CHAPITRE V

AUTEUR, LIEU ET DATE DE COMPOSITION

1. Auteur.

Nous n’avons aucune raison de suspecter le témoignage de Tertullien, quand il nous affirme qu’ « un prêtre d’Asie » composa les Acta Pauli, « par amour pour Paul. » Il y met une singulière insistance, et, loin de laisser soupçonner la moindre hésitation, il se montre d’une confiance absolue dans la valeur de ses renseignements; s’adressant à ses adversaires, il s’exprime avec la plus grande netteté ; « Sciant... Qu’ils sachent... » Il a pu évidemment se renseigner en Asie même, lui qui connaissait si bien la langue grecque, et à cette époque où les relations devenaient très fréquentes entre l'Orient et l'Occident. Il a même dû le faire; car il se trouvait en présence d’un écrit qui allait jusqu’à prétendre remonter aux temps apostoliques, que du moins l’on citait à l’égal d’un livre canonique; les soupçons, puis le désir de s’informer naquirent donc spontanément dans son esprit; il chercha; et les renseignements ne tardèrent pas à lui parvenir. Les Églises d’Orient sentaient alors le besoin de délimiter strictement le canon en face des gnostiques; et plus elles respectaient l’héritage authentique des apôtres, plus elles en écartaient avec soin tout écrit postérieur, exposât-il la plus orthodoxe des doctrines. C’est pour cette raison et pour elle seule, car elle était parfaitement suffisante, que fut destitué, par un conseil d’évèques probablement, ce prêtre qui avait osé composer sous le nom de Paul un livre récent, « comme s’il voulait ajouter encore, par sa propre autorité, à celle de l’apôtre. » Ainsi, l’attention des catholiques orientaux s’était naturellement éveillée avant celle même de Tertullien, et celui-ci n’eut aucune peine à obtenir les renseignements qu’il cherchait.

Tout d’ailleurs dans l’œuvre nous confirme leur valeur; l’auteur est catholique, et il est prêtre. L’examen des doctrines ne nous a rien montré en elles qui, pour l’époque, fût hérétique; et combien Tertullien se serait estimé heureux de pouvoir infliger cette épithète au livre invoqué par ses adversaires ! Avec quelle ardeur il aurait rappelé une condamnation formelle, prononcée en ce sens contre les Acta Pauli, par les supérieurs ou les égaux de leur auteur ! Mais ni ces derniers ni lui-même ne pouvaient nier que ce livre, loin de favoriser les gnostiques, luttait au contraire contre leurs idées. Et cette lutte même se comprend chez un dirigeant, chez un prêtre soucieux de conserver à la foi sa pureté, beaucoup plus que chez un laïque. Celui-ci se serait préoccupé avant tout de montrer un Paul d’une merveilleuse sainteté, et puissant faiseur de miracles; il n’eût pas eu le souci de l’opposer aux hérétiques menaçant alors la vraie croyance; et l’œuvre nous aurait fait connaître seulement un saint populaire, et pas du tout un maître de la doctrine.

Les Acta Pauli dénotent, d’autre part, une assez pro-fonde connaissance des livres du Nouveau Testament, pour que nous ne puissions pas l’imaginer possible, à cette époque, chez un simple fidèle. On ne rencontre pas de textes canoniques cités expressément, enchâssés dans un récit qui pour le reste ne s’inspire aucunement d’eux; un faussaire habile pourrait réussir ce travail de marqueterie sans savoir grand’chose de l’œuvre qu’il pille. Ici, il y a beaucoup mieux : c’est l’esprit même des livres canoniques qui imprègne l’œuvre tout entière, qui lui imprime sa marque; à chaque pas, on se heurte à des réminiscences évidentes, même verbales, qui parfois se peuvent rapporter à deux ou plusieurs passa· ges différents. Certains épisodes dépendent de ces souvenirs, par exemple, pour n’en citer qu’un, la chute et la résurrection de Patrocle. dans le martyre, imitées évidemment de Actes, xx, 9 sq. Enfin, la correspondance elle-même est une contrefaçon assez habile de la manière de Paul; nous y trouvons aujourd’hui quelque maladresse; cependant, elle a su s’imposer aux Syriens et aux Arméniens au point de passer dans leur canon, passagèrement chez les premiers, beaucoup plus long״ temps chez les autres. Une telle science de la sainte Écriture mérite d’être appelée « intime»; elle suppose une intelligence nourrie des livres saints, habituée à les manier, à les expliquer; elle ne peut avoir appartenu qu’à un prêtre.

2. Lieu de composition.

Ce prêtre, affirme encore Tertullien, est d’Asie; et la valeur de ce témoignage ne nous permet pas d’apporter aucune attention à toutes les hypothèses faites par les différents critiques sur le lieu d’origine des Acta Pauli. Lipsius n’avait pas voulu se prononcer; mais Zahn 1 le place « en quelque point sur la route d’Alexandrie à* Antioche; » il est vrai que les Acta Theclæ doivent, d’après lui 2, avoir été composés « dans la province d’Asie, » à Éphèse même, si les mots apud Joannem de saint Jérôme sont exacts, en tout cas, « pas à Iconium, ni dans ses environs immédiats. » Harnack 3, se basant sur une prétendue citation de l’Evangile des Hébreux, fait de l’auteur un judéo-chrétien hellénisant d’Égypte. Nous savons maintenant que les Acta Theclæ ne sont qu’un épisode des Acta Pauli, que c’est de ces derniers que parle Tertullien, et nous nous en tenons à la désignation de « l’Asie » comme berceau de l’œuvre.

Tout d’ailleurs vient confirmer ce choix. Il est facile de remarquer combien il y a beaucoup plus de précision pour les désignations de localités dans les Acta Theclæ que dans le martyre; un Asiatique se sentait beaucoup plus à l’aise en parlant de son pays qu’en décrivant une scène qui se passait à Rome. De là, plus d’abondance; de là aussi, plus de netteté. L’auteur introduit même dans la capitale, parmi les πρώτοι τού Νέρωνος, deux compatriotes, Orion le Cappadocien et Festus le Galate. D’autre part, nous le verrons, il ignore même les traditions romaines.

Mais de quelle Asie s’agit-il? Est-ce de la province romaine qui portait officiellement ce nom ? ou de la péninsule tout entière ? Si l’on s’en tient à l’usage courant, il semble bien que ce soit de cette dernière qu’il est question; l’affirmation de Tertullien ne limite donc pas étroitement le champ de nos recherches; et les remarques de l’alinéa précédent ne nous sont pas d’un plus grand secours. Pouvons-nous songer au Pont? C’est de ce pays que Tryphaine, un personnage historique, a été reine; et le prêtre, du Pont, l’aurait, par patriotisme, introduite dans son pieux roman. G. Ficker, dans son étude sur les Actes de Pierre, p. 38 sq., appelle l'attention sur un fait analogue et conjecture que leur auteur pourrait bien être un Bithynien, parce qu’il aurait fait revivre; dans la personne du sénateur romain Marcellus, le préteur de Bithynie Granius Marcellus. C’est un indice bien faible que celui-là; et il semble que l’auteur des Acta Pauli, s’il était du Pont, aurait fait preuve de beaucoup plus de patriotisme en amenant Paul dans le Pont, d’autant mieux que l’indication des Actes, xviii, 23, s’y prêtait, en montrant l’apôtre prêchant dans toute la Galatie. Il est vrai que nous ne pouvons pas dire ce que contenaient les parties encore inconnues de l’œuvre; mais il est très probable, d’après ce qui nous reste, que tous les épisodes se placent dans la partie sud de l’Asie Mineure, sur les bords de la mer Egée, et à Rome.

C. Schmidt4 attire l'attention sur Smyrne, et ses indications sont curieuses. Dans les inscriptions grecques retrouvées dans cette ville, il a relevé un assez grand nombre des noms propres employés par les Acta Pauli et, deux fois, on y lit Άντώχιια άιώ Δάφνης. De plus, il y a des relations nombreuses entre les doctrines de nos Actes et celles de l’Epitre de saint Polycarpe; le récit même du martyre du saint évêque a pu être connu par leur auteur; et cette connaissance s’expliquerait fort bien chez un prêtre de Smyrne. Malheureusement, ces arguments ne sont pas bien forts; il y avait certains noms propres très répandus parmi les villes helléniques, et leur ensemble même ne peut se rapporter à telle grande ville plutôt qu’à telle autre. D’autre part, la lettre de saint Polycarpe a été vite connue dans toute l’Asie, et, sans doute, a été envoyée par la communauté de Smyrne à beaucoup de communautés autres que sa destinataire officielle, ou a été communiquée par celle-ci même; il en fut de même évidemment pour le martyrium', et n’importe quel prêtre était bien placé pour connaître et utiliser ces deux documents. Reste en outre l’objection formulée par Schmidt lui-même, qu’il est bien invraisemblable qu’un habitant de Smyrne ait placé Éphèse immédiatement au bord de la mer, où Paul se rend avec Eubule et Artémille, et d’où il regagne sa prison sans être aperçu par les gardes 5.

Reste, comme la plus naturelle, l’hypothèse de Rolffs6. C’est, dit-il, à Séleucie ou à Iconium que l’on chercherait le plus volontiers, parce que c’est là que le souvenir de Thècle est cultivé avec le plus d’ardeur. Cette légende de la sainte ne forme sans doute qu’un épisode du vaste ouvrage; mais, parmi tous les autres, il en exprime le plus fortement et le plus purement le but fondamental; l’auteur voit Paul et son histoire en se plaçant au point de vue de la légende de Thècle; il s’intéresse donc particulièrement à la sainte de Séleucie et d’Iconium; il y met sans doute du patriotisme local. Il y a là quelque exagération: nous avons vu que le saint Paul de l’œuvre luttait aussi contre les païens et les Juifs; et il apparaît nettement que la lettre aux Corinthiens n’a pas été dictée par la légende de sainte Thècle. Celle-ci incarne au mieux un des points de la doctrine de l’apôtre, telle qu’elle est comprise par l’auteur; elle ne la représente pas tout entière, il s’en faut. On ne peut s’empêcher cependant de lui accorder de l’importance, tant l’épisode est fouillé et développé avec un soin évident. Il est du reste curieux de noter que saint Épiphane, Hier., xlvii, 1, P. G., t. xli, col. 849-852, signale la présence des encratites surtout en Asie Mineure, mais plus parti-culièrement dans la Pisidie et la Phrygie brûlée, quoique aussi en Isaurie, Cilicie, etc. Or, l’auteur des Acta Pauli montre une préférence marquée pour les régions de Syrie, de Cilicie, de Lycaonie et de Pisidie; et il ne parait pas qu’elle s’explique uniquement par l’étude des Actes canoniques; c’est que sans doute il connaissait mieux ces contrées. Mais je croirais volontiers que c’est plutôt à Antioche de Pisidie même qu’il faudrait le chercher. C’est là, à mon avis, que se passe! le premier épisode; Paul y souffre d’abord des persécutions des Juifs; Thècle ensuite n’échappe que par une série de miracles aux persécutions des païens. Ainsi, les deux principaux héros des Actes seraient venus illustrer la ville ; voilà de quoi flatter le patriotisme de ses habitants. Et qu’on ne dise pas que l’auteur ne pouvait faire reparaître Paul dans Antioche après qu’il en avait été chassé : est-ce que les Actes ne nous le montrent pas, dans sa première mission, après qu’il eut poussé jusqu’à Derbè, revenant, Actes, xiv, 20, par les villes qu’il avait évangélisées, en particulier par Lystra, où cependant il venait d’être lapidé et laissé pour mort, Actes, xiv, 18, et par Iconium, d’où l’avait éloigné la colère commune et des Gentils et des Juifs? Actes, xiv, 5. D’ailleurs, dans l’épisode de Thècle, il ne reparaît à Antioche que pour s’évanouir brusquement, à la rencontre du « Syrien Alexandre ». La mention de Daphné au c. xxiii s’explique tout aussi bien dans cette hypothèse que dans toute autre, du moment qu’il ne peut s’agir dans les Acta Theclæ de l’Antioche de Syrie; c’était sans doute une petite *localité, située aux environs d'Iconium et d’Antioche, et bien connue par les habitants de ces villes; ce nom ne manquait pas en Asie; ainsi, il y avait, d’après Etienne de Byzance, une Daphné en Lycie.. Enfin, le κατ» την βασιλικήν όδδν τήν έζΐ Λύστραν du c. m des Acta Theclæ s’explique ainsi : << sur la voie royale de Lystra »; cette route allait directement d’Antioche à Lystra en passant à quelques milles au sud d’Iconium; et un habitant de la première ville peut fort bien l’appeler la route de Lystra, et dire que quelqu’un la suit, sans indiquer dans quelle direction marche ce voyageur. Nous pouvons donc comprendre qu’Onésiphore a d’abord rejoint cette grande voie,

puis l’a suivie, mais dans la direction d’Antioche de Pisidie, d’où venait Paul. C’est ainsi qu’un Parisien mentionnera sa rencontre avec un ami « sur la route de Versailles, » sans préciser si cet ami vient de Versailles, ou, inversement, de Paris. Cette hypothèse rendrait compte aussi de l’importance donnée à la ville de Pisidie; c’est par elle que le récit commence; pourquoi pas par Antioche de Syrie, d’où les Actes font partir saint Paul? C’est que cette dernière n’intéresse pas du tout l’auteur, habitant de l’autre. Du reste, nous n’avons pas le début de l’original, qui pouvait fort bien, en guise de préface, dire quelques mots de la vie de saint Paul, avant ce premier voyage. Mais qui oserait se flatter de posséder, sur de telles questions, une solution définitive? Il faut se contenter d’exposer ce qu’on regarde comme vrai* semblable, et avoir la modestie d’avouer, au fond, son ignorance.

3. Date.

Nous ne pouvons guère mieux préciser la date de la composition des Acta Pauli. Il ne nous est pas permis cependant, puisque nous avons accepté les témoignages de Tertullien et de saint Hippolyte, du premier surtout, de la placer après 200. En cette année même, l’œuvre était parvenue dans le nord de l’Afrique; elle y était connue, estimée, consultée, citée à l’appui des doctrines que l’on avançait. Une telle popularité ne s’obtient pas du premier coup; elle exige quelque temps de vie et d’action plus cachée, où son crédit s’augmente peu à peu de l’admiration qu’elle excite, où elle perce insensiblement jusqu’à la pleine lumière. Ce n’est donc pas exagérer que de faire remonter la composition au plus tard à 180. Cependant, il faut bien tenir compte du caractère des informations de Tertullien. Il laisse l’impression de quelqu’un qui parle d’un événement contemporain, appris de bonne source. A Rome ? Non vraisemblablement, si saint Hippolyte n’a mis aucun scrupule à utiliser l’œuvre; mais en Asie même, où les relations ne manquaient pas à Tertullien. Peut-être est-ce de juges ou de témoins dans le procès du prêtre qu’il tient ce qu’il sait; peut-être ce prêtre vit-il encore. Quoi qu’il en soit, il n’aurait pas mentionné le fait avec une telle certitude s’il s’était passé quelque cinquante ou soixante ans auparavant. Harnack7 et surtout C. Schmidt 8 ont eu grandement raison d’insister là-dessus. Mais enfin, la déposition de l’auteur suppose que l’œuvre avait de l’influence et que l’on jugeait nécessaire d’y couper court; si elle avait été ignorée, si on ne lui avait pas donné plus d’importance que son créateur même peut-être ne l’aurait voulu, nul besoin de fulminer et de condamner ! Ajoutons néanmoins avec Schmidt que les Eglises d’Orient se montraient très pointilleuses quand il s’agissait d’authentiquer l’héritage des temps apostoliques, à cette époque surtout; et le blâme ne dut pas tarder à suivre l’illustration. Il n’en reste pas moins qu’il nous faut remonter, pour la composition, à l’an 180 au plus tard.

Il nous serait même permis d’aller plus haut; mais nous devons chercher ailleurs une solution plus nette de cette question et étudier l’œuvre en elle-même, et dans ses rapports avec d’autres écrits, que l’auteur aurait utilisés. La foi catholique y est attaquée par trois adversaires principaux : les païens, les gnostiques, les Juifs. Et c’est là une situation qui correspond bien à celle des Églises d’Orient dans le second siècle.  

L’influence des Juifs ne s’exerce pas directement ; mais elle contribue parfois puissamment à enflammer l’esprit naïf et superstitieux du peuple païen contre les fidèles. Il est remarquable en effet que les hauts fonctionnaires romains, dans les Acta Pauli, ne se prêtent qu’avec répugnance à des condamnations au supplice ou à la mort; c’est le peuple qui réclame à grands cris ces spectacles cruels, dont il aimait à repaître sa vue (exception cependant pour Néron). Mais il était naturel d’attribuer à des esprits plus éclairés des sentiments plus humains. Le proconsul Cestilius, alors que la foule criait contre Paul : « II est magicien; tue* le ! » entend « avec plaisir » l’apôtre « parler de ses œuvres saintes, » <4. Th., c. xx; il « souffre vivement, » c. xxi, de le faire flageller et de condamner Thècle au bûcher; «pleure » en la voyant y monter, et «admire sa force. » Le gouverneur d’Antioche accède volontiers à la demande de Thècle, qui veut sauvegarder sa virginité, et il la confie à Tryphaine, A. Th.,c. xxvii; après la délivrance de la sainte, il publie un décret conçu en ces termes : « Je vous rends, en la délivrant, Thècle, servante de Dieu, adoratrice de Dieu. » Enfin, dans l’épisode d’Ephèse, le gouverneur Jérôme affirme, d’après Nicéphore, que Paul « parle selon la vérité. » Cette attitude des fonctionnaires romains, dans les Acta Pauli, répond-elle à ce qui se passait réellement au temps de leur composition ? Il ne me semble pas qu’on puisse admettre de plain*pied cette conclusion; l’auteur a dû chercher à donner à son livre une couleur plus ancienne en prêtant aux faits le caractère, aux personnages la physionomie que la tradition pouvait indiquer pour les époques antérieures; or, en cette période troublée, on se souvenait de plus d’indulgence de la part des autorités. Qu’il nous suffise de rappeler la lettre historique de Pline, écrivant à Trajan, en 112; il a interrogé des renégats, et il admet fort bien leur affirmation que, fidèles, « loin de s’engager par serment à quelque crime, ils promettaient de ne commettre ni vol, ni brigandage, ni adultère, de ne point manquer à leur promesse, de ne point nier un dépôt. » Sans doute, il a envoyé quelques chrétiens à la mort, sur l’édit formel de l’empereur, et après avoir essayé de les faire renoncer à leur « superstition »*, mais enfin, il hésite et demande des conseils. Est-ce que saint Luc, dans ses Actes, ne nous montre pas lui-même une telle indulgence chez les autorités romaines? Et son œuvre, nous le savons, est une des sources où puise abondamment l’auteur des Acta Pauli. C’est à ces traditions, c’est à ces écrits canoniques que celui-ci est allé emprunter le vernis d’antiquité qu’il a passé sur son travail, et nous aurions tort de chercher l’époque où il écrivait en nous guidant toujours d’après le caractère qu’il donne aux événements de son récit ; il ne faut pas le supposer plus naïf qu’il n’est en réalité.

