Ce discours a déjà reçu une part inhabituelle de l’attention du public. L’habileté avec laquelle le Sermon est écrit, et la célébrité de son auteur, lui ont donné une assez grande diffusion ; et beaucoup pensent que le Dr Fisk a, dans ce discours, mis le sujet de la prédestination et de l’élection pour toujours au repos ; et que l’arminianisme a maintenant remporté une victoire complète et décisive. Mon but dans ce numéro, et dans plusieurs numéros suivants, est de m’enquérir du bien-fondé de ce discours.
Le texte est contenu dans Éph. i. 4 et 5.
" selon qu'il nous avait élus en lui avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et irrépréhensibles devant lui en charité; nous ayant prédestinés pour nous adopter à soi par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté;"
Le Dr F. commence ainsi son discours :
Dans ce passage, les doctrines apparentées de la prédestination et de l’élection sont mis en évidence. Les discuter, relever quelques erreurs à leur sujet, et exposer ce que l’on croit être le point de vue scripturaire et rationnel de ces doctrines, tel est l’objet proposé du présent discours.
Le Dr F. aborde son sujet en examinant hardiment :
I. La prédestination en général —
II. La prédestination, dans sa relation particulière avec la doctrine de l’élection.
I. Par prédestination, nous entendons une prédétermination efficace pour provoquer ou accomplir tout événement futur. Mais comme Dieu seul a la connaissance pour comprendre l’avenir, et le pouvoir de diriger et de contrôler les événements futurs, la prédestination, dans un sens propre et strict, ne peut être utilisée qu’en référence à Lui. Et en ce qui concerne Dieu, la prédestination est cette détermination efficiente qu’il a maintenue de toute éternité, en ce qui concerne le contrôle, la direction et la destinée des lois, des événements et des créatures de l’univers.
Mais qu’est-ce que le Dr F. entend par une « prédétermination » efficace ? La définition du Dr semble confondre les décrets divins avec l’Agencement divin. Mais ceux-ci, bien qu’inséparablement liés, sont entièrement distincts les uns des autres. La prédestination est, en effet, une prédétermination. Mais les prédéterminations divines ne sont pas la cause efficiente de quoi que ce soit. L’efficacité réside entièrement dans l’agencement Divin qui met ces prédéterminations à exécution. Le Dr procède :
« Que Dieu ait eu une prédétermination de ce genre, il ne peut y avoir aucun doute, et par conséquent, sur ce fait, il ne peut y avoir de contestation. Mais le motif de la controverse est l’étendue illimitée dans laquelle certains ont porté cette idée de prédestination. Calvin, à ce sujet, dit — « Toute action et tout mouvement de toute créature est gouverné par le conseil caché de Dieu, de sorte que rien ne peut arriver qui n’ait été ordonné par lui. » Le Catéchisme de l’Assemblée est similaire — « Dieu a, de toute éternité, ordonné immuablement tout ce qui arrive. » Et M. Buck définit la prédestination comme signifiant : « Le décret de Dieu, par lequel il a, pour sa propre gloire, prédestiné tout ce qui arrivera. Avec ces définitions qui, on le voit, sont les mêmes en substance, s’accordent tous les théologiens calvinistes d’Europe et d’Amérique. D’autres se sont opposés à cette conception de la prédestination, et nous nous avouons nous-mêmes de ce nombre. Nous croyons que le caractère et les actes des êtres intelligents, du moins en ce qui concerne leur responsabilité morale, ne sont pas définitivement fixes et efficaces par le dessein inaltérable et le décret efficace de Dieu. C’est donc ici qu’il s’agit."
Sur ce passage, je voudrais simplement faire remarquer que Je ne connais pas de théologiens calvinistes qui croient que les actions humaines ou tout autre événement sont « efficacement produits par le dessein inaltérable et le décret efficace de Dieu ». Les théologiens calvinistes, présume-t-on, ne confondent généralement pas ainsi les décrets divins avec l’action divine. Le Dr F., cependant, veut évidemment nier que Dieu ait décrété aucun des exercices et des actions morales de ses créatures ; et qu’il provoque l’un ou l’autre de leurs exercices et actions moraux par son propre agent. Car il dit :
"Nous croyons, avec les rigides prédestinariens, que Dieu a fixé les lois du monde physique et moral, et qu’il a un plan général, adapté à toutes les circonstances et à toutes les éventualités de son gouvernement ; mais qu’il ne fait pas partie de ce plan, efficacement pour contrôler et mettre en œuvre la volonté humaine."
