NUMÉRO XI.

J’ai maintenant montré que le Dr Fisk n’a pas réfuté les arguments qu’il prétend réfuter ; et qu’il n’a soulevé aucune objection solide contre la doctrine en question. Mais avant de rejeter la doctrine de la prédestination, je dois insister sur quelques arguments en sa faveur, que le Dr n’a pas encore examinés.

Le premier argument que j’avancerai ici est fondé sur la dépendance des créatures. La dépendance constante et entière est impliqué dans l’idée même d’une nature créée. L’indépendance est un attribut sous-jacent, essentiel et incommunicable de l’Être Divin. L’action indépendante ne peut appartenir qu’à l’existence indépendante. L’existence indépendante est l’existence de soi. Et l’existence du soi est nécessairement non dérivée et éternelle. Il faut exister pour agir ; et exister de manière indépendante afin d’agir de manière indépendante. Supposer donc que Dieu nous a communiqué une puissance indépendante d’agir, c’est supposer qu'Il nous a communiqué une existence indépendante. Et de supposer qu’Il a nous a communiqué une existence indépendante, c’est supposer qu’il a communiqué à ses créatures une existence incréée. La dépendance nécessaire, constante et entière des créatures à l’égard de Dieu démontre donc clairement que « de lui, et par lui, et pour lui, sont toutes choses », et qu’il opère littéralement toutes choses selon le conseil de sa propre volonté. '

Mon argument suivant est fondé sur la relation de cause à effet. Tout ce qui n’existe pas par nécessité est un effet, et doit avoir une cause adéquate à sa production. À moins que cela ne soit admis, on ne peut pas démontrer qu’il existe des effets ; et dans ce cas, nous n’aurions plus aucun moyen de prouver l’existence de Dieu. Nier donc que tout ce qui n’existe pas par nécessité soit un effet, conduit directement à l’athéisme. Or, les créatures n’existent pas par la nécessité de leur propre nature, et par conséquent ne peuvent se mouvoir et agir par aucune de ces nécessités. C’est pourquoi tous nos mouvements et toutes nos actions sont des effets. Chacun d’entre eux doit avoir une cause. Mais la cause première de toutes choses, c’est Dieu, et puisque toute la chaîne des causes et des effets dépend de sa volonté, il faut qu’il ait préordonné tout ce qui arrive.

Mon troisième argument est fondé sur la certitude des événements futurs. Cet argument est en effet semblable à celui fondé sur la prescience divine ; mais elle peut être présentée sous un jour différent. Il était à jamais vrai, que toutes choses arriveraient comme elles arrivent, et ce qui était toujours vrai, était à jamais certain. Il était donc certain de toute éternité que tous les événements se produiraient exactement comme ils se produisent réellement. Mais de quoi dépendait cette certitude ? Ne dépendait-il de rien ? Dire qu’il ne dépendait de rien, c’est la doctrine du fatalisme, ce qui est une absurdité grossière. Elle a donc dû dépendre de quelque chose, soit dans l’Être divin, soit hors de l’Être divin. Cette certitude, de toute éternité, ne pouvait dépendre d’aucune cause provenant de l’Être divin ; car aucune autre cause n’a existé de toute éternité. Cette certitude antérieure devait donc dépendre d’une cause quelconque dans l’Être divin. Cette cause n’était pas seulement les perfections divines. Les perfections de Dieu ne peuvent assurer l’existence d’aucun événement, indépendamment de la volonté divine. Cette certitude antérieure doit donc avoir dépendu de la volonté divine, et Dieu doit avoir ordonné d’avance tout ce qui arrive.

Mon quatrième argument est fondé sur les perfections divines. Dieu est infini, immuable et éternel, dans toutes les perfections de sa nature. Mais la négation des décrets divins met virtuellement en accusation les perfections divines.

Elle met en doute la sagesse divine. C’est le domaine de la sagesse parfaite de discerner la meilleure fin et de concevoir les meilleurs moyens de l’accomplir. La sagesse parfaite de Dieu a dû, de toute éternité, discerner et dicter le meilleur plan d’opération possible ; un plan comprenant tous les événements qui seraient nécessaires au plus grand bien, et excluant tout événement qui serait inutile à cette fin. Si Dieu a agi selon les préceptes de la sagesse infinie ; alors il a, de toute éternité, choisi l’existence de tous les événements qui étaient nécessaires, et la non-existence de tous ceux qui étaient inutiles au plus grand bien. Mais s’Il a fait cela, alors Ses décrets s’étendent à tout ce qui arrive. Dire qu’il n’a pas fait cela, c’est donc la même chose que de dire que sa volonté n’est pas sous la direction d’une sagesse infinie ; et qu’Il est imprudent dans la pratique.

Nier les décrets universels de Dieu, c’est mettre en doute sa bonté.

