, Joseph se leva et il partit.
Et tandis qu’il songeait quel chemin il devait suivre, le jour survint et la fatigue du voyage avait brisé la courroie de la selle. Il approchait d’une grande ville où il y avait une idole à laquelle les autres idoles et déités de l’Égypte offraient des hommages et des présents, et il y avait un prêtre attaché au service de cette idole, et toutes les fois que Satan parlait par la bouche de l’idole, le prêtre rapportait ce qu’il disait aux habitants de l'Égypte et de ses rivages. Ce prêtre avait un enfant de trois ans qui était possédé d’une grande multitude de démons ; il prophétisait et annonçait beaucoup de choses, et lorsque les démons ,emparaient de lui. il déchirait ses vêtements» et il courait nu dans la ville , jetant des pierres aux 110m-mes. L’hôtellerie de celte ville était dans le voisinage de cette idole ; lorsque Joseph et Marie furent arrivés et qu’ils furent descendus à cette hôtellerie, les habitants furent saisis de consternation, et tous les princes et les prêtres des idoles se réunirent autour de cette idole lui demandant : "D’où vient cette consternation et quelle est la cause de cette terreur qui a envahi notre pays ? » Et l’idole répondit : Cette épouvante a été apportée par un Dieu ignoré qui est le Dieu véritable, et nul autre que lui n’est digne des honneurs divins, car il est véritablement le Fils de Dieu. A sa venue, cette contrée a tremblé ; elle s’est émue et épouvantée, et nous éprouvons une grande crainte à cause de sa puissance. « Et en ce moment cette idole tomba et se brisa ainsi que les autres idoles qui étaient dans le pays et leur chute fit accourir tous les habitants de l’Égypte (8).
Mais le fils du prêtre, lorsqu’il fut attaqué du mal auquel il était sujet, entra dans l’hôtellerie et il insultait Joseph et Marie, et tous les autres s’étaient enfuis^ et comme Marie lavait les linges du Seigneur-Jésus, et qu’elle les suspendait sur une latte, ce jeune possédé prit un de ces linges et le posa sur sa tête, et aussitôt les démons prirent la fuite, en sortant par sa bouche, et on vit s’éloigner des figures de corbeaux et de serpents. L’enfant fut immédiatement guéri par le pouvoir de Jésus-Christ, et il se mit à chanter les louanges du Seigneur qui l’avait délivré et à lui rendre grâces. Et quand son père vit qu'il avait recouvré h santé, il s’étonna et il dit : « Mon fils, que t’est-il donc arrivé, et comment as-tu été guéri? » Et le fils répondit : « Lorsque les démons me tourmentaient, je suis entré dans l’hôtellerie, et j’y ai trouvé une femme d’une grande beauté qui était avec un enfant et elle suspendait sur une latte des linges qu’elle venait de laver; j’en pris un et je le posai sur ma tête et les démons s’enfuirent aussitôt et m’abandonnèrent. יי Le père fut remplie de joie et s’écria : « Mon fils, il se peut que cet enfant soit le fils du Dieu vivant qui a créé les cieux et la terre, et aussitôt qu’il a passé près de nous, l’idole s’est brisée, et les simulacres de tous nos dieux sont tombés, et une force supérieure à la leur les a détruits. »
Ainsi s’accomplit la prophétie qui dit : « J’ai appelé mon fils de l’Égypte. » Lorsque Joseph et Marie apprirent que cette idole s’était renversée et qu’elle avait péri, ils furent saisis de crainte et de tremblement, et ils se disaient : « Lorsque nous étions dans la terre d’Israël, Hérode voulut faire périr Jésus, et, dans ce but, il ordonna le massacre de tous les enfants de Bethléem et des environs, et il n’y a pas de doute que les Égyptiens ne nous brûlent tout vifs, s’ils apprennent que celte idole est tombée. »
