NUMÉRO II.

Dans mon numéro précédent, j’ai remarqué la « conclusion monstrueuse » du Dr Fisk, selon laquelle si la prescience divine est fondée sur les décrets divins, alors « l’exercice d’un attribut a précédé l’attribut lui-même ; En un mot, l’attribut doit être exercé comme une cause pour l’amener à l’existence ; » c’est-à-dire que fonder la prescience sur des décrets, c’est la même chose que de le fonder sur ses propres exercices. Après que le Dr F. nous a conduits à cette « conclusion monstrueuse », nous n’avons pas besoin d’être très surpris d’en trouver immédiatement une autre, également monstrueuse et absurde. Si Dieu doit prédéterminer les événements pour les connaître, alors, comme la cause ne dépend en aucun cas de l’effet, les décrets de Dieu doivent être passés et son plan conçu, indépendamment de sa connaissance, qui n’a eu d’existence que comme l’effet de ces décrets.

Dans cette dernière conclusion, le Dr F. tient pour acquis que toute la connaissance de Dieu consiste dans la prescience. De sorte que si ses décrets, dans l’ordre de la nature, sont antérieurs à sa prescience, ils doivent être antérieurs à toute sa connaissance. Mais la vérité est que les décrets de Dieu peuvent être, et sont réellement, fondés sur sa connaissance et sa sagesse essentielles, bien que sa prescience soit fondée sur ses décrets. Le Dr F. poursuit en disant :

"Quel doit être le caractère de ce plan et de ces décrets qui ont été formés, et mûrie sans connaissance, nous ne nous arrêterons pas à l’examiner, car l’idée frise trop le ridicule pour qu’on s’y attarde dans un discours sérieux. Et pourtant, je ne vois pas comment cette conclusion peut être évitée, en raisonnant à partir de telles prémisses."

Les « prémisses » sont que Dieu connaissait d’avance toutes choses de toute éternité, et que sa prescience doit être fondée sur des décrets. La conclusion que le Dr F. « ne voit pas comment éviter » est que « les décrets de Dieu doivent être adoptés, et son plan conçu indépendamment de sa connaissance ». — Comment le Dr F., avec toute sa perspicacité, peut éviter de voir comment éviter cette conclusion : « Nous ne nous arrêterons pas à l’examiner, car l’idée frise trop le ridicule pour qu’on s’y attarde sérieusement ». « Il nous semble, ainsi qu’au docteur parfaitement « cohérent, de considérer que, dans l’ordre de cause à effet, l’exercice des attributs divins est consécutif à leur existence ; et que le plan du Tout-Puissant est le résultat de sa connaissance infinie ; et que les décrets de son trône jaillissent de la source éternelle de sa sagesse. Cette idée, d’ailleurs, s’accorde avec l’Écriture : « Car ceux qu'il a préconnus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils » « élus selon la prescience de Dieu le Père » Le Dr F. dit : « Dans ces passages, la prédestination et le décret d’élection sont très clairement fondés sur la prescience. Cela doit donc régler la question. Dieu sait d’avance pour prédestiner ; mais il ne prédestine pas pour connaître d’avance.

La prescience n’est pas toujours utilisée dans un seul et même sens. Il se réfère tantôt à la nature des événements futurs, tantôt à leur existence réelle. Dieu connaît d’avance les événements futurs dans ces deux sens. Il sait à l’avance quels événements seront pour le mieux dans l’ensemble, et Il sait à l’avance quels événements se produiront réellement. Dans le premier sens, la prescience divine signifie la même chose que les préceptes de la sagesse divine. En ce sens, il est libre que les décrets divins sont fondés sur la prescience divine. Il savait d’avance de toute éternité quels événements seraient pour le mieux, et il décida qu’ils arriveraient ; et c’est ainsi qu’il connaissait d’avance leur existence réelle. Dans le premier sens, la prescience de Dieu est le fondement de ses décrets, et dans le dernier sens, elle est fondée sur ses décrets. La prescience doit sans doute être comprise dans le premier sens expliqué, dans les passages que nous venons de citer. On peut dire en cohérence avec la vérité et les faits, que « ceux que Dieu savait d’avance qu’il serait préférable de prédestiner ; il les a prédestinés à être conformes à l’image de son Fils. C’est aussi dans le même sens que les élus sont « élus selon la prescience de Dieu le Père ». Dieu savait d’avance qu’il serait préférable de les élire, et c’est pourquoi il les a effectivement élus selon cette connaissance préalable de ce qui était le plus sage et le meilleur. Mais ce n’est pas dans ce sens que le Dr F. entend se faire comprendre. Car, puisqu’il a l’intention de détruire l’argument des calvinistes, il doit naturellement avoir l’intention d’être compris comme insistant sur le fait que les décrets divins sont fondés sur cette sorte de prescience qui ne respecte pas seulement la nature, mais l’existence réelle des événements futurs. Mais que la prescience divine, dans ce dernier sens, soit antérieure aux décrets divins et que leur fondement soit manifestement absurde. L’absurdité de la théorie du Dr F. peut être facilement illustrée par des exemples.