Est-il vrai d’ailleurs, comme le disent Harnack et Schmidt, qu’aucune persécution ne semble menacer, à cette époque, les communautés chrétiennes? Peut-être; il faut se rappeler cependant que Démas et Hermogène excitent Thamyris à présenter contre Paul ce seul grief : « Il est chrétien; » ainsi, disent-ils, « tu le perdras. » Cela semble bien supposer que le fait seul d’être disciple « de la nouvelle religion » entraînait la condamnation à mort ; et, de fait, l’édit de Trajan avait toujours force de loi. En tout cas, la persécution était alors endémique, et les fureurs populaires la soulevaient parfois» en des points cependant limités, pour n’importe quelle cause, en particulier à la suite de désastres publics. Nous ne pouvons trouver en ces temps de calme complet, mais seulement des arrêts relatifs, comme entre 155, après la mort de saint Polycarpe, et 177, où le rescrit de Marc-Aurèle donna le signal d’une si violente persécution et fit tant de victimes en Asie. En fait, c’est vers cette époque, entre 160 et 170, étant donné le souvenir encore précis de plus d’indulgence de la part des Romains, étant accordé aussi que l’ensemble des Acta Pauli ne suppose pas de violences spéciales contre le christianisme, que je placerais la composition de cette œuvre.

Le gnosticisme avait alors en effet une influence énorme. L’auteur nous le présente sous deux aspects un peu différents. Dans Démas et Hermogène, A. Th., c. 1, est incarné le gnosticisme hypocrite, ύπίχρίσεως γίμον-τβς, qui ne veut pas rompre ouvertement avec la doc-trine des communautés chrétiennes et se séparer bruyamment de celles-ci : έςβλιζάρουν τδν Παύλον ώς άγα-τ.ύντίζ αυτόν, c. I. Simon et Cléobius, d’autre part (Corr, apoc.), représentent le gnosticisme avoué et militant, qui développe ses doctrines, non plus secrètement, mais ouvertement, et cherche des prosélytes. Envers les premiers, Paul montre encore quelque indulgence. Contre les seconds et ceux qui les écoutent, il est lui* même très net et très vigoureux, et les traite, Corr., ni, 38, de « race de vipères », qu’il faut fuir avec le plus grand soin. Mais, en somme, tous ont la même doctrine, moins complètement exprimée seulement à propos du premier couple, cependant très précise déjà. En effet, au c. 1, Paul les entretient, dit l'auteur, sur «la naissance et la résurrection » de Jésus-Christ, parce qu’elles étaient niées par le docétisme gnostique. Au c. xiv, Démas et Hermogène donnent leur propre avis sur la résurrection : « Elle a déjà eu lieu, disent-ils, par la génération des enfants et aussi par la connaissance du vrai Dieu; » c’est nier nettement qu’elle se fasse dans le sens indiqué par l'Eglise. Et cette connaissance de Dieu, cette « gnose » leur suffit, ils ne se sentent pas tenus à l’ascèse et à la continence, comme ils le laissent entendre au c. xii; ils acceptent avec plaisir des repas somptueux, c. xiii; enfin, ils sont même les adversaires du nom chrétien, puisqu’ils poussent Thamyris, c. xvi, à dénoncer Paul comme tel et à le faire ainsi périr. Quant à la doctrine de Simon et de Cléobius, nous en avons parlé dans le chapitre précédent. Donc, aucune différence essentielle. Et cette précision et cette ardeur que met l’auteur à combattre l’hérésie gnostique dans la correspondance apocryphe prouvent que la lutte était de son temps très violente. On ne peut pas dire ici qu’il a voulu reproduire simplement des traits du passé. C’était peut-être son intention en laissant un peu dans l’ombre les physionomies de Démas et d’Hermogène pour leur opposer la figure de Paul, en pleine clarté. Mais on sent bien que, dans l’épisode de Philippi, il est emporté par son zèle de prêtre contre des erreurs néfastes, dont l’effet funeste se fait actuellement sentir; avec quelle vigueur il fait parler Paul! Comme celui-ci presse avec insistance les fidèles de se mettre en garde ! Quels accents poignants de douleur, dans ces plaintes de l’apôtre, Corn, 11, 3 : « Combien il eût été meilleur pour moi de mourir, et d’être auprès du Seigneur, au lieu de vivre encore dans ce corps ! Et j’entends donner ces paroles de malheur comme celles de la doctrine ! Les chagrins, vous le voyez, s’ajoutent aux chagrins ! » Pourquoi donc l’auteur n’a-t-il pas mis à la tête des gnostiques, au lieu de ces inconnus, Simon et Cléobius, les représentants les plus célèbres de l’hérésie au iie siècle, comme Carpocrate, Basilide, Valentin, ou Marcion? Il ne le pouvait évidemment sans se trahir et sans livrer le secret de la composition toute récente de son œuvre. Mais il avait cet avantage que les doctrines contre lesquelles il s’élevait avaient été déjà, en partie du moins, combattues par les apôtres eux-mêmes; et il s’empara de cette circonstance avec empressement pour laisser libre cours à sa colère contre les hérétiques mêmes de son temps. Donc, la lutte était alors ardente; et l’époque est bien celle où Irénée lui-même avait pu voir, en Asie, les progrès de l’erreur, et les regretter amèrement; nous sommes reportés entre 155 et 175.

D’où viennent à l’auteur ces noms de Simon et Cléobius, pour représenter l’hérésie? Il est curieux de con* stater qu’Hégésippe, dans le quatrième fragment de ses 'Yxoμνήματα conservé par Eusèbe, H. E., iv, 22, 5, les cite en tête de ses sept hérésies primitives. Ont*ils tous deux utilisé une tradition commune? Ou faut-il admettre un rapport de dépendance de l’un à l’autre? On ne peut guère accepter cette seconde hypothèse; car les deux auteurs écrivaient à peu près en même temps (sans que du reste on puisse fixer, ni pour l’un ni pour l’autre, une date exacte) ; il est très vraisemblable, au contraire, qu’écrivant, l’un en Pisidie, l’autre en Palestine ou en Syrie, tous deux ont entendu parler de ce couple d’hérésiarques comme ayant autrefois fait beaucoup de mal dans ces contrées, et ont employé leurs noms.

A cette époque aussi, entre 160 et 170, les chrétiens étaient très nombreux en Asie, puisque, cinquante ou » soixante ans auparavant, Pline dit déjà d’eux dans sa célèbre lettre à Trajan : « Une multitude de gens de tout âge, de tout ordre, de l’un et de l’autre sexe, sont et seront impliqués dans cette accusation (d’être chrétiens). Le mal contagieux de cette superstition n’a pas seulement infecté les villes; mais il a gagné même les villages et les campagnes. » On ne pourrait donc invoquer (Lipsius) ce que les païens disent, dans Mari., c. m, du nombre des chrétiens, pour retarder la date de l’œuvre, étant donné que l’auteur attribue évidemment à Rome ce qu’il voit lui-même en Asie.

Enfin, l’emploi même des livres canoniques, et peut-être celui du martyre de saint Polycarpe, nous ramène encore à la même date. Tous les écrits du Nouveau Testament, nous le verrons, sont utilisés largement, non seulement les Actes de saint Luc et les premières épîtres de saint Paul, mais aussi les Evangiles et les épîtres pastorales; la connaissance d’un tel ensemble s’explique beaucoup plus facilement après l’an 150 qu’avant. Celle du martyre de saint Polycarpe nous donnerait une indication plus précise et nous reporterait sûrement après 155, si on pouvait démontrer que les Acta Pauli ont avec lui des rapports assez étroits pour prouver qu’en partie du moins ils en dépendent. Mais Schmidt9 a eu raison de regarder ces rapports comme trop vagues; la condamnation au bûcher est fréquente alors; et l’attitude du peuple est notée, dans trop de martyres, avec les mêmes traits, la même fureur contre les chrétiens, ou plus rare· ment la même pitié pour leurs souffrances, pour que nous puissions tirer de ces comparaisons une conclusion ferme.

Cependant, nous avons pu remarquer, en étudiant les doctrines des Acta Pauli, une ressemblance assez étroite entre cette œuvre et, il est vrai, la lettre de saint Polycarpe, mais surtout la IIa Clementis, pour qu’il nous soit permis de conclure qu’elle est née du même esprit et à la même époque : il n’y a pas là de critérium plus précis. Restons-en donc à cette date, de 160-170.

Elle expliquerait, mieux que l’année 180, pourquoi l’auteur n’a pas même fait allusion au montanisme. Celui-ci n’avait pas encore si puissamment enflammé les esprits et pouvait passer pour le fruit éphémère d’une exaltation passagère et locale; en tout cas, son importance était beaucoup moins grande que celle du gnosticisme, partout répandu en Asie, partout agissant et trop souvent même réussissant ; on comprend donc les inquiétudes d’un prêtre catholique devant ce dernier mouvement; et l’on comprend aussi son silence devant le premier. Il ne faudrait pas expliquer cette indifférence, comme l’a fait Schmidt10, en disant que l’auteur lui-même« ne méprise pas l'inspiration directe de l'Esprit; » il y a mille lieues entre le récit d’apparitions, comme celle du Seigneur sous les traits de Paul, A. Th., c. xxi, et celles de Paul devant Néron ou aux yeux de Longus et de Cestus, Martyre, vi, vu, entre les révélations de Myrte et de Théonoè, si fréquentes, presque officielles, dans l’ancienne Église, et, d’autre part, les excès du montanisme.

Ainsi, nous sommes sûrs que les Acta Pauli ont été composés par un prêtre d’Asie, dans la seconde moitié du iie siècle; et des considérations vraisemblables nous permettent de le faire vivre à Antioche de Pisidie, où il aurait écrit son œuvre entre 160 et 170; c’est tout; et si peu précises que soient ces indications, elles le sont peut-être encore trop.

 

CHAPITRE VI

RAPPORTS AVEC LE NOUVEAU TESTAMENT

VALEUR HISTORIQUE. — INFLUENCE

La question de la valeur historique des Acta Pauli se heurte elle-même à d’insurmontables difficultés. Si nous pouvions contrôler, à l’aide de documents authentiques, les assertions de l’auteur, la tâche serait des plus simples; mais nous n’en possédons plus qu’un, de très haute valeur, il est vrai; ce sont les Actes canoniques des apôtres; ce sont aussi les épîtres de saint Paul, pour quelques détails du récit. Comment l’auteur les a-t-il utilisés? Les a-t-il suivis de tout près? Si non, quelles libertés s’est-il permises à leur égard? Voyons-le de très près; voilà qui nous renseignera sur ses méthodes d’emprunt et d’invention ; et, de ses scrupules ou de son sansgène vis-à-vis de sources si respectables, nous pourrons conclure à son respect ou à son indépendance à l’égard de travaux ou de traditions orales moins honorés.

1. Rapports avec les Actes des apôtres.

On ne peut nier qu’il ait emprunté aux Actes le cadre des voyages de saint Paul, et d’abord, celui de la première mission. D’après les restes de la version copte, les premiers épisodes se déroulent successivement à Antioche, Iconium, Antioche et Myre. Basile de Séleucie 11 et Simeon Métaphraste  12 ont soutenu, à propos du deuxième séjour à Antioche, les droits d’Antioche de Syrie contre Antioche de Pisidie. qui se prévalait de ses traditions locales. Mais il est évident que c’est de cette dernière ville qu’il s agit. Si peu que les distances embarrassent l’auteur des Acta Pauli, il ne pouvait cependant faire voyager sainte Thècle, et par terre, car il ne parle en aucune façon de mer et de navire, d’Antioche de Syrie à Myre, pour y retrouver saint Paul. De même, quand tous se séparent, dans le tombeau situé près d’Iconium, où ils avaient jeûné plusieurs jours et mangé l’agape avec Thècle sauvée du bûcher, c’est un court voyage que font Paul et la sainte pour gagner Antioche. Il y a plus; je crois que c’est déjà d’An* tioche de Pisidie qu’il s’agit dans le premier épisode; j’ai eu l’occasion d'en parler dans le chapitre précédent, et je traiterai complètement cette question à propos du premier récit. Nous aurions donc ici une imitation assez exacte de ce que les Actes canoniques nous apprennent sur !a première mission de l’apôtre. D’après eux, c. xiii et xiv, Paul, parti d’Antioche de Syrie, s’embarque à Séleucie, traverse File de Chypre, se rend successivement à Antioche de Pisidie, Iconium, Lystra, Derbè, revient par les mêmes villes en Pisidie, puis au port d’Attalia en Pamphylie, d’où il regagne la Syrie. Or, nous n’avons pas le début des Acta Pauli, et il est bien possible qu’en guise d’introduction, leur auteur ait consacré quelques lignes à ces débuts du premier voyage apostolique de saint Paul; mais, étant donnée sa manière, il faut avouer que cette hypothèse est peu vraisemblable. Il reste, en tout cas, qu’il a choisi, pour y dérouler son récit, en particulier celui de la conversion et du martyre de Thècle, trois des villes mentionnées par les Actes. Mais déjà les différences sautent aux yeux : ici, Paul est seul, tandis que, dans l'œuvre canonique, il est accompagné par Barnabé; de plus, et surtout, nous ne trouvons aucune mention ni du voyage par mer, ni de la prédication à Lystra et à Derbè, ni du retour par Attalia, puisque l'épisode suivant place l'apôtre à Myre; située, il est vrai, assez près d’Attalia, et sur les bords de la mer.

Ces différences sont bien plus frappantes encore pour les autres voyages de saint Paul cans les Acta Pauli. De Myre, il se rend à Sidon, puis à Tyr, et probable-nient à Jérusalem. 11 y a là un emprunt à la fois aux c. xxvii, 3. 5, et xxi, 3 sq., des Actes, et une combinai* son due à l'imagination de l'auteur. Dans son voyage à Rome, Paul passe par Sidon, Actes, xxvii, 3, et par Myre, Actes, xxvii, 5; il suffit de lui faire parcourir directement cette route en sens inverse. Mais ce n’est plus uniquement par mer, c’est par terre, du moins pour une part du trajet; c’est ce qu’indique ce fait que deux couples de fidèles de Pergè se joignent à lui pour l'accompagner et lui fournir sa nourriture. Enfin, les Actes canoniques indiquent, xxi, 3, un séjour de l’apôtre à Tyr; il ne reste qu’à l’embellir; et, de là, il est simple de lui faire gagner Jérusalem. On saisit facilement le procédé; Fauteur n’emprunte en somme à la source authentique que des noms de villes, unis par un lien plus ou moins lâche, ou même complètement séparés, et il fait de ces noms J’usage arbitraire qui lui convient.

Il est malheureusement impossible, dans l’état où se trouve le ms. copte, de savoir où l’auteur des Acta Pauli conduit saint Paul après l’avoir fait apparaître à Jérusalem. Probablement, il a librement imité ce que les Actes nous rapportent de la seconde mission de l’apôtre; il le fait passer par l’Asie et gagner Éphèse. De là, d’après le récit de Nicéphore, Paul se rend en Macédoine et en Grèce, traverse de nouveau la Macédoine, vient à Troas et à Milet, et retourne à Jérusalem. C’est dans ce voyage que se placent l,épisode de Philippi, celui d’Ephèse résumé par Nicéphore, et le séjour de saint Paul dans les mines; mais dans quel ordre? Et comment, et où insérer le séjour à Corinthe, qui, d’après la correspondance, doit être séparé du séjour à Philippi par un intervalle assez long pour permettre à deux intrus, Simon et Cléobius, d’y développer leurs doctrines hérétiques? La fantaisie de notre auteur ne permet guère de conjectures vraisemblables.

Elle se montre tout aussi ingénieuse dans l’emploi des faits racontés par les Actes canoniques. Elle ne les méprise pas, il s’en faut; ainsi, les raisons de la fuite de saint Paul à la fin du premier épisode sont fournies par Act., xiii, 50. C’est devant les efforts et les excitations des Juifs pour soulever les païens que Paul doit céder; il est chassé de la ville. Mais de plus, il est lapidé; et ce dernier trait est emprunté à un autre chapitre, xiv, 5, 18; nouvelle combinaison. Ces persécutions sont, du reste, rappelées aussi dans II Tim., iii, 11, et cela a pu donner à l’auteur l’idée d’y insister.

C’est une indication du même genre, I Cor., xv, 32, qui lui permet de placer à Ephèse une condamnation de saint Paul aux bêtes. Et s’il n’utilise pas tous les traits de la persécution racontée par Act., xix, 23, il en emprunte du moins quelques-uns : la fureur du peu· pie, l’indulgence de l’autorité et le lieu même de la scène, le théâtre. Quant au miracle de la délivrance, il est imité de Act., v, 19; xii, 7.

Le séjour à Philippi s’appuie à son tour sur Act., xvi, 12 sq. Là, d’après la correspondance, saint Paul subit une lourde épreuve, dans le récit de laquelle sont pillés sans doute les Actes canoniques, mais que les mutilations de la version copte ne nous laissent pas reconstituer; peut-être ce péril grave est-il né de la conversion à la doctrine de la continence d’une femme noble de la ville, Stratonice, qui ferait certainement le pendant de Lydie. Quoi qu’il en soit, nous retrouvons ici encore plusieurs emprunts, mais toujours arbitrairement arrangés, aux Actes de saint Luc.

C’est à Philippi que saint Paul apprend les troubles qui bouleversent l'Église de Corinthe. Les deux épîtres canoniques de l’apôtre aux habitants de cette dernière ville parlent assez de ces divisions pour que l’auteur ait songé à saisir là l’occasion de faire écrire une troisième, ou plutôt une première lettre; car I Cor., v, 9, et vu, 1, rappellent expressément une correspondance échangée et perdue. C’était, ou jamais, le cas de remédier à une perte si grave; et l’auteur n’y manque pas. La lettre aux Philippiens leur avait été précisément écrite pendant que l’apôtre était prisonnier à Rome. Pourquoi ne pas lui en faire envoyer une aux Corinthiens quand il est enchaîné à Philippi? Aussi l’auteur pille, largement et peu consciencieusement, cette lettre, comme celle aux Romains, et les deux aux Corinthiens; on verra dans les notes sur la correspondance quel large emploi il a fait de ces écrits canoniques.

Les Actes, xxi, 4, 11, font annoncer à Paul par l'Esprit les épreuves qui l’attendent à Jérusalem. 11 semble bien que l’auteur des Acta Pauli s’est servi de ces indications dans ce que nous appelons « Scènes de départ ». Sans doute, il met sur les lèvres de l’apôtre des parole» de tristesse analogues à celles de Act., xx, 23, 25; celui-ci, dans ce qui reste du ms. copte, dit avec fermeté : « Le Seigneur marchera avec moi, afin que j’accomplisse avec patience toute fonction qu’il me confiera. » Mais les frères « sont désolés et jeûnent. » C’est alors que l'Esprit parle par la bouche de Cléobius et de Myrtè, annonçant les épreuves futures, compensées par d’innombrables conversions. Peut-être la scène était-elle placée, d’après les Actes, soit à Milet, soit à Tyr ou Césarée; nous n’en savons rien. En tout cas, elle n’annonce plus l'emprisonnement à Jérusalem, mais les épreuves, plus terribles encore, qui attendent saint Paul à Rome; c’est toujours l’application du même procédé de la part de l’auteur.

Conduit-il ensuite saint Paul par la capitale de l’empire jusqu’en Espagne, avant ]e martyre même? La scène dont je viens de parler ne fait aucune mention de ce voyage et semble désigner directement Rome comme le terme des épreuves de l’apôtre. C’est ce que prouve aussi le début du Martyre : « Luc, venant de Galatie, et Tite, de Dalmatie, attendaient Paul à Rome. >; D’où celui-ci venait-il? Il est facile de retrouver l’origine des indications concernant les deux disciples. II Tim., iv, 10, nous apprend que Crescent est allé en Galatie, et Tite en Dalmatie, Luc restant seul avec saint Paul. L’auteur s’est tout simplement permis ici plusieurs de ces changements comme déjà nous en avons tant constaté; il a mis Luc à la place de Crescent, qu’il a supprimé, et il a transporté le même Luc, ainsi que Tite, des provinces où ils se trouvaient, à Rome, pour y recevoir saint Paul. C. Schmidt13 a raison de rappeler l’analogie de cette situation avec celle de saint Ignace, devancé à Rome par quelques-uns de ses fidèles, qui veulent y veiller à son entretien. Il ne s’agit donc pas, comme Zahn 14 l’a prétendu, d’un retour des deux disciples, pas plus que de l’apôtre revenant d’Espagne, dans la capitale, mais d’une première arrivée.