Ils partirent donc, et ils arrivèrent près de la cachette de voleurs qui dépouillaient de leurs vêtements et de leurs effets les voyageurs qui passaient près d’eux et qui les amenaient garrottés. Ces voleurs en tendirent un grand bruit pareil à celui du cortège d’un roi qui sort de sa capitale au son des instruments de musique, escorté d’une grande armée et d’une nombreuse cavalerie , ils laissèrent tout leur butin et s’empressèrent de fuir. Les captifs se levant alors» brisèrent les liens l’un de l’autre» et ayant repris leurs effets, ils se retiraient lorsque voyant Joseph et !Marie qui s’approchaient, ils leur demandèrent : « Où est ce roi dont le cortège a, par son bruit, épouvanté les voleurs au point qu’il se sont enfuis et que nous avons été délivrés? » Et Joseph répondit : « Il vient après nous. «
Ils vinrent ensuite à une autre ville où il y avait une femme démoniaque, et tandis qu’elle était allée une fois puiser de l’eau durant la nuit, l’esprit rebelle et impur s’emparait d’elle. Elle ne pouvait ni supporter aucun vêtement, ni habiter une maison, et toutes les fois qu’on rattachait avec des liens ou avec des chaînes, elle les brisait et s’enfuyait nue dans les lieux déserts, elle se tenait sur les routes et près des sépultures, et elle poursuivait à coups de pierre ceux qu’elle trouvait, de sorte qu’elle était pour ses parents un grand sujet de deuil. Marie l’ayant vue, fut touchée de compassion, et aussitôt Satan abandonna cette femme, et il s’enfuit sous la forme d’un jeune homme, en disant : « Malheur à moi, à cause de toi, Marie , et à cause de ton fils ! » Lorsque cette femme fut délivrée de ce qui causait ses tourments, elle regarda autour d'elle, et, rougissant de sa nudité, elle alla vers ses proches, fuyant l'aspect des hommes, et s'étant revêtue de ses habits, elle exposa à son père et à ses parents ce qui lui était arrivé , et ils étaient du nombre des habitants les plus distingués de la ville, et ils hébergèrent chez eux Joseph et Marie, leur témoignant un grand respect.
Le lendemain, Joseph et Marie se mirent en route, et le soir ils arrivèrent une autre ville où se célébrait une noce, mais, par suite des embûches de l'esprit malin et des enchantements de quelques magiciens, l’épouse avait perdu l’usage de la parole, de sorte qu’elle ne pouvait plus ouvrir la bouche. Lorsque Marie entra dans la ville portant dans ses bras son fils, le Seigneur Jésus, la muette l’aperçut et aussitôt elle étendit ses mains vers Jésus, elle le prit dans ses bras et le serra contre son sein en lui donnant beaucoup de baisers. Aussitôt le lien qui retenait sa langue se brisa et ses oreilles s’ouvrirent et elle commença a glorifier et à remercier Dieu qui l'avait guérie. Et il y eut cette nuit une grande joie parmi les habitants de cette ville, car ils pensaient que Dieu et ses anges étaient descendus parmi eux.
Joseph et Marie passèrent trois jours en cet endroit où ils furent tenus en grande vénération et traités avec splendeur. Étant munis de provisions pour leur voyage^ ils partirent ensuite et ils vinrent dans une autre ville, et comme elle était florissante et ses habitants en grande célébrité, ils désiraient y passer la nuit. Il y avait dans cette ville une femme noble et comme elle était descendue au fleuve pour s’y laver, voici que l’esprit maudit sous la forme d’un serpent, s’était jeté sur elle et il s’était enlacé autour de son ventre, et chaque nuit, il s’étendait sur elle. Lorsque cette femme eut vu Marie et le Seigneur Jésus qu’elle portait contre son sein, elle pria Marie de lui permettre de porter et d’embrasser cet enfant. Marie y consentit, et aussitôt que cette femme eut touché l’enfant, Satan l’abandonna et s’enfuit, et depuis cette femme ne le revit plus. Tous les voisins louèrent le Seigneur et cette femme les récompensa avec une grande générosité.
Le lendemain, celte même femme prit une eau parfumée pour laver l’enfant Jésus, et, quand elle l’eut lavé, elle garda cette eau. Et il y avait la une jeune fille dont le corps était couvert d’une lèpre blanche et elle se lava de cette eau, elle fut immédiatement guérie. Le peuple disait donc : « Il n’y a pas de doute que Joseph et Marie et cet enfant ne soient des dieux, et ils ne paraissent pas de simples mortels. » Lorsqu’ils se préparèrent à partir, cette fille qui avait été guérie de la lèpre s’approcha d’eux et les pria de lui permettre de les accompagner.