Le Dr F. ne croit donc pas qu’il soit convenable de dire aux saints ou aux pécheurs comme Paul l’a fait : « car c'est Dieu qui produit en vous avec efficace le vouloir, et l'exécution, selon son bon plaisir. », car « il n’entre pas dans ce plan de contrôler et d’agir efficacement la volonté humaine ». Il ne croit pas que Dieu ait sérieusement l’intention que « son peuple soit disposé au jour de sa puissance », car cela ferait partie du plan divin de contrôler et d’agir la volonté humaine. D’après le Dr F., la régénération et la sanctification ne « contrôlent et n’agissent pas efficacement sur la volonté humaine » : elles ne produisent ni amour, ni repentance, ni foi, ni aucun exercice volontaire de quelque nature que ce soit. D’après le Dr F., rien de ce genre ne fait partie du plan divin. Le Dr F. croit « que Dieu a un plan général, adapté à toutes les circonstances et à toutes les éventualités de son gouvernement ». Par « contingences », je conclus que le Dr F. entend des événements qui se produisent par hasard, ou des événements qui ne dépendent d’aucune cause en eux-mêmes ; et parmi ceux-ci, je présume qu’il inclurait tous les exercices et actions volontaires de l’humanité, qu’il attribue à un « principe autodéterminé de la volonté ». Or, qu’est-ce que le docteur F. entend par ce « plan général qui convient à toutes ces éventualités » ? Veut-il simplement dire que c’est le plan de Dieu de récompenser ses créatures selon qu’elles auront la chance d’être obéissantes, et de les punir en conséquence comme elles auront la chance d’être désobéissantes ? Si leur obéissance et leur désobéissance sont contingentes, ou dépendent du simple hasard, il est difficile de concevoir comment le plan de gouvernement de Dieu puisse jamais régler les destinées de l’une ou l’autre de ses créatures. Car s’il arrive aux hommes de se repentir aujourd’hui, ils peuvent commettre demain le péché impardonnable. S’ils se trouvent par hasard dignes du ciel à la mort, ils peuvent se rebeller comme le firent les anges déchus après qu’ils furent entrés dans les demeures des bienheureux. L’idée même de hasard ou de contingence dans les événements qui se produisent, exclut l’idée de prescience et même de conjecture à leur sujet. L’idée même donc d’un plan adapté aux contingences est absurde. Un plan adapté aux contingences est un plan adapté au hasard. Et un plan adapté au hasard est un plan adapté à des incertitudes incalculables et innombrables.
Mais qu’est-ce que le Dr F. veut dire par le fait que Dieu a un « plan général » ? Croit-il que Dieu gouverne le monde moral ? Il dit : « Nous croyons avec les rigides prédestinariens, que Dieu a fixé les lois du monde physique et moral. » Qu’est-ce donc que le Dr F. entend par les « lois du monde moral » ? Parle-t-il des lois qui régissent la conduite volontaire de l’humanité ? Si « il n’entre pas dans le plan de Dieu de contrôler et d’agir efficacement la volonté humaine », il est difficile de voir comment on peut dire que Dieu gouverne la conduite volontaire de l’humanité du tout ; ou comment on peut dire qu’il exerce un gouvernement convenable sur le monde moral. Peut-être le Dr F. dira-t-il : Dieu gouverne le monde moral en les motifs, les récompenses et les punitions. Mais si Dieu gouverne ainsi ses créatures Seulement, son gouvernement serait extrêmement limité. Ces motifs, ces récompenses et ces les châtiments ne doivent pas venir de l’instrument humain, mais directement et immédiatement de la main de Dieu. Car on ne peut pas dire qu’il les dispense par l’intermédiaire de l’homme, à moins qu’il ne gouverne cet instrument en contrôlant la volonté humaine. D’ailleurs, comment peut-on dire que Dieu gouverne l’humanité, même par des motifs, des récompenses et des punitions, si « cela ne fait pas partie de son plan de contrôler et d’agir efficacement la volonté humaine » ? Le Dr F. dira-t-il que Dieu gouverne les nations et le royaume ? ? Il est facile d’admettre qu' « il fait ce qui lui plaît, tant dans l’armée des cieux, que parmi les habitants de la terre » ; que « LE cœur du roi est en la main de l’Eternel comme des ruisseaux d’eaux, il l’incline à tout ce qu’il veut." Mais c’est difficile concevoir comment il peut gouverner les nations sans gouverner les individus qui les composent ; ou comment il peut gouverner des dirigeants ou des sujets sans contrôler la volonté humaine.