Et ce n’est pas, comme dans les Actes canoniques, en prisonnier, que saint Paul y entre; il est libre, et n’a besoin d’aucune tolérance pour exercer son apostolat. Peut-être l’auteur des Acta Pauli a-t-il imaginé que c’est de sa propre volonté qu’il vient se présenter devant l’autorité romaine. De quels épisodes cet auteur va-t-il a   remplir ce séjour? Les Actes, xxviii, 30, lui fournissent un premier trait : saint Paul loue une grange, où il reçoit les frères, et enseigne la parole de Dieu. Mais c'était vraiment trop peu; et il fallait bien trouver, outre une matière à développement, les raisons de la persécution et de la condamnation de Paul. C’est alors qu’intervient Patrocle. Quelle que soit l'origine de ce nom, l’histoire du jeune homme est évidemment empruntée aux Actes de saint Luc, xx, 9 sq. Mais que de détails différents ! Les noms de la ville et du héros sont changés; surtout, celui-ci est improvisé échanson de l’empereur, et très aimé de lui, en sorte que sa chute et sa mort, aussitôt annoncées, puis sa résurrection et sa conversion, vont provoquer successivement cher Néron la douleur, la surprise, l’épouvante et la colère. La situation est donc tout autre, et le fait beaucoup plus important pour la suite des Acta Pauli. Deux autres détails ont pu être également inspirés, l'un par Phil., iv, 22, qui rappelle les frères «de la maison de César», et l’autre par Act., xxvii, 24, qui permet à l'auteur de faire comparaître saint Paul devant Néron.

En somme, pour les faits, le procédé de l'auteur est très simple; il emprunte aux Actes canoniques et aux épîtres pauliniennes tous ceux qui peuvent être utiles à son pieux roman; mais il les déplace, les reprend, les corrige et les combine à sa guise; et l'on voit à quelles erreurs on serait exposé, si, connaissant ses rapports avec les Actes, et ceux-ci étant perdus, on cherchait à en reconstituer d'après lui quelques traits. Il faudrait s’en tenir à l'existence historique du principal personnage, apôtre et missionnaire, et c'est tout; dans le reste ne se trouverait rien qu'incertitudes et déceptions.

L’emploi même qu'il fait des noms propres nous four־ nit une autre et curieuse illustration de sa méthode. C. Schmidt a relevé tous ceux que les restes des Acta Pauli nous ont conservés15. Or, il est singulier que très peu soient aussi ceux que mentionnent les Actes ou les épîtres canoniques. Et encore les personnages qui les portent sont-ils loin de jouer le même rôle que dans ces œuvres. J’ai dit un peu plus haut comment Tite avait devancé l’apôtre à Rome; il le devance aussi à Iconium; c’est lui sans doute qui a converti Onésiphore et sa famille; et il donne à celui-ci la description qui lui permettra de reconnaître saint Paul. Il apparaît donc surtout comme une sorte de précurseur de l’apôtre, tandis que les épîtres canoniques nous montrent en lui, après sa conversion tout au début de la prédication de saint Paul, son compagnon, et son compagnon presque inséparable; la seule excuse de l’auteur est d’avoir imité évidemment, et, comme toujours, déformé les missions que saint Paul confie à son disciple, II Cor., ii, 13; vii, 13 sq., d’aller avant lui à Corinthe y rétablir la paix, et, II Cor., viii, 7, de recevoir en Macédoine les collectes des frères.

Comme il a transporté Tile de Corinthe à Iconium, ainsi l’auteur des Acta Pauli transporte d’Éphèse dans la même ville la maison d’Onésiphore, mentionnée dans Il Tim., 1, 16; iv, 19; et l’on ne peut évidemment, pour donner la couleur historique à son récit, supposer qu’Onésiphore avait quitté Ephèse pour venir s’installer à Iconium; il est absolument superflu de chercher à le justifier, parce que la tâche serait trop ardue; et l’on ne peut pas plus ajouter créance à ses dires quand il nomme toute cette famille d’Onésiphore, sa femme Lectra, et ses deux fils Simias et Zénon.

De même, le couple d’hérétiques du début des Acta Theclæ, Démas et Hermogène, n’est pas sorti tout armé, avec noms et physionomies, de l'imagination de notre auteur. Le premier, après avoir été un des colla· borateurs de saint Paul, Col., iv, 14, et Philem., 24, l’a quitté ensuite «par amour du monde,» Il Tim., iv, 9, et est allé à Thessalonique. Au lieu de placer sa chute dans les dernières années d’activité de l’apôtre, l’auteur en fait d’emblée un adversaire hypocrite, et bientôt un ennemi acharné, qui donne les conseils les plus capables de perdre saint Paul; et il lui prête ces doctrines gnostiques qui inquiétaient si vivement les communautés du iie siècle. Quant à Hermogène, son nom vient de II Tim., i, 15, où il est dit qu’avec Phygelus, il s’est séparé de saint Paul; mais son caractère est certaine־ ment emprunté de cet Alexandre, comme lui« forgeron », qui, d’après l’apôtre lui-même, II Tim., iv, 14, « lui fit voir tant de maux. » Il l’est aussi, uni à celui de Démas, de ce couple d’hérétiques, Hyménée et Philète, Il Tim., ii, 17 sq., qui « se sont écartés de la vérité, et disent que la résurrection a déjà été faite; » ce sont les expressions mêmes prêtées par les Acta Theci:e, c. xiv, à Démas et Hermogène, qui expliquent du reste cette affirmation par la procréation des enfants et la connaissance du vrai Dieu·

Deux autres hérétiques, Simon et Cléobius, sont mentionnés expressément, nous l’avons dit déjà, par Hégésippe, pour avoir vécu aux temps apostoliques et avoir enseigné des doctrines erronées; mais l’auteur a fait des deux individus un couple inséparable, l’a transporté à Corinthe à l’occasion des troubles que saint Paul reproche à la communauté de cette ville, et l’a habillé de la doctrine gnostique la plus expresse, telle qu’elle ne pouvait convenir à cette époque plus antienne.

Nommons encore Théophile, Act., 1, 1; Luc, 1, 3; Barsabé, Act., 1, 23; Etienne, Act., vi, 8 sq.; Tryphaine, Rom., xvi, 12; et laissons les autres; aucun n’a rien à voir avec ses homonymes de l’apocryphe, qui sont de pures-fictions. Un autre Etienne cependant, prêtre de Corin-the, a quelque relation avec le Stephanas de I Cor., 1, 16; xvi, 15; mais ce nom seul, très peu modifié, apparaît parmi ceux des rédacteurs de la lettre des Corinthiens désolés à saint Paul.

Il n’est pas jusqu’à quelques traits de la description de saint Paul, faite à Onésipliore par Tile, qui n’aient pu être suggérés par les écrits canoniques, la petite taille par II Cor., x, 10. la calvitie par Act., xviii, 18; xxi, 24. Faut-il voir dans les autres la reproduction exacte de la physionomie de l’apôtre, conservée par la tradition? 11 est certain que le peintre n’a pas flatté son modèle, alors qu’on s’attend à le voir prêter à son héros une idéale beauté. Aussi Zahn 16 ne trouve-t-il pas là une figure sainte de convention, et croit-il que l’auteur des Acta Pauli a fixé les souvenirs de ceux qui avaient pu contempler encore l’apôtre vivant. Mais c’est vraiment y mettre beaucoup de bonne volonté, outre que cela suppose pour l’apocryphe une date de composition beaucoup plus reculée que la nôtre. Il n’y a rien là que l’auteur n’ait pu forger facilement et même voir autour de lui dans des milliers d’exemplaires. Si, comme l’a fait remarquer Schmidt 17, de tels signalements se retrouvent sur les papyrus égyptiens à propos de contrats, testaments et autres actes publics, il n’y a pas de raisons pour supposer que la loi n’en ait pas exigé de semblables en Asie Mineure; et la figure décrite perd alors beaucoup de sa prétendue originalité. L’idéalisation n’y manque pas du reste dans le dernier trait : « Tantôt il semblait un homme; tantôt son aspect était celui d’un ange. » L’auteur était sans doute d’avis que l’ex* pression d’une physionomie fait sa véritable beauté et que la régularité des traits ou des formes est digne tout simplement de la plus parfaite indifférence. Mais pourquoi chercher des motifs abstrus à sa description? Qu’il nous suffise de constater qu’il invente presque toujours; et étudions, si cela nous plaît, ce portrait en artistes, mais pas du tout en historiens.

Ainsi l’auteur a bien employé, autant qu’il l’a pu, les Actes canoniques, pour peindre cette époque dont il voulait parler, et qui déjà était distante de lui de plus d’un siècle. Mais encore une fois, il ne l’a pas fait le moins du monde en historien fidèle, mais en romancier qui utilise, embellit ou déforme, suivant ses besoins, les détails recueillis aux sources même les plus sûres. La doctrine elle-même n’est pas épargnée, non pas, nous l’avons vu, que l’hérésie prenne la place de l’orthodoxie, mais le gnosticisme a ici une importance que les Actes des apôtres ne pouvaient songer à lui donner.

2. Rapports avec les épîtres pauliniennes.

11 en est de même d’ailleurs pour la doctrine des épîtres pauliniennes. Nous venons d’avoir cent occasions de montrer que l’auteur les connaît toutes à fond, aussi bien les épîtres pastorales que les autres; son sujet même l’exigeait. Mais reproduit-il fidèlement leur enseignement? Ne met-il pas à utiliser leurs idées la même fantaisie qu’à brouiller tous les détails historiques qu’elles fournissent? Il suffit- de lire 1 Tim., iv, pour se rendre compte de l’énormité de la distance qui sépare la véritable pensée de saint Paul des conseils excessifs et maladroits de l’apocryphe sur la chasteté. Aussi, celui-ci recourt-il plutôt à 1 Cor., vii, 29-35, où saint Paul proclame la supériorité de la virginité sur le mariage, quand Dieu y appelle, et au verset 40 du même chapitre, où la viduité est recommandée au lieu d’un nouveau mariage. Il appuie lourdement sur ces conseils, jusqu’à leur donner l’apparence d’ordres, et, d’autre part, laisse dans l’ombre ce même c. iv de I Tim., qui leur donnerait leur vraie valeur. Un tel procédé déforme une doctrine au point de la dénaturer.

3. Rapports avec les Évangiles.

Cette déformation n’est pas moins visible dans l’emploi des Évangiles. Nous avons déjà brièvement comparé les treize macarismes des Acta Theclæ avec ceux de Matt., v, 312־; ils n’ont guère en commun que la forme; le fond de ceux de l’apocryphe est destiné à célébrer cette continence qui lui est si chère. Il n’en reste pas moins que l’auteur connaît parfaitement ce premier évangile ; il utilise moins celui de saint Jean, moins encore ceux de saint Marc et de saint Luc, bien qu’on retrouve encore chez lui des réminiscences verbales indiscutables de tous trois. Il est d’ailleurs tout naturel qu’il ait eu moins recours à des œuvres qui parlent du Sauveur, et non pas de cet apôtre dont il voulait retracer la vie et les actions merveilleuses; à son but, les Actes canoniques et les épîtres pauliniennes étaient beaucoup mieux appropriés.

4. Rapports avec l'histoire profane.

Si telle fut l’attitude de ce « prêtre d’Asie » envers des œuvres aussi respectées que celles du Nouveau Testament, nous aurions grand tort de lui demander de ne pas ternir la pureté des sources profanes où il puise, d’épargner les traditions orales qui ont pu parvenir jusqu’à lui. Ce n’est, du reste, qu’avec bien des doutes que l’on peut dire qu’il en a connu.

Rappelons cependant que nous avons eu à parler déjà de la « route royale » qui conduisait directement d’Antioche à Lystra. Chose curieuse, on a trouvé aussi une reine Tryphaine dont l’existence est historique. Gutschmid 18 a appelé l'attention sur une monnaie dont l’avers porte la jeune tête couronnée de Polémon II, avec l’in■ scription : ΒΑΣΙΑΕΩΣ ΠΟΛΕΜΩΝ(ος), et le revers, dans un diadème, les deux mots: ΒΑΣ1Λ1ΣΣΗΣ ΤΡΥΦΑΙΝΗΣ; il avait conjecturé qu’elle était la seconde femme de Polémon II. Mais, en l’an 37, Polémon II était encore un enfant, qui pouvait à peine être marié en 49-50, quand Tryphaine se trouve déjà veuve. Elle fut donc en réalité la fille de Polémon, roi du Pont, la femme de Cotys, roi de Thrace, et la mère des rois de Thrace, d’Arménie, et en particulier de ce Polémon II, roi du Pont, dont la tête est reproduite sur la monnaie. Vraisemblablement, elle exerça la régence pendant sa minorité, fut écartée par lui du pouvoir dès qu’il le prit en main, et put fort bien se retirer dans quelque propriété privée, près d’Antioche ou dans la ville même. La présence d’une reine devint un événement dans cette ville; et la tradition populaire en garda un souvenir confus, mais tenace, comme il arrive parfois, suivant des caprices dont les motifs restent à jamais inconnus. Ce qui contribua sans doute à fixer l’attention sur Tryphaine, ce fut sa parenté avec l’empereur Claude, rappelée par les Acta Pauli, et avec insistance, car la crainte de la colère de l’empereur mit fin aux exigences et aux fureurs d’Alexandre, et sauva définitivement sainte Thècle. La mère de Tryphaine était en effet la petite-nièce du triumvir Antoine, dont Claude était le petit-fils, donc la cousine sous-germaine de celui-ci. Mais à supposer que l’auteur des Acta Pauli, ce qui est bien possible, se soit emparé de ces souvenirs, que ne peut-on attendre de son habileté à transformer les faits ! Aussi, pour les rapports de Thècle et de la vieille reine, pour ce qui concerne aussi Phalconille, n’avons-nous plus aucun terrain solide où fonder nos conjectures. Gutschmid a essayé aussi de démontrer que le proconsul d’Antioche, Cestilius, était identique à un propréteur de Galatie: mais peu nous importe.

Ce qu’on pourrait tirer de vraisemblable des Acta Pauli pour l’histoire du martyre de saint Paul serait autrement précieux. Hélas ! c’est là peut-être que l’auteur met le moins de vergogne à piller ! Nous avons déjà dit ce que valait la scène de Patrocle. Nous avons vu que l’auteur prête à saint Paul une liberté que, d’après les renseignements authentiques des Actes canoniques, celui-ci ne possédait déjà plus. Prenons donc le bon parti de ne pas nous instruire là. Constatons seulement. que l’apocryphe a utilisé peut-être les deux traditions différentes portant sur ce fait considérable. D’après l’une, l’apôtre aurait été condamné, et exécuté par le glaive, après une double audition, sur une sentence du tribunal dirigée spécialement contre lui. D’après l’autre, il aurait péri, en même temps que saint Pierre, dans la persécution que Néron déchaîna sur la jeune Église. L’auteur connaissait sûrement la première de ces traditions, qu’il a d’ailleurs modifiée, suivant son habitude. A-t-il vraiment utilisé la seconde, dans le but exprès de faire entrer Paul dans cette persécution néronienne qui entraîna la mort du prince des apôtres ? Il ne me parait pas. Sa connaissance de l’histoire romaine est plus que sommaire. D sait seulement que l'Église de la capitale, à son berceau, a dû subir, par le fait de Néron, des épreuves terribles : Quand? et ces épreuves se sont-elles renouvelées? Aucune notion précise sur ces événements ne transparaît chez lui. Aussi, est-il absolument à son aise pour brocher sur l’épisode de Patrocle et sur ses conséquences, et pour mêler, aux données précises mais transformées des Actes, le souvenir très confus de ces premiers combats. Pas un nom de lieu ne vient donner à son récit une apparence quelconque de vérité; il ignore l’année et le jour de la mort de l’apôtre, comme l'endroit de son exécution et de sa sépulture.

Il ne semble pas, en tout cas, qu’il ait entendu parler d’une action commune et simultanée de saint Pierre et de saint Paul à Rome; car il n’eût pas manqué de s’emparer d’une si belle donnée pour en agrémenter son récit. Nous n’avons donc pas à nous demander ce qu’il peut y avoir de vrai dans cette dernière tradition; elle n’intéresse en aucune façon une œuvre qui garde là-dessus le plus profond silence; nous aurons d’ailleurs à étudier cette question à propos des Actes apocryphes de saint Pierre. Nous avons, d’autre part, dit l’essentiel sur le voyage de saint Paul en Espagne.

5. La légende de sainte Thècle.

Reste à juger en quelques mots la légende de sainte Thècle. Nous avons en main tout ce qui est nécessaire pour en apprécier la valeur; nous connaissons la méthode de l’auteur des Acta Pauli, et nous savons comment il utilise les documents les plus authentiques. Aussi, devons-nous nous montrer sceptiques. C. Schmidt19 est allé jusqu’à nier l’existence même de la sainte, jusqu’à attribuer à l'imagination de l’auteur tout ce qu’il en raconte, et au succès de son livre, tout ce que les Pères et les écrivains ecclésiastiques en ont dit depuis. C’est exagérer et faire trop d’honneur à la faculté d’invention du « prêtre asiatique ». Je ne crois pas qu’il ait créé sainte Thècle, pas plus qu’il n’a créé saint Paul. En somme, ce sont les deux seuls personnages vivants de son récit; dans les autres physionomies, rien n’est creusé; le dessin en est à peine esquissé, et maladroitement. Ici, au contraire, une vie intense, une figure idéale de douce entêtée dans la foi et dans la chasteté. La postérité l’a bien vu, qui a vite oublié tout le reste de l’œuvre pour ne plus contempler que cette sainte si attachante. Aussi ne puis-je croire que l’artiste, en somme maladroit, n’a pas été soutenu par le modèle que lui fournissait une tradition qui, sans doute, embellissait de plus en plus la figure originale de la sainte, vierge et martyre, d’Iconium.

Irons-nous plus loin? Rechercherons-nous, comme l’a fait Ramsay, le fond vraiment historique du récit?· J’ai dit plus haut, en parlant de l’emploi que notre auteur fît des Actes canoniques, combien un tel travail serait illusoire pour saint Paul; il le serait plus encore pour sainte Thècle; et je m’en tiendrai aux conclusions de Rolffs : « Qu’une Thècle ait vécu à Iconium, puis à Séleucie, qu’elle ait été convertie par Paul et soit entrée en relation avec la reine Tryphaine (?), qu’elle ait souffert pour sa foi, ait été baptisée et ait enseigné (?), voilà quel peut être le noyau historique qu’on retrouve dans le fouillis de l’œuvre. »

Ici même, notons que l’auteur a pu utiliser les œuvres canoniques. Le premier salut de la sainte a quelque rapport avec Act., xvi, 26; et, dans le second, ses épreu-ves au milieu des bêtes fauves rappellent Daniel dans la fosse aux lions; la nuée de feu qui l’entoure et la dérobe à la vue, c. xxxiv, celle qui conduit les Hébreux dans le désert; et la destruction par la flamme des liens qui l'attachent aux taureaux a quelque vague ressemblance avec le miracle des trois compagnons de Daniel dans la fournaise.

Donc, la méthode même suivie par l’auteur des Acta Pauli, si elle nous conduit à croire à l’existence d’une sainte martyre Thècle, nous défend par ailleurs d’accepter comme historique aucun détail de ses épreuves.