Ils y consentirent et elle alla avec eux et ils arrivèrent à une ville où il y avait le château d’un prince puis-saut, et ce palais était proche de !*hôtellerie. Ils s’y rendirent, et la jeune fille s’étant ensuite approchée de l’épouse du prince, la trouva triste et versant des larmes et elle lui demanda la cause de sa douleur. Et celle-ci lui répondit : « Ne t’étonne pas de me voir livrée à l’affliction ; je suis en proie à une grande calamité que je n’ose raconter à aucun homme. » La jeune fille lui repartit : « Si tu me dis quel est ton mal, lu en trouveras peut-être le remède auprès de moi. » La femme du prince lui dit : « Tu ne révéleras ce secret h personne. J’ai épousé un prince dont la domination, pareille à celle d’un roi, s’étend sur de vastes états, et, après avoir longtemps vécu avec lui, il n’a eu de moi nulle postérité. Enfin j’ai conçu, mais j’ai mis au monde un enfant lépreux ; l’ayant vu, il ne l’a pas reconnu comme étant à lui, et il m’a dit : « Fais mourir cet enfant ou donne-Ie à une nourrice qui l’élève dans un endroit si éloigné que jamais l’on n’en entende parler. Et, reprends ce qui est à toi, car je ne te reverrai jamais. » C’est pourquoi je me livre à la douleur en déplorant la calamité qui m’a frappée et je pleure sur mon mari et sur mon enfant. » La jeune fille lui répondit : « Ne t’ai-je pas dit que j’ai trouvé pour toi un remède que je te promets ? Moi aussi j’ai été atteinte de la lèpre, mais j’ai été guérie par une faveur de Dieu, qui est Jésus le fils de Marie. » La femme lui demandant alors où était ce Dieu dont elle parlait, la jeune fille répondit : « Il est dans cette même maison où nous sommes ? » — « Et comment cela peut-il se faire, où est-il? » repartit la princesse. — La jeune fille répliqua : « Voici Joseph et Marie ,
l'enfant qui est avec eux est Jésus, et c’est lui qui m’a guérie de mes souffrances. » — « Et comment » dit la femme, « est-ce qu’il t’a guérie ? Est-ce que tu ne me le diras pas ? » — La jeune fille répondit : « J’ai reçu de sa mère de l’eau dans laquelle il avait été lavé, et je l’ai versée sur mon corps et ma lèpre a disparu. » La femme du prince se leva alors et elle reçut chez elle Joseph et Marie, et elle prépara à Joseph un festin splendide dans une grande réunion. Le lendemain, elle prit de l’eau parfumée afin de laver le Seigneur Jésus, et elle lava avec celte même eau son fils qu’elle avait apporté avec elle, et aussitôt son fils fut guéri de sa lèpre. Et elle chantait les louanges de Dieu , en lui rendant grâces et en disant : « Heureuse la mère qui t’a engendré, ô Jésus ! L’eau dont ton corps a été arrosé guérit les hommes qui ont part à la même nature que toi. » Elle offrit de riches présents à Marie et elle la renvoya en la traitant avec grand honneur.
Ils vinrent ensuite à une autre ville où ils voulaient passer la nuit. Ils allèrent chez un homme qui était marié depuis peu, mais qui, atteint d’un maléfice, ne pouvait jouir de sa femme (8), et quand ils eurent passé la nuit près de lui, son empêchement fut rompu. Lorsque le jour se leva, ils se ceignaient pour se remettre en route, mais l’époux les en empêcha et leur prépara un grand banquet.