Le Dr Fisk applique le terme d’ultra-prédestinariens aux calvinistes. Je n’entreprendrai pas pour le moment de déterminer s’il a rendu justice aux calvinistes ou à sa propre réputation.
Le Dr F. propose d’abord d’entendre et de répondre les arguments en faveur du système calviniste, puis d’apporter des arguments contre lui. Il dit :
« Les partisans de ce système (calviniste) s’efforcent d’établir leurs vues par un triple argument. La prescience de Dieu, la nécessité d’un plan, et le témoignage des Écritures."
Il entreprend alors d’énoncer le premier argument qu’il dit :
"Le premier argument est fondé sur la prescience. On prétend parfois que la prédestination et la prescience sont la même chose. Ceci, cependant, n’est pas insisté par les plus judicieux maintenant » ;
Il aurait dû dire qu’il n’a jamais insisté de la part des plus judicieux, mais qu’ils l’ont toujours nié. Après avoir clairement réfuté cette erreur, le Dr observe :
« L’argument le plus courant et le plus plausible est que la prescience de Dieu implique nécessairement la prédestination. « Comment," demandent-ils, peut-on prévoir une action qui s’accomplit réellement, si elle est n’est pas déterminé ? Dieu savait d’avance toutes choses dès le commencement, mais il n’aurait pas pu le savoir, s’il ne l’avait pas décidé ainsi. « Dieu, dit Piscator, ne prévoit que ce qu’il a décrété, et son décret précède sa connaissance. » Et Calvin dit : « Dieu connaît donc d’avance toutes choses qui arriveront, parce qu’il a décrété qu’elles arriveront. »
Après ce bref exposé de l’argument, le Dr F. entreprend de le réfuter.
"Mais à cette idée, dit-il, il y a des objections insurmontables. La prescience est un attribut essentiel de la nature divine. Mais la détermination de faire ceci ou cela n’est pas essentielle à la nature divine."
Mais comment semble-t-il que la prescience ou la pré-connaissance de Dieu soit plus essentielle à la nature divine que ne le sont ses déterminations ? Ôtez-lui sa prescience et il cesse d’être Dieu ; et ôtez ses déterminations sages et bienveillantes et Il cesse d’être Dieu. Mais le Dr F. entreprend de prouver ce point par un cas concret. Il parlera pour lui-même. — « Car si nous pouvons voir, Dieu pourrait décider de faire une planète particulière, ou non et dans l’un et l’autre cas, la perfection de sa nature n’est pas affectée. Mais comment cela prouve-t-il que les déterminations divines ne sont pas essentielles à la nature divine ? Dieu devrait-il décider de faire une planète particulière ou de ne pas la faire; dans un cas comme dans l’autre, il doit avoir une certaine détermination. C’est essentiel au Divin nature que Dieu ait une décision sur le sujet, soit que la planète devrait exister ou ne pas exister. Elle est également essentielle à la nature divine que Dieu prenne cette décision à ce sujet, ce qui est le plus sage et le meilleur. Et l’on peut dire la même chose de tout autre événement que l’on peut supposer. Comment apparaît-il, que les décrets divins ne sont pas aussi essentiels à la nature divine que les prescience divine ? Dans le cas que le Dr F. a mis en avant, la prescience divine ne peut pas s’étendre plus loin que les décrets divins. Si Dieu avait décidé de créer un planète, Il aurait connu d’avance son existence. S’il avait décidé de ne pas la créer, il n’aurait pas pu en connaître d’avance l’existence, mais il aurait dû en connaître d’avance la non-existence. Par conséquent, en l’espèce, sa prescience devait être à la fois proportionnée à son décret et fondée sur lui. Le Dr procède. —
« Mais connaître est si essentiel pour lui, qu’au moment où il cesse de connaître tout ce qui est, ou pourrait être, dans une éventualité possible, il cesse d’être Dieu. »
Il est librement admis que Dieu ne peut cesser de connaître d’avance les événements futurs qu’il a décrétés sans cesser d’être Dieu.