Dieu savait d’avance que le monde existerait, et c’est pourquoi il décida qu’il devait exister. Il savait d’avance que Paul serait converti; et décida donc qu’il devait se convertir. Il savait d’avance que Pierre serait sauvé, et il décida donc qu’il devait être sauvé. Il savait d’avance que les morts ressusciteraient, et il décida donc qu’ils ressusciteraient . Il savait d’avance qu’il y aurait un jour de jugement, et il décida donc qu’il devait y en avoir. D’après le Dr F., la prescience de Dieu de l’existence du monde était antérieure à sa volonté, ou décret, et à son fondement. Dieu savait d’avance que le monde existerait avant qu’Il n’ait voulu qu’il existe. Il aurait donc connu d’avance l’existence du monde, même s’il n’en avait jamais voulu l’existence. On s’en souviendra, le Dr F., p. 4, a défini la prédestination comme étant « une prédétermination efficace pour provoquer ou accomplir tout événement futur ». Mais en quoi consiste « l’efficacité d’une détermination à provoquer ou à accomplir des événements futurs dont on sait d’avance qu’ils se produiront indépendamment de ces déterminations ?

Le docteur F. admettra-t-il qu’il y a des événements futurs, quels qu’ils soient, qui dépendent de la volonté divine ? S’il y a des événements futurs qui dépendent de la volonté divine, n’est-ce pas une contradiction de dire que la Divinité peut connaître d’avance ces événements avant de connaître sa propre volonté à leur égard , et même avant qu’elle ait une volonté à leur égard ? Si l’existence du monde, par exemple, dépendait de la volonté de Dieu ; comment pouvait-il savoir que le monde viendrait à l’existence, avant de savoir que c’était son intention de le faire exister ; Et même avant qu’une telle intention n’existât dans son propre esprit ?

« Mais (dit le docteur) la prescience est poussée dans cet argument sous une autre forme. » La prescience de Dieu, dit-on, équivaut à un décret, parce que, dans la mesure où Dieu ne peut pas être dans l’erreur, tout ce qu’il sait d’avance peut arriver, sa connaissance le rend certain. Il s’agit en effet d’un déplacement de l’argument ; car si la connaissance de Dieu rend un événement certain, il est évident que ce n’est pas sa prédétermination. Mais d’après cette notion, tout ce qui est contenu dans l’idée de prédestination est impliqué dans la prescience, ce qui ne fait que renvoyer le sujet, sur le terrain que l’on a d’abord regardé, que la connaissance et le décret ne font qu’un, ce qui est évidemment absurde. De plus, une telle idée rendrait les Écritures qui représentent la prescience de Dieu comme distinctes de son décret et antérieures à celui-ci, pires que l’insignifiance. « Ceux qu’il a connus d’avance, ceux qu’il a prédestinés » signifierait « ceux qu’il a prédestinés, ceux qu’il a prédestinés » – et « élu selon la prescience de Dieu » signifierait seulement « que le décret d’élection était selon le décret d’élection ! » L’absurdité de ce qui est trop évidente pour qu’il soit nécessaire de la commenter. Et l’on peut encore faire valoir, en réponse à cet argument, que la connaissance ou la prescience ne peut, dans la nature des choses, avoir le moins d’influence possible, en rendant un événement certain. Il n’est pas du tout difficile de concevoir comment la certitude d’un événement peut engendrer la connaissance ; Mais si quelqu’un pense que la connaissance est la cause de la certitude, qu’il le montre : pour moi un tel lien est inconcevable. Tout ce que Dieu connaît ou prévoit d’avance arrivera sans aucun doute. Mais la simple question est : l’événement a-t-il lieu parce qu’il est connu d’avance, ou est-il connu d’avance, parce qu’il aura lieu ? Ou en d’autres termes, Dieu sait-il qu’un événement est certain parce qu’il est certain, ou est-ce que le fait qu’il le sache certain le rend certain ? La question ainsi posée suggère tout de suite la vraie réponse ; car il serait considéré comme un insensé ou un fou, s’il affirmait sérieusement que la connaissance d’une certitude produisait cela certitude. D’après cela, il faut qu’il y ait une certitude pour être connue d’avance ; Et il faut le savoir d’avance, pour exister ! D’après tout ce qui ressort, cette prescience ne peut avoir aucune influence sur la certitude d’un événement futur."