Le lendemain, ils partirent et comme ils approchaient d’une autre ville, ils virent trois femmes qui quittaient un tombeau en versant beaucoup de pleurs. Marie les ayant aperçues dit à la jeune fille qui les accompagnait : « Demande-leur qui elles sont et quel est le malheur qui leur est arrivé. » Elles ne firent point de réponse à la question que la jeune fille leur fit, mais elles se mirent à l’interroger de leur côté, disant : « Qui êtes-vous, et où allez-vous? car déjà le jour est tombé et la nuit s’avance. » La jeune fille répondit : « Nous sommes des voyageurs et nous cherchons une hôtellerie afin d’y passer la nuit. » Elles repartirent : « Accompagnez-nous et passez la nuit chez nous. » Ils suivirent donc ces femmes, et ils furent introduits dans une maison nouvelle, ornée et garnie de différents meubles. Or, c’était dans la saison de l’hiver, et la jeune fille étant entrée dans la chambre de ces femmes, les trouva encore qui pleuraient et qui se lamentaient. A côté d’elles était un mulet, couvert d’une housse de soie, devant lequel était placé du fourrage, et elles lui donnaient à manger et elles l’embrassaient La jeune fille dit alors: « O ma maîtresse, que ce mulet est beau ,י» et elles répondirent en pleurant : « Ce mulet que tu vois est notre frère, il est né de la même mère que nous. Notre père nous laissa à sa mort de grandes richesses et nous n’avions que ce seul frère et nous cherchions à lui procurer un mariage convenable. Mais des femmes enflammées de l’esprit de la jalousie ont jeté sur lui, à notre insu, des enchantements, et une certaine nuit, un peu avant le point du jour, les portes de notre maison étant fermées, nous avons vu que notre frère avait été changé en mulet et qu’il était tel que tu le vois à présent. Nous nous sommes livrées à la tristesse, car nous n’avions plus notre père qui pût nous consoler ; nous n’avons oublié aucun sage au monde, aucun magicien , ou enchanteur, nous avons eu recours à tous, mais nous n’en avons retiré nul profit. C’est pourquoi ! toutes les fois que nos cœurs sont gonflés de tristesse « nous nous levons et nous allons avec notre mère que voici , au tombeau de notre père, et, après y avoir pleuré, nous revenons. »
Lorsque la jeune fille eut entendu ces choses elle dit : « Prenez courage et cessez de pleurer, car le remède de vos maux est proche, il est même avec vous et au milieu de votre demeure ; j’ai été lépreuse, mais après que j’eus vu cette femme et ce petit enfant qui est avec elle et qui se nomme Jésus, et après avoir versé sur mon corps l’eau avec lequel sa mère l’avait lavé, j’ai été purifiée. Je sais aussi qu’il peut mettre un terme à votre malheur; levez-vous^ approchez-vous de Marie, et après l’avoir conduite chez vous, révélez-lui le secret dont vous m’avez fait part, en la suppliant d’avoir compassion de vous. » Lorsque ces femmes eurent entendu ces paroles de la jeune fille, elles s’empressèrent d’aller auprès de Marie et elles l’emmenèrent chez elles et elles lui dirent en pleurant ; « O Marie, notre maîtresse, prends pitié de tes servantes, car notre, famille est dépourvue de son chef et nous n’avons pas un père ou un frère qui entre ou qui sorte devant nous. Ce mulet que tu vois est notre frère , et des femmes l’ont par leurs sortilèges, réduit à cet état. Nous te prions donc d’avoir pitié de nous. » Alors Marie, touchée de compassion, souleva l’enfant Jésus et le plaça sur le dos du mulet et elle pleurait, ainsi que les femmes , et elle dit : « Hélas ! mon fils, guéris ce mulet par un effet de ta grande puissance et fais que cet homme recouvre la raison dont il a été privé. » A peine ces mots étaient-ils sortis de la bouche de Marie que le mulet reprit aussitôt la forme humaine et se montra sous les traits d’un beau jeune homme et il ne lui restait nulle difformité. Et lui, et sa mère et ses sœurs adorèrent Marie et, élevant l’enfant au-dessus de leurs têtes, ils l’embrassaient en disant : « Heureuse ta mère, ô Jésus, Sauveur du monde ! Heureux les yeux qui jouissent de la félicité de ton aspect. »
Les deux sœurs dirent à leur mère : « Notre frère a repris sa première forme, grâce à l'intervention du Seigneur Jésus et aux bons avis de cette jeune fille qui nous a conseillé de recourir à Marie et à son fils. Et maintenant, puisque notre frère n’est pas marié, nous pensons qu’il est convenable qu’il épouse cette jeune fille. » Lorsqu’elles eurent fait cette demande à !Marie et qu’elle y eut consenti, elles firent pour cette noce des préparatifs splendides et la douleur fut changée en joie et les pleurs firent place aux rires, et elles ne firent que se réjouir et chanter dans l’excès de leur contentement, ornées de vêtements magnifiques et de joyaux. En même temps elles célébraient les louanges de Dieu, disant: » O Jésus, fils de Dieu qui a changé notre affliction en allégresse et nos lamentations en cris de joie ! » Joseph et Marie demeurèrent dix jours en cet endroit ; ensuite ils partirent comblés des témoignages de vénération de toute cette famille, qui, après leur avoir dit adieu, s’en retourna en pleurant, et la jeune fille surtout répandit des larmes.