Mais il n’est pas du tout clair qu’il doive cesser d’être Dieu en ne connaissant pas à l’avance les événements futurs qui viennent à l’existence sous l’effet d’une « contingence » ou par hasard. Il n’est pas moins absurde de supposer que l’Omniscience puisse prévoir des événements absolument incertains ; que l’Omnipotence peut produire des événements qui sont absolument impossibles. L’omniscience ne peut pas plus opérer une contradiction que l’omnipotence. Mais écoutons Le Dr F. un peu plus loin...
"N’est-il donc pas absurde, pour le moins, de faire dépendre un attribut essentiel de la Divinité de l’exercice de ses attributs ? — La prescience divine dépend de ses décrets et de ses déterminations ?"
Mais il n’y a pas plus de convenance à appeler la prescience divine un attribut essentiel de la Divinité, qu’à appeler ses décrets tels. L’un et l’autre nécessairement des attributs divins ; mais ni l’un ni l’autre ne constitue un attribut essentiel de la Déité. La détermination de Dieu est un exercice de son cœur, et sa prévoyance ou sa prescience est un exercice de son intelligence. Il y a une différence entre la connaissance essentielle de Dieu et sa prescience. Sa connaissance essentielle comprend ses propres perfections, et par là tout ce qui est possible. Mais sa prescience comprend ses propres décrets, et par là tous les événements futurs. Le Dr. dit :
« Il semblerait, par cet argument, que, sinon dans l’ordre des temps, du moins dans l’ordre de la pensée, et dans l’ordre de la cause et de l’effet, les exercices d’un attribut précèdent l’attribut lui-même ; Et en un mot, l’attribut doit être exercé comme une cause pour le faire exister ! C’est à cette conclusion monstrueuse que nous sommes conduits en suivant cet argument."
C’est, en effet, une « conclusion monstrueuse », et il est difficile de voir comment un homme de la capacité et de l’ingénuité du Dr Fisk pourrait y être conduit en suivant l’argumentation. L’argumentation du Dr est essentiellement la suivante : Si la prescience divine dépend des décrets divins, alors la prescience divine dépend évidemment d’elle-même ; et elle est la cause de sa propre existence : puisque les décrets et la prescience sont une seule et même chose. C’est la seule façon concevable par laquelle le Dr pourrait arriver à cette « Conclusion monstrueuse. » Il semble donc, d’après le raisonnement du docteur lui-même, que « l’on prétend quelquefois que la prédestination et la prescience sont la même chose. » Pourtant, nous l’avions supposé, avec le Dr lui-même, p. 5.
Mais ce n’est pas ce sur quoi les plus judicieux insistent maintenant. Car il est évident que connaître et décréter sont des opérations distinctes, et pour quiconque connaît la définition commune des termes, ils doivent véhiculer des idées distinctes et différentes. Et si ce sont là des idées distinctes dans l’esprit humain, elles doivent l’être aussi dans l’esprit divin, à moins qu’il ne puisse être démontré que ces termes, lorsqu’ils sont appliqués à Dieu, ont un sens entièrement différent de celui par lequel ils sont compris parmi les hommes. Et comme on ne peut pas prétendre que cela se fait », il n’est pas étonnant que le Dr ait été conscient qu’il avait été conduit à une « conclusion monstrueuse ».