Mais le Dr F. aurait pu s’épargner la peine de réfuter une erreur qu’aucun calviniste bien informé n’a jamais embrassée. Les calvinistes ne veulent pas dire que la prescience divine rend certains les événements futurs, selon la signification littérale de ce mot. S’ils emploient jamais le mot « fait » à ce propos, ils l’emploient dans un sens figuré et restreint. Tout ce qu’ils signifient, c’est que la prescience divine prouve que les événements futurs sont certains. Et c’est vraiment le cas. Il est impossible que Dieu sache à l’avance que les événements futurs arriveront, à moins qu’il ne soit infailliblement certain qu’ils s’accompliront. Cela, le Dr F. lui-même l’admet. Car il dit :

« Tout ce que Dieu sait ou prévoit d’avance arrivera sans aucun doute. Mais la question simple est : l’événement a-t-il lieu, parce qu’il est connu d’avance, ou est-il connu d’avance parce qu’il aura lieu ? Ou, en d’autres termes, Dieu sait-il qu’un événement est certain parce qu’il est certain, ou est-ce que le fait qu’il le sache être certain le rend certain ?"

Le Dr F. observe à juste titre :

« La question ainsi posée suggère la vraie réponse ; car il serait considéré comme un insensé, ou un fou, s’il affirmait sérieusement que la connaissance d’une certitude produit cette certitude."

Il est ici admis et prouvé par le Dr F. que la prescience divine démontre la certitude des événements futurs, et qu’elle dépend de cette certitude. Le Dr F. mérite les remerciements des calvinistes non seulement pour avoir concédé ce point important, mais pour l’avoir mis sous un jour si clair et si convaincant. J’ai dit que le docteur méritait leurs remerciements, parce que je ne veux pas soupçonner que le docteur ne voulait pas dire cela, et que son cœur ne le pensait pas.

Mais si toutes choses étaient connues d’avance, et par conséquent certaines de toute éternité, comme l’admet le docteur F., la question se pose tout naturellement : qu’est-ce qui les rendait certaines ? Est-ce le hasard ou la contingence qui les a rendus certains ? Le docteur F. n’a pas encore prouvé qu’il y ait quelque chose de tel que le hasard ou la contingence ; et j’ose nier qu’il existe quelque chose de semblable. S’il y avait quelque chose de tel que le hasard ou la contingence, il ne pourrait pas rendre les choses certaines. Car l’incertitude entre dans l’idée même de celle-ci. Elle ne peut donc pas être le fondement de la prescience divine, mais d’un autre côté, elle doit rendre contradictoire et absurde l’idée même de prescience.

Les événements futurs ont-ils été rendus certains de toute éternité par un autre être que Dieu ? Certainement pas. Aucun être ne peut agir comme cause avant sa propre existence. Dieu est le seul être dans l’univers qui a existé de toute éternité. Et par conséquent, aucun autre être n’aurait pu rendre certain de toute éternité que tous les événements futurs, quels qu’ils soient, arriveraient infailliblement. Les perfections divines pourraient-elles rendre certains les événements futurs, indépendamment de la volonté divine ? Non. Les perfections de Dieu ne peuvent assurer l’existence d’aucun événement futur, quel qu’il soit, que ce soit contre sa volonté ou indépendamment de sa volonté. Dieu n’accomplit rien par simple nécessité physique. Tout ce qu’Il fait, Il le fait par choix. Si Dieu n’avait jamais voulu l’existence des cieux et de la terre, le présent système d’événements n’aurait pas pu entrer en vigueur. Il est donc clair que cette certitude de tous les événements futurs de toute éternité ne dépendait d’aucune cause provenant de l’Être divin ; et qu’elle ne pouvait dépendre d’aucune cause dans l’Être divin, en dehors des conseils de sa volonté. Si la certitude de tous les événements futurs dépendait d’une cause quelconque, elle dépendait de la volonté divine ; et il démontre ainsi les décrets universels et éternels de Dieu. Le docteur dira-t-il donc que cette certitude ne dépend de rien ? C’est en vain qu’il dit qu’elle dépend maintenant de causes secondes. Car la question est de savoir de quoi dépendait cette certitude connue avant qu’il n’y eût des causes secondaires. Le docteur F. dira-t-il qu’avant qu’existassent les causes secondes, cette certitude antérieure, infailliblement connue de Dieu, ne dépendait de rien ? Si oui, quelle est la différence entre le Dr F. théorie sur ce sujet, et le fatalisme ? Le fatalisme enseigne que toutes choses étaient certaines de toute éternité, mais que cette certitude ne dépend ni de la volonté divine, ni de l’existence divine, ni d’aucune cause quelconque. Le Dr F. pense, p. 14, que « le fatalisme est presque allié à la prédestination calvinienne » ! Mais si le Dr F. veut soutenir que cette certitude antérieure et éternelle des événements futurs ne dépendait pas de la volonté divine, alors sa théorie sur ce sujet n’est pas simplement « alliée » au fatalisme, mais en est l’essence même et la quintessence. C’est pourquoi, nous l’espérons, le Dr F. s’arrêtera et réfléchira sérieusement. Car « la doctrine du Destin," a-t-il dit lui-même, "est l’élément dans lequel l’infidélité vit, se meut et a son être. »