Il faut remarquer du reste que cet épisode, bien qu’il soit traité avec prédilection, n’est en réalité que secondaire dans une œuvre consacrée avant tout à la gloire de saint Paul. C’est ce qui nous explique cette brusque finale, qui conduit sainte Thècle à Séleucie, dit un mot de son action bienfaisante, et la fait « s’endormir d’un beau sommeil. » L’auteur ne pouvait pas raisonnablement quitter la sainte après ses épreuves sans mentionner au moins sa vie ultérieure; en revanche, il ne devait pas non plus raconter celle-ci en détail. Mais quand l’épisode fut détaché de l’ensemble et vécut de sa vie propre, les admirateurs de Thècle sentirent vivement la sécheresse de cette conclusion; et ils y suppléèrent en développant la légende, en remplissant de miracles les dernières années, en entourant surtout de merveilles la mort même. Les uns la mirent en opposition avec les médecins païens de la ville, par souvenir peut-être de ce culte d’Athéné qui subsista quelque temps encore, d’après saint Basile, à Séleucie, en face de celui de la sainte, et la firent disparaître vivante dans le rocher, échappant ainsi aux monstrueuses tentatives de ses ennemis. D’autres allèrent jusqu’à imaginer, après cette disparition, un voyage souterrain à Rome. Ce dernier embellissement est dû sans doute au zèle mal entendu de ces moines orientaux, qui, installés auprès d’un prétendu tombeau de Thècle dans le voisinage de celui de Paul, célébraient la fête de la sainte le 24 septembre, selon l’usage oriental, et contrairement à la liturgie occidentale, qui avait adopte le 23 septembre. Basile de Séleucie ne connaissait aucune de ces additions arbitraires; on ne peut donc les dater au plus tôt que de la fin du v® siècle.

6. Influence.

Le Martyre de Paul a subi les mêmes remaniements, plus profonds encore. L’auteur du récit faussement attribué à Linus suit sans doute de très près le texte des Acta Pauli, mais il le paraphrase constamment, surtout dans les discours; et il y ajoute l’histoire des relations de Paul et de Sénèque, précepteur de Néron, ainsi que l’épisode de Plautille. Pour lui, ce n’est plus seulement du lait, c’est aussi du sang qui s’échappe du corps sacré, évidemment pour que le voile de Plautille puisse en être teint. Nous avons vu d’ailleurs, à propos des témoignages des écrivains ecclésiastiques (Grégoire de Tours, le pseudo-Augustin), combien ce détail a varié. C’est lui cependant qui se conserva le plus long· temps. Bientôt le Martyre de Paul, qui accompagnait celui de Pierre, fut absorbé par celui-ci et ne garda plus rien de son indépendance et de son caractère primitifs.

La correspondance, nous l’avons dit, n’eut aucune influence dans les Églises grecque et romaine.

Il en fut tout autrement des Actes de Thècle, à qui on peut rapporter beaucoup des témoignages des Pères que nous avons étudiés. Ils n’ont pas créé, je crois l’avoir prouvé, le personnage même de la sainte; mais ils ont donné à son culte une vogue que sans eux il n’eût jamais eue. Tous les panégyriques de la sainte ont pillé ces Actes primitifs. Beaucoup de relations de martyres s’en sont inspirées. Je n’en citerai qu’un exemple, mais il est caractéristique, celui des Acta Xanthippæ et Polyxenæ 20. Ceux-ci ne sont que la reproduction de nos Acta Theclæ, ils les copient parfois, en particulier dans la scène de la lionne, c. xxxiii des Acta Theclæ, xxxvii des Acta Xant. et Polyxen. ; ils les imitent toujours, dans la double épreuve, dans le portrait de Paul, c. vii, viii, dans l’apparition du Christ sous les traits de l’apôtre, c. xv, dans l’amour dont un fonctionnaire se sent pris subitement pour Polyxène, c. xxxiii; ils les mentionnent même expressément, c. xxxvi.

Comment une influence si profonde et si constante s’explique-t-elle? Par le bonheur avec lequel l’auteur a su peindre la sainte. Nous ne pouvons évidemment chercher dans son livre les raffinements de psychologie si chers à notre époque; nous exagérerions, et beaucoup, en le proclamant un chef-d’œuvre; mais on ne peut s’empêcher de reconnaître que l’héroïne vit, qu’elle sent et qu’elle aime. Son attachement à saint Paul, son courage et sa foi, si simples, si naïfs, dans les épreuves, sa parfaite chasteté, entourent son front d’une éclatante et ineffaçable auréole. Cette figure a quelque chose de la pureté et du doux éclat des primitifs de Fra Angelico. Aussi, le succès de l’œuvre fut-il complet dès le début, en grande partie, je crois, grâce à cet épisode, où les contemporains trouvaient la beauté, et voyaient, idéalisées, leurs tendances à l’ascèse, grâce aussi à l’intérêt qui s’éveillait alors, intense, pour les temps apostoliques.

Les autres fragments sont loin de valoir littérairement celui-là; et, si la figure de saint Paul est encore énergique et vivante, elle n’a pas le charme de celle de sainte Thècle. C’est pourquoi, à cause aussi d’ailleurs d’autres circonstances, comme les lectures publiques dans les églises, les Acta Theclæ, avec le Martyre transformé, ont seuls surnagé dans le naufrage de l'ensemble 21.

En son temps cependant, l'ensemble a eu certainement lui-même une grande influence. Ce n’est pas lui qui a donné aux Asiatiques l’idée de compléter par les apocryphes les renseignements authentiques des Actes canoniques; car, depuis quelques années déjà, un de ces livres était consacré à l’apôtre alors le plus populaire en Asie, à ce saint Jean dont le souvenir, longtemps vivant, laissait dans l’ombre celui des autres apôtres et groupait autour de lui tant de légendes. Mais il ne paraît pas que ces Acta Joannis aient fourni à nos Acta Pauli autre chose que l'idée même de leur composition; ils sont d’une autre école et d’un autre esprit. Quant aux Acta Pauli, ils cat agi certainement sur les Actes apocryphes de Thomas et d’André, mais surtout sur ceux de Pierre, et en particulier sur le récit du martyre. Nous aurons à traiter dans une autre étude cette question et à montrer en même temps que le martyre même, avec les trois chapitres du début des Acta Petri, n’ont pas été pris tout entiers aux Acta Pauli et transportés tels quels dans les Acta Petri.

Nos conclusions seront brèves; il n’y a dans les Acta Pauli qu’un roman pieux sur deux personnages réels, dont l’un, sainte Thècle, ne nous est connu que par lui; et ce serait pure illusion que d’y chercher des récits authentiques. Le prêtre d’Asie qui a composé cette œuvre a-t-il vraiment voulu la faire passer pour historique?

Il le semble, si l’on en juge par sa déposition; il n’y aurait pas eu lieu d’y procéder, si, tout en ayant pour but l'édification des fidèles, il avait présenté son livre comme sa propre création. En tout cas, il n’a atteint son but, dans les siècles suivants, que pour les détails de la vie et du martyre de Thècle. A nous, qui ne pouvons pas même les accepter, il a rendu un service auquel il ne songeait guère ; il a mis en lumière l’esprit de certaines communautés chrétiennes du iie siècle, si peu connu, et plongé presque complètement dans l’ombre par la rareté des documents authentiques.

 

bibliographie

ÉDITIONS DU TEXTE

E. Grabe, Spicilegium SS. PP., Oxford, 1698, t. 1 ; réédité pour le texte grec par J. Jones, Londres, 1726.

Th Hearne complète le précédent dans un appendice aux Collectanea de J. Leland, Oxford, 1715, t. vi, p. 6769־.

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Lipsius et Bonnet, Ac'a apostolorum apocrypha, Leipzig, 1891, 1.1.

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Whiston, Appendice, p. 371, à Mosis Chorenensis historix Ar~ meniensis libri III, Londres, 1736. (Correspondance, texte arménien.)

J. Zohrab, La traduction arménienne de la Bible, Venise, 1805, (Correspondance, texte arménien.)

F. P. Awker et L. Byron, Grammar english and armenian, Venise, 1819. (Correspondance, texte arménien et trad, anglaise.)

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VERSIONS

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C. Schmidt, Ein neues Fragment der Heidelberger Acta Pauli, Berlin, 1909. (Fragment de la version copte.)

OUVRAGES A CONSULTER

Pour compléter la bibliographie antérieure à 1877, cf. C. Schlau, Die Akten de» Paulua und der Thecla, Leipzig, 1877, p. 93 sq.

OUVRAGES GÉNÉRAUX

R. A. Lipsius, Die apokryphen Apoatelgeachichten und Apos-tellegenden, Braunschweig, 1887, t. 11, 1.

Th. Zahn, Geachichte de» neuteatamentlichen Kanona, Leipzig, 1892, t. h, p. 592-611, 865-910, 10|6-1019.

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G. Krüger, Geachichte der altchriatlichen Litteratur, Fribourg, 1895-1898, p. 11, 229-232.

A. Ehrhard, Die altchriatliche Litteratur und ihre Erforachung von 1886-1900, Fribourg, 1900, p. 152*156; et Supplement, 1906, p. 154.

P. Batiffol, La littérature grecque (Anciennes littératures chré· tiennes), 2e édit., Paris, 1897, p. 46.

O. Bardenhewer, Geachichte der altkirchlichen Litteratur, Fri· bourg, 1902, p. 418-428, 463-467.

E. Hennecke, Handbuch zu den neuteatamentlichen Apokryphen, Tubingue, 1904. Étude de E. Rolffs sur les Acta Pauli.

Id., Neuteatamentliche Apokryphen, cité.

OUVRAGES SPÉCIAUX ET PRINCIPAUX ARTICLES DE REVUE

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Gutschmid, Rheiniachea Muaeum fur Philologie, N. F., 1864, t. xix, p. 177 sq. (Noms de rois dans les Actes apocryphes.) C. Schlau, ouvrage cité.

Zahn, dans Güttingen gelehrte Anzeigen, 1877, t. 11, p. 1292 sq. (Mss des Acta Theda».)

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H. Couard, Altchristliche Sagen über das Leben der Apostel, dans Neue kirchliche Zeitschrift, t. xv.

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C. F* M. Deeleman, Acta Pauli,dans Theologische Studien, t. xxvi, p. 1-44.

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Id., De apocriefe briefvresseling tusschen Paulus en de Corin· thiers, ibid., t. xxvn, p. 37-56.

ABRÉVIATIONS ET SIGNES CRITIQUES


On trouvera, dans chacun des appendices, le sens des abré· viations qui lui sont propres.

 

ACTES DE PAUL ET

LETTRES APOCRYPHES

ΠΡΑΞΕΙΣ ΠΑΥΛΟΥ 22

I. Séjour de Paul à Antioche. 23

Il ne reste du ms. copte que des fragments épars, qui ne laissent pas deviner grand’chose de suivi. Voici ce qu’on en peut tirer :

Ancharès et Phila, couple juif évidemment, ont perdu leur fils, dont on emporte le cadavre. Paul rencontre le convoi et ressuscite le mort. Enthousiasme de la foule et reconnaissance du père qui garde Paul quelques jours dans sa maison et se convertit 1.

1. Il y a dans ce récit quelque ressemblance avec celui de la résur« rection du fils de la veuve, à Nafm. Luc, vu, 12 sq.

Bientôt, on ne sait sous quelle influence, le peuple, craignant pour la ville, manifeste contre l’apôtre, qui s’enfuit. Mais la foule, à qui Ancharès a dévoilé sa conversion et son inébranlable résolution d’y rester fidèle, poursuit Paul, le maltraite, le lapide, enfin le chasse du pays 24.

Ancharès pardonne à ses compatriotes et revoit Paul (an réalité ? ou dans une apparition ?), qui sans doute le console et le fortifie.

Paul se rend ensuite à Iconium.

II. Πράξεις Παύλου xal θέκλης 25.

I. Άναδαίνοντος Παύλο« εις Ίκόνιον27 μετά τήν φυγήν τήνάχδ ’Αντιόχειας28 · έγενηθησαν σύνοδοι αΰτώ Δημάς καί Έρμογένης 29 ύ χαλκεύς, ύζοκρίσεως γέμοντες, καί έςελιχάρουν τον Παύλον ώς άγατώντες αυτόν30 . Ό δέ Παύλος άποδλέπων εις μόνην τήν άγα· Οοσύνην τού Χριστού31 ούδέν φαύλον έτσοιαι αύτοις, άλλ’εστεργεν αυτούς32 σφόδρα 8,ώστε ζάντα τα λόγια κυρίου 9καί τής διδασκαλίας καί τής ερμηνείας καί τής γεννήσεως καί τής άναστάσεως35 τού ןהמנץף· μενού 36 έγλύκαινεν37    αύτούς, καί τα μεγαλεία τού Χριστού 38, "ώς άζεκαλύφΟη αύτώ, κατά ρήμα σιηγεΐτο αύτοΐς 39, ότι έκ σπέρματος Δαυ'ιο και έκ Μαρίας έγεννήΟη ό Χριστός40.

8. B, la et le (cependant lcd : solide) omettent ce mot.

9. Omis par A, B, C, Iba, Ibb. — co et lcd omettent omnia. ־*— leb : Dei.  

II. Séjour de Paul à Iconium. —Actes de Paul et de Thècle,

I. Comme Paul montait à Iconium après sa fuite d’Antioche, Démas et Hermogène le forgeron33 furent ses compagnons de route; ils étaient pleins d’hypocrisie et flagornaient Paul, faisant semblant de l’aimer. Et Paul, ne voyant que la bonté du Christ, ne leur faisait aucune méchanceté34; au contraire, il les chérissait beaucoup; et même il leur rendait aimables en les leur expliquant toutes les paroles du Seigneur, et celles de l’enseignement et de l’interprétation, de la naissance et de la résurrection du bien-aimé44 ; et il leur racontait parole par parole toutes les grandes actions du Christ, comme elles lui avaient été révélées, et que le Christ est né de Marie et de la semence de David.

II. Κ7.ί τις άνήρ όνόματι Όνησιςόρος άκούσας τον Παύλον παρα-γενόμενον είς Ίκόνιον41, έςήλΟεν 42 σύντοις τεκνοις αύτού Σιμία καί Ζήνων43 .׳ και τή γυ νοίκι αύτού Λέκτρα10 είς συνάντησιν Παύλου, ίνα αυτόν υποέέ ·ηται 46· οιηγήσατο γάρ αυτώ Τίτος ■ζοταπός έστιν τη είίέα ό Παύλος* où γάρ εΙ5εν αυτόν σαρκί άλλα μόνον πνευματι  47.

10. B : Asxps. — la ne la nomme pas. — Ibc : Recta; Ica et lcd : Zenone; leb et lec : Leta.

II. Un homme, nommé Onésiphore 45, ayant entendu dire que Paul s’approchait d’Iconium, sortit avec ses fils Simias et Zénon et sa femme Lectra, pour aller à la rencontre de Paul, et lui offrir l’hospitalité.

III. Καί έπορευετο κατά την βασιλικήν ό$ον την έττί Λυστραν48, καί είστήκει άπεκ δεχόμενος αυτόν49, καί τούς ερχομένους έθεώρει κατά τήν μήνυσιν Τίτου50  . Εί:εν cà τον Παύλον ερχόμενον, ανορα μικρόν τώ μεγέΟει, ψιλόν τή κεφαλή 51, αγκύλον ταις κνήμαις 7, «υεκτικόν 8, συνοφρυν9, μικρώς έπίρρινον 10, χάριτος πλήρη 11 ποτέ μέν γάρ έφαίνετοώς άνθρωζος 56, ποτέ S3 αγγέλου ζρόσωζον εΤχεν.

7. C, E, I, K, L :          — e : ses jambes étaient un peu arquées, ses genoux proéminents, et il avait de longs yeux. — la et leb : cruribus elegantibus, qui traduit ιΰχντ,μον de G, au lieu de εύ!χτ:χό·/ omis. — lcd : cruribus elegans, subcambaster. —lbbt Ibc et lec l’omettent.

8. Omis par Ib et le.

9. Omis par Ibb, Ibc-, lec traduit : brevibus superciliis.

10. μεχρώ; est omis par C, G. — l traduisent toujours naso aquilino, qui pourrait bien correspondre au mot grec έπί-au lieu de μιχρώ; ίπ:ροι·>׳>ν, comme le conjecture Usenet.

11. M ajoute θ<0·3, (de la grâce) de Dieu ; de même le (sauta).

Tite 52,en effet, lui avait décrit l’aspect de Paul ;car il ne le connaissait pas physiquement, mais seulement spirituellement.

III. Il suivit la voie royale qui conduit à Lystra 53, et sans cesse il cherchait à le découvrir, et étudiait l’aspect des passants, d’après les indications de Tite. Et il vit venir Paul, homme petit de taille, à la tête chauve, aux jambes arquées, vigoureux, aux sourcils joints, au nez légèrement bombé, plein de grâce ; car tantôt il apparaissait tel qu’un homme, tantôt il avait le visage d’un ange 1*.

IV. Καί 5 ’׳ών ό Παύλος τον Όνησίφόρον έμειοίασεν 57, καί εΐζεν   58 ό Όνησιφόρος’ Χαΐρε, ύζηρέτα τού ευλογημένου θεού 59’ κάκείνος εΐζεν Ή χάρις60  μετά τού xat τού οίκου σου61. Δημάς ce και Έρμογένης62 έζήλωταν xat ζλείονα τήν ύζόκρίτιν έκίνηταν63 , ώς ·ζείν τον Δημάν 64־ ΙΙμε!ς ουκ έσμεν τού ευλογημένου 65 , οτι ημάς ουκ ήσζάτω ούτως 66 ; Kat εΐζεν ο Όνητιφέρος־ Ούχ όρώ έν ύμίν ζαρζδν οικαιοσύνης 67 ’ ε5 ·׳ε εττε τ!νες 13, τευτε xat υμείς ε;ς τον οίκον μου14 xat άναχαύτατθε.

13. K ajoute : xai χΰτ™, vous aussi. — la : Sed si estis digni. — Iba, Ibb, Icc : si autsm estis aliquid; Ibc : si autem est et m vobis illiquid boni·. Ica et leb : N une ergo si et vos hit jus modi estis; lcd : tamen. si ejusdem estis.

14. Cf. Act., xxi, 8. — co supprime x*l ύμί>;. — le (sauf d) le met avec la proposition secondaire; lcd le supprime, ainsi que εϊς τον ο’.χόν μου.

IV. Paul, à la vue d’Onésiphore, sourit2*; et Onésiphore dit : « Salut, serviteur du Dieu béni; » et lui, dit : « La grâce soit avec toi et avec ta maison. » Mais Démas et Hermogène furent jaloux et étalèrent plus encore d’hypocrisie 3*, au point que Dénias dit : « Nous n’appartenons donc pas au (Dieu) béni, que tu ne nous as pas salués de la même façon? » Et Onésiphore dit :« Je ne vois pas en vous de fruit de justice4*; mais si vous êtes de ceux-là, venez aussi chez moi, et reposez-vous. »

2*. Ce trait est joli, et rappelle le χχριτο; πλήρη; du portrait; il donne & la physionomie de Paul plus de vie et de charme.

3*. Là encore, il y a quelque psychologie. Les deux hypocrites ont peur de se sentir découverts, et protestent. De fait, 11 semble, par ce qui suit, quOnésiphore pénétre leurs cœurs; mais il est moins parfait que Paul, et, tandis que celui-ci les <1 aime», c. 1, quand même, 1׳ reste, lui, indifférent à leur égard.

4*. Ce mot a bien le sens que saint Paul lui donne dans Phil., I ; là, en effet, il est précédé de ce souhait, entre plusieurs autres, aux Philippiens : que vous soyez sans duplicité (Vulgate : ut sitis sinceri) îva η־< ciXixptvti; ; mais l'auteur ne s*en tient pas à cette précision, il va plus loin encore, et veut faire dire à Onésiphore que ces deux hommes ne pratiquent pas les œuvres de justice nécessaires au salut.