Ils arrivèrent ensuite près d’un désert et comme ils apprirent qu’il était infesté de voleurs, ils se préparaient à le traverser pendant la nuit Et voici que tout d’un coup, ils aperçurent deux voleurs qui étaient endormis et près d’eux ils virent une foule d’autres voleurs qui étaient les camarades de ces gens et qui étaient aussi plongés dans le sommeil. Ces deux voleurs se nommaient Titus et Dumachus (9), et le premier dit à l’autre : « Je te prie de laisser ces voyageurs aller en paix, de peur que nos compagnons ne les aperçoivent. » Dumachus s’y refusant, Titus lui dit : « Reçois de moi quarante drachmes et prends ma ceinture pour gage. » Et il la lui présentait en même temps, le priant de ne pas appeler et de ne pas donner l’alarme. Marie voyant ce voleur si bien disposé à leur rendre service lui dit : « Que Dieu te soutienne de sa main droite et qu’il t’accorde la rémission de tes péchés. » Et le Seigneur Jésus dit à Marie : « Dans trente ans, ô ma mère , les Juifs me crucifieront à Jérusalem, et ces deux voleurs seront mis en croix à mes côtés, Titus à ma droite et Dumachus à ma gauche et, ce jour-là, Titus me précédera dans le Paradis. » Et lorsqu’il eut ainsi parlé, sa mère lui répondit : « Que Dieu détourne de toi semblables choses , ô mon fils, » et ils allèrent ensuite vers une ville des idoles, et, comme ils en approchaient, elle fut changée en un tas de sable.
Ils vinrent ensuite à un sycomore que l’on appelle aujourd’hui Matarea (10), et le Seigneur Jésus fit paraitre à cet endroit une fontaine où Marie lava sa tunique. Et le baume que produit ce pays vient de la sueur qui coula des membres de Jésus (11).
Ils se rendirent alors à Memphis et ayant vu Pharaon , ils demeurèrent trois ans en Égypte, et le Seigneur Jésus y fit beaucoup de miracles qui ne sont consignés ni dans l'Évangile de l'Enfance, ni dans l'Évangile complet (12).
Au bout de trois ans ils quittèrent l’Égypte et ils retournèrent en Judée, et lorsqu’ils en furent proches, Joseph redouta d’y entrer, car il apprit qu’Hérode était mort et que son fils Archelaüs lui avait succédé, mais l’ange de Dieu lui apparut et lui dit : « O Joseph, va dans la ville de Nazareth et fixes-y ta demeure. »
Lorsqu’ils arrivèrent à Bethléem, i! s’y était déclaré des maladies graves et difficiles à guérir qui attaquaient les yeux des enfants et beaucoup périssaient. Et une femme qui avait un fils près de mourir, le mena à Marie et la trouva qui baignait le Seigneur Jésus. Et cette femme dit : « O Marie, vois mon fils qui souffre cruellement. » Marie l’entendant lui dit : « Prends un peu de cette eau avec laquelle j’ai lavé mon fils et répands la sur le lien. » La femme fit comme le lui recommandait Marie, et son fils, après avoir été fort agité, s’était endormi, et lorsqu’il se réveilla , il se trouva complètement guéri. La femme pleine de joie, revint trouver Marie qui lui dit : « Rends grâce à Dieu, de ce qu'il a guéri ton fils, »
Cette femme avait une voisine dont l’enfant était atteint de la même maladie et ses yeux étaient presque fermés et il criait piteusement nuit et jour. Et celle dont le fils avait été guéri lui dit : « Pourquoi ne portes-tu pas ton fils à Marie comme je lui ai porté le mien lorsqu’il était au moment de la mort et qu’il a été guéri par cette eau dans laquelle Jésus s’était baigné?« Et celte seconde femme alla aussi prendre de cette eau et aussitôt qu’elle en eut répandu sur son fils, son mal cessa. Et elle apporta son fils parfaitement guéri à Marie, qui lui recommanda de rendre grâce à Dieu et de ne raconter à personne ce qui lui était arrivé.