La bonté est volontaire par nature. Elle consiste essentiellement en la bonne volonté, ou l’intention bienveillante. C’est là aussi l’essence même des décrets divins. Limiter les décrets de Dieu, c’est donc limiter sa bonne volonté ; et limiter sa bonne volonté, c’est limiter sa bonté. Dire que ses décrets ne sont pas universels, c’est la même chose que de dire que sa bonté n’est pas universelle. Si ses décrets ne s’étendent pas à tout ce qui arrive, sa bonté ne s’étend pas. La bonté de Dieu doit nécessairement choisir l’existence de tous les événements qui sont nécessaires, et la non-existence de tous les événements qui sont inutiles au plus grand bien. Nier l’universalité de ses décrets, c’est donc nier l’universalité de ses intentions bienveillantes, et mettre en doute sa bonté.

Nier que Dieu ait décrété quoi que ce soit arrive, c’est mettre en doute sa puissance. C’est la même chose que de dire que certains événements existent indépendamment de sa volonté et sont au-dessus de son contrôle. Ceux qui soutiennent que Dieu n’a pas décrété les exercices moraux de ses créatures, affirment, et trouvent nécessaire d’affirmer, pour maintenir leur terrain, que Dieu ne peut pas causer les exercices moraux de ses créatures. Mais affirmer cela, c’est mettre en doute la puissance divine. Il y a trois cas où l’on peut dire, sans limiter la puissance de Dieu, qu’Il ne peut pas faire certaines choses. 1. Il y a des choses qu’il ne peut pas faire, simplement parce qu’elles sont contre sa volonté. Ce mode d’expression dénote une incapacité morale de la part de Dieu, et non une incapacité naturelle. Ainsi : quand on dit que Dieu ne peut mentir, ni manquer à sa promesse, ni faire le mal, le sens est qu’il ne le fera pas, ou, ce qui est la même chose, qu’il est volontairement et immuablement vrai, fidèle et juste. 2. On peut dire avec révérence que Dieu ne peut pas causer ce qui existe par la nécessité de sa propre nature. Il ne peut pas créer d’espace ; car l’espace existe par la nécessité de sa propre nature. Il ne peut pas faire en sorte que deux et deux soient égaux à quatre ; car deux et deux sont égaux à quatre, par la nécessité de leur propre nature. Ces choses ne dépendent pas de la volonté divine, parce qu’elles ne peuvent pas dépendre d’elle. 3. Il est juste de dire que Dieu ne peut pas faire ce qui implique une contradiction. Il ne peut pas faire en sorte qu'une chose existe et n'existe pas en même temps. Il ne peut pas rendre le tout moins que ses parties. Il ne peut pas faire d’une créature un créateur. Il ne peut pas communiquer l’existence de soi ; ni faire de la dépendance, de l’indépendance, Dieu n’a pas le pouvoir de faire ces choses, parce qu’elles ne sont pas les objets du pouvoir. L’existence même de ces choses implique une contradiction et une absurdité.

Mais aucun des cas mentionnés ci-dessus ne s’applique aux exercices moraux des hommes. Ceux qui nient les décrets universels de Dieu ne veulent pas dire, simplement, qu’Il est moralement incapable pour provoquer les exercices moraux des hommes. Ils ne veulent pas dire qu’Il ne peut pas les causer, simplement parce qu’Il ne le veut pas. Ils ne peuvent pas maintenir leur position sans nier que les décrets et le libre arbitre de Dieu sont compatibles avec le libre arbitre moral des hommes. Ils ne peuvent pas signifier de manière cohérente que, si Dieu décrète et provoque les exercices moraux des hommes ; alors ils n’ont pas d’exercices moraux, à décréter et à causer. Ils ne peuvent pas le signifier de manière cohérente ; car ce serait là une pure cantradiction et une absurdité. Et s’ils ne veulent pas dire cela, quand ils disent, que la prédestination détruit notre libre arbitre moral ; alors ils doivent signifier, s’ils ont un sens, que les exercices moraux sont d’une nature telle qu’ils ne peuvent pas être produits par la puissance divine. Or, si l’existence de nos exercices moraux était en elle-même nécessaire ; ce ne serait pas limiter la puissance de Dieu que de dire qu’Il ne peut pas les causer. Mais ils n’existent pas par une nécessité de la nature. Ce n’est même pas ce que prétendent les arminiens. Dira-t-on alors que Dieu ne peut pas faire exister les exercices moraux, parce que leur existence comporte une contradiction et une absurdité ? Sûrement pas. Les exercices moraux dans le cœur des hommes existent en réalité ; et aucune réalité ne peut être ni contradictoire ni absurde. Or, si l’existence de nos exercices moraux n’est pas en elle-même nécessaire, et si leur existence n’implique ni contradiction ni absurdité ; alors c’est une limitation de la puissance de Dieu, de dire qu’Il ne peut pas les causer. Car la toute-puissance peut faire exister n’importe quelle chose dont l’existence n’est pas nécessaire en elle-même, et dont l’existence n’implique pas de contradiction ou d’absurdité. La négation des décrets divins conduit donc à directement à une limitation de la puissance de Dieu, et à la négation de sa Toute-Puissance.