V. Καί είσελθόντος Παύλο;» εις τον τού Όνησιφόρου οίκον έγένετο χαρά μεγάλη, καί κλίσις γονάτων1  χαί κλάσις άρτου2  καί λόγος θεού ζερί εγκράτειας καί à να στάσεως 3, λέγοντος τού Παύλου Μακάριοι οί καθαροί τη καρΒία, ότι αυτοί τόν θεόν δψονται4. Μακά-ριοι οί αγνήν την σάρκα τηρήσαντες δ, οτι αυτοί ναός θεού γενήσονται 74. Μακάριοι 0’· εγκρατείς 75, ότι αΰτοϊς λαλήσει ό θεός. Μακάριοι οί άζοταςάμενοι τώ κόσμω τούτω, ’61ד αυτοί εύαρεσ-τήσουσιν τώ Οεώ  76 · Μακάριοι ο*, έχοντες γυναίκας ώς μή έχοντες, ότι αυτό׳ κλήρο νομή ־ουσιν τον Οεόν77. Μακάριοι ο׳, φόβον έχοντες Οεοΰ78  , ότι αυτοί άγγελοί θεού γενήσονται 79.

1. Deux mots omis par lb. — co a une nouvelle lacune.

2. Cf. Act., xx, 7, etc. — Omis par la et Ib.

3. Iba et Ibb disent simplement : de continentia; Ibc : de omni justifia et de continentia; lcd : cœpit Paulus de verbo tractare et dicere.

4. Matt., v, 8. V. les notes sur la traduction.

5. F porte d’abord : »γνήν ττ,ν xxpôtxv ίχοντ»; χχί τήν σ. τ.

V. Quand Paul fut entré dans la maison d’Onésiphore, il y eut grande joie; on ploya les genoux, et on rompit le pain 68, et on parla le langage de Dieu sur la continence et la résurrection69  , Paul disant 70 : « Heureux ceux dont le cœur est pur, parce qu’ils verront Dieu. Heureux ceux qui gardent la chasteté de leur chair, parce qu’ils seront le temple de Dieu73. Heureux les continents, parce qu’avec eux Dieu s’entretiendra. Heureux ceux qui ont renoncé à ce monde, parce qu’ils seront agréables à Dieu. Heureux ceux qui ont des femmes comme s’ils n’er avaient pas. parce qu’ils auront Dieu comme héritage. Heureux ceux qui craignent Dieu, parce qu’ils seront les anges de Dieu.

VI. Μακάριοι οί τρέμοντες τά λόγια τού θεού, ότι αυτοί ταρα-κληΟήσονται 80. Μακάριο״, οί σοφίαν λαβόντες ’Ιησού Χριστού, ότι αυτοί υιοί ΰψιστου κληΟήσονται 81. Μακάριοι οίτοράζτισμα τηρήσαν-τες9 , ότι αυτοί άναζαύσονται ζρός τον ζατέρα καί τον υιόν 10. Μακάριοι οί σύνεση» ’Ιησού Χριστού χωρήσαντες 11, ότι αυτοί έν φωτί γενήσονται12. Μακάριο׳, οί $1’ αγάπην Οεοΰ έςελΟόντες τού σχήματος τού κοσμικού82, ότι αύτοί ά βέλους κρίνούσιν 83  καί έν δε-ία τού πατρδς ε ύλογηθήσονται84 . Μακάριοι οΐ έλεήμονες, ότι αυτοί έλεηθήσονται 85   και ουκ οψονται ήμέραν κρίσεως πικράν86 . Μακάρια τα σώματα τών παρθένων 87, ότι αυτά εύαρεστήσουσιν τφ θεώ88 και ούκ άπολέσουσιν τδν μισθόν τής αγνείας αυτών89 ότι ό λόγος τού πατρός έργον αύτοίς γενήσεται σωτηρίας είς ήμέ-ραν τού υιού αυτού 90,καί άνάπαυσιν ϊςουσιν εις αιώνα αίώνος 91.

9. M : οι τό άγιον xai σωτήριον β. χχΟχρόν xxt ΐρύπωτον ττ,ρ., ceux qui ont gardé pur et sans souillure le baptême saint et sau-veur. — /■’, G ajoutent simplement : xxOxpôv. — co a une lacune pour ce macarismc. — Iba : baptismum Spiritus. le baptême de l'Esprit; Ibb; baptismum Sancti Spiritus; Ibc : baptismum sanctum; le ajoute : integrum; lcd : pur uni.

10. A, E, F, I, K, L portent : xat τον υιόν τον Οιον ό’ψοντχι» et qu’ils verront le fils de Dieu : et G. M ajoutent encore : xat τι» άγιον πνιύμχ, et le Saint-Esprit. — Ib traduit : 7141a ipsi in lumine requiescent, parce qu'ils reposeront dans la lumière; — le ajoute : carissimum, (son fils) très chéri.

11. Macarisine omis par C et lcd. — Λ/ : σ><4σιν xai «»?po-σ^ντ,ν χτισίμι־·οι, qui ont fondé (?) la science et la sagesse. — E, G : τηρήσβντ»;, qui ont conservé. — Iba : qui prudentiam Christi servant et salutem ipsius minime abnegant, qui gardent la sagesse du Christ et ne refusent pas son salut. — Ibb : qui... et aliis minime abnegant, et ne la refusent pas aux autres; Ibc : qui cum prudentia Christi mandata conservant et præcepta ipsius non contemnunt, qui gardent avec sagesse les commandements du Christ et ne méprisent pas ses préceptes.

12. ϋ ajoute : θιού, (dans la lumière) de Dieu. — lb traduit : ipsi veste lucida induentur, ils revêtiront un vêtement de lumière.

VI. « Heureux ceux qui redoutent les paroles de Dieu, parce qu’ils seront consolés. Heureux ceux qui embrassent la sagesse de Jésus-Christ, parce qu’ils seront appelés les fils du Très-Haut. Heureux ceux qui ont gardé le baptême, parce qu’ils trouveront le repos auprès du Père et du Fils. Heureux ceux qui ont compris la science de Jésus-Christ, parce qu’ils seront dans la lumière. Heureux ceux qui ont rejeté l’extérieur du monde, par amour pour Dieu, car ils jugeront les anges et seront glorifiés à la droite du Père. Heureux les miséricordieux, parce qu’eux-mêmes trouveront miséricorde et ne verront pas le jour amer du jugement. Heureux les corps des vierges, parce qu’ils seront agréables à Dieu et ne perdront pas le prix de leur chasteté, parce que la parole du Père sera pour eux œuvre de salut au jour de son Fils, et ils goûteront le repos dans l’éternité de l’éternité 1*. »

1*. La correspondance apocryphe insiste aussi, iii, 36, sur cette récompense, qui termine à peu près la lettre de Paul, comme elle termine ici son discours; là, couronnement de la fidélité à l’orthodoxie et de l’horreur pour l’hérésie ; ici, fruit de l’ascèse et de la continence. En cela, se résume toute l’œuvre dans sa doctrine.

VII. Και ταύτα τού Παύλου λέγοντος έν μέσω τής εκκλησίας92 έν τώ Όνησιφόρου οικω, θέκλα τις παρθένος θεοκλείας12 μητρίς μεμνηστευμένη άνΒρΙ θαμύρισι13, καθεσθεΐσα έπι τής σύνεγγυς θυρίσος τού οίκου14 ήκουεν νυκτος καί ήμέρας15 τον περί θεού λόγον λεγόμενον ύζο τού Παύλον xa't τον τερ: άγν3׳ας *a; τής έν Χρι»τ<Γ> -·ζ-.ζως χα: τ7ροσευχ־ής 93· xai ούζ ατένευεν άτζο τής OjpBoç, αλλά τή πίττει έπήγετο ύπερε up ραινομένη  94. Έτι οε χα'ι ρλέπουσα πολ-λάς ·,^ναίχας χ3'. -:apôsvoup95  ε!7πορευομένας πρός τον Παύλον, επεπόΟει χα׳. αύτή χαταςίωΟήναι 96· χατά πρότωπον στήναι Παύλο» χα: 97    άχούειν τόν τού Χριστού λόγον98·’ ούΒέπωγάρ τόν χαρακτήρα Παύλου έωράχει, αλλά τού λόγο» ήζουεν μόνον99

12. Ica : Deoclise.

13.s* ajoute : fils du roi; le : principicivitatis (mot omis par e).

14. .4, B, Ibc omettent «ύνιγγχ.— la traduit simplement : sedens super fenestram, assise à sa fenêtre. — co a une légère lacune.

15. Cf. I Thess., 11, 9.

VII. Pendant que Paul parlait ainsi au milieu de l’assemblée dans la maison d’Onésiphore, une vierge, Thècle, dont la mère s’appelait Théoclie, et fiancée à un homme nommé Thamyris, assise2* à la plus proche fenêtre de sa maison, écoutait nuit et jour la parole de Dieu annoncée par Paul, sur la chasteté, la foi dans le Christ, et la prière 1*; et elle ne bougeait pas de la fenêtre; et, au comble de la joie, elle était amenée à la foi 2*·. De plus, comme elle voyait beaucoup de femmes et de vierges introduites auprès de Paul, elle désirait elle aussi être jugée digne de se tenir face à face avec Paul, et d’entendre la parole du Christ; car elle n'avait pas encore vu les traits de Paul, et avait seulement entendu sa parole.

2*. Le début de cette scène est imité peut-être de celle d’Eutychus.

1*. Il est bien difficile de prêter simplement à Paul pendant ces longues heures un discours sur la chasteté; c’est pour cela que j'ai adopté la leçon des meilleurs mss grecs, qui n’omet pas du ■reste ce point important. Même les macarismes parlent, si peu que ce soit, d’autre chose que de la continence.

2*. L’attraction exercée sur eette Ame par la parole de Paul, la foi qui y nait et y grandit dans la joie, le désir de voir Paul qui accompagne ces sentiments, sont notés avec justesse.

VIII. 'Ως Βέ ούχ άρίστατο από τής ΟυρίΒος 100, πέμπει ή μήτηρ αύτής -ρός τον θάμυρ’ 9.’Λό σε ερχεται10 περιχαρής, ώς ήΒη λαμδάνων αυτήν προς γάμον 101. Είπεν ouv ό Θάμυρις προς θεοκλείαν  102· Πού μού έΐτιν ή Θέκλα, ϊνα ι:ω αυτήν 103; καί είπεν ή θεοκλεία* Καινόν σοι έχω ειπεϊν οιήγημ^104, Θάμυρι. Καί γάρ ημέρας τρεις και νύκτας τρεις105   Θέκλα από τής θυριοος ούκ έγείρεται, ούτε έπΐ τοραγεΐν ούτε έττί το πιείν 106, αλλά ατενίζουσα ώς προς εύςρασίαν 107, ούτως πρόσκειται άνςρι ־־νω άπατηλονς καί ποικίλους λόγους οιοάσ-κοντι 108, ώστε με θαυμάζειν ״ώς ή τοιαύτη αίΒώς τής παρθένου χαλε-πώς ενοχλείται 109.

9. le (Ica omet le nom propre) et s* , s*׳ ajoutent : son fiancé ; Ib ajoute : accersiens eum, le faisant venir.

10. la ajoute statim, aussitôt ; le : protinus.

VIII. Mais comme elle ne quittait pas la fenêtre, sa mère envoie chercher Thamyris. Celui-ci vient plein de joie, pensant la recevoir dès ce moment en mariage 110 . Aussi Thamyris dit-il à Théoclie : « Où est ma Thècle, que je la voie?» Et Théoclie dit : « J’ai des détails nouveaux à te donner, Thamyris. Voilà en effet trois jours et trois nuits que Thècle ne se lève pas de la fenêtre, ni pour manger, ni pour boire111 ; mais, comme éperdue de joie, elle s’attache tellement à un homme étranger, qui enseigne des paroles mensongères et artificieuses 112, que je suis surprise que la pudeur si grande de la jeune fille soit troublée d’une manière si pénible 4*.

4*. Théoclie veut dire qu’en montrant un tel attachement pour la parole d’un étranger, la jeune fille s’expose à ce qu’on lui repro-che de manquer de cette pudeur, qui fut jusque-là si grande en elle; et ce spectacle est pénible. Les traductions latines n’ont pas nette-ment compris.

IX. Θάμυρι, ό άνθρωπος ούτος τήν Ίκονιέων πόλιν άναςείει, έτι δέ και την σήν θέκλαν113, πάσα׳. γάρ αι γυναίκες και oi νέοι 114 εισέρχονται ττράς αύτόν, διδασκόμενοι rap’ αυτού 8τΓ Δει, φησίν, ενα καί μόνον θε'σν ροδεϊσΟαι  115  και ζήν άγνώς 116. Έτι δέ καί ή Ουγά-τηρ μου ώς αράχνη έπι τής Ουρίδος δεδεμένη τοΐς ΰπ* αυτού λόγοις 117   κρατείται επιθυμία καινή118 καί πάΟει δεινώ 119. ’Ατενίζει γάρ τοΐς λεγομένοις ΰπ’ αυτού 120  καί έάλωτα״. ή παρθένος 121. ’Αλλά πρόσελΟε αύτή συ καί λάλησον σο׳. γάρ έστιν ήρμοσμένη.

IX. « Thamyris. cet homme bouleverse la ville des Iconiens, comme aussi ta Thècle elle-même; car toutes les femmes et les jeunes gens viennent à lui et apprennent de lui ceci : « Il faut, dit-il, craindre Dieu, seul et «unique, et vivre chastement1*.» Et ma tille aussi, enchaînée, comme une araignée, à la fenêtre, par ce qu’il dit, est dominée par un désir nouveau et par une passion redoutable. Elle est en effet tout attention pour ce qu’il dit; et la jeune tille est prise; mais aborde-la et parle-lui; car elle t'est promise. »

1*. La mère de Thècle, épouvantée, sent qu’elle a besoin d'un aide; est tout trouvé dans Thamyris; et elle prend le meilleur moyen d’exciter sa colère et son ardeur; elle insiste sur l’action de l'apôtre « sur Thècle elle-même », et rappelle que le conseil principal qu’il donne est « de vivre chastement ». Elle trouve même une comparaison saisissante pour peindre l'attention immobile de sa fille, en la représentant < comme une araignée ». Enfin, la jalousie de Thamyris est éveillée par ces mots : « désir nouveau », « passion redoutable », et « la jeune fille est prise »; aussi, l’invitation à parler est-elle bien inutile; Thamyris doit se sentir entraîné à reprendre ce qu’il regarde comme son bien.

X. Καί προσελΟών θάμυρις, άμα μέν σιλών αυτήν, άμα δέ καί φοδούμενος την εκπληξιν αυτής 10, είπεν θέκλα έμοί μνηστευΟείσα, τί τοιαύτη ζ.άθησαι 124; Kat ποιόν σε πάθος κατέχει έκπληχτον  125 ; Έπιστράφηθι πρός τον στν θάμυριν χαί αίσχύνθητι 126 . Έτ: τέ χα! ή μήτηρ αυτής τα αύτά 127 έλεγεν* Τέχνον 128    , τί τοιαύτη κάτω βλέπουσα κάθησα״. 129, και μητέν άποκρινομένη άλλα παραπλτς 130 Kat οι μεν εκλαιον ίΐίνώς 131, θάμυρις μέν γυναικος άστοχων, Θεοκλεία σέ τέκνου, at êè παιείσχαι κυρίας* πολλή ουν σύγχυσες ήν έν τώ οικω πένθους132. Καί τούτων οϋτως γινομένων 133  Θέκλα ούκ άπεστράρη 134, άλλ’ ήν άτενίζουσα το) λόγω Παύλου 12.

10. la dit simplement amore repletm, que lcd supprime complètement ; Iba et Ibb traduisent έχπλτ,ξιν par objurgationem ejus, ses reproches; lca et lcb, par casus ejus, ses chutes; lbc : amans et diligens earn, objurgans illam ait... l’aimant et la chérissant, il dit avec reproche... ; lcc : et vidit eam intentissime aures appositas habentem in verbis Pauli, et il la vit tendre avec très grande attention les oreilles aux paroles de Paul.

124

Ib supprime : έμν־ μν. — F, G ajoutent : κάτω βλέζονσχ, regardant en bas. — la, lb et le (sauf d qui supprime ces mots) : quid (quæ, quare} talis es? pourquoi es-tu ainsi? — s : pourquoi fais-tu céla? — co : pourquoi ainsi (cette attitude)? Tout cela ne change rien au sens.

125

la et lb suppriment έκπληκτων. — la traduit πάύο: par voluntas ; lb : par passio vel amentia, passion ou folie ; — le (sauf c) : quis te amor det inet stuporis, quel amour de stupeur te tient ? Icc : quaiis amor te suasit, et recedere vis a sponso tuo, quel amour t’a entraînée, et (pourquoi) veux-tu t’éloigner de ton fiancé?

126

ίίσ־/·«ν&τ,τι est supprimé par la·, Ibb le traduit par resi piece, reviens à la sagesse. — Icc : dulcissima mea, et noli acquiescere doctrinæ Pauli, nia très douce, et n'acquiesce pas à la doctrine de Paul.

127

Ce mot est supprimé par Ibb, leb et co.

128

lb : Thecla-, la, le et co : filia Thecla, ma fille Thècle.

129

F remplace la question de la mère par αύτή Si κχτω .. mais elle... était assise... — la ajoute : Thamiro despon· sata, fiancée de Yhamyris, traduit κάύτ,σχ׳. par es, et supprime κάτω {ιλίπουσα, comme Ica. — lcd : quare talis facta es, quæ sursum espicias, pourquoi es-tu devenue telle, pour regarder en haut...

130

Au lieu de άπνκ1ι·,',μ:\τ, lb porte les mots neminem in-tueri, ne regarder personne. — πχρχπλήξ est traduit dans la par sicut muta taces, dans lb : amens effect a ; il est omis par lc.

131

E, C, s, la ajoutent : έν :!0 ״·'κ<״, dans la maison. lb : sed cum hæc dictates nihil proficerent, cuncti mærebant (b : mirabantur) atque se male habebant (c : lamentabant) ; mais comme par ces paroles ils n’arrivaient à rien, tous gémissaient et se trouvaient mal.

132 Cf. Matt., n, 18. — le mêle les trois propositions à partir de Θεοχ}!ία et traduit : Theoclia mater ejus simul cum familia lugebat in domo vocibiu maximis, Théoclie sa mère avec toute la domesticité se lamentait à très hauts cris dans la maison. — -τύγ/υσ!; τ.νΛν4ί est traduit dans la et co par conjusio et litchis lb : planctus luctusque confusio (Ibb : confusus·. Ibc supprime le dernier mot). — lb supprime h :<׳ ״/x׳·!.

133 ούτως est supprimé par E, F, le, et remplacé dans G par πίντων. — la : his dictis, à ces paroles; lb : ad haec.

134 C ajoute : άπ'ο τής ίόος, de la fenêtre. — co : vers lui. —-l (sauf le a et c]) : ad eos.

12. Au lieu de άτινιζουσα, E porte : ύλη ποοσϊ'χο'.σχ π?׳>ς..., tout entière attentive à...; F, G : »ποί/ ־πο·.σχ ζώ»; ... regardant vers... — C : το·3 λ. . — la : intuebatur terbitm et doctri· nam. — lb : devincta. — Ica : affirmata et attonita erat in...

X. Thamyris s’étant approché, à la fois plein d’amour pour elle et plein de crainte devant son ravissement 2*. dit :« Thècle, ma fiancée, pourquoi restes-tu assise ainsi?