Il y avait dans la même ville deux femmes mariées au même homme et chacune avait un fils qui était malade. L’une se nommait Marie et son fils avait nom Kaljufe. Cette femme se leva et elle porta son enfant à Marie» la mère de Jésus» et elle lui offrit une très-״ belle nappe, et elle lui dit : « O Marie, reçois de moi cette nappe et, en échange , donne-moi un de tes langes. » Marie y consentit et la mère de Kaljufe fit avec ce lange une tunique dont elle revêtit son fils. Et il se trouva guéri et l’enfant de sa rivale mourut le même jour. Il en résulta de grands dissentiments entre ces deux femmes ; elles s’acquittaient, chacune à son tour » une semaine durant, des travaux du ménage et une fois que le tour de Marie, la mère de Kaljufe, était venu, elle s’occupait de faire chauffer le four pour cuire le pain et, allant chercher la farine, elle sortit laissant son enfant près du four. Sa rivale voyant que l’enfant était resté seul, le prit et le jeta dans le four tout embrasé et elle s’enfuit. Marie revint et elle vit son enfant qui était au milieu du four où il riait, car le four s’était soudainement refroidi, comme si jamais il n’y avait été allumé de feu, et elle se douta que sa rivale l’avait jeté là. Elle l’en retira donc et le porta à la vierge Marie et lui raconta ce qui s’était passé. Et Marie lui dit : « Tais-toi, car je crains pour toi si tu divulgues ces choses. » Ensuite la rivale alla au puits puiser de l’eau et voyant Kaljufe qui jouait auprès et qu’il n’y avait à l’entour nulle créature humaine, elle prit l’enfant et le jeta dans le puits. Des hommes étant venus pour se procurer de l’eau virent l’enfant qui était assis sans aucun mal, sur la surface de l’eau, et ayant descendu des cordes, ils le retirèrent. Et ils furent remplis d’une telle admiration pour cet enfant qu’ils lui rendirent les honneurs comme à un dieu. Et sa mère le porta en pleurant à Marie et lui dit : « O ma maîtresse, vois ce que ma rivale a fait à mon fils et comme elle fa fait tomber dans le puits et il n’y a pas de doute pour moi qu’elle ne cause un jour sa mort » Marie lui répondit : « Dieu punira le mal qui t’a été fait » Peu de jours après, la rivale alla puiser de l’eau et ses pieds s’embarrassèrent dans la corde de sorte qu’elle tomba dans le puits et lorsque l’on accourut pour lui porter secours, on trouva qu’elle s’était fracassé la tête. Elle mourut donc d’une manière funeste et la parole du sage s’accomplit en elle : « Ils ont creusé un puits et ils ont jeté la terre en haut, mais ils sont tombés dans la fosse qu’ils avaient préparée. »
Une autre femme de la même ville avait deux enfants, malades tous deux ; l’un mourut et l’autre était près de trépasser ; sa mère le prit dans ses bras et le porta à !Marie en versant un torrent de larmes et elle lui dit : « O ma maîtresse, viens à mon secours et assiste-moi ; j’avais deux fils et je viens d’en perdre un el je vois l’autre au moment de périr. Vois comment j’implore la miséricorde du Seigneur. » Et elle se mit à dire : <׳ Seigneur , vous êtes plein de clémence et de compassion ; vous m’aviez donné deux fils , vous avez rappelé l’un d’eux à vous, du moins laissez-moi l’autre. » Marie témoin de son excessive douleur , eut pitié d’elle et lui dit : « Place ton enfant dans le lit de mon fils et couvre-le de ses vêtements. « Et quand l'enfant eut été placé dans le lit à côté de Jésus, ses yeux appesantis par la mort se rouvrirent et appelant sa mère à voix haute , il demanda du pain et quand on lui en eut donné, il le mangea. Alors sa mère dit : « O Marie, je connais que la vertu de Dieu habite en toi, au point que ton fils guérit les enfants aussitôt qu’ils l’ont touché. » Et l’enfant qui fut ainsi guéri est ce même Barthélemy dont il est parlé dans l'Évangile
Il y avait au même endroit une femme lépreuse qui alla trouver Marie mère de Jésus et qui lu! dit : « O ma maîtresse, assiste-moi. » Et Marie lui répondit : « Quel secours demandes -tu ? est-ce de l’or ou de l’argent, ou veux-tu être guérie de ta lèpre ? » Cette femme repartit : « Qu’est-ce que tu peux faire pour moi ? » Et Marie lui dit : « Attends un peu jusqu’à ce que j’aie lavé mon enfant et que je l’aie mis dans son lit. ״» La femme attendit et Marie, après l’avoir couché, tendit à la femme un vase plein de l’eau avec laquelle elle avait lavé son enfant et lui dit : « Prends un peu de cette eau et répands-la sur ton corps. » Et aussitôt que la malade l’eut fait, elle se trouva guérie, et elle rendit grâce à Dieu.