Mon cinquième argument est fondé sur l’absurdité d’un principe d’autodétermination. Ceux qui nient que Dieu ait décrété les exercices volontaires des hommes ; ne peuvent pas se maintenir sans s’en tenir à un principe d’autodétermination dans la volonté humaine. Un tel principe d’autodétermination est absurde. Son absurdité, je l’ai déjà partiellement exposée. J’ai montré qu’il implique l’absurdité que nous choisissons et existons par la nécessité de notre nature ; ou l’absurdité que chacun de nos choix est produit par une série infinie de choix, que nous avons avant de commencer à choisir ; ou l’absurdité que chacun de nos choix est causé par une série sans fin d’actes causants involontaires ; ou l’absurdité, que nos choix naissent tous par hasard.

Ce principe d’autodétermination, cependant, comporte d’autres absurdités et incohérences. Un principe autodéterminé est un principe indépendant. Et pour ce principe indépendantnous devons naturellement être dépendants, Un principe autodéterminé dans les créatures implique donc l’absurdité d’une espèce dépendante d’indépendance .

Un principe d’autodétermination est un principe ingouvernable. Et ce principe ingouvernable dans les créatures doit être un principe créé. Un principe d’autodétermination dans les créatures implique donc l’absurdité que Dieu a créé ce qu’il ne peut pas gouverner.

Un principe autodéterminé est un principe d’origine. Et un principe originel de choix, c’est un principe créateur, un principe qui produit quelque chose à partir de rien. Et ce principe créateur dans les créatures est lui-même créé. Un principe de choix autodéterminé, chez les créatures, implique donc l’absurdité que Dieu a créé une puissance créatrice.

Un principe d’autodétermination dans la volonté humaine est incompatible avec la doctrine de la régénération. Dieu a dit que « son peuple sera disposé au jour de sa puissance ». Mais il est aussi impossible qu’un principe qui se détermine lui-même soit changé, qu’un principe existant par lui-même soit anéanti. Un principe autodéterminé ne peut être modifié par aucune cause extérieure ; et il ne se changerait jamais lui-même. Ses opérations seraient semblables à celles de cette machine idéale, appelée « mouvement perpétuel », produisant toujours le même genre de résultats. Il est évident qu’il ne peut y avoir aucun changement dans un principe qui se détermine lui-même, à moins que ce principe ne consiste dans le hasard, de manière à rendre nos actes de choix absolument contingents et incertains. Si c’est là le sens d’un principe qui se détermine lui-même, et que les hommes le possèdent, alors il est impossible à Dieu de convertir un pécheur, et il dépend du hasard s’il se convertira lui-même. Il serait impossible à Dieu de sanctifier les saints, et il dépendrait entièrement du hasard s’ils se sanctifieraient eux-mêmes. Il serait impossible à Dieu de confirmer les saints dans la sainteté après leur arrivée au ciel, et il dépendrait du hasard s’ils resteraient saints et resteraient dans ce lieu saint et heureux. Un principe autodéterminé est donc incompatible avec la doctrine de la régénération, la doctrine de la sanctification et les promesses de la vie éternelle.

La maxime dominante sur laquelle repose la théorie d’un principe autodéterminé, est incompatible avec la doctrine de la dépravation humaine. Cette maxime est que la qualité d’un acte appartient à sa cause ou à son origine. Et cette maxime renverse la doctrine de l’homme dépravation. Si l’on dit que nos choix pécheurs sont causés par un principe d’autodétermination ; Cette maxime transférera toute notre dépravation à ce principe d’autodétermination. Mais ce principe qui se détermine lui-même doit aussi avoir une cause, et cette cause doit être Dieu. Cette maxime transférera donc toute notre dépravation à ce principe autodéterminé, et de là à notre Créateur. Que nos choix soient causés par ce qu’ils peuvent, cette maxime transférera la culpabilité d’eux d’une cause à une autre, jusqu’à ce qu’elle atteigne la cause première de toutes choses. Si l’on dit que nos choix sont le fruit du hasard ; Cette maxime transmettra toute notre dépravation au hasard. Si l’on disait que nos choix n’ont ni cause, ni origine, cette maxime ne fixerait nulle part le blâme. Si nos choix sont tous l’effet d’un choix, cette maxime transférerait toute notre dépravation à un choix antérieur à notre premier choix. Par conséquent, la maxime fondamentale sur laquelle repose la théorie d’un principe autodéterminé, renverse entièrement la doctrine de la dépravation humaine. Soit elle chasse toute dépravation de l’univers, soit elle la réprime entièrement sur Dieu.

Un principe d’autodétermination dans la volonté humaine est incompatible même avec cette théorie de la persuasion morale, que les arminiens ont inventé, afin de se tirer des difficultés et des absurdités embarrassantes de leur système. Un principe autodéterminé, c’est un principe qui est indépendant de tout et l’influence étrangère. Un principe qui se détermine lui-même est un principe qui n’est pas et qui ne peut être déterminé par la vérité, le devoir ou l’intérêt. Elle ne peut être mue par des préceptes ou des interdictions, des promesses ou des menaces, des récompenses ou des punitions, ou par quelque motif que ce soit. Ce principe d’autodétermination, sur lequel est bâtie la négation de la prédestination, est de toutes les absurdités la plus absurde. Et si la négation de la prédestination conduit à des absurdités, la doctrine doit être vraie.