Et quelle passion te possède, te mettant hors de toi? Tourne-toi vers ton Thamyris, et aie honte. » De plus, sa mère elle-même lui répétait la même chose : « Mon enfant, pourquoi restes-tu assise ainsi, regardant vers le bas, et ne répondant rien, hors de toi 1*? » Et ils pleuraient amèrement, Thamyris qui perdait sa femme, Théoclie, son enfant, et les jeunes esclaves, leur maitresse; il y avait donc dans la maison une grande et générale effusion de chagrin. Et pendant tout cela, Thècle ne se détournait pas, mais restait tout attention pour la parole de Paul 2*.

2*. Cette notation do la lutte entre les deux sentiments qui se partagent le cœur de Thamyris prouve dans l'auteur quelque psychologie; maie c’est l'amour seul qui va parler, et les reproches seront bion tendres encore.

1*. La mère de Thècle unit en vain ses efforts à ceux du fiancé; et cette insistance donne plus de force et de relief à l’attitude ravie de la sainte, que rien ne peut émouvoir. Aussi, tous peuvent-ils réellement croire à de la folie, et s’imaginer que Thècle est perdue pour eux; de là, les gémissements de tous.

2*. Cette constatation est habilement placée et oppose vigoureu-sement, en quelques mots, l’extase de Thècle au deuil général, que l’auteur développe assez longuement.

XI. Ό δέ θάμυρι; άνα·πηδήσα; έ;ήλθενεΐ; το άμψοδον135,και ■χαρετήρΞ׳. τού; εισερχομένου; ■προς τον Παύλον και έ -ερχομένου; 136. Κα: ειδεν êùo avêpa; ε:; εαυτού; μαχομένου; ζικρώ; 137 , κα: είπεν ττρο; αυτού;· Άνδρε;, τίνε; έστέ ενπατέμοι138 , κα: τ:; ουτο;ό εσω μεΟ’ υμών ζλανών139, ύυχά; νέων κα: ■παρθένων άζατών140 , ϊνα γάμο: μή γίνωνται άλλα οϋτω; μένωσιν141,ύ·πισχνούμαι ουν ύμ:ν δούναι ■πολλά χρήματα 142,εάν εϊπητέ μοι ττερί αύτού9’είμι γάρ ־πρώτο; τή; ■πόλεω; 10.

135

C : ό W. έ;«> έξζλΟο», πχρ... Thainyris, sortant an dehors. — A la place de άνχζτ.ζήσχ;, la porte : ira plcnus; le (sauf d) : furia plenus. — Au lieu de ε:; τό χμ?οό׳>ν, lb : ad hospi-tium Pauli, dans la maison qui abritait Paul. — Ibb ajoute : cum Theoclia, et le (sauf d) : de doino Theocliæ (c : Theclæ).

136

Les deux derniers mots sont omis par A, C, la, lb, et rem· placés dans le (sauf d) par : ut perveniret ad Paulum, pour par-venir à Paul; dansfc (sauf </’, ces mots remplacent la seconde proposition du texte.

137

π:χρΜ; est omis par C, et tous les l, sauf Iba. — la et lb ajoutent : ext unies, (il vit) sortir. — le : de doctrina Pauli., (se disputant) sur la doctrine de Paul. — Ica : Et eccc illos duos viros. Demain et Hermogenem, qui ficte amabant Paulum, vidif 77t<1-minis ad januas domus inter se liti gantes; et voilà que ces deux hommes, D. et IL, qui feignaient d’aimer Paul, Thamyrus les vit se disputant aux portes de la maison. De même à peu près Ibb, leb et lec.

138

tt'vt; έστέ et xxt sont omis par C et le; — la : quid est istud, qu’est־cc que cela? -— Ibc : quts est iste, aut quis est hic, avec une faute évidente pour qui eslis.

139

J'uniS e/.sveâv à ό έσω μίΟ* ύμών. — .·I, β : π/.ivn; ϊνΟρωπο; · — F, G l’unissent à ce qui suit, et omettent ίπχτών.— co et la omettent πλχνών. — le le traduit par qui docet. — έσω est omis par Ica et lcd.

140

la omet χπχτ׳.>ν, et le remplace par prohibet... sed... persua· det, empêche de... au contraire, les persuade de.... — leb met hominum au lieu de νέων.

141

Iba a une lacune jusqu’au c. xvm. — Ibb supprime ces mots et les suivants jusqu’à la fin du chapitre.

142

Cf. Act., vin, 18.

9. Les cinq derniers mots sont supprimés par la. — ύπιβχνονμβ t n’est pas rendu par la ni le (sauf d'!.

10. Cf. Act., xni, 50 (?1. — C. E. F seuls ajoutent : κ»ί ού μ-.χρώ; χγωνιώ ·:repi τής μντ,σϋΐνϋΐΐστ,ς μ׳/ (deux mots omis par C) Ηήΰ.τ,ς, ότι ούτως çt/εϊ τόν ξέ'/ον χχ'ι στϊρούμχι γάμον« et mon angoisse n'est pas petite au sujet de ma fiancée Thècle, de ce qu’elle aime l’étran-ger, et que je suit, privé du mariage. —· Cette phrase est prise de la fin du c. xiu, où C ne la répète pas.

XI. Mais Thamyris, bondissant, sortit dans la rue, et observa ceux qui entraient vers Paul et ceux qui sortaient 1*. Et il vit deux hommes qui se querellaient violemment 2*, et il leur dit : « Hommes, dites-moi qui vous êtes, et qui est ce séducteur, avec vous, à l’intérieur. qui trompe les âmes des jeunes gens et des vierges, afin qu’ils ne se marient pas et restent tels qu’ils sont 3*. Je vous promets de vous donner beaucoup d’argent, si vous me parlez de lui; car je suis un des premiers de la ville 4*. »

1*. Le silence de Thècle finit par exaspérer Thamyris,et même, quelques textes latins le disent « plein de fureur ». Mais avant d'agir directement, il veut d’abord prendre des informations au sujet de cet étranger qui lui ravit l’amour de sa fiancée; sa première démarche, et elle est naturelle, sera pour surveiller les environs de la maison d'Onésiphore, où Paul prêche toujours.

2*. Le hasard sert merveilleusement Thamyris; il voit de suite Dé-mas et Hermogène, ces hypocrites adversaires de Paul, qui vont bientôt se découvrir. Pourquoi l’auteur les montre-t-il se querellant? Quelques textes latins ont compris qu’ils discutent sur les doctrines de Paul; par là, s'étaleraient les divisions entre hérétiques, qui ne peuvent et ne savent s’unir que contre l’orthodoxie. Mais l’auteur n’a peut-être voulu que mettre ainsi en évidence leur méchanceté, ou expliquer pourquoi !*attention de Thamyris a été appelée sur eux.

3*. C’est cette doctrine surtout qui émeut le fiancé évincé; et l’auteur a raison de la lui faire rappeler.

4*. 11 n’y a pas d'article devant πρώτο; dans le grec, qui par consé-quent ne peut signifier « le premier de la ville », sens que d’ailleurs le contexte n'expliquerait pas.

XII. Kat g Δημάςκαί 'Ερμογένης είπον αύτώ 143· Οδτος μεν τις έ7τ״.ν, ούκ οΐέαμεν 144 *στερεί ci νέους γυναικών καί παρθένους άνίρών145, λεγων* *Αλλως άνάστασις ύμιν ούκ έστιν, έάν μή αγνοί μεινητε κα׳ τήν σάρκα μή μολύνητε άλλα τηρήσητε αγνήν 146.

143

C seul ajoute : ־; ί·Α; στόματος, d’une seule voix.

144

co : d’où il vient.

145

Ibb et le (sauf d) traduisent : avertit juvenee et virginet ne nubant, il détourne du mariage les jeunes gens et les vierges; la : a fl! r mat juvenibus et mulieribut ; Ibc : confirmât juvenes et mulieres et virginet; lcd : avertit juvenes, mulieret et virginet.

146

k. Cf. I Tim., v, 22. — Les trois derniers mots sont omis par F, G, tous les /, et s; ils ne sont donc probablement pas pri-mitifs.

XIII. Όσέ θάμυρις είζεν αύτοΐςΔεύτε, άνσρες, εις τον οίκον μου και άναπαυσασΟε μετ' εμού 147. Καί άπήλθον ε·ς πολύτιμον σεΐπνον κα·. πολύν οίνον και πλούτον μέγαν καί τράπεζαν λαμπράν148. Καί βπότισεν αυτούς  149 ό θάμυρις, φιλών τήν θέκλαν 150 καί Οέλων τυχεΐν γυναικός 151. Και είπεν έν τώ σείπνω152 ο θάμυρις·*Ανορες, ειπατέ μοι, τις έστιν ή διεχσκχλία αυτού, ϊναχάγώ γνώ 153. où γχρ μικρώς αγωνιώ περ: τής θέκλης, οτι ούτως φίλε: τον ξένον καί άνοστερούμαι γάμου154.

147

est omis par C et Ibc; Ibb et le (sauf d) le traduisent maladroitement par fratret. — F, G, s ajoutent μ־τ’ έμοϋ à la première proposition, et le remplacent à la fin par zçô; με. Ces deux mots sont omis par C, tous les l (sauf lcdl' co et s1׳.

148

la, Ibb et le (sauf d) font de χχί άπήλΰον une phrase, et ajoutent : et exhibait, ou ezeepit [F, G : πχρεΟηχεν αύτοί; après λαμπρχν), sauf Icc, qui omet tout ce qui suit άπήλ<ών. — πολύν οίνον est omis par Ibb et **·־; la et lcd traduisent πολύν par optimo; Ibb et le (a et b) par copioto; t'■ : beaucoup de chair. —πλούτον μέγαν omis par la, lb et le (sauf d).— τρχπεζχν λχμπράν omis par fa.

149

Deux mots omis par Ibb et le (sauf d). — Après Ηάμυρ!;, E, F ajoutent : 8■; μέΟτ.ν, jusqu’à l’ivresse.

150

C : πόθων, désirant. Omis par Ibb et lcd, ainsi que les quatre mots suivants.

151

A, B omettent : χχί 7:;׳ων. — le (sauf d) traduit : et liment ne fraudarelur naptiis ejus, et craignant d’être frustré du mariageavec elle. — la ajout* : in diebut statulie nuptiû a Theoclia maire, aux jours fixés pour les noces par sa mère Théoclie; de même à peu près Ibc, leb et «*'.

152

Trois mots omis par G, la et lb.

153

A, B, G : ':?׳·», que je voie. — lcd omet les trois derniers mots.

154

C omet les sept derniers mots. — ούτω; est omis par F. G. et tous les l (sauf lcd). Les deux derniers mots sont omis par Ibc et lcd. — Ibb les traduit : me abnegat, elle me refuse. —■■ lec ajoute amantissimis à nuptiis.

XII. Et Démas et Hermogène lui dirent : « Qui il est, nous ne le savons pas; mais il écarte les jeunes gens des femmes et les vierges des hommes, en disant : « Il ne « peut y avoir pour vous de résurrection que si vous « restez chastes, et si, loin de souiller votre chair, vous « la conservez pure 1*. »

1*. La réponse de Démas et d’Hcrmogène montre qu’en somme ils ne connaissent pas saint Paul; pourquoi donc se sont-ils unis à lui? C’est un point assez obscur; l’auteur les suppose peut-être attirés par les miracles accomplis par les mains de l’apôtre. En tout cas, ils l’ont entendu exposer sa doctrine, et il n’y a pas de raison de soupçon-ner qu ils expriment ici à ce sujet leur propre pensée plutôt que celle de Paul; leur indication concorde bien avec celle du début du c. v, où Paul parle « sur la continence et la résurrection. » Mais l’auteur ne les fait-il pas exagérer à dessein? Ils ont saisi la pensée et compris la colère de Thamyris, et flairent une bonne occasion; aussi renché-rissent-ils sur sa plainte, et prétendent-ils que l’apôtre ferait de la chasteté la condition expresse de la résurrection. Ce serait le seul passage du livre où serait exprimée si nettement, non plus le conseil très pressant, mais la nécessité de la continence.

XIII. Thamyris leur dit : « Venez, hommes, dans ma maison, et prenez du repos avec moi. » Et ils y allèrent pour un repas coûteux, avec beaucoup de vin, de grandes richesses et une table brillante. Et Thamyris les fît boire, lui qui aimait Thècle et voulait l'avoir pour femme2*. Et pendant le repas, Thamyris dit : «Dites-moi quel est son enseignement, afin que moi aussi je le connaisse. Car mon angoisse est grande au sujet de Thècle, parce qu’elle aime tant l’étranger et que je suis privé du mariage 1*. »

2*. Thamyris a vite compris avec qui il avait affaire et percé à jour ces natures grossières; aussi, prend-il le moyen le plus propre à délier leurs bouches, d’ailleurs toutes prêtes à s’ouvrir; il les fait boire; le trait est amusant. Et en face de ces vils appétits, l’auteur place, en un vif contraste, ce fiancé torturé par l'angoisse. Il veut aussi nous montrer que Démas et Hermogène sont adversaires, non seulement des doctrines de Paul sur la chasteté et la résurrection, mais aussi sur l’ascèse en matière de nourriture.

1*. L’auteur est assez maladroit en laissant Thamyris ouvrir si largement son cœur devant de tels hommes, qu’il connaît; mais enfin s’agit do les faire parler et de leur montrer qu’on attache grand prix aux renseignements qu’ils pourront fournir.

XIV· Είπον 2έ Δημάς κχ'ι 'Ερμογένης  155’Προσχγχγε αυτόν τφ ήγεμόνι Κεττιλιω ώς άναττείθοντχ τους δχλους έττι xatv-j* Βιβαχή Χριστιανών156, κα׳. ού'τως άτιολεΐ αυτόν157    και συ έξεις τήν γυναίκα σου θέκλαν. Κχΐ ημείς ?5 δίδάςομεν, ήν λέγει ουτος άνάστασιν γενέσθχι, οτι ή-η γέγονεν έφ’ οις έχομεν τέκνοις158, καί χνιττάμεΟχ Οε'ον έτεεγνωκότες αληθή 159.

155

F, G (comme C au c. xn), co et Ibc ajoutent : ·;>; iz στόματο סע;, comme d'une seule voix.

156

Le nom de Cestilius est diversement écrit.— la traduit :

sicut seductoreni populi; et die eum christianum esse, comme séducteur du peuple; et dis qu’il est chrétien. Les quatre der-niers mots sont omis par lcd. —· xar«f, est remplacé, dans E, F, lec, par xsvj, et omis par Ibc.

157

C ajoute : za?àτόίόγμχ τού Kxt'7apo;, selon l’ordre de César; de même tous les l : secundum senatus consultum; ces mots seraient-ils primitifs? — ούτω; est omis par A, D, E, F, l, s. — A, B, E, F, (la : iso/e·;, tu le perdras.— Ibc et fc(8auf d) ajoutent aussi inauditum, sans l’entendre.

158

Ces sept mots sont omis par s seul.

159

Tous les l, sauf lcd, ainsi que 8, omettent ces cinq mots. Mais ils sont attestés par tous les mss grecs, lcd et co; il faut donc les accepter. — Le dernier mot est omis par G et lcd; celui-ci traduit mal : m quibus (filiis) resurgi mu s Deum coguo· scentes.

XV. Ό τέ Θάμυρις άκουσας ταϋτα 160, καί τ:λησθε1ς ζήλου κχ’ι Oj'jAoü164 δρΟρου άναττάς165  είς τδν οίκον Όνη.ηφόρου άπήλθεν μετά αρχόντων κα: δημοσίων καί όχλου Ικανού μετά ξύλων   166 , λέγων τφ Παύλω 167־ Δ'.έγΟε*. כ ας 168   τήν Ίκονίέων πάλιν και τήν ήρμοτμένην μ ο׳., ϊνα μή Οελήτη γαμηΟήναί μοι 169· άγωμεν tzi τον ηγεμόνα Κεττίλ'.ον 170. Kat πάς ό δχλος έλεγεν Άπάγαγε τον μάγον־ et־· çOîtp-v γάρ ήμών τ.χ~2ς τάς γυναίκας 163, καί τυνεπείσΟηταν οί 5χλοι 171 .

160

A, B, (E), F, G seuls ajoutent : πβρ αυτών, d’eux. — raûta est omis par A, B, co.

164

Cf. Act., v, 17. — Λ ajoute πώλον. — lcd omet ζήλον.

165

Deux mois omis par/6e et leb.

166

Cf. Matt.. XXVI. 47, etc. -- δτμοσίων CSt Olllis par l

(excepté /<■« et leb . — led omet aussi ίρ//λτω'.. — co traduit €τ,υ.οσ:<·>7 par serviteurs.

167

Ibc. Ica. leb, (Ibb et led) ajoutent : cum clamoribus ma gais.

168

Tous les /. mais les l seuls, mettent d'abord impostor. — la met aussi : procédé foris, sors.

169

C'est la leçon de E, à peu près de /·', 6' (0. μ<״ γν,μ»ί) ; C (5׳νγγίν;σύα׳. μ:τ’ίμο·;), de co, et de tous les /; il faut donc l'accepter contre Λ, B, 9, (Lipsius), qui suppriment les deux derniers mots, en les remplaçant par μι.

170

lb et le (sauf d) ont traduit, ou à peu près, comme Ibb : et comprehendens Paulum, trahebat ad preeaidem, et saisissant Paul, il le traînait vers le gouverneur. —co ajoute : le tribunal du...

163

8 C omet ces mots à partir de *»· πϊ,־..· — πίσ»; est omis par E et l. — Après μάγο·/, la ajoute : toile inimieum, enlève l'ennemi, et co : au gouverneur.

171

Ces derniers mots sont omis par lcd et co. — Les autres /, sauf la, les comprennent mal et les unissent à la phrase précé· dente, par ex., Ica : et multos persuasit chritliunos fieri, (il a corrompu nos femmes) et persuadé à beaucoup de devenir chrétiens.

XIV. Démas et Hermogène lui dirent : « Conduis-le devant le gouverneur Cestilius comme séduisant les foules avec l’enseignement nouveau des chrétiens; ainsi, il le fera périr et tu auras Thècle comme ta femme 2*. Et nous t’apprendrons ce qu’est la résurrection dont il dit qu’elle va venir; elle est survenue déjà par les enfants que nous avons, et nous ressuscitons en reconnaissant le vrai Dieu 3*. »

2*. Le conseil donné par Démas et Hermogène est digne d’eux; il est le mieux fait pour perdre Paul; mais c’est à la condition qu’on accepte l’anachronisrae commis par l’auteur; il y a là évidemment une allusion à l’édit de Trajan, que rappellent d’ailleurs un ms. grec et tous les latins, et qui condamnait le nom seul de a chrétien ».

3*. C’est la doctrine de la gnose. Sans doute, la première partie de cette explication est prise à II Tim., !1, 18, et nous ramène aux luttes historiques de Paul; mais déjà elle développe les paroles mêmes de l’apôtre. Quant à la seconde, elle est nettement gnostique; c’est la connaissance du vrai Dieu, la « gnose », qui nous donne notre véritable place dans l’humanité, et nous y élève au premier rang, nous méritant et nous assurant la vie éternelle, qui est la véritable et seule résurrection. On le voit, l’auteur donne ici aux deux hommes leur réel caractère; ils ne sont pas seulement les ennemis personnels de Paul; ils sont ceux de toute orthodoxie.

XV. Thamyris, ayant entendu cela, fut rempli de jalousie et de colère *. Dès le point du jour, il se leva et se rendit à la maison d’Onésiphore avec des magistrats. des fonctionnaires, et avec une troupe assez forte armée de butons, et il dit à Paul : « Tu as séduit la ville des Iconiens et ma fiancée, de sorte que celle-ci ne veut plus se marier avec moi; allons devant le ׳gouverneur Cestilius 2*. » Et la troupe tout entière dit : Emmène le sorcier; car il a séduit toutes nos femmes; » et la foule était de ce même avis.

1*. Les renseignement* obtenus par Thamyris ne sont pas bien précis; mai* ils n’en confirment pas moins ce qu’il savait déjà de la doctrine de la chasteté enseignée par Paul. Aussi, sa colère augmente-t-elle et se décide-t-il à l'action. Son empressement est marqué par ce lever matinal. Il a de l'influence et, sans aucune difficulté, entraîne avec lui des magistrats, accompagnés d’agents de la force publique. La foule elle-même ne manque pas, qui suit toujours ces manifestations.

2*. Thamyris donne d’abord de son acte de violence une raison d'ordre public; mais il est évident qte c'est la seconde qui lui tient le plus à cœur; il serait plu* habile en taisant celle-ci : sa colère et sa jalousie ne le lui permettent pas. Et la foule acquiesce, d’abord celle qui l’accompagnait, puis tous les gens que cette *cène a naturellement attirés.

XVI. Kat ττας προ τού βήματος ό Θάμυρις κραυγή μεγάλη ΐίττεν 172־ ’Ανθύπατε, ό άνθρωπος ουτος ούκ οΤόαμεν ττόΟεν έστίν 11, :ς οΰκ ii γαμείσϋα״. τάς παρθένους 12, είπάτω έπί τού τίνος ενεκεν ταύτα :׳.:άτκει 13. ’(J :3 Δημάς xat Έρμογένης είττον τώθαμύρί^ι־ Λέγε αύτον Χριστιανόν, καί sύθέω; άπολέσει; αύτόν 1.Ό Βέ ήγεμών2 έστησεν την διάνοιαν αύτού3 χαΐ έκάλεσεν τον Παύλον λέγων αύτώ 4. Τις εΐ, καί τί διδάσκει; 5; Ού γάρ μικρώ; σο□ κατηγορούσιν 6.

172

χρχνγ;, μιγάλτ, est omis par lb, le (sauf d) et co, — Ibc et lc (sauf d) ajoutent pritsidis (Icc: Cæsaris) au mot tribunal. — s ajoute : (il dit) au gouverneur.

11. C, s: ד:’; à??׳.-/, qui il est; de même Ibc, le (sauf d),qui ajou-tent : ce/ unde eenerit. — Ibb met d’abord: Rogo te, præses, ut interroges unde sit isle homo, je te demande, gouverneur, d’interroger cet homme sur le lieu d’oè il vient.

12. C : άγάμο■-,· π׳.·.:!, (qui) rend (les verges) célibataires.

13. Ibc et Ica omettent :       έπι σού, et unissent ce qui suit à la proposition précédente.

1

Au lieu de ευθέως, ״.·l, B, E, F, (Lipsius) mettent mais cette leçon est attestée par C (G : συ־/τόμω;), tous les l, co et s. — Le mot άπολέσε:; est diversement modifié par les mss grecs. — G, l (sauf lcd) et c;> :          , il périra.

2. Leçon de F, G, s, lcd. Les autres disent ανθύπατο;. — Le mot est perdu dans co.

3. Mots omis par lcd et s (qui est très différent). — la met à la place : cum animadvertisset.

4. lb et le (sauf d) à peu près comme Ibb : ... et jussit sibi o/Jerri Paulum. Quem ut vïdit. didit...se fit présenter Paul. Dès qu’il le vit, il dit...

5. Mots omis par la. — lcd : unde es tu.

6. Cf. Matt., xxvii, 13. — Ibc : turbæ accusant. — lec : non enim pauci te accusant.

XVI. Thamyris, se tenant devant le tribunal, dit avec de grands cris : <׳ Proconsul, nous ne savons pas d’où vient cet homme, qui empêche les jeunes filles de se marier; qu’il dise devant toi pourquoi il enseigne cela 1*. » Mais Démas et Hermogène lui dirent : « Dis qu’il est chrétien; aussitôt, tu le perdras. » Mais le gouverneur s’en tint à la pensée de Thamyris 2*, et, appelant Paul, lui dit : « Qui es-tu? et qu’enseignes-tu? Car ce n’est pas une légère accusation qu’on porte contre toi. »

1*. C’est toujours le même grief évidemment que Thamyris soulève contre Paul. S’il y a là quelque simplicité, songeons aussi que cette pensée, toujours la même, torture continuellement le cœur du mal« heureux. Il est sincère d’ailleurs et croit juste cette réclamation contre un étranger qui le vole. Cette franchise s'oppose à la conduite de Démas et d'Hermogèné־, plus habile peut-être, mais qui nt convient qu'à des hypocrites.

2*. Le gouverneur lui-même veut être juste; il pourrait sans doute, suivant !’insinuation des deux adversaires de Paul, s'en tenir à l’édit et condamner Paul sur le simple nom de chrétien; mais il préfère, comme Thamyris, procéder à l’étude des doctrines et juger leur propagateur d'après elles. C'est là, en somme, de l'indulgence; il en montrera d’abord autant à Thècle même.

 

1

Gttchichte fa N. T. Kanon», t. n, p. 891.

2

Ibid., p. 907.

3

Chronologie, t. 1, p. 641, note 2.

4

Acta Pauli, p. 205, en note.

5

Voir le récit de Nicéphore à propos de saint Hippolyte.

6

Dans Hennecke, Xtutetlamentliche Apokryphen,TÎ\1bing\xe/ 1904, p. 367.

7

Chronologie, t. 1, p. 497.

8

Acta Pauli, p. 176.

9

Acta Pauli, p. 176.

10

Op. rit., p. 181 ■q.

11

P. G., t. lxxxv, col. 520 sq.

12

P. G., t. cxv, col. 821, 833.

13

Acta Pauli, p. 169.

14

Neue kirMiche Zeilechrift, t. vin, p. 936.

15

Acta Pauli, p. 199 aq.

16

Geschichte des N. T. Kanona, t. 11, p. 903.

17

Acta Pauli, p. xvu.

18

Rheinùchet Muteum fur Philologie, N. F., 1864, t. xix, p. 177-17J.

19

Acte Pauli, p. 206 sq., xiv sq.

20

James, Apocrypha anecdota, dans Texte and étudiée, t. 11, fasc. 3, p. 58-83.

21

Disons un mot de la langue des Acta Pauli. Elle est facile et sim-pie, en somme; le vocabulaire est pauvre, et c’est celui d’une langue populaire soignée. Le style est terne, mais concis ; et c’est une qualité rare en de tels ouvrages; aussi prête-t-il à la paraphrase; il est facile de s’en rendre compte quand on compare dans le Martyre le texte plus ancien de P et co A celui de A et surtout de L. Ceux-ci ont sou-vent cru nécessaire d’expliquer et d’embellir un récit bref, mais très suffisamment clair; et leur style en devient beaucoup plus monotone encore et plus plat que celui du texte primitif.

22

Acte» de Paul.— Le ms. copte porte, au bas de la dernière page, le titre suivant,entouré d’ornementation :Πράξη: Παύλου κ... τόν απόστολον; il manque trois lettres après x; il semble donc bien certain qu’avec Schmidt, il faut restituer χατά. Mais ce titre : Actes de Paul selon l'apôtre, est-il vraiment primitif, comme l’a d’abord supposé Schmidt? (V. les restrictions dans ses Acta Pauli,p. xxix 8q.)C’est plus que douteux; en tout cas, il ne pourrait signifier que saint Paul lui-même a écrit l’ouvrage, puisque jamais il n’y parle à la première personne. Le seul sens admissible est le suivant : « Actes de Paul, d'après les récits mêmes de l’apôtre, et écrits par un anonyme.» Cependant, même avec cette atténuation, il ne parait pas que l’autour ait eu l’au-dace d’employer un tel titre. Ce n’est que le succès une fois venu, et l’œuvre répandue et respectée, que les mots ΙΙράξιι: Παύλου ont pu se compléter de ce χατίι τον απόστολον pour marquer l’estime dans laquelle on la tenait. Cette addition a dû se faire dans les cercles hérétiques, où ce genre d’ouvrages obtint tant de succès; il est bien possible d’ailleurs que ce soit d’un de ces cercles qu’émane le ms. copte. — Le mot πράξη: a été remplacé souvent plus tard par π<ρί020ι, quand les catholiques voulurent distinguer les Actes canoniques des œuvres apocry-phes, surtout hérétiques.

23

Je crois qu’il s’agit ici d’Antioche de Pisidie. Schlau, Die Acten des Paulus und der Thecla, p. 85, note, et C. Schmidt, Acta Pauli, p. 208 sq., y voient Antioche de Syrie. Les raisons que donne ce der* nier sont fortes : 1° dans A. Th., c. 111, Onésiphore va, d’iconium, ù la rencontre de Paul, χατά την βασιλικήν όδ׳»ν την έπΐ Λύστραν, sur la· voie royale qui conduit à Lystra. Or, Lystra étant, par rapport à Iconium, à l'opposé d’Antioche de Pisidie, cela suppose que Paul venait, vers Iconium, de la direction de Lystra, c’est-à-dire d'Antioche de Syrie; c’est le chemin qu'il a suivi, d’après Act., xv, 35 sq., dans sa seconde mission. 2° Dans A. Th., c. xxiii, Onésiphore, sa famille et Paul sont réfugiés dans un tombeau ίν όδ<·» έν η από Ίχονίου si; Δάφνην πορεύοντχ׳., sur la route par laquelle on va d’Iconium à Daphné. La mention de ce Daphné, ville connue par un sanctuaire renommé, près d’Antioche de Syrie dont elle était en somme comme un faubourg, a été suggérée à l’auteur par le premier récit, qui se passe réellement dans cette dernière ville. 3° Il ne faut pas trop insister sur les relations entre les Acta Pauli et les Actes des apôtres ; l'auteur cherche plutôt à changer les noms de lieux pour se ménager le mérite de l’originalité. — Cette dernière remarque est excellente, mais c’est aux voyages de Paul qu'en somme elle s'applique le moins; pour leur ensemble, leur cadre, l'auteur est heureux de répandre sur son récit la couleur historique en plaçant Paul dans des villes, en lui faisant suivre des routes, indi-quées déjà par les Actes. Dans ces derniers, Paul est chassé d’Antio-che de Pisidie par la jalousie des Juifs, Act., χιιι, 50; de là, il se rend à Iconium, Lystra et Derbè, pour revenir, par la même route, à la même ville d'Antioche de Pisidie. La ressemblance est tellement frap-pante qu’elle entraîne la conviction, bien qu'ici l’auteur ne parle ni de Lystra, ni de Derbè. D’ailleurs, la route royale d’Antioche de Pisidie à Lystra passait un peu au sud d’Iconium (inscription do Comane, Corp. inoc. Gr., 111, Supp., 6974), qui y était rattachée par une voie secondaire; c’est après avoir suivi cette dernière qu’Onési-phore marche ensuite ■ sur la voie royale (d'Antioche) à Lystra, > mais dans la direction d’Antioche de Pisidie, d'où vient Paul. Mais comment se fait-il que l'auteur ne parle pas d’abord d’Antioche de Syrie et place d’emblée Paul en Pisidie? D’abord, nous ne savons pas, étant donné l'état du ms. copte, s'il n'a pas mentionné au début une autre ville; ensuite, ce serait M un procédé bien peu étrange, à côté d'autres qu’il faut bien accepter, malgré leur singularité. Quant à la Daphné mentionnée, il est bien possible qu'elle ait été un petit bourg près d’Iconium.

24

Cette situation est celle des Actes, xin, 50, à Antioche de Pisidie même. Mais elle peut .aussi avoir été suggérée par les situations ana-logues à Iconium, Actes, xiv, 5, et à Lystra, Actes, xiv, 19.

25

Je rappelle le» sigles pour ces .4. Th. — Mss grecs : E, I, K, L, F, G, H, M, A, B, C. — Version syriaque : s (sa, sb , sc, sd, suivant les mss). — Version copte : co. —Versions latines : l (la, lb [lba, Ibb, lbc], lc [lca, lcb, lcc, lcd], Id, suivant l’étude de Gebhardt). — Je n'indiquerai pas d’ailleurs les va* riantes qui ne portent que sur l’orthographe ou l’ordre des mots, ou qui donnent des mots de sens équivalent; je ne rappellerai que celles qui introduisent au moins une nuance différente dans le sens.

Le titre employé est celui de .4 seul; B, E, F : Μαρτ-ύριον. τή; άγιας πρωτομάρτυρας θέχλη;; les autres mss varient plus ou moins. Les latins portent surtout : Piwio sanctæ Theclæ Virginia et martyris. — D’ailleurs, ces titres n’ont aucune importance, puisqu’ils ne sont pas primitifs.

27

co seul ajoute un U qui rattache ce récit à ce qui précède. *— Ib dit d’abord : tempore illo (Ibc : in diebus illis), ainsi que Ica.

28

Ces deux mots sont omis par lcb, lcc et s.

29

E seul : Δημάς xa't Kr.çi; xat *E . — lb (a et b) : Demas et Hermogenes et Alexander ærarius, évidemment d’après II Tim., iv, 14. — le : serarii, tous deux forgerons.

30

Ces sept mots sont omis par G, les trois derniers seulement par C. — lb seul traduit bien : Iba : quique obsequebantur ei quasi diligentes eum ; les autres l laissent de côté le mot difficile et disent (ou à peu près) simplement : et fingebant seamare Paulum.

31

G : τού 610·:. — lb donne un sens différent; Iba : Paulus vero ad benignitatem res pi ci e ns ; Ibc l’exprime nettement : Paulus aulem habens magnam benignitatem in se; mais Paul, qui avait en lui-même une grande bienveillance. — leb : Dei et Christi Jesu; — lcd omet ces sept mots.

32

G et co omettent ύ?οΐς; mais le sens est équivalent. — Les latins changent tous le sens en employant le mot suspicari, soupçonner; « il ne soupçonnait en eux aucun mal; » on ne peut accepter cette leçon, qui leur est particulière.

33

1*. J’ai dit déjà que ces deux noms étaient empruntés aux épîtres canoniques. Le premier est celui d’un homme qui, après avoir été disciple de Paul, Col., iv, 14; Philem., 24, l'a ensuite quitté, d’après II Tim., iv, 10, « par amour du siècle. » — Hermogène, d'après II Tim., i, 15, abandonna Paul en même temps que Phygelus; mais il est évident que l'auteur pense aussi à cet Alexander serarius qui, d'après II Tim., tv, 14, ■ fit voir à Paul beaucoup de maux; » aussi, deux textes latins ont-ils accolé les trois noms. Ce sont des adversaires encore cachée, mais qui se découvriront dès que leur intérêt les y engagera.

34

2*. Cette phrase indique clairement que Paul avait sondé le cœur de ses compagnons et qu'il les connaissait; mais il leur rend le bien pour le mal et cherche à les convertir. Les textes latine, non seulement ne l'ont pas compris, mais affirment tout le contraire en disant de l'apôtre « qu'il ne soupçonnait en eux aucun mal. » En réalité, )*auteur a préféré lui prêter science et bonté plutôt que simplicité.

35

Tous ces mots, dans co et l, sont indépendants de?* λόγια. — .1, /?, Λ/ omettent !e second; G ajoute, après le second : τ׳,υ ־ΰαγγί/.ίου (admis par Lipsius !), et rejette les deux autres ; / rejette le dernier. 3/ : τού r,·;»πημένου υίοΰ καί τής άναλήψεω; τής τον πατί^χ wry c- χ/.λχ χχ׳ π ιοί τ0»ν ׳κ·׳α)*ίων τοί Χοίστού... du fils bien-aimé. et de son ascension vers son Père, et aussi sur les grandes actions du Christ. —· Les l varient considérable-ment: presque tous omettent un ou plusieurs de ces mots, ou les mêlent avec magnolia Dei qui suit; Ibc seul est très proche du texte adopté; il ajoute entre le troisième et le quatrième mot : <7 passione... et sur la passion.

36

Cf. Eph., t, 6. — Les l : Christi ; dilecti filii ; filii Dei ; Domini,

37

'la et le traduisent par demonslrare ou docere; Ib (a et b) : mansuetos eosdem facerct. — co : annonçait.

38

Cf. Act., 11, 11.

39

Leçon, ou à peu près, de tous les mss grecs et de to, qui, à la place des derniers mots, porte simplement : « il leur dit. » — la omet : πώς άπεκαλΰφΟη χϋτώ ; et Ibc met à la place : Quem· udmodum fee inset magnolia Christ us.

40

<>. Cf. Rom.. 1. 3. — C'est la leçon de F, H.— A, B. C, E, I. K, L, M. ne dilfèrent que pour le sujet : ό Χριατό; έστιν, par exemple. — C'est aussi la leçon de co qui ajoute « vierge », comme M et la. et de Ibc et le (sauf d) ; et ils ajoutent, excepté fcc et lcd : secundum carnem. d’après Rom., 1, 3. 11 faut donc l’ac-cepter, malgré le silence de G, Iba, Ibb, lcd, et 8.

41

Le mot όν0μ»τι n’est attesté que par A, B, [C, mais aussi par co et l (excepté Ibc}. — B omet : άκούσας... Ίχόνιον· — le (excepté Zed) ajoute : homo justus.

42

G ajoute : πχρχυτχ δρομχίω;, sur-le-champ en hâte.

43

Ces deux noms paraissent les meilleurs. Ce sont ceux de G (mais Σ«μμιβ), co, Iba. — Ils sont, ailleurs, plus ou moins déformés, à part le second, mieux conservé; Ibb en fait des tilles; le les omet.

44

1*. Saint Paul connaît si bien les sentiments intimes de Déinas et d'Hermogène que son enseignement porte surtout sur les points de doctrine niés par les gnostiques, sur l’incarnation et la résurrec-tion, qui pour eux n'avaient été qu'apparentes, Jésus ne s'étant pas véritablement uni à la chair. Il est évident que, pour l'auteur, les deux hommes qu’il oppose à Paul sont des partisans du gnosticisme. D’ailleurs, leurs théories se préciseront plus loin, en attendant que la correspondance avec les Corinthiens réfute expressément l’hérésie.

45

2*. Un Onésiphore est mentionné avec sa « maison » dans II Tim., 16; 1v, 19, et, dans le premier cas, pour « avoir souvent soulagé » l’apôtre, et l'avoir secouru, à Éphèse et à Rome. Mais l'auteur le trans-porte arbitrairement à Iconium; il n'en faut pas chercher d'autre raison que les besoins de son récit. Il lui fait d’ailleurs jouer le rôle que cet Onésiphore lui-même et plusieurs autres ont joué d’après les Actes et les épîtres canoniques; la charité de ces hommes, tou-jours active, s'exerçait évidemment surtout envers les porteurs do la parole évangélique.

46

lc (a, b, c) remplacent cette proposition par la première phrase du c. 111, plus ou moins altérée, et changent l’ordre des deux suivantes.

47

Ibc : non enim noverat eum Honesiphorus, sed tantum ex auditu sciebat cum; car Ilonésiphore ne le connaissait encore que par ouï-dire. — Icc réunit les deux propositions : il ne le connaissait encore que parce que Tite lui avait dit quel était l’aspect de Paul.

48

la remplace tout ceci, jusqu’au portrait même de Paul, par ces simples mots : exspectans in via, attendant sur la route.— Ica place cette proposition et la suivante après le portrait. — co offre une assez longue lacune. — H n’est plus colla* tionné.

49

Icb et Icc omettent ces mots.

50

lc (à part d) ajoutent ici : ut Paulum cognosceret (c : vider et), et placent les quatre derniers mots dans la proposition suivante, qu’ils unissent à la première du c. iv, après le portrait; par ex., Ica porte, au commencement du c. iv: Et cum obviasset Onesi· phorus Paulo, secundum demonstrata sibi signa diligentius eum intendit; et quand Onésiphore se fut trouvé en présence de Paul, il l’observa avec plus d’attention d’après les signes qu’on lui avait indiqués. Ces mêmes textes le omettent la proposition suivante.

51

Certains textes latins se scandalisent de quelques*unes de ces expressions. Ici la traduit : tonso; Ica : attonso et reburro; leb : subcalvaster; Icc et lcd : attonso. — Ibb omet l’expression. — 9 : sa chevelure était rare.

52

1*. C’est bien le Tite des épitres; mais l’auteur ne lui a pas donné le rôle de compagnon presque inséparable de saint Paul qu’il y joue; il a vu surtout que l’apôtre lui a confié des missions délicates : le pré· céder dans la communauté troublée de Corinthe, II Cor., vii, 13 8q., et recueillir en Macédoine les collectes des frères, II Cor., viii, 6. Aussi le fait-il venir à Iconium, et, plus tard, à Rome, avant l’apôtre. Est-ce lui qui, dans la pensée de l’auteur, a converti « la maison d’Onésiphore? » Ce n’est pas dit expressément; mais il serait bien naturel que son enseignement eût inspiré d’avance au chef de la fa-mille cet amour « spirituel » pour saint Paul.

53

2*. V. à propos de cette route Introd., p. 103; et le premier épisode, note 2, p. 143.

56

la ajoute Dei. — Ibc omet cette proposition et ne conserve que la suivante.

57

la, lec et lcd suppriment ce mot. Ibc le remplace par Ixtatus est valde.— Ica et leb : Paulus intelligens subrisit, Paul, comprenant (qu’Onésiphore cherchait à le reconnaître), sourit.

58

la : salutaoit eum,dicens.— Icc'.Ut vidit autem Paulum One· siphorus, demonstrata sibi signa cognovit et ait...—lcd : Cui cum occurrisset Onesiphorus, excepit ilium et dixit.

59

Cf. Rom., xiii, 4, etc., et Rom., ix, 5, etc. — M ajoute : z»i cJ^paivo-j, et sois joyeux. — la,lbb, Ibc : minister benedictsDei, ministre béni de Dieu. — le (sauf a) supprime Dei.

60

Cf. Il Tim., iv, 22. — B, M ajoutent : τού χυρίον ’Ιησού, du Seigneur Jésus.

61

E supprime ces mots. — Ibc et lcd ajoutent : omni.

62

M ajoute : ίχούσ«ντ«ς τχύτχ, entendant cela. — leb : comités Pauli, les compagnons de Paul. — co reprend ici.

63

έςήλωσχ* est supprimé par la et le ; lcd supprime même ces deux propositions. — co omet le premier verbe et paraphrase le second.

64

la et le font parler à la fois Démas et Hermogène.

65

Leçon de E, G, C, 8, co. — A, B, F, I, K, L, M, Iba, Ica ajoutent : Ηιού. — la *. numquid et nos non sumus benedicti a Deo·, ne sommes-nous donc pas, nous aussi,bénis de Dieu? — De même Ibc, leb, lcd, en supprimant a Deo״,— lec : ministri benedicti, des ministres (du Dieu) béni.

66

ούτως omis par G, lb et le-, est-ce que minime le remplace dans lb ?

67

Cf. Phil., 1, 11.

68

1*. La « grande joie » se manifeste par des actes religieux, par la prière à genoux, la communion, et enfin la prédication, cléments or-dinaires de ces réunions pieuses.

69

2*. Cette prédication porte surtout sur les deux points qui tiennent le plus à cœur à l’auteur des Acta Pauli. Le second est dirigé surtout contre les gnostiques; et sa mention ici, comme du reste aupa-ravant déjà, montre le lien de ces différentes parties de l’œuvre, et combien un même esprit les anime. Le premier domine tout le livre, en particulier cet épisode de Thècle qui ▼a être raconté. Cependant, cette prédication se fait dans la maison d’un homme et d’une femme qui sont et restent mariés, sans que Paul leur adresse directement aucun avis là-dessus; il est vrai que le cinquième macarisme semble fait spécialement pour eux ; il reste néanmoins que l’auteur ne supprime pas l’état de mariage de la même façon et avec la même rigueur que les encratites gnostiques; sa doctrine est celle de Paul sur la supériorité de la virginité, mais exagérée.

70

3*. Tous ces macarismes ont la forme de ceux du sermon sur la montagne, et se terminent par la promesse de la récompense éternelle; mais le fond même en est très différent. Ils insistent surtout sur la continence, en développant presque tous en ce sens tout spécial le premier, emprunté littéralement λ Matt., v, 8. Cette pureté de cœur se manifeste : en conservant sa chair pure; cf. I Tim., v, 22; par la conti-nonce ; cf. Gai., v, 23 ; Tit., 1,8 ; par l'abstention des biens de ce monde ; cf. I Cor., vu, 31 ; par l’éloignement pour les rapports conjugaux; cf. I Cor., vu, 29; par la crainte de Dieu; cf. II Cor., v, 11, etc.; par l’obéissance tremblante aux paroles de Dieu; cf. Eph., vi, 5; Rom., x, 6, etc.; par l’imitation de la sagesse de Jésus-Christ; cf. Cor., 1, 30; Eph., 111, 10; par la fidélité au baptême; cf. II Clem., vi, 9; par la prudence en Jésus-Christ; cf. I Cor., iv, 10; en rejetant ce qui est mondain ; cf. I Cor., vu, 31; II Clem., v, 1 ; par la virginité. Il est difficile de trouver un ordre dans cette suite; mais on voit que l’auteur a cherché surtout à reproduire des conseils de saint Paul ; mais son insistance est telle pour certains qu’elle déforme la pensée de l’apôtre. Le dernier couronne tous les autres; c’est à dessein qu’il est placé là, et plus longuement développé. Avec le pre-mier, le douzième seul, qui fait tache et exprime une idée différente, est emprunté au sermon sur la montagne. Quant aux plus généraux, les 6e, 7e, 8e, 9e et 10e, il est bien évident qu’ils doivent s’interpréter dans le sens particulier des précédents. Parmi les conclusions, un plus grand nombre (5) sont empruntées à Matt, ou imitées de lui; les autres ont leur source également dans les épitres pauliniennes, la 2e : II Cor., vi, 16, et I Cor., 111,16, cf. 11 Clem., ix, 3; la 4· : Rom., xiv, 18; I These., iv, 1, etc.; la 5e : Rom., vin, 17; la 6° : Gai., iv, 14; cf. Marc, xn, 25; la 7· : Matt., v, 5; la 8e : Matt., v, 9; la 9· : Hebr., iv, 3; la 10e : Eph., v, 8, etc.; la 11e : I Cor., vi, 3; Matt, xxv, 34; la 13e : Matt., x, 42; Hebr., xi, 5; 1v, 11. — En somme, on voit comme l'auteur emploie arbitrairement les doctrines, exactement comme les faits; mais ces béatitudes ne sont pas seulement une belle illustration de sa méthode; elles nous ouvrent un jour précieux sur ses tendances et ses préférences.

73

4*. Il est curieux que 11 Clem., ix, 3, exprime à peu près la même idée : « Il faut que nous préservions notre chair, comme le temple de Dieu. » Ce devait être une pensée favorite de la prédication du 11e siècle. De même, dans la Corr., m, 17, Jésus incarné réalise en lui un « temple de justice > en ne 80 laissant pas attacher par les liens do la volupté, qui retenaient les hommes sous l’empire do Satan·

74

Ib : quia animæ eorum templa dei erunt; lec : quoniam tem-plum Sancti Spiritus eflicientur.

75

lc (sauf d) : Beati qui abstinuerint se ab omni immunditia, heureux ceux qui sc seront préservés de toute souillure.

76

Leçon de .1, B, G, s, Ib et le. — C, E, F, /, K, L, Μ : ιύ6*ί; χ/.τΛησοντχ:, ils seront appelés droits. — la : ipsi accipient Détint, ils recevront Dieu.

77

Leçon de C, E, F, /, À’, L (״·t, B), le (sauf c) et «J. — M : ד r,v βασίΛΐίχ» τού Χωστού, (ils hériteront) de la royauté du Christ. — s· et *' : ils hériteront de la terre; de même la. — Ib : hæredi-ta hunt vitam-, ils hériteront de la vie. — lec supprime tout le niacarisme.

78

E, F, I, K mettent Χριστού au lieu de 0:ού.

79

M : ότι χΛ·.!ρονομήσονσιν τόν Ucôv xxi αγγιλοι χύτού γιν., parce qu’ils hériteront de Dieu et deviendront ses anges. — E : χληθήσο^τχ*., ils seront appelés. — OeoC est omis par l et s.

80

Ce macarisme est omis par E, C et lcd. — M ajoute :

xat ?·Λάσσο/τίζ αύτού τχς έντολί.־, et qui gardent ses commas dements. — le (sauf d) traduit : exaltabuntur. —■ co reprend. — la a une lacune.

81

Macarisme omis par C et lcd. — .M 0· çôôov 6toô xxi σο^ίχ·» à xi. πχρχ ’’ησοϋ Χριστού, ceux qui ont reçu de Jésu8*Christ la crainte et la sagesse de Dieu. — lec dit : ecclesiae, (les fils) de l'Église. — G et Ib intervertissent l’ordre de ce macarisme et du suivant ; lb (sauf b) ajoute à la première partie : in agnitione iqui ont reçu) en la reconnaissant.,.

82

C omet ce macarisme. — A, F, G, ac mettent Χριστού au lieu de θεού. — .'/ : οιαριχιχν xat αγάπην &εου έξελθοντες τού κόσμου τούτου Οορύόου *ai σχήματος, par amitié et amour de Dieu, sont sortis du bruit et du faste de ce inonde. — lb traduit :admor-tem traditi sunt, habitum sæcularem (Ibc : ambitionem sæculi) contemnentes, se sont livrés à la mort, méprisant l’extérieur du siècle. — la reprend.

83

sa et s : parce qu’ils hériteront de la vie éternelle.

84

Au lieu de του πατρός, F, sc, Ibb : τού θεού; G, lba, lbc : τοϋ Χριστού; : du fils de Dieu. — Au lieu de εύλογηθήσονται, F. G, sa , sc , co, lb, lcd : σταθήσονται, ils siégeront.

85

G, I, co suppriment ces mots et unissent les suivants au macarisme précédent. — A, B y unissent les suivants, sans omettre ceux qui précèdent. — Μ : δτι αύτοι «t έλεούντες τον πενητα αύτόν τον Χριστόν διχχονούσ-.ν, parce que les miséricordieux servent le Christ lui*même, pauvre.— lb et le (excepté d) traduisent : quia ipaia mïaerebitur Deua. — lcd le supprime.

86

B supprime πικράν.

87

B : oï παρθενίαν άσκήσαντες, ceux qui ont pratiqué la virginité. — F, G, Ica, leb et a ajoutent : *ai τα πνεύματα, et les esprits. — lb dit simplement : beati apiritua virginum.

88

M : τω χίωνιω καί μεγα/<·> θεώ, au Dieu éternel et grand. — ib : quia abaque triatitia et periculo inimici tranavehentur, parce qu’ils passeront leur vie sans tristesse et sans le péril de l’ennemi«

89

C, E, F, I, K, L, Μ : πβρ6»νίχί. — lb : mercedem suant, leur récompense.

90

Toute cette proposition est omise par B, L. — C simplement : ίν τώ υίώ, dans son fils. — Ibc : in diem filii Dei vivi : — Ica et lcd : in diem Christi filii ejus.

91

Omis par B et s. — Iba ajoute : in lumine; Ibc : in lumine sempiterno. — L, M n’ont été collationnés que jusqu'ici.

92

Iba et Ibb ajoutent : per totam noctem; Ibc : totam diem; Icc et lcd omettent τής έχχλησίας.

93

Leçon de E, l. E. et G. mais »γίζτ,; au lieu de *·;·ai*;. — Λ, li : -.·>·» 1î£ss »·;vu*; λογον '/î·;. w. t. H, χχ> τή; έν χυρίω ,Ιησού Χριστώ ”:'στ. χ. π;.· — C : τον τή; ״*ρθ·νί»; λόγον χ»ϊ τή; ττροσίυχή;. — /· : τον τή; π*ρθ. λ. χ»ί τ. ττ. άγ. χχ■ -ή; ί; Χριστώ κ>σ?!ω; χ. ττροσ. — la : de cantal·· Chnsli et obsercatione præceptorum Dei ; Iba : orationis; Ibb : hivc et orationem Pauli·, Ibc : de cast itaie et ora-tione·, le : de castitale. mais ils ajoutent à la phrase suivante les orat tones.

94

Le dernier mot. attesté par tous les mss grecs, est rejeté par la et le·. Ib le traduit par aflectu maxima·, s l’unit au mot pré* cèdent, et traduit : s'émerveillait de la foi. — Le mot précédent est déformé par tous les mss grecs, mais vaut autant que τ,πιίγιτο que Gebhardt soupçonne comme primitif; il est attesté par lb et Ica qui traduisent : ducebatur.— la traduit : replebatur·, leb et lec : docebatur; lcd : implebatur.

95

K*׳ πχρϋί’νου; est omis par C, s, la, lb (Ibc simplement : plurimos), et par co, qui reprend.

96

Mot omis par le, s et co.

97

Ces cinq mots omis par tous les l sauf Ibb : et videret eum, ainsi que par « et co. Gebhardt propose leur suppression, avec raison vraisemblablement.

98

lc : inlroire ad eum, et tous les le, sauf Ica, ajoutent, ou à peu près : et a Paulo verbum audire.— l (sauf la), s, co mettent ici « de Paul מ, au lieu de τού Χριστού, parce qu’ils ont 8up-primé les mots précédents.

99

lbc : ted tantum ex aliorum dictu sermonem ilium jaceie audiebat. — le traduit λόγου par vocem. dans Act., xx, 9; le cadre en est-il naturel? Oui, sans d’ailleurs que rien le peigne nettement. Ce qui est étrange, c’est que la prédication, comme l’extase de Thècle, puisse durer« nuit et jour »; il est vrai que saint Paul rappelle aux Thessaloniciens, I These., 11, 9, ses efforts continus dans la prédication; cependant, l’auteur des Acta Pauli a pris trop à la lettre cette indication; mais il n’y a là rien qui ne satis-fasse pas l'imagination simpliste de ses lecteurs.

100

la met d'abord : et amore verbi ita tenebatur, ut non recederet, et elle était tellement prise d’amour pour la parole...—Ib (a et b) ajoute : his rebu» intenta quæ supra memoratæ sunt, attentive à ces sujets que nous avons rappelés plus haut; Ibc : Christi Jesu fide intenta·, lcd : neque ad manducandum neque ad biben· dum, qu'il omet plus haut.

101

B : ε·; τά ΐ?־.χ zçb; γάμον, pour ce qui est propre au mariage.

102

le ajoute : qui eu ni introisset. — πρός Htox/.ttav est omis par tous les l. sauf lcd. — co place le nom au début de l’inter* rogation de Thamyris. — Cette proposition et la suivante sont omises par .4, li,C, E, /, A’(à cause de la répétition de e:«tv), mais attestées par tous les autres témoins.

103

Leçon de lb. lec, s et co. — la : ut earn osculer. — Les trois derniers mots sont omis par F, G (seuls mss grecs restant témoins pour cette phrase}, et le (sauf c). — Il semble qu’avec Gebhardt, il faille admettre cette leçon.

104

Cf. Act., ·xvii, 21 (?).— 1 : Κ3ινόν σοι πράγμ3 ίχω διηγησασθαι, j’ai une affaire nouvelle à te raconter. — C : 8׳.ηγτσ3σθ3ι ύείμχ.— Au lieu de διήγημα, le fragment égyptien a θεώρημα; de même lb·. la : verbum; le (sauf d) : novam rem et novum miraculum; lcd : novam rem.

105

Les trois derniers mots sont omis par G, I.

106

lbc ajoute : Christi uescio eu jus amore detent a. retenue par l’amour de je ne sais quel Christ; lcd retranche les huit derniers mots.

107

la unit ces mots aux deux suivants et les traduit tous par intuetur; lb : quasi ad epulas intenta; le : inhsesit ut aranea in fenestra attonita. elle reste frappée de stupeur, comme une arai* gnée, à la fenêtre, et il supprime cette comparaison un peu plus loin. — co : comme ceux qui se réjouissent.

108

Cf. Tit.. L 10. — Le fragm. égypt. ajoute : xat χινούς. — la traduit les deux ndjectifs par inania; lb (a et b) : varia e vana ; le (sauf a) : seducloria et exquisita (lcd : inexquisita) ; Ica : seductoria et exquisita et vana.

109

Le fragni. égypt. supprime βϊδώς et écrit ή τοιχύτη πχρ&ί'νο,־. — la : sic talis virgo (sseve) vexetur; lb : talis pudica virgo tam sævis-sime aflligatur; lca : talis verecundia sit in virgine■, lcb et lcl. talis verecundia virginis sæpe vexatur; lec ! tali verecundia virgin■, s sæpe vexantur. — co : que cette vierge se charge lourdement d’une telle honte.

110

Le détail est bien observé; il met en relief, comme du reste les paroles qui suivent, l'empressement de Thamyris, et l’éclaire par son contraste saisissant avec l’excès d’attention de Thècle pour un tout autre objet.

111

Encore une fois, c’est là une exagération; a-t-elle été suggérée par le récit de la conversion de Paul, dans Act., ix, 9, où l’on retrouve à peu près les mîmes expressions? C’est bien possible; en tout cas, auteur réussit à marquer vivement l’attraction exercée sur Thècle par la parole de Paul.

112

Nous retrouverons de tels reproches dans la bouche des adver-saires de saint Paul ;'ils sont naturels à qui ne discute que vaguement.

113

Ces derniers mots sont omis par lcd. — lb (sauf I») traduit άνχνείει par commovet atque sollicitât.

114

Le fragm. égypt. ajoute : «·>/ rai: sxjWw!;, avec les jeunes fil-les; de même/6a, Z66 et lcd.— Ibc : homines, sed et omnis pæne civitas; leb : mulieres et virgines; Icc : mulieres seulement. — Le fragm. égypt. cesse ici.

115

Cf. I Cor., vni, 4, etc. — E ajoute : σ:׳';ε:·>, vénérer, et F : γιχλσχίΐν, connaître. — la : unum Deum colere.

116

Cf. I Tim., il, 2. — Ibc ajoute semper; Ica : vere et astute vivere, vivre selon la vérité et la prudence (?).

117

lb supprime : ί-'·. τ ή; &υοίδ׳>; et le remplace par in tela, sur sa toile; le a mis la comparaison ]!lus haut. — co ajoute : se tenant...

118

Leçon de C, le, s, co. — A, li, E, F, G, 1, K : δε׳.♦?;,. — lb (a et c) : vano desiderio ; Ibb omet ces mots. Ils sont omis aussi, ainsi que les trois suivants, par la.

119

E, 1, K : ·z־v״׳. — Ibb : vana; le omet ces mots; Ibc ajoute : atque novæ doctrine?. — co : nouvelle.

120

la : intuetur enim verba et doetrmam ejus; car elle fait atten* tion à ses paroles et à sa doctrine. — Le même intuetur se trouve dans le.

121

K : xr άπέδοχε λιμώ, et elle est en proie à la faim; C : ελπίζει πχζΛ:νο; διχμενειν, elle espère rester vierge. — la omet ces mots; lb : talis virgo periit, une telle vierge est morte; le : et animo diminuitur (d : démolitur}, et son esprit se perd. — 7, K cessent d’être collationnés à la fin du chapitre.